M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, si je partage les propos liminaires du représentant du Gouvernement, je crains que cela ne se corse ensuite !

Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, ce collectif budgétaire de fin d’année ne présente pas de dépenses fiscales et de mesures substantielles, se limitant à des ajustements de prévisions et de crédits. Le groupe Les Républicains le réclamait depuis des années ; il s’en félicite par conséquent.

Cependant, ce projet de loi ne nous satisfait pas.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Cela n’aura pas duré longtemps !

Mme Christine Lavarde. Les ajustements de crédits traduisent la réalité de la politique de votre Gouvernement, qui augmente la dépense publique de manière continue, avec 300 millions d’euros supplémentaires dans ce projet de loi de finances rectificative par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

La réalité, c’est l’augmentation de la charge de la dette, avec 500 millions d’euros de plus que prévu, malgré la faiblesse des taux d’intérêt. Or 500 millions d’euros, c’est ce que coûterait le relèvement du plafond du quotient familial à son niveau antérieur, une mesure de rétablissement de pouvoir d’achat qui serait bienvenue pour les familles.

Ce poids du service de la dette est la démonstration qu’il est nécessaire de diminuer notre endettement. La France se démarque, sur ce point, de ses partenaires européens. Les dernières données publiées par Eurostat font apparaître une baisse de l’endettement public au sein de l’Union européenne. Entre les seconds trimestres de 2017 et de 2018, l’endettement a ainsi diminué de 2,4 points dans toute l’Union européenne et de 2,9 points dans la zone euro. L’endettement moyen atteint 81 % du PIB des 28 États membres et s’élève à 86,3 % dans la zone euro.

En France, la dette publique frôle désormais les 100 % du PIB. Après avoir atteint 97,6 % au premier trimestre de 2018, elle s’élève, au deuxième trimestre, à 99 % du PIB, selon les données publiées à la fin du mois de septembre dernier par l’INSEE. La dette de l’État, à elle seule, a progressé de 19,5 milliards d’euros sur le deuxième trimestre.

Monsieur le secrétaire d’État, la réalité, c’est aussi que les dépenses en matière de transition énergétique ont été moins importantes que prévu en 2018, à l’instar de la part des taxes sur les carburants qui lui est affectée.

La réalité, c’est une diminution de 577 millions d’euros des crédits du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ».

On ne peut pas reprocher à votre gouvernement de prendre en compte la décision de la Commission de régulation de l’énergie du 12 juillet dernier. Dans ce document très complet, on peut notamment lire que les volumes de production ont augmenté, en 2018, de 1,7 térawattheure, soit 3 % de plus que la prévision initiale, principalement du fait de la forte hausse de la production de l’énergie éolienne. Les énergies renouvelables poursuivent leur développement, ce dont nous pouvons nous réjouir collectivement. Si le coût public du soutien aux filières d’énergies vertes diminue, alors que les volumes produits augmentent, c’est tout simplement que les prix de marché ont augmenté. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement est piégé une nouvelle fois par la hausse des cours du pétrole. Toute politique de l’énergie doit nécessairement tenir compte de cet élément sous-jacent.

Ce que nous reprochons à votre gouvernement, c’est d’affecter ces 577 millions d’euros de « cagnotte » au budget général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

Mme Christine Lavarde. L’augmentation, en 2018, des tarifs de la TICPE, taxe payée par l’ensemble des consommateurs d’électricité, ne sera malheureusement pas dédiée dans sa totalité aux actions en faveur de la transition énergétique.

Vous renouvelez ici l’erreur de la trajectoire carbone. Comment rendre acceptables des taxes destinées à favoriser la transition écologique lorsque les recettes de ces dernières servent à financer tout autre chose ? En 2018, le montant cumulé de ces taxes s’élève à 33,8 milliards d’euros, mais une bien faible part de leur produit alimente le compte d’affectation spéciale.

La réalité, c’est la fin de la solidarité interministérielle pour le financement des opérations extérieures qui prévalait depuis dix ans. Ce principe est pourtant inscrit à l’article 4 de la loi de programmation militaire votée en juillet 2018.

Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, notre groupe s’était abstenu en première lecture, ne pouvant cautionner la réalité de ces dépenses. D’autres groupes ayant voté contre le texte, celui-ci a été rejeté par le Sénat.

La commission mixte paritaire ayant échoué, le groupe Les Républicains votera naturellement en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission des finances, dans la mesure où nos débats en nouvelle lecture ne pourront permettre de faire évoluer nos positions respectives. Nous pourrons ainsi reprendre plus rapidement nos travaux sur le projet de loi de finances pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ainsi que cela a été rappelé, la commission mixte paritaire a conclu à l’impossibilité, pour les deux assemblées, de se mettre d’accord sur un texte commun.

Cette situation, qui n’a rien d’inédit, malgré les apparences, a évidemment de fortes chances de se reproduire aujourd’hui, et je dois dire que le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable au texte issu des travaux du Palais-Bourbon participe à cette discorde constante.

Permettez-moi cependant de trouver étonnant le traitement réservé à ce texte, dont la moindre qualité n’est pas la brièveté, loin des « voitures-balais » que nous avions pris la mauvaise habitude de traiter ces dernières années et qui produisaient bien souvent de mauvaises législations, sur lesquelles il fallait ensuite revenir.

M. Pascal Savoldelli. Notre surprise vient du fait que la loi de finances pour 2018 répondait à bien des objectifs auxquels la majorité du Sénat s’attache depuis longtemps…

M. Pascal Savoldelli. … suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune – vous pourriez m’applaudir, chers collègues ! (Sourires.) –, progression générale d’une fiscalité alternative fondée sur la consommation, allégement de la fiscalité de l’épargne, avec la mise en place du prélèvement libératoire unique… J’en passe.

Nous sommes donc quelque peu surpris de la position de la majorité du Sénat. Se justifierait-elle par le fait que les dépenses publiques ne diminuent pas encore assez vite ?

M. Philippe Dallier. C’est possible !

M. Pascal Savoldelli. De ce point de vue, je vous invite, mes chers collègues, à une réflexion assez simple, venue au fil de nos débats de ces derniers jours, parce qu’il faut bien y voir l’une des sources du mouvement d’exaspération et de colère qui traverse le pays, de ronds-points en centres commerciaux, mais aussi dans les cortèges de retraités, de salariés et d’usagers de la SNCF ou encore dans les assemblées d’élus locaux : méfions-nous du sentiment de dégoût exprimé par certains devant l’usage qui est ou serait fait de leurs impôts, devant l’injustice qui préside en la matière.

Ce qui renforce, en effet, la colère populaire, ce n’est rien d’autre que ce sentiment diffus qu’on ne sait plus faire le lien entre le fait de payer sa participation citoyenne aux charges publiques et les contreparties qu’on est en situation d’attendre ou de recevoir au terme de cet effort.

Ce qui est, pour certains, une question de consentement à l’impôt, cet instrument nécessaire pour faire société et pouvoir vivre ensemble autrement que sous la loi du plus fort, est bel et bien : pourquoi cet effort ?

Quand l’école publique perd une classe, quand la gare ferme, quand le bureau de poste réduit ses horaires d’ouverture, quand les services de l’équipement ne passent plus pour l’entretien des routes, quand la baisse des dotations aux collectivités les rend exsangues, la question vient naturellement. La question qui taraude est : pourquoi ?

Regardons les choses en face.

Ce collectif pour 2018, que l’on nous annonce parfaitement tenu et sincère, présente un sincère déficit de 80 milliards d’euros, marquant une détérioration du solde budgétaire de 12,3 milliards d’euros sur 2017.

Faut-il y voir un excès de dépense publique ? Je veux répondre à cette question en citant quelques chiffres, glanés dans l’évaluation des voies et moyens et les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

En 2018, nous aurons laissé pas moins de 98 milliards d’euros en allégements fiscaux destinés aux entreprises, plus 20,6 milliards d’euros de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – le CICE –, plus 44,8 milliards d’euros de pertes de recettes sur l’impôt sur les sociétés, au titre de la « mécanique de l’impôt », plus les taux de TVA privilégiés, plus les exonérations de TICPE liées aux activités sectorielles à faible valeur ajoutée, plus les allégements et plafonnements de fiscalité locale, plus la ristourne dégressive sur les bas salaires.

Il n’y a pas un impôt, une taxe, un droit quelconque pour lesquels on ne voie apparaître une exception, une dérogation ou un crédit d’impôt, dès lors que cela concerne les entreprises et particulièrement les actionnaires, et toujours au nom de l’emploi, de la compétitivité ou de je ne sais quelle baliverne, si l’on en juge par les chiffres du chômage et de la croissance. Je n’ai pas fait le total, mes chers collègues, mais ils sont là, et largement, les 80 milliards d’euros de déficit !

Nous voterons donc la question préalable opposée à ce collectif pour 2018.

Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi, pour terminer, un « haut conseil » humoristique, en écho aux propos du Président de la République, mais aussi à l’ordre du jour de cette séance : si l’on met ceux qui brassent de l’air d’un côté et ceux qui nous pompent l’air de l’autre, on a la climatisation gratuite. (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après l’examen avorté, et même frustrant, la semaine dernière, du présent projet de loi de finances rectificative, cette nouvelle lecture ne réserve pas de surprise, après un nouveau passage sans modification devant l’Assemblée nationale.

Mes collègues ont déjà bien présenté les enjeux. Ce collectif de nature purement budgétaire, présenté le 7 novembre dernier, met à jour les prévisions macroéconomiques pour l’année 2018 et effectue des ajustements comptables, dans la perspective annoncée de « sincériser » le budget, pour reprendre le terme désormais consacré tant par les textes que par l’ambition gouvernementale.

Je ne peux que redire ma satisfaction de ce retour à une pratique plus fidèle à la fonction initiale du collectif budgétaire de fin d’année, malgré des délais toujours aussi contraints.

Le déficit public est ramené à 2,6 % du PIB, contre 2,8 % en loi de programmation et en loi de finances initiale, ce qui traduit l’amélioration de la conjoncture constatée en 2017 et 2018. Le taux de dépense publique s’élève à 54,6 % du PIB, niveau proche de l’an dernier, mais en diminution. L’hypothèse de croissance est maintenue à 1,7 %, alors que l’INSEE se montre un peu moins optimiste, mais qui peut vraiment prévoir avec certitude son évolution ? Les erreurs de prévision des années passées, en négatif comme en positif, forcent, en la matière, à une grande modestie.

La première partie du PLFR diminue de 38 millions d’euros les recettes du CAS relatif aux radars issues du produit des amendes forfaitaires et les réaffecte à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. La réaffectation au budget général de quelque 600 millions d’euros du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », qui a pu susciter des débats dans le contexte actuel, s’explique essentiellement par des raisons techniques, obligeant les comptes spéciaux à être en équilibre.

En définitive, le solde général est amélioré de plus de 5 milliards d’euros par rapport au projet de loi initial, bien que le déficit de l’État reste à un niveau toujours trop élevé, alors que les collectivités territoriales sont tenues, je le rappelle, à un strict équilibre budgétaire. Ma proposition d’afficher au fronton de Bercy le montant de la dette publique, comme le font nos voisins anglo-saxons, que j’appelle le « Téléthon de Bercy », reste d’actualité !

Je note d’ailleurs que, malgré l’amélioration, en exécution, du budget, on compte encore 300 millions d’euros de dépenses de personnel supplémentaires dans certains ministères. La tâche du Gouvernement pour chasser la mauvaise dépense sans décourager la bonne est encore longue. Nous continuerons de lui apporter notre soutien en la matière.

Du fait des difficultés rencontrées dans l’examen du projet de loi de finances pour 2019 en fin de semaine dernière, je suis bien conscient des délais très contraints qui sont les nôtres aujourd’hui. Je tiens toutefois à répéter la position de principe de notre groupe : nous sommes opposés à la motion tendant à opposer la question préalable, dont l’adoption nous empêchera, une fois de plus, de débattre de ce budget rectificatif. Autant dire, en conclusion, que l’examen par notre assemblée de ce PLFR d’un genre rénové aura eu, hélas, cette année, une brièveté proche de celle d’un gazouillis. (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes face à un paradoxe : alors que tout le monde dit du bien de ce texte, celui-ci va être rejeté. Il est vrai que l’on trouve toujours un défaut à un cheval !

Je vais tenter, avec un succès qui ne sera sans doute que d’estime, de faire un ultime plaidoyer en sa faveur, d’autant que je suis le dernier à m’exprimer dans cette discussion générale.

Premièrement, pour la première fois, nous discutons du projet de loi de finances rectificative au moment de l’examen du projet de loi de finances. Cette amélioration de la sincérité devrait permettre la sérénité du débat. Malheureusement, tel n’est pas le cas. Le cheval n’est pas parvenu à franchir le premier obstacle, si je puis dire ! Ce n’est pas jugé satisfaisant.

Deuxièmement, pour la première fois, nous n’aurons pas de décret d’avance cette année. Cette pratique est critiquée par la Cour des comptes comme par le Sénat, qui lui reprochent de bafouer l’autorisation du Parlement. Cette évolution, qui revient à créer un filet de sécurité démocratique, est très importante. Elle était vraiment attendue, espérée, voulue. Mais, là non plus, ce ne serait pas suffisant.

Troisièmement, le passage à 3 % de la mise en réserve – on a connu des mises en réserve jusqu’à 10 % et des gels à 8 % – ne serait pas non plus satisfaisant. Décidément, il semble que ce PLFR n’ait rien pour plaire.

Quatrièmement, le PLFR ne contient aucune mesure fiscale qui dénature son objet – je rappelle qu’il ne doit porter que sur l’année en cours –, alors que nous avons connu des lois de finances rectificatives qui étaient de quasi-lois de finances. Visiblement, cela ne suffit pas non plus pour éviter un rejet du texte.

D’ailleurs, le rejet auquel nous avons assisté la semaine dernière était tout de même assez étrange, puisque la majorité sénatoriale a adopté l’ensemble des articles, avant de rejeter l’article d’équilibre, qui conclut la première partie et n’est que la traduction globale, l’addition finale des articles qui le précèdent. Allez comprendre ! Emmanuel Capus en a parlé.

Autre paradoxe : on refuse d’examiner ce texte, tout en voulant rejouer le débat. Soit on discute du texte, de sa partie budgétaire, des dépenses, des armées ou encore de la transition énergétique, soit on le rejette ! Il me paraît extrêmement compliqué de vouloir à la fois le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. (Mouvements divers.)

Cela me fait penser à l’histoire du chaudron emprunté, évoquée dans Linterprétation des rêves par Sigmund Freud – je vous invite, d’ailleurs à visiter la très belle exposition que lui consacre, en ce moment, le Musée d’art et d’histoire du judaïsme, à Paris. Un homme qui a emprunté un chaudron à son voisin se voit reprocher par celui-ci de le lui rendre fêlé. Pour se défendre, il répond, premièrement, que le chaudron n’est pas fêlé, deuxièmement, qu’il ne le lui a jamais emprunté et, troisièmement, qu’il était déjà fêlé quand il lui a été prêté… (Mêmes mouvements.)

Chers collègues, il faut choisir ses arguments et ses angles d’attaque ! En l’occurrence, la critique portant sur la hausse des crédits se mêle à une critique sur l’austérité budgétaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Franchement, ce PLFR ne méritait ni cet excès d’honneur ni cette indignité ! Il fallait choisir de le voter ou de le rejeter.

À nos yeux, ce texte ne prévoit ni coupes massives ni changement majeur. C’est un retour aux sources de ce que doit être un projet de loi de finances rectificative. Il n’y a ni rabot, ni yo-yo, ni bololo.

Par conséquent, nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Je serai très bref.

Bien évidemment, mon espoir de voir rejeter la motion présentée par M. le rapporteur général est extrêmement ténu.

Pour rebondir sur les propos que Julien Bargeton a tenus à l’instant, je veux répéter que l’ensemble des membres du Gouvernement sont véritablement convaincus que le projet de loi de finances rectificative doit retrouver sa vocation première – j’espère que nous serons en capacité de persévérer dans cette ambition l’an prochain. Pour ce faire, il doit se concentrer sur les ouvertures ou les fermetures de crédits liés à l’année en cours, ne pas être une voiture-balai budgétaire et ne pas comporter de mesures fiscales.

Par ailleurs, pour ce qui concerne son calendrier d’examen, nous avons voulu que ce projet de loi de finances rectificative soit discuté suffisamment tôt dans l’année pour permettre au Gouvernement, une fois que le texte aura été adopté de manière définitive, d’ouvrir les crédits nécessaires à la fin de gestion sans avoir à prendre de décrets d’avance. En effet, les décrets d’avance ont longtemps été utilisés comme une forme d’outil budgétaire à la main du Gouvernement. Nous avons la conviction que cette pratique est contraire au principe de l’autorisation des dépenses et des recettes par le Parlement et que nous devons garder aux décrets d’avance un seul et unique objectif, celui de répondre à des situations imprévisibles, soudaines et nécessitant pour l’État de prendre des décisions que l’on ne pouvait prévoir au moment de l’examen du projet de loi de finances.

Enfin, je veux revenir sur trois points.

Premièrement, comme Gérald Darmanin et moi-même avons déjà eu l’occasion de le dire devant vous ou à l’Assemblée nationale, le Gouvernement considère qu’un mauvais procès lui est fait concernant sa décision relative au compte d’affectation spéciale lié à la transition énergétique.

Comme Mme Lavarde a eu l’honnêteté de le souligner, il s’agit de tenir compte de la délibération du 18 juillet dernier de la Commission de régulation de l’énergie. Cette autorité administrative indépendante a constaté que les coûts de production de l’énergie renouvelable étaient inférieurs à ceux qui étaient prévus par le projet de loi de finances. Les 577 millions d’euros qui ont été évoqués correspondent uniquement à cette différence. Leur maintien aurait été contraire à la délibération de la CRE et serait revenu à surcompenser la production de l’énergie renouvelable par les opérateurs. Je crois que cela aurait été une mauvaise méthode.

Deuxièmement, nous considérons que la question des opérations extérieures, les OPEX, fait elle aussi l’objet d’une querelle inutile. Les OPEX présentent, en cette fin d’année, un surcoût d’environ 400 millions d’euros. Il se trouve que les crédits mis en réserve – à hauteur, je le rappelle, de 3 %, contre 8 % l’année précédente – suffisent à prendre en charge ces opérations sans qu’il soit nécessaire de recourir à la solidarité interministérielle et sans que cela remette en cause une seule commande de matériel, une seule dépense prévue au sein du ministère des armées. Nous nous en tenons évidemment à la philosophie de la loi de programmation militaire, qui appelle à la solidarité interministérielle lorsque c’est nécessaire, mais nous considérons que la mécanique que nous proposons est bonne si aucune des dépenses prévues n’est remise en cause. J’ajoute que, lorsque nous avons à procéder à une régulation budgétaire ou à une fermeture de crédits pour financer telle ou telle dépense, le ministère des armées est bien évidemment exonéré de toute forme de solidarité interministérielle. Cela s’est encore traduit dans les amendements d’équilibre que j’ai eu l’occasion de présenter devant l’Assemblée nationale la semaine passée, lors de la fin de l’examen, en première lecture, du projet de loi de finances pour 2019.

Troisièmement, enfin, le présent PLFR vient aussi illustrer, ponctuer – peut-être devrions-nous au moins nous mettre d’accord sur les termes – la gestion de 2018. En 2018, l’évolution de la dépense publique globale en volume s’élèvera à 0 % et, pour 2019, nous prévoyons qu’elle s’établisse à 0,6 %. Un taux de 0 % n’avait jamais été atteint précédemment et, avec 0,6 % sur les trois dernières années, y compris l’année 2017, l’augmentation moyenne, en volume, est inférieure à 1 %, ce qui est tout aussi inédit. Cette hausse nous permet de tenir les objectifs de maîtrise diminution du poids de la dépense publique dans le PIB que nous nous sommes fixés.

Je précise que la progression des dépenses prévisionnelles de l’État, pour 2019, est de 1 % en valeur, ce qui signifie que, compte tenu des prévisions d’inflation, la dépense publique pilotable de l’État diminuera en volume.

Vous l’aurez compris, monsieur le président, j’émettrai un avis défavorable sur la motion de rejet que M. le rapporteur général va présenter dans un instant. Ce n’est pas une surprise ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2018
Question préalable (fin)

M. le président. Je suis saisi, par M. de Montgolfier, au nom de la commission, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat ;

Considérant que le projet de loi de finances rectificative pour 2018 repose sur un scénario macroéconomique inchangé, en dépit de signaux conjoncturels défavorables, et présente une prévision de déficit public qui devrait certes être atteinte mais qui s’avère particulièrement peu ambitieuse ;

Considérant que ce projet de loi s’inscrit dans la continuité de la politique fiscale et budgétaire du Gouvernement, telle qu’issue de la loi de finances initiale pour 2018, à laquelle le Sénat s’était opposé ;

Considérant que le projet de loi de finances rectificative prévoit le financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX) et des missions intérieures (MISSINT) par la seule mission « Défense », contrairement au principe de solidarité interministérielle prévu à l’article 4 de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 ;

Considérant que, si l’augmentation de près de 600 millions d’euros de la part du produit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) reversée au budget général de l’État tire simplement les conséquences de moindres dépenses sur le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » à la suite d’une délibération de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) du 12 juillet 2018, cette révision ne s’accompagne pas d’un accroissement des ressources consacrées à la transition énergétique, confirmant ainsi que la fiscalité énergétique remplit avant tout un objectif de rendement ;

Considérant qu’en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a rétabli le projet de loi de finances rectificative pour 2018 sans modification, tel que déposé par le Gouvernement le 7 novembre dernier ;

Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 159, 2018-2019).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je veux d’abord apporter un correctif à ce qu’a dit notre collègue Julien Bargeton.

Je rappelle que j’avais proposé, au nom de la commission des finances, que le Sénat s’abstienne sur ce texte. Or, quand le groupe le plus important de la majorité s’abstient, ce sont les autres qui arbitrent ! D’ailleurs, je m’étais abstenu sur l’article d’équilibre. Il est vrai que la voix du rapporteur général porte parfois un peu plus que les autres, mais, cher collègue, vous donnez beaucoup d’importance à mon vote, qui était un vote d’abstention.

Mes chers collègues, avant d’en venir à la motion en tant que telle, je voudrais interroger M. le secrétaire d’État – j’aurais pu faire un rappel au règlement – pour savoir ce que nous faisons et à quoi nous servons, dans cet hémicycle, aujourd’hui, à quinze heures vingt.

Hier soir, nous avons très longuement discuté de la fiscalité de l’énergie. Nous avons d’ailleurs, me semble-t-il, adopté une position assez claire, tendant à supprimer la hausse de la trajectoire de la TICPE. Or, ce matin, le Président la République a fait des annonces.