M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement considère également que cet amendement est satisfait par l’alinéa 7 de l’article 4.

M. le président. Monsieur Decool, l’amendement n° 85 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Decool. Non, j’ai été convaincu et je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 85 est retiré.

L’amendement n° 156 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

deux

La parole est à M. Sébastien Meurant.

M. Sébastien Meurant. Dans le même esprit, nous considérons que devenir Français est soit une chance de la nature soit un honneur.

M. David Assouline. Ce n’est pas un honneur !

M. Sébastien Meurant. Il est donc inconcevable d’y prétendre en ayant été condamné par la justice. Nous considérons qu’avoir encouru une peine de plus de deux ans de prison devrait interdire d’être Français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement, qui tend à abaisser à deux ans le quantum des peines prises en compte dans le refus ou le retrait du statut de réfugié dans la seconde hypothèse de l’article L. 711-6 du CESEDA, lorsqu’il existe des motifs sérieux de sécurité publique.

Or cet article constitue la transposition en droit interne de l’article 14 de la directive Qualification, lequel impose de ne prendre en considération que des infractions d’une particulière gravité par leur nature et donc nécessairement punies d’une peine d’un quantum élevé.

Abaisser le quantum de la peine risquerait de conduire à méconnaître le sens et la portée de la directive et pourrait nous exposer, en cas de décisions de retrait ou de refus du statut sur ces motifs, à des annulations par le juge national pour non-respect de la directive ou à une procédure en manquement engagée par la Commission européenne.

Devant ce risque juridique important, je souhaite que vous retiriez cet amendement ; à défaut, je serais meurtri de devoir émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

M. Roger Karoutchi. Vous seriez meurtrie, également ? (Sourires.)

M. le président. Monsieur Meurant, l’amendement n° 156 rectifié est-il maintenu ?

M. Sébastien Meurant. Je ne sais pas si l’on se rend compte de ce que nous sommes en train de faire.

Le droit français est bafoué de toutes parts en matière d’immigration, le bien commun et l’intérêt général devraient nous conduire à fermer les portes grandes ouvertes, mais l’on entend sur les travées à droite…

M. Patrick Kanner. Nous sommes la gauche, la droite, c’est vous !

M. Sébastien Meurant. … des propos hors de la réalité !

Mme Éliane Assassi. Qui êtes-vous pour prétendre connaître seul la réalité ?

M. Sébastien Meurant. On pourra donc devenir Français, s’intégrer à la société française, en ayant été condamné.

Je considère que c’est très dommageable. Je vais suivre l’avis de la commission (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.), mais il faudrait vraiment que nous revoyions les choses de fond en comble et qu’ici, devant les statues de ces grands juristes, nous ne nous intéressions qu’à l’intérêt de la France et des Français. Aujourd’hui, en matière d’immigration, il me semble que nous en sommes loin !

M. Gilbert Bouchet. Bravo, vous avez raison !

M. Sébastien Meurant. Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 156 rectifié est retiré.

L’amendement n° 195 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 7

Remplacer les mots :

pour la société française

par les mots :

grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à rédiger de manière claire l’article 4, dans lequel il est fait référence à la notion curieuse de « menace grave pour la société française », laquelle n’existe pas juridiquement, sauf erreur de ma part.

En revanche, il existe la notion de « menace grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État », dont nous savons définir les contours. L’objet de cet amendement est donc de clarifier le texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis est défavorable. Le présent amendement vise à remplacer la notion de « menace pour la société française », par celle de « menace pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État », s’agissant de la seconde hypothèse permettant de refuser ou retirer le statut de réfugié en cas de motifs sérieux de sécurité.

Or cette définition correspond exactement au point b du paragraphe 4 de l’article 14 de la directive Qualification, que l’article L. 711-6 du CESEDA transpose.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

Ces termes sont effectivement la transposition de l’article 14.4 de la directive européenne dite « Qualification ». Il est souhaitable de faire coïncider au mieux le texte européen et le texte national et de ne pas « abaisser » la définition.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mais une menace grave pour la société, cela ne veut rien dire en droit français !

M. le président. Chers collègues, je vous remercie d’attendre d’avoir la parole, que je donne volontiers à qui la demande, pour intervenir dans le débat.

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je regrette fort de me trouver en désaccord avec, à la fois, le rapporteur et la ministre, ce qui fait beaucoup… J’ai en effet une autre appréciation de la manière dont on doit transposer une directive européenne.

Nous avons de multiples exemples malheureux du vocabulaire juridique hasardeux utilisé dans les directives, négociées entre les États membres dans des langues variées – le plus souvent en anglais – avec des traductions subséquentes. La notion de « menace pour la société française » ne correspond à aucun concept juridique français. Je ne vois donc pas, madame la ministre, ce qui s’opposerait à ce que nous lui substituions celle de « menace grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État ».

Je trouve dommageable que, à cause d’un vocabulaire défectueux d’une directive qui ne nous lie en aucune manière en droit, nous écrivions une loi française sur un sujet de cette importance dans un langage qui n’a aucune pertinence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Nous aurions été prêts à nous laisser convaincre par les avis donnés par le rapporteur et la ministre s’ils avaient été plus explicites…

Je m’interroge : qu’y a-t-il dans la notion « de menace pour la société » qui ne serait pas incluse dans celle de « menace grave pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État » ? Qu’est-ce que la société, indépendamment du fait que ce n’est pas un objet juridique ? S’agit-il de l’opinion, de la communauté que nous formons, des valeurs ? Toutes ces notions, subjectives, n’ont pas place dans un texte de loi. C’est pourquoi nous voterons l’amendement de Mme de la Gontrie.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Puisque nous allons passer au vote dans quelques instants, je souhaite ne pas banaliser ce qui se passe depuis tout à l’heure.

Au moment même où nous discutons de ce projet de loi – la ministre et le rapporteur ont souligné l’importance de nos débats –, le ministre de l’intérieur italien déclare : « Nous avons besoin d’une épuration de masse, rue par rue, quartier par quartier. »

Ce que nous faisons ici est donc important et va rester dans l’histoire du débat public de notre pays, car ce qui se passe en Europe et dans le monde est très grave et doit tous nous interpeller. Or les membres de la majorité sénatoriale, qui disent pourtant accorder de l’importance au sujet dont nous débattons, ne sont pas capables de mettre à l’honneur le Sénat en étant suffisamment nombreux dans l’hémicycle. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. Allez donc, faites du bruit !

Quant au groupe qui soutient le Gouvernement à l’origine de ce texte de loi, même s’il est ce qu’il est au Sénat, il compte seulement deux sénateurs présents. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Le bruit ne peut pas compenser l’absence ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

M. Xavier Iacovelli. Très bien !

M. David Assouline. Avant de voter, je veux donc souligner que nous devons prendre ce que nous faisons au sérieux. Nous parlons de vies humaines, d’attentes, de délais qui vont décider du destin d’un certain nombre d’êtres humains que nous voulons ou non accueillir dans notre pays. Il me semble que cela mérite vraiment (Les sénateurs du groupe Les Républicains marquent leur impatience et frappent sur leur pupitre pour indiquer que lorateur a épuisé son temps de parole.), et je veux conclure là-dessus,…

M. David Assouline. … que vous soyez présents dans l’hémicycle !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. J’admire, une fois de plus – ça fait beaucoup aujourd’hui (Sourires.) –, la capacité d’oubli de certains qui nous font la leçon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Ils semblent ne pas se rappeler le nombre de fois où le groupe socialiste, bien maigrement présent, a demandé des scrutins publics.

M. Xavier Iacovelli. C’était l’ancien monde !

M. Roger Karoutchi. Rassurez-vous, dans quelques jours, ce sera votre tour, et le président Kanner sera alors obligé de dire à ses troupes : « Vous n’étiez pas là, et j’ai été dans l’embarras. »

Franchement, ce genre de commentaire, qui pourra se retourner contre vous demain ou après-demain et sur n’importe quel texte, ne fait en rien avancer le débat sur l’immigration. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) C’est même indigne de notre assemblée.

Sur le fond, je dois dire qu’exceptionnellement je suis assez d’accord avec Alain Richard.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Et avec moi, cher collègue !

M. Roger Karoutchi. Je ne comprends pas bien la notion d’atteinte à la société française. Serait-il possible d’ajouter à la notion de « menace pour la société française » celle de « menace grave pour la sécurité publique » ? J’avoue ne pas être assez juriste pour répondre.

Quoi qu’il en soit, si la notion de « menace pour la société » renvoie très certainement à une réalité européenne fascinante, je ne sais pas ce qu’elle signifie pour les Français de base. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Pour être le plus clair possible, je vais vous donner lecture de l’article L. 711-6 du CESEDA, qui, je vous le rappelle, a été modifié par le Sénat en 2015 : « Le statut de réfugié peut être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque :

« 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’État ;

« 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société. »

Cet article est certes la transposition de la directive Qualification, mais nous n’en faisons pas un totem. Simplement, la rédaction adoptée par notre commission, qui est un peu plus large, est très complémentaire et précise clairement les choses. C’est pour cette raison que l’avis de la commission est défavorable à l’amendement n° 195 rectifié bis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 195 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 138 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 136
Contre 206

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 196 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces infractions s’apprécient au regard du droit national.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Le projet de loi vise à refuser le statut de réfugié à une personne condamnée dans un autre pays que la France pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme. Le CESEDA ne prévoyait jusqu’alors ce refus que dans le cas d’une condamnation en France.

Cet amendement tend à préciser que la notion de crime ou de délit constituant un acte de terrorisme s’apprécie au regard du droit national, car elle peut différer d’un pays à l’autre. Cette précision vaut aussi pour un État démocratique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission considère que l’amendement n° 196 rectifié bis est satisfait par le droit en vigueur.

Le présent amendement tend à préciser que l’appréciation des infractions prises en compte par les dispositions de l’article L. 711-6 du CESEDA pour retirer ou refuser le statut de réfugié en cas de motifs sérieux de sécurité s’effectue au regard du droit national.

Sachez que les infractions devront faire l’objet d’une double incrimination : dans le pays tiers et en France. Elles devront en outre être examinées à la lumière des principes du droit pénal français et des peines prévues, comme le Conseil constitutionnel l’a rappelé dans le considérant 23 de sa décision n° 2003-485.

Par ailleurs, le même principe prévaut s’agissant des pays membres de l’Union européenne en vertu de l’article 132-23-2 du code pénal.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement vise à préciser que les infractions s’apprécient au regard du droit français, ce qui n’apparaît pas utile. En effet, cette exigence est implicitement contenue dans la définition donnée à l’alinéa 7 de l’article 4.

En outre, l’examen auquel se livrera l’OFPRA avant la décision de rejet ou de retrait permettra de vérifier que ces conditions sont réunies.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 196 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Yves Leconte. Compte tenu des précisions et des assurances qui viennent d’être données, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 196 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 86, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … La personne concernée est inscrite au fichier de traitement des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste. » ;

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement tend à étendre le refus d’asile aux demandeurs inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.

Le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, publié en février dernier, compte environ 20 000 personnes selon Matignon, dont plus de la moitié est actuellement sous haute surveillance. À l’inverse des fameuses fiches S, qui recensent les personnes susceptibles de menacer la « sûreté de l’État » et dont les profils peuvent être très variés – des militants d’extrême gauche aux hooligans –, ce fichier recense exclusivement des individus radicalisés.

Mis à jour régulièrement, il permet d’orienter les perquisitions, notamment pendant les périodes d’état d’urgence. Ainsi, les personnes susceptibles de passer à l’acte sont surveillées par la Direction générale de la sécurité intérieure. Les suspects jugés « moins dangereux » sont pour leur part suivis par le Service central du renseignement territorial, tandis que la police judiciaire, les gendarmes et le service de renseignement parisien s’occupent de tous les autres.

Il est donc essentiel que ce fichier puisse servir dans l’évaluation d’un dossier de délivrance d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que l’inscription au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT, constituerait une troisième hypothèse permettant de refuser ou de retirer le statut de réfugié, au sens de l’article L. 711-6 du CESEDA.

Tout en comprenant parfaitement les intentions des auteurs de cet amendement, la commission considère qu’il est satisfait dans son esprit par les dispositions de l’article 4, qui permettent de procéder à des enquêtes administratives pour la mise en œuvre du refus ou du retrait du statut de réfugié pour des motifs sérieux de sécurité publique. Il s’agira d’ailleurs principalement pour l’OFPRA de demander aux services compétents d’effectuer ce qu’on appelle un criblage des individus concernés via la consultation des fichiers de police, de justice et de renseignement.

L’inscription d’un individu au sein de l’un de ces fichiers – le FSPRT ou le fichier S – sera donc bien prise en compte pour déterminer s’il constitue une menace pour la sécurité publique, la sûreté de l’État ou la société et si le statut de réfugié doit lui être refusé ou retiré.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement comprend la préoccupation exprimée par les auteurs de cet amendement, mais la seule inscription dans un fichier de renseignement ne saurait fonder une mesure de refus ou de retrait d’asile.

Il convient de rappeler que le FSPRT est un fichier administratif établi à partir de signalements et visant le recueil de renseignements sur des personnes dont certaines peuvent représenter une menace pour l’ordre public, d’autres non. Il ne peut donc fonder une décision de refus automatique, qui, en méconnaissant le principe de proportionnalité, serait contraire à la Constitution et au droit international.

Un retrait de cet amendement serait donc bienvenu.

M. le président. Monsieur Decool, l’amendement n° 86 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le rapporteur, vous avez dit que cet amendement était satisfait dans l’esprit. J’aurais préféré qu’il le soit dans la lettre… Néanmoins, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 86 est retiré.

L’amendement n° 197 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… À la première phrase de l’article L. 713-3, après le mot : « protection », sont insérés les mots : « effective et non temporaire » ;

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. L’article L. 713-3 du CESEDA permet de refuser une demande d’asile si la personne a accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine. Cet amendement vise à garantir qu’une protection ne pourra lui être refusée en France qu’à la condition que la protection dont elle peut bénéficier dans son pays d’origine soit effective et non temporaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le présent amendement vise à préciser la notion d’asile interne, qui permet de rejeter une demande d’asile lorsque la personne concernée peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine. Les auteurs de l’amendement proposent que ce refus ne puisse être opposé que si la protection dont bénéficie l’intéressé dans son pays d’origine est effective et non temporaire.

L’article L. 713-3 du CESEDA, qui transpose les termes de l’article 8 de la directive Qualification, dispose que la personne doit être en mesure de s’établir dans ledit pays, ce qui suppose bien que la protection soit effective et non pas temporaire.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les conditions de l’asile interne sont strictement définies et encadrées par l’article L. 713-3 du CESEDA, qui est la transposition de la directive du 13 décembre 2011.

Alors que le Gouvernement agit à l’échelle européenne pour harmoniser davantage les règles européennes en matière d’asile, la précision que l’amendement tend à apporter serait contraire à l’objectif poursuivi. Elle introduirait au mieux des confusions, au pire des contradictions avec les directives européennes.

En outre, l’OFPRA et la CNDA veillent à appliquer ce dispositif de manière très attentive en faveur de la protection des personnes.

Pour ces motifs, le Gouvernement émet un avis vraiment défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 197 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 36, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

… L’article L. 713-5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le statut de réfugié est refusé ou retiré en raison d’une condamnation intervenue dans un État membre de l’Union européenne, la décision étrangère traduite par un expert assermenté est versée au dossier du demandeur.

« Lorsque l’Office a connaissance d’une décision de condamnation intervenue dans un État membre de l’Union européenne, il en informe, sans délai, le demandeur et le cas échéant son conseil afin de recueillir ses observations. Les observations ainsi recueillies sont consignées dans le dossier du demandeur. »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement a pour objet de compléter l’article 4, qui prévoit la faculté pour l’OFPRA de refuser le statut de réfugié ou de mettre fin à ce statut en cas de condamnation pour faits graves.

Au même titre que les avocats du droit d’asile de l’association ELENA, nous jugeons le présent article incomplet.

Aujourd’hui, le refus ou le retrait du statut de réfugié en raison d’une condamnation intervenue dans un État membre de l’Union européenne existe déjà, et ce de manière plus ou moins informelle. Faute d’un encadrement juridique suffisant, les requérants du droit d’asile se voient parfois refuser leur dossier en raison d’une condamnation intervenue dans un pays européen, alors même qu’ils n’ont jamais eu connaissance d’une telle condamnation.

Cela n’étant pas acceptable, le présent amendement vise à pallier les faiblesses juridiques existantes en accordant les droits nécessaires à la défense, notamment en donnant la possibilité au demandeur d’être informé de cette condamnation. Il s’agit simplement de respecter les droits de la défense, parmi lesquels figure le principe du contradictoire. Pour garantir ce droit, il incombera aux autorités chargées de l’examen des demandes d’asile de faire procéder à la traduction du document relatant la condamnation par un expert assermenté.

Dans un État de droit, il apparaît fondamental que le demandeur et/ou son conseil soient avisés de l’existence de cette décision de condamnation et invités à formuler des observations la concernant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir une procédure contradictoire en cas de refus ou de retrait du statut de réfugié sur le fondement des dispositions de l’article L. 711-6 du CESEDA. Il est toutefois satisfait par les dispositions des articles L. 724-1 à L. 724-3 du même code, introduites par le Sénat en 2015.

Ces dispositions prévoient précisément que, lorsque l’OFPRA envisage de mettre fin à une protection, la personne concernée est en mesure de se défendre en lui présentant les motifs pour lesquels il n’y a pas lieu de lui retirer la protection internationale grâce à une procédure contradictoire. Ainsi, lorsque l’OFPRA informe par écrit la personne concernée des motifs de l’engagement de cette procédure, celle-ci peut présenter par écrit ses observations, et il peut être procédé à un entretien personnel.

Nous avions veillé en 2015 à ce que la procédure contradictoire soit parfaitement respectée. Cet amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.