M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Frédérique Puissat, nous ne sommes d’accord qu’avec le début de votre intervention, lorsque vous soulignez l’importance du paritarisme et du dialogue social.

Je vous rappelle les faits.

Dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous avons précisé les conditions dans lesquelles s’exerce le rôle des partenaires sociaux en ce qui concerne l’assurance chômage, et appelé à une négociation.

Au mois de septembre dernier, nous avons mené une concertation avec eux, sous l’égide du Premier ministre, pour définir la lettre de cadrage qui leur a été envoyée par la suite. Les partenaires sociaux ont alors eu quatre mois pour négocier. Puis, ils ont demandé un cinquième mois, que le Premier ministre leur a accordé. (M. le Premier ministre opine.) Au bout de cinq mois, ils ont constaté qu’ils n’arrivaient pas à se mettre d’accord.

Nous nous inscrivons donc dans le strict respect de la loi, madame la sénatrice : la loi prévoit que si les partenaires sociaux ne parviennent pas à définir les règles de l’assurance chômage, c’est à l’État de prendre ses responsabilités. Nous prenons donc nos responsabilités !

Depuis le mois de février, nous aurions tout à fait pu faire paraître le décret, mais nous avons préféré attendre pour poursuivre les discussions. Nous reprenons d’ailleurs certains éléments de ces négociations dans la réforme qui sera prochainement publiée par décret, conformément à la loi.

Nous engageons cette réforme pour deux raisons essentielles.

Tout d’abord, le taux de précarité a explosé dans notre pays : neuf embauches sur dix le sont aujourd’hui en contrat extrêmement court.

Ensuite, nous avons fait de grands progrès en matière de retour à l’emploi, mais nous devons aller encore plus loin. Même si le taux de chômage actuel, qui s’élève à 8,7 %, est inférieur d’un point à celui que nous avons trouvé en arrivant, nous pouvons aller plus loin et, pour ce faire, les efforts en matière de formation et dans le domaine de l’assurance chômage seront primordiaux.

En ce qui concerne la dette de l’assurance chômage, j’ai été très précise : aujourd’hui, 35 milliards d’euros de dette sont garantis par l’État. Si une crise éclatait dans dix ans, comment pourrait-on dégager des marges de manœuvre importantes avec une dette aussi élevée ? Nous ne devons pas laisser la dette de l’assurance chômage reposer sur la génération suivante pour être en mesure de protéger les chômeurs de demain.

M. François Patriat. Très juste !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Enfin, il y a un enjeu majeur en matière de formation – je compte beaucoup sur les régions à ce sujet. Aujourd’hui, certaines régions baissent leur budget dédié à la formation des chômeurs et des apprentis, alors que nous devrions veiller ensemble à l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Mme Frédérique Puissat. Madame la ministre, réformer un dispositif, réformer la France, personne dans cet hémicycle n’en conteste le besoin.

Vous avez fait le choix de passer en force et avez pris un certain nombre de décisions : une partie de l’hémicycle peut y être favorable, l’autre pas. Mais nous ne serons pas associés à ces négociations, pas plus que les partenaires sociaux ne le seront à cette deuxième réforme de l’assurance chômage.

Je tiens simplement à dire que votre passage en force s’appuie sur deux postulats faux. Premièrement, les partenaires sociaux se sont mis d’accord à deux reprises sur les enjeux que vous aviez fixés, une fois en 2017, la seconde en 2018. Deuxièmement, vos chiffres alarmants ne visent qu’un objectif : diviser la France et diviser les Français ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

privatisation de barrages hydrauliques

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Angèle Préville. Madame la secrétaire d’État, samedi dernier, en Savoie, syndicats, associations et partis manifestaient contre l’ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques.

L’injonction de la Commission européenne à privatiser la gestion des barrages dans le cadre du renouvellement des concessions se voit donc opposer une réprobation citoyenne et transpartisane pour défendre à la fois la gestion publique et notre bien commun qu’est l’eau.

Un consensus se dessine pour rejeter l’ouverture à la concurrence de ce secteur stratégique d’avenir qui dégage un bénéfice net de 1,25 milliard d’euros par an.

Les barrages produisent une énergie vertueuse, décarbonée, garante de notre indépendance et disponible immédiatement. Ils jouent de plus un rôle essentiel dans la compensation des variations de production en apportant une réponse fiable à la perte d’inertie des systèmes. Ils permettent enfin de stocker le surplus d’électricité. Bref, leur rôle est central et indispensable pour accompagner le développement des énergies renouvelables.

Notre pays tire aussi de nombreux avantages qui dépassent le seul intérêt énergétique : irrigation, soutien au débit d’étiage, gestion des crues.

Quatre cents barrages, en majorité gérés par EDF, sont concernés par la mise en concurrence. Nous pouvons légitimement avoir un doute sur la gestion, qui sera certainement purement comptable, des futurs opérateurs : ainsi, rien ne nous assure que les opérateurs en question continueront à fournir de l’électricité pendant les périodes moins rentables.

Peut-on brader au plus offrant un patrimoine vertueux, qui fonctionne, qui est sécurisé et a été financé par les Français ? À la fin, tout est-il marchandise ? Quelle est votre religion sur cette ouverture à la concurrence ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Angèle Préville, le Premier ministre l’a dit lors de son discours de politique générale : la France soutiendra son modèle d’hydroélectricité, qui, comme vous l’avez rappelé, est la première source d’énergie renouvelable, afin de garantir les enjeux d’intérêt public lors du renouvellement des concessions.

Dès 2015, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu des mesures protectrices pour les salariés des concessions hydroélectriques, à savoir le maintien de leur statut et la reprise à des conditions équivalentes en cas de nouveau concessionnaire. Nous avons ainsi la garantie que ces salariés se verront proposer une rémunération et des avantages sociaux similaires à ceux dont ils bénéficient actuellement.

Mais surtout, toujours en 2015, la Commission européenne a adressé une mise en demeure aux autorités françaises au sujet de ces concessions hydroélectriques, considérant que les mesures françaises étaient incompatibles avec le droit communautaire. Le Gouvernement continue de contester l’idée d’une rupture d’égalité sur le marché de la fourniture d’électricité au détail et l’idée d’un quelconque avantage discriminatoire accordé à EDF.

Par ailleurs, je vous rejoins : les barrages hydroélectriques, les concessions hydroélectriques constituent des enjeux sociaux, économiques, écologiques majeurs, liés à l’hydroélectricité, en particulier à la gestion de l’eau et à la sécurité des ouvrages.

Toutefois,…

M. Fabien Gay. Ah ! On attendait le « mais »… (Sourires.)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat. … le principe de mise en concurrence des concessions échues découle du droit national et européen. Le Gouvernement s’y prépare en défendant des principes essentiels, notamment en s’opposant à toute interdiction de candidater pour EDF et à la remise en concurrence des concessions non échues. C’est la défense d’une application équilibrée de la loi relative à la transition énergétique : regroupement des concessions dans une même vallée, prolongation de certaines concessions dans le respect du droit, possibilité de constituer des sociétés d’économie mixte lors du renouvellement des concessions, lorsque les collectivités locales sont intéressées.

Les échanges avec la Commission européenne se poursuivent, mais aucun accord n’a été trouvé à ce stade. Nous défendrons les intérêts généraux des concessions hydroélectriques dans ce débat. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.

Mme Angèle Préville. Nous prenons acte de votre réponse et serons particulièrement vigilants sur ce sujet, madame la secrétaire d’État.

Je tiens à rappeler que certains de nos voisins n’ont pas de régime concessif et ne seront donc pas concernés par la mise en concurrence.

Je tiens également à préciser que le renouvellement des concessions dans certaines vallées pourrait remettre en cause l’équilibre patiemment construit : nos territoires ruraux n’ont pas besoin de cette menace !

Enfin, gouverner, c’est être visionnaire, c’est anticiper en responsabilité.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Angèle Préville. Il faut avoir suffisamment de sérénité, d’indépendance, en somme de sagesse pour pouvoir rêver la France en privilégiant l’intérêt général et préserver ce qui nous constitue en tant que Nation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

assouplissement des 80 kilomètres par heure

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Mme Christine Herzog. Monsieur le ministre, la décision autoritaire d’abaisser la limitation de vitesse de 90 à 80 kilomètres par heure a été prise sans tenir compte des besoins de nos concitoyens dans leur vie au quotidien et des problèmes spécifiques aux zones rurales. Il n’est donc pas surprenant qu’elle ait provoqué des réactions de colère qui ont été en grande partie à l’origine du mouvement des gilets jaunes.

Tout comme d’autres parlementaires, je me suis opposée à cette mesure impopulaire.

La solution que nous avons adoptée au Sénat consiste à assouplir le dispositif en donnant aux préfets et aux présidents de département le pouvoir de rétablir la limitation de vitesse à 90 kilomètres par heure sur les routes nationales et départementales lorsqu’il n’y a pas de danger particulier.

Or on s’achemine vers une mesure a minima, qui est incohérente, puisque le seuil des 80 kilomètres par heure resterait obligatoire sur toutes les routes nationales, les routes départementales étant les seules susceptibles de bénéficier d’un retour au seuil des 90 kilomètres par heure.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous justifier une telle discrimination entre routes nationales et routes départementales ? Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu’il serait plus sage et plus cohérent de conserver une norme nationale à 90 kilomètres par heure et de permettre, a contrario, aux préfets et aux présidents de département de limiter la vitesse à 80 kilomètres par heure dans les endroits les plus accidentogènes ? (Certains membres de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste daucun groupe applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice, de quoi est-il question ? Nous parlons de prévention, de sécurité, de vies humaines emportées sur nos routes. L’année dernière, 3 248 personnes ont perdu la vie sur les routes.

Ce constat doit être à la base de notre réflexion sur les aménagements à venir, avec un objectif commun, fixé depuis plusieurs années : tout faire pour que le nombre de morts sur les routes baisse.

La mise en place le 1er juillet 2018 de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure a largement contribué au caractère exceptionnel du chiffre que je viens de vous donner. Il s’agit du meilleur bilan que nous ayons connu depuis longtemps, même s’il y a encore 3 248 morts !

Le Premier ministre avait annoncé que cette mesure ferait l’objet d’une expérimentation pour une durée de deux ans. Mais vous savez, comme moi, que nous avons rencontré une vraie difficulté pour évaluer les résultats de cette expérimentation en raison de la dégradation massive – vous avez parlé des gilets jaunes – de notre dispositif de contrôle : près de 75 % des radars ont en effet été neutralisés sur les routes départementales de façon provisoire ou définitive.

Par la suite, les chiffres ont montré qu’il y avait eu un relâchement important : plus de soixante morts au premier trimestre 2018 sont précisément liées à une vitesse excessive.

Il faut aujourd’hui engager la discussion avec tous les partenaires. Dans le cadre du grand débat national, les maires et les présidents de département ont ainsi demandé de pouvoir revenir sur cette mesure. C’est exactement ce que l’amendement parlementaire – élaboré par le Sénat, puis examiné par l’Assemblée nationale – a prévu, le tout dans la transparence et sur la base de chiffres objectifs, ceux qui nous permettent justement de constater que la baisse de la vitesse sauve des vies.

C’est sur cette base-là que le Parlement décidera, en application de la loi dite LOM, de donner la faculté aux présidents de département et aux maires de revenir aux 90 kilomètres par heure. Ceux-ci prendront ainsi – c’est une évidence – toutes leurs responsabilités. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réplique.

Mme Christine Herzog. Monsieur le ministre, nos concitoyens attendent des mesures cohérentes et lisibles, qui simplifieraient leur quotidien, toujours plus compliqué. Revenir à la norme des 90 kilomètres par heure et l’inscrire dans le code de la route serait une mesure de bon sens. (Certains membres de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste daucun groupe applaudissent.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 4 juillet 2019, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

9

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, le 5 février 2019, lors du scrutin public n° 48 intervenu dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, j’ai été comptabilisé comme ayant voté pour, alors que je souhaitais voter contre.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

10

Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 20 et 21 juin 2019

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 20 et 21 juin 2019.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil européen des 20 et 21 juin derniers a permis aux chefs d’État et de gouvernement d’aborder de nombreux sujets. J’ai eu l’occasion d’échanger avec certains d’entre vous avant ce Conseil. Nous avions alors constaté que l’agenda s’annonçait chargé. Les commentateurs ont volontiers retenu la seule question des nominations, en négligeant parfois les avancées importantes que nous avons enregistrées sur d’autres points, sur lesquels je voudrais revenir.

Pour ce qui est des nominations, sujet largement commenté, les chefs d’État ou de gouvernement, lors de leur rencontre informelle du 28 mai dernier, s’étaient accordés sur une ambition commune largement partagée. Il s’agit bien de trouver une équipe reflétant la diversité de l’Union s’agissant de la géographie, de la démographie, du genre et de l’affiliation politique.

Dans la nuit de jeudi dernier, à Bruxelles, les chefs d’État ou de gouvernement se sont mis d’accord sur ce qu’ils ne voulaient pas : la discussion a ainsi permis d’écarter le principe des candidats chefs de file, appelés Spitzenkandidaten, selon lequel les principales familles politiques de l’Union désignent leur candidat pour la présidence de la Commission européenne. Ainsi, le parti réunissant le plus grand nombre de sièges au Parlement obtient mécaniquement la présidence de la Commission.

Toutefois, comme l’a redit le président du Conseil européen, Donald Tusk, à l’issue de la réunion, aucun des trois candidats identifiés par cette procédure – Manfred Weber pour le PPE, Frans Timmermans pour les socialistes et Margrethe Vestager pour le groupe centriste – n’est apparu susceptible d’obtenir une majorité claire au sein ni du Parlement européen ni du Conseil européen.

Par conséquent, une nouvelle réunion des chefs d’État ou de gouvernement aura lieu dimanche prochain pour achever les discussions et présenter une équipe d’Europe pouvant prendre la tête de la Commission, du Conseil, du Parlement et de la Haute Représentation de l’Union européenne. Nous devons considérer cette échéance comme une date butoir, puisque la première session du Parlement européen, au cours de laquelle les députés européens devront élire leur président, se tiendra le 2 ou le 3 juillet.

Comme l’a dit le Président de la République, il s’agit d’un enjeu non seulement de crédibilité, un mois après des élections européennes ayant fortement mobilisé les citoyens, mais aussi de bon fonctionnement institutionnel. N’ajoutons pas de la lenteur à une discussion pouvant s’avérer difficile à suivre pour de nombreuses personnes.

Je tiens à le rappeler, dans ce cadre, la France n’a qu’une seule exigence : il faut parler du projet européen, avec des critères de compétences plutôt que de nationalité. Ce n’est pas une bataille de drapeaux. Si nous nous plaçons sur le terrain de la bataille d’influence nationale, le projet européen ira dans le mur. Il s’agit avant tout d’une bataille de crédibilité, pour que l’Europe puisse peser et prendre des décisions efficaces au cours des cinq prochaines années.

Le futur président de la Commission devra être une personne expérimentée et crédible, qui sera capable d’assumer des missions difficiles de haut niveau à l’échelon national, au sein de l’Union européenne ou à l’égard de ses voisins, puisqu’il y a également fort à faire à cette échelle.

Mais le Conseil s’est également penché, et c’est heureux, sur la nature du projet européen et le programme stratégique 2019-2024. Il ne s’agit pas d’un document de concept. Au contraire, il détermine très précisément les domaines politiques prioritaires sur lesquels l’Union devra concentrer ses efforts au cours des cinq prochaines années. Il dresse donc l’esquisse de la feuille de route du prochain président de la Commission.

Les quatre grandes priorités identifiées dans ce programme ont fait l’objet d’un large consensus parmi les États membres : protéger les citoyens et les libertés ; mettre en place une base économique solide et dynamique ; construire une Europe neutre pour le climat, verte, équitable et sociale ; et promouvoir les intérêts et les valeurs de l’Europe sur la scène mondiale. Ce programme stratégique fixe ainsi un cap clair, qui correspond pleinement aux priorités défendues par la France depuis maintenant plusieurs années, comme en témoignent les interventions du Président de la République et un certain nombre de travaux parlementaires.

Notre pays assumera également une responsabilité particulière au cours de ce nouveau cycle institutionnel, puisqu’il prendra la présidence du Conseil au premier semestre 2022, soit à mi-parcours.

Par ailleurs, comme nous l’avons demandé, le Conseil européen reviendra sur le sujet du programme stratégique en octobre prochain, ce qui lui permettra d’examiner, en concertation avec le futur président ou la future présidente de la Commission européenne, les moyens de mettre en œuvre concrètement cet agenda dans le cadre du programme de travail de la Commission et des feuilles de route des différents commissaires européens.

Les chefs d’État ou de gouvernement ont examiné d’autres sujets prioritaires de l’ordre du jour européen.

La discussion sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 a permis au Conseil de saluer les travaux réalisés sous la présidence roumaine, synthétisés dans la « boîte de négociation », support du futur accord politique, et d’inviter la présidence finlandaise à poursuivre ces travaux et à affiner cette boîte, en présentant des chiffres, similaires ou différents de la proposition initiale de la Commission.

Sur cette base, les chefs d’État ou de gouvernement sont convenus d’avoir un nouvel échange de vues sur ce sujet en octobre prochain, dans la perspective de parvenir à un accord avant la fin de l’année 2019. En effet, pour une mise en œuvre le 1er janvier 2021, il est essentiel de conclure tôt les négociations, afin que les États et les régions puissent ensuite utiliser pleinement les fonds.

Nous avons également engagé des échanges particulièrement intéressants avec l’ensemble des autorités finlandaises. J’ai moi-même rencontré mon homologue très récemment, afin de lui faire part des priorités de la France, de ses inquiétudes et, surtout, de l’état d’esprit dans lequel elle souhaite aborder une discussion budgétaire essentielle.

La discussion sur la lutte contre le changement climatique a donné lieu à des échanges nourris. Si les conclusions sur le climat ne sont pas aussi ambitieuses que nous l’aurions souhaité, les Vingt-Huit ne s’étant pas accordés à reconnaître qu’il fallait atteindre la neutralité carbone en 2050, c’est parce que quatre États membres continuent toujours d’opposer transition climatique et compétitivité de leur appareil industriel et à faire valoir des circonstances nationales pour empêcher de faire de l’Union un véritable chef de file en matière de lutte contre le changement climatique.

Nous aurions en effet souhaité entériner le fait que l’Union présenterait un message unifié lors de la réunion qui se tiendra le 23 septembre prochain à New York, organisée sur l’impulsion du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, pour faire un point sur les initiatives prises par les différents pays.

L’objectif de la neutralité climatique de l’Union en 2050 n’a donc pas été inscrit dans le texte des conclusions, mais figure néanmoins dans une note en bas de page. Pour autant, vingt-quatre pays s’y sont ralliés. Nous n’étions que huit au sommet de Sibiu le 9 mai dernier, et seulement quatre au mois de mars. Sur cette proposition, formulée par la France, nous avons donc réussi à rassembler largement.

La problématique du financement a été posée. Nous avons invité la Banque européenne d’investissement à intensifier ses activités en faveur de l’action climatique. Ce point fait écho à la proposition soutenue par la France de créer une banque européenne du climat.

Les conclusions du Conseil européen rappellent également les efforts à fournir pour renforcer la résilience des démocraties face à la désinformation, aux fake news, et améliorer la capacité de réaction de l’Union face aux menaces hybrides et cyber. À la demande de la France, le Conseil a invité les institutions de l’Union européenne, ainsi que les États membres, à œuvrer à des mesures visant à renforcer la résilience et à améliorer la culture de sécurité de l’Union européenne, notamment pour mieux protéger les réseaux d’information et de communication de l’Union, ainsi que ses processus décisionnels, contre les actes de malveillance de tout type. La cyberguerre existe bel et bien, nous pouvons aujourd’hui le constater au Moyen-Orient, et il convient que l’Europe puisse se protéger de ses risques.

Les relations extérieures ont aussi été au cœur de ce Conseil européen, au vu de l’actualité et des priorités de l’Union en la matière.

Le Conseil européen, sur notre initiative, a réaffirmé l’importance du partenariat stratégique de l’Union européenne avec l’Afrique, tout en appelant à le développer davantage. Il a également souligné le caractère essentiel pour l’Union de la stabilité, de la sécurité et de la prospérité des pays de la rive sud de la Méditerranée. Le Président de la République a eu l’occasion de réaffirmer ce dernier point ce week-end, à l’occasion du sommet des Deux Rives, qui s’est tenu à Marseille. La France fera des propositions pour que l’Union européenne renforce son partenariat avec le sud de la Méditerranée.

Le Conseil européen a par ailleurs décidé de renouveler, pour six mois supplémentaires, les sanctions sectorielles européennes appliquées à la Russie. Ces dernières sont non pas une fin en soi, mais un moyen d’encourager le règlement pacifique du conflit au Donbass. Nous n’observons malheureusement à ce stade aucune avancée dans la mise en œuvre des accords de Minsk, qui conditionnent l’allégement de ces sanctions.

Un sommet de la zone euro a été organisé vendredi matin en marge du Conseil européen, en présence de Mario Draghi et Mario Centeno, le président de l’Eurogroupe, dans un format inclusif, c’est-à-dire à vingt-sept, soit avec des pays qui ne sont pas membres de cette zone.

Il a permis de faire un bilan exhaustif de l’accord trouvé lors du conseil Écofin qui s’était tenu la semaine précédente, après l’accord franco-allemand de Meseberg de juin 2018 et l’accord des vingt-sept chefs d’État ou de gouvernement en décembre 2018 pour renforcer et approfondir l’Union économique et monétaire. À cet égard, les chefs d’État ou de gouvernement ont salué les progrès réalisés par l’Eurogroupe sur la révision du traité sur le mécanisme européen de stabilité, qui vise notamment à faciliter l’utilisation de ce mécanisme en cas de crise, et la création d’un instrument budgétaire pour la convergence et la compétitivité de la zone euro. Il s’agit d’une esquisse d’un budget de la zone euro.

Ces accords sont positifs, mais ne sont pas suffisants. Des clarifications doivent encore être apportées, notamment sur la gouvernance et le financement d’un tel budget. Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, il faut un budget de taille suffisante, crédible, doté d’une gouvernance spécifique, un budget qui ne puisse pas être confondu avec une ligne budgétaire des Vingt-Huit.

Enfin, une discussion en format article 50 a été organisée à l’issue du Conseil européen pour évoquer la situation du retrait britannique depuis le sommet du 10 avril. Les vingt-sept chefs d’État ou de gouvernement ont fait part de leur pleine disponibilité pour travailler avec le prochain Premier ministre britannique, tout en rappelant que l’approche de l’Union quant aux négociations restait inchangée : s’il n’est pas envisageable de rouvrir l’accord de retrait, qui reste la seule option pour assurer un retrait ordonné du Royaume-Uni, ils sont prêts à travailler sur la déclaration relative aux relations futures, la fameuse déclaration politique, si la position britannique venait à évoluer à ce sujet.

Sur tous ces sujets, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai ravie d’écouter vos observations et de répondre à vos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. le président de la commission des affaires étrangères, MM. René Danesi et Jean-Marie Bockel applaudissent également.)