M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi le Sénat a fait œuvre utile. Mais c’était un compromis, et tous les points de celui-ci ne sont pas de nature telle qu’ils devraient devenir immuables.

Ce n’est pas se dédire que d’affiner une loi, que de peaufiner un texte pour tenir compte de la réalité. Je vous le dis très franchement, lorsque nos amis députés ont voté la compétence unique « eau et assainissement » pour 2018, j’ai trouvé cela totalement irréaliste.

M. Jean Bizet. Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur. Le compromis a permis de retenir la date de 2020. Comme je l’avais dit à un certain nombre d’élus, j’étais à peu près persuadé qu’une loi serait adoptée pour retarder cette échéance. Une solution, justement, eût été de repousser le délai ; nos collègues proposent de rendre ce transfert de compétences optionnel.

Pourquoi notre groupe est-il en accord avec la présente proposition de loi ?

Je vais vous le dire, Jean-Michel Baylet, ce n’est pas que nous soyons opposés à vos propos ! Mais notre quotidien en tant que sénateurs consiste à la fois à être au Sénat et à parcourir les communes, les villes et les villages, au plus près de la réalité.

Or la réalité, que je n’invente pas – il faut savoir écouter, mes chers collègues ! –, est la suivante : depuis le 1er janvier dernier, les communautés de communes sont beaucoup plus importantes, et je défends ce changement.

Imaginez une communauté de communes créée le 1er janvier 2017, qui regroupe 30 ou 40 communes. Parmi celles-ci, les unes fonctionnent en régie, les autres confient une délégation de service public à une, deux ou trois entreprises, certaines ont une société d’économie mixte et d’autres un syndicat, dont les compétences dépassent les limites de cette communauté. C’est cela la réalité !

M. Michel Canevet. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Cette réalité existait déjà il y a deux ans !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous ai bien entendu et je respecte ce que vous avez dit, monsieur Desessard !

Comment faire pour réaliser toutes les études et mener à bien toutes les procédures en deux ans, dans de bonnes conditions, afin de mettre en place ce qui est la solution idéale : un dispositif unique, avec le même prix payé par tous ? Nous n’y parviendrons pas, sinon à marche forcée, dans ce délai de deux ans.

Je vous le dis franchement, je crains que les sociétés bénéficiant d’une délégation de service public, qui font leur travail, ont des capacités d’expertise et emploient un nombre considérable de juristes, ne fassent en sorte de suggérer telle ou telle solution à des élus qui, eux, ne disposeraient pas de toute l’expertise nécessaire pour mener à bien cette tâche dans de bonnes conditions. Cela me fait penser au débat sur le plan local d’urbanisme, le PLU, et le plan local d’urbanisme intercommunal, le PLUI.

Nous avons été nombreux à dire que le PLUI était incontestablement une bonne idée. Mais pour le réaliser dans de bonnes conditions, il faut prendre un certain temps et faire preuve de pragmatisme.

Nous ne renions pas la loi NOTRe, mais nous disons qu’elle n’est pas un monument tel qu’on ne puisse l’améliorer. Nous proposons simplement, sur un point précis, de tenir compte de la réalité, car je vous assure que, avec les nouvelles communautés de communes, le délai est intenable, sauf à travailler dans de mauvaises conditions !

L’Assemblée nationale examinera cette proposition de loi dans quelque temps. Nous pensons, pour notre part, qu’elle constitue une réponse positive à une situation de fait.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi notre groupe la votera, sans nullement renier les grands objectifs de la loi NOTRe, mais avec le souci du pragmatisme et de l’écoute attentive des élus locaux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Yves Daudigny. Très bonne position !

Mme Éliane Assassi. C’est extraordinaire…

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat est très intéressant, et je reconnais bien là le travail du Sénat.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, prévoit que les compétences relatives à l’eau et à l’assainissement seront obligatoirement transférées des communes aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération à compter du 1er janvier 2020.

Aujourd’hui, en droit positif, l’eau et l’assainissement constituent pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération des compétences optionnelles, à la différence des communautés urbaines et des métropoles, pour lesquelles elles sont obligatoires.

En pratique, la gestion de ces services publics est assurée par les communes dans plus de 73 % des cas concernant l’eau potable, 88 % concernant l’assainissement collectif et 53 % concernant l’assainissement non collectif.

Cet état des lieux explique, pour partie, la très forte opposition des élus locaux à ces nouveaux transferts de compétences obligatoires. Ceux-ci craignent surtout, de façon fondée et justifiée, que ces transferts n’aboutissent à une augmentation des coûts de fonctionnement des services concernés et, in fine, à une augmentation du coût pour les usagers.

Je ne vois pas, monsieur le ministre, pourquoi l’eau ne pourrait pas avoir un coût différent selon les communes, quand celles-ci sont gérées différemment. Où sont, monsieur Desessard, les économies d’échelle ? Sur le terrain, on ne les constate pas.

À l’heure actuelle, dans de nombreuses communes, les services relatifs à l’eau et à l’assainissement sont financièrement gérés avec une très grande frugalité. Dans nos communes rurales, ils sont assurés de façon bénévole ou quasi bénévole par des élus municipaux, ainsi que par des agents communaux polyvalents ou à temps non complet. Or la prise en charge systématisée de l’eau et de l’assainissement par les communautés de communes et les communautés d’agglomération impliquera nécessairement la mise en place de services intercommunaux, avec le recrutement de personnels et, par là même, l’engagement de nouvelles dépenses de fonctionnement importantes.

Dans le même ordre d’idée, le contexte financier et budgétaire étant extrêmement contraint, et conjugué à toutes les obligations anciennes ou récentes qu’elles doivent déjà assumer, les intercommunalités ne sont pas toutes en mesure d’assumer de façon satisfaisante la gestion des services de l’eau et de l’assainissement. Bien au contraire, ces nouveaux transferts de compétences à marche forcée – cette expression a été prononcée précédemment ! – risqueraient de déstabiliser fortement une organisation territoriale qui est, dans l’ensemble, satisfaisante, mais également économe en fonctionnement.

Parallèlement, le principe de subsidiarité, consacré par le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution française, impose aux pouvoirs publics et, en premier lieu, à l’État, de laisser le soin aux élus locaux de déterminer librement quel est le niveau territorial le plus pertinent ou le plus à même de mener au mieux une mission de service public, avec la plus grande efficience fonctionnelle ainsi que financière. C’est inscrit dans la Constitution !

Aussi, pour toutes ces raisons, il ne semble pas pertinent de devoir imposer un seul et même modèle d’organisation dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, mais plutôt de faire confiance à l’intelligence des élus locaux, afin qu’ils s’organisent de la façon qui leur semblera la plus adaptée pour leur territoire.

C’est pourquoi il est préférable que ces compétences relèvent des communes et qu’elles redeviennent optionnelles, et surtout pas obligatoires. C’était d’ailleurs la position que le Sénat avait adoptée lors de l’examen en première et en deuxième lectures. Jean-Pierre Sueur l’a rappelé, c’est la commission mixte paritaire qui a abouti à ce compromis et à des dispositions dont certains d’entre nous ont regretté l’adoption. Je pense ainsi au seuil de 15 000 habitants pour les communautés de communes, qui provoque des drames dans certains départements ruraux, y compris le mien.

Nous avons toujours eu l’intention, à la suite des travaux de la commission mixte paritaire, de revenir devant le Sénat pour corriger ici ou là telle disposition qui entraîne un problème sur le terrain.

J’y insiste, il est tout à fait normal que le Sénat, sans renier la loi NOTRe, que nous avons votée, veuille corriger à la marge un certain nombre d’excès, ressentis comme tels sur le terrain.

Pour terminer de façon plus générale sur l’intercommunalité, il est évidemment indispensable de mutualiser les énergies – je ne reviens pas sur cette évidence ! – et d’optimiser les dépenses publiques de chaque territoire.

Néanmoins, mes chers collègues, soyons vigilants à ce que tous les bienfaits apportés par les communes à notre pays, et qui lui donnent son « âme », ne disparaissent pas avec le développement d’une intercommunalité de plus en plus grande et intégrée, génératrice d’économies et d’efficacité, lesquelles restent d’ailleurs encore à démontrer.

De la même manière, n’oublions pas que l’intercommunalité doit être exclusivement au service des communes, j’y insiste, (Mme Sophie Joissains applaudit.) et qu’elle doit garantir leur liberté.

Enfin, n’oublions jamais que la proximité est une condition de la réussite de la vie en société et que c’est dans « la commune que réside la force des peuples libres » et que « si le pouvoir vient d’en haut, la confiance vient d’en bas ».

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Alain Joyandet. Je considère, comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, que nous avons – la droite et la gauche y ont participé – beaucoup compliqué la tâche des élus locaux. Nous avons malmené nos territoires et nos communes. Alors même que nous avons besoin de croissance, beaucoup d’initiatives et d’investissements sont ainsi paralysés par les nouveaux redécoupages, imposés, de communautés de communes, par les transferts, également imposés, de compétences.

On a parlé des PLUI. Nos maires, notamment de petites communes, n’en peuvent plus. Il est urgent de les laisser décider eux-mêmes de leur destin et, si possible, de leur donner un peu de liberté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment vous convaincre en trois minutes de ne pas voter cette proposition de loi ?

La première raison tient à la crédibilité de la loi et du législateur.

Comment justifier la modification de la loi du 7 août 2015 à peine un an et demi après son adoption ?

M. Jean Desessard. Bravo ! Très bonne question !

M. Philippe Bonnecarrère. C’est une mauvaise besogne, après avoir déjà, à l’article 18-1 de la loi Montagne, vidé de sa substance le transfert de la compétence tourisme et après avoir tenté de faire de même voilà quelques mois, entre départements et régions, pour la compétence transports scolaires.

Je le dis au risque de répéter des propos tenus précédemment, soit vous laissez vivre la loi NOTRe, soit il convenait de ne pas la voter.

La deuxième raison tient à la cohérence de la loi.

La montée en puissance des compétences des intercommunalités ne doit rien au hasard. Elle répond à la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, qui a donné aux métropoles les moyens politiques correspondant à leur poids économique et démographique. Elle répond, aussi, à la loi concernant le regroupement des régions.

Les intercommunalités ont besoin de se renforcer au moment de la montée en puissance des métropoles et des grandes régions. Ou alors trouvez une autre cohérence et proposez la suppression des métropoles et des grandes régions !

La troisième raison tient à la prévisibilité de la loi.

Depuis dix-huit mois, nos collègues savent que les transferts des compétences « eau » et « assainissement » doivent être organisés avant le 1er janvier 2020.

M. Jean Desessard. Tout à fait !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Si, c’est vrai !

M. Philippe Bonnecarrère. Ces transferts s’organisent et se préparent, ne dites pas le contraire ! Dans votre département, le secteur évoqué n’est pas concerné, monsieur le rapporteur ! Quel est l’intérêt de semer le doute et de dire qu’il faut tout arrêter parce que la loi pourrait changer ? Ce texte est, me semble-t-il, contre-productif !

La quatrième raison tient à l’intérêt des collectivités locales.

Le fond de la présente proposition de loi laisse penser qu’il y a une concurrence entre les communes et les intercommunalités et que le caractère obligatoire des nouvelles compétences représenterait un risque pour l’échelon communal.

Sous couvert du sauvetage du soldat communal, n’affaiblissez pas son meilleur rempart, l’intercommunalité !

L’élu intercommunal, vous le savez, mes chers collègues, est d’abord un élu communal. Le bloc local – la commune alliée à son intercommunalité – doit être renforcé pour trouver sa place dans le nouvel ordre régional et métropolitain. Tel est le véritable enjeu, que nos territoires soient urbains, périurbains ou ruraux.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Philippe Bonnecarrère. J’en viens à ma conclusion, madame la présidente.

Accessoirement, mais ce serait un autre débat, je crois que les agences de l’eau seraient les premières à se réjouir du vote à venir, dans la mesure où elles préparent une recentralisation, face à laquelle la meilleure réponse serait, à mon sens, la responsabilité des intercommunalités. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC. – M. Jean Desessard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. Daniel Laurent. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien sûr, je me félicite que le Sénat se soit saisi de la présente question en cette fin de session, avec l’examen de la proposition de loi visant à maintenir les compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes, qui sera, je le souhaite, complétée par l’adoption de l’amendement de notre collègue Alain Joyandet tendant à élargir ce texte aux communautés d’agglomération ; j’y souscris totalement.

Malgré un calendrier progressif, les compétences « eau » et « assainissement » seront attribuées obligatoirement aux communautés de communes et d’agglomération à compter du 1er janvier 2020.

Pour répondre à ce qui vient d’être dit, je trouve qu’il est intelligent d’amender une loi quand on se rend compte qu’elle ne correspond pas ou n’est pas adaptée aux besoins des communes.

Je souhaite m’attarder sur la question prégnante de la gestion des eaux pluviales urbaines, qui n’a jamais été abordée dans les débats, sauf par vous, monsieur le ministre, dans votre propos introductif. Et pour cause, c’est une note de la Direction générale des collectivités locales du 13 juillet 2016 qui est venue préciser les contours des compétences dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, mentionnant que la compétence assainissement incluait la gestion des eaux pluviales.

Le Conseil d’État, dans une décision du 4 décembre 2013, assimile la gestion des eaux pluviales à un service public relevant de la compétence « assainissement ». Ainsi, il n’y a pas de distinction selon le mode d’exercice de la compétence « assainissement », qu’elle s’exerce à titre optionnel ou obligatoire. Cela me conduit à confirmer que le transfert obligatoire aux EPCI du bloc « assainissement » est inapproprié : les collectivités n’y sont pas prêtes.

Cela est d’autant plus vrai que, avec le transfert de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations », la GEMAPI, aux EPCI au 1er janvier 2018 – sujet fort complexe ! –, il eût été pertinent de disposer d’un retour d’expérience avant d’ajouter obligatoirement l’assainissement et les eaux pluviales.

Rappelons que le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » n’était pas prévu dans le texte initial. Il a été introduit par le Gouvernement, sans évaluation préalable des effets au niveau local ni concertation. Aucune étude d’impact n’a été réalisée pour déterminer les enjeux et les conséquences d’un tel transfert, pas plus que sur l’organisation, le fonctionnement, le prix de l’eau ou la gouvernance locale.

Nous avions été nombreux sur ces travées à nous opposer à ce transfert imposé, augurant qu’il n’apporterait aucune amélioration en termes d’organisation, mais plutôt une désorganisation des structures, une inégalité territoriale, une gestion de l’eau et de l’assainissement hétérogène à l’intérieur d’un même périmètre.

Plutôt que de faire confiance aux élus pour décider de l’organisation la mieux adaptée aux enjeux et contraintes qu’ils rencontrent dans leurs territoires, le Gouvernement a imposé une fois de plus un modèle unique.

Si, sur certains territoires, le transfert des compétences peut s’avérer pertinent, cela ne peut être une généralité territoriale.

Le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » fait fi des réalités et paramètres locaux, des infrastructures existantes, des moyens d’exploitation des services, des volontés politiques locales, et ne peut qu’entraîner des complexifications administratives, avec un impact sur les coûts, à la charge des usagers.

Dans un contexte budgétaire contraint et avec la mise en place de nouveaux transferts de compétences, les collectivités ne pourront assumer ce transfert ou n’auront pas les capacités de le faire.

Je souhaite citer mon département en exemple. Depuis 1952, un syndicat regroupe 463 des 469 communes de Charente-Maritime, acteur majeur dans le domaine de l’eau, véritable service départemental de l’eau. Son fonctionnement a pour principe la mutualisation des ressources en eau interconnectées, des moyens techniques d’exploitation, des ouvrages de production et de distribution, et la péréquation du prix de l’eau à l’échelle départementale.

En Charente-Maritime, le partage de l’eau entre usages domestiques, agricoles, ostréicoles et touristiques est très complexe. Cette gestion mutualisée permet une solidarité intégrale des territoires ruraux, urbains et littoraux.

Dans sa rédaction actuelle, la loi NOTRe pourrait favoriser le retrait des EPCI urbains denses au détriment des zones rurales et désorganiser les conditions d’approvisionnement en eau, les services d’exploitation et les secours réciproques entre territoires. Elle entraînerait également la multiplication inutile de points de vente d’eau en gros et une perte de réactivité en cas de crise climatique.

Plus globalement, l’alimentation en eau potable doit être réfléchie à l’échelle des bassins versants hydrographiques pour les eaux de surface ou de bassins d’alimentation hydrogéologique pour les eaux souterraines. Il est rare que les périmètres naturels correspondent aux limites administratives des EPCI à fiscalité propre.

Enfin, il conviendra d’être vigilant sur le respect du principe de représentation-substitution, qui permet de préserver les grands syndicats en cas de prise de compétence par un EPCI, même de façon optionnelle.

Si nous ne revenons pas sur ce transfert « obligatoire », nous allons, au mieux, déstabiliser des organisations qui fonctionnent très bien et doivent être consolidées au regard de leur rôle indispensable en termes de solidarité territoriale.

En tant que Néo-Aquitain, je suis bien entendu plus girondin que jacobin. Je soutiens qu’il faut faire confiance aux élus de proximité et leur laisser la gestion des compétences qu’ils sont les plus à même de réaliser dans leurs territoires – nous en avons la preuve tous les jours.

Je voterai donc en faveur du maintien de l’eau et de l’assainissement dans les compétences optionnelles des communautés de communes ou d’agglomération. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi pour le maintien des compétences "eau" et "assainissement" dans les compétences optionnelles des communautés de communes
Articles additionnels après l’article unique

Article unique

(Non modifié)

Le IV de l’article 64 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est abrogé.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, sur l’article unique.

M. Michel Savin. Je souhaite vous faire part du témoignage des élus des communes de mon département, lesquelles, situées en zone de montagne, sont confrontées à la problématique du transfert de la compétence « eau ». Les difficultés qu’elles rencontrent sont les suivantes.

Premièrement, ce transfert vers l’intercommunalité contribue à démanteler encore davantage les communes, ce que nous ne pouvons accepter.

Deuxièmement – je m’adresse en particulier à notre collègue Jean Desessard –, il met à la charge des usagers des coûts supplémentaires. Cette compétence est régulièrement exercée par un employé communal et, parfois, dans les toutes petites communes, par un élu.

Une commune qui dispose d’un ou deux agents communaux ne peut pas mettre à la disposition de l’intercommunalité ce personnel communal dans le cadre du transfert de la compétence « eau ». La structure intercommunale, en créant cette compétence, va donc augmenter le nombre d’agents, ce qui coûtera plus cher à la collectivité. (M. Alain Joyandet opine.)

Troisièmement, la problématique de l’eau n’est pas forcément compatible avec les périmètres des intercommunalités, lesquels sont gigantesques dans les zones de montagne.

Quatrièmement, en montagne, les compétences « eau » et « assainissement » répondent à des logiques de bassins, c’est-à-dire des logiques naturelles qui enferment les réseaux sans intérêt de maillage, et non dans des logiques administratives.

La proposition de loi est donc attendue dans les territoires où la mutualisation est impossible. J’ai rencontré des maires en zones de montagne qui sont aujourd’hui dans l’impossibilité de transférer la compétence « eau » vers l’intercommunalité, compte tenu de la distance qui existe entre certaines communes, de l’organisation des personnels, de la proximité et du service rendu aux populations. Ce texte est attendu par de nombreux élus, notamment en milieu rural.

C’est la raison pour laquelle je voterai pour ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article unique.

M. Yves Daudigny. Je précise qu’il n’y a pas d’élection sénatoriale prévue dans mon département cette année. Je voterai néanmoins cette proposition de loi. Vous voyez que l’intérêt électoral immédiat n’est pas en cause…

La situation du département de l’Aisne en matière d’eau et d’assainissement est le reflet de la très grande diversité des territoires de notre pays.

Au sud de l’Aisne, un très gros syndicat, l’Union des services d’eau du sud de l’Aisne, prélève de l’eau dans la Marne pour la distribuer à plus de 60 000 habitants, après l’avoir traitée bien sûr.

Dans le centre du département, une initiative ambitieuse est portée par la communauté de communes du Val de l’Aisne. Mais partout sur le territoire, de petits syndicats ou des syndicats de moyenne dimension, avec un très fort engagement des élus et, souvent, une part de bénévolat considérable, répondent à la demande des habitants.

Transférer aujourd’hui cette compétence à la communauté de communes entraînerait, comme le montrent les études sur la question, de fortes augmentations du prix de l’eau, sans apporter une amélioration du service. (M. Michel Savin opine.)

Je suis de ceux qui pensent que la mutualisation sur de larges périmètres représente certainement un avenir solide pour nos territoires, mais qu’elle doit, dans les conditions que nous connaissons, demeurer optionnelle. (M. Michel Savin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article unique.

M. Jean Desessard. Je soulignerai deux points.

Tout d’abord, ces problèmes étaient connus voilà deux ans. Je comprends ceux qui n’avaient pas voté la loi NOTRe à cette époque, car, précisément, ils en avaient connaissance de ces problèmes. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.)

Comment travaille-t-on ? On vote un texte. Les groupes RDSE et CRC, ainsi que des membres du groupe Les Républicains et, certainement, du groupe socialiste étaient contre, mais la majorité d’entre nous était pour. Deux ans après, on remet tout en cause… Ce n’est pas sérieux !

M. Ladislas Poniatowski. Ce sont les retours de l’expérience du terrain !

M. Jean Desessard. J’ai bien compris que l’on proposait un rattrapage, et ce n’est pas cela que je critique. Mais on a tout de même voté il y a deux ans un texte contraignant. Vous saviez quelles seraient ces contraintes ! Or, une fois le texte adopté, vous nous dites que cela ne va pas aller !

M. Ladislas Poniatowski. On a le droit d’être intelligent !

M. Jean Desessard. Vous n’aviez pas le droit de ne pas l’être deux ans plus tôt !

Mme la présidente. Je vous demande, mes chers collègues, d’éviter les interpellations !

M. Jean Desessard. Je suis très surpris que vous soyez devenus aussi intelligents en deux ans ! Apparemment, vous n’aviez pas une bonne connaissance du terrain…

M. Jean Bizet. Cela peut arriver !

M. Jean Desessard. Vous avez dû avoir une formation accélérée, car, à l’époque, ces problèmes étaient déjà connus !

Monsieur Savin, vous connaissez certainement la question mieux que moi puisqu’il s’agit de votre territoire, mais j’ai du mal à comprendre pourquoi vos deux employés communaux ne peuvent pas être repris par l’intercommunalité. Celle-ci peut très bien décider de décentraliser la gestion en reprenant ces deux personnes.

M. Michel Savin. Ce n’est pas le seul problème !

M. Jean Desessard. Je ne vois comment cela peut conduire à une augmentation des frais, puisque ces deux personnes peuvent être employées.

M. Jean Bizet. Faites-nous confiance, monsieur Desessard !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Au-delà de la question de fond, que nous avons tous évoquée, je veux faire une réflexion de forme.

Il est assez singulier d’entendre, notamment de la bouche de M. le ministre et quelques autres collègues, que ce texte est politique, d’autant que, si j’ai bien entendu les différents orateurs des groupes, tout le monde s’apprête à le voter.

M. Jean Desessard. Pas tout le monde !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je veux tordre le cou à l’idée selon laquelle ce texte sort de nulle part, à l’approche des élections sénatoriales. C’est faire injure au travail du Sénat qui, je le rappelle, a mis en place depuis bientôt deux ans une mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale, en particulier la loi NOTRe !

Avec Pierre-Yves Collombat, René Vandierendonck, Michel Mercier et de nombreux autres collègues de la commission des lois, nous nous sommes rendus dans presque tous les territoires. À chaque fois que nous sommes allés à la rencontre des élus, ce sujet a été abordé : ces derniers nous suppliaient de faire quelque chose pour le transfert des compétences « eau » et « assainissement ». Ce sujet ne sort pas du chapeau, nous ne l’avons pas inventé et nous n’intervenons pas pour faire plaisir.

Les positions qui ont été exprimées en témoignent, vous pouvez au moins nous donner quitus sur ce sujet ! L’argument d’absolue mauvaise foi, qui est savoureux et presque délicieux, est celui selon lequel nous sortirions ce texte le dernier jour de la session. Mais, pardonnez-moi de vous le dire, nous sommes en train de rendre les conclusions du rapport d’information, qui sont – je le pense – partagées sur toutes les travées.

Je le rappelle, pour tous les textes que l’on vient d’étudier – égalité réelle outre-mer, statut de Paris et aménagement métropolitain –, nombre de sujets sont sortis du chapeau au dernier moment. Faut-il s’interdire tout ajustement de dernière minute ? Il faut alors dire clairement que, une fois la loi votée, elle est gravée dans le marbre et nous ne devons surtout pas la corriger. Mais alors quid du rôle de contrôle du Sénat ? Cela ne sert plus à rien d’exercer ce rôle ! On ne touche plus aux lois adoptées, même si tous les élus des territoires nous disent qu’elles ne leur conviennent pas. Ce n’est pas grave, il ne faut absolument rien changer pour ne pas déjuger le travail des sénateurs… Je vous le dis, je trouve cela fort de café ! (Mme Sophie Joissains et M. Olivier Cigolotti applaudissent.)