Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.

Mme Josiane Costes. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces propos.

J’ai récemment été alertée par des professeurs tout à fait déstabilisés par des situations particulièrement complexes à régler. Aucun professeur ne doit se sentir seul ; il doit pouvoir signaler ces situations à son chef d’établissement. Si je comprends bien, ce dernier pourra alerter ces unités pour en obtenir de l’aide au sein de l’établissement. (M. le secrétaire dÉtat opine.)

Par ailleurs, il est impératif de mettre en place, le plus vite possible, des actions de prévention. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

circulaire sur le recensement des migrants en centre d’accueil d’urgence

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, le Président de la République a déclaré qu’il ne voulait plus, « d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues », avant d’ajouter que « la première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. »

Il s’agit bien de dignité, en effet, tant la dignité des demandeurs d’asile que la nôtre, celle de la France, terre d’asile séculaire qui a accueilli, entre autres, Chagall, Nabokov, et Noureev, mais aussi tous ces anonymes, qui ont pour seul point commun d’avoir fui les persécutions et les massacres, et pour seule boussole la recherche de la liberté. La France n’est pas le pays du renfermement, elle est le pays des belles destinées.

Cette dignité découle de l’humanisme le plus élémentaire, et il est de notre responsabilité collective de faire perdurer la tradition française en matière d’asile, qui fait la fierté et la richesse de notre pays, tout en l’adaptant bien sûr aux réalités contemporaines complexes du monde. En un mot, il faut conjuguer humanisme et réalisme.

Cet équilibre semble avoir été rompu la semaine dernière, lorsque le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a évoqué, avec les associations, l’épineuse question du traitement administratif des demandeurs d’asile au sein des centres d’hébergement. Le Gouvernement ne peut remettre en cause l’accueil inconditionnel dans ces centres, qui résulte du code de l’action sociale et des familles.

Pour être juste, la politique de l’asile doit nécessairement reposer sur un équilibre entre humanisme et réalisme et se nourrir du dialogue entre tous les acteurs qui y prennent part, l’État, bien sûr, mais aussi les collectivités, sans oublier les associations. Le Gouvernement a-t-il l’intention de renouer le dialogue avec ces dernières ?

Par ailleurs, que contient la circulaire établissant les équipes mobiles chargées du suivi administratif des personnes migrantes accueillies dans les centres d’urgence ? Ne craignez-vous pas qu’un tel dispositif n’aboutisse précisément au contraire de l’objectif du Président de la République ?

Enfin, mes chers collègues, gardons à l’esprit qu’une politique de l’asile humaine, efficace et cohérente ne peut voir le jour sans une action concertée et solidaire des pays membres de l’Union européenne, sans oublier la dimension internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame Robert, vous l’avez souligné dans votre question, le Gouvernement souhaite effectivement instaurer des équipes mobiles, composées d’agents des préfectures et d’agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui seraient chargées d’examiner la situation administrative des personnes accueillies dans les dispositifs d’hébergement d’urgence.

Il ne s’agit pas d’effectuer un tri parmi des migrants concernés, puisque ce projet ne remet pas en cause le principe d’inconditionnalité de l’accueil, qui exige, je le rappelle, que toute personne sans abri et en situation de détresse de tout ordre ait accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence.

Toutefois, le fait d’être hébergé ne confère pas en lui-même un droit à rester sur le territoire. De trop nombreuses personnes sont aujourd’hui dans une situation d’indétermination. Ceux qui remplissent les conditions nécessaires pour être régularisés doivent l’être, mais ceux qui sont en situation irrégulière ont vocation à quitter le territoire.

Il y a, dans ces centres d’hébergement, de nombreuses personnes qui devraient pouvoir accéder à d’autres dispositifs. Il y a ainsi des demandeurs d’asile, que notre tradition, vous le soulignez à juste titre, nous impose d’accueillir, et qui devraient être hébergés, à ce titre, en centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Il y a également des réfugiés, que nous devons aider à accéder au logement.

Il n’est pas demandé aux travailleurs sociaux ni aux associations qui administrent ces centres d’hébergement de faire le travail de l’État.

Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Des départements !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. En revanche, il est embarrassant que des associations fassent obstacle à l’application de la loi, en l’occurrence celle du droit au séjour. Le dialogue doit donc sans doute se poursuivre avec ces associations.

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Les préfets devront mettre en œuvre ces orientations et, comme vous le disiez, trouver un équilibre entre humanisme et pragmatisme.

succession de problèmes techniques à la gare montparnasse

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Cornu. En l’absence de Mme Borne, ministre chargée des transports, qui est certainement retenue à Cahors, ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot.

Je veux vous parler, monsieur le ministre d’État, du transport ferroviaire, qui vous est cher, et plus particulièrement de la gare Montparnasse. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’était une gare modèle, symbole de la modernisation de la SNCF, proposant de nombreuses lignes de TER et de TGV vers l’ouest de la France. Mais, patatras, le symbole de la modernité est devenu un cauchemar : des pannes techniques à répétition, des retards intempestifs pour les TER – même les feuilles d’automne qui tombent sont une cause de retard, se répercutant sur les TGV –,…

Mme Éliane Assassi. Cela arrive tous les ans !

M. Gérard Cornu. … trois jours de pagaille en juillet dernier et, pour couronner le tout, une très grande panne, qui a paralysé le trafic pendant une journée ! Les voyageurs, vous l’imaginez, sont excédés par cette situation.

La ministre chargée des transports a reçu les dirigeants de la SNCF, pour avoir des explications. Patrick Jeantet, le PDG de SNCF Réseau, a dit prendre un certain nombre d’engagements – la nomination d’un troisième directeur général délégué et le lancement d’un audit. C’est très bien, mais les usagers, eux, veulent des réformes très concrètes.

À l’aube de l’ouverture annoncée à la concurrence, donc de la refondation du modèle économique ferroviaire, il est important que l’État actionnaire joue pleinement son rôle. Monsieur le ministre d’État, comment le Gouvernement compte-t-il faire évoluer la SNCF ? Quel modèle économique avez-vous en tête pour la SNCF de demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous présente les excuses de Mme Borne, qui est effectivement avec le Premier ministre et avec le président Larcher. (Sourires.)

Vous interpellez Mme Borne au sujet du dernier événement en date. Je suis très mal placé pour vous répondre, parce que je suis moi-même utilisateur, une fois par semaine, de la gare Montparnasse, et je suis malheureusement témoin et victime de ces incidents à répétition ; je comprends donc l’agacement des utilisateurs, qui témoigne, selon moi, d’une situation bien plus importante et plus grave que l’on ne l’imagine.

Élisabeth Borne s’est rendue sur place et elle a reçu, le jour même, M. Patrick Jeantet, afin d’essayer de tirer tous les enseignements de cet événement. Elle a salué la mise en place d’un plan de remplacement, qui a permis de limiter les conséquences pour les voyageurs.

Je reste prudent – il faut évidemment, selon moi, envisager le problème d’une manière beaucoup plus globale et structurelle –, mais, pour l’instant, une mission de préfiguration a été annoncée à M. Jeantet par un courrier que nous lui avons adressé à la fin de la semaine dernière, pour établir, le plus rapidement possible, une nouvelle organisation et une nouvelle gestion des grands travaux et de l’ingénierie.

Élisabeth Borne et moi allons rester très vigilants sur ce sujet, car il constitue une priorité pour nous. Nous avons d’ailleurs suspendu un certain nombre de projets pour concentrer notre attention sur le réseau ferré français. J’espère que cela permettra de mieux articuler la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre des projets, afin de renforcer la fiabilité en ce domaine. Les conclusions seront rendues à la fin de janvier 2018.

En outre, dans le même esprit, vous l’avez dit également, le Gouvernement a confié à Jean-Cyril Spinetta une mission questionnant le modèle économique du système ferroviaire dans son ensemble. Ses conclusions seront également rendues à la fin de janvier prochain.

Soyez donc assuré que c’est notre priorité. Je comprends non seulement l’agacement, mais encore la colère des utilisateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

agressions de pompiers

Mme la présidente. La parole est à Mme Raimond-Povero, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les sapeurs-pompiers sauvent nos vies, garantissent notre sécurité, servent leurs concitoyens et leur pays.

Or, dans son rapport annuel de 2017, l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales souligne que les agressions sur les sapeurs-pompiers sont de plus en plus fréquentes. En 2016, quelque 2 280 plaintes ont été déposées en France, soit une hausse de 17,6 % par rapport à 2015. Ce chiffre est éloquent !

L’exercice de leur métier est de plus en plus difficile. Les situations de violence auxquelles ils sont confrontés sont intolérables. À la source de danger inhérente à leur métier s’ajoute désormais le risque d’être « caillassés », frappés, pris dans une embuscade…

Dans certaines parties de notre territoire, d’autres professions, comme les médecins, sont confrontées aux mêmes risques, alors qu’ils ne font qu’exercer leur métier au service de leurs concitoyens.

Ces situations traduisent la montée en puissance d’une violence gratuite, qui n’a d’autre raison d’être que de défier tous ceux qui représentent l’État et son autorité. Elle appelle une réponse déterminée du Gouvernement. Des mesures techniques s’imposent, comme, par exemple, la coordination des secours et des forces de sécurité ou la garantie de l’anonymat lors des dépôts de plainte.

Toutefois, une fermeté exemplaire s’impose également face aux délinquants violents qui bravent l’État que vous représentez.

Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d’État, pour protéger les sapeurs-pompiers ? Quelles mesures concrètes comptez-vous mettre en œuvre pour rétablir l’État de droit et faire en sorte que les statistiques édifiantes que je viens d’évoquer amorcent une décrue ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, nous ne pouvons évidemment, quelle que soit notre place dans cet hémicycle ou au sein du Gouvernement, qu’entendre votre question. En effet, c’est l’autorité de l’État qui est remise en question. Tout ce qui relève du secours et de l’assistance se trouve fragilisé, de même que nos valeurs républicaines et de rassemblement. Nous devons donc être très attentifs à cette situation.

Vous avez cité quelques exemples. Ces agressions lâches et inacceptables qui ont eu lieu, en octobre, à Nîmes, puis à Vénissieux, ces violences presque quotidiennes, sont autant d’atteintes à notre système de sécurité civile. Vous avez, à juste titre, élargi votre propos aux médecins – il s’agit d’un véritable enjeu.

La semaine dernière, trois des quatre auteurs d’une agression commise à coups de marteau contre des sapeurs-pompiers, dans la périphérie de Lille, ont été condamnés à dix-huit, quinze et dix mois de prison ferme, assortis d’un mandat de dépôt pour les deux premiers.

Gérard Collomb, ministre d’État, a demandé à tous les préfets, en novembre dernier, d’évaluer en détail les protocoles départementaux qui définissent les modes d’action et les procédures d’intervention partagés par les services d’incendie et de secours, la police et la gendarmerie.

La première des priorités consiste à coordonner l’intervention de ces différentes forces de l’ordre, pour qu’elles puissent accompagner, chaque fois que nécessaire, l’intervention des secours et des sapeurs-pompiers.

Mme la garde des sceaux, en lien avec le ministre de l’intérieur, a veillé à ce que les parquets suivent attentivement ces faits précis, pour que des réponses pénales adaptées puissent être systématiquement proposées en cas d’agression de sapeurs-pompiers.

Enfin, Mme Gourault, ministre auprès du ministre de l’intérieur, a reçu lundi dernier l’ensemble des organisations syndicales de sapeurs-pompiers professionnels, non seulement pour rappeler le plein engagement du ministère, mais aussi pour définir avec eux les meilleures façons de protéger nos forces de sécurité civile. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.

Mme Isabelle Raimond-Pavero. J’entends bien votre propos, monsieur le secrétaire d’État, mais aux agressions dont sont victimes les sapeurs-pompiers doit répondre une chaîne police-justice implacable.

Les budgets de sécurité et de justice du projet de loi de finances pour 2018, que le Sénat a rejetés, montrent que le Gouvernement n’a pas pris la mesure des enjeux de sécurité.

Le peu d’ambition budgétaire que vous assumez dans ce domaine révèle, je le crains, que le « nouveau monde » devra se faire attendre encore longtemps en matière de sécurité et de justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 19 décembre 2017, à seize heures quarante-cinq, et seront retransmises sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017 ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

6

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2017
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2017

Discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, du projet de loi de finances rectificative pour 2017 (projet n° 155, rapport n° 158, tomes I et II).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2017
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le second projet de loi de finances rectificative pour l’année 2017.

Avant d’en venir aux principales dispositions de ce texte, j’aimerais vous en présenter les lignes directrices. Les prévisions macroéconomiques, quant à elles, n’ont pas changé depuis nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et sur le projet de loi de finances pour 2018.

Je distinguerai trois points dans mon propos : premièrement, ce projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans la stricte continuité de la démarche de « sincérisation » de nos comptes publics ; deuxièmement, ce texte vise à améliorer l’efficacité de l’action administrative, notamment en matière fiscale ; troisièmement, et enfin, il opère plusieurs ajustements budgétaires afin d’assurer la mise en œuvre des priorités gouvernementales eu égard aux ajustements apportés par l’Assemblée nationale.

Ce texte permet tout d’abord de confirmer la démarche de « sincérisation » de nos comptes entreprise par le Gouvernement depuis son accès aux responsabilités.

L’année dernière, la Haute Assemblée avait refusé de débattre du projet de loi de finances pour 2017, arguant de son insincérité. Dans un rapport, la Cour des comptes avait également constaté la sous-budgétisation de certaines dépenses, d’un montant tel que la sincérité du budget s’en trouvait entachée.

Ce projet de loi de finances rectificative vise donc à assurer la tenue de nos engagements en matière de finances publiques, à la fois pour 2017 et pour 2018, confirmant notamment la réduction du déficit public dès cette année, toutes administrations publiques confondues, en deçà des 3 % du PIB.

Nous maintenons des hypothèses de croissance, à hauteur de 1,7 %, et de réduction de déficit public – en baisse de 2,9 % – raisonnables, grâce aux efforts entamés dès l’été dernier et poursuivis dans ce projet de loi de finances rectificative.

Ainsi, du côté des dépenses, ce texte confirme les annulations de crédits, d’un montant de 840 millions d’euros, nécessaires pour financer des dépenses indispensables au bon fonctionnement de nos services publics, qu’il s’agisse de payer les salaires de nos enseignants ou bien de financer les opérations extérieures de nos armées dont le coût a encore augmenté par rapport aux prévisions de l’année dernière.

Par ailleurs, afin d’assurer, dans une logique de responsabilité budgétaire, le financement de certaines dépenses de cohésion sociale, dites « dépenses de guichet », ce projet de loi de finances permet également une ouverture de crédits de 3 milliards d’euros, destinée à couvrir les dépenses supplémentaires, sous-budgétisées par l’ancien gouvernement : 840 millions d’euros pour la prime d’activité ; 370 millions d’euros pour l’allocation aux adultes handicapés, ou AAH ; 135 millions d’euros pour l’hébergement d’urgence et 188 millions d’euros pour les contrats aidés.

Le texte opère une réactualisation des recettes, afin de les ajuster au mieux à la réalité, conformément aux dernières prévisions disponibles.

Toujours dans cette démarche de « sincérisation » de nos comptes, ce texte est également l’occasion d’apurer un certain nombre de dettes, notamment celle du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, envers Areva, ou encore la créance contractée auprès de Pôle emploi au titre des allocations versées aux demandeurs d’asile. Ces opérations permettront de réduire le montant des reports des crédits et d’inverser la dynamique de ces dernières années en la matière.

De la même manière, ce projet de loi de finances rectificative permettra également de solder définitivement la fameuse, voire la funeste, question de l’écotaxe poids lourds. Comme vous le savez, son abandon par la précédente majorité impliquait à la fois l’arrêt du contrat avec la société Ecomouv’, en charge de la collecte, et le reclassement de ses salariés. Ces deux volets étant désormais achevés, la liquidation de la société a été programmée, afin d’en finir avec les coûts.

Pour ce faire, le Gouvernement a décidé de prendre toutes les dispositions nécessaires au paiement des dettes liées au contrat conclu avec Ecomouv’. Ainsi, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à réajuster de 339 millions d’euros pour l’année 2017 la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques qui est affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Ce réajustement permettra d’assurer, en une seule fois, le remboursement de la dette d’Ecomouv’, principal restant et frais de rupture des instruments de dette, afin de mettre un terme à son schéma de remboursement initial, qui s’étendait encore sur sept ans, avec les intérêts associés…

Ce projet de loi de finances rectificative porte ensuite des mesures fiscales particulières : d’une part, en matière de lutte contre la fraude ; d’autre part, en matière de simplification administrative.

S’agissant de la lutte contre la fraude, nous prenons trois séries de mesures : des mesures anti-abus, aux termes desquelles il appartiendra désormais au contribuable de démontrer que la détention d’actifs dans des pays ne pratiquant pas l’assistance administrative avec la France ou inscrits sur la liste des États non coopératifs n’a pas une visée fiscale – il s’agit d’un changement majeur ; des mesures prévoyant à la fois l’harmonisation et la simplification des procédures de recouvrement forcé mises en œuvre par les comptables publics ; enfin, des mesures permettant la consolidation du contrôle par l’administration fiscale de la tenue de comptes d’épargne réglementés.

En matière de simplification fiscale, ce texte confirme – nous avons déjà eu de longs débats sur cette question – la mise en œuvre du prélèvement à la source au 1er janvier 2019.

Ce report, que je suis venu présenter devant vous l’été dernier, a permis aux collecteurs de mener les expérimentations nécessaires et à l’Inspection générale des finances, l’IGF, en association avec le cabinet Mazars, de mener un audit dont ce projet de loi de finances rectificative tire les conséquences.

Ce texte comporte également plusieurs mesures sectorielles permettant d’ajuster au mieux nos finances publiques à l’actualité gouvernementale. C’est le cas en matière d’éducation, où nous instaurons une limitation du bénéfice du fonds de soutien au développement des activités périscolaires vers les communes ayant opté pour la semaine de quatre jours. J’avais déjà évoqué ce sujet lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018 à la suite des annonces du ministre de l’éducation nationale.

C’est également le cas en matière de logement, puisque ce texte permet de garantir les prêts des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts à Action logement, disposition qui accompagne pleinement la réforme du logement et qui permettra à la Caisse des dépôts d’accorder jusqu’à 2 millions d’euros de prêts aux bailleurs sociaux afin de soutenir la construction de nouveaux logements sociaux.

En ce qui concerne la fiscalité locale, le projet de loi de finances rectificative prévoit la codification de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et reporte au 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur de la mise à jour permanente des tarifs de ces mêmes locaux professionnels.

Enfin, ce projet de loi permet de garantir financièrement l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, au regard, d’une part, des sommes versées par le Comité international olympique en cas d’annulation des Jeux, et, d’autre part, des différents prêts que pourra contracter le Comité d’organisation des jeux Olympiques lui-même.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qu’il en est des dispositions figurant dans le texte initial. Je voudrais en venir maintenant aux articles introduits à l’Assemblée nationale.

L’adoption d’un amendement transpartisan, présenté par M. Joël Giraud, rapporteur général, au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a permis de modifier le barème de la taxe de séjour et d’en améliorer la cohérence. Le dispositif retenu permet notamment d’instaurer, pour les hébergements non classés, une taxe de séjour proportionnelle au prix de la nuitée par personne dans les limites d’un plafond fixé par les communes.

Il s’agit d’une mesure de justice fiscale rétablissant une certaine équité entre les hébergements classés et ceux qui ne le sont pas, ces derniers se révélant parfois relativement peu taxés au regard de leur qualité, voire de leur caractère luxueux.

La totalité des groupes politiques de la commission des finances de l’Assemblée nationale a ainsi mené une réflexion collective, conclue par l’adoption de cet amendement dont je salue la cohérence. J’ajoute que le Gouvernement s’est également déclaré favorable à la collecte, par les plateformes numériques, de la taxe de séjour à compter de 2019. Le ministre de l’économie et des finances présentera donc, début 2019, un texte allant en ce sens.

Vous me permettrez également de revenir sur l’abattement exceptionnel que nous avons décidé de mettre en place pour les cessions de terrains à bâtir ou de biens immobiliers dans le cadre du véritable « choc d’offre » annoncé par Jacques Mézard et Julien Denormandie.

Cette disposition est en effet pleinement cohérente avec la stratégie pour le logement présentée en septembre dernier et visant à encourager la création d’un choc d’offre de logements au sein des zones les plus tendues – à savoir les zones A et A bis –, contrairement à ce qui a pu être dit.

Concrètement, cette mesure permettra d’exonérer d’impôt les plus-values immobilières concernées à hauteur de 70 % – de 85 % en cas d’engagement à construire des logements sociaux.

Toujours dans cette logique, le Gouvernement propose également de proroger jusqu’au 31 décembre 2020 à la fois les exonérations existantes en faveur des cessions directes ou indirectes réalisées au profit d’organismes en charge du logement social et les exonérations des cessions de droits de surélévation.

Enfin, conformément aux engagements du Premier ministre devant le congrès des départements de France, l’Assemblée nationale a adopté un amendement permettant d’instituer, pour 2017, un fonds exceptionnel de 100 millions d’euros destiné à soutenir les départements et les collectivités qui en ont le plus besoin, notamment au titre de dépenses sociales importantes et indispensables.

Selon nos estimations, un tel fonds permettrait à dix-neuf départements ou collectivités d’obtenir un soutien financier que nous savons très précieux eu égard aux restes à charge pesant sur eux, en attendant que le Gouvernement et les départements trouvent une solution. Nous comprenons que ces derniers, qui doivent faire face aux afflux migratoires, notamment à l’accueil de mineurs étrangers isolés, estiment que ces dépenses sociales ne sont pas totalement financées. Le Gouvernement travaille sur cette question. (M. le président de la commission des finances applaudit.)