M. Jean Desessard. Le temps de parole imparti est dépassé de deux minutes, monsieur le président !

M. Gilbert Barbier. Si nous voulons conserver à notre pays une certaine attractivité dans ce domaine, évitons ce genre de montage dissuasif. Si l’on veut conserver quelques industries, il faut que les taxes, les taux régulateurs et les impositions soient fixés une fois pour toutes et ne changent pas chaque année.

Voilà quelques remarques sur un budget essentiellement comptable, dont l’équilibre de façade ne vise qu’à faire illusion, en masquant les profonds déséquilibres qui existent dans l’accès aux soins de qualité pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Madame la ministre, « nous avons sauvé la Sécu », avez-vous annoncé à l’occasion de différentes interviews. Voilà une affirmation qui tombe bien à propos à la fin d’un quinquennat laissant si peu de résultats satisfaisants, dans bien des domaines.

Cette affirmation en fait pourtant rêver plus d’un ! Elle fait d’abord rêver les Françaises et les Français, qui sont inquiets de laisser la facture à leurs enfants. Elle fait aussi rêver les responsables politiques que nous sommes, attachés à notre système de protection sociale et à sa préservation. La réalité est tout autre, comme le montrent trois éléments : tout d’abord, un affichage des comptes en trompe-l’œil, ensuite, un climat social dégradé, enfin, l’absence de solution pour les déserts médicaux.

Le résultat affiché est trompeur, notamment sur la branche maladie, parce qu’il est construit sur un savant système de plomberie comptable.

Les mesures ponctuelles, exposées par le rapporteur général de notre commission des affaires sociales, permettent de tenir artificiellement l’ONDAM année après année. Des mesures structurelles seraient nécessaires. Le groupe UDI-UC ne cesse de le répéter, mais il n’est pas le seul. La Cour des comptes en fait de même dans ses rapports.

Si, malgré tout, la tendance est à la réduction des déficits, personne ici ne peut le nier, la branche maladie présente un différentiel négatif de 2,6 milliards d’euros. Si l’on y ajoute les 3,8 milliards d’euros du FSV, l’équilibre est loin d’être atteint. Cette réduction est d’autant plus artificielle que des arrangements comptables permettent de dégonfler l’ONDAM de près d’un milliard d’euros. En effet, une partie des économies annoncée est, en réalité, issue de la mobilisation d’autres sources de financement non décomptées dans l’ONDAM.

C’est le cas, par exemple, de la création du fonds de financement de l’innovation thérapeutique, doté de 220 millions d’euros pour 2017 par un transfert provenant du FSV, soit 876 millions d’euros au total, j’y reviendrai.

Je peux également citer la mobilisation des réserves de la CNSA, soit 230 millions d’euros de moins, ou encore la réduction des dépenses comptabilisées dans l’ONDAM et la CNAM, soit 270 millions d’euros, par une modification du taux de cotisations maladies des personnels de santé exerçant en ville. Si cette mesure n’est pas une vraie économie, elle permet de réduire le taux facial d’évolution de l’ONDAM soins de ville de 0,3 point.

Autre manœuvre : le jeu d’écriture de près de 700 millions d’euros sur la CSG, permettant de soustraire cette somme du résultat de l’exercice 2016.

Compte tenu des nouvelles dépenses prévues par le Gouvernement – la nouvelle convention médicale et la revalorisation du point d’indice de la fonction publique –, l’ONDAM sera relevé inévitablement à 2,1 %, contre 1,75 % en 2016.

Cette hausse est sciemment sous-estimée, selon la Cour des comptes et le directeur général de la CNAM. Une augmentation de l’ONDAM de 2,5 % serait bien plus crédible.

S’agissant du climat social dégradé, en dehors des données financières, j’observe le malaise et les tensions qui se multiplient dans le monde sanitaire et social, le déclin de l’industrie pharmaceutique, pourtant l’un des fleurons de notre pays, les difficultés des hôpitaux et de leurs personnels, ou encore les inégalités croissantes entre les assurés sociaux.

Le secteur du médicament, qui ne représente que 15 % des dépenses d’assurance maladie, concentre la moitié des économies visées, soit 1,4 milliard d’euros. Il y a une mise en danger du secteur en termes d’innovation, d’investissement et d’emploi.

Faute de ressources suffisantes, le Comité économique des produits de santé, le CEPS, ne tient plus, depuis longtemps, le délai de 180 jours pour inscrire les dispositifs médicaux sur la liste des produits et prestations remboursables par l’assurance maladie. Cela ne manque pas d’inquiéter.

Face à une concurrence internationale exacerbée, les contraintes administratives et juridiques en France sont un repoussoir pour l’industrie pharmaceutique. À la suite du rapport de mes collègues, Gilbert Barbier et Yves Daudigny, des mesures pourraient être prises afin de favoriser le développement des industries pharmaceutiques sur le sol français, donc de l’innovation.

L’hôpital, je l’ai dit, connaît des tensions. Les dernières manifestations des infirmières, la semaine dernière, montrent le manque de reconnaissance vis-à-vis d’un personnel dont les cadences ne permettent plus la délivrance de soins avec humanité. Les professionnels de santé perdent le sens de leur métier et de leur vocation.

Par ailleurs, comment ne pas s’interroger sur la complexité croissante des modalités de prise en charge de l’assurance maladie et des niveaux individuels de prise en charge, qui s’inscrivent en baisse ? Nous devons nous engager à limiter le reste à charge des ménages, car c’est la cause d’inégalités croissantes, en renforçant l’idée de contrat responsable par assuré, et à donner plus d’efficience au suivi des malades en affection de longue durée, ou ALD.

Le dernier point concerne les déserts médicaux. La désertification médicale ne concerne pas seulement les secteurs ruraux, mais aussi certains quartiers de grandes villes. Ce sujet a fait l’objet de nombreux diagnostics, rapports et analyses. En conséquence, chacun y va de ses mesures, et je salue celles qui ont été engagées par le Gouvernement – il n’a pas manqué de mettre en place des sollicitations financières et d’augmenter le numerus clausus –, mais aussi celles qui ont été mises en œuvre par les collectivités locales, communes, départements ou régions, qui financent des maisons de santé et aident les étudiants en médecine ou les médecins stagiaires.

Toutefois, cela ne suffit pas, car rien n’est possible sans l’adhésion des professionnels et leur implication. Ainsi, sur mon territoire, si les médecins ne s’étaient pas personnellement impliqués, le succès n’aurait pas été aussi net.

Nous l’observons, certaines de ces dispositions apportent satisfaction, mais elles ne suffisent pas véritablement pour remédier à cette fracture sanitaire. Une évaluation des dispositifs pourrait être commandée à la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, ou, éventuellement, faire l’objet d’une mission parlementaire, afin de lancer, par la suite, un véritable plan Marshall sur ce sujet.

L’idée serait de conjuguer ces différents dispositifs en les modulant selon les territoires et en y introduisant, probablement, une régulation choisie par les médecins.

Je ne terminerai pas mon intervention sans évoquer deux articles.

D’une part, l’article 49, qui crée un fonds d’innovation thérapeutique. Son financement interpelle et cache mal son intention véritable, qui est de permettre de diminuer l’ONDAM artificiellement. Comme l’indique le rapporteur général de la commission des affaires sociales, la fonction même de l’ONDAM est de prévoir les dépenses supplémentaires, y compris celles qui sont liées à l’innovation.

D’autre part, l’article 40, qui met en place une expérimentation pour trois ans d’une prise en charge et d’un suivi de jeunes en souffrance psychique. J’approuve cette mesure, mais elle ne masque pas l’urgence de refonder notre politique de soins psychiques et psychiatriques.

Pour conclure, je déplore les artifices comptables déployés par le Gouvernement pour présenter un ONDAM dégonflé. Le quasi-équilibre, affiché à tous crins pour 2017, est un trompe-l’œil. Le retour à l’équilibre des comptes sociaux est, en réalité, encore reporté, malgré une diminution des déficits. L’assurance maladie en est le premier exemple. Elle nécessite des réformes structurelles.

Je souhaite, enfin, remercier le rapporteur général de la commission des affaires sociales de la clarté de son exposé, ses collègues rapporteurs et les fonctionnaires du Sénat ayant examiné avec précision ce PLFSS pour 2017, plus que jamais équivoque. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente ce PLFSS pour 2017 en se félicitant d’un redressement des comptes de la sécurité sociale.

Certes, on peut se réjouir de différentes dispositions, comme les mesures salariales à destination du personnel hospitalier. Certes, on peut se réjouir de l’extension, par nos collègues députés, du bénéfice du taux réduit ou nul de la CSG à 550 000 petits retraités supplémentaires.

M. Jean Desessard. Mais (Sourires.), on peut s’inquiéter de la pérennité de ces mesures quand elles sont gagées, pour reprendre les mots pourtant pesés du Haut Conseil des finances publiques, par plusieurs milliards d’économies « incertaines » et « irréalistes ».

Comment s’enthousiasmer du sauvetage proclamé de la sécurité sociale, quand l’usage délibéré de crédits d’impôt reporte à 2018 plusieurs milliards d’euros de pertes de recettes ? Et ce n’est pas la perspective d’une éventuelle alternance politique qui serait de nature à nous rassurer, tant les candidats à la primaire de la droite promettent une surenchère de baisses de cotisations et de dégradations de la couverture sociale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je compléterai, ici, le propos de ma collègue Aline Archimbaud, qui a évoqué les branches maladie et AT-MP, en parlant des branches famille et vieillesse.

S’agissant de la branche famille, si l’on trouve dans ce texte quelques mesures intéressantes – le recouvrement des créances alimentaires, ou encore la simplification des aides aux particuliers employeurs –, on est passé à côté d’une grande réforme de la politique familiale. Pour redresser la branche famille, le Gouvernement a choisi de supprimer l’universalité des allocations familiales et de moduler celles-ci en fonction des revenus des bénéficiaires. Nous regrettons toujours vivement ce choix, qui porte atteinte au fondement même de la sécurité sociale, à savoir son universalité.

M. Jean Desessard. Nous le regrettons d’autant plus qu’une autre solution – sur ce point, je vais vous décevoir, chers collègues de la majorité sénatoriale – existait pour réaliser des économies bien plus considérables : la suppression du quotient familial. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette niche fiscale particulièrement injuste favorise très nettement les 10 % de nos concitoyens les plus aisés. Ainsi, une famille vivant avec 6 SMIC économise plus de 2 000 euros d’impôt par an et par enfant, quand une famille vivant avec le SMIC n’économise que 279 euros.

Notre choix politique est de réutiliser les quelque 14 milliards d’euros que coûte chaque année le quotient familial pour verser une allocation universelle à chaque enfant, dès le premier-né, d’un montant de 730 euros par an, ce qui constituerait une première étape vers la mise en œuvre d’un revenu universel.

S’agissant de la branche vieillesse, on est, là aussi, passé à côté d’une indispensable refondation. On a appliqué une démarche comptable, fondée sur les hypothèses d’un marché du travail mort au siècle dernier, pour remplacer des retraités par des chômeurs. En effet, la stabilisation des dépenses, dont se targue le Gouvernement, s’explique essentiellement par le relèvement de l’âge de la retraite, entamé par la droite et poursuivi par le Gouvernement, dramatiquement converti au néolibéralisme.

Comment peut-on encore imaginer, dans notre pays où le taux de chômage des jeunes avoisine les 25 %, que la solution réside dans le report de l’âge de la retraite à 62, 65 ou même 67 ans ? Cette idée saugrenue ne prend pas non plus en compte les difficultés des chômeurs de plus de 55 ans à trouver du travail… Chômage, financement, croissance en berne, automatisation et numérisation du travail, aucune de ces données ne semble avoir été prise en compte pour réfléchir à la pérennité de notre régime de retraite.

Il convient pourtant de développer une véritable réflexion sur le sujet, en envisageant le temps de travail globalement, dans ses mutations, sur toute la durée de la vie, et non en se contentant de proposer, à intervalles réguliers, de relever l’âge de la retraite, comme l’a encore fait, aujourd’hui, notre rapporteur.

N’ayant pas le temps de développer tous les financements possibles, je me contenterai d’en citer quelques-uns, comme l’arrêt du CICE, l’arrêt des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires,…

Mme Pascale Gruny. L’arrêt des entreprises ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Desessard. … ou encore la dépénalisation du cannabis, votée la semaine dernière dans plusieurs États américains.

S’il n’est pas le plus mauvais de ceux que nous aurons eu à examiner durant ce quinquennat, ce dernier PLFSS n’est malheureusement pas de nature à m’ôter le sentiment d’un triste rendez-vous manqué. Pourtant, en avril dernier, le rapport Sirugue invitait le Gouvernement à créer une « couverture socle commune » qui viendrait remplacer les dix minima sociaux existants… Malheureusement, ces préconisations sont restées, à ce stade, lettres mortes.

Il n’y a pas plus de vision de long terme au sein de l’opposition, qui propose la même thérapie, en pire… Pourtant, il est de notre responsabilité politique de proposer un système de protection sociale qui tienne compte des évolutions de notre société.

L’excellent travail de la récente mission d’information sénatoriale sur le revenu universel montre qu’il s’agit d’un outil fondamental pour adapter notre protection sociale aux défis du siècle ! Nous pensons que sa mise en œuvre doit être le fil rouge des futures réformes de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quelle merveilleuse leçon nous a été administrée par ceux qui, en 2002, dès leur arrivée au pouvoir, commençaient à creuser le déficit, et qui s’étonnent maintenant que nous n’ayons pas eu le temps d’aller assez loin !

C’est pourtant du jamais vu depuis le gouvernement Jospin, quand les comptes de la Nation étaient tous colorés en vert : la protection sociale, le budget de l’État, la balance commerciale, l’assurance chômage, et j’en oublie certainement. Le régime général de la sécurité sociale sera à l’équilibre en 2017, et c’est une grande nouvelle. C’est le résultat des efforts constants engagés depuis 2012.

C’est une grande et belle nouvelle, car elle emporte avec elle la pérennité d’un système fondé sur la répartition et, par conséquent, sur la solidarité. Au moment où l’« Obamacare », à peine né, est menacé, nous pouvons nous réjouir de l’attachement des Français à cette magnifique institution créée par le grand élan d’humanité du Conseil national de la Résistance et portée par Ambroise Croizat et Pierre Laroque.

L’équilibre pour 2017, c’est une réalité ! Les faits sont têtus, même si quelques esprits chagrins ou sceptiques cherchent laborieusement des raisons d’en faire douter.

Il y a ceux qui, traditionnellement, estiment les prévisions trop optimistes et augurent des dépassements. Ils avaient formulé les mêmes doutes les années passées, sans que jamais la réalité leur donne raison. En 2016, les résultats sont même meilleurs que les prévisions.

Puis, il y a ceux qui, sur un budget de près de 500 milliards d’euros, querelleront sur les transferts de quelques millions d’euros d’une branche à l’autre, bien qu’ils soient réalisés en toute transparence, en toute légitimité, en toute logique d’efficacité.

D’autres s’opposent aux prélèvements sur la branche accidents du travail et préconisent la baisse des cotisations des employeurs. Il en résulterait un déficit accru de l’assurance maladie, donc la nécessité d’augmenter, à ce titre, les participations. Voilà un raisonnement à somme nulle, qui ne sert qu’à nourrir une critique difficile à justifier.

Car le fait est avéré, le budget du régime général sera quasiment à l’équilibre en 2017. C’est le résultat d’une politique rigoureuse et persévérante, conduite par vous, madame, monsieur les membres du Gouvernement, une politique rigoureuse et plus équitable, marquée par de grandes avancées : une couverture sociale améliorée et étendue, une prise en charge plus large des traitements coûteux, un accès aux soins facilité pour les plus démunis d’entre nous. Nous le savons bien : c’est l’une des conditions sine qua non de la préservation de la cohésion sociale.

Par une évolution constante, persévérante, le budget du régime général retrouve une bonne santé : 17,5 milliards d’euros de déficit en 2011, quelque 3,4 millions d’euros en 2016, et quasiment l’équilibre en 2017. On peut mesurer le chemin parcouru pour y parvenir, notamment grâce à la mise en œuvre d’économies substantielles.

Par une détermination sans faille sur l’utilisation des génériques, la limitation des dépassements d’honoraires, le développement du virage ambulatoire et une meilleure organisation du système de santé, on obtient un résultat exceptionnel en améliorant encore la qualité des soins, l’encouragement à l’innovation et la généralisation du tiers payant.

La suppression de la franchise pour 1,4 million de personnes en situation de précarité, la prise en charge généralisée de l’IVG comme de la contraception chez les jeunes, un meilleur remboursement des soins dentaires, l’invention de la PUMA, la protection universelle maladie, qui assure, quels que soient les aléas de la vie, la continuité de la couverture sociale pour tous, indépendants, salariés ou bénéficiaires du RSA.

La résolution des problèmes des assurances des étudiants comme des indépendants, l’amélioration de l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées, la lutte contre les déserts médicaux – on dit qu’elle ne va pas assez vite, mais que faisait-on avant ?

Pendant ce temps, le reste à charge des patients est passé de 9,3 % en 2011 à 8,4 % en 2016, soit un gain de 1,3 milliard d’euros de pouvoir d’achat redonné aux Français.

De façon aussi péremptoire qu’injustifiée, on taxe souvent le Gouvernement de toutes les rages pour mieux le noyer. Il aura pourtant relevé de nombreux défis difficiles, tant le pays partait de loin en 2012 – Jean-François Fillon parlait à l’époque d’une situation de « faillite » de l’État.

Il a fallu redresser les comptes de la Nation, instaurer une plus grande équité en matière fiscale, sociale, familiale, engager la France sur la voie du développement et de l’innovation. Méfions-nous des anathèmes tenant lieu de démonstrations, des caricatures, des procès d’intention. Ce faisant, nous apportons de l’eau au moulin de ceux dont l’ambition est de discréditer la politique. La démocratie mérite mieux.

La démocratie a, certes, besoin du débat et de la critique, mais elle a besoin également de sincérité et de respect mutuel.

Madame la ministre, au nom du groupe socialiste et républicain, je peux vous assurer de notre gratitude admirative pour la belle œuvre accomplie, pour préserver un outil qui fait notre fierté, mais aussi assure notre sérénité et notre confiance en l’avenir. Si j’avais une couronne, je vous la poserais sur la tête ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mes propos seront d’une tonalité quelque peu différente de ceux de l’intervenant précédent.

Je tiens, pour commencer, à saluer le travail effectué par les rapporteurs afin de nous éclairer sur la lecture réelle qui doit être faite de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nos collègues Catherine Deroche et Corinne Imbert se sont largement exprimées sur la réalité des déficits et sur les difficultés de notre système de santé.

Les conclusions émises par chacun de nos rapporteurs sur ce dernier budget de la sécurité sociale de l’actuelle majorité viennent quelque peu relativiser votre satisfaction, madame la ministre, celle d’avoir sauvé la sécurité sociale, en oubliant notamment le Fonds de solidarité vieillesse.

Nous sommes loin de partager votre enthousiasme, même si nous reconnaissons que des efforts ont été accomplis. Nous sommes d'ailleurs confortés dans notre analyse par le Haut Conseil des finances publiques, qui, dans un avis du 24 septembre dernier, constatait une « fragilité de la trajectoire de retour à l’équilibre » des comptes publics.

Au-delà de ces remarques liminaires, je souhaite intervenir principalement sur le volet médico-social et sur la politique du Gouvernement en matière de handicap.

Un certain nombre de mesures proposées dans ce projet de loi nous interrogent et inquiètent les acteurs du monde du handicap. Je ne puis que soutenir la position de notre rapporteur, René-Paul Savary, sur ce point.

Dans un premier temps, je ne peux que regretter, en ce qui concerne le budget médico-social, que son financement soit fragilisé par l’utilisation des réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui vont en s’épuisant. Rappelons que nous avons pris beaucoup de retard dans la création de places d’accueil dans les établissements et les services pour les personnes handicapées. De plus, le système d’appel à projets pour la création et l’extension d’établissements entraîne des délais extrêmement longs. Il est à craindre que, dans les années à venir, il soit nécessaire de prendre des mesures difficiles afin de rattraper le retard ainsi pris.

Concernant le douloureux problème de nos compatriotes en situation de handicap, contraints de s’exiler en Belgique, faute de réponse appropriée à leur demande en France, je regrette que ce dossier ne soit plus une priorité pour le Gouvernement.

Rappelons que près de 8 500 Français, adultes et enfants, sont présents en Belgique et que nous estimons à environ 250 millions d’euros le coût actuel pour la France de l’accueil de nos ressortissants. L’année dernière, j’avais salué la mise en place par le Gouvernement d’un plan de prévention des départs non souhaités, tout en regrettant que les moyens financiers consacrés à la mise en place de ce plan – 15 millions d’euros – ne soient pas à la hauteur.

Je m’étonne qu’il n’y ait aucune disposition nouvelle pour 2017. Ce n’est pas la réponse attendue par des centaines de parents qui vivent séparés de leur enfant, ou de ces familles déchirées de devoir laisser l’un des leurs loin du domicile familial.

La seule disposition concernant ce dossier figure à l’article 46 bis du projet de loi – le rapporteur René-Paul Savary en demandera très justement la suppression –, qui prévoit la remise, par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement définissant les conditions de mise en place d’un fonds d’amorçage pluriannuel de prévention des départs non choisis en Belgique.

Il est urgent d’agir, et nous ne pouvons plus reculer. D’ailleurs, je serai amené dans les prochains jours à proposer un certain nombre de mesures, en conclusion de la mission qui nous a été confiée par la commission des affaires sociales du Sénat.

En ce qui concerne maintenant les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, à compter du 1er janvier 2017, les crédits du budget de l’État qui sont normalement alloués à ces dernières seront transférés à la CNSA. Par ce transfert, l’État se désengage financièrement des MDPH, et il sera mal aisé pour le Parlement de vérifier les sommes véritablement consacrées à leur fonctionnement.

Rappelons de nouveau que les réserves de la CNSA sont en diminution, ce qui ne peut qu’inquiéter pour la pérennité du financement des MDPH. De plus, il est regrettable que les moyens financiers ne soient pas revus à la hausse, compte tenu de la surcharge de travail que suppose la généralisation de la « réponse accompagnée pour tous », notamment l’élaboration des plans d’accompagnement globaux, les PAG, qui seront généralisés sur l’ensemble du territoire au 1er janvier 2018.

Afin que le service apporté aux personnes touchées par un handicap soit de qualité, des moyens supplémentaires, notamment humains, sont nécessaires, dans un contexte financier tendu, les départements ne pouvant engager des moyens financiers supplémentaires.

À l’occasion de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, je tiens à saluer les dispositions de l’article 30 bis, qui visent à permettre, par la mise en place d’une commission pluridisciplinaire, la prise en compte, pour le bénéfice de la retraite anticipée des travailleurs handicapés, de certaines périodes de handicap lourd que les assurés ne sont pas en mesure de justifier.

Il serait opportun que ces dispositions puissent s’appliquer à tous : salariés, fonctionnaires et indépendants, quel que soit le régime dont ils dépendent. Et je salue l’amendement déposé par le rapporteur Gérard Roche, qui tend à rétablir la prise en compte du critère de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la retraite anticipée avec majoration de la pension.

Pour terminer, même si le sujet peut sembler de moindre importance, je suis extrêmement choqué par l’article 45 quinquies, qui prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’usage du packing. En effet, la Haute Autorité de santé s’est déclarée formellement opposée à l’usage de cette pratique, qui, selon moi, devrait être interdite et ne plus donner lieu à débat.

Cette pratique d’un ancien temps est inhumaine et devrait être proscrite. Je suis donc étonné, madame la ministre, que vous proposiez de relancer cette discussion au lieu de prendre les décisions qui, selon moi, s’imposent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la politique familiale est l’un des piliers de notre modèle social. Elle joue un rôle majeur sur le taux d’activité des femmes, réduit la pauvreté des enfants et de leurs familles, permet aussi de rompre l’isolement et de protéger les familles monoparentales.

Depuis 2012, le Gouvernement a souhaité apporter plus de protection et d’aide aux familles les plus vulnérables et créer de nouvelles garanties. Il a préservé l’importance de la politique familiale, qui mobilise plus de 2,5 % de la richesse nationale, soit un niveau supérieur à la moyenne européenne, tout en rétablissant l’équilibre des comptes de la branche famille de la sécurité sociale. Alors que cette dernière présentait un déficit de 3,2 milliards d’euros en 2013, elle retrouve l’équilibre en 2017, grâce aux réformes mises en œuvre.

Oui, les politiques menées ces dernières années ont permis de renforcer le caractère redistributif des prestations familiales, en faisant du soutien aux familles les plus fragiles une priorité. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 se veut d’ailleurs dans la continuité des actions menées pour plus de redistribution et de justice sociale, sans oublier la responsabilité budgétaire.

Il y a eu tant de mesures sociales en direction des familles durant ce quinquennat ! Rappelons que l’allocation de rentrée scolaire a été revalorisée de 25 % dès 2012, pour près de 3 millions de familles.

De même, avec le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, nous avons adopté de nombreuses mesures permettant de soutenir les plus fragiles. Au terme de la montée en charge de ce plan, ce sont environ 2,6 milliards d’euros supplémentaires qui seront redistribués chaque année à 2,7 millions de ménages parmi les plus en difficulté. Cela revient à une somme d’environ 1 000 euros en moyenne par an et par ménage concerné.

Ce plan renforce les prestations pour ceux qui en ont le plus besoin. En 2018, le montant du complément familial aura ainsi été majoré de 50 % pour les familles dont les ressources sont inférieures au seuil de pauvreté ; quelque 460 000 familles en bénéficient. Le montant de l’allocation de soutien familial qui accompagne les parents isolés aura été revalorisé de 25 %, ce qui a amélioré la situation de 740 000 familles.

Les allocations familiales ont également été modulées en fonction des ressources. Depuis le 1er juillet 2015, le montant de ces allocations est diminué de moitié pour les familles aux revenus supérieurs à 6 000 euros nets par mois, et divisé par quatre pour les familles aux revenus supérieurs à 8 000 euros nets par mois. Cette mesure n’a concerné que 10 % des familles.

Il s’agit bien là d’une mesure de justice sociale, qui préserve l’universalité des prestations familiales, car toutes les familles continuent à toucher des allocations !