M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vais pas répéter ce que j’ai dit ce matin sur le fait qu’il était nécessaire que les missions de cette agence s’exercent à l’échelon régional, puisque c’est là que s’articulent bon nombre de politiques, notamment les volets territoriaux des contrats de plan État-régions, les programmes régionaux pour les fonds européens, les schémas régionaux de développement durable, etc. Il faut véritablement introduire une dimension régionale et territoriale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que l’agence s’appuie sur les préfets de région dans la conduite de ses missions. Le rapport de préfiguration de la future agence nationale de la cohésion des territoires du préfet Morvan évoquait, en effet, l’importance du préfet de région comme échelon de régulation et de mobilisation.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a souhaité maintenir, à l’article 5, la référence au département comme échelle première d’action de l’agence, dans un objectif de proximité : l’échelle départementale me semble la mieux calibrée pour répondre aux besoins des territoires, en particulier ruraux et périurbains.

Pour vous répondre sur le fond, monsieur le sénateur, je relève que le décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements prévoit que le représentant de l’État dans la région a autorité sur les préfets de département. Dès lors, les préfets de région pourront tout à fait remplir le rôle que leur assigne le rapport de M. Morvan, sans qu’il faille nécessairement le préciser dans la loi.

Au-delà, j’attire votre attention sur la modification apportée à l’article 5 par la commission visant à préciser que le préfet de département devra tenir compte des décisions prises entre collectivités territoriales à l’échelle régionale au sein de la conférence territoriale de l’action publique, qui, elle, est bien régionale.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement entend la préoccupation exprimée par les auteurs de cet amendement quant au rôle et à la place de la région vis-à-vis de l’ANCT. En la matière, le Gouvernement tient à vous rassurer sur le fait que les régions ne sont absolument pas exclues de l’ANCT : elles ont au contraire pleinement leur rôle à jouer dans ce domaine, notamment au regard de leurs compétences en matière d’aménagement du territoire. Toutefois, on imagine mal l’échelon régional faire appel à l’agence.

Si j’ai bien compris, votre question porte sur la coordination de l’ANCT avec les régions, qui disposent d’une compétence en matière d’aménagement.

Il est évident que l’ANCT n’interviendra qu’en partenariat avec les régions, dont elle respectera les compétences. Je l’affirme clairement : le Gouvernement n’exclura aucune collectivité. Au contraire, il souhaite s’appuyer sur les compétences de chacune d’elles, les régions comme les départements d’ailleurs, car les projets des territoires ne pourront se réaliser qu’en s’appuyant sur la complémentarité entre les collectivités et l’État.

Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit. Je rappellerai simplement que nous avons signé hier soir un pacte d’action avec les départements du Nord et de l’Aisne et la région, lequel sera coordonné par le délégué départemental, à savoir le préfet. Comme l’a dit M. le rapporteur, nous préférons, pour des raisons de proximité, que la porte d’entrée soit le département, mais nous n’excluons pas pour autant le préfet de région. De même, nous ne touchons pas aux compétences des régions.

Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Darnaud, l’amendement n° 55 rectifié est-il maintenu ?

M. Mathieu Darnaud. Je vais le retirer, monsieur le président. Je précise juste qu’il s’agit d’améliorer la coordination, laquelle ne va pas toujours de soi. La liste des dysfonctionnements en la matière est longue. Il me semble donc que le portage des politiques régionales nécessite l’implication de la région et de ses agents.

Je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 55 rectifié est retiré.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour aller dans votre sens, monsieur Darnaud, j’ajoute que la coordination entre les services de l’État mérite parfois d’être améliorée ! L’ANCT sera elle aussi utile à cet égard.

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Loïc Hervé, n’est pas soutenu.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. Je le reprends au nom de la commission, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 77, présenté par M. de Nicolaÿ, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Son action cible prioritairement les territoires caractérisés par des difficultés en matière démographique, économique ou d’accès aux services publics. »

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. Il est impératif que l’ANCT cible d’abord les territoires les plus fragiles. Je suis donc favorable à cet amendement de M. Hervé, qui n’a malheureusement pas pu être présent pour le défendre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous sommes d’accord sur le fond. J’ai d’ailleurs défendu cette position ce matin : l’agence doit cibler les territoires les plus fragiles.

Cela étant dit, je ne pense pas que cet amendement soit utile, mais je ne m’y opposerai pas non plus. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 77.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires
Article 2

Article additionnel après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par MM. Bérit-Débat, Houllegatte, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre III du livre II de la première partie du code général des collectivités territoriales, tel qu’il résulte de la présente loi, est complété par un article L. 1231-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1231-1-... – L’Agence nationale de la cohésion des territoires intervient dans l’objectif, d’une part, de coordonner et faciliter les politiques d’intervention de l’État sur les territoires et d’autre part, de remédier aux inégalités qui nuisent à la cohésion et au développement équilibré du territoire national.

« Elle concourt à l’élaboration et au suivi de la stratégie nationale de cohésion des territoires qui s’inscrit dans une démarche de co-construction avec les collectivités et leurs groupements.

« Dans le cadre de cette stratégie nationale, les collectivités locales et leurs groupements peuvent élaborer des projets de territoires qui donnent lieu à la signature avec l’État d’un contrat de cohésion territoriale. »

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, ce matin, Jean-Michel Houllegatte a présenté de façon circonstanciée la position du groupe socialiste et républicain sur cette proposition de loi et sur la création d’une agence nationale de la cohésion des territoires. Vous l’avez bien compris, nous avons quelques doutes sur l’efficience d’une telle structure. C’est pourquoi nous avons déposé un certain nombre d’amendements visant à préciser le rôle de cette agence, notamment ses relations avec les élus des territoires.

Il nous apparaît important, à ce stade, de fixer les grandes orientations qui doivent prévaloir dans la création de l’agence : elle doit coordonner et faciliter les politiques d’intervention de l’État sur les territoires et réduire les inégalités qui nuisent à la cohésion et au développement équilibré des territoires.

Nous proposons également que le Gouvernement s’engage dans l’élaboration d’une véritable stratégie nationale de cohésion des territoires, dans une démarche de coproduction avec les élus. Cela nous semble très important.

Cette stratégie permettrait de définir des objectifs de développement territorial et de réduction des inégalités, ainsi que les priorités nationales d’intervention de l’État. Elle pourrait également se décliner localement dans le cadre de contrats de cohésion territoriale signés avec l’État.

Avec la création de cette agence, le Gouvernement revendique une approche nouvelle des relations entre l’État et les collectivités, pragmatique et fondée sur les besoins exprimés sur le terrain. L’élaboration d’une stratégie nationale de cohésion des territoires et d’objectifs partagés avec des élus pourrait utilement consolider cette ambition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. La première partie de cet amendement, monsieur Bérit-Débat, est satisfaite par la rédaction du texte de la commission, qui précise que l’agence « assure la mise en œuvre de la politique de l’État en matière d’aménagement durable et de cohésion des territoires et la coordination des interventions de l’État et des établissements publics ».

Quant à la deuxième partie de l’amendement, faute de définir et d’apporter des précisions sur la stratégie nationale de cohésion des territoires et de prévoir la conclusion d’un contrat de cohésion territoriale à titre obligatoire, elle est dépourvue de caractère normatif.

En revanche, je souhaite un engagement clair de la part du Gouvernement, madame la ministre, sur le vecteur juridique qui permettra de définir les contrats de cohésion territoriale, leur contenu et les objectifs qu’ils sont censés servir. Nous devons aussi avoir l’assurance que ce contrat va non pas simplement s’empiler sur les contrats existants, mais bien permettre de simplifier le paysage des instruments contractuels entre l’État et les collectivités territoriales.

Je suis désolé, monsieur le président, d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis d’accord avec tout ce que vous dites, cher Claude Bérit-Débat, mais nous allons respecter la rédaction proposée par la commission, qui a beaucoup travaillé, d’autant plus qu’elle n’est pas antinomique avec vos propos. Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement. Je puis vous assurer que le Gouvernement a la volonté de mener une véritable politique de cohésion des territoires.

Monsieur le rapporteur, si j’ai bien compris, vous souhaitez éviter, grâce aux contrats de cohésion territoriale, la multiplication des contrats. Il n’y a pas besoin d’adopter une disposition législative pour cela, la question relevant du domaine réglementaire.

M. le président. Monsieur Bérit-Débat, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?

M. Claude Bérit-Débat. J’ai bien entendu ce que vient de dire notre rapporteur sur les deux parties de mon amendement, ainsi que ce qu’a dit Mme la ministre, qui, tout en comprenant et en partageant ma position, me demande de retirer mon amendement !

Puisqu’elle comprend et partage ma position, je maintiens mon amendement ! (Sourires.) Je souhaite que la totalité des membres du Sénat puissent le voter, ce qui nous permettrait de clarifier les choses.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Madame la ministre, à titre personnel, je trouve que le dernier alinéa de cet amendement est un préalable politique à la création de l’agence nationale de la cohésion des territoires.

Je pense que la politique d’aménagement et de cohésion des territoires a besoin d’être discutée, reconsidérée, compte tenu notamment du phénomène de métropolisation que j’évoquais ici il y a quelques heures. Encore une fois, la question politique centrale, majeure, est celle de la place des territoires ruraux et périurbains dans la nation française. Quel rôle entend-on leur faire jouer ? Comment compte-t-on leur proposer de contribuer à la création de richesses nationales ? Telle est la dimension politique de cette question.

C’est pourquoi nous en appelons à une stratégie nationale de cohésion des territoires en coconstruction, bien entendu, avec l’ensemble des collectivités territoriales, afin qu’elle soit un vecteur de dynamisme, pour l’avenir et dans l’intérêt de la Nation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la ministre, le dernier alinéa de cet amendement n’est ni plus ni moins que la traduction des préconisations du rapport Morvan. Il est nécessaire de clarifier notamment les politiques contractuelles dans un contrat unique, élaboré par les élus, afin de résoudre un certain nombre de problèmes en mobilisant différentes expertises, y compris l’expertise nationale dont les territoires ont besoin.

La possibilité d’avoir un contrat unique de cohésion territoriale constituerait véritablement une avancée significative, car un tel contrat permettrait de clarifier les relations entre l’État et les collectivités.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 10
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 51 rectifié

Article 2

I. – Le chapitre Ier du titre III du livre II de la première partie du code général des collectivités territoriales, tel qu’il résulte de la présente loi, est complété par un article L. 1231-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1231-2. – I. – L’Agence nationale de la cohésion des territoires a pour mission, en tenant compte des particularités, des fragilités et des besoins de chaque territoire, de soutenir les collectivités territoriales dans la définition et la mise en œuvre de leurs projets, notamment en faveur du maintien des services publics, de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, de la transition écologique, de la lutte contre le changement climatique, de l’accès aux soins et du numérique. À ce titre, elle propose une offre d’ingénierie adaptée aux porteurs de projets et apporte un concours humain et financier aux collectivités territoriales. Elle assure la mise en œuvre de la politique de l’État en matière d’aménagement durable et de cohésion des territoires et la coordination des interventions de l’État et des établissements publics, en conduisant des programmes nationaux territorialisés.

« II. – L’agence a également pour mission de favoriser l’aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux dans les zones mentionnées à l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire et à l’article 1465 A du code général des impôts ainsi que dans les territoires retenus au titre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés mentionné à l’article 25 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

« À cette fin, l’agence assure, après accord des conseils municipaux des communes ou des organes délibérants des établissements publics de coopération communale ou des syndicats mixtes concernés mentionnés à l’article L. 5711-1 du présent code, la maîtrise d’ouvrage d’actions et d’opérations tendant à la création, l’extension, la transformation ou la reconversion de surfaces commerciales et artisanales situées dans ces zones. Si la requalification des zones ou des territoires définis au premier alinéa du présent II le nécessite, elle peut intervenir à proximité de ceux-ci.

« L’agence peut accomplir tous actes de disposition et d’administration nécessaires à la réalisation de ses missions définies au présent II et notamment :

« 1° Acquérir les fonds commerciaux ou artisanaux en qualité de délégataire du droit de préemption sur les fonds de commerce et artisanaux dans les conditions prévues au chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’urbanisme ou, le cas échéant, par voie d’expropriation, les immeubles ou droits réels immobiliers nécessaires aux opérations correspondant à son objet ;

« 2° Céder les immeubles ou les fonds acquis ;

« 3° Confier la gestion des fonds commerciaux ou artisanaux acquis à un ou plusieurs locataires gérants.

« III. – L’agence a pour mission d’animer et d’accompagner les projets et les initiatives numériques développés par les collectivités publiques, les réseaux d’entreprises, les associations et les particuliers.

« À ce titre, l’agence :

« 1° Assure le pilotage et la mise en œuvre du déploiement du plan “France très haut débit” ;

« 2° Favorise la diffusion des outils numériques et le développement de leur usage auprès du public. »

II (nouveau). – Le II de l’article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales entre en vigueur à la date prévue par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article 11 de la présente loi et au plus tard le 1er janvier 2020.

III (nouveau). – Le III du même article L. 1231-2 entre en vigueur le 1er janvier 2021.

Le ministre chargé de l’aménagement du territoire et le ministre chargé du numérique définissent par convention les mesures et moyens permettant la reprise par l’Agence nationale de la cohésion des territoires des missions mentionnées au même III.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.

M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, il faudrait enfin réaliser que, une fois encore, le Gouvernement nous amuse ! Souvenez-vous, il y a deux ans – ce n’est pas vieux –, il annonçait le renforcement de l’ingénierie de l’État mise à disposition des collectivités territoriales. Dans le même temps, les effectifs de la fonction publique d’État n’ont cessé de diminuer – je vous fais grâce des chiffres. Quant au recensement des moyens existants en matière d’ingénierie – c’est dans le projet de loi de finances pour 2019 –, il n’est même pas achevé. On est en carafe ! On ne sait donc même pas de quoi on dispose.

Il est clair que cette agence est un nouveau leurre destiné à faire patienter les élus, qui s’impatientent effectivement. C’est un moyen pour l’État de continuer à exercer sa tutelle sur les collectivités territoriales à moindre coût, en dégageant sa responsabilité et en donnant l’illusion d’un renforcement de l’autonomie des collectivités, et ce à moindre coût également. Vous aurez en effet remarqué que la charge financière de l’agence reposera sur l’État, les collectivités, sous forme de subventions ou d’achats de prestations, mais aussi sur les usagers, qui devront, je pense, payer les services rendus par les acteurs privés, à moindre coût encore une fois, puisque des personnels sous contrat viendront remplacer un maximum de fonctionnaires, lesquels, c’est bien connu, sont trop payés !

Dans ce schéma, assurer l’équipement numérique du pays, la transition énergétique et, d’une manière générale, les équipements publics d’intérêt national et le service public relève de la responsabilité non plus de l’État, mais des collectivités, lesquelles auront la chance insigne d’être soutenues par l’agence ! Une agence désormais chargée d’assurer les obligations de l’État envers les territoires, tout en restant hors de portée des réactions du bon peuple...

Ceux qui ont un peu l’expérience des agences de l’eau, par exemple, savent quel poids les élus ont au sein de ce type d’agence.

On peut continuer, mais dans quelque temps, on se dira qu’on n’aurait pas dû voter ce texte ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, sur l’article.

M. Patrick Chaize. Pour ma part, j’évoquerai les contours de la future agence, plus particulièrement l’intégration en son sein de l’Agence du numérique. Dans un premier temps, je n’étais pas favorable à son intégration immédiate, compte tenu notamment du récent remaniement ministériel à l’occasion duquel M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, précédemment rattaché au Premier ministre, a migré vers Bercy, tout en expliquant que les moyens y étaient, ce qui était tout à fait exact.

Comment comprendre que, quelques semaines plus tard, l’Agence du numérique soit transférée de Bercy vers votre ministère, madame la ministre, sachant en outre que les attributions concernant les infrastructures n’étaient pas précisées ? On craignait en effet que Julien Denormandie, qui assumait avec succès cette mission jusqu’alors, en soit dépossédé.

Partiellement rassurés, nous avions néanmoins suggéré avec insistance au rapporteur de différer cette intégration à 2021, compte tenu du fait que la période était cruciale pour la mise en place du plan France très haut débit et du plan France Mobile.

Je veux ici remercier le rapporteur et la commission de nous avoir suivis. Cela étant dit, j’ai bien compris que ce point posait certaines difficultés aux porteurs du texte, mais aussi à votre ministère, madame la ministre. Aussi, dans un souci d’efficacité, mais également de recherche de consensus, et après avoir longuement évoqué cette question avec l’ensemble des acteurs, je me rallierai aux amendements visant à conforter cette intégration immédiate, sous réserve que celle-ci ne soit pas brutale et qu’elle prenne en compte le contexte temporel particulier des plans qui se mettent en place.

Il existe une résistance au changement, c’est certain, mais nous avons l’obligation collective de faire en sorte que ces plans, plus que dans n’importe quel autre domaine, soient une réussite.

Par ailleurs, j’émets une seconde réserve : il est important que ne soient transférées que les missions relevant de l’aménagement du territoire. Autrement dit, il semble cohérent que l’Initiative French Tech reste adossée à Bercy. Il me semblerait opportun de le préciser.

Madame la ministre, pourriez-vous nous rassurer sur ces points de la plus haute importance, afin que nous puissions réussir ensemble l’aménagement numérique de notre territoire dans les meilleures conditions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour rassurer M. Collombat, j’indique qu’un amendement du groupe du RDSE à l’article 6, auquel nous sommes favorables, vise à préciser que les services de l’agence sont gratuits, à l’exception, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, de ceux de l’EPARECA, qui achète des locaux afin d’aider à l’installation de commerces dans des quartiers ou dans des centres-villes, et qui assure le portage financier de ces opérations.

Monsieur Chaize, je vous remercie de votre intervention et de votre ralliement à la proposition du Gouvernement et à celle qui figure dans la proposition de loi.

Je tiens à vous rassurer sur plusieurs points. Tout d’abord, c’est bien Julien Denormandie qui continuera à suivre ce dossier excellemment, comme il l’a fait auparavant. Ensuite, la fusion ne se fera pas de manière brutale. Une convention sera même signée entre les deux ministères afin d’assurer une transition. Enfin, la French Tech reste bien à Bercy.

M. le président. Je suis saisi de vingt et un amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par MM. Genest et Darnaud, Mme Lamure, M. Bizet, Mmes Boulay-Espéronnier, M. Mercier et Imbert, MM. Paccaud, Kennel, Perrin, Raison, Sido, Mouiller et Calvet, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Milon, Piednoir, Poniatowski, Revet, Bouchet, Duplomb et Vogel, Mme Di Folco, MM. Grosdidier, J.M. Boyer, Sol, Pierre et Mayet, Mme Chauvin, MM. Cardoux, Grand et Courtial et Mmes Bories et Duranton, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Avant les mots :

L’Agence

insérer les mots

Sans préjudice des compétences dévolues aux collectivités territoriales et à leurs groupements et en articulation avec ceux-ci, 

La parole est à M. Mathieu Darnaud.

M. Mathieu Darnaud. L’Ardéchois est un brin têtu parfois...

Même si j’ai entendu les arguments convaincants du rapporteur et les précisions de Mme la ministre, je souhaite tout de même qu’il soit précisé que l’exercice des missions de l’agence ne peut se concevoir sans une articulation étroite entre les différents niveaux de collectivités, notamment les régions, compte tenu des compétences qui sont les leurs, lesquelles cadrent parfaitement avec l’objet et l’action de l’agence.

M. le président. L’amendement n° 33, présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première et deuxième phrases

Après les mots :

collectivités territoriales

insérer les mots :

et notamment les communes

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement, qui va dans le même sens que le précédent, est particulièrement important à nos yeux. Loin d’être un simple amendement de précision, il vise à énoncer clairement le rôle des communes, d’autant plus que je n’ai pas eu de réponse sur cette question de la part de Mme la ministre en commission.

Nous avons beaucoup entendu parler des intercommunalités lors de votre audition, madame la ministre, et de celle du préfet Serge Morvan, mais bien peu de la place et du rôle des communes au sein de la future agence. Alors qu’elles sont le meilleur échelon de proximité, elles connaissent un fort déficit en ingénierie, surtout les plus petites d’entre elles, notamment depuis la disparition de l’assistance technique pour raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, l’ATESAT, en 2014.

Nous craignons donc que, demain, seules les plus grandes collectivités aient la capacité en interne de mobiliser et de construire des projets susceptibles d’être soutenus par l’agence. Il faut donc porter une attention particulière aux communes, comme aux territoires les plus en souffrance, afin qu’elles soient les principales bénéficiaires du soutien et de l’expertise de l’agence nationale de la cohésion des territoires, y compris en amont de la construction des projets.

À défaut, cette agence passera totalement à côté de son rôle de soutien logistique, technique et financier aux collectivités qui en ont le plus besoin. La future agence ne doit pas ressembler à d’autres agences que l’on connaît – je pense ici aux ARS, les agences régionales de santé, qui sont des outils technocratiques de rationalisation des moyens publics.

Pour répondre aux besoins, cette agence doit être un outil au service des communes et des intercommunalités, leur permettant de mener à bien des projets utiles pour les habitants.

Nous proposons donc que les communes soient des bénéficiaires de la future agence.