Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ces dernières années, nous avons eu de multiples occasions de débattre des moyens de restaurer la confiance de nos concitoyens dans leurs institutions et de la nécessité de « moraliser » la vie publique.

Depuis 1988, la France s’est dotée d’un arsenal législatif parmi les plus rigoureux au monde au regard des critères érigés par l’OCDE. Durant ce quinquennat, une énergie considérable a été mobilisée pour ériger l’impératif de transparence à un rang quasi constitutionnel, s’imposant à la vie économique comme à la vie publique. Il faut faire attention toutefois aux effets pervers : trop de transparence ne peut-elle pas nuire à la transparence ou, du moins, à une vie démocratique sereine et apaisée ? Car on n’ira jamais assez loin dans la transparence et, dans ce cas, nous ne ferons qu’accroître la défiance envers les élus de la République !

Malgré toute l’énergie déployée ces dernières années, on constate que la construction de ces nouvelles normes n’a eu qu’un effet relatif sur la perception de la corruption par nos concitoyens. Si l’on analyse les travaux de l’organisation Transparency International, souvent présentée en référence par les défenseurs de la cause, cette perception s’est faiblement améliorée entre 2015 et 2016 et a stagné entre 2016 et 2017. Il faut donc s’interroger sur les effets réels de ces textes sur nos relations avec nos concitoyens.

Jusqu’à présent, le principe de transparence joue comme une présomption d’improbité contre ceux qui y sont soumis, dont la valeur serait supérieure à celle de la présomption d’innocence. Il en va de même pour la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui : la publication de l’identité et de la nationalité des établissements bancaires consentant des prêts aux formations politiques et aux candidats sans intermédiation d’un juge apportera-t-elle une information utile à nos concitoyens ? Quelle vérité révèle-t-elle de l’intention et de la sincérité d’une formation politique ?

Au contraire, cette proposition de loi méconnaît la réalité du financement de notre vie politique.

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ainsi que le Conseil constitutionnel ont déjà accès à un nombre considérable de documents permettant de vérifier la provenance des financements des partis politiques et des candidats. En 1995, le Conseil constitutionnel avait par exemple requalifié un emprunt contracté par le candidat Balladur dans son compte de campagne. Ces éléments font également déjà l’objet d’une publication.

En raison des différentes règles encadrant déjà les moyens de financement des partis politiques, on sait que ceux-ci sont aujourd’hui principalement financés par l’aide publique qui leur est versée a posteriori, en fonction de leur poids aux élections et au Parlement. Nous le savons, ce mécanisme a pour effet de renforcer les grandes formations.

On sait également que l’apport personnel constitue une part déterminante du financement de la candidature à une élection. En 2012, une étude publiée dans les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel estimait que les parts respectives moyennes des sources de financement des candidats à l’élection présidentielle sont de 47 % pour l’apport personnel, contre 26 % pour les dons des personnes physiques et 25 % pour la contribution des partis. Il faut en déduire que le recours à l’emprunt est devenu incontournable pour financer la participation de candidats aux campagnes électorales, a fortiori pour les petites formations politiques ou pour les formations nouvelles qui ne disposent pas du concours des aides publiques.

En outre, comme cela a été largement médiatisé, le rejet des comptes de campagne du président sortant en 2012 a créé un précédent : les banques, qui prennent désormais en compte cet aléa moral, se montrent beaucoup plus réticentes à accorder des prêts aux candidats. Les présidents de la Société Générale, de LCL, du Crédit mutuel ou encore de HSBC se sont clairement positionnés sur le sujet.

Dans ce contexte, il est à craindre que ces nouvelles exigences de transparence constituent un nouveau facteur de découragement des établissements de crédit. À terme, cette proposition de loi pourrait empêcher les petites formations politiques et les formations nouvelles de présenter des candidats aux élections, et donc s’ériger comme un obstacle à la représentativité. C’est totalement contraire à ce que nous défendons et incarnons au sein de notre groupe : nous sommes pour la prise en compte de la diversité des sensibilités politiques, car elles font la richesse de notre vie démocratique ; nous sommes contre le dualisme partisan, toujours artificiel et résultant de règles institutionnelles avantageuses pour les deux grands partis.

Mes chers collègues, la défiance des Français envers notre vie politique vient aussi beaucoup de là : la bipolarisation accrue et le dualisme partisan, qui verrouille le débat et empêche la construction de majorités d’idées… Soyons modernes ! Dépassons le vieux clivage droite-gauche, devenu totalement inopérant !

Enfin, j’ajoute qu’au-delà de nos interrogations sur la pertinence à publier de manière indiscriminée des données à valeur informationnelle variable, dans le seul but de restaurer la confiance de nos concitoyens dans nos institutions démocratiques, cette proposition de loi pose également la question de l’équilibre à établir entre le principe de transparence et celui de représentativité. Quel intérêt y aurait-il à accroître la transparence du fonctionnement de notre démocratie représentative si le principe représentatif n’était pas matériellement garanti ?

En conséquence, les membres du groupe du RDSE n’approuveront pas cette proposition de loi, qui, une nouvelle fois, sous un intitulé séduisant, recèle un réel danger de régression pour la diversité de notre vie démocratique. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par M. Anziani est une nouvelle contribution au problème lancinant du financement de la vie politique. Ce problème doit cependant être envisagé dans sa globalité et ne peut être réduit au seul sujet abordé ici. Il faut aussi évoquer la liberté d’organisation et d’action des partis politiques. Il convient en effet de trouver un équilibre entre ce principe constitutionnel de liberté et l’exigence de transparence qui émane de l’opinion publique.

Cela étant, chacun essaye d’apporter sa pierre à la construction d’un édifice fragile et imparfait, dont nous savons qu’il ne sera jamais achevé.

La proposition de loi qui nous est soumise comporte deux axes : informer le plus possible sur les emprunts que les forces politiques sont amenées à contracter pour mener leur action politique ; veiller aux transferts entre partis politiques, ce qui constitue peut-être l’idée la plus nouvelle. J’ajoute que nombre de dispositions contenues dans ce texte ont été inspirées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Concernant le financement de la vie politique, on peut comprendre l’obligation de publier la liste des prêteurs. Je veux tout de même appeler l’attention du Gouvernement et du Sénat sur le fait qu’il est de plus en plus difficile d’emprunter pour un parti politique.

Mme Corinne Bouchoux. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Absolument !

M. Michel Mercier. Il faut dire que, pour une banque, ce n’est pas une bonne publicité d’avoir des partis politiques comme clients. Ce n’est pas avec eux qu’elle va faire ses placements.

Nous sommes donc face à un véritable problème. Si l’on veut aller plus loin et agir de façon plus visible, il faudrait peut-être organiser un service public du financement de la vie publique. La Caisse des dépôts et consignations pourrait être chargée de financer de la même façon toutes les forces politiques républicaines reconnues par la loi. Cela constituerait un progrès ! Il faut savoir que les partis politiques sont forcés de trouver des prêteurs, sinon ils disparaissent. Or ce n’est pas la publication de l’identité du prêteur qui changera les choses. Je tenais à le dire : une loi peut être très belle, mais avoir peu de conséquences dans la pratique.

Le deuxième axe de la proposition de loi est relatif aux transferts entre les partis politiques. Ce texte vise non pas à les interdire, mais à les rendre publics. Cela part d’un bon sentiment.

Dans notre pays, certains partis politiques sont unitaires ; d’autres sont des agglomérats ou des fédérations de partis. Pour ma part, j’appartiens au centre ; le jour où il n’y aura plus qu’un seul parti centriste, tous les problèmes de la France seront résolus… (Sourires.) Il nous faudra un peu de temps avant d’y parvenir… Plusieurs partis coexistent donc forcément et doivent travailler ensemble. On ne peut pas les empêcher de se réunir ; le financement est bien évidemment un point essentiel.

Cette proposition de loi est donc intéressante ; elle apporte, je l’ai dit, une pierre à la construction de notre maison commune. Si le texte suscite de nombreuses réserves, celles-ci ne sont pas suffisantes pour que le groupe UDI-UC ne le vote pas dans les circonstances actuelles où les Français demandent de plus en plus de transparence. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi dont il est question aujourd’hui concerne l’information sur le financement des formations politiques et intervient en pleine période électorale.

L’histoire récente a pu montrer la nécessité d’adapter notre législation en la matière, ce que nous faisons de façon récurrente depuis vingt ans. Dans ce domaine, l’arsenal législatif est important, mais il doit être confronté à la pratique.

Ce texte reprend mot pour mot des dispositions de la loi dite Sapin II qui avaient été écartées par le Conseil constitutionnel en vertu de l’article 45 de la Constitution, comme étant des cavaliers législatifs. Comme Éliane Assassi, nous estimons que le Conseil s’est montré en l’espèce quelque peu « cavalier », surtout lorsqu’on voit d’autres dispositions passer…

Bien avant cela, ces dispositions ont pour origine des propositions formulées dans un excellent rapport de notre collègue député Romain Colas, paru en juillet 2015.

L’intention de l’auteur de la proposition de loi est louable, car elle est guidée par l’amélioration de la transparence des canaux de financement de la vie publique. Je pense notamment à un parti politique qui avait visiblement bénéficié des prêts importants venant de banques d’un pays étranger.

De plus, ces mesures viennent combler un vide juridique, ce qui va dans le bon sens. Il s’agit d’imposer davantage d’obligations comptables aux partis politiques et aux candidats concernant notamment leurs emprunts bancaires, mais également d’apporter à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques des données explicitant ces relations financières et de lui donner les moyens de vérifier leur légalité.

Par le passé et via ses rapports d’activité, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait appelé notre attention à plusieurs reprises sur les limites de son contrôle. Aujourd’hui, les prêts sont mentionnés dans les comptes, mais les détails de ces prêts ne sont pas fournis, sauf demandes expresses et recherches, ce qui peut laisser planer un doute sur la nature réelle du prêt : certains prêts ne sont-ils pas, par exemple, des dons déguisés ?

Je viens de le dire, les emprunts étrangers d’un parti politique français ont pu nous inquiéter.

Les mesures proposées semblent globalement légitimes. Elles sont d’ailleurs soutenues par la Commission nationale des comptes de campagne, et le ministère de l’intérieur voit ce texte d’un bon œil. Nous devons cependant rester vigilants sur la question des moyens de la Commission nationale des comptes de campagne. Pourra-t-elle mener un travail approfondi ? Je signale que ses moyens sont inférieurs à ceux dont disposent des organismes analogues dans d’autres pays démocratiques.

Si nous nous accordons tous ici pour appuyer l’effort de transparence, nous savons que cette transparence, même si elle est louable, ne sera de toute façon jamais suffisante.

Comme l’a rappelé de façon très éloquente le rapporteur, l’article 4 de la Constitution prévoit que les partis et groupements politiques « se forment et exercent leur activité librement ». C’est de cette liberté que nous débattons.

Jusqu’où faut-il aller dans le degré de transparence s’agissant des relations entre les différents partis et les candidats ? Nous estimons qu’au vu du contexte actuel, de la « lessiveuse » dans laquelle nous sommes, toute autre position que celle en faveur d’une transparence maximale serait mal interprétée par nos compatriotes. Nous devons donc nous astreindre à cette transparence.

Une bonne question a été posée quant à l’application des mesures proposées. Fallait-il les appliquer pour les élections de 2017 ou les reporter à 2018 ? Nous partageons la louable intention de la présidente Éliane Assassi : il eût été préférable de les voir s’appliquer dès cette année. Mais nous sommes déjà le 1er février… Nous estimons qu’il n’est pas d’usage de changer les règles d’une élection en cours de route. Nous nous résignons donc à considérer qu’une application satisfaisante de ces dispositions en 2018 est préférable à une mauvaise application en 2017.

Enfin, pour viser – sauf erreur de ma part – l’élection du Président de la République, une loi organique serait nécessaire, en application de l’article 6 de la Constitution. Or le texte proposé est une proposition de loi ordinaire.

Mes chers collègues, reste à savoir si ce nouveau texte sera suffisant pour enrayer la crise de confiance de nos concitoyens à l’égard de nos institutions et des élus de presque toutes les familles politiques. La lecture de la presse quotidienne et les discussions des voyageurs ce matin dans le bus 38 que j’ai emprunté pour me rendre au Sénat m’en font douter… La transparence – avec toute cette transparence, nous serons bientôt tout nus ! – ne suffira pas à résorber la crise de confiance démocratique. Cependant, restaurer la confiance implique une transparence totale.

Malgré les imperfections relevées par les différents orateurs, nous nous résoudrons à voter ce texte tel qu’il nous a été présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats
Article 1er

Articles additionnels avant l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié quater, présenté par MM. Grand, Laménie, del Picchia, Huré et A. Marc, Mmes Garriaud-Maylam et Canayer et MM. Chasseing et Chaize, est ainsi libellé :

I. – Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 52-5 et au septième alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux candidats

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement vise à harmoniser le délai pour la dissolution de l’association de financement ou la cessation des fonctions du mandataire financier d’une campagne électorale sur celui applicable aux décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui est de six mois. Cela permettra notamment aux candidats de connaître le montant exact de l’éventuelle dévolution. Il s’agit là d’une recommandation de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement est bienvenu, car il tend à apporter de la souplesse au dispositif. La commission l’a accepté sans aucun état d’âme.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié quater.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.

L’amendement n° 10 rectifié quater, présenté par MM. Grand, Laménie, del Picchia, Huré et A. Marc, Mmes Garriaud-Maylam et Canayer et MM. Chasseing et Chaize, est ainsi libellé :

I. – Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la troisième phrase du quatrième alinéa de l’article L. 52-5 et à la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral, après le mot : « financement », sont insérés les mots : « ou à un mandataire financier ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux candidats

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement vise à permettre à un candidat d’effectuer une dévolution au profit d’un mandataire financier d’un parti politique, possibilité aujourd’hui uniquement réservée au profit des associations de financement des partis politiques. Il s’agit là également d’une recommandation de la Commission nationale des comptes de campagne.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement met fin à une situation d’inégalité. Je remercie M. Grand d’avoir pris cette initiative.

La commission a bien entendu émis un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. J’ai répondu trop rapidement sur le premier amendement, sur lequel je voulais m’en remettre à la sagesse du Sénat. C’est également l’avis que j’émets sur le présent amendement.

Cet amendement reprend une recommandation de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Même si le Gouvernement reconnaît le bien-fondé de cette recommandation, il souhaite en rester au strict champ d’application de la présente proposition de loi. Une réforme plus globale du droit applicable aux comptes de campagne nécessite un texte spécifique.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié quater.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.

L’amendement n° 8 rectifié quater, présenté par MM. Grand, Laménie, del Picchia, Huré et A. Marc, Mmes Garriaud-Maylam et Canayer et MM. Chasseing et Chaize, est ainsi libellé :

I. – Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les partis ou groupements politiques, pour lesquels un manquement comptable a été constaté conformément aux dispositions de l’article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux candidats

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement vise à interdire à un parti politique sanctionné pour non-respect de ses obligations comptables de participer au financement de la campagne électorale d’un candidat. En effet, en perdant le bénéfice de certaines dispositions de la loi du 11 mars 1988, un parti politique redevient une personne morale de droit commun. II s’agit là de codifier une jurisprudence du Conseil d’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je serai un peu plus disert sur cet amendement.

La commission comprend l’objectif recherché par notre collègue Grand, mais le fait d’interdire à un parti politique de financer un candidat lorsque ce parti a été sanctionné pour un manquement à ses obligations comptables nous a laissés quelque peu interrogatifs.

Actuellement, parmi les personnes morales, seul un parti politique peut soutenir financièrement un candidat. Si un parti ne respecte pas ses obligations comptables, il n’est plus considéré par le juge comme un parti politique. Il ne peut donc plus financer une campagne électorale. Cette idée est reprise dans l’amendement, mais elle est formulée sous forme d’une sanction frappant le parti politique, ce qui, aux yeux de la commission des lois, semble fragiliser la disposition.

Le droit actuel relève d’un pur constat et ne procède pas d’une logique punitive, qui induit une procédure quasi juridictionnelle pour la prononcer, ouvrant également des recours contre cette décision. Ces raisons ont conduit la commission à ne pas retenir cette proposition, qui risque d’aboutir à des effets sans doute paradoxaux par rapport aux intentions qui l’animent.

Si, je le répète, la commission comprend l’objectif poursuivi, elle estime que les difficultés et la complexité qui en découleront seront plus importantes que l’avantage qui pourrait en être retiré. C’est pourquoi elle demande à notre collègue de bien vouloir retirer son amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Je l’ai dit précédemment, le Gouvernement estime que cette proposition de loi n’a pas vocation à traiter l’ensemble des sujets liés au financement de la vie politique et des règles relatives aux comptes de campagne. Une telle réforme, j’y insiste, nécessite un travail parlementaire plus approfondi et un texte spécifique.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte, afin que le processus législatif aboutisse avant la fin, proche, de la session parlementaire. La discussion générale a montré que cette volonté était partagée par les orateurs des différents groupes. Aussi, il me semblerait utile, monsieur le sénateur, que vous envisagiez un retrait de votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Grand, l’amendement n° 8 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié quater est retiré.

L’amendement n° 11 rectifié quater, présenté par MM. Grand, Laménie, del Picchia, Huré et A. Marc, Mmes Garriaud-Maylam et Canayer et MM. Chasseing, Raison et Chaize, est ainsi libellé :

I. – Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 52-8-1, il est inséré un article L. 52-8-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 52-8-2. – Dans le cadre de leur participation au financement de la campagne électorale d’un candidat, les partis ou groupements politiques ne peuvent :

« 1° Fournir des biens ou des services à des prix supérieurs à leurs prix d’achat effectifs ;

« 2° Consentir des prêts ou avances remboursables à un taux supérieur au taux légal en vigueur trois mois avant le scrutin. » ;

2° L’article L. 113-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Est puni d’une amende de 3 750 euros et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement, tout parti ou groupement politique qui a, pour le compte d’un candidat, d’un binôme de candidats ou d’un candidat tête de liste, fourni des biens ou des services, ou consenti des prêts ou avances remboursables en violation de l’article L. 52-8-2. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux candidats

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Afin d’éviter que certaines formations politiques ne contournent la loi, cet amendement vise à interdire la fourniture à un candidat par un parti politique, lors d’une campagne électorale, de prestations surfacturées ou de prêts à un taux supérieur au taux légal.

Une telle disposition figure dans la proposition de loi déposée en 2015 par M. Bruno Le Roux, devenu depuis lors ministre de l’intérieur, pour une législation sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques rénovée. Vous avez vous-même cosigné ce texte lorsque vous étiez députée, madame la secrétaire d’État…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement intéressant méritait d’être examiné de près. Après l’avoir étudié, la commission a considéré qu’il valait mieux, par prudence, en solliciter le retrait, en raison du risque d’inconstitutionnalité qu’il présente.

D’aucuns ont pu profiter de la situation pour en tirer, à bon compte, un bénéfice financier aux dépens du candidat lui-même. La Commission nationale des comptes de campagne ne rembourse désormais les dépenses des candidats qu’à hauteur des prix constatés sur le marché. Néanmoins, je le disais, cette disposition nécessiterait une rédaction plus précise pour neutraliser le risque d’inconstitutionnalité.

Cela étant, je suis intéressé par l’avis du Gouvernement sur ce point, puisque Mme la secrétaire d’État a été cosignataire d’une proposition de loi allant dans ce sens. Comment va-t-elle s’en sortir ? (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d’État. Merci de votre sollicitude à mon endroit, monsieur le rapporteur ; je l’apprécie à sa juste valeur. (Nouveaux sourires.)

Merci aussi, monsieur Grand, d’avoir bien documenté votre argumentation. Je partage votre objectif, mais, pour les mêmes raisons que celles que j’exposais précédemment – la nécessité que ce texte soit adopté avant la fin de la session –, j’aurai la même position que la commission.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable. Toutefois, pour être claire, cela n’enlève en rien mon soutien sur le fond à la disposition contenue dans cet amendement.

Je vous rappelle en outre, mesdames, messieurs les sénateurs, que le texte que j’ai cosigné ne subissait pas, disons-nous les choses clairement, les mêmes contraintes que celui-ci. Eu égard aux délais et à l’environnement politique – la session parlementaire s’achève dans quelques jours –, ce texte doit aboutir vite.

Mme la présidente. Monsieur Grand, l’amendement n° 11 rectifié quater est-il maintenu ?