compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Bruno Gilles,

Mme Valérie Létard,

Mme Catherine Tasca.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures quinze.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du vendredi 18 novembre 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Vote sur l'ensemble de la quatrième partie (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Financement de la sécurité sociale pour 2017

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2017 (projet n° 106, rapport n° 114 [tomes I à VIII], avis n° 108)

Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Explications de vote sur l’ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps de parole attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, mes chers collègues, notre assemblée a achevé d’examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, le PLFSS, en première lecture.

Quel bilan tirer de nos débats ?

Tout d’abord sur la forme, je tiens à remercier, comme je l’ai fait vendredi dernier, Mme la ministre Marisol Touraine, ainsi que le président de la commission des affaires sociales, le rapporteur général et tous les rapporteurs pour la qualité des réponses apportées lors de l’examen de nos soixante amendements restés en lice en séance publique.

Je veux aussi dire notre satisfaction d’en avoir fait adopter certains, contribuant ainsi à l’amélioration de la qualité des soins et au renforcement de notre système de protection sociale. Je pense, en particulier, à l’extension de la responsabilité des entreprises mères à l’égard des entreprises qu’elles contrôlent en cas de fraude aux cotisations sociales. Je pense également à l’amendement visant à demander la réalisation d’un rapport sur la révision de la liste des pathologies ouvrant droit aux congés de longue durée pour les agents de la fonction publique d’État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, à l’extension du versement de l’aide au congé maternité ou paternité à l’ensemble des médecins ou encore à la suppression de l’article 43 quater sur les négociations en cours entre l’assurance maladie et les syndicats des chirurgiens-dentistes. Mais, sur le fond, nos désaccords avec le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, que j’ai détaillés dans mon intervention générale, sont très profonds.

Je dénonce une nouvelle fois la logique de restrictions budgétaires, avec un objectif national de dépenses d’assurance maladie à 2,1 %, reposant sur des économies de 4,1 milliards d’euros sur les dépenses, ce qui est un coup dur non seulement pour les agents hospitaliers, l’ensemble des professionnels de santé et d’action sociale, mais également pour les patients.

Comment continuer d’ignorer qu’ils subissent déjà, tous et toutes, la baisse des moyens, le non-remplacement des départs à la retraite, les fermetures de services, les suppressions de lits ? Et les conséquences négatives des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, ne sauraient se faire attendre !

Comment continuer d’ignorer les demandes réitérées de négociations de la part des infirmiers et infirmières, des psychologues ou encore des orthophonistes, pour ne me limiter qu’à ces trois exemples ?

Si la majorité sénatoriale a refusé les tableaux d’équilibre budgétaire, c’est pour des raisons inverses à celles de notre groupe. Elle a en effet jugé les objectifs de baisse des dépenses pour 2017 insuffisants pour rétablir l’équilibre.

Les mesures proposées par la droite, au Sénat, sont d’ailleurs éclairantes en la matière : suppression de la mise à contribution des fournisseurs de produits du tabac, suppression du « mécanisme W », qui est pourtant destiné à limiter le prix exorbitant de certains médicaments, report de la limite d’âge de la retraite des médecins dans la fonction publique et le secteur public, de soixante-sept à soixante-treize ans, et suppression du tiers payant généralisé.

Face à ces mesures régressives, nous avons fait entendre une voix originale en proposant, notamment, des recettes nouvelles pour financer la prise en charge à 100 % des soins par la sécurité sociale. Nous sommes intervenus pour dénoncer le prolongement du pacte de responsabilité et de solidarité ainsi que les exonérations de cotisation accordées aux entreprises, qui font perdre 20 milliards d’euros de recettes par an.

Pourquoi refuser de voir, madame la secrétaire d'État, que le fondement même de notre système de sécurité sociale, reposant sur les cotisations des salariés et des employeurs, est de plus en plus fragilisé par ces exonérations, si ce n’est pour démanteler notre système de protection sociale en le livrant au système assurantiel ?

Alors oui, les comptes de la sécurité sociale peuvent être amenés à l’équilibre, mais pas comme cela ! Pas au détriment de l’accès aux soins pour toutes et tous, ni au détriment des conditions d’exercice des professionnels de santé des secteurs public et privé.

Ainsi, plutôt que d’étendre le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, aux indépendants, nous avons proposé de supprimer les exonérations sur les bas salaires, qui créent justement de véritables trappes à bas salaires. De même, nous avons défendu la majoration des cotisations patronales pour les entreprises abusant du temps partiel. Malheureusement, ces amendements ont été rejetés, la majorité sénatoriale comme le Gouvernement y étant défavorables. Et plutôt que de réduire les dépenses, nous avons suggéré d’augmenter significativement les recettes de la sécurité sociale au travers de plusieurs amendements. La mise à contribution des revenus financiers et la modulation des cotisations patronales, selon les politiques salariales et environnementales des entreprises, auraient pu permettre, par exemple, le financement à 100 % des dépenses des étudiants.

Par ailleurs, nous avons démontré qu’il était possible, à condition d’en avoir la volonté politique, de financer l’adaptation de la société au vieillissement. À cet effet, mon collègue Dominique Watrin a proposé la création d’une contribution de solidarité des actionnaires au taux de 0,3 % sur l’ensemble des dividendes des entreprises.

Face au renoncement aux soins, à la souffrance des personnels de santé, nous avons notamment soumis l’idée, en veillant à ne pas tomber sous le couperet de l’article 40 de la Constitution, de supprimer les dépassements d’honoraires ou encore de mettre en place un moratoire sur les fermetures de services ou d’établissements de santé. Là encore, nos amendements ont été retoqués, alors que de nombreuses mobilisations ont cours ; je pense aux luttes emblématiques en Île-de-France, notamment dans le Val-d’Oise, mais aussi en Bretagne et dans bien d’autres régions.

D’ailleurs, pour sortir des hôpitaux de l’endettement massif, nous avons proposé, sans succès, le lancement d’un audit citoyen pour connaître les créanciers et exiger l’annulation de la part illégitime de la dette.

Concernant les travailleurs handicapés, qui sont particulièrement oubliés dans ce PLFSS, ma collègue Annie David est intervenue très fortement en leur faveur, proposant d’ouvrir les voies d’accès à la reconnaissance du statut de travailleurs handicapés aux travailleurs qui ne peuvent pas accéder au dispositif de retraite anticipée. Elle a aussi demandé une meilleure information et une prise en charge des bénéficiaires de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, en remettant en cause, une fois de plus, le caractère solidaire de notre système de santé, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 est aux antipodes d’une politique de justice sociale. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la droite n’ait cessé de revendiquer la paternité de bon nombre de réformes engagées, notamment concernant les retraites, en proposant d’aller plus loin. Pas plus que le texte originel – et même bien au contraire ! –, cette version aggravée par la majorité sénatoriale n’est de nature à répondre aux besoins de santé des populations.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Jean-Pierre Sueur et Jean-Louis Carrère applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour le groupe du RDSE.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, c’est dans un calendrier haché et contraint que nous avons examiné la semaine dernière le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, après une première lecture à l’Assemblée. À cet égard, je tiens à remercier le rapporteur général et tous les rapporteurs qui, sous la houlette du président de la commission des affaires sociales, ont minutieusement analysé ce budget, dont la complexité technique s’aggrave d’année en année. Merci aussi aux services de la commission toujours aussi précieux qu’efficaces.

De ces débats, je relèverai trois points.

Le premier concerne la partie « recettes », que la majorité sénatoriale a adoptée, en rejetant cependant les articles d’équilibre. Ce vote positif a permis d’examiner les dépenses et de corriger, dans ces divers articles, ce qui nous paraît plus logique et réaliste pour une meilleure qualité des soins pour nos concitoyens, tout en respectant des conditions financières contraintes.

Par ce rejet, nous avons simplement voulu démontrer le montage pour le moins sophistiqué de ce budget, avec des transferts, des reports, des sous-estimations, pour arriver à présenter un budget prétendument en équilibre, en masquant un déficit certes réduit, mais réel, notamment du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse. À trop vouloir prouver, on perd la crédibilité, et on devient inaudible pour la grande majorité de nos concitoyens. Et c’est bien ce qu’il vous arrive, madame la secrétaire d'État, avec le dernier budget de la mandature !

Concernant les observations pour le moins modérées de la Cour des comptes, qui souligne la fragilité des équilibres, le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics m’a reproché d’avoir repris la formule, certes lapidaire, d’un hebdomadaire qui titrait à propos du budget de la sécurité sociale : « Le ministre du budget s’assoit dessus ». C’est pourtant bien la vérité, et M. le rapporteur général s’est efforcé de le démontrer tout au long de la discussion.

Ma deuxième observation porte sur la méthode employée pour conduire la politique de santé depuis cinq ans.

J’en conviens, un ministre de la santé n’a pas vocation à se faire adorer par les professionnels de santé, pas plus qu’il n’a l’obligation de tout faire pour en être détesté. (Rires et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Et pourtant, que constatons-nous ? Les personnels soignants hospitaliers étaient dans la rue la semaine dernière ; les médecins n’ont cessé d’être combattus, encadrés, contrôlés, notamment dans l’exercice libéral ; vous voulez encadrer les chirurgiens-dentistes par la contrainte plutôt que par la négociation conventionnelle ; et je ne suis même pas sûr que les pharmaciens vous seront reconnaissants de l’autorisation à pratiquer la vaccination contre la grippe que vous leur avez délivrée, ce qui, dans les faits, constituera une obligation avec les contraintes de responsabilité que cela entraîne.

L’industrie du médicament n’a pas été oubliée au cours de ces années. Vous avez mis en place une panoplie impressionnante de mesures aussi complexes qu’opaques pour celui qui veut innover : indice K ; indice L, scindé dans ce budget en indices Lv et Lh ; indice W. Or les industriels dans ce domaine plus que dans d’autres ont besoin de visibilité pour s’engager dans des programmes de recherche. Vous neutralisez les effets positifs de l’impôt recherche, et c’est fort dommage.

Mais après tout, être rejeté par les professionnels de santé, si cela concourt à une amélioration de la santé de nos concitoyens, pourquoi pas ?

Malheureusement, les grands défis n’ont pas été relevés, et ce n’est pas l’instauration du tiers payant qui réglera les problèmes ; il n’était d’ailleurs réclamé par personne, à l’exception de quelques cas, qu’il eût été simple de traiter. Avec l’état des finances publiques, c’était loin d’être une urgence pour notre pays. C’est, en revanche, un affichage politique à la veille d’une période électorale majeure.

Finalement, au cours de cette mandature, vous n’aurez traité que très partiellement les grands défis pour assurer un égal accès aux soins pour tous. J’ajouterai même : un accès à des soins de qualité égale sur l’ensemble du territoire.

Concernant la désertification, dont nous avons beaucoup parlé, une mesure s’impose : l’ouverture du numerus clausus.

Il faut former plus de médecins dans nos facultés françaises (Mme Françoise Férat opine.)

M. Alain Joyandet. Très bien !

M. Gilbert Barbier. … et éviter la sélection par l’argent, qui conduit nos jeunes, dont les familles aisées ont les moyens, à aller acquérir un diplôme en Belgique, en Bulgarie, en Espagne ou au Portugal. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Certaines mesures ponctuelles d’aide à l’installation sont intéressantes, mais, de grâce, évitons cette dernière trouvaille qu’est l’interdiction d’installation en zones sur-denses sans départ d’un médecin !

S’agissant du trop grand nombre d’établissements hospitaliers, vous ne présentez pas de plan coordonné visant à rationaliser les équipements pour les rendre plus performants.

Nous voulons tous, j’en conviens, une médecine de qualité avec un égal accès aux soins. Mais nous divergeons fondamentalement sur les moyens d’y parvenir. Curieusement d’ailleurs, les ministres ont avoué, à plusieurs reprises au cours des débats, un défaitisme subliminal (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.), en brandissant la menace que représenterait l’application des projets des candidats à la primaire de la droite et du centre.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. C’est vrai !

M. Gilbert Barbier. Ce sont des choix politiques, des philosophies différentes, et les Français trancheront l’an prochain.

Pour l’heure, je remercie mes collègues du groupe du RDSE de m’avoir permis de m’exprimer, même si la grande majorité d’entre eux n’ont pas la même approche que moi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Alain Gournac applaudit également.)

M. Gérard Roche. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous avons terminé vendredi dernier en début de soirée l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, après une semaine de débats, des débats un peu hachés, mais de qualité, je tiens à le souligner. Nous avons su, les uns et les autres, exposer nos points de vue sans nous lancer des invectives, en essayant de convaincre de manière constructive, parfois un peu combative, mais c’était nécessaire…

La campagne pour la primaire de la droite et du centre n’a finalement eu que peu d’influence sur les discussions, sauf peut-être lorsque certains – pas toujours des parlementaires d’ailleurs ! – ont orienté le débat sur des considérations plus politiques, en lien avec le programme des candidats. C’est un terrain sur lequel nous ne souhaitions pas aller, quand bien même nous ne partagions pas les mêmes positions. Cela ne nous a pas empêchés d’opposer au Gouvernement nos désaccords, sur lesquels je reviendrai de manière plus détaillée.

Avant d’aller plus loin, je tiens à saluer le travail de mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, de l’ensemble des rapporteurs et des services de la commission des affaires sociales. Nous avons beaucoup travaillé, et j’en suis fier. Je remercie également Alain Millon pour la qualité des échanges que nous avons eus au sein de la commission.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je le dis d’emblée, le groupe UDI-UC votera le PLFSS pour 2017…

M. Gérard Roche. … tel que modifié par le Sénat. La version sénatoriale de ce texte est en effet plus sincère et plus juste que celle qui nous a été initialement présentée. (M. Jean Desessard s’exclame.) En ne votant pas les articles d’équilibre, nous avons manifesté notre désaccord avec la méthode utilisée par le Gouvernement pour présenter des comptes à l’équilibre, ou presque.

Oui, la situation s’améliore année après année, on le reconnaît, mais, si nous souhaitons tous le retour à l’équilibre des comptes – il y va de l’avenir de la protection sociale de notre pays ! –, cela doit résulter non pas d’artifices comptables, uniquement destinés à embellir la présentation du budget, mais de réformes structurelles, profondes, dans chaque branche de la sécurité sociale.

Sans rechercher l’exhaustivité – je ne dispose que de quelques minutes ! –, je souhaiterais développer plusieurs sujets qui m’ont semblé bien résumer la teneur de nos échanges.

L’économie collaborative a été au cœur d’un débat lancé dès l’examen du texte en commission. Le Gouvernement entendait proposer des seuils au-delà desquels une activité de location de meublé de courte durée ou une activité de location de biens meubles était considérée comme une activité professionnelle. Le rapporteur général a proposé un seuil unique – 15 691 euros par an –, qui a été adopté, ce qui permet de clarifier la situation et de la simplifier. Il n’était évidemment pas question de pénaliser outre mesure l’économie collaborative, il s’agissait de prévoir les conditions susceptibles d’assurer l’équité entre les acteurs concernés. Nul doute qu’il faudra revenir de manière plus détaillée sur un tel sujet.

Pour ce qui est de la branche famille, je tiens vraiment à saluer la création d’une agence nationale de recouvrement des pensions alimentaires. C’est un sujet très important, et cette initiative permettra, j’en suis sûr, de lutter plus efficacement contre les impayés.

En revanche, je regrette que l’ONDAM, objectif national de dépenses d’assurance maladie, ait été construit sur des hypothèses bien trop optimistes, reposant sur des mesures auxquelles une majorité d’entre nous s’est opposée, à savoir la modulation des allocations familiales et la réforme du congé parental. Je pourrais également ajouter le décalage de la prime à la naissance, manœuvre de trésorerie qui pénalise les familles. C’est pourquoi nous avons rejeté cet ONDAM.

En outre, j’ai malheureusement dû nuancer les propos que Mme la ministre Marisol Touraine a tenus devant la commission, affirmant que les régimes de retraite étaient « sauvés pour des décennies ».

Beaucoup d’articles relatifs à la branche vieillesse, dont j’étais le rapporteur, étaient de nature technique et n’appelaient à ce titre que peu de remarques de notre part. Néanmoins, je regrette particulièrement le manque de réformes structurelles courageuses visant à assurer l’équilibre de cette branche.

En déficit de 2,2 milliards d’euros en 2017, cette branche est pénalisée par le très lourd déficit du Fonds de solidarité vieillesse, qui s’élèvera à 3,9 milliards d’euros en 2017. Or ce n’est pas en le privant de 1,7 milliard d’euros de ressources pour l’année à venir qu’on améliorera la situation de ce fonds et de la branche.

Concernant la branche maladie, je souhaite revenir sur un débat qui nous a occupés assez longuement, la désertification médicale, un sujet abordé par notre collègue Gilbert Barbier.

Nous avons en effet discuté de l’opportunité de mettre en place de nouvelles mesures contraignantes pour lutter contre la désertification médicale via un amendement déposé par certains de mes collègues et que j’avais d’ailleurs initialement cosigné.

En proposant la constitution d’une mission visant à évaluer les bonnes pratiques mises en œuvre avec succès dans certains territoires, le rapporteur général a, je crois, trouvé une solution de compromis, que je salue. Les dispositifs à développer doivent impliquer davantage les professionnels concernés, qui, eux-mêmes, doivent prendre leurs responsabilités afin d’assurer le service public, qui est leur mission fondamentale. C’est un projet de territoire qu’il faut mettre en œuvre par adhésion, et non par contrainte. Cela me semble maintenant possible, car certains syndicats de médecins ont pris conscience de cette mission de service public qu’ils ne remplissaient plus.

Bien d’autres sujets mériteraient d’être évoqués, mais je ne peux résumer en quelques minutes plusieurs jours de débat. Je l’ai dit au début de mon intervention, les membres du groupe UDI-UC voteront le PLFSS pour 2017 tel que modifié par le Sénat. Mais il restera encore beaucoup à faire.

La protection sociale devra rester au cœur de l’action du prochain quinquennat, en vue d’assurer la pérennité de notre système de retraite, de notre assurance maladie, de notre politique familiale et de la protection contre les maladies professionnelles ou les accidents du travail. Des réformes ont été conduites ; d’autres devront l’être, plus structurelles et plus ambitieuses, sans jamais oublier, derrière la rigueur des chiffres, notre devoir d’assurer notre mission humaniste de solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste. (M. Jean Desessard applaudit.)

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le dernier PLFSS du quinquennat est en quelque sorte le résultat de l’action du Gouvernement et des propositions que les parlementaires ont faites depuis cinq ans.

Les chiffres le montrent, le déficit de la sécurité sociale a été fortement réduit dans sa globalité, et nous nous en réjouissons. Les dépenses de la branche famille ont diminué, à tel point que celle-ci est en train de devenir excédentaire. Il est vrai que cette situation est essentiellement due à la réforme des allocations familiales, modulées désormais en fonction du revenu des parents.

Les dépenses de la branche vieillesse diminuent, elles aussi, ce qui permet de mettre fin au déficit qu’elle accusait. Toutefois, cette diminution est imputable à l’allongement de la durée des cotisations, après l’adoption de deux lois successives : celle de 2010 et celle de 2014.

Au regard de l’état actuel du marché du travail, augmenter régulièrement l’âge de la retraite ne constitue pas, à nos yeux, une solution pérenne. Il est temps de repenser notre modèle social à l’aune de l’évolution du travail, de plus en plus volatile, de plus en plus rapide, robotisé, numérisé. Pour ce faire, comme l’a indiqué notre collègue Jean Desessard au début de l’examen de ce texte, les écologistes avancent des pistes sérieuses, comme le partage du travail et le revenu de base.

Même si nous n’adhérons pas forcément à toutes les réformes entreprises, nous ne sommes pas convaincus malgré tout que le rejet du budget en bloc par la droite sénatoriale soit une bonne solution.

Concernant les branches famille et vieillesse, ce dernier PLFSS présentait de bonnes mesures. Les dispositions relatives au recouvrement des créances de pensions alimentaires constituent une protection très souhaitable pour les parents isolés, les familles monoparentales, dont le parent est d’ailleurs souvent une femme. Nous saluons également la simplification des aides des particuliers employeurs, ainsi que, dans la branche vieillesse, l’extension du bénéfice du taux réduit ou nul de la CSG – contribution sociale généralisée –, qui va dans le bon sens, car cela favorise les retraités les plus fragiles.

La branche accidents du travail-maladies professionnelles est, quant à elle, encore en excédent, pour la troisième année consécutive. Cependant, nous regrettons que cet excédent ne soit pas davantage utilisé pour améliorer la santé des travailleurs, en développant la prévention, car, comme nous l’avons souligné au cours des débats, les besoins en la matière sont immenses. Nous notons avec satisfaction que la plupart de nos propositions sur ce sujet ont été retenues, concernant l’information des bénéficiaires de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante et la réduction des inégalités entre les fonctionnaires et les salariés du privé pour la procédure d’attribution d’une rente au conjoint survivant.

La branche maladie est à part, puisque de gros efforts sont encore nécessaires pour la faire revenir à l’équilibre. Malgré tout, les chiffres montrent que son déficit a été réduit depuis quelques années. Si nous nous en réjouissons sur le fond, nous insistons fermement sur le fait que ces réductions ne peuvent se faire sur le dos des plus vulnérables. En outre, elles ne peuvent être pérennes que si l’on met – enfin ! – la prévention au cœur du dispositif de santé d’une façon beaucoup plus systématique.

En ce sens, nous avions déposé plusieurs amendements concernant l’accès aux soins, la santé environnementale et la lutte contre les maladies chroniques non transmissibles, à l’origine de 80 % des dépenses remboursées par l’assurance maladie. Nous regrettons que ceux-ci n’aient pas été acceptés, alors même qu’ils auraient permis de créer progressivement, à moyen et long termes, de nouvelles recettes pour la sécurité sociale.

Le texte tel qu’il a été présenté au Sénat comportait plusieurs mesures très positives, prévoyant plus d’accès aux soins et permettant de lutter notamment contre le tabagisme, avec l’article alignant le prix du tabac à rouler sur celui des cigarettes, qui a été maintenu ; et nous en remercions nos collègues. Malheureusement, d’autres mesures ont été supprimées, comme la création d’une taxe sur le chiffre d’affaires des cigarettiers, une mesure de justice fiscale nécessaire, et le renforcement de l’accès aux soins dentaires, qui constitue pourtant un véritable problème dans notre pays.

De façon plus générale, le problème de l’accès aux soins reste très important. Entre 15 % et 30 % des Français déclarent avoir renoncé à des soins ou repoussé des soins d’une année sur l’autre faute de moyens financiers, selon plusieurs études de la DREES, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, et de l’IRDES, l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, notamment. Entre 2014 et 2015, le renoncement a augmenté de 6 % ! Nous ne comprenons pas pourquoi la majorité sénatoriale a supprimé l’article prévoyant la généralisation du tiers payant au détour d’un amendement, avec des arguments que nous contestons.

Nous avons ainsi entendu, lors de nos débats, que le tiers payant généralisé serait inefficace pour réduire le renoncement aux soins dans la mesure où les patients aux revenus modestes en bénéficieraient déjà par l’intermédiaire de la CMU-C, la couverture maladie universelle complémentaire. Cet argument n’est pas valide.

En effet, le plafond de revenu mensuel pour pouvoir demander la CMU-C est de 721 euros pour une personne seule, un plafond en dessous du seuil de pauvreté, qui se situe aujourd'hui, selon les estimations, autour de 960 euros. Or, aujourd'hui, dans notre pays, beaucoup de salariés pauvres, modestes ou appartenant à la classe moyenne sont au-dessus de ce plafond et de celui de l’ACS, l’aide au paiement d’une complémentaire santé, et ont absolument besoin du tiers payant pour se soigner.

Face à ce constat, grave, la suppression du tiers payant par le Sénat est, à nos yeux, absolument inacceptable. Nous espérons très sincèrement que cette mesure sera rétablie dans la version finale du PLFSS.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : même si certains de nos amendements ont été adoptés, les modifications qui lui ont été apportées par le Sénat nous obligent à voter contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. En effet, dans sa version issue des travaux de notre assemblée, il ne nous semble pas en accord avec les grands principes qui ont inspiré les fondateurs de la sécurité sociale ni avec la nécessité d’une solidarité nationale forte dans une période où notre pays a besoin de cohésion sociale pour faire face à une crise économique et sociale très grave. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)