compte rendu intégral

Présidence de M. David Assouline

vice-président

Secrétaires :

Mme Mireille Jouve,

M. Victorin Lurel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 71 quater (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Seconde partie

Loi de finances pour 2019

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147, avis nos 148 à 153).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et article 73).

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements.)

M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de me féliciter que la demande constante du Sénat concernant l’attribution de la carte du combattant aux militaires présents sur le territoire algérien au-delà du 2 juillet 1962 soit enfin mise en œuvre.

M. Charles Revet. C’est très bien, et c’est mérité !

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Voilà enfin réparée la principale injustice qui altérait notre politique de reconnaissance envers nos anciens combattants !

Il s’agit, avec la revalorisation de l’allocation de reconnaissance en faveur des harkis, de l’un des rares motifs de satisfaction que nous réserve le projet de budget pour 2019. Rare, mais précieux, si bien que, malgré de nombreux points plus inquiétants, la commission des finances vous proposera néanmoins d’adopter les crédits de cette mission.

Parmi nos inquiétudes figure la répétition de certains constats relatifs à la Journée défense et citoyenneté, la JDC : trop de jeunes manquent encore ce rendez-vous avec nos armées et, quant à son contenu, il semble, malgré les incessantes modifications qui lui sont apportées, qu’il se tient toujours trop loin de ce que devrait être la vocation d’une journée consacrée à la défense de notre pays.

Il faut espérer que le futur service national universel, le SNU, ne répétera pas les mêmes erreurs et qu’à cette occasion les difficultés rencontrées par une fraction importante de la jeunesse pourront être mieux prises en compte par les services de l’État.

Le centenaire de la Grande Guerre s’achève. Malgré quelques couacs, je salue une commémoration qui a su être digne et participative dans beaucoup de nos départements.

Quel effondrement, néanmoins, des moyens de la politique de la mémoire ! L’année à venir sera celle des « basses eaux » et cela ne peut pas nous convenir, non plus qu’aux bénévoles, que je veux saluer ici et qui animent avec flamme, cœur et passion nos actions de mémoire, même les plus modestes.

Les crédits consacrés à la reconnaissance de la Nation connaissent une baisse considérable. C’est – hélas ! – l’effet de la démographie, mais c’est aussi celui d’un choix de revalorisation très limitée des prestations assurées aux anciens combattants. (M. Charles Revet approuve.)

Le chiffre à retenir cette année : 2,3 milliards d’euros.

Nous devons avoir une reconnaissance véritable pour le monde combattant de notre pays et pour tous les bénévoles qui œuvrent dans les associations patriotiques et de mémoire, ainsi que pour nos amis porte-drapeau.

Le rapport constant entraîne le plafonnement à 0,7 % de la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité et, avec lui, de toutes les allocations qui en dépendent.

La retraite du combattant ne bénéficie d’aucune amélioration, alors que la mission dégage spontanément plus de 6 % d’économies. Nous le regrettons !

Madame la secrétaire d’État, vous avez annoncé la création d’une commission tripartite destinée à envisager les questions posées par la revalorisation des prestations : la création d’une commission n’est pas toujours un bon signe, mais peut-être pourrez-vous indiquer au Sénat ce que seront son rôle et sa composition ?

En toute hypothèse, un objectif de maintien de la valeur réelle des prestations s’impose, ce qui passera sans doute par un mécanisme alternatif au rapport constant.

Les allocations de reconnaissance vont certes connaître un certain dynamisme avec l’attribution de la carte du combattant au titre de la guerre d’Algérie – je l’ai évoqué au début de mon propos. Cette mesure devrait coûter près de 60 millions d’euros pour 50 000 bénéficiaires, dont 30 millions d’euros au titre des avantages fiscaux. Comme ces derniers ne sont pas identiques pour chaque bénéficiaire, il sera intéressant d’identifier la répartition des soutiens accordés au titre de cette mesure.

En tout cas, il faudra veiller à ce que les demandes déposées puissent être traitées en temps voulu. Sur ce point, il semble que l’office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC-VG, éprouve quelques difficultés à traiter sur un bon rythme les demandes qui résultent des droits ouverts aux anciens combattants. Il en serait ainsi pour l’attribution de la carte du combattant au titre des opérations extérieures, les OPEX, décidée en 2015.

La réduction des effectifs de l’ONAC-VG sera-t-elle compatible avec un traitement rapide des 50 000 demandes relatives à la présence prolongée en Algérie ? Il faut vous y engager, madame la secrétaire d’État.

Après avoir souhaité que la détérioration des recettes propres de l’Institution nationale des Invalides, l’INI, ne remette pas en cause son plan de modernisation, auquel le ministère de la santé devrait par ailleurs mieux contribuer, je conclurai mon propos par quelques mots sur la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, la CIVS : sa suppression, un temps évoquée, a été écartée par le Premier ministre et nous ne pouvons que regretter le fait que le projet de budget pour 2019 ne traduise pas ces excellentes nouvelles orientations. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, en remplacement de M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Chantal Deseyne, en remplacement de M. Bruno Gilles, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, je suis chargée de vous présenter les principales observations de la commission des affaires sociales en remplacement de notre rapporteur pour avis Bruno Gilles, qui ne peut être présent ce matin.

La baisse naturelle du nombre d’anciens combattants permet, comme chaque année, une économie substantielle sur les prestations de reconnaissance et de réparation. Cette marge de manœuvre est en partie mobilisée pour des mesures qu’il convient de saluer.

L’attribution de la carte du combattant aux soldats qui ont servi en Algérie entre 1962 et 1964 correspond à une demande ancienne et le Sénat avait adopté une proposition de loi en ce sens au printemps dernier.

M. Charles Revet. Exactement !

Mme Chantal Deseyne, en remplacement de M. Bruno Gilles, rapporteur pour avis. Je ne peux donc que m’en réjouir. De même, le plan en faveur des harkis est bienvenu.

Ces mesures expliquent largement l’avis favorable donné par la commission des affaires sociales à l’adoption des crédits de la mission, ainsi qu’à celle de l’article 73.

Toutefois, le coût de ces mesures demeure largement inférieur aux économies permises par la démographie des anciens combattants. Une réflexion sur les autres demandes du monde combattant pourrait donc être menée ; la discussion des amendements permettra d’en évoquer quelques-unes.

Je souhaiterais notamment que le Gouvernement puisse nous donner des précisions quant à la situation des anciens supplétifs de droit commun et pour lesquels un traitement individualisé a été annoncé. Sur les soixante-quatorze dossiers présentés par les associations, vingt-six pourraient bénéficier, selon les informations qui nous ont été communiquées, d’un soutien financier. Cela signifie-t-il, comme l’ont compris les associations, que ces personnes bénéficieront de l’allocation de reconnaissance ? Qu’en est-il des dossiers écartés ?

Par ailleurs, je regrette la diminution des crédits dédiés à la politique de mémoire. Cette baisse est nettement plus forte que le simple effet de la fin des commémorations liées au centenaire de la Première Guerre mondiale. Selon mes calculs, confirmés par les services du ministère des armées, ce sont près de 2,8 millions d’euros d’économies qui seraient prévus. Cette baisse pourrait paraître négligeable au regard des crédits de la mission, mais elle pourrait remettre en question de nombreux projets éducatifs, alors que la transmission de la mémoire aux jeunes générations apparaît plus que jamais nécessaire.

Enfin, le nouveau contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’office national des anciens combattants et victimes de guerre n’a toujours pas été conclu, alors que le contrat actuel arrive à échéance. Il serait souhaitable que le Gouvernement nous donne des garanties quant aux moyens qui seront accordés à l’ONAC-VG pour continuer à mener à bien ses missions et quant au maintien de son réseau territorial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, nous sortons tout juste du cycle mémoriel de la Grande Guerre, qui nous a permis d’honorer la mémoire de toutes celles et de tous ceux, civils ou soldats, qui ont chèrement payé le prix de la liberté.

Ces commémorations ont offert un temps de mémoire utile à la reconnaissance de la Nation, ainsi qu’à la transmission de valeurs aux jeunes générations à une époque où la cohésion sociale a besoin d’être renforcée.

En ce sens, la mission que nous examinons aujourd’hui, dont une partie des crédits a porté le cycle du centenaire, est fondamentale.

Si nous refermons un grand volet de la politique mémorielle, comme en témoigne la baisse, logique, des crédits du programme 167, nous devons poursuivre le travail d’affermissement des liens entre la Nation et son armée, ce sur quoi nous aurons sans doute l’occasion de débattre dans la perspective du service national universel.

En attendant, le budget total de la mission s’élève à 2,3 milliards d’euros, ce qui représente une baisse d’environ 160 millions par rapport à la dotation de 2018. Cette diminution s’explique essentiellement par la baisse démographique naturelle des différentes catégories de bénéficiaires des prestations relevant du programme de reconnaissance et de réparation.

La mission permet donc de préserver intégralement les droits des anciens combattants, aux côtés de la dynamique des dépenses fiscales.

En outre, le projet de loi de finances pour 2019 introduit, dans le prolongement des dispositions adoptées les années précédentes, deux nouvelles mesures, sur lesquelles je souhaiterais m’arrêter plus particulièrement.

La première concerne l’extension du bénéfice de la carte du combattant aux militaires présents en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964.

Si le principe de la « carte à cheval » a bien été acté en 2014, les gouvernements successifs se sont toujours opposés à en étendre le bénéfice aux soldats engagés en Algérie après les accords d’Évian. Le groupe du RDSE a toujours soutenu cette mesure, qui rétablit l’égalité entre frères d’armes et que le Sénat a souvent portée. Madame la secrétaire d’État, vous avez été sensible à cette demande récurrente du monde combattant et je me réjouis de la voir enfin concrétisée.

La seconde mesure sur laquelle je voudrais m’attarder concerne le renforcement de la politique de reconnaissance et de réparation envers les harkis, pour un montant d’environ 23 millions d’euros en 2019. Je souhaite saluer les dispositions nouvelles, émanant notamment du rapport du préfet Dominique Ceaux intitulé « Aux harkis, la patrie reconnaissante ». Je pense bien sûr à la revalorisation de 400 euros de l’allocation de reconnaissance et de l’allocation viagère versées aux supplétifs, ainsi qu’à la mise en place d’un dispositif d’aide individualisé aux enfants de harkis les plus en difficulté.

Afin de compléter cet objectif d’équité dans la reconnaissance et la réparation, le groupe du RDSE souhaiterait que le chantier de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires soit approfondi. Il serait notamment souhaitable d’élargir la liste des bénéficiaires du titre de reconnaissance de la Nation aux vétérans ayant participé aux programmes d’essais nucléaires français sur les sites du Sahara et de Polynésie française de 1960 à 1996.

Enfin, je souhaiterais insister une nouvelle fois sur la responsabilité qui est la nôtre en matière de mémoire, celle de prévoir l’après-centenaire. C’est essentiel et des moyens devront être mobilisés pour cela. Nous devons souligner la grande réussite des commémorations qui se sont déroulées entre 2014 et 2018, ce que j’ai personnellement constaté dans mon département, la Meuse. Nous devons poursuivre sur cet élan.

À mon sens, l’inscription des sites mémoriels de la Grande Guerre au patrimoine de l’UNESCO, dont le dossier sera de nouveau soumis en 2021, serait un moyen solide d’ancrer dans la mémoire collective les sacrifices de nos aînés.

En conclusion, le groupe du RDSE soutient votre action, madame la secrétaire d’État, et votera les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, il y a quelques jours, beaucoup de nos compatriotes se sont déplacés sur des lieux de mémoire afin de rendre hommage à ceux qui ont payé un lourd tribut pour la patrie.

Les visages des plus jeunes, comme des plus anciens, exprimaient leur fierté pour les poilus et les femmes qui les ont soutenus. Ensemble, ils ont fait de la France une nation libre et rayonnante. Le rassemblement de nombreux chefs d’État sous l’Arc de Triomphe en a témoigné.

Aujourd’hui, la Haute Assemblée, réunie pour l’examen de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », doit répondre à deux questions. Notre reconnaissance sera-t-elle à la hauteur du courage de nos combattants d’hier et d’aujourd’hui ? Saurons-nous transmettre ce témoin qui nous a été légué ?

À cette dernière question, je rappellerai simplement les mots de Chateaubriand : « Les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts ; les morts, au contraire, instruisent les vivants ». Voilà le défi qu’il nous appartient de relever pour la génération actuelle et celles qui viendront ensuite.

Les crédits alloués à cette mission diminuent une fois de plus : le budget pour 2019 s’élève ainsi, en crédits de paiement, à 2,3 milliards d’euros. Depuis 2012, les dépenses ont ainsi reculé de près de 900 millions !

Madame la secrétaire d’État, cette trajectoire de repli demeure regrettable. Si elle peut s’expliquer, naturellement, par la diminution du nombre de bénéficiaires, elle n’apporte pas suffisamment de réponses aux besoins de revalorisation significative du pouvoir d’achat. J’y reviendrai.

Cette baisse se reflète dans le programme 167. Si les crédits ont été en augmentation l’année dernière en raison des besoins liés aux commémorations, une économie de 20 % est à noter pour 2019.

Toutefois, j’ai conscience que l’effort ne doit pas reposer uniquement sur les deniers de l’État. Le devoir de commémoration est l’affaire de tous. Des initiatives locales méritent d’être développées. Je pense notamment au département de l’Essonne, qui a offert un drapeau à chaque commune pour que les enfants puissent le porter lors des cérémonies.

Mais revenons au sujet principal ! Une exception demeure pour le financement de l’action Liens armée-jeunesse, qui connaît une progression de plus de 3 millions d’euros. Cette action voit en effet son périmètre élargi et prend désormais en charge une partie des financements du service militaire volontaire. C’est là un dispositif dont je veux saluer les mérites.

Quant à la Journée défense et citoyenneté, elle demeure insuffisante compte tenu des objectifs auxquels elle entend satisfaire. Il convient donc de la réformer en profondeur.

À cet effet, le Président de la République s’est engagé à créer un service national universel. À ce stade, aucune mesure ne figure dans cette mission. Le lundi 19 novembre, le groupe de travail missionné sur ce sujet a remis son rapport. Nous nous interrogeons et nous souhaitons avoir des précisions sur ce point.

En outre, le programme 169, qui représente près de 90 % de la mission, n’échappe pas à la règle. Ses crédits diminuent également, et ce, de façon la plus importante, comme nous l’observons depuis 2015. Cela s’explique par la baisse du nombre de bénéficiaires, en particulier de ceux ayant combattu durant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi en Indochine et en Afrique du Nord.

Il eût été préférable d’encourager une revalorisation significative de la pension militaire d’invalidité et de la retraite du combattant. L’intention du Gouvernement de réunir une commission tripartite pour envisager une revalorisation du point d’indice serait déjà un premier pas, qui s’inscrirait dans le bon sens.

Toujours sur ce sujet, je souhaite évoquer deux points largement soutenus par les principaux intéressés.

Tout d’abord, parmi les militaires participant aux OPEX et à l’opération Sentinelle, il y a beaucoup de jeunes, qui ont souscrit un contrat de courte durée, souvent entre trois et cinq ans, et qui envisagent ensuite une reconversion professionnelle dans le civil. Il serait souhaitable que les mesures de réinsertion, comme le bilan de compétences ou l’accès à des formations relatives aux nouveaux métiers de l’Internet ou aux emplois réservés, soient proposées de manière plus formelle et plus systématique à cette catégorie de personnel. Il serait intéressant que le Gouvernement se penche sur cette proposition.

De manière plus générale, la situation des forces participant aux opérations de protection des Français contre les actions terroristes doit être mieux prise en compte, comme celle de nos militaires de la quatrième génération du feu engagés sur différents théâtres d’opérations extérieurs.

À ce sujet, nous souhaiterions avoir des informations sur le projet de mémorial national à Paris. Par ailleurs, il serait souhaitable qu’une plaque commémorative soit également apposée sous l’Arc de Triomphe en hommage aux morts pour la France en opérations extérieures. En termes budgétaires, cela ne représenterait rien, mais le symbole serait très fort.

Ensuite, il pourrait être envisagé d’étendre la médaille commémorative d’Indochine, en retenant le 1er octobre 1957 comme date officielle de la fin des hostilités.

Concernant l’attribution de la carte du combattant aux soldats présents en Algérie entre 1962 et 1964, le projet de loi de finances pour 2019 consacre ce droit. L’année dernière, j’ai moi-même eu l’occasion d’évoquer cette question ici même ; je me réjouis donc de cette avancée.

Pour terminer sur ce programme, nous regrettons la baisse de la subvention accordée à l’ONAC-VG à hauteur de 400 000 euros. De plus, nous souhaitons que l’assise retenue soit départementale, et non régionale.

Concernant le programme 158, il connaît une hausse de plus de 5,2 millions d’euros. Cette augmentation est expliquée par l’accroissement des indemnités prévues au titre des spoliations antisémites. Par le biais de cette participation financière, la France s’honore. Mes chers collègues, encore aujourd’hui, nous devons rester vigilants. Comme toutes les formes de haine, l’antisémitisme doit être combattu sans relâche et avec la plus grande fermeté.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Jocelyne Guidez. Enfin, je terminerai par l’article 73, rattaché à la mission. Nous saluons la revalorisation de 400 euros de l’allocation de reconnaissance pour les harkis et de l’allocation viagère des conjoints survivants. Il s’agit d’un épisode de leur vie qui a été particulièrement douloureux. Ils ont combattu pour notre drapeau, pour la France.

En conclusion, des avancées figurent dans ce projet de loi de finances. D’autres demandes sont à prendre en compte. Je sais pouvoir compter, madame la secrétaire d’État, sur votre sens de l’écoute - il est d’ailleurs très agréable de travailler avec vous.

C’est pourquoi le groupe Union Centriste – je pense notamment à ceux de ses membres qui siègent à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – votera les crédits de cette mission, ainsi que l’article 73 rattaché. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits consacrés aux anciens combattants.

Alors que se terminent les célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale, la dette que la Nation entretient à l’égard de ceux qui ont versé leur sang hier et aujourd’hui apparaît plus vivace que jamais. Je veux rendre hommage à nos vétérans et à leurs familles de métropole et d’outre-mer pour les sacrifices consentis à la défense de la France. La patrie leur en est reconnaissante. Les Français n’oublient pas ce qu’ils leur doivent.

Il nous semble néanmoins que la reconnaissance de la Nation ne doit pas seulement être un vœu pieux ou une incantation. Elle doit être une action concrète au service de nos soldats, une contribution collective à leur bien-être et à celui de leur famille.

Si la diminution des crédits pour 2019 s’explique en partie par la baisse naturelle du nombre de bénéficiaires des différents dispositifs, nous serons vigilants à ce que cette baisse tendancielle ne représente pas un déclin des conditions de reconnaissance de la Nation.

Vous nous rassurez sur plusieurs points, madame la secrétaire d’État. Vous avez pris des mesures fortes pour corriger des inégalités connues de longue date.

Il s’agit, par exemple, de la revalorisation substantielle – 400 euros – de l’allocation de reconnaissance versée aux supplétifs de l’armée française en Algérie.

Il s’agit également des mesures en faveur des enfants de harkis.

Il s’agit enfin d’une mesure que nous avons longtemps attendue : l’octroi de la carte du combattant aux soldats présents sur le territoire algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964.

Ces mesures sont autant de promesses tenues que nous saluons, comme nous saluons, madame la secrétaire d’État, votre volonté de passer en revue l’ensemble des questions en suspens avec le monde des anciens combattants. Nous espérons que la concertation annoncée portera davantage de fruits à l’avenir.

Toutefois, malgré ces avancées, des injustices persistent et on peut noter la relative timidité de ce projet de budget, notamment la très faible revalorisation des pensions militaires d’invalidité.

Cela dit, ce projet de loi de finances est également marqué par un souci bienvenu de la transmission, notamment vis-à-vis de la jeunesse.

Je pense à un dispositif comme le service militaire volontaire, qui permet chaque année aux armées d’insérer dans l’emploi durable près de 1 000 jeunes en difficulté. Il s’inspire du service militaire adapté, trop peu connu en métropole, mais qui fait des merveilles pour l’emploi des jeunes en outre-mer.

Je pense également à l’érection du monument pour les opérations extérieures, qui permettra aux citoyens de rendre hommage aux soldats tombés pour leur défense.

Toutes ces initiatives sont bienvenues. Néanmoins, il ne doit pas être uniquement question de moyens budgétaires ou humains, car il s’agit au fond de réfléchir à ce qui fait de nous une nation, dont les valeurs justifient le combat, les blessures et le sacrifice ultime de nos soldats. Il s’agit, enfin, de mettre nos politiques de mémoire au service de l’avenir et d’un véritable projet de société par la transmission et le partage.

Nous attendons donc avec impatience que se précise l’architecture du futur service national universel et, surtout, que soient enfin définies les modalités de son financement.

Dans cette attente, le groupe Les Indépendants votera, en signe d’encouragement, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où s’ouvrent les débats sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » de ce projet de loi de finances pour 2019, je veux rendre hommage à tous les anciens combattants qui nous ont quittés durant l’année écoulée. Nous leur devons beaucoup de respect, car ils ont fait de notre pays une terre de liberté, une terre d’accueil, mais avant tout une terre de paix.

Cette paix, c’est l’héritage qu’ils nous offrent et c’est celui que nous devons laisser aux citoyens de demain, alors que l’extrême droite - le fascisme parfois - se réinstalle tout doucement dans le monde, en Europe en particulier.

C’est là que réside le devoir de notre pays, le devoir de mémoire, que nous devons mener avec des moyens considérables, car si Alfred de Musset ne badinait pas avec l’amour, nous, parlementaires, ministres, élus locaux ou nationaux, ne badinons pas avec la haine. Soyons intransigeants face au racisme et au rejet de l’autre ! Je crois que les nombreuses commémorations du centenaire qui viennent de s’achever ont été marquées par cette volonté sur l’ensemble de notre territoire. Ne réhabilitons personne par des « pensées complexes », comme a pu le faire le Président de la République !

À la lecture du rapport budgétaire relatif à cette mission, je constate, une fois encore, une baisse du budget : elle atteint 159 millions d’euros pour 2019, soit 6,5 % de moins par rapport à 2018. Cette baisse de crédits est justifiée, une nouvelle fois là aussi, par la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité, de la retraite du combattant et de la dette viagère.

Pire, depuis 2012, le budget consacré aux anciens combattants a perdu 680 millions d’euros. Vous conviendrez aisément que nous aurions pu, en gardant cette somme, répondre à nombre de demandes de droits à réparation exprimées par les femmes et les hommes qui composent le monde combattant.

Alors, oui, ce projet de budget apporte certaines satisfactions.

Je pense notamment à la « carte à cheval », dont j’ai défendu le principe l’an dernier par le biais d’un amendement, alors adopté par le Sénat. Je rappelle que cette mesure a de nouveau été approuvée par le Sénat lors de l’examen, en juin 2018, de la proposition de loi visant à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d’Évian, du 2 juillet 1962 jusqu’au 1er juillet 1964.

Vous mettez aussi en place, au travers de l’article 73 de ce projet de loi de finances, une revalorisation de 400 euros des allocations existantes et un fonds de solidarité en faveur des harkis. J’attire cependant votre attention sur un point, souligné par mon collègue Fabien Roussel, rapporteur des crédits de la mission à l’Assemblée nationale : tel que l’article est rédigé, les montants de ces deux allocations revalorisées ne seront plus indexés sur l’inflation et ils stagneront donc dans les années à venir. Notre groupe a proposé de restaurer cette indexation via un amendement que j’ai déposé mais qui a été déclaré irrecevable. J’ai entendu, madame la secrétaire d’État, votre volonté d’assurer l’indexation par voie d’arrêté annuel. Toutefois, si nous pouvions l’inscrire dans la loi, cela serait préférable et donnerait une garantie pour l’avenir.

Si nous pouvons nous féliciter des deux avancées majeures que je viens de citer, j’estime, en tant que femme, que nous devons également réparer une inégalité qui perdure depuis des années : je veux parler de la demi-part fiscale des veuves des anciens combattants.

Je pense à ces femmes qui n’ont pas la chance de bénéficier de la demi-part parce que leur époux est décédé avant l’âge de 74 ans. Pour elles, c’est la double peine ! Il paraît invraisemblable qu’un décès prématuré induise une iniquité, car tous les anciens combattants ont passé un temps sous les drapeaux et combattu au temps de leur jeunesse. Accorder cette réparation est d’autant plus nécessaire que ces retraitées subissent déjà la baisse de leur pouvoir d’achat et la hausse de la CSG.

Enfin, je me ferai le porte-voix d’un certain nombre d’associations pour déplorer les difficultés de communication des députés de la majorité avec les anciens combattants, ainsi que l’absence d’un secrétariat d’État dédié spécifiquement aux anciens combattants et à la mémoire, que nous avions été nombreux à souligner l’an dernier. Il existait un ministère spécifique aux anciens combattants depuis 1919 : sa disparition constitue, à nos yeux, un mauvais signal.

Pour toutes les raisons évoquées, notre groupe s’abstiendra sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », malgré certaines avancées.