M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, exactement pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées par le rapporteur. En effet, la loi répond déjà aux préoccupations exprimées au travers de ces deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote sur l’amendement n° 193 rectifié bis.

Mme Michelle Meunier. J’ai entendu les arguments du rapporteur, que j’ai du mal à partager. Personne ne m’a jamais demandé à quel groupe social j’appartiens. En revanche, je suis jugée par le seul fait d’être une femme, pas un homme. Les aspects liés au sexe entrent tout de suite en ligne de compte. Ce qui est valable pour les uns l’est aussi pour les autres. Je maintiens donc l’amendement. (M. Rachid Temal applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 193 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.) (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 4, et l’amendement n° 119 rectifié n’a plus d’objet.

Article additionnel avant l'article 4 - Amendement n° 119 rectifié
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Rappel au règlement

Article 4

I. – Le titre Ier du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° L’article L. 711-6 est ainsi modifié :

a) (nouveau) Au premier alinéa, les deux occurrences des mots : « peut être » sont remplacées par le mot : « est » ;

b) (nouveau) Au 1°, le mot : « grave » est remplacé par les mots : « pour la sécurité publique ou » ;

c) Au 2°, après le mot : « France », sont insérés les mots : « ou dans un État membre de l’Union européenne » et, après le mot : « terrorisme », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « , soit pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace pour la société française. » ;

d) (nouveau) Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :

« 3° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort dans un État tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d’État, des États démocratiques garantissant l’indépendance des juridictions répressives, soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme, soit pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace pour la société française. » ;

2° L’article L. 713-5 est complété par les mots : « ou d’un refus ou d’une fin de protection en application de l’article L. 711-6 du présent code ».

II. – Le titre Ier du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 611-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 611-13. – Les décisions administratives de délivrance, de renouvellement ou de retrait d’un titre ou d’une autorisation de séjour sur le fondement des articles L. 121-4, L. 122-1, L. 311-12, L. 313-3, L. 314-3 et L. 316-1-1 ou des stipulations équivalentes des conventions internationales, peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques intéressées n’est pas incompatible avec le maintien sur le territoire.

« Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements de données à caractère personnel relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification.

« Il peut également être procédé aux mêmes enquêtes pour l’application des articles L. 411-6, L. 711-6, L. 712-2 et L. 712-3 du présent code.

« Un décret détermine les modalités d’application du présent article. Il précise notamment les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de la consultation de traitements de données à caractère personnel. »

III. (nouveau) – Le titre Ier du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France est ainsi modifié :

1° L’article L. 711-4 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peut mettre » sont remplacés par le mot : « met » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « peut également mettre » sont remplacés par les mots : « met également » ;

2° L’article L. 712-2 est ainsi modifié :

a) Au d, le mot : « grave » est supprimé ;

b) L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le présent article s’applique également aux personnes qui sont les instigatrices ou les complices de ces crimes ou agissements ou qui y sont personnellement impliquées. » ;

c) Au dernier alinéa, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

3° L’article L. 712-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « peut mettre » sont remplacés par le mot : « met » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « peut également mettre » sont remplacés par les mots : « met également ».

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.

Mme Esther Benbassa. L’article 4 du projet de loi vise à étendre, dans deux séries d’hypothèses où il existe des motifs sérieux de sécurité, les possibilités pour l’Office français de protection des réfugiés et apatrides de refuser ou retirer le statut de réfugié. Il vise également à renforcer l’obligation faite à l’autorité judiciaire de communiquer à l’OFPRA toute information susceptible de justifier une telle décision et, en parallèle, à permettre de procéder à des enquêtes administratives pouvant conduire au refus ou au retrait d’un titre de séjour ou d’une protection internationale.

Ici encore, il est proposé de revenir sur les dispositions figurant à l’article L. 711-6 du CESEDA, dont la création remonte à moins de trois ans, et ce naturellement pour les durcir, notre commission des lois ayant même souhaité étendre le champ des comportements susceptibles de fonder un refus ou un retrait du statut de réfugié.

Des milliers de personnes meurent de vouloir rejoindre le continent européen. Le Parlement et l’exécutif préfèrent au fait d’assurer un accueil digne envoyer un message plutôt sécuritaire. Rien de surprenant peut-être, mes chers collègues, mais il y a quelque chose de terrifiant à voir des thèses et des idées insidieuses, habituellement réservées à l’extrême droite, aujourd’hui utilisées par presque tous les bords politiques.

Faire penser aux citoyens, qui pourraient être à raison choqués de voir comment la supposée patrie des droits humains traite les exilés, que, parmi ces derniers, se cachent sans doute des terroristes : voilà ce contre quoi nous nous battons.

Les procédures existent pour refuser ou retirer le statut de réfugié. C’est tout à fait légitime. Mais les durcir nous paraît pour le moins inutile et relever d’une vision uniquement sécuritaire et dissuasive de la question migratoire, vision qui me semble parfaitement vaine.

M. le président. L’amendement n° 517 rectifié, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mme Laborde et MM. Menonville, Vall et Gold, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Au 1° de l’article L. 711-6, le mot : « grave » est remplacé par les mots : « pour la sécurité publique ou » ;

2° Le titre Ier du livre VI est complété par un article L. 611-… ainsi rédigé :

« Art. L. 611- – Les décisions administratives de délivrance, de renouvellement ou de retrait d’un titre ou d’une autorisation de séjour sur le fondement des articles L. 121-4, L. 122-1, L. 311-12, L. 313-3, L. 314-3 et L. 316-1-1 ou des stipulations équivalentes des conventions internationales, peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques intéressées n’est pas incompatible avec le maintien sur le territoire.

« Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements de données à caractère personnel relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification.

« Il peut également être procédé aux mêmes enquêtes pour l’application des articles L. 411-6, L. 711-6, L. 712-2 et L. 712-3 du présent code.

« Un décret détermine les modalités d’application du présent article. Il précise notamment les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de la consultation de traitements de données à caractère personnel. »

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Pour des raisons évidentes, la lutte contre le terrorisme fait actuellement l’objet d’une préoccupation transversale et impacte un grand nombre de politiques publiques.

L’article 4, considérablement modifié en commission des lois, propose dans sa version actuelle de réduire substantiellement les marges d’appréciation de l’OFPRA et de le contraindre à retirer ou à rejeter systématiquement la protection à une personne condamnée à l’étranger pour terrorisme ou pour une infraction punie de plus de dix ans d’emprisonnement.

Si l’objectif recherché nous paraît légitime, la rédaction proposée par le rapporteur ne nous semble pas satisfaisante, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, l’article L. 711-6 du CESEDA offre déjà un fondement à l’OFPRA pour rejeter une demande d’asile ou y mettre fin, quand la présence de la personne sur le sol français représente une menace grave pour la sûreté de l’État ou lorsque celle-ci a déjà été condamnée pour un crime ou délit puni de plus de dix ans d’emprisonnement. L’automaticité ainsi introduite n’est pas souhaitable.

Ensuite, la nouvelle rédaction proposée tend à transformer le rôle assigné à l’OFPRA, en l’insérant dans le dispositif de lutte contre le terrorisme. Cela pourrait nuire à son indépendance, consacrée par l’article 7 de la loi sur l’asile de 2015, qui dispose en effet que l’Office « exerce en toute impartialité » ses missions « et ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction ». Il serait préférable de renforcer à cette fin le contrôle effectué en préfecture, où le personnel est plus familier des questions de sécurité et d’ordre public, et ce dès la phase initiale de la demande d’asile.

Enfin, la rédaction proposée est insatisfaisante, dès lors qu’elle renvoie à un décret en Conseil d’État la fixation d’une liste des États démocratiques garantissant l’indépendance des juridictions répressives soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme, soit pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement. Une telle qualification est éminemment politique, comme l’a montré la récente condamnation de Mélina Boughedir en Irak.

Cet amendement vise donc à modifier l’article L. 711-6 du CESEDA, afin d’élargir le fondement d’un rejet ou d’un retrait d’une protection à une personne représentant une menace, en conservant toutefois une marge d’appréciation pour l’OFPRA. Nous avons également eu le souci de conférer à cet office des moyens utiles dans son appréciation et souhaité maintenir la possibilité, pour les officiers de protection, de consulter certains fichiers administratifs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 517 rectifié, qui vise à réécrire l’intégralité de l’article 4. Y est notamment proposé de supprimer la prise en compte d’une condamnation dans un État de l’Union européenne ou dans un État tiers pour le refus ou le retrait du statut de réfugié, ce qui pose tout de même une difficulté assez sérieuse.

L’amendement tend également à supprimer plusieurs autres apports de la commission, notamment sur la compétence liée de l’OFPRA pour le retrait de la protection subsidiaire. Lorsque l’OFPRA, après analyse de l’ensemble des faits dont il est saisi, décide que la protection ne peut pas être accordée, il en découle qu’il a évidemment non plus la faculté, mais l’obligation de refuser le statut en la circonstance.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable. La loi actuelle transpose exactement la directive sans qu’il soit nécessaire, au regard du droit européen, d’y ajouter d’autres éléments.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 517 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mes chers collègues, j’entends vos protestations, mais je vous rappelle que toute demande de scrutin public dûment remplie ne peut qu’être acceptée.

Mme Éliane Assassi. Nous protestons contre les raisons sous-tendant la demande de scrutin public !

M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 136 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 99
Contre 243

Le Sénat n’a pas adopté.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons consulté l’article 29 ter du règlement de notre assemblée, relatif à l’organisation des débats. Nous risquons de perdre des heures à enchaîner les scrutins publics et nous avons donc réfléchi à la situation.

J’ai demandé à mes collègues du groupe socialiste et républicain de bien vouloir quitter l’hémicycle pour que vous puissiez être majoritaire, chers collègues de la majorité (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais ils refusent de le faire.

Nous pouvons retarder les échéances, parce que, malheureusement pour vous, vous n’avez pas réussi à mobiliser autant que vous l’auriez souhaité sur un texte aussi important.

Article 4
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article 5 (début)

M. Roger Karoutchi. Cela vous arrivera bien assez tôt !

M. Patrick Kanner. Nous avons estimé, pour ce qui nous concerne, que ce texte méritait la mobilisation de notre groupe.

M. Roger Karoutchi. Nous sommes admiratifs !

M. Patrick Kanner. Nous constatons toutefois une forme de blocage dans la fluidité de nos débats.

En conséquence, monsieur le président, je sollicite de votre part une suspension de séance, afin que nos collègues puissent remplir leurs travées et retrouver leur rang de majorité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Mon cher collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement.

Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants afin d’observer l’évolution de la situation.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la première phrase de l’article L. 711-1, après le mot : « liberté », sont insérés les mots : « et de l’égalité » ;

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent amendement vise à modifier l’article L. 711-1 du CESEDA, qui dispose que « la qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ».

Nous souhaitons préciser que les militants en faveur de l’égalité devraient également se voir attribuer le statut de réfugié, lorsque leur lutte politique engendre une persécution dans leurs pays d’origine.

Valeur cardinale, fondatrice et inaliénable de notre République, l’égalité ne saurait être ignorée dans l’attribution du statut de réfugié. Il y va du respect de nos valeurs comme du droit international et européen.

En effet, tant la convention de Genève que la directive 2011/95 de l’Union européenne traitant des conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour bénéficier de la protection internationale ou subsidiaire considèrent que l’opinion politique et donc, de ce fait, la lutte pour les droits civiques et pour l’égalité légitiment une demande de droit d’asile et l’octroi du statut de réfugié, afin de mettre les militants politiques à l’abri des persécutions qu’ils pourraient subir dans leurs pays d’origine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le présent amendement vise à modifier l’article L. 711-1 du CESEDA qui dispose que la qualité de réfugié est accordée à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté, en ajoutant qu’elle l’est également si son action est en faveur de l’égalité.

Il s’agit ici de modifier l’asile constitutionnel prévu à l’article 53-1 de la Constitution selon lequel « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ».

Cette rédaction me semble suffisamment large et l’amendement satisfait par le droit en vigueur.

Je vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?

Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.

L’amendement n° 194 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à revenir à la rédaction actuelle du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui a été modifiée par la commission.

Le CESEDA dispose aujourd’hui que : « Le statut de réfugié peut être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque :

« 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’État ;

« 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société. »

La commission propose de remplacer « peut » par « est ». Elle considère donc que l’OFPRA doit dans tous les cas, une fois qu’il aura constaté les faits indiqués, refuser la protection.

Nous pensons au contraire qu’il est important de défendre la marge de manœuvre de l’OFPRA en la matière et de lui faire confiance. Sa décision pourra, dans tous les cas, être contestée devant la CNDA.

Il nous semble donc aberrant de privilégier une situation dans laquelle on refuserait à l’OFPRA toute marge de manœuvre alors que la personne qui recevrait une réponse obligatoirement négative en raison de la loi pourrait contester cette décision devant la CNDA.

Outre le manque de confiance que cela dénote envers l’OFPRA, une telle mesure conduirait à encombrer la CNDA, dont je rappelle qu’elle est un des points chauds du dispositif aujourd’hui, et qu’elle a besoin de moyens pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions.

Cela ne sert à rien, mieux vaut faire confiance à l’OFPRA et lui laisser une marge de manœuvre. C’est la raison pour laquelle nous proposons de maintenir la rédaction actuelle du CESEDA sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement qui tend à supprimer la compétence liée de l’OFPRA pour prononcer le refus ou le retrait du statut de réfugié en application de l’article L. 711-6 du CESEDA.

Il s’agit de distinguer la qualification des faits, pour laquelle l’OFPRA a toute latitude dans le cadre de l’instruction des dossiers – sous le contrôle du juge – et la conséquence de cette qualification, qui doit lier l’autorité administrative.

L’OFPRA doit ainsi apprécier, premièrement, si le demandeur constitue une menace pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État – c’est donc bien l’OFPRA qui qualifie les faits –, ou, deuxièmement, si le demandeur a été condamné pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, si sa présence constitue une menace pour la société française.

Les deux conditions sont cumulatives, l’étranger devant nécessairement avoir été condamné définitivement et, de surcroît, constituer une menace grave pour la société.

Il n’y a donc aucun caractère d’automaticité en présence d’une condamnation pour les infractions mentionnées au 2° de l’article L. 711-6 du CESEDA.

Dès lors que l’OFPRA a qualifié les faits, il n’y a aucune raison qu’il n’en tire pas les conséquences. C’est le sens de la position que la commission a adoptée sur la question de la compétence liée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Après avoir entendu ces deux exposés, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 194 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 137 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 114
Contre 228

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 85, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

ou dans un État membre de l’Union européenne

par les mots :

, dans un État membre de l’Union européenne, dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou au sein de la Confédération suisse

La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement vise à permettre de refuser le statut de réfugié à un demandeur ayant fait l’objet d’une condamnation pour terrorisme en France, dans tout autre État membre de l’Union européenne, partie de l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse.

L’actuelle rédaction de l’article 4 du projet de loi protège notre pays contre les demandeurs d’asile condamnés pour terrorisme dans un autre État membre de l’Union européenne, mais ne dit rien des autres pays européens.

L’Islande, la Norvège, le Liechtenstein ou la Confédération suisse ne sont pas mentionnés dans cet article, alors qu’ils ont noué des partenariats étroits avec l’Union européenne, y compris sur les questions d’asile et d’immigration.

Le cas futur du Royaume-Uni est tout aussi important, car, en quittant l’Union européenne, il ne sera plus concerné par l’article L. 711-6 du CESEDA.

Il convient donc d’harmoniser la rédaction de cet article en interdisant le statut de réfugié aux demandeurs ayant fait l’objet d’une condamnation en France, dans un État membre de l’Union européenne, dans un État membre de l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, qu’elle considère comme satisfait par la rédaction de l’article 4 issue de ses travaux.

Cet amendement tend à étendre le champ des condamnations prises en compte pour le refus ou le retrait du statut de réfugié, à celles prononcées dans un État de l’Espace économique européen ou au sein de la Confédération helvétique.

Il est satisfait par l’alinéa 7 de l’article 4, qui prévoit que sont prises en compte les condamnations prononcées en dernier ressort dans des États tiers, démocratiques et garantissant l’indépendance des juridictions répressives, dont la liste serait fixée par décret en Conseil d’État.

Cette disposition permettrait par exemple d’écarter du droit d’asile une personne condamnée pour un crime ou un acte de terrorisme par les juridictions des États-Unis ou du Canada, mais aussi de la Confédération helvétique, par exemple.

Je vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut l’avis serait défavorable.