Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, il est essentiel de se fixer des objectifs ambitieux à long terme. Dans le cadre du plan Climat, nous avons clairement énoncé que, d’ici à 2040, nous voulions qu’il n’y ait plus de véhicules thermiques en France. Cet objectif à long terme est fondamental, puisqu’il donne de la visibilité aux entreprises, qui, ensuite, s’y préparent.

M. Gérard Longuet. Elles disparaissent !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Cela envoie un signal très clair aux entreprises, notamment aux constructeurs automobiles.

J’en viens à la question des transports. Plusieurs solutions existent. Les réponses ne viendront pas d’une seule technologie. Oui, la batterie électrique est une option – on pourra par la suite parler des différents types de batteries ; elle est essentielle, notamment pour les voitures individuelles. Cependant, d’autres solutions sont envisageables pour les transports en commun ou les transports de marchandises. Je pense à l’hydrogène.

En Europe, particulièrement en France, nous avons comme véritable ambition de créer des politiques industrielles. C’est ainsi que la transition écologique devient une opportunité, y compris en termes de justice. Elle est source d’emplois et constitue un nouveau relais de croissance pour notre économie. C’est la raison pour laquelle nous travaillons par exemple avec le commissaire européen M. Šefčovič et l’Allemagne à la mise en place d’une politique industrielle en faveur du développement des batteries. Il faut que nous ayons un avantage compétitif par rapport à certains de nos concurrents, comme la Chine.

Se pose ensuite la question de l’approvisionnement énergétique, en particulier celle de la sécurité en la matière. Bien sûr, un parc électrique automobile consommera beaucoup d’électricité ; nous y travaillons dans le cadre des différents scénarios de la PPE. En menant une réflexion sur la demande et sur l’efficacité énergétique, nous pourrions obtenir un équilibre dans lequel nous développerons les énergies renouvelables et nous répondrons à la demande d’électricité de nos concitoyens et de nos entreprises.

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’aune de la COP24, je ne m’attarderai pas sur la politique internationale, la montée des climatosceptiques et le contexte géopolitique peu propice au financement de l’accord de Paris. En revanche, madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur le contexte social français, liant écologie et fiscalité.

Les automobilistes ont été nombreux samedi 17 novembre dernier à dénoncer la hausse du prix des carburants, et leur révolte perdure. Je constate trois perdants dans ce conflit social : d’abord, les Français, en proie à un ras-le-bol fiscal, ensuite, le Gouvernement, qui se voit affaibli, enfin, l’écologie. C’est sur ce dernier point que je tiens à insister.

Avec la taxe carbone, le Gouvernement pousse les Français à devenir des « anti-écolos ». Il s’y prend très mal : absence d’explications sur la taxe carbone, absence d’explications sur l’utilisation des recettes, absence de concertation, absence de justice sociale.

Pourtant, avec l’accord de Paris, notre pays se révèle l’un des leaders de la conscience écologique à l’échelon mondial. La réussite de la transition environnementale est notre souhait à tous.

Toutefois, il va falloir expliquer et, surtout, mettre en place des mesures redistributives et non des mesurettes pour compenser à court terme, comme l’extension du chèque énergie. Cela ne permettra pas de restaurer la confiance, on le voit. Il est urgent de créer un véritable consensus social en faveur de l’environnement.

Madame la secrétaire d’État, la parole de la France à l’international est affaiblie par le conflit social que nous vivons. Comment porter la voix de notre pays lors de la COP24 dans ce contexte ?

Par ailleurs, en tant que sénateur d’un département montagnard, permettez-moi de vous interroger sur le point suivant : êtes-vous favorable à la prise en compte des zones géographiques de montagne dans les négociations internationales, comme cela a été le cas pour les zones insulaires ? Pourquoi ne pas faire de même pour les territoires de montagne ?

M. Gérard Longuet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je ne sais pas avec quel chef d’État ou quel ministre étranger vous vous êtes entretenu. Pour ma part, j’ai eu l’occasion de participer à des échanges ces jours derniers et je peux vous dire que la voix de la France compte toujours autant. Plus que jamais, elle est entendue et leader en la matière.

J’en viens au contexte français. Vous parlez de mesures à court terme et formulez un certain nombre de reproches. Monsieur le sénateur, à quelle majorité appartenez-vous ? Quel gouvernement a fait voter la taxe carbone ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet. C’est le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ! C’était sous Hollande !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Nous payons aujourd’hui le prix d’années d’impréparation. La voilà, la réalité !

M. Jacques Le Nay. C’est l’argument des faibles !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Il ne s’agit pas de mesures à court terme. Je trouve déloyal, presque malhonnête dans le cadre d’un débat sur la diplomatie internationale, d’exiger une réponse sur le contexte domestique français.

Monsieur le sénateur, vous savez pertinemment, comme moi, qu’une partie de la colère des « gilets jaunes » est non seulement légitime, mais, qui plus est, compréhensible. En effet, le débat ne porte pas uniquement sur la question écologique ; il a pour beaucoup trait à la question du pouvoir d’achat et des difficultés nombreuses auxquels les Français sont confrontés, car nous payons les résultats des politiques précédentes.

Vous affirmez vous-même qu’il ne faut pas de petites mesures au compte-gouttes. Ce n’est pas du tout ce que nous faisons. Comment redonne-t-on du pouvoir d’achat aux Français ? Par la croissance et la baisse des dépenses publiques. Que faisons-nous ? Nous nous attachons justement à relancer la croissance. Les chiffres du chômage en France ont été publiés aujourd’hui et vous avez pu constater que le chômage n’avait pas augmenté. Vous connaissez notre action, pour avoir participé au débat du projet de loi PACTE. C’est aussi le cas grâce au plan Pauvreté, au plan en faveur de la formation professionnelle et de l’apprentissage de Muriel Pénicaud. Tout cela forme un ensemble de réformes structurelles et profondes auxquelles les Français ont droit. Il est aujourd’hui indispensable de donner à nos concitoyens des réponses après des années et des années de réformes repoussées.

M. Joël Bigot. Vous ne répondez pas à des questions d’actualité au Gouvernement !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. C’est cela le sujet ! Ne l’exploitez pas à des fins politiques !

M. Pierre Ouzoulias. Est-ce ce que l’on fait dans cet hémicycle ?

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Madame le secrétaire d’État, vous participerez bientôt à la COP24 et évoquerez la COP21, qui est en effet un succès diplomatique de la France.

Avant ce succès et pour que nous ayons une société décarbonée, la France peut revendiquer un succès beaucoup plus ancien, plus profond, plus durable : la décarbonation de la production de l’énergie électrique à travers sa filière nucléaire.

Depuis trois ans, depuis 2015, il apparaît avec force que le nucléaire n’est pas simplement le complément des énergies renouvelables – le Commissariat à l’énergie atomique a changé de nom, pour devenir le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives –, il est surtout une condition. Nous savons que le renouvelable tel que nous le connaissons – éolien ou solaire – se caractérise par son intermittence – une intermittence aléatoire – et une dispersion qui implique une politique de réseaux extraordinairement denses et coûteux. Au contraire, le nucléaire, par sa souplesse, est, pour la production d’électricité, pour la production de chaleur, pour la production d’hydrogène à partir de l’électrolyse, un atout considérable pour consolider les avancées d’années d’énergies alternatives, en tous les cas d’énergies n’émettant pas de CO2.

Madame le secrétaire d’État, avez-vous une stratégie diplomatique pour faire en sorte que le nucléaire, qui est un atout français partagé avec quelques pays, la Russie en particulier, puisse devenir un atout essentiel de ce monde décarboné que vous souhaitez et qui dispose d’un avantage qu’assez curieusement les gouvernements successifs n’osent pas mobiliser au service de l’intérêt de notre pays et de celui de la planète ? S’il faut faire un geste, celui-ci a au moins le mérite de l’efficacité immédiate. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je veux croire que votre langue a fourché en disant « madame le secrétaire d’État ».

M. Gérard Longuet. Je l’ai fait à dessein : le masculin est générique en français !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Vous voulez entrer dans ce débat ? Très bien ! Mais je vous demande de m’appeler « madame la secrétaire d’État ». C’est comme cela.

M. Gérard Longuet. Je vous appellerai « chère amie » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Je ne veux pas que vous m’appeliez « chère amie ». Je veux que vous m’appeliez « madame la secrétaire d’État ». (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Gérard Longuet. Je ne le ferai pas tant que l’Académie française n’aura pas changé la règle !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Comment pouvez-vous prétendre parler au nom des Français et relayer leurs aspirations ? L’égalité femmes-hommes en fait partie, monsieur le sénateur ! C’est cela, la réalité !

M. Jean-Noël Cardoux. Cela suffit !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Les Français veulent l’égalité femmes-hommes, mais aussi que nous répondions à certaines de leurs attentes. (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Noël Cardoux. Nous ne sommes plus à l’école !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Je fais comme vous ! Parfois, je profite d’une tribune pour parler d’un tout autre sujet. En l’occurrence, ce sujet est ancré dans la réalité, monsieur le sénateur, et je vous demande de m’appeler « madame la secrétaire d’État ». Le débat est clos. C’est comme cela et pas autrement ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Pour répondre à votre question sur la transition écologique, nous nous sommes engagés, lors de la campagne présidentielle, à baisser la part du nucléaire dans le mix énergétique français de 75 % à 50 % d’ici à 2025. C’est un objectif qui a été fixé dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et que nous reprenons à notre compte. Nous sommes en train de travailler sur différents scénarios pour y parvenir le plus rapidement possible. Cela se fera dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Monsieur le sénateur, vous parliez aussi des aspirations des Français. Je crois que beaucoup d’entre eux veulent que nous développions les énergies renouvelables de façon massive. C’est l’une des réponses, l’une des volontés et l’une des priorités du gouvernement auquel j’appartiens. C’est aussi pour cette raison-là que nous baisserons significativement la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Vous en saurez bientôt plus avec la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui sera présentée prochainement.

Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe auteur de la demande.

M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer, et nous refusons de l’admettre ».

Ces mots, madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, prononcés par le Président de la République Jacques Chirac en 2002, résonnent encore et ont contribué à marquer un tournant dans la politique française en matière d’engagement pour la planète.

Organisé à la demande du groupe Les Républicains, le présent débat montre, s’il est encore nécessaire de le faire, que le corps législatif que nous constituons a parfaitement compris l’importance des enjeux liés au réchauffement et au dérèglement climatiques, et ce bien au-delà des clivages politiques – les orateurs précédents l’ont illustré.

Depuis la loi relative à la protection de la nature du 10 juillet 1976, la France n’a cessé de s’engager en faveur d’une meilleure protection de notre planète. Les élus, les associations, les citoyens, se sont engagés sur ces questions ces dernières décennies, avec une accélération ces dix dernières années. Le Grenelle de l’environnement, organisé en 2007, a marqué une étape majeure, qui a permis à la France d’enclencher une véritable révolution – d’abord, une révolution de la pensée, afin de mettre en avant l’importance des notions telles que le réchauffement et le dérèglement climatiques, la biodiversité, ensuite, une révolution législative et réglementaire.

Ainsi, la loi Grenelle a mis la France sur le chemin de sa mutation écologique. Se sont ensuivies entre autres les lois Grenelle II, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la loi Biodiversité. Cette liste ne saurait être exhaustive, puisque, aujourd’hui, pas une loi n’est votée sans que la notion environnementale soit présente sous une forme ou une autre. Le Sénat s’est d’ailleurs particulièrement mobilisé, afin d’intégrer aux projets de loi des dispositions innovantes. Je pense notamment à la notion de préjudice écologique introduite par nos collègues Bruno Retailleau et Jérôme Bignon lors de l’examen de la loi Biodiversité.

Nous devrons travailler dans les semaines à venir sur de nouveaux textes qui sauront, je n’en doute pas, pleinement nous mobiliser sur cette question.

Si nous sommes d’accord sur les objectifs pour lutter contre le réchauffement climatique et réduire nos émissions de CO2, il arrive parfois que tel ne soit pas le cas sur les moyens d’y parvenir. Ainsi, au sein du groupe Les Républicains, nous croyons que c’est en développant une écologie incitative et non punitive que nous pourrons obtenir de meilleurs résultats et une meilleure acceptation de nos concitoyens. La mobilisation des « gilets jaunes » – l’actualité en témoigne – montre bien que nous ne pouvons construire un modèle écologique durable contre les citoyens. La pédagogie et la volonté politique ne suffisent pas. La fiscalité doit être intégralement utilisée pour accompagner nos concitoyens vers le changement. À l’opposé de cette démarche punitive, je me dois de saluer la concertation pour l’élaboration de la feuille de route pour l’économie circulaire, madame la secrétaire d’État, dont nous débattrons dans cet hémicycle dans quelques mois.

Je souhaite également rappeler l’importance du choix du mix énergétique pour la France. Ce choix, qui permet d’allier l’énergie nucléaire et le développement des énergies renouvelables pour suppléer les énergies fossiles, a été au cœur de nombreux débats. Il permet à notre pays d’émettre aujourd’hui deux fois moins de gaz à effet de serre que son voisin allemand.

Les changements engagés par la France en faveur de l’environnement nous ont permis de faire entendre une nouvelle voix sur le plan international. L’organisation de la COP21 et les accords de Paris ont été un véritable succès sur le plan de la mobilisation des États et de leurs engagements.

Ce sujet est devenu bien plus qu’un engagement national pour la France et s’est converti en une arme diplomatique de taille. Notre pays apparaît désormais sur la scène internationale – vous l’avez confirmé, même si on peut encore en douter – comme le fer de lance de la lutte contre les dérèglements climatiques.

L’Union européenne se mobilise également en faveur du climat. Des réglementations importantes et contraignantes ont été votées, afin d’engager les pays membres dans la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Par ailleurs, 180 milliards d’euros, soit 20 % du budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020, devraient être consacrés à la prise en compte de ces questions et à la protection du climat.

Le combat est pourtant loin d’être gagné et la fragilité des accords de Paris montre que nombreux sont les gouvernements qui doutent encore de l’urgence climatique. Je pense bien sûr aux États-Unis ou au Brésil.

Cette mobilisation internationale n’a cependant pas été vaine, et nous pouvons nous satisfaire d’avoir collectivement gagné une bataille, celle de la mobilisation des consciences. Je regrette cependant que la question de la démographie ne soit pas corrélée systématiquement à celle de l’utilisation des ressources.

Sans engagement citoyen, il ne peut y avoir de changement politique ou de comportement. Il est donc nécessaire d’associer les citoyens et de rendre les décisions acceptables, ou à tout le moins compréhensibles.

N’oublions pas que le succès de cette politique repose sur un équilibre subtil entre les trois piliers du développement durable – l’environnement, bien sûr, le social et l’économique, qu’il ne faut pas oublier – et sur le fait de placer en permanence l’Homme au cœur de notre réflexion et de nos actions. C’est cette voie, me semble-t-il, que doit emprunter la France dans la perspective de la COP24. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans
Article unique

Lutte contre l’exposition précoce des enfants aux écrans

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à lutter contre l’exposition précoce des enfants aux écrans, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues (proposition n° 706[2017-2018], texte de la commission n° 132, rapport n° 131).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

proposition de loi visant à lutter contre l’exposition précoce des enfants aux écrans

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

Le titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« PRÉVENTION DE LEXPOSITION PRÉCOCE DES ENFANTS AUX ÉCRANS

« Art. L. 2136-1. – Les unités de conditionnement des outils et jeux numériques comportant un écran contiennent un message avertissant des dangers des écrans pour le développement des enfants de moins de trois ans. Un décret précise les modalités dapplication du présent article.

« Art. L. 2136-2. – Les messages publicitaires en faveur des équipements mentionnés à larticle L. 2136-1 contiennent un message avertissant des dangers des écrans pour le développement des enfants de moins de trois ans. Un décret précise les modalités dapplication du présent article.

« Art. L. 2136-3. – Des actions dinformation et déducation institutionnelles sur lutilisation des écrans sont assurées régulièrement en liaison avec le Conseil supérieur de laudiovisuel. »

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, à la rapporteur de la commission, pour sept minutes, puis au Gouvernement et, enfin, à un représentant par groupe, pour cinq minutes.

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de léducation et de la communication, rapporteur. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, à l’occasion de ma mission sur la formation à l’heure du numérique, j’ai été sensibilisée par plusieurs experts de la santé aux troubles du développement qu’ils observaient chez un nombre croissant de jeunes enfants et sur les liens de cause à effet qu’ils constataient entre ces troubles et l’exposition précoce aux écrans de leurs jeunes patients.

J’ai souhaité approfondir cette question et j’en suis arrivée aux conclusions suivantes.

D’abord, l’exposition aux écrans commence dès la petite enfance et tend à augmenter en raison de la multi-exposition des enfants aux écrans et de la possibilité d’utiliser ces derniers n’importe où et n’importe quand. Si la France dispose d’un nombre restreint de statistiques, elle possède en revanche de nombreuses enquêtes. Je vous renvoie à cet égard aux trois enquêtes que j’ai déjà citées la semaine dernière : une étude de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, une enquête déclarative de l’Association française de pédiatrie ambulatoire et une enquête de l’IPSOS menée en 2017. Toutes trois montrent l’ampleur du phénomène.

La deuxième conclusion à laquelle je suis parvenue, et que confirment toutes les études scientifiques, c’est que les interactions d’un enfant avec son entourage et son environnement sont la meilleure source de stimulation pour lui. Or plus un enfant passe de temps devant un écran durant une journée, moins il lui en reste pour jouer et interagir avec les autres.

Toujours selon des données scientifiques, une surexposition aux écrans peut avoir des conséquences sur le développement du cerveau et de l’apprentissage des compétences fondamentales, notamment du langage ; sur les capacités d’attention et de concentration des enfants ; sur leur comportement. Ainsi, la surexposition des plus petits risque d’entraîner une attitude passive face au monde qui les entoure.

En dépit de ces signes alarmants établis depuis des années, en France comme à l’étranger d’ailleurs, les industriels continuent de mettre sur le marché toute une panoplie de jouets pseudo-éducatifs en direction des enfants en bas âge, contribuant à développer un environnement favorable à l’augmentation du temps passé devant les écrans et à créer l’illusion qu’il est normal, voire très bon, pour un enfant de passer plusieurs heures de sa journée devant un écran.

C’est la raison pour laquelle les sénateurs de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont décidé à l’unanimité, madame la secrétaire d’État, de renforcer la visibilité des recommandations nationales déjà existantes en exigeant tout d’abord la présence d’un message à caractère sanitaire avertissant des dangers liés à l’exposition des écrans pour les enfants de moins de trois ans sur tous les outils et jeux numériques disposant d’un écran, mais également sur toutes les publicités concernant ces derniers, quel que soit leur support. La commission a ensuite décidé l’organisation d’actions régulières d’information et d’éducation institutionnelles, en partenariat avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dont c’est le rôle, conformément à la loi.

Au total, la présente proposition de loi n’a pas la prétention de régler tous les problèmes liés aux écrans. La question de l’extension des messages sanitaires aux sites d’achat en ligne et aux sites qui fournissent des contenus audiovisuels en ligne n’est pas traitée, par exemple, nous le savons. Mais face à un sujet qui est en train de devenir un véritable problème de santé publique, nous avons adopté des mesures simples et efficaces pour sensibiliser, former et informer les parents, ainsi que tous ceux qui gravitent dans leur entourage, et pour atténuer l’asymétrie d’information dont ils sont les premières victimes.

Aussi, je suis particulièrement étonnée de l’absence de soutien du Gouvernement à cette proposition de loi et surtout des arguments avancés pour la justifier.

La semaine dernière, vous avez estimé, madame la secrétaire d’État, que « les données manquent quant à l’ampleur de l’exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans et surtout quant aux effets d’une surexposition des très jeunes enfants aux écrans ». Vous avez donc souhaité attendre les résultats d’une mission confiée au Haut Conseil de la santé publique avant d’élaborer une nouvelle campagne nationale de prévention.

Depuis dix ans, le Conseil supérieur de l’audiovisuel supervise chaque année une campagne de sensibilisation financée par les chaînes de télévision pour rappeler les bonnes pratiques à adopter en matière d’exposition des enfants aux écrans. Cette campagne ne se base-t-elle pas sur des données scientifiques ?

Le 1er avril dernier, les nouveaux modèles de carnet de santé de l’enfant sont entrés en vigueur. Dans son communiqué de presse du 5 mars, le ministère des solidarités et de la santé écrivait : « Les principales évolutions de la nouvelle édition concernent les messages de prévention, qui ont été enrichis et actualisés pour tenir compte des évolutions scientifiques et sociétales, de nouvelles recommandations et de l’identification de nouveaux risques. » À titre d’exemple, il est conseillé d’« éviter de mettre un enfant de moins de trois ans dans une pièce où la télévision est allumée (même s’il ne la regarde pas). »

Où est donc la logique ?

Les messages à caractère sanitaire figurant dans le carnet de santé seraient validés scientifiquement, mais les mêmes messages que la proposition de loi prévoit d’imposer sur les emballages et lors des publicités pour des outils ou des jeux numériques comprenant des écrans ne seraient pas légitimes, faute de preuves scientifiques suffisantes ! Franchement, ce n’est pas sérieux !

Par ailleurs, l’étude que vous avez confiée au Haut Conseil de la santé publique, alors même qu’une étude similaire est d’ores et déjà conduite depuis plusieurs mois par un comité tripartite rassemblant des membres de l’Académie des sciences, de l’Académie des technologies et de l’Académie de médecine, va établir une revue de la littérature scientifique sur ce sujet. Elle renforcera bien entendu les faisceaux d’indices sur les effets de la surexposition aux écrans, mais elle n’apportera pas non plus de preuves définitives. Comme Serge Tisseron le rappelle, les enfants ne sont pas des rats !

Au cours de votre intervention devant la commission de la culture, vous avez eu la maladresse – je n’ose imaginer que c’était intentionnel de votre part – de décrédibiliser à la fois la présente proposition de loi et les initiatives de prévention, menées sans moyens, mais avec beaucoup d’abnégation, par un grand nombre d’acteurs du secteur médical et infantile. Vous avez semé la confusion entre leur action et des propos très regrettables, mais, je tiens à le dire, également très isolés, mélangeant les troubles résultant de la surexposition aux écrans et ceux du spectre de l’autisme.

Je rappelle solennellement, comme je l’ai déjà fait la semaine dernière, que je n’ai jamais, pas plus que mes collègues, parlé d’autisme ! C’est vous qui l’avez cité, madame la secrétaire d’État. Pour ma part, j’ai évoqué des troubles du langage, du développement et de l’attention. Quant aux médecins que nous avons auditionnés, eux non plus ne font pas bien entendu cette confusion.

Vous avez dit, madame la secrétaire d’État, que nos méthodes divergent, et vous avez raison sur ce point. La commission de la culture du Sénat, vous le savez, a pour règle de travailler étroitement avec tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, afin de faire progresser les dossiers qui lui sont soumis. Récemment, nous avons débattu de l’utilisation du téléphone portable à l’école. Où étaient d’ailleurs les études sur les conséquences de l’usage du téléphone portable sur la discipline au collège ou sur les apprentissages ? Il n’y avait rien ! Et pourtant, nous avons décidé de faire confiance au Gouvernement.

Alors oui, madame la secrétaire d’État, nous connaissons le poids des lobbies. Il a fallu plus de trois ans à l’administration pour publier les décrets permettant la mise en œuvre effective des bandeaux sanitaires sur les publicités visant les boissons sucrées et les produits alimentaires manufacturés. Va-t-on reproduire le scandale de la cigarette, de l’alcool, des produits sucrés ?

En conclusion, en cette Journée internationale des droits de l’enfant, le Défenseur des droits publie un rapport dans lequel il recommande aux pouvoirs publics l’application d’un strict principe de précaution en interdisant l’exposition des enfants de moins de trois ans aux écrans dans les lieux les accueillant.

Fort de ces recommandations, le Sénat prend aujourd’hui ses responsabilités en choisissant la santé de nos enfants. Au Gouvernement de prendre les siennes ! (Applaudissements.)