M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Le débat que nous avons ce soir est une réponse à mon interrogation d’hier soir, lorsque j’ai dit que ce texte présentait un caractère discriminatoire à l’égard de tous les autres départements.

On sent bien ici, dans ce débat un peu confus, une aspiration très forte, comme vient de le dire Jérôme Bascher, à plus de décentralisation, plus de proximité – cet aspect est quant à lui réclamé dans les grands débats –, plus de subsidiarité, plus de souplesse. On cherche en quelque sorte à détricoter en partie la loi NOTRe.

Je répondrai à M. Masson que cette loi, je l’ai votée à reculons, parce que je ne voulais pas que les conseillers communautaires soient élus au suffrage universel. On a donc pensé que c’était la solution la moins mauvaise, même si elle n’a pas suscité de notre part beaucoup d’enthousiasme – je m’en tiendrai là, car il faut arrêter d’opposer ceux qui l’ont votée et ceux qui ne l’ont pas votée.

Si on cherche à modifier la loi NOTRe, c’est pour répondre à une aspiration. C’est pourquoi je voterai l’amendement de M. Grosdidier, même si je considère qu’il a un côté un peu provocateur, par l’ampleur donnée à un texte qui porte simplement sur l’Alsace.

À mon sens, l’erreur qui a peut-être été commise – je dis « peut-être », parce que je n’ai de leçon à donner à personne –, c’est la méthode, c’est-à-dire qu’on applique un cadre avant de définir les principes. Si le Gouvernement s’était dit prêt à assouplir la loi NOTRe, à revoir la répartition des compétences, à assurer plus de proximité et de subsidiarité, en reconnaissant que cela méritait une vision d’ensemble, après tout, on aurait pu appliquer ce nouveau cadre de manière anticipée à l’Alsace. Or, là, on prend le projet Alsace et on laisse des interrogations.

Les départements frontaliers ont été évoqués, mais, une fois qu’on les aura traités, vous aurez des demandes des départements de zones de montagne, puis des autres départements de ces espaces que M. Attali traitait d’interstitiels, puisque, pour lui, il n’y avait que les métropoles et les espaces interstitiels.

On a besoin de réorganiser le territoire. Pour ce faire, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui aurait dû se situer dans un cadre général redéfini,…

M. Loïc Hervé. Bien sûr !

M. Jean-Marc Gabouty. … ce qui aurait évité de subir toutes les pollutions issues des préoccupations de l’ensemble de nos territoires, qui ne sont pas dirigées contre l’Alsace, mais représentent simplement nos aspirations pour une organisation territoriale, non pas dans sa géographie, mais au moins dans une gestion des compétences,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Marc Gabouty. … différente de ce qu’elle est aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Je suis un peu estomaqué par ce que j’entends. J’ai dû vérifier le calendrier : nous sommes dans la nuit du 3 avril ; or j’ai l’impression que nous sommes dans celle du 4 août ! C’est le concours Lépine de l’émancipation des départements !

On ne peut pas légiférer comme ça, sans étude d’impact. En effet, si quelques collègues de tel ou tel département sentent que c’est bon pour eux, ça ne l’est pas forcément pour les autres. Ce n’est pas du boulot ! Réaménager la carte administrative d’un pays est une chose sérieuse, et ça ne se fait pas d’un claquement de doigts !

Travaillons sur le statut de l’Alsace, mais, de grâce, ne nous mettons pas à tout fiche en l’air ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, je précise que, par cohérence avec les amendements adoptés hier, les termes « département d’Alsace » seront remplacés par les termes « Collectivité européenne d’Alsace » dans les amendements qui seront adoptés. Cela répond à la remarque qui a été faite précédemment.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je vous ai tous écoutés, et je me garderai bien de faire la moindre interprétation de vos propos ou d’en tirer des conclusions générales, comme j’en ai parfois entendues sur ceux du Gouvernement. Reste que le temps tourne, et si beaucoup espéraient que le texte soit terminé ce soir, je crains que ce ne soit pas le cas.

Nous examinons un texte sur l’Alsace. J’entends bien, je l’ai dit précédemment, les préoccupations des uns et des autres. Par exemple, Daniel Gremillet m’a dit : j’ai entendu ce que vous avez dit hier soir. Sachez-le, j’ai redit exactement la même chose qu’hier soir – mais vous l’avez moins entendu –, à savoir que je comprenais que tous les départements frontaliers aspirent à une politique frontalière.

M. Daniel Gremillet. Ce n’est pas ce que vous avez dit hier !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Si, et je le redis aujourd’hui !

Simplement, ce soir, nous examinons un texte sur l’Alsace, qui est l’aboutissement d’une négociation. Tous les Alsaciens qui sont ici savent – Jacques Bigot le sait très bien, puisqu’il y a participé de très près – qu’il procède d’un accord que nous avons passé avec les deux départements alsaciens et la région. C’est donc un texte qui traite du territoire alsacien, même si je comprends les préoccupations, je le répète, des uns et des autres.

Je fais une incidente pour vous dire que, naturellement – cela a été dit par Guy-Dominique Kennel –, si le principe de différenciation était déjà inscrit dans la Constitution, nous n’aurions pas besoin de légiférer. Cela permettrait à l’ensemble des territoires, en fonction de leurs spécificités, de se doter des compétences attribuées aujourd’hui à l’Alsace. Si nous devons légiférer pour l’Alsace, c’est parce que le principe de différenciation n’existe pas encore – j’espère que je me fais bien comprendre. C’est la raison pour laquelle je m’oppose à ces amendements.

Par ailleurs, la France est si diverse – j’y ai pensé quand j’ai entendu le Pays basque s’exprimer – que je m’interroge : au fond, la coopération transfrontalière, chez vous, monsieur Brisson, est-ce le département qui doit l’exercer ou bien la communauté d’agglomération du Pays basque ? Je sais très bien quelle serait votre réponse, même si je ne la donne pas à votre place. Il faut donc des réponses adaptées aux territoires. Ce sera ça, le droit à la différenciation.

Je le rappelle, l’amendement, qui va sûrement être adopté, prévoit qu’un département puisse s’attribuer lui-même des compétences. Cette formule est constitutionnellement très discutable. L’attribution de compétences aux collectivités, vous le savez, est une prérogative du législateur. En permettant à un département de se doter d’une compétence, l’amendement est à mon avis inconstitutionnel.

Je ne fais pas de polémique, et je ne reprendrai pas la parole pour déclarer chaque fois que c’est un texte sur l’Alsace, mais, par honnêteté, je me dois de vous dire que, si le projet de loi aujourd’hui en discussion est un texte sur l’Alsace, c’est parce que nous n’avons pas le droit à la différenciation. Nous sommes donc obligés de légiférer.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié septies.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 59 rectifié quinquies, 137 rectifié bis, 132, 9 et 10 n’ont plus d’objet.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement. (Murmures sur diverses travées.)

M. Jean Louis Masson. J’avais déposé, au tout début de la période où leur dépôt était possible, les amendements nos 9 et 10. Je constate que d’autres amendements ont quasiment le même texte que les miens, notamment l’amendement n° 132, à une demi-phrase près. Pourtant, mes deux amendements ont été placés après dans la discussion. Cette situation est certainement le fait du hasard, mais, cette forme de hasard, je ne l’admets pas !

Je conteste, dans ce rappel au règlement, que les autres amendements en discussion commune tombent. Je n’ai pas voté l’amendement n° 61 rectifié septies, et je ne vois pas pourquoi les miens tomberaient simplement parce qu’on a voulu faire passer en premier un amendement présenté par des élus du groupe Les Républicains, qui est le groupe majoritaire dans cette enceinte. Cet amendement ajoute un alinéa à l’article 1er, mais il ne rédige pas l’article, auquel cas, effectivement, tous les autres amendements tomberaient. Ce n’est pas parce qu’on ajoute un alinéa qu’on ne peut pas examiner d’autres amendements qui, eux aussi, visent à ajouter un alinéa.

Je sais très bien que mes amendements ne seraient pas passés, mais, je vous le dis, monsieur le président, en l’espèce, c’est un abus de droit. Les amendements suivants avaient pour objet d’ajouter un alinéa. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire voter ces alinéas et pourquoi ce serait M. Tartempion qui obtiendrait l’ajout de son alinéa et ferait d’une pierre deux coups, puisque les autres amendements seraient effacés. (Marques dimpatience sur des travées du groupe Les Républicains.)

De plus, l’amendement est différent de celui qui a été déposé…

M. le président. C’est terminé, monsieur Masson !

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, c’est terminé, mais…

M. le président. Écoutez, c’est moi qui préside cette séance, et vous avez dépassé votre temps de parole.

Par ailleurs, je ne peux pas vous laisser dire que l’ordre de présentation des amendements dépend du bon vouloir de tel ou tel groupe. Il y a des règles, vous les contestez, acte vous en est donné. Restons-en là ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)

L’amendement n° 97 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet et Sido, Mmes Joissains, Morhet-Richaud, Lassarade et Deromedi, M. Paccaud, Mmes Gruny et Micouleau, MM. Laménie et Pierre, Mmes Lanfranchi Dorgal et Guillotin, M. Charon, Mmes Noël et Férat et MM. Grosdidier, Husson, Menonville et Longuet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 3431-…. - La fusion des deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin en un seul, sur le périmètre de l’ancienne région Alsace et l’ajout par la loi de compétences particulières, en sus du socle des compétences départementales classiques, s’exerce, dans le respect de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, au sein de la région Grand Est et dans le respect des compétences dévolues à chaque département qui la compose.

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Je considère que cet amendement est satisfait, puisqu’il s’agit d’un amendement de repli…

M. Jean Louis Masson. Vous vous tournez vers moi, mais ce n’est pas moi qui dois considérer ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, c’est un peu compliqué…

M. le président. Poursuivez, et je rappellerai notre collègue Masson à l’ordre si cela se reproduit.

M. Daniel Gremillet. Je veux simplement dire que l’amendement qui vient d’être adopté apporte une réponse globale à la République une et indivisible que nous souhaitons tous. Je félicite la commission, en particulier son rapporteur, pour son travail, et l’en remercie. Grâce à cet amendement, on retrouve de la sérénité et il permet aussi de répondre aux attentes de la population alsacienne.

Mon amendement avait pour objet, dans l’hypothèse où rien n’était prévu sur l’ensemble du territoire, la prise en compte indispensable, comme je l’ai évoqué dans mon propos hier, des deux dimensions : la dimension nationale et la dimension du Grand Est, plus exposée. Dès lors que la dimension nationale permet de régler le problème, y compris à l’intérieur des huit autres départements composant la région Grand Est, je retire cet amendement.

Pour moi aussi, dès lors que l’amendement précédent a été adopté, il sera plus facile de soutenir le texte, qui donne une clairvoyance territoriale à cette République une et indivisible. Je le voterai donc.

M. le président. L’amendement n° 97 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 102 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt, Brisson et Daubresse, Mme N. Goulet, M. Kern, Mmes Billon et Troendlé et MM. Milon, Laménie, Charon et Kennel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. … I.- Le conseil départemental d’Alsace peut présenter au Gouvernement des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences de l’ensemble des collectivités territoriales d’Alsace, le développement économique, social et culturel de l’Alsace, l’enseignement de la langue régionale ainsi que le droit particulier applicable en Alsace.

« Les propositions adoptées par le conseil départemental d’Alsace en application du premier alinéa sont adressées par son président au Premier ministre.

« II. – Le conseil départemental d’Alsace est consulté sur les projets et les propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à l’Alsace ou concernant l’Alsace et la Moselle.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Il s’agit d’adapter la législation.

Comme le précise l’objet de cet amendement, nous nous appuyons sur ce qui existe pour la Corse. En effet, au même titre que cette collectivité territoriale, l’Alsace connaît des dispositions spécifiques, ce dont personne ne doute. Si ce texte est adopté et que sont incluses les dispositions que je souhaite, ses spécificités seront encore plus nombreuses. Dès lors, il est légitime que, comme la collectivité territoriale corse, la Collectivité européenne d’Alsace puisse présenter au Gouvernement des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant spécifiquement son territoire.

Cet amendement s’inspire du principe d’adaptation de la législation, tel qu’il existe pour la Corse, mais dans une version plus allégée, en ce qu’il ne prévoit que le seul ajout de la possibilité, pour la Collectivité européenne d’Alsace, de proposer des modifications ou adaptations des dispositions législatives ou réglementaires, comme le prévoit l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales pour chaque région.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement, qui a pour objet d’organiser les modalités suivant lesquelles la Collectivité européenne d’Alsace pourrait présenter des propositions visant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires, est déjà satisfait. En effet, le Conseil constitutionnel a indiqué que des dispositions comparables, en vigueur pour la Corse ou pour les régions, se bornent à prévoir la procédure par laquelle ces assemblées peuvent présenter des propositions ayant un tel objet.

Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales disposent déjà de possibilités d’interpeller le Gouvernement ou le Parlement sur des réglementations qu’elles estiment inadaptées : elles peuvent adopter des résolutions, voire saisir les parlementaires – les sénateurs que nous sommes le savent bien.

Cet amendement vise également à faire en sorte que la Collectivité européenne d’Alsace soit consultée sur les projets ou propositions de réglementation comportant des dispositions spécifiques à l’Alsace, comme cela est le cas pour la Corse. Mes chers collègues, malgré toutes ses spécificités, l’Alsace n’est pas la Corse et ne peut pas non plus être comparée aux territoires ultramarins.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Dans sa décision du mois de décembre 2009, le Conseil d’État a bien reconnu aux départements le droit de formuler des propositions sur tout objet présentant un intérêt départemental. Toutefois, il me paraît utile de consacrer explicitement dans la loi cette possibilité pour la Collectivité européenne d’Alsace, dont on nous dit qu’elle n’est pas un département.

En outre, au regard des dispositions spécifiques de l’Alsace que reconnaît ce projet de loi, il est nécessaire que cette collectivité puisse être consultée à l’occasion des projets et propositions de loi comportant des dispositions lui étant spécifiques.

Je ne vois pas pourquoi ce qui est permis à d’autres serait refusé à la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 147, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

1° Alinéa 5

Remplacer les mots :

Sans préjudice des

par les mots :

Par dérogation aux

2° Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3431-2. – Le schéma alsacien de coopération transfrontalière est défini en cohérence avec le volet transfrontalier du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il s’agit de revenir au texte initial et de prévoir une « cohérence » et non une compatibilité entre le schéma alsacien de coopération transfrontalière et le volet transfrontalier du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. La notion de compatibilité induit que le schéma est prescriptif, ce qui est en contradiction avec les termes de la déclaration commune du 29 octobre en faveur de la création de la Collectivité européenne d’Alsace.

Il convient donc de revenir à une écriture juridique fidèle aux termes de la déclaration commune.

M. le président. L’amendement n° 80, présenté par M. Jacques Bigot et Mme Harribey, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après le mot :

internationalisation

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et avec le schéma de coopération transfrontalière de l’eurométropole de Strasbourg.

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Il s’agit d’assurer la cohérence entre le schéma de la nouvelle collectivité et le schéma régional, mais aussi le schéma de l’eurométropole de Strasbourg. En effet, cette dernière doit, en vertu de la loi Maptam, dans la mesure où elle est frontalière, « élaborer un schéma de coopération transfrontalière associant le département, la région et les communes concernées ». En outre, ce schéma doit être opéré avec avis du département – aujourd’hui, le département du Bas-Rhin.

Ce schéma est en cours d’élaboration et sera finalisé avant que ne soit instituée la Collectivité européenne d’Alsace. Il me paraît donc utile de préciser que le schéma de la collectivité doit être en cohérence avec celui qui aura été préalablement approuvé par l’eurométropole et avec le schéma régional.

J’avais déposé en commission des lois un amendement visant à modifier le texte du Gouvernement et à préciser que ce schéma devait aussi être cohérent avec le schéma de coopération transfrontalière de l’eurométropole. Mme la rapporteure a intégré dans le texte l’idée de compatibilité – le schéma de l’eurométropole doit être compatible. Sur ce point, je partage l’analyse de Mme la ministre : la compatibilité est une obligation, la cohérence suppose un travail commun – je ne doute d’ailleurs pas que ce soit ce qui arrive.

Madame la rapporteure, il faut privilégier la cohérence. Cela ne posera pas de problème entre l’eurométropole, la région Grand Est et la Collectivité européenne d’Alsace, et c’est une question de forme : si la loi prévoit que chacun doit élaborer des schémas, il faut au moins une cohérence, sinon personne ne s’en sortira.

M. le président. L’amendement n° 96 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet et Sido, Mmes Joissains, Morhet-Richaud, Lassarade et Deromedi, M. Paccaud, Mmes Gruny et Micouleau, MM. Laménie et Pierre, Mmes Lanfranchi Dorgal et Guillotin, M. Charon, Mmes Noël et Férat et MM. Grosdidier, Husson, Menonville et Longuet, est ainsi libellé :

Alinéa 8, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et avec le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires notamment son axe 2 : « Dépasser les frontières et renforcer la cohésion pour un espace européen connecté pour une organisation structurée et des coopérations aux échelles interterritoriales, interrégionales et transfrontalières », en cohérence avec les partenariats développés au sein de la Grande Région et dans le respect des orientations stratégiques transfrontalières de la région Grand Est

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Cet amendement s’inscrit dans la même logique. Dès lors que l’on crée la Collectivité européenne d’Alsace, il faut absolument un ancrage territorial dans la région Grand Est et une cohérence entre le schéma territorial et le schéma économique, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des départements. C’est absolument essentiel pour que tout fonctionne bien et, surtout, pour que l’on ne remette pas en cause la politique et le travail réalisés à ce jour par la région Grand Est.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 147. La compatibilité signifie non pas que l’on rende le schéma prescriptif, mais qu’il ne soit pas contraire aux autres schémas. Il s’agit là d’une notion juridique plus accessible et conforme au principe d’intelligibilité de la loi.

La disposition prévue à l’amendement n° 80 est contraire aux engagements pris par l’État dans le cadre de la déclaration commune. Il est important que le schéma de l’eurométropole soit compatible avec celui de la Collectivité européenne d’Alsace, les départements étant en train de travailler à la stratégie Oberrhein – Rhin supérieur –, qui fixe d’ores et déjà les grandes orientations.

La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 96 rectifié bis. Il est en effet nécessaire que le schéma alsacien soit conforme au Sraddet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 80, le dispositif prévu n’étant pas conforme à l’accord que nous avons passé. Concernant l’amendement n° 96 rectifié bis, il s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. L’amendement n° 96 rectifié bis me pose un double problème : sur la forme et sur le fond.

Sur la forme, je ne suis pas sûr que le dispositif prévu se trouve au bon endroit dans le texte. L’objet de l’amendement précise que « le schéma alsacien de coopération transfrontalière doit être compatible avec le volet transfrontalier du schéma régional de développement économique ». Or cela ne correspond pas du tout au contenu de l’article 1er. En effet, s’il s’agit de compléter la seconde phrase de l’alinéa 8, c’est le schéma de l’eurométropole qui doit être compatible et non le schéma alsacien de coopération transfrontalière.

Sur le fond, l’amendement vise à préciser que le schéma alsacien doit être compatible avec le schéma régional de développement économique, mais aussi avec le Sraddet. Que de compatibilités ! Quelle sera la latitude de la Collectivité européenne d’Alsace dans ses activités transfrontalières ? Certes, on peut ajouter d’autres compatibilités avec d’autres schémas, mais, pardon de le dire aussi franchement, que reste-t-il des spécificités alsaciennes dans ce texte ?

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il est en effet nécessaire de procéder à deux rectifications de l’amendement n° 96 rectifié bis ; j’ai oublié de le préciser.

En premier lieu, il convient d’insérer la disposition prévue par cet amendement à la première phrase de l’alinéa 8, et non à la seconde phrase, pour qu’elle concerne bien le schéma alsacien.

En second lieu, il faut supprimer la fin de la phrase après le mot « territoires ». En effet, si l’on inscrit dans la loi l’existence du volet opérationnel du Sraddet en matière de coopération transfrontalière, chaque fois que la région voudra modifier son schéma, elle devra en référer au législateur.

M. le président. Monsieur Gremillet, acceptez-vous de rectifier cet amendement dans le sens suggéré par la commission ?

M. Daniel Gremillet. Tout à fait, monsieur le président !

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 96 rectifié ter, dont le texte va vous être distribué.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, je n’ai pas pu finir mon intervention tout à l’heure : vous m’avez interrompu, car mon temps de parole était épuisé. Je constate cependant que vous avez peu après laissé deux intervenants parler, dont l’un quarante-sept secondes de plus que le temps réglementaire. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Il n’y a pas de raison qu’on coupe la parole de certains et qu’on laisse les autres parler ! J’accepte tout à fait qu’on m’empêche de parler si je dépasse le temps imparti, à condition qu’on le fasse pour tout le monde. Il n’y a pas de sénateurs de première classe et des sénateurs de seconde classe : nous sommes tous élus au suffrage universel, et nous devons tous être respectés.

M. Guy-Dominique Kennel. On a encore perdu une minute !

M. Jean Louis Masson. Ce n’est pas grave ! Il reste tout un tas d’amendements sur lesquels on peut faire des explications de vote. Je ne suis pas pressé, je peux passer la nuit ici. On a le droit d’être traité correctement !

À force de voter ces amendements, on va finir par faire disparaître totalement le projet de loi. On est en train de faire une réforme pour l’ensemble de la France. Notre collègue Reichardt a très bien soulevé le problème tout à l’heure.

Ce qui m’amuse beaucoup dans cette affaire, c’est que, hier, on défendait l’idée de garder le mot « département », parce qu’il n’y avait quasiment pas de différence, alors qu’aujourd’hui on affirme le contraire. Si on veut que l’Alsace devienne la « Collectivité européenne d’Alsace », il va falloir que tous les départements français s’appellent des collectivités européennes, car ils auront les mêmes droits et les mêmes attributions que l’Alsace.

Vous n’avez pas voulu de la dénomination « département d’Alsace », mais on pourrait, à la fin de l’examen de ce texte – c’est ce que je voulais dire quand j’ai été coupé, monsieur le président –, parler de « Collectivité européenne de Moselle ». Ça me plairait bien, ça fait riche, et tout le monde serait content. Puisqu’on verse dans la démagogie, la politique politicienne, continuons comme ça !

J’ai terminé, monsieur le président, car j’ai utilisé tout mon temps de parole, mais j’aimerais bien que vous le fassiez respecter pour tout le monde !