Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Roux, ministre. Il s’agit effectivement de deux sujets différents. Le Gouvernement est très attaché à maintenir l’équilibre de l’article 1er tel qu’il l’a rédigé. Pour autant, l’extension aux policiers municipaux de l’élément de légitime défense défini dans le 1° fait apparaître un risque de confusion.

Toutefois, nous devons entendre cette revendication des policiers municipaux. Même si leurs missions diffèrent de celles des membres de la police nationale ou de la gendarmerie, sur ce sujet, le débat mérite d’être poursuivi dans le cadre de l’échange entre les deux assemblées, pour aboutir à une position que je souhaite commune, afin que nous émettions un signal fort. C’est pourquoi, sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat au regard du choix qu’a fait, notamment, la commission des lois, lors de ses discussions très claires, même si je ne suis pas favorable au maintien de la rédaction issue des travaux de cette dernière et si je comprends bien les arguments invoqués. Il ne faut pas laisser paraître la moindre défiance envers les policiers municipaux et leurs missions.

En revanche, monsieur Buffet, le Gouvernement est clairement défavorable à votre amendement. Il ne souhaite pas étendre aux polices municipales le bénéfice du 5° de l’article 1er relatif au périple meurtrier.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je souhaite, mes chers collègues, que vous preniez un instant de réflexion sur l’extension du pouvoir d’intervention proposée par François-Noël Buffet pour les polices municipales.

Celles-ci comprennent des forces locales extrêmement différentes, mais elles sont toujours sous le commandement opérationnel d’un représentant du maire ou du maire lui-même et jamais sous celui de la police nationale. Seule une petite minorité d’entre elles dispose d’armes à feu.

J’appelle votre attention sur un point. En cas de périple meurtrier, lorsqu’elle est réalisée non pas par une formation commandée, mais par un policier isolé qui se trouve sur le lieu de l’action et prend l’initiative de poursuivre les meurtriers, l’intervention est conditionnée au fait que cet agent soit dans un réseau et qu’il ait été alerté par la radio ou par tout autre mode de transmission. On lui aura décrit le véhicule et indiqué qu’il pourrait se trouver sur le parcours.

Or, et pour encore plusieurs années, il n’existe pas de moyen de communication en temps réel entre police nationale et police municipale. Le réseau radio complètement polyvalent est encore en conception et celle-ci va demander du temps.

Il n’y a donc que des inconvénients à inscrire dans une loi, sur un sujet aussi sérieux, une éventualité qui n’a pas de chance de se produire. En raison des commentaires qui accompagneraient une telle décision, cela reviendrait à donner un signal très trompeur aux forces de police municipale dans les cinq à dix villes, au maximum, où cette possibilité pourrait être mise en œuvre.

On peut évidemment respecter les forces de police municipale et considérer qu’elles jouent un rôle important dans le maintien de la sécurité. Toutefois, autoriser un tir d’initiative sur un véhicule non identifié, à partir d’un phénomène de périple meurtrier dont la personne ne peut pas être informée ne me semble pas relever d’une bonne manière de légiférer.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 30 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié ter.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Chapitre II

Protection de l’identité de certains agents intervenant dans les procédures pénales et douanières ainsi que des signataires de décisions administratives fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurité publique
Articles additionnels après l'article 2

Article 2

I. – La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale est complétée par un article 15-4 ainsi rédigé :

« Art. 15-4. – I. – Dans l’exercice de ses fonctions, tout agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale peut être autorisé à ne pas s’identifier par ses nom et prénom, dans les actes de procédure définis au troisième alinéa du présent I qu’il établit, lorsque la révélation de son identité est susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de sa mission ou de la nature des faits qu’il est habituellement amené à constater, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.

« L’autorisation est délivrée nominativement par un responsable hiérarchique défini par décret. Copie en est transmise au procureur de la République territorialement compétent.

« Cette autorisation permet à son bénéficiaire de s’identifier par un numéro d’immatriculation administrative, sa qualité et son service ou unité d’affectation dans tous les actes de procédure portant sur un crime ou un délit.

« Le bénéficiaire de l’autorisation est également autorisé à déposer ou à comparaître comme témoin, au cours de l’enquête ou devant les juridictions d’instruction ou de jugement, et à se constituer partie civile, en utilisant ces mêmes éléments d’identification qui sont seuls mentionnés dans les procès-verbaux, citations, convocations, ordonnances, jugements ou arrêts. Il ne peut être fait état de ses nom et prénom au cours des audiences publiques.

« Le présent I n’est pas applicable lorsqu’en raison d’un acte commis dans l’exercice de ses fonctions, le bénéficiaire de l’autorisation est entendu en application des articles 61-1 ou 62-2 ou qu’il fait l’objet de poursuites pénales.

« I bis. – Le I est applicable aux agents mentionnés aux articles 28-1 et 28-2.

« II. – Les juridictions d’instruction ou de jugement saisies des faits ont accès aux nom et prénom de la personne qui s’est identifiée par un numéro d’immatriculation administrative dans un acte de procédure.

« Saisi par une partie à la procédure d’une requête écrite et motivée tendant à la communication du nom et du prénom d’une personne ayant bénéficié du I, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement décide des suites à donner à cette requête, après avis du ministère public et en tenant compte, d’une part, de la menace que la révélation de l’identité de cette personne ferait peser sur sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches et, d’autre part, de la nécessité de communiquer cette identité pour l’exercice des droits de la défense de l’auteur de la demande. Le procureur de la République se prononce dans les mêmes conditions lorsqu’il est fait application de l’article 77-2.

« En cas de demande d’annulation d’un acte de procédure fondée sur la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou sur l’inobservation des formalités substantielles dont l’appréciation nécessite la révélation des nom et prénom du bénéficiaire d’une autorisation délivrée en application du I du présent article, le juge d’instruction, le président de la chambre de l’instruction ou le président de la juridiction de jugement statuent sans verser ces éléments au débat contradictoire ni indiquer les nom et prénom du bénéficiaire de cette autorisation dans leur décision.

« III. – Hors les cas prévus au deuxième alinéa du II, la révélation des nom et prénom du bénéficiaire d’une autorisation délivrée en application du I ou de tout élément permettant son identification personnelle ou sa localisation est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

« Lorsque cette révélation a entraîné des violences à l’encontre du bénéficiaire de l’autorisation ou de son conjoint, de ses enfants ou de ses ascendants directs, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende.

« Lorsque cette révélation a entraîné la mort des personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent III, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende, sans préjudice, le cas échéant, de l’application du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.

« IV. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

II. – Après l’article 55 du code des douanes, il est inséré un article 55 bis ainsi rédigé :

« Art. 55 bis. – Par dérogation au chapitre IV du titre II et au titre XII du présent code, les agents des douanes peuvent, sur autorisation d’un responsable hiérarchique défini par décret, être identifiés dans les actes de procédure, déposer, être désignés, comparaître comme témoins ou se constituer parties civiles en utilisant le numéro de leur commission d’emploi, leur qualité et leur service ou unité d’affectation, dans les conditions prévues à l’article 15-4 du code de procédure pénale. »

Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. L’article 2 introduit un dispositif d’anonymisation des policiers, gendarmes et agents des douanes dans les procédures pénales, sur décision d’un « responsable hiérarchique qui doit être d’un niveau suffisant, défini par décret ».

Nous sommes opposés à l’extension des dispositions déjà existantes en la matière. Les conditions posées pour autoriser l’anonymisation sont très extensives, et permettent potentiellement de l’envisager non pas de manière exceptionnelle, mais comme un mode d’exercice normal de l’activité policière.

En outre, le nouveau dispositif sera inefficace pour empêcher les agressions et les menaces contre les forces de l’ordre, auxquelles il apportera une protection illusoire.

Dans les faits, ce n’est pas à partir de la connaissance de l’identité de la personne dépositaire de l’autorité publique que les agressions sont généralement commises. Les exemples fournis dans l’étude d’impact du projet de loi le montrent bien : les policiers qui en sont victimes sont souvent rencontrés fortuitement sur leur lieu de vie ou suivis depuis leur lieu de travail.

Enfin, contrairement à ce qui est avancé dans l’étude d’impact, le dispositif choisi n’opère pas un juste équilibre entre la sécurité des forces de l’ordre et le respect des droits de la défense. Il peut être nécessaire à celle-ci de connaître l’identité de l’agent ayant procédé aux constatations, ayant témoigné ou s’étant constitué partie civile.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Grosdidier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Vous méconnaissez, ma chère collègue, les menaces ou les pressions dont peuvent faire l’objet des policiers intervenant dans certaines procédures.

Ce dispositif existe dans d’autres pays d’Europe et n’est donc nullement en contradiction avec la Convention européenne des droits de l’homme. Il est systématique dans les pays qui ont connu un terrorisme endogène, comme l’Espagne, avec l’ETA, ou l’Irlande du Nord.

Il peut être nécessaire de protéger les agents contre des menaces, au moins lorsqu’il s’agit d’affaires en lien avec le terrorisme, le grand banditisme, ou des mafias organisées qui exercent des pressions.

Cela peut également s’imposer lorsque des délinquants bien moindres font preuve d’agressivité en étant capables d’une violence extrême, même pour des enjeux mineurs aux yeux de toute personne rationnelle.

Nous défendons cette disposition.

Cela dit, nous n’avons pas retenu la formulation « niveau suffisant », car il revient à l’autorité administrative de définir ce niveau. En général, il s’agit du directeur départemental de la sécurité publique ou du commandant du groupement de gendarmerie, non du chef immédiat.

Par ailleurs, je tiens à rappeler que nous sommes dans un État de droit : à tout moment, les magistrats peuvent lever cet anonymat, qui n’est jamais définitivement établi par le pouvoir administratif sans restriction ou en violation des droits de la défense.

La commission émet un avis très défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Roux, ministre. Madame la sénatrice, « très extensives », « protection illusoire », vous permettrez que je réponde très précisément à vos critiques.

Ce dispositif de protection de l’identité a vocation à s’adresser à l’ensemble des fonctionnaires de police et des personnels civils et militaires de la gendarmerie dans le cadre d’une procédure pénale, abstraction faite de leur qualité d’officier ou d’agent de police judiciaire.

L’étude d’une partie des incidents recensés en 2016 révèle que tous les agents concourant à une enquête pénale sont susceptibles d’être victimes de menaces ou de violences en raison de leurs fonctions. Dès lors, l’article 2 ne peut être considéré comme trop extensif.

De surcroît, le bénéfice de ce système de protection de l’identité est particulièrement encadré : l’autorisation d’y recourir ne peut être délivrée que lorsque la révélation de l’identité de l’agent est susceptible de mettre en danger sa vie ou celle de ses proches à raison soit des conditions d’exercice de sa mission, soit de la nature des faits qu’il est habituellement amené à constater.

Dès lors, vous ne pouvez soutenir que le dispositif de protection de l’identité envisagé est conçu comme le mode d’exercice normal de l’activité policière.

Eu égard aux conditions mises en œuvre et aux garanties prévues, le dispositif envisagé dans l’article 2 paraît tout à fait proportionné à l’objectif poursuivi, raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le rapporteur, pour la suite de nos échanges, sachez que nous ne méconnaissons pas l’importance de la menace.

Comme pour tout risque, c’est à chacun de l’apprécier et d’apporter les réponses qu’il estime appropriées, fussent-elles différentes des vôtres. Ne pas être d’accord avec vous ne revient ni à méconnaître ni à sous-estimer les menaces, et encore moins à se désintéresser de la vie des fonctionnaires concernés.

En matière de débat politique, la question n’est pas celle de la connaissance ou de la méconnaissance des problèmes, mais celle de leur appréciation et des solutions à y apporter. C’est à la fois ce qui fait vivre notre démocratie et ce qui la préservera dans les prochaines années.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, je ne pense pas que l’on puisse comparer – mais peut-être vous êtes-vous quelque peu emporté – ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays et dans le monde avec ce qui a pu arriver par le passé au Pays basque, en Irlande du Nord ou ailleurs. Nous devons circonscrire nos propos à la menace et aux dangers qui pèsent actuellement sur notre pays.

Nous ne partageons pas votre avis, monsieur le ministre. Comme je l’ai souligné, cela fait plusieurs mois que nous discutons de cet équilibre, toujours délicat à trouver, entre sécurité des forces de l’ordre, respect des droits de la défense et respect des droits individuels et collectifs.

Il nous semble que l’article 2, tel qu’il est rédigé, fragilise cet équilibre. C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression. Au-delà des échéances qui nous attendent, nous devrons poursuivre cette réflexion dans l’intérêt de la sécurité des personnes et de la défense des droits individuels et collectifs.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase, et alinéa 16

Après les mots :

responsable hiérarchique

insérer les mots :

qui doit être d’un niveau suffisant,

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Roux, ministre. Cet amendement, qui vise à rétablir le texte initial du Gouvernement, me semble assez cohérent avec la démonstration que vient d’apporter M. le rapporteur sur le niveau hiérarchique du responsable compétent pour délivrer l’autorisation.

Ce point constitue l’une des garanties essentielles du dispositif. Le Conseil d’État en a admis le principe à condition que la décision soit prise à un niveau hiérarchique élevé et que l’autorisation soit communiquée au procureur de la République.

Nous considérons qu’un simple renvoi à un décret ne garantit pas suffisamment le respect de cette condition que nous souhaitons rétablir dans la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Grosdidier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement non pour une raison de principe, mais parce que cette disposition n’a pas grand-chose à faire dans la loi. La détermination du niveau hiérarchique compétent relève de la compétence du pouvoir exécutif.

Il ne s’agit pas d’une divergence de fond – le niveau retenu nous semble pertinent –, mais d’une question purement formelle. L’exécutif fera ce qu’il a à faire…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est donc un avis défavorable bienveillant ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 39 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par MM. Vandierendonck, Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 31 rectifié est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

puni d’au moins trois ans d’emprisonnement

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Jacques Bigot. Il nous faut, là encore, faire preuve d’une extrême prudence et ne pas généraliser.

Je ne me suis pas rallié aux amendements de suppression, car je crois qu’il s’agit d’un vrai problème et qu’il faut autoriser l’anonymat des enquêteurs.

Nous pensons toutefois qu’il faut le limiter aux infractions graves, là où le risque est présent, c’est-à-dire aux crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement. Il s’agit d’ailleurs du seuil de gravité à partir duquel une mise en détention provisoire peut être ordonnée.

Il nous semble assez logique de préciser que cette anonymisation ne peut être généralisée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 31 rectifié.

Mme Esther Benbassa. L’article 2, qui constitue également l’un des engagements pris par le ministre de l’intérieur au mois d’octobre dernier, élargit les conditions dans lesquelles les agents intervenant dans le cadre d’une procédure judiciaire peuvent protéger leur identité et faire mention, en lieu et place de leurs nom et prénom, d’un numéro d’identification, de leur qualité et de leur service ou unité d’affectation.

Cette disposition doit être envisagée avec beaucoup de sérieux, notamment parce que les conditions posées pour autoriser l’anonymisation sont très extensives et permettent potentiellement de l’envisager non de manière exceptionnelle – en raison de circonstances particulières liées à l’activité de tel ou tel agent –, mais comme un mode d’exercice normal de l’activité policière.

Nous considérons, à l’instar de nos collègues socialistes, que le bénéfice des dispositions relatives à l’anonymat des enquêteurs doit, a minima, être réservé aux crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Grosdidier, rapporteur. Nous sommes d’accord avec les auteurs de ces amendements : l’anonymisation ne peut être générale, même si certains syndicats de policiers le réclament.

Pour autant, nous préférons autoriser les agents à bénéficier des dispositions relatives à l’anonymat non pas en fonction du quantum de peine, mais lorsque la révélation de leur identité serait susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de leur mission ou de la nature des faits qu’ils constatent habituellement, de mettre en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celles de leurs proches. Il s’agit, pour nous, de la condition nécessaire et suffisante.

Même si nous aggravons les peines encourues en cas d’outrage ou de rébellion – ces faits sont l’expression d’une agressivité très personnalisée à l’encontre d’agents des forces de l’ordre –, elles resteront en deçà du quantum de trois ans. Les agents ne seront donc pas couverts par le dispositif d’anonymisation, alors même que le délinquant aurait pu formuler des menaces extrêmement précises et qu’il y aurait lieu de penser qu’il puisse passer à exécution.

Nous en sommes d’accord, je le répète, l’anonymisation ne peut être générale ; l’interprétation du critère de la menace par les services doit être rigoureuse, mais nous ne pensons pas qu’il faille ajouter cette condition systématique du quantum de peine.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Roux, ministre. Le Gouvernement ne peut qu’être favorable à ces amendements, qui visent à revenir à la rédaction initiale du texte.

Nous pensons que l’inscription d’un seuil est indispensable pour préserver l’équilibre du dispositif. Nous serons amenés à prolonger notre réflexion au cours des différentes lectures…

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 31 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Grand, Masclet, Danesi et Joyandet, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. J.P. Fournier et Vasselle, Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Huré, Bonhomme, Chasseing, Milon, Reichardt, Laufoaulu, Doligé, del Picchia et G. Bailly, Mme Duchêne, MM. Karoutchi et Charon, Mme de Rose, MM. Revet, Chaize et Laménie, Mmes Giudicelli et Hummel, MM. Gremillet et Pellevat et Mme Gruny, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et à l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 511-5 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils peuvent, sous leur numéro d’immatriculation administrative, leur qualité et leur commune d’affectation, être identifiés dans les actes de procédure, sur autorisation du maire, déposer, être désignés, comparaître comme témoins ou se constituer parties civiles en utilisant ces mêmes informations, dans les conditions et sous les réserves prévues à l’article 15-4 du code de procédure pénale et dans des conditions fixées par décret. »

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Le présent article vise à protéger l’identité des policiers et des gendarmes.

Compte tenu des objectifs affichés, ce dispositif est étendu aux agents de la douane judiciaire et aux agents des services fiscaux qui, même s’ils n’ont pas la qualité d’officiers de police judiciaire, disposent de prérogatives des enquêtes de police judiciaire à l’occasion desquelles ils peuvent être exposés aux mêmes menaces que les enquêteurs de la police ou de la gendarmerie nationale.

Cette protection s’explique par leur statut, qui les lie à la police ou à la gendarmerie nationale, et n’est pas attaché à leur qualité et compétence judiciaires reconnues par le code de procédure pénale.

En effet, l’étude des incidents démontre que les victimes recensées ont été agressées à raison de leur appartenance aux forces de sécurité, sans considération aucune de leur qualité d’officier ou d’agent de police judiciaire.

Dès lors, il apparaît nécessaire d’élargir également cette protection aux agents de police municipale qui peuvent être victimes d’agressions du simple fait de leur appartenance aux forces de sécurité de notre pays.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Grosdidier, rapporteur. Vous savez, mon cher collègue, combien je suis attaché – je ne suis pas le seul au sein de la commission des lois – aux prérogatives et à la protection des agents de police municipale. Je pense qu’il n’est plus nécessaire de le démontrer.

Comme l’a souligné le ministre, cette disposition a d’abord été pensée pour protéger les agents des menaces dont ils pourraient faire l’objet dans le cadre d’affaires liées au terrorisme, puis au grand banditisme.

L’expérience montre que des policiers peuvent aussi être menacés dans le cadre de petits délits – même contraventionnels – par des personnes extrêmement agressives et objectivement dangereuses.

Pour autant, cette anonymisation, qui ne peut être générale, me paraît sans effet sur la petite délinquance de proximité, qu’il s’agisse des policiers nationaux de secteur ou des policiers municipaux, que les délinquants appellent parfois par leur prénom.

Nous risquerions alors d’entrer dans la généralisation, au risque de renverser l’équilibre du dispositif et de contrevenir à certains principes fondamentaux du droit, dont celui du respect des droits de la défense.

Je comprends les motivations des auteurs de cet amendement, dont je pense cependant que l’adoption serait sans effet pour les policiers municipaux et reviendrait à menacer le principe même de l’anonymisation : à vouloir trop l’étendre, on risque de réduire à néant ce dispositif nécessaire.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Roux, ministre. Je connais votre sincérité, monsieur le sénateur, et celle des signataires de cet amendement. Vous souhaitez apporter la meilleure protection possible aux agents des polices municipales.

Toutefois, compte tenu des conditions qui président à la mise en œuvre de cette procédure dérogatoire, son extension à ces agents ne serait pas cohérente avec la position du Gouvernement qui souhaite la réserver aux infractions les plus graves.

Comme je l’ai expliqué à l’instant, nous souhaitons qu’il ne puisse être dérogé aux règles du droit commun d’identification par les nom et prénom que dans le cadre d’actes de procédure portant sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement – même si j’ai bien conscience que votre assemblée vient de revoir ce seuil…

Or, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, les policiers municipaux n’ont pas compétence pour procéder à des actes de constatation ni, a fortiori, pour établir des actes d’enquête relatifs à ce type d’infraction.

En effet, si l’article 21 du code de procédure pénale leur reconnaît les attributions de police judiciaire sur le territoire de leur commune, leur compétence est limitée à certaines infractions relevant essentiellement du domaine contraventionnel – infractions aux arrêtés de police du maire, certaines contraventions au code de la route… – et qui ne sont pas susceptibles de les exposer au risque contre lequel le Gouvernement entend prémunir les agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale appelés à constater tout crime et délit.

Je comprends votre souci, monsieur le sénateur, mais il ne paraît pas cohérent d’adopter cet amendement. Pour ces raisons, le Gouvernement y est donc défavorable.