M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.

M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en préambule, je tiens à remercier le président de la commission des affaires sociales de la qualité des échanges au sein de notre commission et à féliciter le rapporteur général, notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, ainsi que l’ensemble des rapporteurs par branche de leur approche objective et de leur analyse détaillée et argumentée.

L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 revêt un caractère particulier, puisqu’il s’agit du dernier de ce quinquennat. Un bilan s’impose, afin de poser un regard clairvoyant sur l’état des finances de la sécurité sociale, car nous sommes tous soucieux de l’avenir de notre système de protection sociale.

Au nom du groupe UDI-UC, mon intervention portera sur les équilibres généraux du texte et sur les branches famille, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles.

Le déficit des régimes de sécurité sociale devrait s’élever à 6,9 milliards d’euros pour l’année 2016, contre 10,2 milliards d’euros en 2015. Ce résultat est inférieur de 2,4 milliards d’euros à la prévision de la loi de financement pour 2016. Cette amélioration est principalement imputable à la branche maladie et, dans une moindre mesure, à la branche vieillesse, alors que la branche famille et le FSV enregistrent des comptes plus dégradés que prévus.

Il ne fait pas de doute que le déficit de la sécurité sociale se réduit, et cela après plusieurs années d’efforts significatifs, mais je n’irai pas jusqu’à affirmer que les comptes de la sécurité sociale sont à l’équilibre, comme le fait le Gouvernement depuis deux mois ! La réalité est bien plus nuancée : le régime général présente bien encore un déficit, de 4,2 milliards d’euros.

Madame la ministre, vous prévoyez une réduction du déficit de 3 milliards d’euros pour 2017, soit une prévision de déficit de 400 millions d’euros pour le régime général, mais cette présentation occulte, volontairement je pense, un déficit élevé, celui du Fonds de solidarité vieillesse, qui, en 2017, atteindra 3,8 milliards d’euros.

Selon les dernières estimations, le retour à l’équilibre, initialement prévu pour 2017, devrait être repoussé à l’horizon 2020, voire 2021. Dès lors, au regard des efforts consentis et face à la faiblesse des résultats, quel message transmettre à nos concitoyens, madame la ministre ?

L’avenir de notre protection sociale inquiète toujours autant nos concitoyens. La dernière enquête parue montre bien leur manque d’optimisme : quelque 84 % des personnes interrogées ne croient pas au retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, alors qu’elles sont 96 % à estimer que le retour des finances sociales à l’équilibre est un objectif prioritaire.

La situation des finances de l’assurance maladie laisse présager un avenir incertain aux comptes de la sécurité sociale. Pourtant, nous nous devons, mes chers collègues, de garantir la pérennité de notre système de santé. Ce devra être l’une des priorités du prochain gouvernement. Et cela passe, madame la ministre, par la transparence des chiffres, d’une part, et par une meilleure maîtrise des dépenses, d’autre part.

L’équilibre des comptes sociaux ne pourra être atteint que grâce à des efforts plus importants et par une plus grande maîtrise des dépenses, notamment au niveau de l’assurance maladie.

Au regard des défis que nous devons relever, il est clair que ce PLFSS manque d’ambition. Je prendrai l’exemple d’un problème qui touche l’ensemble de notre territoire, celui de l’accès aux soins, nos fameux déserts médicaux.

La présence médicale n’est plus assurée dans de nombreux départements. C’est une rupture inacceptable de l’égalité d’accès aux soins de tous nos concitoyens. Ne pas répondre à cette désertification médicale, c’est prendre le risque de voir celle-ci s’étendre à d’autres professions de santé, ce qui est déjà le cas dans certains départements.

Nous comprenons parfaitement l’attachement des professionnels de santé à la libre installation, mais nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas proposer un égal accès aux soins. C’est notre rôle en tant que législateurs.

Tout comme l’érosion de la protection sociale, qui, elle aussi, compromet l’égal l’accès aux soins, certains restes à charge sont de plus en plus importants. Que prévoit ce PLFSS pour 2017 ? Voyons plus en détail l’évolution du régime général par branche.

La branche famille semble à l’équilibre pour 2017.

La branche vieillesse déclare un excédent de 1,6 milliard d’euros, alors que le déficit du FSV, de 3,8 milliards en 2017, reste aussi élevé qu’en 2016.

La branche accidents du travail et maladies professionnelles demeurerait excédentaire au même niveau qu’en 2016.

La branche maladie, qui fait figure d’« homme malade » selon la Cour des comptes, représente près de la moitié du budget du régime général et reste en déficit avec moins 2,6 milliards d’euros, même si celui-ci se réduit de 1,5 milliard d’euros par rapport à 2016.

Je tiens à souligner la réduction des déficits et le retour à l’équilibre de la branche famille, mais je regrette, comme la plupart de mes collègues, que les efforts aient été principalement supportés par les familles. Celles-ci n’ont pas été épargnées, avec les baisses successives du plafond du quotient familial, de la prestation d’accueil du jeune enfant, la division par deux de la prime de naissance et son versement deux mois après la naissance de l’enfant, ou bien encore l’imposition de la majoration des retraites versées aux parents ayant élevé au moins trois enfants.

En matière de garde d’enfants, entre 2013-2015, quelque 17 960 places de crèche ont été créées, soit moins de 20 % de ce que vous aviez annoncé, madame la ministre. Tout comme l’année dernière, ma crainte est que le manque de réformes structurelles ne permette pas un équilibre durable.

Je souligne néanmoins le renforcement des missions données aux caisses d’allocations familiales, avec la création de l’Agence nationale de fixation et de recouvrement des pensions alimentaires, qui s’inscrit dans le prolongement de la généralisation de la garantie contre les impayés de pension alimentaire, la GIPA.

À titre personnel, je regrette que nous n’ayons pas de retour chiffré nous permettant de constater que la GIPA a véritablement amélioré le taux de recouvrement des pensions dans les vingt départements tests.

L’article 28 visant à favoriser la rémunération des salariés du particulier employeur prévoit des mesures qui vont dans le bon sens. Notamment en matière de garde d’enfants, les parents pourront bénéficier du complément du libre choix du mode de garde « emploi direct », qui est un dispositif alliant exonération de cotisations et prise en charge partielle de la rémunération du salarié.

Je tiens également à rappeler ici, en tant que représentant des collectivités, que certains départements sont en grande difficulté concernant le paiement du RSA. L’Association des départements de France a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme, afin de mettre en évidence l’effort de solidarité nationale, qui se traduit par un important déséquilibre au niveau local : le RSA pèse environ 254 euros par habitant dans l’Aude, contre seulement 54 euros en Haute-Savoie. C’est une réalité qu’il faut évoquer.

Sur les 4,1 milliards d’euros de déficit de la sécurité sociale, la branche vieillesse pèse pour 2,2 milliards d’euros, qui résultent d’un excédent de 1,6 milliard d’euros pour les régimes de base, mais aussi pour un déficit persistant du FSV de 3,8 milliards d’euros.

Le seul levier déployé par le Gouvernement entre 2012 et 2014 aura été l’augmentation des cotisations d’assurance vieillesse. Cette décision pèse aujourd’hui durablement sur les salaires, donc sur l’emploi.

La dette de l’assurance chômage s’établit à un niveau des plus préoccupants, avec un montant de près de 30 milliards d’euros et une prévision de 41 milliards d’euros pour 2019.

La branche AT-MP, quant à elle, prévoit un excédent de 696 millions d’euros pour l’année prochaine. Nous savons tous que le financement de cette branche repose quasi intégralement sur les employeurs. Je terminerai mon propos sur cette branche en rejoignant le propos du rapporteur Gérard Dériot : ce PLFSS ne comporte aucune mesure nouvelle de couverture du risque professionnel. C’est à mon sens une erreur.

Sur la branche assurance maladie, je serai bref, laissant la parole sur ce sujet à mon éminente collègue Élisabeth Doineau. Je souligne simplement que l’ONDAM pour 2017 est construit de façon à minorer, au détriment de sa fonction de pilotage et de suivi, l’évolution réelle des dépenses d’assurance maladie.

Madame la ministre, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse sur un point qui me paraît vital : où en sommes-nous s'agissant du fonds d’indemnisation des victimes de la Dépakine ? Vous aviez annoncé qu’il serait intégré dans ce texte par amendement gouvernemental, mais, à ce jour, nous n’avons rien vu venir.

Mes chers collègues, la Cour des comptes a appelé à une réforme en profondeur de l’assurance maladie, et je partage ce point de vue. En effet, environ 40 % du déficit résultent de causes structurelles, indépendantes de la conjoncture.

Des réformes s’imposent pour préparer l’avenir et sauver notre régime social. Nous ne pouvons pas continuer de penser que les générations futures paieront pour nos dépenses.

L’équilibre des comptes sociaux ne pourra être atteint que grâce à des efforts plus importants et par une plus grande maîtrise des dépenses au sein de l’assurance maladie. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur Gérard Dériot, mes chers collègues, nous entamons ce jour l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat, projet de loi qui est, à l’image de l’action gouvernementale dans son ensemble, peu performant et peu rigoureux.

En septembre dernier, vous déclariez tambour battant, madame la ministre, à un grand quotidien national : « En 2017, le trou de la Sécu aura disparu ». Reconnaissez que vous avez enjolivé les comptes !

Vous avez également annoncé un régime général « quasiment à l’équilibre » en 2017. N’en jetez plus, l’autosatisfecit connaît certaines limites que l’arithmétique sait, fort heureusement, contrecarrer. En effet, si les projections concernant le déficit du régime de la sécurité sociale et la branche maladie s’avèrent exactes, il y a un oubli colossal : le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, une bagatelle de 3,8 milliards d’euros !

En réalité, le déficit global de la sécurité sociale devrait atteindre 4,2 milliards d’euros en 2017, soit un résultat, certes, en amélioration, mais très loin de l’équilibre escompté. Par ailleurs, si la situation du déficit des comptes sociaux s’améliore, la dette sociale cumulée – plus communément dénommée « trou de la Sécu » – s’élève à quelque 156,4 milliards d’euros en 2015, ce qui représente plus de 7 % du PIB français. Avouez que cela est remarquable !

Entrons dans le détail. Comment expliquez-vous que, une nouvelle fois, vous ayez déposé près de cinquante amendements sur votre propre texte ? Depuis votre prise de fonction, vous avez sciemment privilégié la hausse des recettes et vous n’avez donc pas fait des économies une priorité, alors que c’est indiscutablement indispensable pour influer sur le niveau de dépenses.

L’amélioration des comptes dont vous vous targuez n’est autre que la résultante d’un matraquage fiscal inédit, pour ne pas dire historique, ciblant l’ensemble des ménages et les entreprises. De surcroît, l’optimisme béat du Gouvernement rejaillit en matière de prévision de recettes, puisque votre base de croissance est de 1,5 % là où le FMI annonce un maximum de 1,2 %. Par conséquent, la réalisation de vos objectifs semble plus que jamais compromise.

Enfin, rappelons que 40 % du déficit résultent non pas de la conjoncture, mais de causes structurelles. Or, comme l’a très justement souligné dans son intervention ma collègue Catherine Deroche, le Gouvernement a brillé par l’absence de réformes visant à adapter et à consolider le régime de protection sociale, qu’il reviendra à vos successeurs d’assumer.

Côté dépenses, là non plus la situation n’est pas étincelante. Pourtant, le résultat de la branche vieillesse est annoncé comme excédentaire pour 2017 : merci, soit dit en passant, à la réforme structurelle de 2010, que vous avez pourtant combattu ardemment, mais qui, en repoussant l’âge légal de la retraite à 62 ans, a incontestablement permis d’obtenir les résultats que nous connaissons aujourd’hui et qu’il nous faudra néanmoins, consolider demain.

Aussi, madame la ministre, pas de triomphalisme ni de conclusion hâtive ! La Cour des comptes a récemment alerté sur le risque de rechute des comptes de la branche vieillesse d’ici à une dizaine d’années, compte tenu du contexte économique et social particulièrement dramatique. Il s’agit d’une situation qui, superposée avec les mesures de départs anticipés et de création du compte pénibilité prises par le Gouvernement, n’en sera que plus fragilisée. Par ailleurs, vu le niveau du déficit du Fonds de solidarité vieillesse pour 2017, la branche vieillesse est plus que jamais dépendante et soumise à la conjoncture, ce qui rend les prévisions plus qu’incertaines.

La branche famille est également annoncée à l’équilibre pour 2017. Cependant, ce résultat est obtenu au détriment des familles, plus précisément celles qui ont des enfants en bas âge, alors que le taux de natalité diminue sérieusement : les baisses successives du plafond du quotient familial, la fiscalisation des majorations de retraites et le conditionnement des ressources des allocations familiales ont été des marqueurs de la politique du Gouvernement contre les familles françaises.

Enfin, que dire de la branche maladie, si ce n’est que le Gouvernement a rehaussé l’ONDAM, fixé pour 2016 à 1,75 %, à 2,1 % pour 2017, soit une augmentation de 650 millions d’euros, alors même que la Cour des comptes appelait à consolider les efforts ?

Le dernier avis du Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie n’a pas manqué de nous interpeller : il dénonce une minoration volontaire de l’ONDAM, via des dispositions permettant de financer en dehors du dispositif certaines dépenses d’assurance maladie.

De son côté, la Cour des comptes fait le constat alarmant d’une « érosion rampante […] qui compromet l’égal accès aux soins ». Tout un programme… Oui, ça va vraiment beaucoup mieux !

En effet, de nouvelles dépenses sont programmées pour 2017 et sont évaluées à 1,1 milliard d’euros : 400 millions d’euros au titre de la hausse des consultations médicales et 700 millions d’euros de revalorisation du point d’indice des fonctionnaires hospitaliers. Là, on assiste à l’organisation d’un véritable système « deux poids deux mesures », puisque les seules économies annoncées portent encore sur le médicament, ainsi que sur la pertinence et le bon usage des soins, l’efficacité de la dépense hospitalière et le virage ambulatoire.

Bien que la généralisation de l'assurance complémentaire de santé aurait dû se traduire par une diminution du reste à charge pour les assurés, force est de constater que de nombreux salariés sont aujourd’hui contraints de souscrire une surcomplémentaire. J’ajouterai que la fiscalisation de la part employeur s’est traduite par une nouvelle pression fiscale.

Côté assurance maladie, nous avons toujours l’impression d’une équation impossible à résoudre entre la réponse aux besoins de santé, l’accès des malades aux produits innovants et l’équation du budget de l’assurance maladie. Les baisses de prix de médicaments constituent encore aujourd'hui l’élément premier de maîtrise des dépenses de l’assurance maladie. Ce système connaît des limites, à commencer par le financement de l’innovation.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale complète également la longue liste au père Noël, commencée il y a un an. Il est jonché de cadeaux fiscaux et électoraux. Bien que nous soyons à un mois des festivités de fin d’année et, surtout, à six mois des échéances électorales nationales, je n’y crois plus, comme beaucoup, depuis bien longtemps, surtout quand le père François se cache sous la barbe du père Noël. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

La baisse de la CSG pour les retraités en est l’exemple le plus marquant : non pas que le principe de cette mesure, dont je partage l’objectif, ne soit pas bon, mais les moyens ou plutôt les compensations ne sont pas les bonnes.

Quant à l’expérimentation de la vaccination contre la grippe par les pharmaciens d’officines, plusieurs questions subsistent.

Afin d’améliorer la couverture vaccinale, qui a diminué ces dernières années, nous nous interrogeons sur la pertinence de cette expérimentation. Les pharmaciens ont un rôle important à jouer concernant l’information et la promotion de la vaccination. Sur la base du volontariat, bien évidemment, certains pourront pratiquer cette vaccination. Mais vous l’avez vu, madame la ministre, à chacun son métier et tout ira bien dans le meilleur des mondes possibles !

Pour preuve, vous avez déposé un amendement pour apaiser les crispations entre les professionnels de santé, tout en autorisant les médecins à posséder un stock de vaccins dans leur cabinet médical : voilà le grand retour, peut-être, des médecins propharmaciens ! Madame la ministre, pour que cette expérimentation ait du sens et améliore réellement la couverture vaccinale contre la grippe, il ne faut pas limiter la prise en charge aux personnes ayant plus de 65 ans ou souffrant de certaines pathologies.

Vous vous préoccupez des déserts médicaux. Soit ! La conjugaison de la féminisation de la profession et de l’augmentation des zones sous-denses nécessite un réajustement du parcours universitaire, de l’internat et des conditions d’installation. Or, à ce jour, malgré ce constat alarmant, de l’aveu même du directeur de la CNAM, nul ne sait définir la notion de « zones surdenses ». Je vous laisse à cette réflexion, puisque vos propositions font allusion aux zones « sous-denses ».

La bonne santé de notre système de santé – cela a été dit précédemment – passe par celle de l’hôpital et de l’ensemble des professionnels de santé. L’impact des 35 heures, tant sur l’hôpital que sur les professionnels de santé, a été dévastateur. C’est l’origine de la colère de l’ensemble des professionnels, qu’ils soient aides-soignants, infirmiers, médecins ou sages-femmes.

Or, s’il y a bien une certitude, c’est que tous les soignants sont des femmes et des hommes à l’engagement sans faille. Ils l’ont démontré, y compris dans les heures les plus tristes que notre pays a traversées ces derniers mois. Ce sont des professionnels qui aiment leur métier et qui font preuve d’un humanisme remarquable. Nul ne peut leur jeter la pierre. Il faut donc vraiment que la politique de santé demeure la première de nos priorités.

Madame la ministre, le groupe Les Républicains regrette profondément que ce quinquennat n’ait pas permis de réformes structurelles. Les projets de financement de la sécurité sociale successifs, tout comme le projet de loi Santé, n’ont pas été des véhicules législatifs suffisamment décisifs pour assurer à l’ensemble de nos concitoyens une qualité et une continuité de soins égale et performante.

Le financement de la sécurité sociale nécessite des réformes systémiques et courageuses, en mettant la solidarité au cœur de notre politique sociale.

Le groupe Les Républicains suivra bien sûr la position de la commission des affaires sociales et rejettera les propositions de dépenses et de recettes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Madame la ministre, j’ai écouté la présentation que vous avez faite de votre action au cours de l’actuelle mandature : vous vous tressez cette couronne de laurier qui, dans l’Antiquité, célébrait la victoire, le génie et l’immortalité. Je vous écoutais, il y a quelques jours, sur une chaîne de télévision. Pour résumer, grâce à vous, nous sommes passés, en matière de santé, « de l’ombre à la lumière ». (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

À trop vouloir prouver, on se disqualifie. On devient ou l’on reste inaudible. Je pense qu’un peu moins de triomphalisme vous aurait permis, avec les mesures électoralistes que contient ce budget – mesures que je n’approuve pas – de vous rendre plus crédible aux yeux des Français.

Loin de moi de considérer que tout était parfait avant.

Des erreurs, ou plutôt des décisions trop timorées n’avaient pas permis un redressement complet de notre système de santé. Toutefois, depuis quatre ans, budget après budget, vous avez utilisé cet instrument merveilleux qu’est le rabot. Et vous avez raboté, de préférence là où la résistance est la moins populaire. Vous reprochez à vos prédécesseurs « des décisions brutales et dogmatiques ». Pourtant, vous n’êtes pas en reste !

Pour résumer, vous avez une sainte horreur de la médecine libérale, et des médecins en particulier. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Vous éprouvez une méfiance évidente pour les établissements de soins privés. Vous avez une cible préférée, l’industrie pharmaceutique (Mêmes mouvements.), qui, cette année encore, se trouve dans votre viseur avec l’instauration de mécanismes de réduction où l’ingéniosité technocratique est à son comble.

Tout le monde a compris qu’en politique familiale – cela a déjà été évoqué par les orateurs précédents –, votre cible était les classes moyennes. Ce n’est plus l’enfant qui vous intéresse, mais le statut social des mères. Ainsi, vous prévoyez, d’une manière caricaturale, la création d’une allocation maternité pour les femmes médecins à condition qu’elles exercent en secteur I ou en secteur II, avec accord de modération des tarifs. Belle politique nataliste !

Pour en venir à votre budget, l’ensemble des postes d’observation le confirme, il est qualifié d’insincère par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, par le Haut Comité des finances publiques – mon collègue Michel Amiel a beaucoup insisté sur ce point – ou par la Cour des comptes. Au sujet des observations de cette dernière, un hebdomadaire a pu titrer, il y a quelques semaines : « Le ministre du budget s’assoit dessus ».

La surestimation de la croissance à 1,5 % pour bâtir ce budget est aujourd’hui reconnue par le ministre de finances lui-même, de même que la progression de la masse salariale à 2,7 %.

En matière de recettes pour ce budget, vous avez utilisé un certain nombre d’artifices, de transferts, de ponctions sur les fonds de roulement au-delà du raisonnable, toutes manœuvres que le rapporteur général de la commission des affaires sociales a soigneusement répertoriées, tout cela pour pouvoir annoncer que la sécurité sociale est proche de l’équilibre.

Pour l’avenir, ce que je relève de grave dans les observations de la Cour des comptes, c’est le risque de dérapage des comptes de dépenses avec les mesures électoralistes proposées,…

M. Jean Desessard. Ils ne sont pas les premiers à agir ainsi !

M. Gilbert Barbier. … que vos successeurs auront à assumer.

Néanmoins, plus grave encore – je cite toujours l’analyse de la Cour des comptes : « Notre système est en train de créer de nouvelles inégalités entre patients ». En effet, contrairement à vos allégations, madame la ministre, c’est bien ce qui se passe dans le pays.

Mme Catherine Génisson. Pourquoi parler d’« allégations » ?

M. Gilbert Barbier. Les groupements hospitaliers de territoire, les GHT, sont une réponse insuffisante par rapport au coût des hôpitaux publics. Nous avons trop d’établissements de petite dimension, peu efficaces et financièrement très coûteux, mais, je le sais, il faut beaucoup de courage politique pour opérer une fermeture. Chaque jour, pourtant, on apprend la fermeture de telle ou telle spécialité dans un hôpital par défaut de recrutement d’un médecin-chef de service. Bonne occasion de fermer cette activité dans l’établissement !

Devant le peu d’attrait de la carrière hospitalière, les rares diplômés qui sortent se tournent logiquement vers le privé aujourd'hui.

Mme Catherine Génisson. Ce n’est pas vrai !

M. Gilbert Barbier. Une inégalité majeure que la Cour des comptes, d'ailleurs, oublie de souligner et qui mériterait d’être analysée – je suis déjà intervenu plusieurs fois sur ce problème –, est la grande variabilité de la qualité des soins sur notre territoire. Nous sommes confrontés à une mutation profonde de la médecine, avec une spécialisation de plus en plus nécessaire.

Le problème du recrutement d’un personnel médical de qualité doit être posé. Il est majeur pour l’avenir de nombreux hôpitaux locaux et généraux. Il est urgent de réaliser un bilan qualitatif. Peut-être l’open data en matière de santé le permettra-t-il un jour.

J’ai évoqué la désertification médicale hospitalière, mais la situation n’est pas meilleure en dehors de l’hôpital. Toutes les mesures prises au fil des années par les uns et par les autres n’influencent que faiblement l’inexorable. La seule solution est de former plus de médecins, plus de généralistes et plus de spécialistes, notamment dans certaines disciplines particulièrement sinistrées.

En effet, la pratique médicale a beaucoup évolué : les jeunes médecins veulent du temps libre, la profession fortement féminisée n’aspire pas à aller s’installer au fin fond du Jura, dans un petit chef-lieu de canton de 500 ou 600 habitants. Il faut déverrouiller le numerus clausus, madame la ministre, autant que les capacités de formation des universités le peuvent. Cela me paraît largement préférable à l’installation de médecins formés à l’étranger, en dehors du cursus universitaire qui est une des richesses de nos facultés françaises.

Nous manquons de médecins et votre parade est de confier, budget après budget, un certain nombre d’actes médicaux – nous avons beaucoup discuté sur ce point en commission des affaires sociales – à d’autres professionnels de santé : vaccination, interruption volontaire de grossesse, correction visuelle, distribution de médicaments.

Faut-il en rire ? M. Daudigny a fait un rappel historique et évoqué l’année 1944. Pour ma part, je remonterai plus loin, pour rappeler le décret de 1793 (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.), qui autorisait les officiers de santé à pratiquer la médecine sans le diplôme de docteur en médecine. Cette pratique, qui a duré plus d’un siècle, a abouti à une désertification médicale et à une montée en puissance du charlatanisme. En 1896, le gouvernement de l’époque a finalement supprimé ce décret.

Je l’ai dit précédemment, comme plusieurs autres orateurs, votre cible préférée est l’industrie pharmaceutique. Rassurez-vous, je serai plus modéré sur ce dossier que certaine députée de votre majorité à l’Assemblée nationale. Toutefois, je veux souligner qu’à vouloir réduire mécaniquement les dépenses de ce secteur, vous avez, année après année, entamé sérieusement le potentiel industriel que représente le médicament dans notre pays.

Cette année, c’est encore 1,6 milliard d’euros d’économies que vous entendez récupérer sur ce secteur. Et vous instaurez un nouveau système, à savoir le « Lv » et le « Lh ». Sachant que les produits innovants se trouvent avant tout à l’hôpital, vous allez brider d’une manière importante la recherche et le développement de nouveaux traitements – M. Daudigny a évoqué cette question sous un autre angle. Le taux de 0 % pour le « Lv » n’est pas très contraignant, parce que la dépense de ville baisse régulièrement avec les génériques ou en en raison d’autres pratiques et de la diminution de la consommation. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)