M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, vous pouviez faire un autre choix que celui de la facilité : celui du courage ! L’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, c’est la victoire d’une violence physique, mais aussi d’une violence symbolique, faite au pacte civique qui lie les Français entre eux et qui repose sur le droit et sur le vote ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

situation de l’entreprise vallourec

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Nadia Sollogoub. Le Président de la République a manifesté hier, à l’occasion de son déplacement chez Toyota et de sa rencontre à Versailles avec 140 patrons de grandes entreprises, sa volonté de défendre l’attractivité de la France et de soutenir l’industrie française.

Il va de soi que le patrimoine industriel historique présent sur notre territoire doit bénéficier du même soutien. C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je me permets de vous interroger sur l’avenir du groupe Vallourec.

En 2016, le Gouvernement avait participé à une recapitalisation de ce groupe à hauteur de plus de 500 millions d’euros, par l’intermédiaire de la Banque publique d’investissement, la BPI, en contrepartie de l’engagement pris auprès de M. Macron, alors ministre de l’économie, de ne fermer aucun site de production.

Cet engagement n’était que verbal. On me dit que c’est normal. Habituée que je suis au formalisme entourant le versement des subventions aux collectivités, j’ai beaucoup de mal à l’admettre…

À ce jour, des cessions, des restructurations ou des fermetures sont annoncées pour toute une série de sites appartenant en propre à Vallourec ou détenus en partenariat, bien que les indicateurs boursiers du groupe soient bons. Ces fragilités touchent des territoires entiers.

À Cosne-sur-Loire, dans la Nièvre, département dont je suis élue, le site de fabrication de tubes sans soudure n’est pas repris par le groupe américain NOV et 120 emplois sont menacés à très court terme.

Dans le Nord, sur le site historique de Valenciennes, où Vallourec est partenaire d’Ascométal, la reprise n’attend plus, pour être finalisée, qu’un engagement officiel de l’État.

Derrière Vallourec, ce sont des bassins d’emploi et des sous-traitants qui pourraient être fragilisés, à Montbard par exemple. Certains dossiers présentent un caractère d’urgence absolue.

L’État est désormais l’actionnaire principal de Vallourec. Il a consenti en 2016 d’énormes efforts financiers. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer la volonté forte, concrète et immédiate de l’État, d’une part, de soutenir ce fleuron national qu’est l’aciérie française, d’autre part, d’exiger du groupe Vallourec qu’il respecte les engagements pris voilà quelques mois ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, Vallourec est en effet un acteur industriel important sur notre territoire, employant 4 000 salariés en France.

Comme vous le savez, cette entreprise a été frappée de plein fouet par la chute abrupte des cours du pétrole il y a quelques années, laquelle se poursuit encore dans une moindre mesure aujourd’hui. Elle a également été touchée par le développement de surcapacités au plan mondial dans son segment d’activité. Elle a donc dû engager une restructuration profonde en 2016 pour assurer sa pérennité. Elle continue à s’ajuster à cette situation difficile. Elle a ainsi pris, plus récemment, la décision de se désengager du secteur des produits pour le forage pétrolier. Cette opération conduit à la cession à l’entreprise américaine NOV d’une partie de son usine d’Aulnoye.

Deux autres sites, ceux de Cosne-sur-Loire et de Tarbes, sont affectés par cette décision. Vallourec a annoncé son intention de les mettre en vente et approche actuellement plusieurs partenaires potentiels.

Je vous confirme que le Gouvernement est attaché au maintien d’un avenir industriel pour ces deux sites et a demandé à Vallourec de mettre en œuvre tous les efforts possibles.

À ce titre, l’entreprise, qui avait initialement fixé un calendrier très contraint, avec une échéance à fin février, s’est engagée à poursuivre les discussions avec d’éventuels repreneurs au-delà de ce terme. Le suivi de ce dossier a été confié à Jean-Pierre Floris, délégué interministériel aux restructurations d’entreprises. Il recevra demain les élus du territoire de la Nièvre et se rendra à Tarbes en cette fin de semaine. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

couverture numérique en outre-mer

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour le groupe La République En Marche.

M. Antoine Karam. Le 14 janvier dernier, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, annonçait la signature d’un accord historique visant à généraliser « une couverture mobile de qualité pour l’ensemble des Français ». L’ensemble des Français ? Non, pas exactement, puisque cet accord ne concerne en réalité que la France hexagonale et la Corse…

Les outre-mer, comme souvent, ont été écartés, car les opérateurs y seraient différents, auraient des fréquences différentes et seraient soumis à des obligations distinctes par territoire.

Monsieur le ministre, si je peux entendre ces raisons, les mots n’en ont pas moins un sens, et lorsque l’ARCEP se prévaut d’un accord historique pour tous les Français, nos concitoyens ultramarins sont en droit de s’interroger. À vrai dire, il leur suffit de consulter le site monreseaumobile.fr pour comprendre qu’ils ne sont visiblement pas des Français comme les autres, la carte de la France se limitant, là encore, à l’Hexagone et à la Corse.

Les besoins sont pourtant bien réels. Si c’est bien de la Guyane que nos satellites de communication sont lancés, le coût des forfaits y reste très élevé et la couverture en téléphonie mobile extrêmement défaillante, en particulier dans les communes isolées et sur les routes nationales.

Certes, des efforts sont faits. L’attribution en 2016 de nouvelles fréquences aux opérateurs ultramarins a permis de commercialiser des services mobiles à très haut débit. Mais, là encore, les engagements des opérateurs seront-ils à la hauteur ? Rappelons que, en 2015, l’ARCEP avait dû retirer leurs fréquences à trois d’entre eux suite à des retards de déploiement et de paiements.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que déplorer, voire dénoncer, le fait que nos territoires ne soient pas, avec leurs particularités de marchés respectives, inclus pleinement dans le champ d’un accord aussi ambitieux.

Monsieur le ministre, vous le savez, le défi de la résorption de la fracture numérique que nous avons à relever ensemble est immense, mais aussi fondamental. C’est pourquoi je souhaiterais avoir des précisions sur la stratégie que le Gouvernement entend déployer outre-mer pour renforcer les obligations des opérateurs et mettre fin, une bonne fois pour toutes, aux zones blanches. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Karam, je pense pouvoir vous rassurer en trois points.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’internet fixe, les outre-mer sont pleinement intégrés à la feuille de route qu’avait annoncée M. le Premier ministre le 14 décembre dernier à Cahors. Des subventions de l’État sont déjà engagées, à hauteur de 90 millions d’euros, pour soutenir la couverture en internet fixe des huit territoires ultramarins. Pour la Guyane, une enveloppe supplémentaire de 40 millions d’euros va être mobilisée.

Ensuite, en matière de téléphonie mobile, effectivement, les opérateurs ne sont pas identiques. Ils utilisent des fréquences différentes, avec des calendriers adaptés, et sont soumis à des obligations distinctes par territoire. Un travail est en cours avec l’ARCEP pour identifier les besoins spécifiques, déployer des outils adaptés et arriver à une couverture de qualité généralisée selon le même calendrier que pour le territoire hexagonal. Je tiens à l’affirmer devant vous, monsieur le sénateur.

Nous réunirons prochainement les collectivités et les opérateurs concernés pour préciser la feuille de route et voir comment les futures attributions de fréquences outre-mer peuvent constituer un outil pertinent pour renforcer les obligations des opérateurs mobiles. Ce chantier sera inscrit dans les Assises des outre-mer.

Enfin, vous avez à juste titre mentionné l’enjeu des cartes de couverture. À compter de juillet 2018, les opérateurs seront tenus de publier sur leur site les cartes de couverture de leurs services mobiles dans les territoires ultramarins.

Nos compatriotes d’outre-mer, que nous n’oublions pas, bénéficieront de la même transparence sur le niveau et le rythme de mise en place d’équipements fixes et mobiles qu’en métropole. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

population kurde (ii)

M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Olivier Léonhardt. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Nous sommes très préoccupés par l’intervention militaire turque dans la province kurde syrienne d’Afrin, conduite en violation du droit international.

Alors que la coalition internationale affronte, dans la province d’Idlib, l’ex-Front al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, les forces turques bombardent l’enclave kurde d’Afrin, située au nord de la ville martyre d’Alep. Depuis dimanche, une intervention terrestre est en cours et les correspondances font état de nombreuses victimes civiles. La Turquie mène l’assaut contre l’une des rares villes syriennes qui a, jusqu’ici, échappé à la destruction et servi de refuge à des milliers de déplacés syriens, une ville dont le seul crime est d’être dirigée par des forces kurdes.

Or ces forces sont nos alliées dans la guerre contre Daech. Ce sont elles qui, à Kobané, ont infligé une défaite sans appel à Daech. Elles ont mis hors d’état de nuire des milliers de djihadistes et participé à la libération de tous les territoires syriens occupés par Daech, y compris Rakka, capitale du prétendu califat.

Alors que l’engagement des Kurdes à nos côtés n’est plus à démontrer, nous savons aussi que des parlementaires et des maires kurdes, élus démocratiquement, sont aujourd’hui emprisonnés en Turquie.

Monsieur le Premier ministre, vous avez à raison saisi le Conseil de sécurité de l’ONU, qui s’est réuni à huis clos mais dont aucune mesure ne semble être sortie. Nous connaissons votre attachement à soutenir ceux qui combattent pour la liberté. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quelle est la position de la France à l’égard de nos alliés kurdes ? Allons-nous demander le retrait de l’armée turque et l’arrêt immédiat de l’intervention à Afrin ? Peut-on considérer qu’appeler la Turquie à la retenue après une réunion du Conseil de sécurité soit suffisant au regard de la gravité de la situation sur place ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Léonhardt, le Premier ministre a dressé tout à l’heure, en répondant à M. Kanner, un tableau précis de la situation. Le temps de l’éradication de Daech, un objectif fort de la France, déjà affirmé par le président François Hollande, semble enfin venu. Comment cette mutation peut-elle se traduire, non par des guerres et des oppositions, telles que le Premier ministre en a évoqué, mais par une réelle libération du pays ?

Vous l’avez souligné, la Turquie a engagé voilà quatre jours au nord de la Syrie, dans la région d’Afrin, une opération destinée à assurer sa propre sécurité. Les inquiétudes de la Turquie étaient légitimes et elle a souhaité intervenir. La priorité doit toutefois rester, dans tous les cas, le combat contre Daech, qui n’est pas terminé. Il ne s’agit pas, pour tel ou tel pays voisin de la Syrie, de préparer dès aujourd’hui la sortie de Daech en fonction de ses propres intérêts.

J’ajoute que l’opération turque intervient à un moment où la situation humanitaire en Syrie est déjà très dégradée.

En outre, le régime et ses alliés conduisent des bombardements indiscriminés contre les populations d’Idlib. Vous avez évoqué les civils aujourd’hui menacés : ce sont 400 000 femmes, hommes, enfants qui sont assiégés dans l’enclave de la Ghouta, près de Damas.

Vous l’avez dit, à la demande de la France, le Conseil de sécurité s’est saisi hier de cette situation humanitaire. Pour des raisons de diplomatie internationale, peu d’éléments d’information ont filtré.

Toutefois, monsieur le sénateur, je tiens à réaffirmer ici devant vous la volonté de la France d’appeler la Turquie, et plus largement l’ensemble des partenaires, à une sortie par le haut : seule une solution politique peut permettre de stabiliser durablement la Syrie et de garantir la sécurité de tous ses voisins, notamment de la Turquie. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Vives protestations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme Éliane Assassi. Et les Kurdes ?

M. David Assouline. Pas un mot de solidarité !

situation dans les prisons

M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Hugues Saury. Ma question s’adressait à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. En son absence, je me tourne vers M. Benjamin Griveaux.

Monsieur le secrétaire d’État, des incidents inacceptables impliquant des détenus radicalisés ont récemment eu lieu dans des établissements pénitentiaires. Le mouvement des surveillants de plusieurs maisons d’arrêt témoigne de l’ampleur du phénomène, auquel les personnels ne peuvent faire face. Ces derniers sont confrontés à des détenus de plus en plus dangereux : 488 personnes sont incarcérées pour des faits en lien avec le terrorisme, contre 390 au début de l’année 2017, et 1 336 détenus sont en voie de radicalisation. Le constat a déjà été fait que l’idéologie djihadiste des personnes incarcérées pour terrorisme se renforce au cours de leur détention.

Un chiffre est plus alarmant encore : près de 1 400 détenus sont considérés comme étant en voie de radicalisation alors qu’ils sont entrés en prison pour des délits ou des crimes de droit commun. Ces détenus savent faire preuve de ruse et de dissimulation pour tromper les surveillants et les personnels pénitentiaires d’insertion et de probation. Dans un passé récent, des programmes spécifiques ont été mis en place, tel le regroupement de ces détenus au sein de quartiers. Au vu de ses résultats infructueux, cette politique a été abandonnée à l’automne 2016.

L’Organisation des Nations unies vient de tirer la sonnette d’alarme en adressant une série de recommandations eu égard aux atteintes aux droits de l’homme commises dans l’Hexagone. Elle a appelé la France à améliorer la gestion de ses prisons dans un contexte de surpopulation carcérale.

Monsieur le secrétaire d’État, Mme la garde des sceaux a annoncé un « plan pénitentiaire global ». À cet égard, quels moyens le Gouvernement s’engage-t-il à prendre pour assurer la sécurité des personnels pénitentiaires face aux détenus violents ? Enfin, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures concrètes seront prochainement adoptées pour gérer les détenus radicalisés et éviter que nos prisons ne soient davantage encore des lieux de radicalisation et d’apprentissage du terrorisme ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme Nathalie Goulet. Question bienvenue !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Hugues Saury, je vous prie tout d’abord d’excuser la garde des sceaux, qui est retenue place Vendôme par les discussions engagées avec les organisations syndicales du monde pénitentiaire.

Dès sa prise de fonctions, Mme la garde des sceaux s’est rendue dans différents établissements pénitentiaires. Comme chacun des parlementaires présents sur ces travées qui ont eu l’occasion de faire de même, elle a pu mesurer les difficultés auxquelles se heurtent les personnels.

Le métier de surveillant pénitentiaire est un métier difficile. Le malaise de la profession est réel, et ses causes sont profondes, multiples et anciennes. Les personnels pénitentiaires peuvent être assurés de la solidarité non seulement du Gouvernement, mais aussi – j’en suis certain – de la représentation nationale, dans la difficile mission qu’ils accomplissent au service de l’intérêt général.

À la suite des actes graves qui ont été perpétrés, notamment, mais pas uniquement, dans les établissements de Vendin-le-Vieil et de Borgo,…

Mme Nathalie Goulet. À Alençon aussi !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. … des discussions ont été engagées dès le 13 janvier dernier. Elles ont permis au Gouvernement de témoigner sa solidarité aux agents au travers d’engagements concrets : création de 1 100 emplois supplémentaires dans les quatre années à venir afin de pourvoir les postes vacants ; renforcement des équipements de sécurité, pas uniquement dans les unités accueillant des détenus radicalisés, mais dans l’ensemble des prisons ; création de quartiers spécifiques, totalement séparés du reste de la détention, pour la prise en charge de détenus particulièrement violents ; évaluation des dispositions législatives relatives, notamment, aux fouilles de détenus ; enfin, étude de mesures indemnitaires spécifiques et ciblées en faveur des personnels pénitentiaires – Mme la garde des sceaux le confirmera –, dans les limites d’une enveloppe raisonnable.

Monsieur le sénateur, voilà les propositions concrètes que le Gouvernement a mises sur la table. Mme la garde des sceaux a reçu les syndicats. Ils ont quitté la table des discussions. Le Gouvernement en prend acte, mais appelle à la reprise du dialogue et au sens des responsabilités de chacun, car, comme vous le savez, la mission des personnels pénitentiaires ne peut pas être interrompue ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

exposition universelle 2025

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Dumas. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, c’est par voie de presse que les élus ont appris, ce week-end, l’abandon de la candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025.

Cette décision unilatérale, précipitée et prise sans concertation préalable avec les promoteurs du projet est une mauvaise nouvelle pour la France et pour la région capitale, dont je suis élue.

Depuis le lancement officiel de l’association Expo France 2025, en 2013, lors d’une conférence au Grand Palais, à Paris, les soutiens politiques, les soutiens citoyens de tous bords sont venus renforcer cette formidable aventure collective.

Cette décision est regrettable et préjudiciable à la France, à plusieurs titres : un très grand nombre d’acteurs économiques étaient parties prenantes à ce projet, depuis la modeste PME jusqu’aux plus grands noms des réussites économiques de notre pays, et en permettaient le financement.

Organiser l’Exposition universelle de 2025 aurait permis de mettre en valeur les savoir-faire et la capacité d’innovation de notre pays. En un mot, monsieur le Premier ministre, cela aurait contribué à son rayonnement.

Enfin, doit-on comprendre que cette renonciation a pour corollaire l’abandon du projet de la ligne 18 du Grand Paris Express (Marques dapprobation et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.),…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est évident !

Mme Catherine Dumas. … qui doit relier en 2024 Orly à Versailles en passant par le plateau de Saclay, vitrine scientifique de notre pays ? Nous attendons votre réponse, car nous sommes inquiets ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, ce projet d’exposition universelle est ancien. Il a été soutenu par des équipes qui y ont mis beaucoup de cœur, beaucoup d’énergie, beaucoup d’enthousiasme. Je ne méconnais ni la déception qui peut être la leur ni le travail qui a été réalisé.

Parce que l’échéance était fixée à 2025, parce que, au-delà de celle de ses promoteurs, ce projet engageait la parole de la France, nous nous y sommes intéressés très tôt, dès que ce gouvernement a été formé. Nous avons dit dès le début que, si le projet nous paraissait soutenable, si toutes les garanties étaient apportées quant au respect des lignes principales qui avaient été fixées – en particulier, il ne serait pas fait appel à des subventions publiques –, nous le soutiendrions.

Le 28 septembre dernier, nous avons franchi une étape supplémentaire avec le dépôt du dossier de candidature proprement dit. À ce moment-là de la procédure, j’ai dit très clairement, très précisément, après m’être rapproché d’un certain nombre d’acteurs élus locaux, que l’État se réservait l’entière possibilité de ne pas donner suite à ce projet si des garanties solides n’étaient pas apportées que ni l’État ni les collectivités territoriales n’auraient à participer à son financement.

Le 18 janvier dernier, les deux personnalités chargées de l’analyse et de l’accompagnement du projet m’ont remis leur rapport. Y était jointe une note de la direction générale du Trésor…

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … présentant une analyse approfondie du modèle économique transmis à la fin de décembre dernier par l’association Expo France 2025. L’ensemble de ces documents est, bien entendu, à votre disposition.

Cette note indiquait que le modèle économique du projet comportait plusieurs faiblesses structurelles. En particulier, l’équilibre économique reposait, au moins à hauteur d’environ 300 millions d’euros, sur l’hypothèse d’une cession gratuite du foncier par l’établissement public d’aménagement Paris-Saclay. Or, une cession gratuite de foncier par un établissement public, c’est une subvention publique… En outre, les chiffres de fréquentation retenus ne permettaient pas d’atteindre le montant de recettes prévu. Enfin, l’association souhaitait que l’ensemble des partenaires privés garantissent le projet, mais elle avait du mal – c’est le moins que l’on puisse dire ! – à obtenir de leur part cet engagement, sauf à ce que l’État lui-même apporte sa garantie.

Autrement dit, alors que nous devions définitivement engager la parole de notre pays, il nous est apparu que ce projet, si beau soit-il, n’était pas suffisamment solide. J’en ai tiré les conséquences. Si la situation budgétaire nous permettait de dire « on verra bien », il en serait peut-être allé autrement, mais tel n’est pas le cas. Depuis très longtemps, on a tendance, dans notre pays, à renvoyer à plus tard le traitement des difficultés. À mes yeux, ce n’est pas raisonnable, et c’est pourquoi j’ai pris la décision que vous regrettez. N’y voyez aucune autre raison que celle que je viens d’évoquer.

Vous avez posé la question d’un éventuel lien entre l’abandon de cette candidature et la réalisation des travaux prévus dans le cadre du Grand Paris Express, ce projet monumental et remarquable définissant de nouveaux modes de transports en commun dans toute la région d’Île-de-France. J’observe que, en la matière, les difficultés techniques sont majeures. La Cour des comptes pointe une dérive budgétaire considérable depuis la conception de ce projet. Nous ne pouvons pas faire comme si cela n’était pas grave, nous dire que l’on verra bien plus tard. Nous devons donc tous prendre en compte cette dimension budgétaire, pour faire en sorte que ce projet puisse être mené à son terme.

Je le dis très clairement, madame la sénatrice : mon objectif, c’est que le Grand Paris Express aboutisse, car c’est un bon projet. Mais, aujourd’hui, sa réalisation repose sur des bases fragiles. Vous connaissez comme moi les difficultés : les travaux du Grand Paris Express viennent croiser les travaux sur les infrastructures existantes, ce qui cause parfois des accidents perturbant le fonctionnement des réseaux du quotidien.

Nous devons donc examiner ensemble – c’est ce à quoi je me suis engagé – dans quelles conditions nous pouvons faire réussir ce projet. Il s’agit là d’une discussion difficile, techniquement et budgétairement, mais j’y suis ouvert, et nous trouverons les solutions ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.

Mme Catherine Dumas. Merci, monsieur le Premier ministre.

Concernant l’abandon de la candidature de la France à l’organisation de l’Exposition universelle 2025, je rappellerai simplement que le Président de la République lui-même avait dit que la France devait apporter sa contribution à une nouvelle ambition universelle. Tel ne sera pas le cas : c’est donc un mauvais message.

Pour ce qui concerne le Grand Paris Express, j’ai bien entendu votre réponse. Les élus franciliens et, plus largement, les élus de toute la France souhaitent que ce projet aboutisse dès 2024, car nous en avons vraiment besoin ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

statistiques sur les violences conjugales

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Catherine Conconne. Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Madame la ministre, le Gouvernement a annoncé vouloir faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité. Je ne peux qu’approuver. Les violences au sein des couples, dont les femmes sont les premières victimes, comptent toutefois parmi les faits les plus difficiles à déceler.

En France, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint. À la Martinique, le dernier homicide perpétré dans le cadre conjugal date de ce week-end !

La Martinique est un territoire particulièrement touché par les violences conjugales : en la matière, le taux de criminalité est de 9,5 pour 1 000, contre 4,4 pour 1 000 à l’échelle nationale. En 2017, près d’un millier de plaintes concernant des faits de violences au sein du couple ont été traitées par les services de police et de gendarmerie martiniquais.

Pour combattre un tel fléau, une seule arme : la connaissance. Aujourd’hui, seulement un fait de violence conjugale sur dix est porté à la connaissance des services de police et de gendarmerie. Cette délinquance spécifique devrait être comptabilisée de manière distincte dans les statistiques. Or il existe, dans l’opinion, un discours récurrent selon lequel les victimes de violences au sein du couple seraient difficilement identifiées par les enquêteurs, du fait du manque de moyens.

Cette difficulté que rencontrent les services d’enquête tiendrait-elle à ce que la hiérarchie souhaite éviter le dépôt de ces plaintes, qui aggrave les chiffres de la délinquance ?

Afin de mobiliser davantage nos forces de l’ordre sur cet aspect de la délinquance, de faciliter la parole des victimes et de développer des politiques publiques adéquates, le Gouvernement peut-il, madame la ministre, s’engager à réformer l’état 4001, qui recense l’activité des services de police et de gendarmerie et sert d’indicateur de la délinquance ?

D’une part, il conviendrait de créer une ligne spécifique propre aux procédures pour violences au sein du couple. Pour l’heure, une telle ligne n’existe toujours pas, alors que la thématique en question est censée être une priorité nationale depuis des années.

D’autre part, il faudrait classer cette ligne parmi celles pour lesquelles une hausse des faits constatés est considérée comme un fait positif. Une telle hausse ne signifierait évidemment pas une augmentation des faits de violence, mais une réduction de la « zone grise » des faits réels n’ayant fait l’objet d’aucune plainte.