M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-94.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-93, présenté par M. Duplomb, Mme Férat et M. Cabanel, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture

 

1 000 000

 

1 000 000

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

dont titre 2

1 000 000

 

1 000 000

 

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à doubler le budget des projets alimentaires territoriaux, les PAT, en le passant de 1 million à 2 millions d’euros.

Les projets alimentaires territoriaux constituent finalement des réponses à une annonce du Gouvernement qui n’a pas été traduite dans le projet de loi de finances. En effet, à la suite des États généraux de l’agriculture, il avait été annoncé que le nombre de PAT devait atteindre 500 en 2020.

Les PAT sont des solutions intéressantes et pragmatiques pour consolider les filières sur un territoire dans le but de structurer la production, d’aider la structuration des marchés de gros, par exemple, et de mieux répondre à la hausse de la demande de la restauration collective.

C’est une manière intelligente d’aider les collectivités territoriales à pouvoir répondre aux nouvelles obligations qui pèsent sur elles à la suite de l’adoption de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, la loi ÉGALIM, notamment en matière d’approvisionnements de produits – nous en avons débattu précédemment.

Je rappelle que, à ce stade, 80 % des poulets et de la viande dans la restauration collective sont aujourd’hui importés. L’objectif est de cinq cents PAT. Or on en compte seulement 40, faute de budget suffisant, puisque seulement un million d’euros sont dédiés chaque année à leur financement. Il est surtout illusoire d’espérer atteindre un objectif de cinq cents PAT d’ici à 2020, soit une multiplication par 12,5 du nombre actuel, sans y ajouter des moyens supplémentaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Guillaume, ministre. Si vraiment on veut ajouter un million d’euros pour les projets alimentaires territoires, il faut partir du terrain et créer des dynamiques. Pour l’instant, nous n’avons pas d’informations concernant un manque d’argent.

En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-93.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-107 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Montaugé, Cabanel, Tissot, Botrel et Kanner, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

dont titre 2

1 000 000

 

1 000 000

 

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

dont titre 2

 

1 000 000

 

1 000 000

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Avec cet amendement, nous tirons les conséquences de l’adoption au Sénat, le 1er février 2018, de la proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. Il s’agit de prendre en charge la réparation intégrale des préjudices des personnes atteintes de maladies liées à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, par la création d’un fonds d’indemnisation abondé par les fabricants de ces produits.

Cette proposition de loi portée par notre collègue Nicole Bonnefoy et l’ensemble du groupe socialiste et républicain du Sénat, votée à l’unanimité par notre assemblée, avait été reprise et adoptée dans le cadre de la loi ÉGALIM le 2 juillet dernier – vous avez d’ailleurs voté en faveur de la création de ce fonds à plusieurs reprises, monsieur le ministre. Et vous teniez le même jour les propos suivants, en vous adressant à votre prédécesseur :

« Monsieur le ministre Stéphane Travert, il me semble, avec tout le respect que j’ai pour vous, que vous apportez à une question politique et sociétale portée par nos concitoyens, une réponse administrative et technocratique.

« Considérant le débat que nous avons à l’instant, le Sénat semble s’orienter vers un vote très majoritaire. Aussi, parfois le Gouvernement doit écouter le Parlement.

« Monsieur le ministre, vous comprendrez que nous n’attendons donc rien d’autre que votre plein et entier soutien à notre amendement, qui vient répondre à une attente sociétale forte et vient traduire une prise de position claire et ferme de la Haute Assemblée, quels que soient les bancs politiques.

« Nous le répétons, il s’agit de protéger et de défendre les malades, au premier rang desquels les agriculteurs. Ces derniers sont en effet trop souvent montrés du doigt pour l’utilisation de ces produits, alors qu’ils sont, dans le même temps, les premiers et les plus nombreux à souffrir de leur effet nocif. »

Monsieur le ministre, je le répète, je compte sur votre constance pour apporter un soutien à notre amendement, conformément au vote que vous avez exprimé en février et juillet derniers au Sénat, et à la nécessité, comme vous le disiez si bien vous-même lors de l’examen de la loi ÉGALIM, que le Gouvernement écoute le Parlement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Comme l’a dit notre collègue Henri Cabanel, le Sénat a adopté à l’unanimité une proposition de loi portant la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Guillaume, ministre. Monsieur Cabanel, ne jouez pas avec les mots. Je suis désolé, mais ce n’est pas du tout ce qui est écrit dans la loi !

Sur le fond, je suis favorable à cette mesure que nous avons votée à l’unanimité, mais la loi prévoit la remise d’un rapport au Parlement dans les six mois suivant sa promulgation, donc avant le 30 avril 2019. Un peu de sérieux ! Le rapport est en cours d’élaboration, il va être déposé au Parlement qui, sur la base de ces éléments objectifs – j’y suis favorable, je le redis, puisque j’ai voté pour – prendra sa décision légitimement. Les effets d’annonce sont possibles, mais ils doivent reposer sur les dispositions de la loi ÉGALIM.

Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement, et je prends l’engagement que, après la remise du rapport, le Parlement travaillera sur le sujet. À défaut, le Gouvernement émettra un avis très défavorable.

M. le président. Monsieur Cabanel, l’amendement n° II-107 rectifié est-il maintenu ?

M. Henri Cabanel. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-107 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)

compte d’affectation spéciale : développement agricole et rural

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
État D (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Développement agricole et rural

136 000 000

136 000 000

Développement et transfert en agriculture

65 000 000

65 000 000

Recherche appliquée et innovation en agriculture

71 000 000

71 000 000

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Je remercie tous les sénateurs présents aujourd’hui, ceux des territoires ruraux, auxquels se sont joints des sénateurs très urbains de la région parisienne – ils sont à proximité du Bois-de-Boulogne et des cantines ! (Sourires.)

M. Christian Cambon. Il y a de l’agriculture dans le Val-de-Marne !

M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Je veux aussi remercier les collaborateurs de la commission.

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

État D (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Discussion générale

3

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour un rappel au règlement.

M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin même, nous votions les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Permettez-nous de regretter que, aujourd’hui même, à Paris, la tombe du Soldat inconnu ait été déshonorée et que des inscriptions scandaleuses aient été écrites sur l’Arc de triomphe. Nous comprenons les manifestations des gilets jaunes et leurs revendications légitimes. D’ailleurs, nous, sénateurs, sommes les représentants des territoires et, à ce titre, connaissons bien les problèmes des gilets jaunes. Nous avons d’ailleurs voté, en première partie du projet de loi de finances, la fin de la hausse de la taxe sur les carburants.

Néanmoins, nous ne pouvons pas tolérer l’extrême violence, les incendies, les dégradations en tout genre. Nous ne pouvons pas non plus comprendre pourquoi le Gouvernement n’a pas mieux protégé ce haut lieu de l’histoire de France, ni pourquoi il n’a pas repris la proposition de loi de Bruno Retailleau, votée ici au Sénat, contre les Blacks Blocs, car il ne faut pas confondre ces derniers avec les gilets jaunes. Nous avons formulé des propositions contre les casseurs.

Nous appelons solennellement à l’apaisement, et celui-ci passera par les solutions du Sénat. Je demande au Gouvernement de nous écouter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

4

État D (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Seconde partie

Loi de finances pour 2019

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Défense

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale.

SECONDE PARTIE (SUITE)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
État B (début)

M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Défense

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires étrangères et de la défense, ce budget constitue la première année de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, qui a été adoptée il y a quelques mois.

Le montant des crédits de paiement, hors pensions, inscrits dans le présent projet de loi de finances – 37,9 milliards d’euros, en hausse de 1,7 milliard d’euros par rapport à 2018 –est donc conforme à la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire.

Dont acte, même si nous continuons à déplorer que l’effort prévu entre 2019 et 2023 soit inégalement réparti, avec une marge plus importante, qui ne pourra être gravie qu’en 2023, soit au début du prochain quinquennat et de la prochaine mandature.

S’agissant des effectifs, les engagements sont également tenus, avec la création de 450 emplois. La répartition de ces postes est également conforme à la loi de programmation militaire, la majorité d’entre eux étant consacrée au renseignement et à la cyberdéfense.

Toutefois, je m’inquiète de la sous-consommation des crédits du titre 2 en 2018. Cette dernière, qui est de 155 millions d’euros, illustre les difficultés de recrutement et de fidélisation des personnels. Dans ce contexte, je me félicite du financement de mesures de revalorisation salariale et de la montée en puissance du plan Famille.

Doté de 57 millions d’euros en 2019, contre 22,5 millions d’euros en 2018, ce plan comporte 46 actions relatives à la mobilité, au champ social ou encore à l’hébergement. À cet égard, je persiste à penser que c’est une erreur que de vouloir poursuivre la cession du Val-de-Grâce, dernière emprise foncière parisienne susceptible d’accueillir des militaires. À l’avenir, il faudrait héberger nos soldats de l’opération Sentinelle hors de Paris et subir toutes les difficultés qui en découleraient, qu’il s’agisse de la sécurité ou des transports.

Dans le rapport que j’ai dédié, en 2017, au parc immobilier des armées, j’ai dressé le constat d’une dégradation des infrastructures de la défense, singulièrement de celles du quotidien, destinées à l’hébergement ou à la restauration. En 2019, les crédits de maintenance progressent de 7 % en autorisations d’engagement et de 12 % en crédits de paiement. Sur la durée de la programmation, 13,5 milliards d’euros devraient être consacrés aux infrastructures. Il s’agit là d’un effort important, qu’il me plaît de souligner, même si, selon les armées, il manque encore 1,5 milliard d’euros.

L’entretien programmé des matériels progresse de 4,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement, pour accompagner la réforme du maintien en condition opérationnelle aéronautique. Mais il est clair que les résultats attendus ne seront pas perceptibles dès cette année. Nous sommes donc, une nouvelle fois, placés face à la question de la surutilisation de nos matériels et de la formation de nos troupes.

Madame la ministre, ce budget est, au total, conforme aux engagements pris, et, au matin du 6 novembre dernier, je préconisais encore son approbation par la Haute Assemblée. Néanmoins, depuis le 7 novembre, date de présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2018, nous avons compris que l’inscription des crédits était une chose, et que l’exécution en était une autre… Ces nouveaux chiffres ont jeté le trouble, non pas sur votre bonne foi, madame la ministre, mais sur la sincérité du Gouvernement.

Pour la première fois depuis de nombreuses années, en contradiction totale avec l’article 4 de l’actuelle loi de programmation militaire comme avec l’article 4 de la future LPM, la solidarité interministérielle ne jouera pas. Ce renoncement aux principes augure mal de l’application de la future loi de programmation. Comment croire qu’avec une provision OPEX de 850 millions d’euros en 2019, contre 650 millions d’euros en 2018, Bercy ne sera pas tenté de récidiver, en répétant ce hold-up ?

Si nous nous sommes battus pour le principe de l’inscription de la solidarité interministérielle dans la LPM, c’est pour des raisons, non seulement budgétaires, mais aussi politiques. Nos militaires ne choisissent pas de partir au front au péril de leur vie. La solidarité interministérielle témoigne, à leur endroit, de la reconnaissance de la Nation tout entière.

À ces arguments s’ajoute une raison plus profonde, que je qualifierai de quasi constitutionnelle : le Président de la République a le pouvoir d’engager nos forces, au nom de la France, sans passer devant le Parlement. Il est donc logique que sa décision trouve une traduction solennelle impliquant l’ensemble de l’action gouvernementale.

À cet instant, madame la ministre, je ne puis manquer de rappeler les déclarations que vous avez faites à cette tribune, le 29 mai dernier, lors du vote solennel de la LPM. Vous affirmiez alors : « […] Nous venons ensemble d’envoyer à nos armées un message clair : les privations sont finies, le renouveau commence. »

Je suis convaincu que vous étiez sincère en prononçant ces paroles, et que vous aviez reçu suffisamment d’assurances pour les exprimer au nom du Gouvernement. La solidarité gouvernementale vous impose de ne pas nous livrer le fond de votre pensée. Mais vous ne m’empêcherez pas d’estimer, comme nombre de mes collègues, que vous avez été trahie.

En nous remettant à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne ce projet de budget de la défense, nous entendons condamner cette trahison et formuler un quadruple message.

Le premier s’adresse à nos militaires. Nous leur disons clairement que nous dénonçons une pratique consistant à leur demander toujours plus, sans leur donner les moyens qui s’imposent. Au total, 404 millions d’euros de crédits sont annulés purement et simplement, dont 319 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement au titre du programme 146, qui devrait garantir la régénération de nos forces. Malgré les allégations du Premier ministre, cette décision aura, tôt ou tard, des conséquences sur le paiement de nos commandes et sur les livraisons elles-mêmes.

Le deuxième message s’adresse au Gouvernement, et singulièrement à Bercy. Nous refusons de cautionner un budget qui compromet, dès son entrée en vigueur, la bonne exécution de la nouvelle LPM.

Le troisième message s’adresse à vous-même, madame la ministre. Nous vous invitons à poursuivre votre combat pour obtenir les moyens indispensables aux missions de nos armées, et nous vous assurons du soutien du Sénat à cet égard.

Le quatrième et dernier message s’adresse à l’opinion. Le Président de la République se met en scène, remontant les Champs-Élysées dans un command car, s’exprimant depuis le Charles-de-Gaulle ou appelant à une défense européenne. Mais, dans le même temps, selon la formule consacrée, il ne respecte pas la LPM, texte par essence régalien, dont il est le garant. Nous dénonçons cette pratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Joël Guerriau applaudit également.)

M. Antoine Lefèvre. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.

Mme Hélène Conway-Mouret, en remplacement de M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Équipement des forces ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis, avec moi, du programme 146, « Équipement des forces », ne peut malheureusement être des nôtres aujourd’hui, en raison du décalage de l’examen de la mission « Défense ». Il m’a demandé de bien vouloir vous livrer son intervention.

Madame la ministre, les crédits du programme 146 doivent augmenter sensiblement en 2019 : nous nous en réjouissons, en raison du caractère stratégique de ce programme, qui représente 30 % des crédits de votre ministère. Fort de 10,9 milliards d’euros, il constitue également le premier budget d’investissement de l’État.

L’augmentation de 644 millions d’euros dont bénéficient les crédits de paiement est donc une bonne nouvelle. Elle permettra l’acquisition de nombreux matériels. Je salue notamment la poursuite du redressement des capacités de transport aérien, avec un A400 M Atlas, un MRTT Phénix deux C 130 J.

Je relève également la montée en puissance des outils de surveillance aérienne, avec notamment deux systèmes de trois drones MALE Reaper pour la mobilité et le soutien des troupes au sol, dix hélicoptères NH90 et les 500 premiers véhicules légers affectés au transport public de personnes, les VLTP. S’y ajoutent, enfin, pour le système de forces « engagement et combat », quelque 8 000 fusils d’assaut HK 416, une frégate multimissions, ou FREMM, 50 postes de tir du nouveau missile moyenne portée, ou MMP, et 89 blindés multirôles lourds Griffon.

Je tiens à m’arrêter un instant sur ce programme Griffon. En effet, à plusieurs reprises, lors de nos auditions en commission, nous avons demandé si le calendrier établi serait tenu. Nous avons reçu des réponses rassurantes, ce qui ne nous empêche pas de rester vigilants au sujet de ce programme emblématique. En effet, nous avons appris les quelques difficultés auxquelles Thales a pu se heurter.

De fait, les trois exemplaires annoncés comme livrés dès cette année seront-ils vraiment réceptionnés par l’armée de terre avant la fin du mois ? Et que se passera-t-il en 2019 ? Les représentants de Thales, que nous avons interrogés à ce sujet, nous indiquent que les difficultés sont en cours de traitement. Dès lors, l’entreprise devrait être en mesure de respecter le calendrier de livraison prévu ; mais cet objectif ne sera pas facile à atteindre, avec 89 Griffon à livrer au cours de l’année.

Quoi qu’il en soit, l’entrée en LPM est fragilisée par les conditions de la fin de gestion de l’exercice 2018. La décision, prise par le Gouvernement, de faire peser la totalité du surcoût OPEX de 2018 sur le seul ministère des armées, est une mauvaise nouvelle pour le programme 146. Au total, quelque 404 millions d’euros sont retranchés des crédits de votre ministère, et ce programme sera, comme d’habitude, le plus lourdement frappé, avec 319 millions d’euros annulés. Il s’agit là d’une pratique que notre commission dénonce régulièrement, et qu’elle a encore condamnée dans le rapport qu’elle a dédié à la LPM.

Il n’y a pas de miracles : ces millions d’euros, annulés aujourd’hui, devront être payés plus tard, c’est-à-dire au cours d’une LPM qui, avant même son premier jour, est plongée dans le rouge. Nous voyons malheureusement le redressement annoncé se heurter d’emblée à des logiques budgétaires qui, en définitive, posent la question des priorités politiques.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Équipement des forces ». Monsieur le président, mes chers collègues, le 29 mai dernier, le Sénat votait le dernier projet de loi de programmation militaire. Or, cinq mois plus tard, ce texte, devenu consensuel grâce notamment au dialogue permanent que nous entretenons avec Mme la ministre, semble désavoué par la copie budgétaire du Gouvernement.

Madame la ministre, le problème n’est pas votre budget ou vos orientations, lesquelles sont conformes à la loi. Le problème vient de l’annulation, imposée par Bercy, de 404 millions d’euros dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Pour le programme 146, dont je suis rapporteur pour avis, 319 millions d’euros sont, au total, déduits du budget de 2018.

À cet égard, je souhaite vous poser une première question, dont j’estime qu’elle est tout à fait légitime : elle porte sur l’impact exact de cette annulation, notamment pour ce qui concerne le report de charges.

De plus, la ponction opérée pour financer les OPEX, en contravention totale, rappelons-le, aussi bien avec la LPM 2013-2018, toujours en vigueur, qu’avec la LPM que nous venons de voter pour 2019-2025, pose naturellement cette question : que se passera-t-il l’année prochaine ? En 2019, la provision pour OPEX ne sera encore que de 850 millions d’euros. Bercy compte-t-il continuer l’an prochain à refuser d’appliquer la LPM que vous avez conçue et qui a été signée par le chef de l’État le 14 juillet dernier ?

Vous le savez, au cours des dernières années, le programme 146, relatif à l’équipement des forces, s’est trop souvent révélé la variable d’ajustement de toutes les contraintes budgétaires. C’est ce comportement court-termiste que nous espérions avoir dépassé avec la nouvelle LPM. Pour résumer, madame la ministre, qui prendra la décision relative à l’exécution du budget de la défense pour 2019 ?

Ce triste épisode nous conduit également à nous demander comment nous en sommes arrivés là. Certains ont tenté de justifier ces annulations de crédits en avançant qu’elles seraient indolores pour la défense ; les montants en question n’auraient pas pu être dépensés, d’une manière ou d’une autre, faute d’engagement. On comprend que tel puisse être le cas pour le titre 2, notamment si certains recrutements prévus n’ont pas pu avoir lieu, faute de candidats. Mais qu’en est-il pour le programme 146 ? A-t-on déploré des retards ou des sous-engagements ?

Madame la ministre, vous avez fait reposer une part importante de la LPM sur les coopérations européennes. À ce titre, nous vous avons fait part de nos préoccupations. Certaines informations récentes nous inquiètent tout particulièrement au sujet du partenariat franco-allemand.

Saurez-vous nous rassurer sur ce point ? Par exemple, nous souhaiterions obtenir, sous forme de rapport, des informations détaillées quant à l’avancement des différents projets de coopération européenne en matière d’armement. Pouvez-vous également nous exposer ce qui, dans le budget pour 2019, traduit concrètement l’accélération des coopérations européennes que vous espérez ?

Enfin, je tiens à évoquer un dernier sujet. Nous aimerions obtenir des éléments de comparaison à propos des coûts d’acquisition et d’entretien de nos matériels, par rapport à ceux que connaissent nos alliés européens et otaniens. La LPM prévoit que nous augmentions fortement les crédits d’équipement des forces. Il nous revient aussi de nous assurer que ces fonds supplémentaires profitent pleinement, et surtout principalement, à nos forces armées.

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.

Mme Christine Prunaud, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Préparation et emploi des forces ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je prends la parole en remplacement de Jean-Marie Bockel, qui s’est trouvé dans l’impossibilité absolue de se joindre à nous aujourd’hui.

Le programme 178 voit ses crédits de paiement augmenter de 8,9 % par rapport à 2018, pour s’établir à 8,78 milliards d’euros. Cette progression bénéficie au financement des opérations extérieures, lequel obtient 195 millions d’euros supplémentaires pour atteindre 600 millions d’euros. Si notre commission a soutenu la poursuite du « resoclage » budgétaire des surcoûts des OPEX, c’était à la condition que l’enveloppe globale des crédits de la mission soit augmentée à due proportion. Or tel n’est pas le cas. Les crédits que le projet de loi de finances pour 2019 consacre aux OPEX sont encore largement insuffisants.

Dans ce contexte, notre commission, qui a modifié l’article 4 de la LPM pour prévoir le financement interministériel des surcoûts dus aux OPEX et la proportionnalité de l’effort consenti par la défense, recommande vivement que cette disposition soit bien appliquée en 2019.

L’allocation de 375 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’entretien programmé du matériel, en 2019, est un effort nécessaire au regard des besoins immenses qui se font jour. L’externalisation des marchés d’entretien des équipements aéronautiques, sous la houlette de la nouvelle direction de la maintenance aéronautique, la DMAé – la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, la SIMMT, œuvre également en ce sens –, est un changement de paradigme qui ne fonctionnera que si la performance est au rendez-vous, en alliant remontée de la disponibilité technique opérationnelle, la DTO, et maîtrise des coûts de maintenance. Il conviendra également de veiller au maintien des compétences en régie de l’État et des possibilités de mise en concurrence ultérieure.

Madame la ministre, trente-huit commissaires se sont abstenus de voter les crédits de la mission pour marquer leur mécontentement face aux décisions d’exécution pour 2018, lesquelles brisent l’élan de cette LPM. Nous espérons que Bercy entendra cette protestation, qui vise à soutenir la défense.