compte rendu intégral

Présidence de Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Secrétaires :

MM. Philippe Adnot, Jackie Pierre.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d’un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre de la franchise sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux et les transports sanitaires.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales.

3

Ratification d’ordonnances : création de l’Agence nationale de santé publique et diverses dispositions relatives aux produits de santé

Adoption en procédure accélérée de deux projets de loi dans les textes de la commission, après procédure d’examen en commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du Gouvernement, les explications de vote et le vote sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (projet n° 864 [2015-2016], texte de la commission n° 56, rapport n° 55) ainsi que sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé (projet n° 12, texte de la commission n° 57, rapport n° 55).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes seraient discutés selon la procédure d’examen en commission prévue par l’article 47 ter du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble des textes adoptés par la commission.

La commission des affaires sociales, saisie au fond, s’est réunie le mercredi 19 octobre pour l’examen des articles et l’établissement des deux textes. Le rapport a été publié le jeudi 20 octobre.

Avant de mettre successivement aux voix l’ensemble de chacun des deux textes adoptés par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 ter, alinéa 11, de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pendant dix minutes, et, enfin, à un représentant par groupe, pour sept minutes.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après leur examen en commission des affaires sociales la semaine dernière, nous sommes réunis ce matin pour examiner, selon une procédure simplifiée, le projet de loi ratifiant l’ordonnance portant création de l’Agence nationale de santé publique et le projet de loi ratifiant l’ordonnance portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

En premier lieu, je veux évoquer devant vous le projet de loi ratifiant l’ordonnance portant création de l’Agence nationale de santé publique.

Avec l’Agence nationale de santé publique, nous avons réussi à réunir dans une même maison l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS. Ce regroupement était indispensable : d’abord, pour simplifier et rendre plus lisible le paysage des opérateurs en santé publique en France ; ensuite, pour rendre notre système plus performant, en permettant aux meilleurs experts et aux meilleurs scientifiques de partager leurs compétences, de regrouper leurs savoirs, tout cela pour protéger au mieux l’état de santé des Français.

Du fait de ce regroupement, l’Agence nationale de santé publique a vocation à intervenir dans l’ensemble du champ de la santé publique, de la production de connaissances à la préparation face aux menaces et à la gestion de crise sanitaire. Elle doit aussi élaborer des réponses efficaces dans le vaste champ de la promotion de la santé et de la prévention, en particulier dans la lutte contre le tabac et les questions relatives à la nutrition.

L’ordonnance qu’il vous est proposé de ratifier organise la création de l’ANSP en tant qu’établissement public administratif. Elle définit ses missions, ses compétences, ses moyens d’intervention, son champ d’action, ses modalités de fonctionnement, notamment celles qui sont relatives à son administration, à son personnel et à ses ressources. L’ordonnance fixe également les dispositions transitoires ayant accompagné sa mise en place.

Un article 1er bis a été introduit dans le projet de loi pour permettre à deux représentants de l’Assemblée nationale et à deux représentants de votre assemblée de siéger au conseil d’administration de l’ANSP. Le Gouvernement a soutenu cet article, qui permettra d’associer plus encore le Parlement à la définition d’une nouvelle politique de santé publique.

À l’inverse, le Gouvernement regrette l’adoption, lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, d’un amendement modifiant l’article 2, dont l’objet était de rétablir la référence à l’ANSP dans deux habilitations prévues par l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé. La suppression pure et simple de l’habilitation à légiférer par ordonnance prévue à l’article 166 mettrait un frein au travail déjà engagé depuis plusieurs mois. J’ai bien évidemment entendu le souhait exprimé par la commission que cette réforme puisse se faire par un autre biais que celui du recours à une ordonnance, mais, vous le savez bien, dans une session parlementaire extrêmement courte, cela ne sera tout simplement pas possible.

En second lieu, je veux parler du projet de loi ratifiant l’ordonnance portant simplification de procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Depuis sa création, l’ANSM est un lieu de référence pour l’évaluation, l’expertise et les prises de décisions relatives aux médicaments et aux produits de santé. En quelques années seulement, l’ANSM est devenue une agence reconnue en France et à l’échelon international ; il nous faut maintenant encourager son développement et renforcer ses missions pour améliorer encore la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé.

Je veux revenir dans le détail sur les trois articles de ce projet de loi.

L’article 1er, qui tend à ratifier l’ordonnance du 15 juillet 2016, a pour ambition de simplifier, en supprimant certaines procédures devenues obsolètes et certaines procédures administratives. Désormais, certaines publications seront directement renvoyées à la décision du directeur de l’Agence et non plus à un arrêté du ou de la ministre chargée de la santé.

L’article 2 vise à expérimenter, pour les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques, la déclaration à un organisme désigné par décret en Conseil d’État des quantités de médicaments et de produits qu’ils ont acquis et qui ne sont pas consommés au sein du système de santé français, c’est-à-dire des médicaments qui sont exportés. Cette expérimentation, qui aura lieu sur trois ans, a été annoncée par le Premier ministre lors du lancement du Conseil stratégique des industries de santé le 11 avril 2016. Cette mesure vient, bien sûr, en complément des mesures de lutte contre les ruptures d’approvisionnement de médicaments prises en application de la loi de modernisation de notre système de santé pour lesquelles tous les textes d’application ont été publiés.

Enfin, l’article 3 a pour objet de transposer la directive européenne relative aux procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules importés. Cette directive encadre les conditions de l’importation par les États membres de l’Union européenne de tissus et cellules en provenance des pays tiers. Ces nouvelles dispositions répondent à un objectif de sécurité sanitaire et visent principalement les dentistes et les chirurgiens orthopédiques, qui ont besoin d’importer des tissus osseux ou de la poudre d’os souvent utilisée en chirurgie dentaire. Ils devront désormais être autorisés par l’ANSM pour cette activité d’importation.

Votre commission a adopté plusieurs amendements avec l’accord du Gouvernement. Certains amendements du rapporteur ont notamment contribué à améliorer et à préciser les articles 2 et 3.

Par ailleurs, je me félicite que des amendements du Gouvernement aient reçu le soutien de la commission – les efforts sont venus des deux côtés. (Sourires.) Je pense notamment à celui concernant la vaccination en France, avec le rattachement du Comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé. Cette mesure, en permettant d’unifier les instances d’expertise et de renforcer leur indépendance, contribuera à assurer une meilleure gouvernance de la politique vaccinale en France. Je pense également à l’amendement visant à prolonger le délai d’habilitation à légiférer par ordonnance, prévu par l’article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé, pour assurer la cohérence des textes au regard de la loi adoptée. La nécessité de procéder à la coordination de l’ensemble des dispositions du code de la santé publique a été admise sur toutes les travées de la commission.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nos agences sanitaires sont indispensables pour la prévention, la promotion de la santé, la veille, la surveillance, l’observation et l’intervention en santé dans notre pays. Ce sont bien des maillons essentiels de la politique de santé menée par Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. L’adoption de ces projets de loi permettra d’accompagner leur développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales s’est prononcée selon la procédure d’examen en commission, prévue par l’article 47 ter, de notre règlement sur ces deux projets de loi, relativement concis – il faut en convenir –, touchant au domaine de la santé.

Parmi les diverses dispositions de ces textes, certaines sont de nature technique et sont conformes à ce que notre assemblée pouvait attendre des habilitations données au Gouvernement dans la loi Santé. La commission les a donc adoptées sans modification. Il s’agit des deux ratifications d’ordonnances, l’une portant création de l’ANSP, l’Agence nationale de santé publique, l’autre simplifiant les procédures mises en œuvre par l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Il en va également ainsi de la disposition, insérée par l’Assemblée nationale, prévoyant la présence de quatre parlementaires au sein du conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique.

La commission a en revanche jugé nécessaire de modifier d’autres dispositions.

S’agissant du projet de loi relatif à l’Agence nationale de santé publique, la modification a porté sur son article 2. Le II de cet article incluait l’Agence nationale de santé publique dans l’habilitation donnée au Gouvernement à l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé afin « d’adapter les dispositions juridiques » en vue de « favoriser ou de permettre » la mutualisation des fonctions dites support de plusieurs organismes relevant du ministère de la santé.

Notre assemblée a toujours été très favorable à la rationalisation du fonctionnement des agences sanitaires et des multiples organismes créés au fil du temps. J’insiste sur ce point, madame la secrétaire d'État, car je tiens à dissiper toute ambiguïté de notre part. On aurait donc pu penser que cette disposition n’appelait pas un examen plus approfondi. Cependant, les informations portées à notre connaissance par le Gouvernement ont fait apparaître qu’il était envisagé d’utiliser cette habilitation d’une manière qui s’écarterait sensiblement de la volonté du Parlement. Cela pose problème au regard du respect de la compétence du législateur telle qu’elle est prévue par notre Constitution.

De fait, il apparaît que le projet d’ordonnance du Gouvernement n’a pas véritablement pour objet d’apporter aux dispositions juridiques en vigueur des modifications destinées à faciliter les mutualisations. Il s’agirait purement et simplement de renvoyer à un décret, voire à un arrêté, la mise en œuvre de ces mutualisations et d’opérer ainsi un transfert définitif de compétences du pouvoir législatif au pouvoir réglementaire.

Ce transfert de compétences me paraît d’autant moins acceptable que le Gouvernement n’a pas été en mesure, à l’époque où nous avons instruit ce dossier, de nous exposer très concrètement ses projets pour l’avenir ni les raisons juridiques qui imposeraient de modifier la loi pour les mettre en œuvre. Or il nous semble que, depuis le dépôt du projet de loi Santé prévoyant cette habilitation – ce qui remonte quand même à octobre 2014 –, le Gouvernement a eu suffisamment de temps pour préciser ses projets. De plus, la compétence très large que le projet d’ordonnance entend donner au pouvoir réglementaire lui permettrait de procéder d’autorité à des mutualisations, alors que le législateur a entendu donner à ces opérateurs une certaine indépendance.

Dans ces conditions, la commission a réexaminé l’habilitation donnée sur ce point précis au Gouvernement et a jugé nécessaire de la supprimer.

J’en viens maintenant à l’autre projet de loi.

Son article 2 impose, à titre expérimental pour trois ans, aux grossistes-répartiteurs de déclarer, auprès d’un tiers de confiance, leurs volumes d’exportations de médicaments. Ces exportations, qui sont légales et protégées par le droit de la concurrence, font l’objet de critiques. Elles sont parfois rendues responsables de ruptures d’approvisionnement sur le territoire national.

La commission des affaires sociales estime que les grossistes-répartiteurs ne sont en aucune façon seuls responsables de ces ruptures, lesquelles concernent également les autres acteurs de la chaîne du médicament, depuis la production jusqu’à la distribution. La commission estime néanmoins que l’expérimentation prévue par cet article est de nature à renforcer la transparence sur ce sujet. Elle a donc adopté un amendement de cohérence pour améliorer les conditions d’évaluation de ce dispositif.

Enfin, l’article 3 achève la transposition d’une directive européenne de 2015, qui instaure des normes de sécurité pour l’importation de tissus et cellules issus du corps humain en provenance de pays tiers à l’Union européenne. La disposition proposée renforce les exigences de qualité, de sécurité et d’éthique concernant ces produits. Elle ne modifie en aucune manière le statut des tissus et cellules.

La commission a en revanche estimé que la possibilité ouverte par l’article 3 à certains établissements de santé et praticiens libéraux d’importer directement ces produits depuis les États membres de l’Union européenne, sous réserve qu’ils soient autorisés à les utiliser, soulève un problème de faisabilité. En effet, ces établissements de santé et praticiens libéraux n’auront généralement pas les moyens de s’assurer du respect des exigences de sécurité sanitaire européennes et, bien sûr, nationales. Dès lors, la commission a jugé préférable de s’en tenir au droit actuel, c’est-à-dire à l’obligation de se fournir auprès des banques de tissus et cellules autorisées et contrôlées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Enfin, nous avons approuvé deux amendements présentés par le Gouvernement.

Le premier transfère à la Haute Autorité de santé les compétences du Comité technique des vaccinations. Notre commission s’était déjà montrée favorable par le passé à cette proposition, qui a fait l’objet de plusieurs rapports parlementaires.

Le second amendement prolonge le délai dans lequel le Gouvernement est habilité à toiletter le code de la santé publique à droit constant.

Mes chers collègues, la commission a adopté les deux projets de loi ainsi modifiés. Elle vous propose de les adopter dans les mêmes termes. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Explications de vote

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste.

Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, la commission des affaires sociales utilise pour la première fois, me semble-t-il, avec deux projets de loi étudiés en même temps, la nouvelle procédure d’examen en commission. Si ces deux projets de loi visent certes à ratifier des ordonnances dont nous avions discuté l’année dernière lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, ils traitent aussi d’autres sujets – comme l’importation, l’exportation de tissus humains, les instances chargées de la politique vaccinale – qui auraient pu donner lieu à davantage de débats que ceux auxquels nous avons assisté en commission. Même si nous comprenons les raisons qui peuvent parfois justifier l’examen d’un texte directement en commission, je tiens à exprimer notre réserve sur l’utilisation de cette procédure en ce qui concerne certains points spécifiques.

S’agissant du premier projet de loi, celui qui crée l’Agence nationale de santé publique, le groupe écologiste comprend le regroupement de trois institutions de renom, qui font référence. La volonté de rationaliser les moyens de recherche et d’action pour œuvrer à la prévention des risques sanitaires et à l’intervention en cas de menace ou de crise sanitaire nous paraît une bonne chose. Toutefois, et ce point est pour nous essentiel, ce regroupement ne peut pas se faire en diminuant les moyens alloués, qu’il s’agisse de ressources financières ou humaines. La nouvelle agence de santé publique doit pouvoir réaliser ses missions sans être contrainte d’en abandonner certaines en cours de route, faute de financements ou d’équipes pour travailler dessus.

Par ailleurs, nous avons pris bonne note de l’engagement de l’Agence de santé publique – c’est écrit en toutes lettres sur son site internet – de placer au cœur de sa démarche de travail la prise en compte des inégalités sociales de santé. Nous sommes, vous le savez, très engagés dans ce combat. Cela implique de travailler notamment sur les problématiques de santé environnementale, qui touchent de façon très inégale les personnes selon les conditions de vie et leur niveau de ressources, et de santé au travail. Nous savons, par les chiffres de l’INSEE, qu’un cadre peut espérer vivre six ans de plus qu’un ouvrier !

Sur ces deux points – santé au travail et santé environnementale –, il nous semble qu’il y a nécessité absolue de renforcer les actions, la recherche et, donc, les moyens. Qu’est-il prévu à ce sujet, madame la secrétaire d’État ?

S’agissant du deuxième projet de loi, nous sommes un peu plus réservés. La loi prévoyait que le Gouvernement soit habilité à prendre par ordonnance des mesures pour simplifier les procédures mises en œuvre par l’ANSM. C’est chose faite avec l’article 1er de ce projet de loi. Nous voulons cependant insister sur un point, rejoignant ici les remarques qui ont été faites par le rapporteur : le texte de l’ordonnance prévoit que la responsabilité du ministre de la santé soit transférée vers le directeur de l’ANSM, notamment en matière de détermination des bonnes pratiques de pharmacovigilance. On le sait, le sujet est sensible ; nous pensons notamment au récent scandale de la Dépakine, quand beaucoup d’autres sont dans nos mémoires, celui du Mediator, en particulier. Sur ce point, le rôle de supervision de la ministre chargée de la santé nous semble donc essentiel.

Nous sommes favorables à l’article 2 et à l’expérimentation de suivi des exportations de médicaments provenant des grossistes-répartiteurs. Cela nous paraît un premier pas important. L’ANSM a donné des chiffres l’année dernière sur les ruptures d’approvisionnement de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur dans notre pays. En sept ans, elles ont été décuplées. L’Agence avait recensé 170 médicaments sur 14 000 en rupture de stock chaque mois. En 2013, elle indiquait, par ailleurs, que ce défaut de stock était de 94 jours, tous médicaments confondus, pour des raisons diverses.

L’expérimentation proposée dans ce texte met en place un suivi des mouvements de médicaments faits par les grossistes-répartiteurs, intermédiaires entre les laboratoires pharmaceutiques et les pharmacies. Ces grossistes achètent des médicaments aux laboratoires à prix fixe et peuvent, si le stock en France est suffisant, les exporter à des tarifs parfois bien supérieurs à ceux qui sont pratiqués dans notre pays. Il convient donc de voir si ces exportations ne se font pas au détriment des patients en France.

La proposition du Gouvernement d’expérimenter la déclaration à un organisme tiers des quantités de médicaments et produits qu’ils ont acquis à prix fixe et qui ont été exportés ne nous paraît pas disproportionnée. Elle pourrait d’ailleurs nous éclairer sur l’une des causes de ces problèmes d’approvisionnement. Encore faut-il savoir qui sera cet organisme tiers. Nous espérons qu’il sera impartial, à l’abri de tout soupçon de conflit d’intérêts et que sa désignation prévue par décret se fera en toute transparence et dans l’intérêt des malades.

J’en viens à l’article 3, celui qui nous pose problème. Nous sommes très opposés au principe de marchandisation du corps humain ; je pense notamment aux possibilités d’importer des tissus et cellules humains de pays situés en dehors de l’Union européenne. Dans la mesure où les législations de ces États ne sont pas toujours aussi strictes que la nôtre, ces importations nécessitent, selon nous, une extrême attention.

Certes, l’article 3, tel qu’il nous est proposé, transpose une directive européenne et prévoit des cadres pour l’importation et l’exportation de ces tissus et cellules. Nous aurions toutefois souhaité voir mentionnée, par exemple, l’importance des campagnes d’information sur le don d’organe en France, afin de développer davantage ce don encore sujet à de nombreux tabous, comme nous l’avons vu lors de débats précédents. Si cette pratique entrait dans les habitudes, cela éviterait d’avoir recours à des importations en provenance de zones où le don d’organes ou de tissus peut malheureusement donner lieu à marchandisation au sein de populations qui vivent dans une extrême pauvreté.

Enfin, l’article 4 prévoit le transfert du Comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé. Cela nous paraît une bonne chose. Je veux toutefois redire notre totale incompréhension quant au silence qui entoure toutes les recherches sur les adjuvants aluminiques dans les vaccins. Puisque des doutes existent sur leur innocuité, pourquoi ne pas proposer des vaccins avec différents types d’adjuvants, comme cela a été le cas jusqu’à la fin des années 2000 ? Jusqu’en 2008, il existait, par exemple, un vaccin sans aluminium pour le DT-Polio, produit par Sanofi. Or il a été arrêté.

Madame la secrétaire d'État, où en sont les moyens pour la recherche – je pense notamment à ce qui a été engagé à Henri-Mondor ? Comment obtenir la refabrication de vaccins sans aluminium – au moins de ceux qui sont obligatoires –, afin que nos concitoyens aient au moins le choix en attendant des réponses scientifiques plus claires ?

Mes chers collègues, les membres du groupe écologiste voteront pour le premier projet de loi et s’abstiendront sur le second.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Catherine Génisson. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État – que nous sommes heureux de retrouver –, mes chers collègues, nous sommes réunis pour voter deux projets de loi visant à ratifier des ordonnances prises en application de l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé.

Je souhaite tout d’abord évoquer le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi du 26 janvier 2016.

Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d'État, l’Agence nationale de santé publique, effective depuis le 1er mai 2016, est l’union de trois agences : l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et l’Institut de veille sanitaire, l’InVS.

Pourquoi avoir opéré une telle union au sein de « Santé publique France » ? L’existence en France d’un trop grand nombre d’acteurs en matière de prévention et de veille sanitaire était responsable d’un manque de cohérence et de lisibilité. Le manque de lisibilité s’explique par le fait que les différents établissements ont été créés en réaction à des crises souvent sans cohérence d’ensemble.

La création de l’Agence nationale de santé publique, dite « Santé publique France », a été préparée très en amont. Ainsi, le Gouvernement a confié à M. François Bourdillon, actuel directeur général de l’Agence, un travail de concertation visant à définir ses modalités d’organisation, à identifier ses principales missions et ses premiers axes de travail. Le rapport de préfiguration remis au Gouvernement par M. Bourdillon en juin 2015 fixe donc les grandes orientations de l’Agence et formule des recommandations en termes de gouvernance, comme de modalités de fonctionnement. Le rapport de préfiguration insiste sur la nécessité d’ancrer l’action de l’Agence au niveau régional et en outre-mer. L’Agence nationale de santé publique dispose, par conséquent, de cellules d’intervention en régions placées auprès des directeurs généraux des agences régionales de santé.

L’ordonnance du 14 avril 2016 est fidèle aux préconisations de ce rapport. Elle est également conforme à l’habilitation contenue dans l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé.

Depuis le 1er mai 2016, l’Agence nationale de santé publique est un centre d’excellence à la française, à l’image de l’agence anglaise, des agences américaines et de l’Institut national de santé publique du Québec.

La nouvelle agence doit intervenir sur l’ensemble du champ de la santé publique, de la production des connaissances jusqu’à la gestion des crises sanitaires. Il s’agit de mieux connaître l’état de santé des populations, de comprendre ses déterminants et d’observer les signaux épidémiologiques, ainsi que d’assurer une veille sur les risques sanitaires. Elle doit s’emparer de nombreux sujets : la lutte contre le tabac, les questions de nutrition ou encore les inégalités de santé. La prévention est l’une des compétences les plus visibles de l’Agence, à l’image de la campagne menée actuellement : « Moi(s) sans tabac ».

Dans un contexte budgétaire contraint, les moyens budgétaires et humains sont maintenus. On ne peut que s’en féliciter. Pour autant, notre groupe sera très attentif, dans les prochaines années, au maintien des moyens budgétaires et humains de l’Agence, afin qu’elle puisse assurer d’une manière optimale ses missions.

La commission des affaires sociales du Sénat a continué le débat entamé lors de l’examen de la loi de modernisation de notre système de santé, au sujet, en particulier, des mutualisations et du risque de mutualisations autoritaires, que notre rapporteur et le président de notre commission ont tous deux pointé. La majorité de la commission a ainsi adopté un amendement tendant à supprimer l’habilitation donnée au Gouvernement à prendre des ordonnances pour mutualiser des fonctions support de plusieurs agences du champ sanitaire.

Le groupe socialiste est favorable à l’adoption du projet de loi dans la version adoptée, très largement, par l’Assemblée nationale. Il l’est d’autant plus qu’un amendement d’origine parlementaire y a été adopté, qui vise à assurer la représentation du Parlement au conseil d’administration de l’Agence aux côtés des représentants de l’Association des maires de France, des présidents d’intercommunalité et de l’Assemblée des départements de France. Nous sommes, comme notre rapporteur, très attentifs à l’indépendance des agences sanitaires, mais nous sommes aussi attachés à ce que le politique garde sa capacité de décision. Je regrette donc l’attitude de la majorité du Sénat, d’autant plus que le texte final de l’ordonnance fera l’objet d’un vote au Parlement ; le Gouvernement s’y est engagé.

Le groupe socialiste votera donc contre le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique, tel qu’issu des travaux du Sénat, alors qu’il était favorable, je le rappelle, au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.

J’en viens maintenant à l’explication de vote concernant le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 15 juillet 2016 portant simplification des procédures mises en œuvre par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et comportant diverses dispositions relatives aux produits de santé.

Ce projet de loi, que le Sénat examine avant l’Assemblée nationale, vise principalement à alléger la charge de travail administratif de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sans remettre en cause le respect de la sécurité sanitaire.

L’article 2 prévoit d’expérimenter, pour une durée de trois ans, une obligation déclarative des grossistes-répartiteurs concernant les médicaments qu’ils exportent. Comme notre rapporteur, nous considérons que les grossistes-répartiteurs ne sont pas les seuls responsables de la chaîne de distribution des médicaments. Ils devront déclarer à un organisme agissant en tiers de confiance les quantités de médicaments et de produits qu’ils ont exportées. Le recours à un tiers de confiance, désigné par décret en Conseil d’État, doit assurer une totale confidentialité des informations fournies. Le champ de la mesure est limité, puisque seuls les médicaments et produits identifiés par arrêté du ministre chargé de la santé seront concernés.

Les sénateurs socialistes soutiennent cette mesure, car elle permet de mieux estimer en temps réel les quantités de médicaments effectivement présentes sur le territoire français et d’apprécier la fluidité de la chaîne d’approvisionnement.

Cette expérimentation sur trois ans est encadrée. Le projet de loi prévoit que le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur l’application de cette mesure dans un délai d’un an après la publication du décret. Notre rapporteur a fait adopter par la commission, avec l’accord du Gouvernement, un amendement prévoyant que ce délai soit porté à deux ans.

Le projet de loi transpose également, par son article 3, la directive européenne du 8 avril 2015 sur les procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et cellules importés. Cette directive encadre les conditions de l’importation, par les États membres de l’Union européenne, de tissus et cellules en provenance des pays tiers. Notre rapporteur a fait adopter un amendement en commission, avec l’accord du Gouvernement, tendant à refuser toute possibilité d’importation directe de tissus et cellules depuis les pays de l’Union européenne : il faudra passer par les banques de tissus et cellules contrôlées par l’ANSM.

Les sénateurs socialistes souhaitent que le droit actuel perdure et s’interrogent sur les moyens dont pourraient disposer les établissements et les praticiens pour vérifier le respect des exigences éthiques françaises et européennes.

Le projet de loi prévoit également, après adoption d’un amendement gouvernemental en commission des affaires sociales, le transfert du Comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé. Les sénateurs socialistes approuvent ce transfert de la gouvernance des politiques de vaccination à la Haute Autorité de santé. Ils seront néanmoins très attentifs aux moyens dévolus à la Haute Autorité de santé, dont les responsabilités ne cessent de s’alourdir.

Les sénateurs socialistes voteront donc le projet de loi concernant l’Agence de sécurité du médicament et des produits de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)