Santé
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Articles additionnels après l'article 62 bis

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Santé

1 415 412 664

1 416 712 664

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

483 714 448

485 014 448

Protection maladie

931 698 216

931 698 216

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II–171 est présenté par M. Joyandet, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II–216 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Karoutchi, Savary, Dallier et Bazin, Mmes Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, J.M. Boyer, Brisson et Charon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi et Di Folco, M. Duplomb, Mme Garriaud-Maylam, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Hugonet, Huré, Husson, Kennel et Laménie, Mmes Lamure et Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Leleux et Leroux, Mme Lopez, M. Meurant, Mme Morhet-Richaud, MM. Paccaud, Piednoir, Pierre et Pointereau, Mme Procaccia, MM. Rapin, Reichardt, Revet et Sol, Mme Troendlé et M. Vaspart.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

Protection maladie

300 000 000

300 000 000

TOTAL

0

300 000 000

0

300 000 000

SOLDE

- 300 000 000

- 300 000 000

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II–171.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de réduire les crédits de l’AME. Ce n’est pas une arme, madame la secrétaire d’État, mais une façon pour nous d’appeler vraiment, cette fois-ci, à une véritable remise à plat de l’AME. Je rappelle que c’est une aide médicale pour les immigrés en situation irrégulière. Il ne s’agit pas de renier notre mission d’accueil ni de mettre les crédits en concordance avec les besoins. En effet, en regardant ce qu’il s’est passé les années précédentes, on constate qu’en 2012 on a dépensé 588 millions d’euros pour cette aide médicale, et qu’on avait inscrit 588 millions d’euros. On voit bien qu’il est toujours possible de faire les choses comme il faut sans sous-budgétisation.

L’explosion constatée en 2012 s’explique par le changement des conditions d’attribution de l’AME, mais peut-être y reviendrons-nous tout à l’heure.

À travers cet amendement, la commission souhaite revenir à une dépense raisonnable et appeler le Gouvernement à remettre sur la table les conditions d’octroi et le périmètre de cette aide, ce qu’a demandé la presque totalité des orateurs.

Nous devons faire face à notre responsabilité de santé publique en matière de soins, d’urgence, de maternité, et nous ne devons rien changer à l’égard des enfants, mais force est de constater que nous sommes face à une consommation de soins qui est très importante. Il me semble que nous avons la possibilité de changer cela et de revenir à une consommation de crédits un peu plus raisonnable, d’autant que, au sein de cette mission, les autres organismes de santé publique voient leurs crédits rabotés. Nous avons le sentiment qu’une seule chose n’est pas contrôlée et continue à filer sans que l’on se pose la question de savoir si on peut faire autrement.

Je rappelle que le Sénat, en 2015, sous l’impulsion de Roger Karoutchi, avait déjà voté une réduction des crédits, qui était en fait un appel à cette refonte de l’AME.

M. Roger Karoutchi. Sans succès !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Depuis, il ne s’est rien passé. J’appelle donc nos collègues à adopter cet amendement, même si je ne me fais pas d’illusions sur ce qui se passera après à l’Assemblée nationale. Une telle adoption serait néanmoins un appel à une véritable remise à plat de cette AME. Il faut faire en sorte de continuer à assurer notre mission d’accueil tout en étant un peu plus raisonnables sur le plan budgétaire, j’allais dire un peu plus équitables.

M. le président. Merci, monsieur le rapporteur spécial. Je profite de l’occasion pour demander à chacune et à chacun de respecter les temps de parole.

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° II–216 rectifié.

M. Roger Karoutchi. Comme toujours dans ce genre de débat, il y a la réalité et il y a le propos. Le propos peut être soit démagogique, soit extraordinairement critique. Il y a, c’est sûr, un côté émotionnel complexe avec la santé.

La réalité est pourtant d’une grande simplicité, et M. le rapporteur spécial Alain Joyandet en a fait état de manière très claire. Nous sommes à un moment où il faut remettre sur l’établi la manière dont l’AME est octroyée et dépensée.

Alain Joyandet a aimablement rappelé que j’avais fait voter un amendement en 2015. Je me souviens d’un débat avec Mme Touraine à la commission des finances en 2014, où elle avait pris l’engagement de remettre sur la table les conditions d’attribution et de distribution de l’AME.

Il ne s’agit pas de refuser de contrôler l’état de santé et d’examiner la capacité des enfants, des femmes, des hommes, qui sont sur le territoire national, mais on voit bien que l’AME explose, que personne n’a la volonté politique, car c’est de cela qu’il s’agit, de revoir la manière dont l’AME est attribuée.

Madame la secrétaire d’État, vous venez de dire que, désormais, Bobigny, Paris et Marseille, si j’ai bien compris, vont décider de l’attribution de l’AME. Je leur souhaite bien du bonheur, parce que l’AME n’est pas sollicitée qu’en Île-de-France et à Marseille. Elle s’applique partout sur le territoire national. J’attends de voir dans quelles conditions administratives cela va fonctionner.

J’ai souvenir de Mme Touraine m’affirmant que jamais l’AME ne dépasserait 700 millions à 800 millions d’euros. Nous sommes à plus de 900 millions d’euros, et ce sera plus de 1 milliard d’euros l’année prochaine ! Et combien dans cinq ans si personne ne se décide à remettre sur l’établi la manière dont l’AME est attribuée ?

Madame la secrétaire d’État, tout ira bien si vous vous décidez à revoir les conditions d’attribution. Une baisse de 300 millions d’euros vous laisse quand même une AME à plus de 600 millions d’euros, ce qui était le niveau de 2014. (M. Philippe Pemezec applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Comme l’amendement est identique à celui de la commission, l’avis est forcément favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. Vous proposez de réduire de 300 millions d’euros la dotation de l’État finançant l’aide médicale d’État. Au-delà, c’est l’AME elle-même dans sa configuration actuelle que vous souhaitez remettre en cause. Le Gouvernement, bien sûr, y est défavorable.

Je tiens à rappeler que l’AME est un dispositif qui se justifie par des considérations non seulement humanitaires, mais aussi sanitaires et économiques. L’AME protège les personnes concernées en leur permettant un accès aux soins préventifs et curatifs, ce qui limite la dépense de santé résultant d’une prise en charge tardive des pathologies. Ce n’est donc pas une bonne idée de limiter, comme vous le souhaitez, l’AME aux seules prises en charge d’urgence, car, dans ce cas, les personnes seront prises en charge plus tardivement, avec un coût des soins plus important. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Enfin, la réduction de cette dotation affecterait très fortement la sincérité du budget, à laquelle le Gouvernement est attaché.

Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien et M. Jean-Yves Leconte applaudissent également

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. À nos yeux, l’AME est indispensable, pour plusieurs raisons.

Elle permet l’accès aux soins à des publics qui en ont particulièrement besoin.

Elle a un rôle primordial, comme cela a été rappelé, en matière de santé publique, car elle évite que les affections contagieuses non soignées ne s’étendent.

Elle évite des soins trop tardifs.

Vous souhaitez réduire cette enveloppe de 300 millions d’euros.

J’ai du mal à comprendre, puisque vous trouvez qu’il y a un problème de sous-budgétisation. C’est, dites-vous par ailleurs, un appel à réformer les modalités d’attribution de l’AME. Mais cela a déjà été fait en 2010 : la majorité d’alors – c’était vous – a mis en place un certain nombre de choses. Qu’a-t-on observé ? Un accès aux soins réduit pour des publics en difficulté et une augmentation des coûts liés aux soins des personnes qui ont finalement été prises en charge, les affections s’étant aggravées.

Vous parlez enfin régulièrement, à propos de ce type d’amendement, du modèle allemand. Effectivement, ce modèle exclut un certain nombre d’affections, notamment les affections chroniques. Je me souviens que l’une des premières décisions de Valérie Pécresse à la région d’Île-de-France a été de supprimer le bénéfice de l’accès aux transports aux bénéficiaires de l’AME. C’est toujours le même public que vous visez, pour leur retirer des droits, alors qu’ils garantissent une politique de santé publique de meilleure qualité.

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas vrai !

Mme Sophie Taillé-Polian. Ce dispositif est autant destiné à protéger ces personnes particulièrement vulnérables que les Français dans leur ensemble. Bien entendu, le groupe socialiste et républicain s’oppose à ces amendements identiques. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. J’ai bien écouté M. le rapporteur spécial et M. Karoutchi. Pour moi, c’est une double négation du principe de réalité.

D’abord, sur un plan strictement financier, il s’agit d’amendements d’insincérité budgétaire, puisque, tout en vous félicitant que le Gouvernement ait budgété ce dispositif à sa juste hauteur et sans rien modifier, le vote de ces amendements identiques ne modifiant aucune des conditions légales d’attribution de l’AME, vous donnez un coup de rabot violent de 300 millions d’euros. C’est quand même un peu surprenant.

M. Antoine Lefèvre. Cela ne vous a pas toujours choqué !

M. Bernard Jomier. Si, cela me choque ! On peut prêcher tout et son contraire, si l’on veut, mais, à ce moment-là, on ne parle pas du principe de réalité. La réalité, c’est celle que je viens d’exposer.

Ensuite, sur le fond, vous posez la question des conditions d’octroi. Il faut là aussi se conformer à la réalité. Tous ceux qui soignent, qui prennent en charge des personnes au titre de l’AME savent que les conditions d’octroi actuelles sont en deçà du cadre légal. Il est long et compliqué d’obtenir une AME, le délai étant bien supérieur à trois mois dans la vraie vie. Par ailleurs, le renouvellement annuel entraîne des ruptures récurrentes dans le dispositif, poussant de nombreux professionnels de santé à soigner de facto à leurs frais des personnes relevant de l’AME. En aucun cas, les soignants n’abandonnent des personnes qui ont besoin de soins.

Les hôpitaux sont confrontés à la même situation, avec des remboursements par l’État qui sont fréquemment inférieurs aux frais engagés au titre de l’AME.

Évidemment, il faut accepter de revoir le dispositif, mais, à ce moment-là, il faut réfléchir au cadre légal dans lequel on l’insère. C’est l’objet d’un amendement que je vous présenterai tout à l’heure.

Il faut également accepter de poser la question de son lien avec l’assurance maladie, qui existait avant 1993. Avant cette date, il faut savoir que ce dispositif était dans l’assurance maladie. Pourquoi ne pas y revenir ? Pourquoi ne pas accepter de mettre sur la table les déterminants tant en termes sanitaires qu’en termes économiques du rattachement de l’AME à l’assurance maladie ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Julien Bargeton applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour explication de vote.

M. Didier Rambaud. Le groupe La République En Marche votera fermement contre ces amendements identiques. J’ai été effrayé d’entendre l’expression « distribuer l’AME ». Personnellement, je ne sais pas quelle somme exacte consacrer à l’AME : nous devons tout simplement dépenser ce qu’il faut, car nous avons encore une conception universaliste et humaniste de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Je me suis largement expliquée voilà quelques instants, mais je voudrais revenir sur cet amendement. En réalité, si nous pouvons partager des constats, notamment sur la nécessité de refonte du système et de revoyure, il faut quand même admettre que les efforts faits en matière de contrôle révèlent une certaine efficience de ce dispositif. Il faut poursuivre dans cette voie et regarder très précisément quel est le panier de soins à proposer aux personnes qui ont besoin de cette attention particulière.

Pour autant, la fin justifie-t-elle les moyens, c’est-à-dire réduire les moyens budgétaires ? À mon sens, il ne faut pas le faire, car nous serions alors dans l’insincérité budgétaire. Or nous avons été nombreux dans cet hémicycle à toujours formuler des critiques quand les lignes budgétaires n’étaient pas à la hauteur des besoins. Cela serait donc contraire aux positions que nous avions auparavant.

Par ailleurs, ces populations sont effectivement plus nombreuses, donc, mécaniquement, nous avons besoin d’une ligne budgétaire plus importante. Nous avons par exemple à faire face à la présence de mineurs non accompagnés beaucoup plus nombreux qu’auparavant. En tout cas, la population migrante est là, et ces soins sont nécessaires, aussi bien pour eux que pour les accompagnants, qui pourraient être mis en danger si nous n’intervenions pas sur ces problèmes de santé.

Pour ces raisons, le groupe Union Centriste dans sa majorité s’abstiendra. Pour ma part, je voterai contre ces amendements identiques, en compagnie de certains de mes collègues centristes.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. J’ai écouté attentivement les auteurs de ces deux amendements, mais, quand ils disent que l’AME explose, les chiffres montrent que le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun a diminué de 1,6 % par rapport à 2015.

Permettez-moi par ailleurs de rétablir une réalité au sujet des exemples européens qui sont développés pour les justifier. Le désengagement des États membres européens quant à la couverture santé universelle au nom de restrictions budgétaires a lieu notamment en Allemagne, en Irlande et au Royaume-Uni.

Les conséquences de ces mesures de restriction de l’accès aux soins des migrants se sont avérées néfastes pour les personnes vulnérables, en particulier dans les pays tels que le Royaume-Uni, qui s’en sont servis comme outil de contrôle de l’immigration.

Le rapport de Médecins du monde sur l’accès des réfugiés en Europe en 2016 est extrêmement éclairant sur la situation sanitaire. Ainsi, de nombreux obstacles à l’accès aux soins ont été observés, et notamment le manque de couverture médicale pour 67,5 % d’entre eux.

En 2016, 21,5 % des réfugiés ont renoncé à des soins ou à des traitements ; 9,2 % se sont vu refuser des soins dans une structure de santé, et 39,6 % des patients sans autorisation de séjour ont limité leurs déplacements de peur d’être arrêtés.

Contrairement aux mythes ressassés par l’extrême droite sur les motifs de l’immigration, seuls 3 % des patients déclarent avoir quitté leur pays d’origine, entre autres motifs, pour des raisons de santé.

Je suis désolée, mais ces deux amendements identiques contribuent à présenter la prise en charge des personnes éligibles à l’AME comme un coût exorbitant pour notre système de santé et donnent dangereusement du poids aux arguments de la droite extrême. (M. Roger Karoutchi sourit.)

Vouloir réduire les prestations de l’AME pour en faire une aide médicale a minima ou, comme l’a dit M. le rapporteur spécial, raisonnable – je ne sais pas ce que cela veut dire (M. Hugues Saury s’exclame.) – ne peut avoir que des conséquences négatives au plan humain, comme au plan sanitaire ou économique. C’est ce que j’ai dit dans mon propos introductif, mais c’est également ce qu’ont dit bon nombre de nos collègues, ainsi que Mme la secrétaire d’État.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ces deux amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Didier Rambaud ainsi que Mmes Patricia Schillinger, Michèle Vullien et Nassimah Dindar applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il me semble que, dans cette assemblée, tout le monde sera d’accord pour reconnaître qu’un dispositif d’accès aux soins d’urgence pour les étrangers, y compris en situation irrégulière, est tout à fait nécessaire, pour des raisons humanitaires et des raisons sanitaires évidentes, puisqu’il contribue à protéger nos propres populations. Je crois que ce point fait consensus.

Pour qu’un dispositif aussi indispensable puisse être défendu devant nos compatriotes, il faut qu’il reste raisonnable. Quand, en cinq ans, on a un quasi-doublement de la dépense, on peut s’interroger sur les causes de cette évolution.

Pour ma part, je veux pouvoir continuer à défendre ce dispositif devant mes compatriotes. Néanmoins, pour ce faire, il faut qu’il soit encadré et que l’évolution de sa dépense reste raisonnable, d’autant qu’il ne faut pas oublier que certains de nos compatriotes vont à l’étranger pour obtenir des soins qui leur soient accessibles financièrement, notamment en matière dentaire. Je ne parle évidemment pas là du tourisme médical à des fins de soins ou de chirurgie esthétique, mais bel et bien de soins nécessaires du point de vue dentaire. Comment expliquer à ces gens que les dépenses pour l’AME ont pratiquement doublé et que, dans le même temps, on ne peut pas assurer leur prise en charge ?

Par ailleurs, on a évoqué les flux migratoires. Les mineurs étrangers isolés, en particulier, sont de plus en plus nombreux dans nos départements ; nous aurons l’occasion d’en reparler. Dès lors, si l’adoption de cet amendement pouvait avoir pour effet de mobiliser l’État pour les reconduites à la frontière des personnes en situation irrégulière, reconduites dont on sait que le taux est particulièrement faible, ce serait aussi un avantage.

Pour toutes ces raisons, je voterai évidemment en faveur de ces amendements identiques. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Nous avons aujourd’hui exactement le même débat qu’il y a trois ans. On observe la même réaction de la part du Gouvernement : la main sur le cœur, il nous demande comment nous pouvons dire des choses pareilles ; après, en revanche, il ne se passera rien.

Vous prenez des engagements, madame la secrétaire d'État, et vous voulez rassurer tout le monde. D’une part, à vous entendre, si l’on est humain, naturellement, il faut soigner et accueillir ; tout le monde est d’accord pour les dépenses que cela implique. D’autre part, vous dites comprendre qu’il faut non pas remettre en cause l’AME, mais mieux la maîtriser, par rapport à l’opinion publique et à l’ensemble des Français, et dans une perspective générale de maîtrise des dépenses de santé qui s’impose à tout le monde. Voilà ce que vous affirmez dans cet hémicycle. En revanche, dès qu’on en sort, bonsoir, il ne se passe plus rien ! (M. René-Paul Savary opine.)

Chaque année, on nous annonce qu’il faut rajouter 100 millions d’euros pour ce dispositif. Quand nous faisons remarquer que ce n’est pas exactement ce qui a été dit deux, trois ou quatre ans plus tôt, on nous demande avec indignation si nous voulons laisser les gens sans soins. Ce serait scandaleux et inadmissible ! En revanche, le Gouvernement s’engage toujours, si nos amendements sont rejetés, à réformer le système : on continuerait de soigner, bien sûr, mais on contrôlerait plus, on maîtriserait les dépenses. Or il ne se passe jamais rien, parce que c’est compliqué et qu’il n’y a, en fin de compte, pas de volonté politique.

Alors, madame la secrétaire d’État, évidemment, ni Alain Joyandet ni moi-même ne nous faisons d’illusions : même s’ils sont adoptés ici, ces amendements ne survivront pas au nouvel examen de ce texte par l’Assemblée nationale. Ce sont évidemment des amendements d’appel. Il s’agit de mettre en garde le Gouvernement, comme l’a bien exprimé notre collègue Arnaud Bazin. À un moment, l’opinion publique verra que ce système coûte 1 milliard d’euros alors que tous doivent faire des économies. Ce n’est plus tenable !

Si vous voulez défendre le système en place, madame la secrétaire d’État, il faut une meilleure maîtrise et une meilleure coordination, afin que cette dépense puisse être assumée par nos finances publiques. S’il ne se passe rien et que, d’année en année, vous revenez pour nous expliquer que la dépense augmente et qu’il faut 100 millions d’euros de crédits supplémentaires, le système explosera de lui-même, de l’intérieur !

Il ne s’agit donc pas d’un conflit entre ceux qui ont des sentiments humains et ceux qui n’en ont pas ; simplement, si vous voulez sauver le système, maîtrisez-le ! (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains. – M. Joël Guerriau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. J’adhère évidemment à ce qui vient d’être dit par Roger Karoutchi.

Afin d’éclairer le débat et d’être précis, puisqu’il s’agit tout de même d’un débat budgétaire, je tiens à répondre à M. Jomier, selon qui ce projet de loi de finances serait entaché d’insincérité financière si nous adoptions ces amendements. Cela n’est pas vrai, car les choses peuvent aller très vite. Si, aujourd’hui, nous décidons d’une réduction budgétaire, on peut très bien, comme l’a annoncé Mme la secrétaire d’État, s’attaquer tout de suite après au périmètre de la prestation.

Rappelons que, entre 2010 et 2012, on a fait baisser de 100 millions d’euros les crédits en question. Or on a quand même continué d’accueillir et de soigner les gens. Aucun de ceux qui sont allés aux urgences ne s’est vu refuser des soins.

Je suis acteur de la politique de santé locale, je suis président d’un hôpital depuis vingt ans, je n’ai pas moins de cœur que vous, mes chers collègues ! J’allais presque vous dire : vous n’avez pas le monopole du cœur ! (Sourires.) Et vous n’avez pas non plus le monopole de la sincérité budgétaire !

Pour illustrer mon propos, je vous rappellerai qu’en un an, en 2012, le coût de ce dispositif est passé de 588 millions à 744 millions d’euros, soit une hausse de 26 %, pour la simple raison qu’on a alors décidé de supprimer le ticket modérateur.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Cela a créé un appel d’air énorme et le dérapage a été très rapide. Dès lors, si, après avoir réduit les crédits, on revoit rapidement la politique en question, je pense qu’on peut être tout à fait cohérent.

Madame Cohen, vous avez mentionné la petite baisse, sur un an, du nombre de bénéficiaires de ce dispositif. Certes, mais il faut quand même rappeler que ce nombre a augmenté de 40 % depuis 2011, ce qui est considérable. En somme, le budget est en hausse de 50 %, le nombre de bénéficiaires, de 40 %.

Faire quelque chose ou rien, telle est la question posée à travers cet amendement. Selon moi, on peut tout à fait faire quelque chose. D’ailleurs, ma chère collègue, vous pouvez vous reporter au rapport de notre excellente collègue Corinne Imbert, où vous trouverez tous ces chiffres : je crois que nous ne vous racontons pas d’histoires, mais qu’il y a un vrai sujet. Madame la secrétaire d'État, s’y attaque-t-on ou non ? Il faut être généreux, mais il s’agit quand même d’argent public, dans un moment où la France n’en a plus. L’AME sera-t-elle le seul endroit où l’on ne s’occupe pas de contrôler les dépenses et de réduire un petit peu les prestations ?

Enfin, madame Doineau, les contrôles se font : on en a effectué 15 000. Ces contrôles montrent que l’application des textes se fait de manière tout à fait juste ; ce n’est pas la question. Les gens bénéficient de cette prestation dans le cadre des textes tels qu’ils ont été adoptés pour l’instant ; il n’y a pas d’excès. Il n’en reste pas moins que cette absence d’excès n’existe que dans le cadre de la politique actuelle ; cela ne produit aucune économie budgétaire.

M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.

Mme Nassimah Dindar. Mes chers collègues, la politique exige la rigueur budgétaire, je n’en doute pas, mais elle exige aussi une certaine philosophie. Autant la France met en place des allocations universelles de solidarité, autant il me semble que nous tous, êtres humains, avons droit à la santé et aux soins de manière universelle. C’est en tous les cas le principe philosophique que nous devons défendre. C’est pourquoi, avec beaucoup d’amitié, mon cher collègue, il me faut vous dire que je voterai contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-171 et II-216 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 34 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l’adoption 164
Contre 148

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – M. le rapporteur spécial et M. Joël Guerriau applaudissent également.)

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)