PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Discussion générale

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Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais, en préambule, féliciter M. Patrick Kanner, élu ce matin président du groupe socialiste et républicain. (Applaudissements.)

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

J’appelle chacun au respect des uns et des autres, ainsi que des temps de parole.

zadistes

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé la semaine dernière votre décision d’abandonner le projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. (Exclamations sur diverses travées.) Vous avez ainsi mis fin à de longues années de fuite en arrière des précédents exécutifs. Il était temps que la voix de l’État retrouve sa crédibilité.

M. Philippe Dallier. C’est réussi !

M. Jean-Claude Requier. En cela, notre groupe, dans toute la diversité de ses expressions, salue votre décision. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)

Désormais va s’ouvrir la phase de l’évacuation de la ZAD, qui regroupe, je le rappelle, des occupants sans droit ni titre. Vous avez choisi une double approche, en fixant au printemps prochain le dernier délai d’évacuation des lieux tout en exigeant le déblocage immédiat des routes. Pour notre groupe, il n’est pas acceptable que des expressions minoritaires bloquent tout projet, au mépris des processus démocratiques. C’est pourquoi nous attendons des précisions sur le calendrier que vous mettrez en œuvre.

Mais une question plus large se pose : celle de l’intangibilité de l’ordre républicain dans les autres ZAD placées sous la surveillance des services de renseignement, dont on estime le nombre à une cinquantaine. Nous faisons nôtres ces mots du Président de la République : « Je ne veux plus voir ce genre de ZAD en France. »

Monsieur le Premier ministre, ma question est très simple : quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer le maintien de l’ordre républicain et faire respecter l’autorité de l’État en mettant fin à l’existence de ces zones de non-droit ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Requier, la semaine dernière, j’ai pris en réalité une double décision : mettre un terme au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le constat ayant été posé que les circonstances qui auraient pu permettre sa construction n’étaient pas réunies, et revenir à la légalité dans cette zone, qui fut longtemps une zone d’aménagement différé, puis, pour certains, une « zone à défendre », voire une « zone d’autonomie définitive ».

Ce retour à la légalité doit se faire en deux temps : d’abord, la libération des axes routiers traversant la zone, qui sera effective avant la fin de la semaine ; ensuite, le départ de ceux qui, depuis fort longtemps, occupent sans titre des terrains qui ne leur appartiennent pas. Le respect de la loi exige que nous attendions la fin de la trêve hivernale pour pouvoir procéder, le cas échéant, à leur expulsion. Il se trouve que, au cours de la législature précédente, les conditions dans lesquelles certains occupants peuvent être considérés comme résidents et donc bénéficier de la trêve hivernale ont été étendues. C’est la loi, je le constate. Mais il est clair que, à l’expiration de la trêve hivernale, les occupants sans titre devront avoir libéré les lieux. Sinon, il faudra les expulser, conformément à la loi.

La vocation agricole des terrains étant affichée, les propriétaires qui avaient été expropriés pourront, s’ils le souhaitent, les récupérer. Les autres personnes désireuses de rester sur les lieux devront acheter des terrains. En tout cas, tout se déroulera dans un cadre légal excluant que des occupants sans titre puissent se maintenir.

Concernant les autres projets d’infrastructures dont la réalisation pourrait être contrariée à l’avenir, si ceux qui s’y opposent sont parfois de bonne foi, il s’agit souvent, en fait, d’une opposition frontale, quelquefois violente, à un mode de prise de décision et à ce que l’État peut représenter.

Pour que nous puissions faire prévaloir ce à quoi nous sommes tous attachés, il faut que nous évitions que se reproduise une situation comme celle qui s’était installée à Notre-Dame-des-Landes. Autrement dit, il faut éviter l’enracinement, l’occupation durable de terrains, parfois même leur préparation physique en vue de créer le maximum de troubles à l’ordre public. Pour cela, il convient d’agir tôt : c’est précisément le sens de la remarque du Président de la République que vous avez citée. C’est, au fond, un art d’exécution : nous devons faire en sorte de réagir suffisamment tôt pour que jamais nous ne nous trouvions de nouveau dans une situation où la division soit telle que le projet ne puisse plus avancer.

C’est une tâche difficile qui est devant nous, mais nous sommes déterminés à la mener à bien. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, pour restaurer l’autorité de l’État, nous serons toujours derrière vous, mais ce sera beaucoup plus difficile pour les ZAD que pour abaisser la limitation de vitesse à 80 kilomètres à l’heure ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

rémunération des plus hauts fonctionnaires

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre-Yves Collombat. « Les hauts fonctionnaires se sont constitués en caste. […] Il n’est pas acceptable qu’ils continuent à jouir de protections hors du temps. » Ainsi parlait le révolutionnaire Emmanuel Macron lors de sa campagne élyséenne. (Rires sur diverses travées.)

Parmi les privilèges de cette caste figurent la possibilité de faire des allers-retours lucratifs entre public et privé, la perception de très hauts revenus protégés du regard des contribuables qui les paient.

Ma question est simple : quand le Gouvernement envisage-t-il de mettre fin à cette situation, en commençant par publier les montants des salaires des quelque 600 hauts fonctionnaires recevant annuellement plus de 150 000 euros nets, soit le montant de l’indemnité du Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Catherine Deroche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le sénateur, il convient de préciser, pour la clarté du débat, que la rémunération des hauts fonctionnaires est encadrée par des règlements et des lois, qui fixent un certain nombre de plafonds. (M. le secrétaire dÉtat est invité à parler plus distinctement par de nombreux sénateurs.)

Je rappelle que l’amplitude des rémunérations dans la fonction publique va de 1 à 11, contre 1 à 70 dans le secteur privé, ce qui relativise le procès fait actuellement à la fonction publique. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faut aussi souligner que le niveau des responsabilités confiées et les qualifications requises justifient, dans l’immense majorité des cas, les traitements versés.

Le déploiement du régime indemnitaire, qui tient compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel, permet progressivement de franchir une nouvelle étape dans la transparence et la cohérence des rémunérations. Les sous-directeurs et chefs de service des administrations centrales sont régis par ce dispositif depuis le début de 2017, et les emplois de direction de l’administration territoriale de l’État depuis le mois de juillet de la même année. Ainsi, le plafond de leur rémunération indemnitaire est fixé à 74 000 euros. Les préfets et sous-préfets sont soumis à ce même régime depuis le 1er janvier 2018.

Par un référé en date d’octobre 2017, la Cour des comptes formule une double recommandation au Gouvernement.

Elle lui demande, d’une part, de mettre un terme aux irrégularités. Ce travail est engagé depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, ne subsistent que sept situations relevant d’un droit que l’on peut qualifier d’exorbitant ; elles sont en cours de règlement. Le Gouvernement a prévu l’extinction de ces dispositifs au 1er janvier 2019, plutôt qu’en 2023, comme précédemment programmé.

La Cour des comptes souhaite, d’autre part, qu’il soit mis fin à la surrémunération des administrateurs généraux des finances publiques : nous nous y employons, dans un souci d’équité et de cohérence. De 2013 à 2017, le nombre de ces fonctionnaires a baissé de 15 %, leur rémunération de 10 %, et le grade le plus élevé est en voie d’être supprimé.

Nous sommes animés par une volonté de transparence et de mise en cohérence. Notre objectif est aussi de protéger l’ensemble de la fonction publique d’accusations qui ne sauraient porter que sur quelques-uns ou sur un héritage du passé. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d’État, si je comprends bien, la réponse à ma question, c’est : « Touche pas à ma bureaucratie céleste, touche pas au grisbi ! » (Rires sur diverses travées.) En fait de révolution annoncée, ce n’est même pas une émeute, c’est un simple produit marketing, lancé pour se faire mousser ! (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)

population kurde (i)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Patrick Kanner. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le président, de vous remercier des félicitations que vous m’avez adressées.

Monsieur le Premier ministre, depuis samedi dernier, plusieurs villes de la région d’Afrin, au nord de la Syrie, sont pilonnées par les forces armées turques. Ciblant des sites militaires de l’YPG, acronyme désignant les unités de protection du peuple, organisation faisant partie des forces démocratiques syriennes, ces bombardements ont fait de nombreuses victimes civiles, dont des enfants.

Cette situation est aussi dramatique qu’inquiétante, et ce à plus d’un titre.

Elle est dramatique, parce que cette zone gérée par les Kurdes était l’une des rares parties du pays à avoir été épargnée jusqu’alors par les combats.

Elle l’est également parce que ce conflit, complexe du fait du nombre et de l’opacité des acteurs en présence, charrie depuis ses origines les germes d’un embrasement régional. En intervenant, troupes au sol à l’appui, Ankara prolonge le conflit et bouscule le rapport de force au sein des forces libres syriennes, éloignant un peu plus les perspectives de paix. Le président Erdogan, reçu par l’Élysée en début d’année, a d’ailleurs déclaré qu’« il n’y aura pas de retour en arrière ».

Pourtant, mes chers collègues, l’YPG est connue pour ses faits d’armes contre l’État islamique et a contribué largement à la défaite de ce dernier sur le terrain. C’est donc une composante essentielle du front commun contre le terrorisme qui est aujourd’hui attaquée.

La situation est inquiétante, enfin, parce qu’il s’agit d’une intervention militaire d’un État membre de l’Alliance atlantique menée en violation des règles les plus élémentaires du droit international. La France a été à l’initiative de la tenue d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies sur le sujet. Pouvez-vous nous informer de l’issue de cette réunion, monsieur le Premier ministre ?

Nous souhaitons également savoir quelles mesures la France envisage de prendre pour que cette opération, baptisée de manière provocante « Rameau d’olivier », soit stoppée et qu’un cessez-le-feu intervienne dans les plus brefs délais, alors que les États-Unis semblent se désengager totalement de cette région. Il y a urgence, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, je voudrais tout d’abord saluer votre prédécesseur, Didier Guillaume, qui a choisi de tourner la page politique, et vous adresser toutes mes félicitations. La confiance que vous ont manifestée les sénateurs du groupe socialiste et républicain en vous élisant à leur tête vous honore.

Si nous n’ouvrons pas de perspective politique crédible en Syrie, la défaite attendue de Daech risque de se traduire par une mutation des conflits : Turcs contre Kurdes, Kurdes contre Arabes, Israël contre Hezbollah, etc. La France a eu plusieurs fois l’occasion de rappeler cette réalité dans les médias, dans les instances internationales ou au Parlement.

Aujourd’hui, nous y sommes : c’est bien ce qui est en train de se produire. La Turquie a engagé voilà quatre jours dans la région d’Afrin, au nord de la Syrie, une opération militaire, motivée par des inquiétudes sur sa propre sécurité. Nous pouvons entendre ces inquiétudes, mais la priorité doit rester le combat contre Daech, qui n’est pas terminé.

L’opération turque intervient à un moment où la situation humanitaire dans la région, du fait de la guerre terrible qui s’y déroule depuis maintenant de longues années, est incroyablement fragile.

Le régime et ses alliés conduisent des bombardements indiscriminés contre les populations à Idlib, 400 000 civils sont assiégés dans l’enclave de la Ghouta, près de Damas. À notre demande, le Conseil de sécurité s’est saisi hier de cette situation. Nous avons appelé la Turquie à la retenue.

Toutefois, la seule voie, difficile, que nous devons suivre, c’est celle de la recherche d’une solution politique durable qui garantisse le retour, le plus rapidement possible, à une forme de stabilité en Syrie, pour les populations de ce pays et pour ses voisins. Ce ne sera pas facile. La diplomatie française prendra toute sa part à cette recherche, en exposant systématiquement et clairement aux parties prenantes et à nos partenaires la position de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

mise en place des péages inversés

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Dany Wattebled. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Monsieur le ministre, afin d’améliorer la qualité de l’air et les conditions de circulation sur son territoire, la métropole européenne de Lille, s’inspirant de l’expérience réussie de Rotterdam, aux Pays-Bas, a décidé de mettre en œuvre le concept innovant de « péage inversé ».

Cela consiste à inciter les automobilistes qui circulent sur les grands axes aux heures de pointe à utiliser d’autres modes de déplacement ou à reporter leurs trajets en dehors de ces périodes. Une incitation financière de 2 euros par trajet évité leur sera ainsi proposée.

Cette initiative, appelée « écobonus-mobilité », est le projet phare du pacte État-métropole signé le 17 février 2017. Il s’agit d’une réelle occasion d’innover pour trouver des solutions concrètes et rapides aux phénomènes de congestion routière constatés dans toutes les grandes agglomérations françaises. En cela, cette initiative, en cas de succès de l’expérimentation de la métropole de Lille, pourra être étendue aux autres métropoles.

Mercredi dernier, Mme la ministre des transports s’est déclarée favorable à la mise en œuvre de péages urbains par les collectivités, ainsi qu’à des expérimentations de péages inversés.

Or le cadre juridique pour permettre à une collectivité de mettre en œuvre directement un péage inversé reste à clarifier : la phase de recrutement des participants volontaires nécessite le recours à des caméras de lecture automatisée de plaques d’immatriculation, et donc à un traitement de données à caractère personnel.

Parallèlement à la phase de travail parlementaire qui va s’engager, comment envisagez-vous d’accompagner la métropole européenne de Lille, de manière que le président de celle-ci, M. Damien Castelain, puisse lancer rapidement cette expérimentation et ainsi alimenter le projet de loi sur les mobilités en préparation, en vue de permettre une généralisation à d’autres collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Wattebled, je vous prie tout d’abord d’excuser Élisabeth Borne, qui ne pouvait être présente cet après-midi.

Par un hasard du calendrier, je répondrai mardi prochain 30 janvier à la Commission européenne, qui a convoqué la France en raison d’un dépassement régulier des seuils de pollution atmosphérique. Face à ce fléau, soupçonné de provoquer chaque année près de 48 000 décès prématurés dans notre pays, on ne peut pas se résigner. Nous sommes mobilisés au côté des territoires et des élus, qui prennent toute leur part dans la réduction des pollutions, qu’elles soient liées au chauffage et à l’industrie ou au transport automobile.

Pour donner aux collectivités les moyens de construire une mobilité durable et de rendre les villes de nouveau respirables, la loi autorise depuis 2010 l’expérimentation des péages urbains, pour trois ans. Le principe de ce dispositif est simple : permettre aux collectivités qui le souhaitent d’inventer des solutions incitant au report modal, à l’usage des transports en commun ou du vélo.

Comme vous l’avez souligné, la métropole de Lille envisage de mettre en œuvre le péage inversé, modèle inspiré des pays nordiques que je trouve très malin. Il faut essayer, quitte à revoir les choses si cela ne marche pas. Il s’agit de verser une incitation financière, un bonus aux conducteurs qui acceptent de recourir à d’autres modes de transport que la voiture pendant les heures de pointe.

D’autres mesures, visant notamment à simplifier la création de voies dédiées aux covoitureurs sur les axes d’entrée dans les grandes agglomérations, sont envisagées.

Afin d’accompagner les collectivités, nous travaillons avec le ministère de l’intérieur pour développer les outils, notamment numériques, qui vont leur permettre d’avancer tout en respectant la vie privée de nos concitoyens. Ces mesures seront intégrées dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

notre-dame-des-landes

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, la réponse que vous avez faite à M. Requier ne nous a pas convaincus.

En réalité, à Notre-Dame-des-Landes, le chantage à la violence a payé, malgré 179 décisions de justice toutes favorables, malgré la légitimité du suffrage universel, malgré l’engagement solennel du Président de la République !

L’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, c’est le triomphe des ultras, des zadistes. Il suffisait d’ailleurs, pour s’en convaincre, de regarder la télévision ces derniers jours. Lorsque le ministre d’État Nicolas Hulot s’était rendu dans cette ZAD, il en était ressorti avec des épluchures sur la tête ! (Murmures sur diverses travées.)

Monsieur le Premier ministre, c’est un terrible message adressé à tous les élus de la République qui s’échinent au quotidien à prendre des décisions difficiles et qui savent désormais qu’une minorité agissante peut bloquer un projet d’intérêt général.

C’est un terrible message adressé à nos territoires de l’Ouest et des Pays de la Loire. Voilà quelques semaines, nous avons appris que notre grand port maritime n’était plus au niveau d’un port national. Mercredi dernier, vous nous avez appris que, désormais, pour prendre l’avion, il nous faudrait d’abord nous rendre en train à Paris. Toujours Paris ! Est-ce là, monsieur le Premier ministre, votre conception de l’aménagement du territoire ?

Vous avez pris une décision, il vous faut désormais prendre vos responsabilités : que ferez-vous pour accompagner le désenclavement de l’Ouest et des Pays de la Loire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, dans votre question, j’entends de la déception, de la colère et de l’inquiétude. Je ne suis pas sûr de pouvoir effacer votre déception – je suis même certain du contraire ! –, je ne suis pas sûr de pouvoir éteindre votre colère, j’espère au moins pouvoir apaiser quelque peu votre inquiétude.

Oui, mercredi dernier, j’ai pris une décision. Ce n’était pas facile. Elle s’est fondée sur l’ensemble des éléments en ma possession au moment où j’ai dû la prendre : les procédures, les décisions de justice, les consultations conduites depuis le début de ce projet, voilà bien longtemps, les échanges que j’ai eu le plaisir d’avoir avec les élus locaux et nationaux, mais aussi l’analyse d’une situation de division qui m’est apparue exceptionnelle et que notre pays, collectivement – si ces propos vous heurtent, monsieur Retailleau, je vous prie de m’en excuser –, a laissé se développer sur la zone de Notre-Dame-des-Landes. Disant cela, je ne pointe la responsabilité de personne, je formule un constat.

Les occupations illégales ont commencé il y a plus de huit ans, les tentatives d’évacuation de la zone effectuées dans le passé ont échoué. À la différence de ce que l’on observe pour beaucoup d’autres projets, où des oppositions locales existent, mais où un mouvement puissant en faveur de la réalisation de l’infrastructure se manifeste, chacun était retranché dans ses positions et nous allions vers un affrontement certain.

Au regard de tous ces éléments, j’ai considéré qu’il fallait à la fois prendre une décision pour sortir de cette situation –c’est la raison pour laquelle j’ai annoncé que ma décision était irrévocable – et rétablir dans la zone l’État de droit, qui n’était plus depuis trop longtemps qu’un mythe. Cela passe par le rétablissement de la circulation routière, qui était interrompue depuis bien longtemps, et par la cessation de l’occupation illégale des terres, dès la fin de la trêve hivernale.

Reste le problème de fond, difficile, des besoins de mobilité du Grand Ouest, de la Bretagne et des Pays de la Loire, de la mise en place d’une meilleure connexion aux grandes infrastructures aéroportuaires et aux flux de développement économique. La question est posée. J’ai indiqué que, pour y répondre, nous consulterions rapidement, une fois le temps de la déception et de la colère passé, l’ensemble des acteurs. Mme la ministre des transports se rendra vendredi et samedi à Rennes et à Nantes pour rencontrer les élus qui le voudront bien, afin d’étudier avec eux les actions envisageables à court, moyen et long terme.

J’ai indiqué un certain nombre de pistes pour le court terme, notamment le réaménagement, le plus vite possible, des infrastructures de l’aéroport Nantes-Atlantique. (M. Christophe Priou lève les bras au ciel.) On peut procéder en deux temps. Une première étape est la construction d’une nouvelle aérogare et l’aménagement de nouveaux taxiways. Ces travaux se dérouleront sur l’emprise de l’aéroport existant, sans gêner son exploitation : ils ne nécessiteront pas d’expropriation, juste l’obtention d’un permis de construire et une négociation avec l’opérateur. Ensuite se posera la question de l’allongement de la piste existante, qui présenterait l’avantage de réduire les nuisances sonores à Nantes, et l’inconvénient de les augmenter dans les communes situées en bout de piste, au sud, notamment à Saint-Aignan de Grand Lieu.

Il faudra voir dans quelle mesure les propriétaires des infrastructures existantes à Rennes, à Nantes, à Lorient et, de façon générale, dans le Grand Ouest pourront mettre en réseau leurs équipements et les développer.

Ces questions ont pu être déjà posées par le passé, monsieur Retailleau, mais elles ont toujours été étudiées avec l’idée que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes se ferait.

Je pressens que la discussion que nous aurons avec les élus locaux et les opérateurs nous permettra de dessiner des solutions d’investissement pour améliorer la desserte aérienne.

S’agissant de la desserte ferroviaire, il faudra voir dans quelles conditions il est possible de rejoindre les grandes plateformes aéroportuaires. Je prends le monde tel qu’il est, monsieur Retailleau. Aujourd’hui, la France ne compte que deux grandes plateformes aéroportuaires susceptibles de développer des vols long-courriers internationaux : Paris et Nice. Cela ne condamne pas les autres, mais je constate que l’aéroport de Lyon, grande agglomération qui ne manque pas de dynamisme et se trouve à deux heures de Paris par le TGV, a une fonction nationale et européenne, mais n’est pas compétitif sur le plan international.

Il faudra donc répondre point par point à ces questions pour améliorer la mobilité dans le Grand Ouest. Nous sommes prêts à mener ce travail indispensable et difficile, car, je le dis très tranquillement, nous n’avons pas d’autre choix. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.