compte rendu intégral

Présidence de M. David Assouline

vice-président

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot,

M. Michel Raison.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2018
Discussion générale (suite)

Projet de loi de finances rectificative pour 2018

Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2018 (projet n° 159, rapport n° 160).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2018
Question préalable (début)

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de ce projet de loi de finances rectificative en nouvelle lecture me donne l’occasion, au nom du Gouvernement, de vous dire toute notre perplexité à l’égard des critiques formulées sur ce texte, qui ont abouti à rejeter son article d’équilibre en première lecture et, si je comprends bien, sont aussi à l’origine du dépôt, pour la discussion en cours, d’une motion tendant à opposer la question préalable.

Le vote en première lecture et celui qui pourrait intervenir dans quelques instants nous semblent d’autant plus regrettables que ce projet de loi de finances rectificative répond en grande partie aux préoccupations exprimées par les parlementaires depuis plusieurs années, comme nombre d’entre vous l’ont souligné à l’occasion des précédents débats sur le texte.

Voilà encore quelques mois, monsieur le président de la commission des finances, vous plaidiez, aux côtés de M. le rapporteur général, pour obtenir un projet de loi de finances rectificative « limité aux seuls mouvements de crédits et mesures fiscales de l’année en cours ». Vous aviez raison, les collectifs budgétaires de fin d’année ont traditionnellement tenu le rôle de « voiture-balai », servant d’exercice de rattrapage de la loi de finances, tant sur le plan fiscal que pour pallier les insuffisances de crédits du budget de l’année.

Afin de répondre à ces dévoiements de la vocation initiale des lois de finances rectificatives, le Gouvernement a décidé de ne présenter aucune mesure fiscale, ni dans le corps du texte ni par voie d’amendements. De la même manière, le texte ne sera accompagné d’aucun décret d’avance : les ouvertures de crédits supplémentaires feront toutes l’objet d’un vote du Parlement, ce qui réhabilite le pouvoir des parlementaires.

Permettez-moi de reprendre vos mots, monsieur le rapporteur général : « Nous ne pouvons que nous féliciter de ce que le PLFR de fin d’année retrouve son objectif d’origine, qui est bien de se concentrer sur les mesures ayant uniquement un impact sur l’année en cours. »

Nous comprenons d’autant moins la position de votre assemblée sur ce collectif budgétaire que celui-ci est aussi le point d’aboutissement de la démarche de sincérisation engagée par le Gouvernement depuis le début de la mandature.

Vous avez vous-même salué cet effort la semaine dernière, monsieur le rapporteur général. Je vous cite de nouveau : « Le projet de loi de finances rectificative que vous nous présentez correspond à une exécution plus saine des crédits que sous le précédent quinquennat ».

De fait, ce texte suffit à démontrer la prudence des prévisions gouvernementales, ainsi que la sincérité des hypothèses retenues, qu’il s’agisse de la prévision de déficit public de 2,6 % en 2018 ou bien de l’hypothèse de croissance pour 2018, fixée à 1,7 % dans le PLF.

Mais le PLFR affirme surtout une évidence, celle de la solidité de notre budget pour 2018, puisque, à travers lui, c’est la dernière étape de sa démarche de sincérisation budgétaire que le Gouvernement vous propose.

Ainsi, le texte se borne quasi exclusivement à des annulations sur les crédits mis en réserve, à hauteur de 2,7 milliards d’euros, sans incidence sur aucune dépense opérationnelle des ministères.

Il permet de faire face aux dépenses inéluctables de fin d’année, à hauteur de 2,1 milliards d’euros.

Il permet de respecter les engagements pris dans le cadre du PLF pour 2019, qui fixait un objectif de dépenses de 600 millions d’euros en moins sur la norme de dépenses pilotables de l’État.

Il n’y a eu cette année aucun surgel, aucune taxation interministérielle – le contraire du choix, puisque cette technique dilue les responsabilités – et nous avons, par ailleurs, dégelé plus de 2 milliards d’euros de crédits.

Enfin, ce projet de loi de finances rectificative, à la demande de la commission du Sénat, « sincérise » le schéma d’emploi des ministères. En rétablissant la sincérité des plafonds d’emplois, nous pourrons abandonner l’usage des schémas d’emplois. Nous redonnerons ainsi de l’autonomie aux gestionnaires publics, qui seront, dès lors, en capacité de piloter librement leur masse salariale, dans le respect des seuls plafonds d’emplois.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, les raisons pour lesquelles le Gouvernement vous a fait part de son incompréhension face aux critiques portées à ce projet de loi de finances rectificative.

En dépit de quelques divergences politiques, bien naturelles, je suis profondément convaincu que le changement de forme de ce collectif budgétaire de fin d’année est favorable à toutes et à tous, tant du point de vue de la portée de l’autorisation parlementaire qu’en raison de l’effort de sincérité engagé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, une remarque, tout d’abord. Si M. le secrétaire d’État aime bien me citer, il ne le fait pas systématiquement : il me cite certaines fois, pas d’autres !

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Seulement vos meilleurs propos !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Effectivement, nous examinons aujourd’hui un projet de loi de finances rectificative réduit à quelques ajustements, principalement budgétaires, qui permet aussi – je m’en étais félicité et je le répète – d’éviter le fameux décret d’avance de fin d’année.

Ce texte a été adopté sans modification par l’Assemblée nationale, en première lecture comme en nouvelle lecture. Nous pouvons nous réjouir qu’il retrouve sa vocation d’origine, en se concentrant uniquement sur les mesures ayant un impact fiscal sur l’année en cours, comme Vincent Éblé et moi-même en avions exprimé le souhait.

Du point de vue macroéconomique, le projet de loi de finances rectificative repose sur un scénario inchangé par rapport au projet de loi de finances pour 2019. Malheureusement, il y a eu, depuis, un certain nombre de signaux défavorables.

Certes, l’économie française a retrouvé un peu de dynamisme au troisième trimestre, mais la reprise est bien plus faible que ne l’escomptait l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE. La consommation des ménages ne semble pas suivre la hausse du pouvoir d’achat et la dynamique de l’investissement est inquiétante.

S’agissant de la trajectoire budgétaire, l’objectif de déficit devrait pouvoir être tenu. C’est un minimum, avec une prévision à 2,6 %, seulement, du PIB ! S’agissant de la situation budgétaire de l’État, avec 80 milliards d’euros, le déficit est certes en légère amélioration, mais il reste à un niveau très élevé.

Les recettes fiscales évoluent peu également, à l’exception de quelque 600 millions d’euros supplémentaires obtenus au titre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – la TICPE –, qui, actuellement, est l’objet de toutes les attentions. Nous reviendrons sur le sujet dans l’après-midi.

Sur le plan strictement mécanique, il était sans doute tout à fait rigoureux qu’on ait plus en TICPE et moins au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », mais l’État aurait pu affecter le supplément de recettes de TICPE à une vraie politique de transition énergétique, plutôt que de le rediriger vers le budget général.

M. Philippe Dallier. Bonne idée !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. De ce fait, s’il y a eu moins pour l’électricité renouvelable – en rapport avec la décision de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE –, il n’y a pas eu plus pour la transition énergétique. Autrement dit, la baisse des recettes affectées à ce compte d’affectation spéciale n’est pas critiquable en soi ; ce qui l’est, c’est que cette révision ne s’accompagne aucunement d’un accroissement des ressources consacrées à la transition énergétique.

Les dépenses de l’État sont, quant à elles, globalement en hausse de 500 millions d’euros par rapport à la dernière estimation.

La principale question, je n’y reviens pas, porte sur la mission « Défense ».

Celle-ci finance entièrement le surcoût des opérations extérieures et des missions intérieures, ce qui contrevient, comme rappelé par certains de nos collègues, à l’article 4 de la loi de programmation militaire, posant le principe de solidarité interministérielle pour ces surcoûts. Toutefois, il faut le reconnaître, il y a eu, depuis, dégel des crédits de la mission. C’est un moindre mal !

Plus globalement, même si le présent PLFR ne comprend pas de mesures réellement essentielles, à l’exception peut-être de celle qui porte sur la défense, il s’inscrit dans la droite ligne d’un projet de loi de finances initiale auquel nous nous sommes opposés.

C’est pourquoi, en première lecture, le Sénat avait rejeté le texte, dès l’examen de la première partie, repoussant son article d’équilibre.

L’Assemblée nationale l’a rétabli dans sa version initiale, sans modification en nouvelle lecture, après l’échec prévisible de la commission mixte paritaire.

Cette nouvelle lecture ne devrait ni modifier le positionnement du Sénat ni amener l’Assemblée nationale à faire évoluer le sien. C’est pourquoi, mes chers collègues, afin que nous puissions nous consacrer au débat essentiel, le débat sur le projet de loi de finances pour 2019, la commission des finances vous propose de confirmer la position du Sénat par l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le calendrier qui nous réunit aujourd’hui est étrange, inédit, brouillon, désordonné, parfois même irrespectueux…

Les enjeux autour du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » sont évoqués : hier, nous avons parlé de TICPE ; nous avons même parlé de TICPE flottante, à l’occasion de l’examen d’un amendement de mon groupe que le Gouvernement n’a pas souhaité soutenir ; et, aujourd’hui, on entend dire que, peut-être, cette taxe devrait suivre le cours du pétrole !

M. Philippe Dallier. Hier, c’était hier ! Aujourd’hui, c’est aujourd’hui ! Demain, ce sera demain ! (Sourires.)

Mme Sophie Taillé-Polian. Nous ne savons plus si ce que nous disons, ici, a un quelconque sens ! Mais, nous allons tout de même nous exprimer.

Lors de l’examen de ce projet de budget rectificatif en première lecture, mon collègue Claude Raynal avait eu l’occasion de revenir sur le scénario macroéconomique, évoquant aussi bien les prévisions de croissance optimistes – très optimistes, peut-être même un peu trompeuses – que l’amélioration du solde budgétaire, laquelle, comme il l’a très justement démontré, ne doit rien à ce gouvernement.

M. le rapporteur général a exposé les points de blocage, j’y reviens brièvement.

Le premier point concerne le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » et sa sous-consommation de crédits.

Comme l’a très bien expliqué M. le rapporteur pour le Sénat lors de la commission mixte paritaire sur ce texte : « c’est un choix politique d’en faire plus ou moins pour la transition énergétique ». Vous choisissez d’en faire moins, monsieur le secrétaire d’État ; nous aurions résolument choisi d’en faire plus !

J’ajoute que la transition énergétique a besoin, non pas de Hauts Conseils, mais de « hauts budgets » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Sophie Taillé-Polian. La France a également besoin de justice fiscale !

Le second point de blocage a trait au budget de la mission « Défense » et à la prise en charge des opérations militaires extérieures, les OPEX.

En revenant sur les engagements adoptés dans la loi de programmation militaire, on suscite nécessairement des interrogations quant à l’utilisation récurrente de la formule « sincérité budgétaire » par le ministre de l’action et des comptes publics.

J’entends, quant à moi, insister davantage sur les crédits de la mission « Travail et emploi ».

C’est peu dire que la politique de l’emploi est soumise, avec ce gouvernement, à une double peine. D’une part, les crédits de la mission connaissent une baisse drastique pour 2019. À périmètre constant, ils diminuent de 2,1 milliards d’euros en crédits de paiement. D’autre part, ce projet de budget rectificatif pour 2018 annule pour un demi-milliard de crédits d’un PLF déjà lourdement sanctionné.

Vous conviendrez, monsieur le rapporteur général, de mon étonnement à ne pas voir ce point figurer dans l’objet de la motion que vous allez nous soumettre, car, pour autant que je m’en souvienne, le Sénat avait rejeté les crédits de cette mission lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2018, le motif principal de ce rejet étant la baisse drastique du nombre de contrats aidés.

Eh bien, disons-le, mes chers collègues : la situation actuelle est bien pire que celle qui, déjà, à l’époque, vous avait conduits à fortement vous mobiliser !

Pour mémoire, il était prévu dans la loi de finances initiale que seuls 200 000 contrats aidés seraient conclus en 2018. Ils ne concerneraient que le secteur non marchand et seraient concentrés sur trois domaines prioritaires : les territoires ultramarins et ruraux, l’accompagnement des enfants en situation de handicap en milieu scolaire et l’urgence sanitaire et sociale.

Cela représentait, déjà, une diminution de 100 000 contrats aidés, avec, de surcroît, un taux moyen de prise en charge revu très nettement à la baisse.

Au total, en 2018, ce programme a connu une baisse de plus d’un milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 953 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à 2017.

Nous n’avions pas manqué de mettre en garde le Gouvernement contre les conséquences dramatiques de cette décision brutale, prise sans concertation et ayant entraîné, in fine, la fragilisation des petites associations et de certains services publics locaux, dans un contexte global de diminution des dépenses.

Le gel des contrats aidés représente, en effet, 1,3 milliard d’euros d’impact budgétaire pour les associations. Dans le secteur des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, les établissements déjà exsangues ont dû trouver des ressources internes pour financer des contrats aidés que l’État finançait jusque-là à 80 % ou 90 %. Dans les centres sociaux, ce sont 313 activités « petite enfance » qui ont été déstabilisées et 344 activités « jeunesse » qui se sont arrêtées.

Depuis, le contrat aidé est devenu le parcours emploi compétences, le PEC, et la sous-consommation des crédits du programme 102, mise en exergue par ce projet de budget rectificatif, montre que nos inquiétudes étaient plus que fondées.

Comment justifier une telle sous-consommation, sinon en concluant que le Gouvernement a masqué l’importance de la baisse réelle du budget de ce programme ? Derrière ces crédits, combien, réellement, de contrats aidés ?

En fait, comme le laisse entendre l’Association des maires de France, l’AMF, la diminution est due à l’excessive complexité du PEC. Les élus locaux l’ont vécue comme une défiance. Ajoutez à cela l’obligation de formation non financée, la chute du taux de prise en charge par l’État, l’appréhension des employeurs qui ne veulent plus recruter, car ils redoutent l’instabilité des annonces gouvernementales, et vous obtenez les raisons de la déconvenue organisée du PEC.

Mes chers collègues, la réduction du nombre de contrats aidés est révélatrice d’une politique de l’emploi qui n’est malheureusement plus que la somme de variables budgétaires, au lieu d’être un vecteur réel d’amélioration de l’efficacité des parcours d’insertion.

Les récents chiffres du chômage le prouvent : 22 000 demandeurs d’emploi supplémentaires, toutes catégories confondues, depuis un an ; 16 000 demandeurs d’emploi en contrats précaires supplémentaires durant la même période ; 3 100 entrées en formation de moins entre 2017 et 2018.

Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez pas prétendre que l’amélioration de la conjoncture justifie ces annulations de crédits !

Nous ne pouvons donc que nous opposer à votre logique d’anticipation, la même logique qui justifie que vous baissiez de 84,7 millions d’euros le montant de la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi en 2019. Cette anticipation, c’est de la politique fiction ! Car, malheureusement, les derniers chiffres du chômage sont mauvais, particulièrement ceux qui concernent les chômeurs de longue durée, dont le nombre augmente et la situation se détériore.

Enfin, ce projet de budget rectificatif retire 12,4 millions d’euros au programme 111, relatif à l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, précisément pour ce qui concerne les défenseurs syndicaux.

Dans un contexte de forte modification du droit du travail au cours des deux dernières années, les défenseurs syndicaux devraient représenter, pour vous, un rouage essentiel, un élément important du nouveau dialogue social, celui-là même dont vous parlez beaucoup, mais qui ne se concrétise guère dans les relations avec les organisations syndicales.

Dégager des économies sur les programmes de la mission « Travail et emploi », c’est donc, pour vous, un parti pris : celui de ne faire une priorité ni de la protection des salariés ni de l’accompagnement des chômeurs de longue durée. Nous ne pouvons, évidemment, que le regretter !

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain s’opposera fermement à ce projet de budget rectificatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michelle Gréaume se joint à ces applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous examinons de nouveau le projet de loi de finances rectificative pour 2018, une semaine après la première lecture.

Je crois que nous pouvons avoir un regret : nos discussions se sont interrompues de façon prématurée lors de cette première lecture – c’est le moins que l’on puisse dire !

Malgré un avis plutôt positif de notre commission, alors que les premiers articles avaient été adoptés en séance, le Sénat n’a pas voté l’article d’équilibre.

Pourtant, le rapporteur général avait préconisé une abstention sur le texte, rappelant que celui-ci offre de réels motifs de satisfaction, motifs qu’il vient d’évoquer une nouvelle fois au cours de son propos.

Le PLFR revient, en effet, à la vocation initiale de ce type de textes : procéder à des ajustements principalement budgétaires, tout en évitant le traditionnel décret d’avance de fin d’année. En outre, il ne contient pas de mesure fiscale, ce qui doit être souligné.

On pouvait donc légitimement penser que le Sénat allait, au moins, voter l’article d’équilibre. Cela n’a pas été le cas.

Refuser la discussion est une posture qui affaiblit notre assemblée. Ça n’est pas satisfaisant !

Par principe, mon groupe estime que nous devons aller au bout de la discussion des textes, et je sais que les radicaux partagent cette conviction.

M. Roger Karoutchi. S’ils la partagent…

M. Emmanuel Capus. Nous avons eu un exemple, cette semaine, des inconvénients de cette façon de faire.

En 2016 – vous vous en souvenez, mes chers collègues ; moi, je n’étais pas présent dans cet hémicycle –, notre assemblée a refusé de débattre du PLF pour 2017. Elle a laissé passer, sans discussion, une mesure importante concernant la fiscalité des indemnités des élus locaux. Deux ans après, nous subissons le retour de bâton de ce manque de dialogue. Et, évidemment, c’est un peu plus compliqué de résoudre les problèmes à froid que de les résoudre à chaud !

S’agissant du présent PLFR, je crois que la remise en question du financement interministériel des opérations extérieures et intérieures méritait un débat devant la représentation nationale. D’ailleurs, nous étions plusieurs, dont Claude Raynal et le président Christian Cambon, à avoir déposé des amendements visant à rétablir cette solidarité interministérielle, en ligne avec l’article 4 de la loi de programmation militaire. Nous n’avons pas eu ce débat ; nous ne l’aurons manifestement pas non plus aujourd’hui.

Il serait dommage que nous nous servions des discussions sur la mission « Défense » du PLF pour refaire le match.

Nous devons faire preuve de cohérence et d’esprit de responsabilité.

Sur la question de la transition énergétique, je partage les interrogations de nombreux collègues sur l’affectation de l’excédent de TICPE au budget général. Mais, encore une fois, nous n’en discuterons pas publiquement, alors que l’actualité commanderait un débat de fond, tel que celui que nous avons eu hier.

Dans ce contexte, la commission mixte paritaire a bien entendu échoué et nous allons examiner une nouvelle motion tendant à opposer la question préalable. Mon groupe s’y opposera, au motif que si nous l’adoptons, nous n’aurons jamais débattu de ce PLFR.

Mes chers collègues, il serait dommage que nos débats budgétaires n’aient plus lieu dans notre enceinte, mais se développent sur les réseaux sociaux. À force de dire que les débats au Sénat ne servent à rien, il ne faudrait pas que les Français finissent par le croire.

Pour notre part, au sein du groupe Les Indépendants – République et Territoires, nous croyons fortement à la nécessité du débat parlementaire, à sa temporalité propre, qui ne se résume pas et ne doit pas se résumer à 280 signes. C’est pourquoi, vous l’avez compris, nous ne voterons pas la motion.

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Union Centriste avait abordé l’examen de ce projet de loi de finances rectificative pour 2018 avec optimisme, parce qu’il nous semblait voir, dans la façon dont le texte avait été préparé, un certain nombre de sujets de satisfaction : contrairement aux PLFR précédents, il n’y avait pas de mesures fiscales nouvelles, il n’y avait pas non plus de décret d’avance et la mise en réserve des crédits avait été ramenée de 8 % à 3 %.

Tout cela nous paraissait satisfaisant et permettait d’aborder le sujet avec une préoccupation de lisibilité et de clarté.

D’ailleurs, contrairement à ce que le précédent orateur a indiqué, si nous avons refusé d’examiner le projet de loi de finances pour 2017, c’est parce que celui-ci était très clairement placé sous le signe de l’insincérité. Les éléments qui nous avaient poussés à cette conclusion, lors de l’examen du texte, avaient été mis en avant quelques mois plus tard, en particulier dans le courant de l’année 2017, lorsque la Cour des comptes avait effectué un audit des finances publiques. Il s’était avéré, alors, que la situation était beaucoup plus préoccupante que celle qui avait été affichée dans le PLF.

Je dois le reconnaître, tel n’est pas le cas de ce projet de loi de finances rectificative pour 2018, qui, en outre, apporte aussi une amélioration au regard de ce qui a été voté en loi de finances initiale.

Ainsi, selon les chiffres qui nous ont été communiqués, le déficit budgétaire devrait être inférieur de 5,7 milliards d’euros aux prévisions et ramené à 80 milliards d’euros. C’est encore un élément de satisfaction qui nous a conduits, au sein du groupe Union Centriste, à aborder l’examen de ce texte de façon positive.

Mais force est de constater que, malgré l’amélioration significative de ce déficit budgétaire, nous restons encore loin de l’objectif de réduction drastique qui doit être atteint. En particulier, nous sommes loin du résultat obtenu, in fine, en 2017, à savoir un déficit de 67,5 milliards d’euros. Cela, bien entendu, nous préoccupe.

Autre point qui suscite des hésitations au sein de mon groupe : la situation économique du moment.

Ce matin, j’entendais les résultats d’un sondage sur le moral des ménages français : selon l’INSEE, celui-ci est en nette baisse. Ce doit être, aussi, un sujet de préoccupation.

Quant à la crise sociale qui s’est révélée dans la rue au cours des dernières semaines, elle doit appeler une réaction de notre part. Il faut prendre un certain nombre de mesures, de nature à calmer les inquiétudes, parfois un peu exagérées, mais souvent légitimes, des Français.

Ce projet de loi de finances rectificative constituait une bonne occasion de répondre aux attentes d’un grand nombre de nos concitoyens. Hélas, ce n’est pas le cas, et on ne peut que le déplorer.

Nous espérons, par ailleurs, que les taxations supplémentaires prévues dans le projet de loi de finances pour 2019 ne susciteront pas un sentiment de révolte, faisant croître la crise sociale que nous connaissons actuellement.

En définitive, la croissance risque d’être inférieure à ce qui est prévu dans le projet de loi de finances. Les principaux observateurs s’accordent sur une croissance aux alentours de 1,6 %, alors que le Gouvernement s’est appuyé sur une prévision à 1,7 %, et certains éléments conjoncturels – par exemple, la crise des investissements dans le secteur manufacturier – pourraient faire diminuer ce taux. À la clé, il y aurait moins de recettes, même si, inversement, l’inflation pourrait être légèrement supérieure : selon la Banque de France, elle s’établirait à 1,7 %, contre 1,4 % dans les prévisions gouvernementales.

En tout cas, tout cela risque de complexifier la fin de notre exercice budgétaire.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, les membres du groupe Union Centriste sont partagés : certains voteront la motion tendant à opposer la question préalable ; d’autres ne la voteront pas, considérant que ce qui est proposé dans ce projet de loi de finances rectificative va dans le bon sens et mérite d’être encouragé. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)