M. Jean-Yves Leconte. Non, 240 000 selon les chiffres du ministère de l’intérieur du 12 juin dernier.

Il est clair que prétendre établir une politique de quotas est un trompe-l’œil, un mensonge, à moins que cela ne témoigne d’une volonté délibérée de faire en sorte que notre pays ne soit plus capable d’attirer des talents, des étudiants…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Leconte. … bref, de faire venir ceux dont nous avons besoin pour faire fonctionner notre économie.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Je suis vraiment admiratif. (M. Richard Yung sexclame.)

C’est hallucinant de s’entendre reprocher d’empêcher les talents d’entrer en France. Dieu est grand, mais ce n’est pas exactement le problème aujourd’hui.

Sincèrement, on ne doit pas vivre dans le même pays ni dans le même monde.

M. Pierre Laurent. Pas dans le même département, c’est sûr !

M. Roger Karoutchi. Monsieur Laurent, je ne partage pas l’avis des communistes, mais je les respecte. Chacun sa vie !

Mme Éliane Assassi. C’est sûr que vous n’accueillez pas beaucoup de réfugiés dans les Hauts-de-Seine…

M. Roger Karoutchi. Je vous en prie, ma chère collègue.

Que se passe-t-il en vérité ? Si ce n’est pas le Parlement qui décide, c’est le Gouvernement. Si le Parlement n’est pas en mesure de dire, à un moment donné, ce qu’il veut comme politique migratoire, cela revient à laisser les mains libres au Gouvernement. Et si, demain, le Gouvernement décide, vu la situation économique et politique en France et en Europe, et pour ne pas perdre les élections, de tout fermer, le Parlement n’aura pas son mot à dire.

C’est quand même incroyable ! Je veux juste faire en sorte que le Parlement prenne le pouvoir en matière migratoire en respectant le droit d’asile. En effet, pour ce dernier, on ne peut pas disposer de chiffres à l’avance. En cas de conflit, on étudie au cas par cas hors quotas et hors système. Pour le reste, si vous ne prenez pas le pouvoir, c’est le Gouvernement qui le prend.

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Roger Karoutchi. On ne sait pas ce qui peut se passer avec le Gouvernement. Chez certains de nos voisins, les nouveaux gouvernements en ont surpris plus d’un. Et si, un jour, nous avons un gouvernement populiste en France, vous croyez qu’il va demander au Parlement ce qu’il faut faire en matière migratoire ? Je préfère que le Parlement, en fonction de chiffres fournis par le Gouvernement, dise sa manière de voir les choses, plutôt que de laisser complètement la main à l’exécutif.

Qui vous dit, d’ailleurs, que le Parlement serait beaucoup plus réducteur que le Gouvernement en la matière ? Après tout, vous êtes parlementaires, et vous serez là pour dire ce que vous pensez et ce que vous souhaitez. On voudrait un Sénat puissant, mais on laisse tout décider par le Gouvernement. Eh bien non, je pense que c’est au Parlement de prendre la décision après en avoir parlé avec le Gouvernement, et pas l’inverse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 23 rectifié est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

L’amendement n° 502 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur Karoutchi, vous ne m’aurez pas convaincue. Cet article 1er A a quand même tous les défauts que l’on pouvait attendre d’un article tendant à définir des indicateurs précis de la présence des étrangers dans notre pays.

Il s’agit en fait de conforter des a priori improuvés et improuvables dans leur lapidaire expression, ce qui permet d’ailleurs à quelques-uns de réduire l’immigration à du benchmarking ou, comme on l’a entendu, à du shopping de l’asile.

Le problème, mes chers collègues, outre quelques oublis – où sont passés les étudiants venant de pays situés hors de l’Union européenne en vertu d’accords de coopération universitaire ? –, c’est que, manifestement, ici, on appelle étrangers tous ceux qui demandent à entrer en France, alors même qu’un grand nombre de ces entrées concernent des Français nés hors de la métropole et, parfois, leurs conjoints et leurs enfants. N’oublions pas que la France pratique en la matière à la fois le droit du sol et le droit du sang.

Une étude relativement récente de l’INSEE sur les flux migratoires observés de 2006 à 2013 nous révèle, entre autres informations, que nous avons enregistré pas moins de 2,466 millions d’entrées sur notre territoire, dont 1,633 million d’immigrés, et, de fait, 833 000 Français nés en France ou à l’étranger. Le tiers des entrées sur le territoire national concerne donc des ressortissants hexagonaux.

Sur la même période, 2,068 millions de sorties du territoire national ont été constatées, dont plus de 500 000 personnes de nationalité étrangère.

Le solde migratoire est passé de 113 000 personnes en positif en 2006 à seulement 33 000 aujourd’hui.

De fait, un nombre croissant de jeunes Françaises et Français, faute de trouver un emploi à la mesure de leurs qualifications dans leur propre pays, vont travailler ailleurs, là où l’on sait reconnaître la qualité de la formation scolaire et universitaire hexagonale.

Ainsi, on évalue en 2013 à près de 855 000 le nombre de Françaises et de Français âgés de 25 ans à 34 ans résidant à l’étranger, ce qui représente 4 % de notre population active ou plus de 5 % de l’emploi privé.

Vous le voyez donc, mes chers collègues, les données ne sont pas aussi simples.

Monsieur Karoutchi, vous dites avoir voulu cet article 1er A au nom de la défense du travail du Parlement, mais je crois qu’il faut aussi que vous assumiez les sous-entendus de cet article,…

M. Roger Karoutchi. Gardez vos sous-entendus pour vous ! Ce ne sont pas mes mots !

Mme Cécile Cukierman. … ainsi que ceux de votre politique migratoire, qui n’est pas celle voulue par une majorité de Français. (M. Roger Karoutchi proteste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 502.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’article 1er A, introduit par la commission des lois, réécrit l’article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, définissant le contenu du rapport annuel au Parlement.

Les différents éléments mentionnés dans l’amendement voté en commission des lois, dont ceux relatifs à la politique européenne d’immigration et d’intégration, figurent déjà dans ce rapport.

Cet article introduit également des quotas, votés par le Parlement, pour déterminer sur les trois années à venir le nombre d’étrangers admis à s’installer durablement en France pour chacune des catégories de séjour, à l’exception de l’asile. Cette disposition ne résiste pas à l’examen de faisabilité. Elle n’avait d’ailleurs pas été mise en œuvre par les gouvernements précédents. Je ne citerai pas Pierre Mazeaud, puisque M. Yung l’a fait tout à l’heure, mais il avait conclu au caractère irréalisable de ces quotas.

Le Gouvernement n’est pas favorable à ce qu’une telle politique soit mise en œuvre. En effet, l’immigration familiale résulte en grande partie des principes figurant dans la Constitution – le droit à mener une vie familiale normale ou la liberté de mariage – et, bien sûr, dans les conventions internationales.

En ce qui concerne l’immigration professionnelle, notre droit encadre l’emploi des nouveaux immigrés par la délivrance des autorisations de travail en fonction de la situation du marché du travail.

S’agissant des talents internationaux et des étudiants étrangers, dont il a été question à l’instant, le Gouvernement a fait le choix de développer l’attractivité du territoire national pour ces publics, compte tenu de leur apport à notre économie et au rayonnement de la France.

Enfin, les actions conduites par les collectivités territoriales peuvent être déjà ajoutées au rapport en tant que de besoin, sans qu’il soit nécessaire de modifier la loi.

Pour toutes ces raisons, il est donc proposé de supprimer cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements de suppression ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l’adoption de ces deux amendements, puisqu’elle avait accepté l’amendement déposé par M. Karoutchi.

Je voudrais simplement rappeler quelques éléments.

Le Sénat s’est déjà prononcé en 2006 pour réclamer un débat au Parlement sur les politiques migratoires. Nous pensons qu’il est effectivement nécessaire d’avoir une vision globale qui soit non pas confisquée – le terme est peut-être un peu fort – par l’exécutif, mais qui puisse être partagée par la représentation nationale.

De surcroît, il est intéressant de connaître les capacités d’accueil que nous pouvons proposer dans le cadre de ces politiques. À cet égard, nous sommes en parfaite coordination avec l’objectif fixé par le texte, à savoir la maîtrise de l’immigration.

Sur les chiffres eux-mêmes, la notion de quota peut être assez large ; elle n’est pas forcément absolument rigide. Elle peut porter naturellement sur les titres de séjour, et non pas sur les pays sources.

Par ailleurs, s’il est un élément sur lequel nous avons rarement des informations, c’est celui des régularisations. Nous les avons au terme du bilan, et encore en partie. Si nous les connaissions avant, nous pourrions avoir un débat sur le sujet.

Enfin, sur l’immigration de travail, nous aimerions aussi avoir des éléments. Je me permets de rappeler que, depuis 2008, nous n’avons plus aucune information sur les métiers que l’on considère en tension.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Le groupe socialiste et républicain votera ces deux amendements aux origines opposées, mais à l’objectif similaire, dans la mesure où nous ne pouvons pas accepter une politique de quotas.

M. Karoutchi pense que l’objet de ce débat est simplement de savoir si les quotas sont fixés par le Gouvernement ou par le Parlement. Nous répondons : ni l’un ni l’autre ! Nous répondons : « critères objectifs ».

M. Roger Karoutchi. Ça n’existe pas !

M. Jean-Yves Leconte. Critères objectifs pour les étudiants ; critères objectifs pour les talents, qui sont tous intéressants. C’est ce que nous souhaitons et, de fait, nous refusons fermement toute politique de quotas.

J’ajoute que le taux de primo-arrivants, qu’ils soient étudiants ou immigrés économiques, restant sur le territoire pour une longue période n’est pas très important. Toutes catégories confondues, il n’y a pas plus de 40 % des primo-arrivants qui restent, et, sur les catégories économiques et étudiantes, le taux est très faible. Cela n’a rien à voir avec une « submersion ».

Je le répète, nous ne voulons pas de quotas sur ces deux types d’immigration. Nous sommes pour des critères objectifs, ce qui est la meilleure solution pour que la politique d’immigration soit comprise.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Mme Michelle Gréaume. Au-delà de la position du Gouvernement, que l’on peut comprendre pour des raisons de positionnement global, la vraie question que nous pose cet article 1er A est la suivante : quelles sont les intentions de ceux qui estiment nécessaire de fixer chaque année un quota d’immigration ?

Nous avons souligné, dans la discussion générale, que l’effet réel de l’entrée de personnes de nationalité étrangère sur le territoire français était bien moindre que ce que le discours accompagnant cette réalité de notre temps voudrait bien nous faire croire. Et nous avons découvert que, sous certains aspects, notre pays était aussi un pays d’émigration, non pas parce que nous aurions une fiscalité insupportable, ce que croient ou tentent de faire croire quelques beaux esprits noyés dans l’idéologie dominante, mais tout simplement parce qu’en l’état actuel des choses, l’économie et les entreprises de notre pays sont parfaitement incapables de tirer parti de l’élévation continue du niveau de formation générale, scientifique et technologique de nos jeunes diplômés, pour en faire le puissant levier de croissance durable qui nous manque. Le problème récurrent que pose la grande appétence des actionnaires de nos entreprises, de la PME au groupe transnational, pour le retour le plus rapide sur investissement sous forme de généreux dividendes n’est sans doute pas étranger à ce constat.

Néanmoins, malgré ces handicaps, force est de constater que notre pays demeure l’une des plus riches économies du monde. Aussi, nous pouvons penser qu’il a une capacité assez large d’accueil des populations venues d’ailleurs, a fortiori quand nous avons eu, dans un passé plus ou moins récent, la volonté d’en faire nos colonies et, de ce fait, des pays francophones.

L’immigration n’a jamais été véritablement un phénomène de masse en France, sauf en certaines circonstances exceptionnelles, lorsque la saignée de forces vives causée par un conflit prolongé avait mené à l’arrivée massive de travailleurs étrangers et de leurs familles.

Pour ne prendre qu’un exemple, dans un pays comme le Mali, dont la population a quadruplé depuis l’indépendance, qui frise désormais les 20 millions d’habitants, où le fait de partir pour l’étranger est, dans certaines régions, une forme de passage obligé dans l’existence, les ressortissants qui migrent vers les pays les plus proches sont autrement plus nombreux que ceux qui vivent en France.

La diaspora malienne dans notre pays, c’est entre 120 000 titulaires de cartes de séjour et 500 000 Maliens d’origine, en partie naturalisés français – puisque c’est d’actualité, regardez le nom des joueurs de l’équipe de France de football engagée dans la Coupe du monde cette année –,…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Michelle Gréaume. … et qui, pour une grande part, assurent bien des tâches dans des activités économiques marquées par la pénibilité (Manifestations dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.), par exemple le nettoyage de nos gares et de nos stations de métro.

Nous voterons cet amendement de suppression.

M. le président. Mes chers collègues, nous ne sommes qu’au début de ce débat, qui risque d’être long. Vous pouvez faire autant d’explications de vote que vous le voulez ; c’est le droit. En revanche, je vous demande de respecter votre temps de parole, sinon chacun prendra exemple sur l’autre pour s’autoriser un dépassement.

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Mme Cukierman voyait des sous-entendus dans ma liste tout à l’heure. Ma chère collègue, sachez qu’il s’agit non pas de ma liste, mais de celle du CESEDA. Intéressez-vous à la manière dont les pouvoirs publics font les listes. Pour ma part, je n’ai pas le sentiment d’avoir inventé quoi que ce soit.

Cela étant dit, j’ajoute que je trouve ce débat vraiment surréaliste. Pardon, monsieur Leconte, mais « des critères objectifs », cela ne veut rien dire.

M. Michel Savin. Bien sûr !

M. Roger Karoutchi. Si vous pouvez définir des critères objectifs sur le droit d’asile – qui a le droit d’entrer en fonction de sa provenance, des conflits, des persécutions –, les critères objectifs que vous appelez de vos vœux, par exemple, pour l’immigration économique ne sont ni plus ni moins que des quotas. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Éliane Assassi. Non, cela ne signifie pas quotas !

M. Roger Karoutchi. Non, je ne vois pas ce que vous voulez dire. Cela n’a pas de sens ! Il y a des critères définis par le Gouvernement, que l’on applique. Pour ma part, je préfère que le Parlement, dans sa sagesse et sa diversité, définisse un certain nombre de lignes directrices,…

M. Charles Revet. C’est la démocratie !

M. Roger Karoutchi. … plutôt que de voir le Gouvernement ou d’autres, sous la pression de l’émotion, définir de nouveaux critères, que l’on n’acceptera peut-être pas.

Je ne vois pas en quoi le fait de pouvoir parler au Parlement, comme on l’a fait en 2006, des lignes directrices de la politique migratoire en France serait attentatoire à nos principes démocratiques. Après tout – qui sait ? –, peut-être nous dirons-nous que le Gouvernement est trop peureux et qu’il faudrait davantage ouvrir nos frontières. Le Parlement peut le faire. Pourquoi serions-nous forcément plus réducteurs que le Gouvernement ? C’est nous faire très peu confiance, globalement, dans notre diversité.

Madame la ministre, j’estime que cet article n’enlève rien au Gouvernement. J’ai bien compris que vous préfériez conserver la main. Après tout, c’est le jeu de l’exécutif. Néanmoins, partager le pouvoir de déterminer avec le Parlement qui rentre et qui ne rentre pas ne me semble pas déshonorant, réducteur ou infamant.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Mon intervention sera très courte. Je ne vois pas pourquoi il serait interdit au Parlement de se prononcer sur la politique d’immigration, sur la base de critères dont la liste est fixée dans la loi.

Lorsque M. Karoutchi dit que c’est soit au Parlement, soit au Gouvernement de le faire, on lui oppose une troisième possibilité, à savoir les critères objectifs. Je dirai simplement que c’est une politique qui va à vau-l’eau, et qui révèle l’absence totale de volonté de maîtrise de l’immigration.

Il me semble quand même que, compte tenu des possibilités offertes par la France aux personnes qui veulent s’installer chez nous dans des conditions de dignité, il faut maîtriser l’immigration.

Eh bien, face à l’absence de maîtrise à laquelle semblent aspirer M. Leconte et celles et ceux qui s’apprêtent à voter ces deux amendements, la seule alternative, c’est précisément que le Parlement fixe lui-même une politique de maîtrise de cette immigration.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Nous le voyons bien, M. Karoutchi et son collègue de droite cherchent à noyer le poisson ! Le débat n’est pas de savoir si le Parlement doit avoir plus de pouvoirs. Quand viendra en discussion la réforme à venir, nous verrons alors qui est au rendez-vous pour défendre les droits du Parlement ! Ce n’est donc pas à nous qu’il faut venir expliquer à quel point il est important de renforcer les droits du Parlement !

Vous noyez le poisson ! Vous savez très bien que, à travers le débat sur cet article, nous abordons la philosophie de notre politique d’immigration et de notre politique d’accueil. Et c’est sur ce point qu’il y a en effet une différence sérieuse entre nous ! Vous souhaitez une politique extrêmement restrictive, que vous ambitionnez d’encadrer dans des chiffres définis pour trois ans. Pour notre part, nous pensons qu’il faut, au contraire, traiter cette question en prenant la mesure de l’enjeu mondial, national, européen que constituent ces migrations. Notre vision va bien au-delà de cette politique restrictive qui est votre seule manière d’envisager les choses. Tel est l’enjeu du débat sur l’ajout de l’article 1er A, qui ne concerne nullement les droits du Parlement.

Donc, ne noyez pas le poisson, assumez votre choix politique et nous voterons sur cette question !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Cette façon d’aborder le débat, en fixant des quotas, me semble tout à fait symptomatique de la façon dont les choses se déroulent en ce moment.

Je crains que les quotas, qui sont peut-être de nature à rassurer, ne soient, en réalité, dictés par la peur. Or il faut reconnaître que la peur n’est jamais bonne conseillère. Elle conduit parfois à des renoncements et parfois à des reniements.

Je ne voudrais pas faire de procès d’intention, mais la façon dont a été gérée la problématique de l’accueil de l’Aquarius me paraît avoir été dictée tout simplement par la peur de la réaction de la partie la plus extrémiste de notre population. Cette gestion conduit, d’une certaine façon, à renier la perception que l’on a de la France à l’étranger, voire à celle qu’elle doit avoir d’elle-même, c’est-à-dire un pays ouvert sur l’extérieur.

Je rejoins ce qui a été dit. Inscrire en tête de la loi un tel article, qui fixe des quotas, ne me semble pas de nature à susciter une certaine forme d’enthousiasme !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 rectifié et 502.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 131 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 135
Contre 208

Le Sénat n’a pas adopté.

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 177 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Rédiger ainsi ces alinéas:

« Art. L. 111-10. – Chaque année, avant le 30 juin, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d’asile, d’immigration et d’intégration.

« Ce rapport indique et commente les données quantitatives relatives aux cinq années précédentes, à savoir :

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise plusieurs objectifs. D’abord, il supprime la mention selon laquelle le rapport du Gouvernement peut faire l’objet d’un débat annuel au Parlement. Cela a été dit, il est évident que ce n’est pas la peine de l’inscrire dans la loi. Ensuite, il précise la date de remise de ce rapport. Enfin, il ajoute les orientations pluriannuelles de la politique d’asile, d’immigration et d’intégration afin que le rapport demandé soit complet.

M. le président. L’amendement n° 153 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

peuvent faire

par le mot :

font

La parole est à M. Sébastien Meurant.

M. Sébastien Meurant. Il s’agit juste de remplacer les mots « peuvent faire » par « font ». L’objectif est de faire en sorte que, dans cette matière essentielle, le Gouvernement fasse les choses !

M. le président. L’amendement n° 167, présenté par Mmes Di Folco, Berthet, Deromedi et Eustache-Brinio, MM. Frassa, Karoutchi et Meurant, Mme Morhet-Richaud, M. Morisset, Mme Puissat et MM. Revet et H. Leroy, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

Gouvernement

insérer les mots :

, rendu avant le 1er juin de chaque année,

La parole est à Mme Catherine Di Folco.

Mme Catherine Di Folco. La commission des lois a prévu l’organisation d’un débat annuel sur la politique migratoire et la remise, au préalable, d’un rapport sur la situation des étrangers en France.

Le Gouvernement publie déjà un tel rapport, mais il le fait, la plupart du temps, avec un certain retard. Le rapport actuellement disponible a été publié en février 2017 et il porte sur les données de 2015 !

Le manque de transparence des données relatives à l’asile et à l’immigration est plus que préoccupant.

En conséquence, il est proposé d’imposer au Gouvernement de rendre son rapport avant le 1er juin de chaque année.

À l’article 33 bis du projet de loi, l’Assemblée nationale avait prévu la remise d’un rapport avant le 1er octobre, date beaucoup trop tardive pour le prendre en compte lors de la préparation du projet de loi de finances.

M. le président. Les amendements nos 60 rectifié, 181 rectifié ter et 515 rectifié bis sont identiques.

L’amendement n° 60 rectifié est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Hassani, Karam, Patient et Dennemont.

L’amendement n° 181 rectifié ter est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 515 rectifié bis est présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Menonville, Vall et Gold.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, en métropole et dans les outre-mer

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié.

M. Thani Mohamed Soilihi. M. le rapporteur l’a précisé tout à l’heure, les outre-mer ont été les grands oubliés de ce projet de loi. Or, vous le savez, les outre-mer totalisent à eux seuls plus de la moitié des reconduites à la frontière menées depuis le territoire français.

Les chiffres contenus dans le rapport du Gouvernement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration sont destinés à éclairer le Parlement et à lui permettre de contrôler que les politiques migratoires conduites sont proportionnées à l’ampleur des entrées illégales dans notre pays.

Or, dans les départements de Mayotte et de Guyane, il est évident que la lutte contre l’immigration clandestine menée jusqu’à présent est loin d’être à la hauteur de l’ampleur des entrées irrégulières qui ont lieu quotidiennement dans ces territoires. À Mayotte, par exemple, 20 000 personnes sont renvoyées chaque année vers l’archipel comorien, alors que l’on dénombre 26 000 éloignements depuis la France en 2017.

Cet amendement vise à inclure dans ce rapport une information exhaustive sur les chiffres de l’outre-mer, spécialement de Mayotte et de la Guyane.

Par ailleurs, mais cela fera l’objet de discussions au sujet d’autres amendements, le dernier rapport gouvernemental consacré aux orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration porte sur les données de l’année 2015. Il me paraît, à ce titre, fondamental de prévoir que ce rapport soit rendu chaque année avant une date qui aura été jugée à la fois réaliste par le Gouvernement et satisfaisante pour la prise en compte de ces données lors de la préparation du projet de loi de finances.