Mme Gisèle Jourda. M. le rapporteur a affirmé que ce type d’amendement ayant pour objet la langue n’était pas recevable ou était satisfait.

Mes chers collègues, pour avoir rencontré des demandeurs d’asile dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, je puis vous garantir que la langue est un obstacle. Comprendre est une chose, mais se faire comprendre en est une autre. Cet amendement vise donc à apporter un complément pour consolider le régime linguistique dans lequel va s’exercer la procédure devant l’OFPRA et la CNDA.

Le projet de loi prévoit la détermination du choix de la langue au stade de l’enregistrement de la demande d’asile. Dans le cadre de l’instruction de la demande d’asile devant l’OFPRA et la CNDA, le demandeur d’asile n’est pas seulement informé de ses droits : il a vocation à faire valoir les arguments au soutien de sa demande par l’exposé des persécutions subies, de son histoire et de son parcours migratoire. Il importe donc qu’il comprenne les informations qui lui sont communiquées, mais aussi qu’il puisse se faire comprendre.

M. le président. L’amendement n° 226 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7, cinquième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Gisèle Jourda.

Mme Gisèle Jourda. L’alinéa 7, que cet amendement vise à supprimer, revient à considérer qu’il est possible qu’un demandeur d’asile puisse être entendu dans une « mauvaise » langue au cours de son entretien à l’OFPRA. Eu égard à l’importance que revêt l’entretien devant l’Office, il n’y a pas lieu d’empêcher un demandeur d’asile de bonne foi de solliciter que la procédure s’opère dans la langue de son choix.

Le texte prévoit que le changement de langue est possible à tout instant s’il s’agit de procéder à l’entretien en français. Rien ne justifie, hormis des questions d’organisation interne à l’Office, que ce principe ne s’applique pas à tout changement de langue, de telle sorte que l’intéressé puisse s’exprimer au mieux et défendre son dossier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je confirme ce que j’ai dit tout à l’heure : l’avis de la commission est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Nous avons déjà largement évoqué le problème. J’émets le même avis défavorable que M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. L’heure avance, et nous souhaitons tous aller plus vite. Néanmoins, il n’est pas possible de balayer l’ensemble de ces amendements d’un revers de main ! La question de la langue, c’est-à-dire de la compréhension par le demandeur d’asile des questions qui lui sont posées, mais aussi de sa capacité à exprimer son récit, est au cœur de la démarche. Si l’usage de la langue qu’il maîtrise le mieux ne lui est pas garanti, c’est l’équilibre de la procédure qui s’en trouve faussée.

Toutes les associations que nous avons rencontrées ces dernières semaines nous disent que les demandeurs rencontrent d’énormes difficultés pour s’exprimer et se faire comprendre. C’est la raison pour laquelle ces amendements sont extrêmement importants.

Lorsqu’il arrive, un demandeur peut, parce que l’on le lui a suggéré, dire qu’il va déposer sa demande dans telle langue ; mais, chemin faisant, considérant qu’il ne la maîtrise pas suffisamment, il peut vouloir en changer. Il ne pourra pas le faire si nous n’adoptons pas ces amendements, et il y aura un déséquilibre dans la procédure.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 559 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 352 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 225 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 226 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 524 rectifié bis, présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Les qualifications requises à l’assermentation des interprètes auprès de l’Office de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d’asile sont fixées par décret.

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Au cours des visites et des auditions que nous avons menées en préparation de l’examen de ce projet de loi, nous avons pris conscience de l’importance du rôle des interprètes auprès de l’OFPRA et de la CNDA. De leur capacité à restituer le plus fidèlement possible le récit du demandeur d’asile dépend en grande partie la décision rendue.

Nous avons été ainsi frappés de constater que, actuellement, le niveau de qualification attendu pour exercer en tant qu’interprète auprès de ces instances est fixé par l’OFPRA et la CNDA eux-mêmes. Il s’agit essentiellement d’interprètes travaillant en freelance.

Compte tenu des évolutions géopolitiques structurelles observables, il serait pertinent de réfléchir à la création d’un corps d’interprètes spécialisés, qui disposerait également d’une formation géopolitique et juridique adaptée à cette mission bien particulière.

Dans l’attente d’une telle évolution, il est proposé que le niveau de qualifications requis pour exercer cette fonction soit fixé par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission était favorable à cette disposition, sous réserve d’une modification. Celle-ci ayant été réalisée, elle émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Aujourd’hui, les interprètes qui interviennent à l’OFPRA et à la CNDA ne sont pas salariés : ils viennent de cabinets d’interprétariat titulaires de marchés publics conclus par l’OFPRA et la CNDA pour réaliser les traductions nécessaires lors des entretiens.

Dans le cadre de ces marchés, les interprètes doivent satisfaire aux conditions suivantes : premièrement, posséder les diplômes universitaires requis ; deuxièmement, avoir une expérience préalable en traduction ou en interprétariat ; troisièmement, maîtriser le français et une ou plusieurs langues parlées dans les pays d’origine des demandeurs d’asile ; quatrièmement, acquérir des connaissances géopolitiques, administratives et juridiques sur les pays d’origine concernés.

De plus, les interprètes sont soumis à des règles déontologiques d’impartialité, d’indépendance, de confidentialité et de stricte neutralité. Je pense que cela peut suffire. Il n’y a pas nul besoin d’un tel amendement !

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Je comprends les arguments de M. le ministre d’État. Certes, un exemple n’est pas une généralité, mais j’ai assisté à une audition où dès, le départ, on nous a laissé entendre que la traduction serait approximative, car il s’agissait d’un Pakistanais parlant le pachtoune.

Or, le dialecte pachtoune n’étant pas le même d’une contrée à l’autre, l’interprète a dû s’y prendre à plusieurs reprises pour poser ses questions. Une formation géopolitique, notamment, peut ne pas être superflue. En tout cas nous nous en tiendrons donc à l’avis favorable de la commission, d’autant que de tels avis ne sont pas si fréquents ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 524 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article additionnel après l'article 7 - Amendement n° 127 rectifié bis

Articles additionnels après l’article 7

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 400, présenté par Mme C. Fournier, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 742-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « qu’il comprend ou » sont remplacés par les mots : « officielle de son pays d’origine ou toute autre langue officielle, ».

La parole est à Mme Catherine Fournier.

Mme Catherine Fournier. Le présent amendement a pour objet d’inscrire dans la loi la possibilité de poursuivre la procédure de demande d’asile sans se limiter à la langue que la personne déclare comprendre.

Je me permets d’attirer votre attention sur une situation qui a une incidence large, celle du Calaisis.

En l’état actuel des textes, tant les forces de sécurité que les officiers de police judiciaire se heurtent à une carence importante en interprètes agréés. Cette déficience, voire cette absence totale d’interprètes, se rencontre notamment pour le kunama, dialecte revendiqué par des migrants de la Corne de l’Afrique – Érythréens ou Éthiopiens –, l’oromo, le woilotte, le tigrinya, l’amharique ou encore le konso. Le continent africain compte à lui seul quelque 2 000 langues !

C’est une insuffisance avérée, constatée, qui porte préjudice à l’État de droit et aux droits de l’individu. Les procédures de notification des droits dans le cadre d’une garde à vue, d’audiences ou d’auditions sont rendues difficiles, voire impossibles ; de fait, elles sont ralenties et coûteuses. Les procédures s’interrompent. Ce sont des personnes que l’on remet à la rue, sans autre forme de procès et sans suivi.

Dans un souci d’amélioration substantielle et d’efficacité des agents de l’État chargés du traitement des dossiers, il m’apparaît cohérent et pondéré d’adopter cet amendement.

Article additionnel après l'article 7 - Amendement n° 400
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article 7 bis (supprimé)

M. le président. L’amendement n° 227 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 742-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend » sont supprimés.

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à assurer au demandeur faisant l’objet d’une procédure « Dublin » qu’il sera informé de ses droits et obligations dans une langue qu’il comprend.

Le dernier alinéa de l’article L. 742-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé : « Cette décision est notifiée à l’intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours, ainsi que le droit d’avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l’intéressé n’est pas assisté d’un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend. »

C’est la raison pour laquelle nous proposons donc de supprimer les mots : « Ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend ». Moi qui m’appelle Iacovelli, par exemple, je ne parle pas forcément italien… J’estime donc que, pour ceux qui arrivent en France, une langue latine ne doit pas forcément être la langue officielle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le présent amendement tend à prévoir que la notification d’une décision de transfert dans le cadre de la procédure Dublin se fait dans la langue officielle du pays d’origine de l’individu ou dans toute autre langue officielle. Cette rédaction a semblé très restrictive à la commission des lois et, comme je l’ai dit à ses auteurs, non conforme au droit de l’Union européenne.

Même si je comprends la situation calaisienne – je me suis rendu plusieurs fois sur place –, je ne puis donner un avis favorable. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 227 rectifié bis, qui vise le même sujet, à savoir la langue utilisée dans les procédures officielles, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Je comprends ce qui a inspiré ces amendements. J’ai évoqué précédemment les langues tigrinya et konso : des personnes qui se trouvent aujourd’hui dans le Pas-de-Calais disent au dernier moment qu’elles ne peuvent pas être entendues, parce qu’elles parlent ces langues extrêmement rares.

C’est la raison pour laquelle nous avons fait référence dans le texte à toute langue permettant de dérouler des procédures dans le respect du droit européen. Même si nous sommes sensibles aux préoccupations exprimées, je demande donc le retrait de l’amendement n° 400,

En ce qui concerne l’amendement n° 227 rectifié bis, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.

M. le président. Madame Fournier, l’amendement n° 400 est-il maintenu ?

Mme Catherine Fournier. Avant de prendre ma décision, je voudrais vous apporter un nouveau témoignage : le 26 mai dernier, sur le parking d’un supermarché calaisien, trois policiers en patrouille ont été agressés par une quinzaine de migrants. Au cours des heurts, une policière a été violemment frappée, ce qui lui a valu six jours d’incapacité totale de travail.

Bien qu’ils aient fui, quatre migrants ont finalement été interpellés et placés en garde à vue. Celui qui était suspecté d’avoir porté les coups contre la jeune femme a gardé le silence lors de son audition. Les fonctionnaires de police parviendront tout de même à connaître sa langue : il s’agit du konso, un dialecte parlé par 300 personnes en Érythrée. En dépit d’une vidéo de l’agression transmise au tribunal, les policiers ont dû relâcher le migrant, en raison de l’absence d’interprète agréé au tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer.

Voilà ce qui a motivé mon intervention et cet amendement. Je voulais simplement dire que, à un moment, il faudra tout de même que nous prenions, les uns et les autres, nos responsabilités, avec pondération, mais aussi avec réalisme. Il y a chez nous une population qui se sent discriminée par rapport à l’application du droit. C’est ce qui est dangereux et c’est ce qui a motivé cet amendement. Je voulais vous lancer à toutes et tous une alerte. Il faudra, un jour, trancher ce problème, car nous ne pourrons pas continuer comme cela.

En proposant que l’on retienne dans le texte la langue officielle du pays d’origine – ou les langues officielles, car il y en a parfois plusieurs –, ou toute autre langue officielle, j’estimais qu’il s’agissait, sur le plan administratif, d’une solution assez large. Mais je ne veux pas polémiquer. Mon propos est de défendre les intérêts des uns et des autres, en essayant d’avoir un jugement pondéré, dont je souhaite qu’il soit un jour partagé.

Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. L’amendement n° 400 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 227 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, il est minuit passé. Je vous propose de prolonger la séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Article additionnel après l'article 7 - Amendement n° 127 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article 8 (Texte non modifié par la commission) (début)

Article 7 bis

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 121 est présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 228 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 525 rectifié est présenté par M. Arnell, Mmes Costes, M. Carrère et N. Delattre, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au premier alinéa du I de l’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « quinze ».

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 121.

Mme Esther Benbassa. Mes chers collègues, vous ne pouvez que le constater, ce projet de loi est totalement déséquilibré.

Les bonnes nouvelles étaient si rares dans le texte transmis au Sénat qu’il est navrant de constater que la commission des lois a fait le choix non seulement de durcir ledit texte, mais également choisi d’en supprimer les quelques avancées acquises en première lecture à l’Assemblée nationale. C’était le cas notamment de l’article 7 bis, qui proposait la suppression d’une disposition de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen.

Cette loi dite « Warsmann », à laquelle notre groupe s’est opposé il y a quelques mois, fixait à sept jours le délai de contestation devant le juge administratif d’une décision de transfert vers un autre État membre de l’Union européenne d’un étranger faisant l’objet d’une procédure Dublin.

Le présent amendement tend à augmenter ledit délai pour formuler la contestation et à le rétablir à quinze jours, soit le délai qui était appliqué antérieurement à la loi du 20 mars 2018.

Sans être révolutionnaire, cet article allait dans le bon sens. Nous demandons donc qu’il soit réintroduit dans le projet de loi sous sa forme initiale.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 228 rectifié bis.

M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à rétablir à quinze jours le délai de contestation devant le juge administratif d’une décision de transfert vers un autre État membre de l’Union européenne d’un étranger faisant l’objet d’une procédure Dublin.

La réduction de ce délai à sept jours, opérée par le Sénat en première lecture de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d’asile européen, est sans fondement.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 525 rectifié.

M. Guillaume Arnell. Cet amendement vise à allonger les délais de recours pour les demandeurs d’asile concernés par une procédure dite « Dublin ». L’objectif qui le sous-tend est de souligner le caractère très dérogatoire des dispositions applicables aux étrangers en France, en particulier s’agissant des délais de recours. Il convient notamment de rappeler que, en droit administratif, le délai de recours de droit commun est de deux mois.

Pour remettre les choses en perspective, je voudrais rappeler qu’un automobiliste, même de mauvaise foi, dispose de deux mois pour contester un retrait de points de permis de conduire. De la même manière, un voisin, même mal intentionné, dispose d’un délai de deux mois pour contester un permis de construire.

Dans le droit parallèle des étrangers en France, les demandeurs d’asile visés par une procédure Dublin, même s’ils sont de bonne foi, disposent seulement de sept jours pour contester devant le juge administratif une décision de transfert vers un autre État membre de l’Union européenne, alors même que les fondements du règlement de Dublin sont aujourd’hui largement contestés.

Le présent amendement vise simplement le doublement de ce délai à quinze jours, ce qui reste une durée particulièrement dérogatoire, conformément à l’engagement pris par les députés de La République En Marche lors de l’adoption conforme de la loi Warsmann. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je ne comprends pas ! Nous avons adopté il y a trois mois des dispositions, que l’Assemblée nationale a votées voilà deux mois. Elles sont entrées en vigueur. Le Conseil constitutionnel a rendu une décision : ces dispositions sont conformes à la Constitution. Elles permettent de retenir en France un demandeur d’asile qui a commencé une procédure dans un autre pays de l’Union européenne, le temps nécessaire à ce que la procédure soit mise en état.

Pendant ce délai, si le demandeur est de mauvaise foi, par exemple s’il refuse que l’on lui prenne une empreinte digitale, ou bien s’il est établi qu’il a menti sur son parcours migratoire, alors il peut être mis en rétention. Il dispose, par ailleurs, d’un délai de sept jours pour faire un recours.

Tout cela a été accepté unanimement par chacune des deux assemblées. Pourquoi y reviendrait-on maintenant ? Honnêtement, il y a une incohérence, de la part de l’Assemblée nationale, à ne pas avoir conservé la disposition qu’elle a votée il y a trois mois, et aussi de la part du Gouvernement, à ne pas avoir maintenu la position qu’il défendait voilà quelques semaines. On peut s’interroger sur la continuité de la politique migratoire quand elle oscille à ce point dans un délai aussi court !

L’avis de la commission ne peut donc qu’être défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Afin de favoriser les débats en commission mixte paritaire, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 121, 228 rectifié bis et 525 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 7 bis demeure supprimé.

Article 7 bis (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article 8 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)

Article 8

(Non modifié)

Le chapitre III du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Après le mot : « formé », la fin de la première phrase de l’article L. 743-1 est ainsi rédigée : « dans le délai prévu à l’article L. 731-2 contre une décision de rejet de l’office, soit jusqu’à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d’asile, soit, s’il est statué par ordonnance, jusqu’à la date de la notification de celle-ci. » ;

2° L’article L. 743-2 est ainsi modifié :

a) Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis Sans préjudice du 4° du présent article, l’office a pris une décision d’irrecevabilité en application du 3° de l’article L. 723-11 ; »

b) Après le 6°, sont insérés des 7° et 8° ainsi rédigés :

« 7° L’office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l’article L. 723-2 ;

« 8° L’office a pris une décision de rejet ou d’irrecevabilité dans les conditions prévues à l’article L. 571-4. » ;

3° L’article L. 743-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l’article L. 743-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l’article L. 512-1 contre l’obligation de quitter le territoire français de suspendre l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à l’expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu’à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s’il est statué par ordonnance, jusqu’à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l’étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d’asile, son maintien sur le territoire durant l’examen de son recours par la cour. » ;

4° L’article L. 743-4 est ainsi modifié :

a) La référence : « L. 743-2 » est remplacée par la référence : « L. 571-4 » ;

b) Après le mot : « exécution », la fin est ainsi rédigée : « tant que l’étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2. » ;

c) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire français a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l’article L. 743-2, l’étranger qui fait l’objet, postérieurement à la décision de rejet de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, d’une assignation à résidence ou d’un placement en rétention administrative dans les conditions prévues au livre V, en vue de l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français notifiée antérieurement à la décision de l’office et qui n’est plus susceptible d’un recours devant la juridiction administrative, peut, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision prononçant son placement en rétention administrative ou son assignation à résidence, demander au président du tribunal administratif de suspendre l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à l’expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu’à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s’il est statué par ordonnance, jusqu’à la date de notification de celle-ci. La mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution pendant ce délai de quarante-huit heures ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative ait statué. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue dans les conditions prévues au III de l’article L. 512-1 du présent code. Il fait droit à la demande de l’étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d’asile, son maintien sur le territoire durant l’examen de son recours par la cour.

« La suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement met fin à l’assignation à résidence ou à la rétention administrative de l’étranger, sauf lorsque l’office a pris une décision de rejet dans le cas prévu au 5° du III de l’article L. 723-2.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du deuxième alinéa du présent article. Il précise les modalités de prise en compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile et, le cas échéant, de ses besoins particuliers. »