compte rendu intégral

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot,

M. Michel Raison.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Discussion générale (suite)

Loi de finances pour 2018

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport général n° 108).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Question préalable

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, avant tout je vous prie de transmettre à M. le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, mes vœux de prompt rétablissement puisque je comprends qu’il a dû être hospitalisé en urgence ce matin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, cher Gérald, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de finances pour 2018 est le premier du nouveau quinquennat.

Il traduit la vision économique portée par le Gouvernement. Il s’inscrit dans une stratégie globale clairement annoncée par le Président de la République pendant sa campagne et choisie par les Français : transformer le modèle économique de notre pays.

Partons d’abord de la situation économique internationale.

La reprise mondiale se confirme, avec une croissance globale estimée à 3,6 % pour 2017. Les prévisions les plus récentes, notamment celles du Fonds monétaire international, le FMI, annoncent un rythme équivalent en 2018.

Le continent européen se place, notons-le, dans le peloton de tête. La reprise économique se poursuit à un rythme solide dans la zone euro. La croissance économique dans l’Union monétaire devrait atteindre 2 %, en moyenne, cette année.

En France, les principaux indicateurs économiques se redressent. En un an, 300 000 emplois ont été créés dans le secteur marchand. L’investissement retrouve un rythme soutenu, la création d’entreprises également. La confiance est donc de retour chez les entrepreneurs et j’estime la croissance française désormais solide.

Dans cette conjoncture favorable, nous voulons accélérer la transformation économique de la France, mais en évitant les erreurs trop souvent commises, quand, à la moindre amélioration de la conjoncture, on reportait la transformation économique nécessaire. Au contraire, c’est parce que les choses vont mieux, estimons-nous, qu’il faut accélérer ce processus, afin que notre pays puisse exploiter à plein ses talents et ses atouts, qui sont immenses.

La réforme du marché du travail, le budget que nous discutons aujourd’hui, la réforme de la formation professionnelle et, demain, de l’assurance chômage marquent notre détermination totale, dans cette majorité, à accomplir cette transformation économique et sociale du pays.

M. Bruno Le Maire, ministre. Sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, nous irons jusqu’au bout de cette démarche nécessaire.

Le monde ne nous attendra pas ! Les autres nations ne nous attendront pas ! Les grandes puissances, comme la Chine ou les États-Unis, ne nous attendront pas !

Si nous voulons rester une puissance économique de premier plan, nous devons saisir les révolutions technologiques en cours. Faute de quoi, nous serons rejetés dans les marges, appauvris, négligés.

Nos choix économiques ont un but clair : permettre à la France de répondre aux défis contemporains et de réussir dans le monde tel qu’il est.

Pour cela, la première exigence est de permettre à nos entreprises d’investir, mais encore faut-il, pour ce faire, qu’elles retrouvent de la profitabilité. C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, l’allégement de la fiscalité sur le capital est une des décisions majeures qu’avec Gérald Darmanin nous vous proposons.

Alléger la fiscalité sur le capital, c’est renforcer la profitabilité, trop faible, des entreprises et leur permettre d’investir pour innover.

Les solutions du passé ont échoué. Les solutions qui consistaient à redistribuer la richesse avant de la créer ont échoué. Nous vous proposons une autre voie : l’allégement de la fiscalité sur le capital, afin que nos entreprises puissent dégager les moyens nécessaires pour investir, pour innover, pour rester en tête de la course technologique actuelle.

Regardez le niveau actuel des taux marginaux d’imposition sur le capital : 62 % pour les intérêts et 44 % pour les dividendes. En Allemagne, 26 %… Comment voulez-vous que nos entrepreneurs fassent la course en tête avec un tel boulet au pied ?

Nous allons donc alléger la fiscalité sur le capital pour récompenser le risque, faciliter l’investissement et le financement de nos entreprises.

Sans capital, pas d’investissement ! Sans investissement, pas d’innovation ! Sans innovation, pas d’emploi !

Nous voulons rompre avec cette fâcheuse habitude que nous avons en France de redistribuer les richesses avant de les avoir créées, parce que, au bout du compte, cela affaiblit tous les Français, comme cela affaiblit la souveraineté de la France.

L’allégement de la fiscalité sur le capital passe par une décision historique : la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique à 30 % sur tous les revenus du capital. Ce sera un gage de simplicité et de meilleur financement de notre économie. Une fiscalité proportionnelle de ce type a déjà été adoptée dans 80 % des pays européens.

Mais nous avons aussi été attentifs à ne pas pénaliser la fiscalité de l’épargne salariale, pour marquer notre volonté de récompenser le travail.

Travail et capital ne doivent plus être opposés. Travail et capital doivent aller de pair.

Il faut alléger la taxation du capital pour ne pas le faire fuir dans un monde où il est de plus en plus mobile, mais il faut aussi redonner sa valeur au travail. Toutes les Françaises et tous les Français qui aujourd’hui vont travailler, parfois pour de faibles rémunérations, doivent pouvoir se dire que, en travaillant, ils auront la récompense de leurs efforts.

Nous voulons maintenir les avantages des produits d’épargne populaire : le livret A et le livret de développement durable resteront entièrement défiscalisés pour les ménages français. Nous conserverons aussi les avantages des produits fortement investis en actions, comme le plan d’épargne en actions – le PEA –, par souci de cohérence avec le besoin de financement de notre économie.

S’agissant de la fiscalité de l’assurance vie, qui a suscité tant de débats dans cet hémicycle et à l’Assemblée nationale, je rappelle que seuls les revenus des futurs versements seront concernés : nous ne prenons personne par surprise.

Je rappelle également que les mesures proposées ne touchent que les encours supérieurs à 150 000 euros, soit des encours très élevés. La fiscalité ne change pas pour les autres, qui représentent 94 % des contrats.

Il est essentiel de rappeler, enfin, que le prélèvement forfaitaire unique, le PFU, demeure une option et que les contribuables pourront choisir de rester au barème, si cela est plus intéressant pour eux.

Pour faciliter l’accès au capital des entreprises, pour redonner à nos entrepreneurs et à l’ensemble de notre économie les moyens de mieux se financer, nous supprimons l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF.

Pourquoi cette suppression ? Parce qu’il faut réinjecter des capitaux dans l’économie française. Parce qu’il faut attirer les investisseurs dont nous avons besoin pour développer nos entreprises, les renforcer, créer des emplois en France, enrayer la fuite des talents, récompenser la prise de risque.

Arrêtons avec l’idéologie ! Regardons ce qui est bon pour le pays, bon pour les entrepreneurs, bon pour la création de richesses, bon pour l’emploi, bon pour valoriser le risque et récompenser le travail. Respecter ces valeurs, ce sera respecter le travail des Françaises et des Français tout autant que le goût du risque de nos entrepreneurs.

Je l’ai dit, le capital est de plus en plus mobile. Voulons-nous qu’il parte ou qu’il reste ? Voulons-nous qu’il aille s’investir à l’étranger ou plutôt dans les entreprises françaises, pour qu’elles puissent enfin grandir, et avec elles notre tissu de petites et moyennes entreprises ? Car vous connaissez mieux que personne nos territoires, mesdames, messieurs les sénateurs, et vous savez combien ce tissu est fragile, trop fragile, et combien nos PME sont petites, trop petites, et que, faute de fonds propres suffisants, nos PME dépendent trop de la dette.

Eh bien, redonnons du capital à ces entrepreneurs, et nous leur permettrons de grandir, d’investir, d’affronter la concurrence et de se projeter sur les marchés extérieurs, où se trouvent la croissance et les emplois pour les Français.

Pourquoi maintenir, parallèlement à la suppression de l’ISF, un impôt sur la fortune immobilière ? Tout simplement parce qu’un euro investi dans l’immobilier, notamment ancien, ne crée pas le même effet d’entraînement qu’un euro investi dans une entreprise.

Cet impôt sur la fortune immobilière, je le rappelle, ne fera aucun perdant. Il reprend exactement les règles de l’ISF sur le volet « immobilier » : même seuil et même abattement de 30 % sur la résidence principale.

À tous ceux qui m’objectent que nous allons affaiblir la classe moyenne, je répondrai que nous n’avons pas la même conception de la classe moyenne : l’impôt sur la fortune immobilière ne concernera que les biens immobiliers de plus de 1,3 million d'euros avec un abattement de 30 %, soit les biens d’une valeur supérieure à 1,7 million d'euros !

Par ailleurs, le secteur du logement bénéficie déjà d’un certain nombre de dispositifs favorables, avec des incitations fiscales puissantes, comme l’exonération de la plus-value sur la vente de la résidence principale ou le prêt à taux zéro et le dispositif Pinel, que nous allons pérenniser.

Notre modèle social va-t-il pour autant devenir inégalitaire ? Depuis le début des débats sur le PLF pour 2018, Gérald Darmanin et moi-même entendons cette critique. On nous suspecte, au fond, en libérant des capitaux pour les entrepreneurs, en supprimant l’ISF, en mettant en place le prélèvement forfaitaire unique, en allégeant l’impôt sur les sociétés, de créer davantage d’inégalités que d’égalités. C’est exactement le contraire !

Je refuse cette caricature du budget que nous portons, avec Gérald Darmanin. Je n’accepte pas que l’on dise du budget du Président de la République, du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement qu’il est un budget pour les riches : mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un budget pour les Français, un budget pour le travail, un budget pour l’emploi ! Les décisions fiscales que nous prenons permettront enfin à nos entrepreneurs de créer les emplois et les richesses dont les Français ont tellement besoin.

La première des inégalités, c’est le chômage, et la meilleure façon de lutter contre le chômage, c’est de donner à notre économie les moyens de mieux se financer, à nos entrepreneurs la récompense de leur prise de risque et à tous ceux qui travaillent la récompense de leurs efforts !

Telle est la philosophie politique qui nous anime derrière ce projet de loi de finances pour 2018 : la récompense de l’effort et du travail des salariés, la valorisation du risque, le soutien à nos entrepreneurs, la capacité à mieux se financer, l’indépendance et la souveraineté financière d’une nation qui arrête de trop taxer et se donne les moyens de créer les richesses dont elle a besoin.

Je rappelle en outre que la redistribution résulte, pour 66 %, des prestations sociales ; que les prélèvements directs y contribuent à hauteur de 34 % ; que 10 % des contribuables paient 70 % de l’impôt sur le revenu.

Par conséquent, si l’on veut traiter la question, majeure, des inégalités dans notre pays, il ne faut pas se contenter d’examiner ce qui est fait en matière de fiscalité ; il faut également tenir compte de la redistribution sociale, la meilleure façon de lutter contre les inégalités, dont nous maintenons l’architecture principale.

Le budget que nous vous présentons comporte également une ambitieuse politique fiscale en faveur des entrepreneurs.

Nous réduirons l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % d’ici à la fin du quinquennat, soit une baisse de plus de 11 milliards d’euros de charges fiscales pour les entreprises.

Il s’agit là d’un choix structurant dans le budget, un choix que nous revendiquons avec Gérald Darmanin, le Premier ministre et le Président de la République.

Nos entreprises doivent être plus profitables. Leur taux de marge n’a cessé de se dégrader depuis des années. Il s’est récemment redressé, mais insuffisamment pour leur permettre de dégager les moyens d’investir et de créer de nouvelles richesses. Alléger la fiscalité sur les entreprises, c’est renforcer leur capacité à créer des emplois.

Nous commencerons par un taux de 28 % dès 2018 sur la fraction de bénéfices inférieure à 500 000 euros. Nous baisserons ensuite le taux à 31 % pour tous les bénéfices à partir de 2019, tout en maintenant le taux de 28 % pour les bénéfices inférieurs à 500 000 euros. Ce sera ensuite 28 % en 2020 pour tous les bénéfices, 26,5 % en 2021 et 25 % en 2022. Le taux de l’impôt sur les sociétés sera alors le plus faible, en France, depuis plusieurs décennies.

Nous maintiendrons évidemment le taux réduit de 15 % pour les PME qui en bénéficient déjà, ayant bien conscience que les PME sont les entreprises qui, actuellement, ont le plus besoin de notre soutien.

Vous me direz que nous avons mis en place, dans un récent projet de loi de finances rectificative, une contribution exceptionnelle allant à l’encontre de cette politique.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne rouvrirai pas les débats sur cette question, qui nous a déjà pris bien du temps. Mais je ne voudrais pas que cette mesure soit l’arbre qui cache la forêt. Cette contribution exceptionnelle est bien exceptionnelle ! Elle n’a pas vocation à être reproduite. (Sourires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle ne sera appliquée qu’en 2017 – point barre – et nous reprendrons ensuite le cap fixé pour le quinquennat : la baisse de l’impôt sur les sociétés, la baisse des prélèvements sur les bénéfices et le soutien à nos entreprises.

M. Jean-François Husson. L’avenir le dira !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous supprimerons également le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, pour le transformer en un allégement de charges pérenne. Son taux passera de 7 % à 6 % en 2019, mais, cette même année 2019, les entreprises bénéficieront à la fois de ce CICE ramené à un taux de 6 % et de l’allégement de charges directes. Leur avantage fiscal, sur cet exercice, sera donc considérable.

Enfin, le Premier ministre a souhaité que nous ouvrions la réflexion sur les allégements de charges sur les salaires dépassant 2,5 SMIC.

C’est là un changement majeur. Nous considérons – et c’est une première depuis plusieurs années – que les allégements de charges doivent permettre de répondre, non seulement au défi de l’emploi, mais aussi à celui de la compétitivité de notre industrie.

Cette question, qui est aussi majeure, a également déjà été l’objet de débats dans cet hémicycle.

Oui, les allégements de charges ont prouvé leur efficacité sur les bas salaires ; ils permettent aux plus fragiles, aux moins qualifiés de trouver un emploi et une place dans la société française.

Mais oui, nous devons aussi tenir compte de la situation de notre industrie. Nous ne devons pas oublier que l’industrie française a perdu 1,4 million d’emplois en vingt-cinq ans et que, sur la même période, la part de notre patrimoine industriel dans la richesse nationale est passée de 20 % à 13 %.

Voilà pourquoi, à tous ceux qui m’expliquent qu’il faut continuer comme avant, ne rien toucher, ne rien modifier, je réponds qu’il en est hors de question : le statu quo ne peut pas être une solution pour notre industrie !

Nous avons besoin de regagner en compétitivité. Cela suppose un effort d’innovation, mais aussi l’allégement des charges sur les salaires des travailleurs les plus qualifiés, car ils sont l’avenir de notre industrie.

Nous ouvrirons donc la réflexion sur une mesure de cette nature, mais, comme l’a indiqué le Premier ministre, Édouard Philippe, nous ne la mettrons en œuvre que lorsque la restauration des comptes publics nous le permettra, et seulement à ce moment-là.

Nous maintiendrons également les dispositifs de soutien à la recherche. En particulier, le crédit d’impôt recherche – le CIR – sera sanctuarisé, car il fonctionne, parce qu’il a démontré son efficacité.

Nous mettrons en place, au début de l’année 2018, un fonds pour l’innovation de rupture de 10 milliards d'euros, financé par des cessions d’actifs de l’État dans le secteur concurrentiel. L’argent de l’État sera tout de même mieux employé s’il est investi dans l’innovation et la recherche, en vue de préparer l’avenir de nos enfants, plutôt que s’il permet de toucher des dividendes d’entreprises dont nous ne contrôlons pas suffisamment le fonctionnement.

Telle est notre stratégie fiscale. Telles sont les mesures qui doivent permettre à nos entreprises, à notre économie de réaliser, enfin, leur potentiel, qui est considérable.

Nous sommes convaincus de l’efficacité de ces choix, qui sont, oui, des choix de rupture. Alors qu’ils auraient dû être faits voilà dix, vingt ou trente ans, ils ne le sont qu’aujourd'hui, mais, du fait de leur caractère tout à fait nouveau, nous sommes prêts à les évaluer.

La meilleure réponse aux critiques, et les critiques sont toutes légitimes en démocratie, c’est la transparence, c’est l’évaluation : je suis prêt à engager, d’ici deux ans, une évaluation de notre politique fiscale.

Nous mettrons en place, comme je l’avais promis, une mission de suivi, qui pourra rendre ses premières conclusions à cette échéance.

Cette mission sera composée de parlementaires, de membres de la Cour des comptes, de représentants des administrations compétentes – le Trésor ou encore l’INSEE – et de personnalités qualifiées. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas y ajouter des entrepreneurs, qui pourront, eux aussi, participer à cette évaluation et juger des résultats de cette politique fiscale ?

Il s’agira, pour la mission, d’examiner les effets de notre réforme sur l’orientation de l’épargne des Français, sur l’investissement des entreprises, sur l’attractivité du territoire, sur l’emploi et sur les inégalités de revenus et de patrimoine.

Je suis prêt à ce que nous regardions l’ensemble des effets de cette politique fiscale, car réconcilier les Français et l’engagement politique, c’est être capable de rendre des comptes, c’est assumer la transparence et l’évaluation sincère et honnête de nos politiques publiques.

Nous travaillons également avec les institutions bancaires pour que celles-ci proposent des produits adaptés à leur client et qu’ainsi le capital libéré soit effectivement investi dans nos entreprises et dans notre tissu économique.

Un travail de concertation a été organisé en ce sens par les députés de la majorité, notamment Amélie de Montchalin. Il doit permettre de faire évoluer les mentalités et d’orienter l’épargne vers le financement de nos entreprises.

C’est au début de l’année 2018 que nous disposerons des premières propositions sur ce sujet et, avant le 1er avril 2020, un premier rapport sera transmis au Parlement sur l’évaluation de la politique fiscale du Gouvernement.

Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai lu hier les remarques de la Commission européenne sur nos déficits et notre dette.

Je veux redire ici la détermination totale du Président de la République, du Premier ministre, de l’ensemble du Gouvernement à tenir nos engagements vis-à-vis de l’Europe.

Nous tiendrons nos engagements européens ! Nous respecterons les règles de déficit pour 2017, en nous maintenant en dessous de la limite des 3 % qui nous a été fixée et que nous avons, nous-mêmes, acceptée.

La France qui se moque de ses engagements européens, c’est fini !

La France qui balaie d’un revers de la main les critiques de ses partenaires européens, c’est fini !

La France qui estime qu’elle peut, seule, dicter sa propre conduite, sans écouter ce que ses partenaires européens ont à lui dire, alors que nous sommes engagés dans le même projet politique, c’est fini !

La France qui ne se soucie pas de la bonne tenue de ses comptes publics, c’est fini !

La France qui vote des budgets de la Nation insincères, dans lesquels les financements nécessaires aux politiques publiques choisies ne se trouvent pas inscrits, c’est fini !

La France qui ment, la France qui trompe, la France qui triche, c’est fini ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. - M. Martin Lévrier applaudit avec force.)

Mme Annie Guillemot. Tricheurs ?…

M. Bruno Le Maire, ministre. Avec le ministre des comptes publics, nous assumons la sincérité de notre budget.

M. Didier Guillaume. Certains mots, trop forts, peuvent blesser !

M. Bruno Le Maire, ministre. En 2017, nous avons dû absorber 8 milliards d’euros de dépenses qui n’avaient pas été budgétées.

Le contentieux de la taxe à 3 % sur les dividendes a alourdi de 10 milliards d’euros la charge pesant sur les comptes de l’État. C’est un fardeau de 18 milliards d’euros qu’il a fallu intégrer à nos comptes en 2017.

Voilà la stricte réalité des chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs !

Je ne suis pas là pour juger…

M. Patrick Kanner. C’est mal parti !

M. Bruno Le Maire, ministre. … ni condamner qui que ce soit. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)

Mme Annie Guillemot. Et « en même temps »…

M. Bruno Le Maire, ministre. Mais je suis responsable, avec le ministre des comptes publics, de la bonne tenue des comptes de la Nation, et nous tiendrons bien les comptes de la Nation, mesdames, messieurs les sénateurs.

Oui, un fardeau de 18 milliards d’euros pèse aujourd’hui sur l’État français et, malgré ce fardeau, notre déficit public sera sous la barre des 3 % du PIB en 2017. L’effort est considérable, mais il est juste et nécessaire. (M. Martin Lévrier applaudit. - Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Éliane Assassi. Un seul applaudit, monsieur le ministre !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nos prévisions confirment que nous respecterons la limite des 3 % cette année, permettant à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dans laquelle elle se trouve depuis 2009. La Commission européenne a, elle aussi, indiqué que cet objectif était atteignable en 2018.

Notre responsabilité est collective. Que voulons-nous, vous, parlementaires, et nous, membres du Gouvernement, pour la France ?

Je le redis, je ne juge personne.

M. Jean-François Husson. Retirez vos propos, alors !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne suis pas là pour regarder le passé ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Je demande simplement : que souhaitez-vous pour l’avenir ?

Voulez-vous un budget sincère ? C’est ce que nous vous proposons ! Voulez-vous respecter les règles européennes ? C’est ce que nous vous proposons ! Voulez-vous que la France sorte de la procédure pour déficit public excessif ? C’est ce que nous vous proposons !

J’espère donc pouvoir, avec Gérald Darmanin, compter sur votre soutien s’agissant de ces ambitions nationales et européennes.

Nous avons fait le double choix de tenir les engagements de campagne du Président de la République et de tenir nos engagements européens. Nous avons pris les mesures nécessaires, en préparant un projet de loi de finances sincère et en proposant un projet de loi de finances rectificative pour tenir compte de l’annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes.

Au-delà de 2017, nous continuerons à tenir ce cap économique et politique, avec la baisse des impôts et la maîtrise des dépenses. C’est la meilleure façon de renforcer notre croissance potentielle et de réduire le déficit structurel français.

Nos obligations européennes nous imposent effectivement, au-delà du respect de la règle des 3 % de déficit afin de sortir de la procédure pour déficit excessif, de réduire graduellement notre déficit structurel, et c’est le point sur lequel la Commission européenne s’est arrêtée le plus longuement.

En 2018, nous prévoyons une réduction de 0,1 % du déficit structurel. L’évaluation de la Commission européenne diffère de la nôtre, mais il est arrivé par le passé que les évaluations de la France soient finalement davantage confirmées par les faits que celles de la Commission européenne.

Nous sommes donc en discussion avec elle pour faire converger nos chiffres. Nous souhaitons qu’elle prenne en compte la sincérité des mesures contenues dans ce projet de loi de finances, ce qui n’est pas encore le cas et ce qui explique largement l’écart entre nos estimations de correction de 0,1 % du déficit structurel et celles de la Commission, qui estime à l’inverse à 0,4 % le désajustement.

La Commission doit également prendre en compte l’ensemble des réformes structurelles que nous engageons, et qui vont porter leurs fruits : réforme de la fiscalité, rationalisation des dépenses – qui sera accentuée dès que leur revue aura permis d’identifier précisément les marges –, réforme du code du travail, réforme de l’assurance chômage. Toutes ces mesures structurelles, nous souhaitons que la Commission européenne en tienne davantage compte dans l’évaluation de la réduction de notre déficit structurel. J’en parlerai prochainement à ses membres.

En respectant nos engagements européens, non seulement nous garantissons la bonne tenue des comptes publics de la Nation, mais nous garantissons surtout la restauration de la crédibilité de la parole de la France en Europe. Si le Président de la République a réussi à obtenir une transformation en profondeur de la directive sur les travailleurs détachés, c’est parce que la France a retrouvé de la crédibilité sur la scène européenne. Si nous avons relancé le débat sur la taxation des géants du numérique, débat absolument majeur sur l’avenir de la fiscalité internationale, c’est parce que la France a retrouvé sa crédibilité sur la scène internationale.

Comment voulez-vous que nous expliquions aux entrepreneurs de vos territoires, qu’ils soient dans le bâtiment, dans la restauration, dans la chimie, dans l’industrie automobile, qu’ils auront à payer leurs taxes locales et leur impôt sur les sociétés, alors que Google, Amazon ou Facebook ne paient que des impôts dérisoires au Trésor public français ? Nous ne lâcherons rien, rien, rien sur la taxation des géants du numérique en France et en Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Nous lutterons également contre le dumping fiscal en Europe. Avec un objectif clair : réduire les écarts entre les taux d’imposition européens à la fin du quinquennat et faire dépendre de cet écart, comme l’a dit le Président de la République, le versement des aides européennes au titre des fonds structurels.

Certains États disent déjà : « Mais notre modèle économique, c’est le dumping fiscal ! » Certes, notre modèle consistant à dépenser plus d’argent et plus de richesses que nous n’en créons n’était pas un modèle qui pouvait être inspirant pour les autres États européens. Eh bien ! de la même manière qu’on a dit à la France que son modèle de dépenses publiques ne pouvait pas être un modèle pour l’Europe, ce qui nous a amenés à faire des efforts, ce qui m’amène aujourd’hui à vous présenter, avec Gérald Darmanin, un budget par lequel nous baissons l’impôt sur les sociétés et le niveau d’imposition, par lequel nous mettons en place un prélèvement forfaitaire unique, je dis non à tous ceux qui font du dumping fiscal le modèle économique de l’Europe : ni le dumping fiscal ni le dumping social ne peuvent être un modèle pour l’avenir de la construction européenne !

À chacun de faire des efforts : nous en faisons ; que nos partenaires en fassent également ! C’est uniquement si chacun fait un pas dans la direction de l’autre que l’avenir de l’Europe se construira de manière positive pour tous les citoyens européens.

Notre budget tente également de transformer notre modèle économique en faisant bénéficier tous les Français des résultats de cette transformation. Le travail doit payer, le travail doit payer pour tous les Français : les salariés verront donc leur salaire net augmenter grâce à la suppression de leurs cotisations chômage et maladie ; les indépendants seront plus nombreux à bénéficier des régimes simplifiés d’imposition et à pouvoir tenir une comptabilité allégée.

Je vous demande également de compléter votre regard sur le projet de loi de finances avec un regard sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, présenté par la ministre de la santé, Agnès Buzyn, et par le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin : rehaussement du minimum vieillesse, revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, ou AAH, mesures en faveur des familles monoparentales, plan d’accès territorial aux soins.

Nous avons fait en sorte que les Français les plus fragiles, ceux qui sont touchés par le handicap, ceux qui sont touchés par la maladie, ceux qui sont dans les situations les plus précaires, puissent continuer à bénéficier du soutien de la Nation.

Ces mesures redistributives sont importantes et elles sont justifiées quand elles concernent les publics qui en ont le plus besoin. Nous estimons que cette question des inégalités reste une question majeure et que l’on peut concilier ambition économique pour la Nation et réduction des inégalités.

Je vais vous dire ma conviction profonde : c’est justement en retrouvant une ambition économique pour la Nation que nous retrouverons des marges de manœuvre pour réduire réellement les inégalités. Nous retrouverons des marges de manœuvre nationales, mais nous retrouverons aussi une crédibilité internationale pour porter ce combat de la lutte contre les inégalités.

J’ai organisé il y a deux jours au ministère de l’économie et des finances une réunion avec des acteurs de l’économie, des chercheurs, des universitaires, des présidents d’entreprise, des responsables politiques pour ouvrir cette réflexion sur la lutte contre les inégalités face aux ruptures technologiques. Comment faire en sorte que ces ruptures technologiques ne se traduisent pas par toujours plus d’inégalités entre les nations et à l’intérieur des nations ? Comment ne pas être interpellé par la puissance de ces géants du numérique dont je vous parlais à l’instant, par leurs niveaux de capitalisation, jamais atteints, qui se chiffrent en dizaines de milliards de dollars ? Comment ne pas être interpellé par le fait que, sur sept de ces géants du numérique, cinq sont américains, deux sont chinois ? Comment l’Europe peut-elle retrouver sa place dans ce combat économique ? Comment faire en sorte qu’il n’y ait pas, demain, quelques grandes puissances et des dizaines de nations qui perdent leur souveraineté, leur indépendance et leur capacité à créer de la richesse ? Comment éviter qu’il n’y ait, dans une nation, d’un côté, ceux qui gagnent, et d’un autre côté, ceux qui perdent ? Comment éviter que les riches ne soient toujours plus riches et les pauvres toujours plus faibles ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)