M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 3
Dossier législatif : projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Ce texte est un excellent signal, notamment face à la menace d’un président qui rompt le multilatéralisme et qui a une conception très particulière des relations internationales, comme nous avons pu le constater en particulier à propos des sanctions infligées à l’Iran.

Cela dit, il est important de faire le lien entre la séance publique et nos différents travaux de contrôle. Nous conduisons actuellement une commission d’enquête sur la souveraineté numérique ; nous avons souligné l’importance de cette souveraineté et cela explique aussi que nous soyons parfois désarmés devant ces géants et l’usage qu’ils font de nos données.

J’espère, monsieur le ministre, que vous prendrez en considération les conclusions de cette commission d’enquête, car ce sujet me semble d’une importance vitale pour notre économie et pour la position de la France dans l’Europe, aujourd’hui comme demain.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)

PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés
 

4

 
Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018
Débat commun (début)

Orientation des finances publiques, règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2018

Débat puis discussion en procédure accélérée d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’orientation des finances publiques et la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (projet n° 589, rapport n° 625).

La conférence des présidents a décidé de joindre la discussion générale de ce projet de loi au débat sur l’orientation des finances publiques.

Dans le débat commun, la parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018
Débat commun (interruption de la discussion)

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver – c’est désormais la troisième fois – pour ce débat d’orientation sur les finances publiques, qui nous donne l’occasion, à Gérald Darmanin et moi-même, de présenter les grandes orientations économiques et budgétaires du Gouvernement.

Permettez-moi tout d’abord de faire un point sur la situation économique de la France.

La croissance française reste solide malgré un ralentissement marqué et préoccupant de la croissance mondiale, lié en particulier aux tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.

À ce stade, nous estimons notre croissance à 1,4 % en 2019, contre 1,3 % pour la zone euro et 0,8 % en Allemagne. Ces prévisions sont proches de celles des principaux instituts de conjoncture, ce qui confirme la sincérité à laquelle Gérald Darmanin et moi-même sommes attachés.

Le niveau de chômage est au plus bas depuis 2009. Nous avons créé plus de 500 000 emplois depuis 2017, dont 26 000 dans le secteur industriel, un chiffre auquel j’attache beaucoup d’importance. C’est en effet la première fois depuis quinze ans que nous recréons des emplois dans ce secteur, et nous sommes totalement déterminés à accélérer le mouvement dans cette direction.

La conjoncture économique est inédite. Elle ouvre un cycle nouveau dans lequel l’inflation faible se conjugue avec une croissance mondiale faible et des taux d’intérêt durablement bas, voire même négatifs sur le court et moyen terme. Je veux faire quelques remarques à cet égard.

Tout le monde me dit que cette situation est bonne pour la dette française et pour la charge de la dette. Je rappelle néanmoins que la charge de la dette reste de l’ordre de 35 milliards d’euros par an, et qu’il faut payer cette somme. Cela étant, une croissance plus faible entraîne forcément une réduction des recettes fiscales, laquelle l’emporte sur la réduction de la charge de la dette. Par conséquent, il n’y a pas de cagnotte budgétaire liée à la diminution des taux d’intérêt.

Des débats s’ouvrent par ailleurs sur l’opportunité d’un endettement supplémentaire. Certains économistes, comme Olivier Blanchard, estiment qu’avec ces taux d’intérêt plus faibles, voire négatifs, ce serait le moment d’aller vers plus d’endettement.

Si ce raisonnement peut être valable pour certains États, j’estime qu’il ne s’applique pas à un État comme la France, qui a vu sa dette publique augmenter de 30 points entre 2007 et 2017. Je rappelle que notre dette publique avoisine maintenant les 100 % de notre produit intérieur brut et que notre dépense publique est la plus importante de tous les pays de l’OCDE.

J’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises que la dette était un poison lent ; c’est sans doute un poison de plus en plus lent, mais cela reste toujours un poison. Nous sommes donc totalement déterminés à poursuivre le rétablissement de nos finances publiques et à réduire la dette française, même si nous assumons un niveau et un rythme de réduction plus lent, compte tenu de la situation conjoncturelle que je viens de décrire.

Quels sont, dès lors, nos choix de politique économique ?

Tout d’abord, c’est sur la politique de l’offre que le Président de la République a été élu en 2017, avec comme objectif d’avoir plus d’investissements, plus d’innovation, plus d’emplois. Le chef de l’État a confirmé, en avril dernier, qu’elle serait maintenue.

Cette politique se traduit notamment par des choix fiscaux qui allègent la fiscalité sur les entreprises. La bascule du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, en allégement de charges pérennes en 2019, pour 20 milliards d’euros, en est un premier signal très clair.

Le deuxième signal, c’est la baisse de l’impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner ce matin à cette même tribune, le taux de cet impôt sera porté pour toutes les entreprises, sans exception, à 25 % d’ici à 2022 et il baissera pour toutes les entreprises, sans exception, dès 2020. Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros, le taux passera de 33,3 % à 31 %. Pour les autres, la baisse, déjà entamée, se poursuivra, puisque le taux passera de 31 % à 28 %.

Nous demandons un effort aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros, mais elles bénéficieront elles aussi, dès 2020, de la diminution de l’impôt sur les sociétés.

Si nous sommes attachés à cette baisse et au cap des 25 % en 2022, c’est tout simplement parce que cette mesure permet à nos entreprises de dégager plus de profitabilité pour investir, innover, créer des emplois et gagner la bataille technologique, clé absolue du XXIe siècle, mais également parce qu’elle rend notre pays plus attractif pour les investissements étrangers, lesquels sont créateurs d’emplois – vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, les mieux placés pour savoir que les investissements étrangers, notamment dans le secteur industriel, ce sont des emplois et de l’activité pour nos territoires.

Aujourd’hui, la France est devenue le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe. Nous devons nous en réjouir et ne surtout pas changer de cap.

Au total, les impôts baisseront de 13 milliards d’euros pour nos entreprises sur le quinquennat.

Vous connaissez par ailleurs ma conviction quant à la poursuite de la réflexion que nous avons engagée ensemble au moment de l’adoption de la loi Pacte sur les impôts de production, qui, je le rappelle, sont beaucoup plus élevés en France que chez nos partenaires européens, et qui pénalisent en particulier les entreprises industrielles. Le pacte productif dont le Premier ministre et le Président de la République m’ont confié la mise en œuvre sera l’occasion de faire des propositions sur le long terme sur les impôts de production.

Nous disposons déjà des travaux très solides du Conseil d’analyse économique et des députés Sacha Houlié et Pierre Person, qui nous ouvrent une voie. Je précise juste que je ne suis pas convaincu par un financement qui reposerait sur une remise en cause des allégements de charges, et donc une hausse du coût du travail. Je crois à la stabilité pour les entreprises et nous devons donc, me semble-t-il, travailler sur d’autres modalités de financement.

Notre second choix économique, après la politique de l’offre, c’est la rémunération du travail. Le travail doit payer, et il doit payer mieux. La crise des gilets jaunes est pour moi une crise du travail, une crise de la rémunération du travail, une crise de la reconnaissance du travail, une crise de la considération qui est donnée par le travail.

Nous allons donc poursuivre la politique visant à mieux rémunérer les personnes qui travaillent, l’un des fils rouges du quinquennat. Nous allons notamment baisser les impôts des personnes qui ont un emploi.

Comme vous le savez, nous avons déjà décidé de revaloriser la prime d’activité, de mettre en place une prime de fin d’année défiscalisée, de rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires et de supprimer toute taxe sur l’intéressement pour développer massivement l’intéressement dans les années qui viennent. La diminution de 5 milliards d’euros, pour 17 millions de Français, dès le 1er janvier 2020, de l’impôt sur le revenu s’inscrit exactement dans la même philosophie : le travail doit payer et les personnes qui ont un emploi doivent pouvoir vivre dignement de leur activité.

Au total, ce sont 27 milliards d’euros d’impôts en moins pour les ménages sur l’ensemble du quinquennat, lesquels s’ajoutent aux 13 milliards d’euros de baisses d’impôts pour les entreprises, soit 40 milliards d’euros de diminutions d’impôts sur la durée du quinquennat. C’est l’une des baisses les plus importantes des dernières années, qui nous permet de rompre avec dix ans d’augmentation massive de la pression fiscale sur les entreprises comme sur les ménages.

Quelles sont les conséquences en termes de finances publiques des choix que Gérald Darmanin et moi-même nous vous proposons ? Le rétablissement des finances publiques reste notre objectif et notre ligne stratégique.

Le désendettement de la France, dont je viens de parler, est une nécessité à la fois pour notre bonne santé économique et pour notre indépendance politique de long terme.

Le déficit public continuera de baisser. Il passera de 2,3 % hors CICE cette année à 2,1 % en 2020, soit nettement sous la barre des 3 %, que nous respectons depuis le début du quinquennat.

La baisse de l’impôt sur le revenu en 2020 sera en partie financée par une diminution des niches fiscales sur les entreprises, conformément à la mission qui m’avait été confiée par le Président de la République et le Premier ministre.

Trois niches fiscales principales vont être concernées : le gazole non routier, le mécénat et le crédit d’impôt recherche.

S’agissant du gazole non routier, ce choix est évidemment cohérent avec notre volonté d’accélérer la transition énergétique de la France et de moins dépendre des énergies fossiles, ce qui est à la fois économiquement coûteux et de nature à porter atteinte à notre indépendance politique et stratégique. Nous avions déjà abordé ensemble, dans cette enceinte même, cette question de la remise en cause de la niche sur le gazole non routier. Notre méthode n’était sans doute pas la bonne, je le reconnais bien volontiers. Elle était trop brutale, trop rapide et pas assez concertée avec les acteurs du bâtiment et des travaux publics, les premiers concernés par cette mesure.

Nous proposons aujourd’hui une baisse de cet avantage fiscal qui a été préparée en concertation étroite avec l’ensemble des professionnels concernés, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics et du terrassement.

Gérald Darmanin et moi-même avons demandé à l’inspection générale des finances et au conseil général de l’économie d’évaluer, secteur par secteur, l’incidence de cette baisse.

Le tarif réduit du gazole non routier sera supprimé en trois ans, et non en une seule fois. À la demande des professionnels, la première hausse interviendra non pas au 1er janvier 2020, mais au 1er juillet 2020, ce qui laisse un an aux acteurs concernés pour s’adapter à cette augmentation. Ni les agriculteurs ni le transport ferroviaire ne seront touchés par cette suppression du tarif réduit.

Je le redis, ce changement sera progressif sur trois ans – dans la version initiale, il s’opérait en une seule année. Il ne touchera que certains secteurs et n’interviendra, à la demande des professionnels, qu’au 1er juillet 2020, non au 1er janvier, afin de laisser le temps d’adaptation nécessaire.

La suppression de ce tarif réduit permettra de dégager 900 millions d’euros à terme, un peu plus de 200 millions d’euros dès 2020.

Par ailleurs, elle s’accompagnera de mesures de compensation qui ont été discutées avec les professionnels. Ainsi, nous mettrons en place une clause générale de révision des prix sur les contrats publics et privés et des mesures d’incitation financière sous forme de suramortissement pour acquérir du matériel moins polluant – je pense notamment à l’achat de petites machines de terrassement ou de certains matériels électriques.

Nous instaurerons également des mesures de dérogation pour les industries qui sont les plus exposées à la concurrence internationale, notamment les industries extractives et la manutention portuaire. Les industries extractives seraient trop lourdement pénalisées par une baisse globale de cet avantage fiscal et nous ferons une exception pour la partie immobile de leurs matériels.

Nous élargirons le fonds de compensation de la TVA – le FCTVA – aux travaux de maintenance lourde des réseaux, dont le coût sera pris en charge par l’État – je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous serez particulièrement attentifs à ce sujet.

Deuxième dispositif fiscal : le mécénat.

Le mécénat d’entreprise connaît une croissance extraordinairement dynamique : les dons et le nombre de mécènes sont en nette augmentation. Tant mieux ! Il n’est pas question de fragiliser cette dynamique, mais comme nous y invite le rapport publié l’année dernière par la Cour des comptes, certaines dérives doivent être corrigées. Pour cela, nous suivrons certaines propositions de la Cour des comptes et le ministre de la culture, Franck Riester, et le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Gabriel Attal, annonceront les modalités précises de la mesure dans quelques semaines, à l’issue des concertations qu’ils conduiront avec les entreprises mécènes et les établissements et associations bénéficiaires.

Troisième niche : le crédit d’impôt recherche, le CIR.

Je vais être très clair : le CIR est un magnifique succès français. Il permet de rendre notre territoire beaucoup plus attractif en termes d’innovation. Grâce à lui, un ingénieur français est, aujourd’hui, deux fois moins cher qu’un ingénieur américain. Il n’est donc en aucun cas question de le remettre en cause ou de toucher à ses grands équilibres.

En revanche, nous pouvons le rendre plus efficace, en suivant les recommandations de Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et celles de la Cour des comptes.

Ce qui est le moteur de l’innovation, ce sont les ingénieurs et les investissements, beaucoup plus que les dépenses de fonctionnement. La Cour des comptes proposait de ramener le taux qui s’applique aux frais de fonctionnement dans une fourchette comprise entre 40 % et 46 % contre 50 % aujourd’hui. Nous fixerons ce taux à 43 %, ce qui permettra de dégager un rendement de 200 millions d’euros dès 2021.

Au total, le montant des réductions sur les niches fiscales, en incluant une évolution de la déduction forfaitaire spécifique, DFS, dont le ministre de l’action et des comptes publics vous précisera les modalités tout à l’heure, sera de l’ordre de 600 millions d’euros en 2020 et de 1,4 milliard d’euros à partir de 2021, soit au-dessus de notre cible qui était de 1 milliard.

Enfin, notre vision budgétaire nationale se prolonge naturellement dans une stratégie européenne et internationale de relance de la croissance.

La zone euro n’a pas vocation à vivre durablement avec une croissance faible. Il sera très difficile d’expliquer à nos concitoyens qu’elle est un succès, si la croissance des États-Unis atteint 3,5 % et celle de la Pologne 5 %, tandis que la zone euro se contente de 1,2 %. La zone euro a été créée pour garantir la stabilité de notre monnaie et lutter contre l’inflation – elle y parvient d’ailleurs parfaitement. Elle a été créée pour nous permettre de disposer d’une monnaie souveraine capable de rivaliser avec le dollar ou avec la monnaie chinoise – nous sommes en passe d’y arriver. Mais elle a aussi été créée pour apporter à nos compatriotes de la prospérité, des emplois, de l’activité, des industries, des usines !

Il est donc indispensable de réfléchir, en cette période de taux faible et dans l’environnement particulier que je vous ai décrit, à des moyens de relancer la croissance dans la zone euro. J’ai fait une proposition de pacte de croissance que j’ai présentée à plusieurs responsables allemands : mon homologue, M. Scholz, la présidente de la CDU, Mme Kramp-Karrenbauer, le président du patronat, notamment.

Cette proposition me semble équitable, juste et responsable. Elle tient compte de l’environnement monétaire, beaucoup plus favorable, et de la baisse des taux d’intérêt. Elle prévoit d’avancer dans trois directions, en tenant compte des différences de situation qui existent entre les dix-neuf États membres de la zone euro.

Pour certains, la priorité sera le premier pilier : poursuivre les réformes de structure pour gagner en compétitivité et en productivité. C’est en particulier le cas de la France qui avait un retard de compétitivité à combler ; la politique de l’offre que nous menons va dans ce sens comme toutes les réformes que la majorité a engagées depuis 2017 : le marché du travail, la formation, la qualification, la transformation fiscale, ou encore l’indemnisation du chômage.

Le deuxième pilier, c’est le respect des engagements européens. On ne peut pas faire une proposition de pacte de croissance à dix-neuf, si chacun s’exonère de ses responsabilités en matière de finances publiques – je rappelle que chaque pays a fait ce choix en toute souveraineté. Si nous voulons être crédibles, il nous faut respecter les engagements que nous avons souverainement souscrits vis-à-vis de nos partenaires européens.

M. Jérôme Bascher. Ce qui n’est pas le cas !

M. Bruno Le Maire, ministre. Le troisième pilier est destiné à tous les États qui en ont la possibilité, notamment ceux qui sont à l’équilibre budgétaire : investir davantage, par exemple dans les infrastructures, la transition énergétique, l’innovation et la recherche. C’est le moment ! Nous estimons qu’aujourd’hui l’Allemagne peut investir davantage dans ses infrastructures et dans l’innovation, pendant que la France poursuit le rétablissement de ses finances publiques et la transformation de son appareil productif grâce aux réformes de structure que nous avons engagées.

Je continuerai inlassablement cette discussion avec nos partenaires, car je crois dangereux, économiquement et politiquement, de laisser la zone euro dans une situation de croissance faible qui ne répond pas aux attentes de nos concitoyens.

Enfin, à l’échelle internationale, je tiens à rappeler l’implication constante du Président de la République auprès des chefs d’État du G7 et du G20 pour réduire les tensions commerciales qui pénalisent la croissance, l’investissement et l’emploi.

Voilà les éléments généraux que le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, et moi-même tenions à partager avec vous en ouverture de ce débat d’orientation des finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Michel Canevet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’an dernier, la discussion qui nous occupe aujourd’hui couvre à la fois le passé et l’avenir – c’est une différence avec le débat organisé à l’Assemblée nationale –, le passé, avec le projet de loi de règlement des comptes de l’année 2018, et l’avenir, avec le débat d’orientation des finances publiques. J’en suis d’autant plus heureux que les deux ne sont évidemment pas sans lien, le passé pouvant éclairer l’avenir. Le cycle budgétaire a d’ailleurs cela de rituel qu’il permet de traduire rapidement la volonté présidentielle et l’action du Gouvernement et de fournir, quelques mois après la nomination de celui-ci, un premier bilan.

Comme le prouve le projet de loi de règlement des comptes, ce bilan est favorable, puisqu’il démontre que nous avons financé nos premières mesures en faveur du pouvoir d’achat, tout en étant sérieux budgétairement et en maîtrisant la dépense publique.

Ces bons résultats ont été acquis grâce à une action déterminée du Gouvernement et des parlementaires qui ont bien voulu nous soutenir. Ils s’accompagnent d’une remise en ordre de nos comptes publics que le projet de loi de règlement met en évidence comme les deux derniers rapports de la Cour des comptes. Je note que le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a également salué cette remise en ordre ; ses remarques sur la sincérité budgétaire sont d’autant plus importantes à mes yeux qu’il avait mis cet aspect en avant pour refuser le dernier budget du quinquennat précédent – la Cour des comptes a d’ailleurs souligné combien le Sénat avait eu raison au sujet de cette insincérité budgétaire.

Notre devoir est de consolider les acquis du début du quinquennat et de poursuivre le rétablissement de nos comptes pour préserver la souveraineté budgétaire de notre pays, dont la signature est, comme vous l’aurez constaté, unanimement reconnue sur les marchés.

Je suis certain que nous pourrons progresser de concert sur cette voie de la sincérité pour financer les très importantes baisses d’impôts annoncées par le Président de la République. Je dis « de concert », car je ne doute pas que ceux qui, dans l’opposition, s’inquiètent du financement de ces baisses d’impôts seront les premiers à les voter… Chacun doit être cohérent !

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes en train de vivre un moment très particulier de notre histoire budgétaire et économique. Le 18 juin – date chère à la plupart d’entre nous –, la France a emprunté à des taux négatifs.

Avec deux années successives sous la barre des 3 % de déficit, nous avons réussi à redresser nos comptes publics et à emprunter, dans le même espace monétaire, à des taux d’intérêt inférieurs de plus de deux points à ceux de certains pays comme l’Italie. Nous le devons notamment au fait que nos comptes sont sincères et que nos efforts de réforme méritent que la France ait des taux d’intérêt extrêmement bas. C’est en tout cas ce que pensent nos créanciers, dont plus de la moitié réside hors d’Europe et qui possèdent l’équivalent de 100 % de notre richesse nationale.

Depuis deux ans, le déficit est inférieur à 3 %, ce qui n’était jamais arrivé depuis dix ans. Comme le constate définitivement le projet de loi de règlement, le déficit des administrations publiques s’élève in fine à 2,5 % contre un objectif de 2,7 % dans le dernier projet de loi de finances, soit une différence de 4 milliards d’euros. Je me permets de rappeler qu’un déficit de 2,5 % en 2018 intégrant celui du système ferroviaire – autre aspect de sincérité budgétaire –, c’est un point de moins que le déficit estimé par la Cour des comptes à l’arrivée du Gouvernement au milieu de l’année 2017 et c’est le meilleur résultat depuis 2006. C’est une amélioration de 20 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la Cour.

Comme vous pouvez le constater, ce résultat est avant tout le fruit d’une meilleure maîtrise de la dépense publique qui a décru en volume en 2018 pour la première fois, mais aussi d’une budgétisation sincère et d’hypothèses macroéconomiques prudentes, comme l’ont souligné la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques. Le ratio de dépenses publiques rapportées au PIB est ainsi passé de 55 % à 54,4 % entre 2017 et 2018. Voilà plus de trente ans que cela n’était pas arrivé !

Dans les faits, les résultats sont là, et ce quels que soient les acteurs de la dépense publique.

À l’échelon de l’État, le Gouvernement a strictement tenu, monsieur le rapporteur général, l’objectif de dépenses qu’il s’était fixé en loi de finances initiale, soit 425,4 milliards d’euros, en dépit d’une révision à la hausse à la fois de la charge de la dette et de notre contribution au budget européen.

Sur la norme de dépenses pilotables, c’est-à-dire ce qui est « à la main » des ministères, l’État a même dépensé 1,4 milliard d’euros de moins que l’objectif voté dans le budget pour 2018, ce qui explique en partie l’amélioration du déficit public.

Ces évolutions sont clairement en rupture avec les années passées, au cours desquelles la charge de la dette comme le budget européen étaient quasi systématiquement révisés à la baisse, ce qui facilitait l’exercice de bouclage du budget dans un contexte de dépassement budgétaire.

Dans la sphère sociale, l’objectif d’évolution des dépenses de l’assurance maladie a été respecté et la maîtrise des dépenses de santé a rendu possible, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, le redéploiement de plus de 300 millions d’euros en faveur de l’hôpital. De fait, le redressement des comptes de la sécurité sociale s’est consolidé malgré le ralentissement conjoncturel du second semestre 2018 qui a pesé sur les recettes du régime général. Cela démontre qu’il est possible de tenir les comptes sociaux, désormais proches de l’équilibre – situation que la sécurité sociale n’a pas connue depuis 2001 –, tout en finançant les mesures de pouvoir d’achat en faveur des actifs.

Dans les collectivités territoriales, mesdames, messieurs les sénateurs, force est de constater que la contractualisation, tant décriée, était conforme à la Constitution et qu’elle a bien fonctionné. Les chiffres figurent dans le bilan détaillé demandé par le Parlement au Gouvernement en application de la dernière loi de programmation des finances publiques : en moyenne, les collectivités locales entrant dans le champ de cette contractualisation ont connu une diminution de leurs dépenses de fonctionnement bien supérieure à l’objectif de Cahors. Les plus grosses d’entre elles, environ 320, ont effectivement tenu leurs dépenses de fonctionnement, tout en investissant comme elles ne l’avaient jamais fait, même en tenant compte du cycle électoral.

Vous constaterez aussi que les autres collectivités sont restées proches de l’objectif national, si bien qu’en moyenne les résultats de l’année 2018 sont globalement favorables – l’évolution des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des collectivités a nettement ralenti et a été contenue à 0,3 %. L’investissement public est reparti à la hausse et la Cour des comptes a eu raison de souligner que la politique du Gouvernement a permis aux collectivités de s’engager de nouveau sur la voie de l’investissement.

Au-delà de la qualité des résultats budgétaires eux-mêmes, ce projet de loi de règlement témoigne également d’une gestion budgétaire plus apaisée et plus respectueuse de l’autorisation parlementaire. Sous le gouvernement précédent, le gel atteignait 8 % contre 3 % dorénavant ; le ministre de l’économie et des finances et moi-même proposerons de reconduire ce taux. Pour la première fois depuis l’application de la loi organique relative aux finances publiques, le Gouvernement n’a présenté aucun décret d’avance.

Pour autant, si nous devons nous réjouir de ces résultats, nous ne saurions nous en contenter, tant les défis qui nous attendent sont nombreux. Je vous rappelle en effet que nous aurons, en 2019, le déficit le plus élevé de l’Union européenne avec l’Italie et que la France devra continuer à fournir des efforts pour pouvoir être respectée dans le concert des nations compte tenu du déficit moyen constaté dans l’Union européenne.

Malgré ces bons résultats, la dette, que nous avons réussi à stabiliser – cela n’était pas arrivé depuis fort longtemps –, ne sera pas réduite de cinq points d’ici à 2022. Cependant, elle baissera bien d’ici à la fin du quinquennat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le message que nous aimerions vous délivrer à l’occasion de ce débat est triple : pragmatisme, détermination et constance.

Pragmatisme, car nous souhaitons maintenir les efforts budgétaires pour atteindre 2,1 % de déficit public, soit une baisse de 1,3 % en deux ans. Nous financerons l’intégralité des mesures annoncées par le Président de la République – elles sont toutes inscrites dans les documents budgétaires et il n’y a pas de mauvaise surprise à attendre.

Nous travaillons à la fois sur la diminution des dépenses fiscales et sociales inefficaces et sur celle des dépenses publiques. La logique est simple : au moment où la France réalise la plus grande baisse d’impôts, tant pour les ménages que pour les entreprises, qu’un gouvernement de la République n’ait jamais décidée, nous faisons également « la peau » – permettez-moi cette expression ! – à certains dispositifs dérogatoires.

Je pense notamment à la limitation de la déduction forfaitaire spécifique, DFS, une niche sociale qui date de 1930. La DFS vient artificiellement majorer les allégements généraux dont bénéficient les entreprises par rapport au droit commun. L’encadrement de cette majoration des allégements généraux par la DFS devrait représenter quelque 400 millions d’euros d’économies dès l’année prochaine. C’est aussi une mesure sociale ; je prends un exemple concret : elle permettra aux femmes qui sont en congé de maternité de percevoir un niveau d’indemnités plus élevé qu’aujourd’hui du fait du changement d’assiette des cotisations.

Un effort sera aussi nécessaire en matière de réduction des dépenses. Je tiens à souligner que celui-ci concernera toutes les sphères de la dépense publique : l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales – les contrats dits de Cahors seront poursuivis.

Pour l’État, les plafonds qui vous sont présentés aujourd’hui témoignent, je le crois, de la crédibilité de l’engagement annoncé par le Premier ministre à cette tribune il y a quelques semaines. L’effort passera par la rationalisation des agences et des opérateurs.

Pour la sécurité sociale, nous tiendrons la maîtrise des dépenses sous Ondam – l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Je m’en suis récemment expliqué devant votre commission des affaires sociales.

Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que les collectivités territoriales sauront prendre leur part de responsabilité dans cet effort, notamment les plus grandes d’entre elles – les communes plus rurales doivent avoir une plus grande liberté tant en investissement qu’en fonctionnement. Si vous me permettez de l’exprimer ainsi, il est assez légitime que les plus gros fassent le plus d’efforts !

Notre détermination à accélérer les réformes qui permettront à notre économie de se remettre en mouvement est intacte.

En ce qui concerne la réforme de la fiscalité locale qui est tant attendue, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur plusieurs points. Le projet de loi de finances inclura la mesure permettant de supprimer la taxe d’habitation pour les 20 % des foyers les moins pauvres, ainsi que le remplacement durable de cette taxe par l’attribution aux communes de la taxe foncière et aux départements d’un impôt national. Je suis certain que le Sénat consacrera de longues heures de débat à ce sujet ! Cela serait légitime. Le Gouvernement entend appliquer cette réforme au 1er janvier 2021 – il me semble que le Parlement est d’accord avec ce calendrier –, ce qui nous permettra d’opérer les modifications qui seraient éventuellement nécessaires dans le courant de l’année 2020.

Nous devons également travailler sur les réformes très importantes déjà adoptées par le Parlement et sur celles à venir qui concernent la fonction publique, les retraites, l’assurance chômage, l’audiovisuel public.

Tout aussi intacte est notre détermination à rendre tangibles nos priorités, en les finançant.

Je pense notamment au renforcement sans précédent des moyens régaliens de l’État : ainsi, la loi de programmation militaire prévoit une augmentation de crédits de 1,7 milliard d’euros par an, ce qui n’était jamais arrivé depuis la fin de la Guerre froide ; les recrutements de forces de sécurité – police et justice – sont inscrits conformément aux annonces du Président de la République.

Je pense également à la revalorisation des prestations sociales, à la suppression intégrale de la taxe d’habitation et à la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, mais aussi aux mesures d’urgence économique et sociale que le Sénat a bien voulu adopter.

Troisième maître mot : la constance.

Notre pragmatisme et notre détermination font preuve d’une constance indiscutable, puisque les deux objectifs principaux que nous nous sommes fixés sont maintenus : réduction de trois points du poids de la dépense publique dans le PIB pour financer la réduction d’un point de nos prélèvements obligatoires. Le ministre de l’économie et des finances et moi-même sommes fiers de présenter pour 2020 une diminution d’impôt de 27 milliards d’euros au bénéfice des ménages – c’est la plus grande baisse d’impôt jamais décidée.

Grâce au prélèvement de l’impôt à la source – mesure que le rapporteur général de la commission des finances a soutenue dans cet hémicycle…