M. Dominique de Legge. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains rejettera ce projet de loi de finances en votant la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2017
Question préalable (fin)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par M. de Montgolfier, au nom de la commission, d'une motion n° I–2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,

Considérant que le Sénat a rejeté, en première lecture, l’ensemble du projet de loi de finances pour 2017, par l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable ;

Considérant que, par ce rejet, le Sénat a choisi de marquer son opposition à un budget dont la sincérité est contestable, dont les choix budgétaires et fiscaux sont inacceptables, qui est contraire au principe d’annualité budgétaire et qui obère les marges de manœuvre de la prochaine majorité gouvernementale ;

Considérant que, si la nouvelle lecture réalisée par l’Assemblée nationale a permis de remédier aux insuffisances ou incohérences de certaines mesures adoptées en première lecture, elle n’a pas remis en cause les dispositions que le Sénat entendait rejeter ;

Considérant que cette nouvelle lecture n’a en rien modifié les grands équilibres et les orientations du budget pour 2017 ;

Le Sénat s’oppose à l’ensemble du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La motion tendant à opposer la question préalable vient d’être examinée par la commission des finances, qui l’a adoptée.

Je ne reviendrai pas sur la lecture de ce texte qui vous a été distribué. La nouvelle lecture faite par l’Assemblée nationale n’a pas permis de remédier aux insuffisances ou aux incohérences de certaines mesures adoptées en première lecture. Surtout, elle n’a pas remis en cause les dispositions que le Sénat souhaitait rejeter.

À notre sens, cette nouvelle lecture n’a pas permis de modifier les grands équilibres et les orientations du budget pour 2017.

Par cette motion, nous souhaitons nous opposer de nouveau à l’ensemble du projet de loi de finances pour 2017.

M. le secrétaire d’État nous a reproché de n’avoir rien proposé. Je rappelle que la commission des finances s’est réunie, qu’elle a examiné l’ensemble du texte et la totalité des crédits des missions. Sur la question du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, nous n’avons pas rejeté le texte, nous avons fait une proposition alternative (M. le rapporteur général de la commission des finances brandit un exemplaire du rapport Le prélèvement à la source : un choc de complexité.), celle de l’imposition contemporaine, qui n’est pas compatible avec le texte proposé par le Gouvernement.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cette motion.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, contre la motion.

M. Richard Yung. J’ai déjà avancé un certain nombre d’arguments dans la discussion générale.

Il me semble tout à fait normal que le prélèvement à la source soit fait par l’entreprise puisque le flux du salaire part d’elle. Par conséquent, qui mieux que l’entreprise sait ce qui doit être fiscalisé ?

Proposer de faire opérer le prélèvement à la source par les banques ou par d’autres institutions ne me paraît pas une idée raisonnable. Je ne comprends donc pas votre acharnement sur cette question, d’autant que tous les autres pays procèdent ainsi que nous le proposons.

Quant au fait que les grands équilibres soient maintenus, heureusement qu’ils le sont ! Qu’auriez-vous dit s’ils avaient été modifiés substantiellement ?

Bien évidemment, le groupe socialiste et républicain votera contre cette motion, pour les raisons que j’ai indiquées.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je formulerai une remarque générale, même si ce n’est pas à la fin de l’examen des textes que l’audience est la plus forte…

Ce qui me frappe, après cette troisième expérience personnelle en tant que secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, c’est l’extraordinaire décalage entre nos décisions et leur mise en œuvre. Certes, la faute n’en incombe pas aux sénatrices et aux sénateurs ici présents.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement présente son projet de loi de finances à la fin du mois de septembre ; généralement, d’ailleurs, ce texte inclut un certain nombre de mesures concrétisant des annonces formulées au préalable par le Président de la République ou par le Premier ministre, voire par des ministres. Cela signifie que, dès la fin du mois d’août, des informations circulent déjà sur ce qui se passera l’année suivante et qui est matérialisé par la présentation du projet de loi de finances à la fin du mois de septembre.

À partir du moment où le texte est présenté, les assemblées s’en saisissent et la navette commence. D’abord, l’Assemblée nationale examine le texte en commission, puis dans l’hémicycle. Idem au Sénat. Le texte retourne à l’Assemblée nationale et est de nouveau examiné en commission, puis dans l’hémicycle. Il est renvoyé au Sénat. Après cet examen, intervient la lecture définitive.

Durant ce laps de temps, un certain nombre de décisions sont inversées à plusieurs reprises. La commission rejette telle mesure, l’hémicycle l’accepte. Au Sénat, la commission va dans un sens, mais l’hémicycle va dans l’autre.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est la démocratie !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Au final, nos concitoyens ne s’y retrouvent pas. Pire, les textes que nous voterons avant Noël passeront devant le Conseil constitutionnel. Ils seront promulgués le 1er janvier. Un certain nombre de décisions, notamment fiscales, ne seront appliquées, au sens concret du terme, qu’aux mois d’août et de septembre suivants.

Vous rendez-vous compte qu’il se passe au minimum un an entre le moment où beaucoup de décisions sont annoncées à l’opinion et celui où elles sont finalement prises ?

Certains ont brocardé le fait que le Gouvernement ait anticipé la mise en œuvre de la baisse d’impôt au mois de février.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui, parce qu’il va y avoir des élections !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Sans cela, les contribuables ne l’auraient vu qu’au mois d’août ou au mois de septembre !

L’impôt sur le revenu est systématiquement rétroactif. C’est là tout le sens du prélèvement à la source, monsieur le rapporteur général.

Certes, le Sénat votera contre, mais le Parlement, dans son ensemble, adoptera d’ici à quelques jours des modalités fiscales qui devront s’appliquer pour une année qui est terminée. Les contribuables seront alors peut-être étonnés de telle ou telle décision, sur laquelle ils n’auront absolument aucune prise puisque l’année est close.

Le prélèvement à la source aura cette principale vertu d’éviter ce travers. On appliquera dès le début de l’année suivante les modalités de l’impôt, mais aux revenus à venir et non aux revenus passés.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est aussi ce que nous proposons !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous me répondrez que c’est assez théorique.

Néanmoins, tous les avocats fiscalistes vous le diront : les particuliers quelquefois, mais plus souvent les entreprises, déplorent cette forme de rétroactivité fiscale. Nous pouvons comprendre ce reproche. Certes, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : nous avons été nous-mêmes contraints d’appliquer cette rétroactivité. Avec le prélèvement à la source, c’est sa principale vertu, cela ne sera plus possible.

Grâce à ce versement anticipé, les décisions prises seront plus rapidement actualisées, même si j’ai bien compris que le Sénat ce soir ne votera aucune décision budgétaire.

Pour conclure, et parce que nous avons en général l’habitude de discussions franches entre nous, vous avez eu tort de refuser le projet de loi de finances pour 2017 en présentant deux motions tendant à opposer la question préalable. La loi de finances est en effet l’occasion de prendre des positions politiques. Quelque part, vous avez regardé les choses passer. Vous avez formulé quelques commentaires – tiens, l’Assemblée nationale a voté telle mesure ; elle a supprimé ceci ou rétabli cela –, mais rarement vous avez dit si vous étiez favorables ou non aux différentes dispositions proposées.

Vous nous avez également rarement dit ce que vous auriez proposé à la place. Cela a été cruellement vrai lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale au cours de l’examen duquel j’ai souligné que vous n’avez pas eu la franchise de dire notamment ce que vous auriez fait sur l’ONDAM – objectif national de dépenses d’assurance maladie –, sur les tarifs, sur les consultations, sur le financement des actes à l’hôpital.

Voilà la remarque que je souhaitais formuler, après une intervention liminaire assez courte et convenue, car il n’y avait guère de doute sur l’issue du vote, à moins que l’avis défavorable du Gouvernement sur cette motion ne vous fasse changer d’avis… (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° I–2, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances pour 2017.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 82 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l’adoption 183
Contre 155

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi de finances pour 2017 est rejeté.

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2017
 

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 20 décembre 2016 :

À neuf heures trente : vingt-six questions orales.

À quatorze heures trente : éloge funèbre de Louis Pinton.

À quinze heures :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle (n° 167, 2016–2017) ;

Rapport de M. Louis Nègre, rapporteur pour le Sénat, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 166, 2016-2017).

À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures et, éventuellement, le soir :

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux sapeurs-pompiers professionnels et aux sapeurs-pompiers volontaires (n° 160, 2016-2017) ;

Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (n° 196, 2016–2017) ;

Texte de la commission (n° 197, 2016–2017).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD