M. Jean Bizet. Merci au nucléaire !

M. Bruno Retailleau. On sait parfaitement que la différence se fera dans les transports et le logement, deux secteurs où de mauvais signaux sont envoyés.

En effet, la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) s’opère au détriment de la lutte contre les passoires énergétiques. C’est un mauvais signal, tout comme le bonus-malus : il y aura beaucoup de malus, mais peu de bonus pour favoriser une véritable conversion du parc automobile. En réalité, le verdissement de la fiscalité cache, dans ce projet de loi de finances comme dans les précédents, une recherche de rendement budgétaire. De ce point de vue, vous n’avez pas tiré la leçon de ce qui a été, à l’origine, une révolte fiscale des « gilets jaunes ».

Je me félicite, monsieur le président de la commission des finances, que nous puissions avoir, lundi, un vrai débat sur les articles afférents à ce sujet. Les exemples scandinaves peuvent nous éclairer ; une délégation de la commission des finances s’est rendue sur place pour les étudier. En se fondant sur les principes de neutralité, de cohérence et de progressivité, on peut, je le crois, instituer en France une fiscalité écologique qui soit plus juste et ne déclasse pas un peu plus encore les plus démunis !

Pour conclure, j’estime, mes chers collègues, que ce budget privilégie le court terme. Il confirme un choix de continuité – toujours plus de dépense publique –, sans doute une rupture – plutôt que l’économie de l’offre, une économie de la demande, dont bénéficieront à l’évidence les produits étrangers, en particulier chinois. Il marque, à l’instar des bas taux d’intérêt, une préférence pour le présent qui signe le sacrifice du futur. Je suis convaincu que cela ne rendra pas la France plus forte dans un monde de plus en plus menaçant, dans une conjoncture qui sera vraisemblablement toujours plus sombre. Le pire, c’est que je ne suis même pas sûr que cette politique d’ouverture toute grande des vannes suffise à acheter la paix sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Louis Lagourgue applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Carcenac. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Thierry Carcenac. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que le débat politique de ces dernières semaines a parfois été occulté par des sujets de société qui, s’ils ont indubitablement leur importance, ne concernent parfois que très indirectement nos concitoyens, il est temps d’engager la discussion au fond de ce projet de loi de finances pour 2020.

Davantage que les polémiques suscitées par des entretiens accordés à Valeurs actuelles, ce sont les débats que nous entamons qui permettront de jauger l’action concrète du Gouvernement pour nos concitoyens, dans un contexte où les attentes sont grandes et – permettez-moi de le dire, monsieur le ministre – légitimes eu égard aux résultats décevants, pour ne pas dire plus, du Gouvernement à ce jour.

Mes chers collègues, ce qui prime, ce sont les dépenses engagées par le Gouvernement depuis le début de cette mandature.

Néanmoins, au groupe socialiste et républicain, nous demeurons convaincus qu’une bonne gestion publique est nécessaire. Si les règles des 3 % de déficit public et des 60 % d’endettement ne sont peut-être pas l’alpha et l’oméga d’une saine politique économique, tenir ces objectifs permet de dégager des marges de manœuvre pour financer avec davantage de force les politiques publiques qu’un gouvernement juge prioritaires.

Votre gouvernement a d’ailleurs, monsieur le ministre, placé la barre très haut en la matière en début de quinquennat, avec beaucoup d’aplomb. Claude Raynal et moi-même avons retracé vos prévisions budgétaires, entre la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, présentée au mois de décembre 2017, et le projet de loi de finances pour 2020 que vous nous soumettez aujourd’hui.

Vous nous promettiez, fin 2017, un excédent des comptes publics de 0,2 % en fin de quinquennat. C’est aujourd’hui sur un déficit de 1,5 % que vous tablez.

Vous nous promettiez, à l’époque, une dette publique s’élevant à 91,4 % du PIB. C’est aujourd’hui sur une dette atteignant 97,7 % du PIB que vous tablez.

Vous nous promettiez également alors une dépense publique limitée à 50,9 % du PIB. C’est aujourd’hui sur une dépense de 52,3 % du PIB que vous tablez.

Permettez-nous, monsieur le ministre, de douter de la crédibilité de vos annonces récentes devant notre commission des finances. Après le fameux « 8-3-1 » de 2018, vous tablez désormais sur le « 20-30-40 »… Permettez-nous d’être dubitatifs, les effets d’annonce et les bons mots ne faisant pas nécessairement une bonne politique.

Certes, vous invoquerez la récession internationale, la crise des « gilets jaunes », vous vous targuerez de meilleurs résultats que nos voisins européens, voire que vos prédécesseurs. Je me suis donc permis d’établir un comparatif.

Durant le quinquennat de M. Sarkozy, plus précisément entre 2008 et 2012 – cette restriction permet d’exclure partiellement l’effet de la crise –, la croissance moyenne était de 0,36 % et le déficit a progressé de 1,4 %, alors que la France traversait la crise économique la plus dure de ces trente dernières années. Chers collègues de la majorité sénatoriale, nous reconnaissons que la conjoncture économique était peu porteuse à l’époque !

M. Christian Cambon. Il est temps ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Thierry Carcenac. Durant le quinquennat Hollande, la croissance moyenne était de 1,07 % et le déficit a chuté de 2 points.

M. Julien Bargeton. Mais les impôts ont augmenté !

M. Thierry Carcenac. Pour le moment, avec une croissance largement supérieure, de 1,68 % en moyenne, vous avez réussi l’exploit de réduire le déficit de 0,6 % ! Je ne crois pas que cela puisse légitimer les leçons que le Gouvernement se plaît à adresser à l’« ancien monde ».

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Très bien !

M. Thierry Carcenac. Toutefois, l’équilibre budgétaire n’est pas, il est vrai, la fin en soi d’une politique budgétaire.

Au vu de ces renoncements, nous aurions pu nous attendre à ce que nos concitoyens bénéficient d’un réel effort de la part d’un gouvernement qui s’est illustré jusqu’à présent par son souci de protéger les grands groupes et les plus aisés. Nous avons cherché, dans ce projet de loi de finances pour 2020, mais nous n’avons rien trouvé.

Certes, il y a eu les mesures « gilets jaunes », qui, soit dit au passage, ont coûté à l’État deux fois plus que le montant des économies qu’il comptait réaliser au travers du projet de loi de finances pour 2020.

Certes, il y a les 5 milliards d’euros de baisse de l’impôt sur le revenu, mais, monsieur le ministre, pour être exhaustif, pourriez-vous nous rappeler à combien se chiffre la hausse des recettes fiscales et non fiscales de l’État consécutive notamment à l’adoption du prélèvement à la source, que nous avons engagée sous le précédent gouvernement et soutenue sous le vôtre ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Le bébé a plusieurs pères quand il est beau !

M. Thierry Carcenac. Eh oui, cette mesure avait été proposée par le précédent gouvernement.

Même quand vous tentez, sous la contrainte, de mettre en œuvre une politique à destination de certains de nos concitoyens qui en ont besoin, vous déployez des trésors d’inventivité pour en annuler la portée. Je me permets de rappeler que près de 5 millions de foyers n’ont pas vu la couleur de la suppression de la taxe d’habitation et que près de 22 millions de nos concitoyens seront exclus du bénéfice de la seule mesure voulue comme redistributive de ce projet de loi de finances.

Où sont les moyens déployés pour l’enseignement supérieur, notamment l’immobilier universitaire, et les étudiants, dont vous ne pouvez plus ignorer la situation dramatique ? Où sont les moyens dévolus au logement, sujet de forte préoccupation pour les Français ? Où sont les moyens pour la santé et l’hôpital public ? Que proposez-vous de concret pour mettre en œuvre la transition écologique ?

Malgré des recettes supplémentaires et la modestie de la redistribution, vous n’arrivez même pas à équilibrer vos comptes ! Nouvelle illustration de votre politique : la sécurité sociale, que nous avions tant peiné collectivement à remettre à l’équilibre, creusera un peu plus le déficit, à hauteur de près de 5 milliards d’euros. En somme, vous reprenez d’une main ce que vous avez donné de l’autre.

Monsieur le ministre, je me permets une suggestion : le rétablissement de l’ISF, que nous vous avions proposé et que nous vous proposerons de nouveau, aurait permis de dégager des recettes fort opportunément pour répondre aux besoins et à la demande de plus de justice fiscale.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. C’est sûr !

M. Thierry Carcenac. En effet, le rapport du président Vincent Éblé et du rapporteur général Albéric de Montgolfier a permis d’établir que le gain moyen lié à la mise en place de l’IFI a été, pour les 100 premiers redevables de l’ISF au titre de 2017, de 1,2 million d’euros par foyer.

Nos propositions de bon sens, de justice fiscale et les alertes du Sénat auraient dû vous faire entendre raison. Qu’attendez-vous ? Que les mouvements sociaux du 5 décembre dégénèrent ? Cette posture de pompier pyromane qui est la vôtre ne vous honore pas et elle est dangereuse.

Pour conclure, le groupe socialiste et républicain souhaite tendre la main au Gouvernement et à la majorité sénatoriale. Nous avons publié, voilà quelques semaines, un contre-budget qui témoigne, si besoin était, de la crédibilité d’une autre orientation politique que celle que vous avez choisie.

Nos amendements s’articulent selon trois axes : la justice fiscale et sociale, le défi environnemental et l’intelligence des territoires. Nous nous prononcerons en fonction du sort qui leur sera réservé. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, au mois de juillet dernier, à l’occasion de la signature des premiers contrats de convergence et de transformation entre l’État et les outre-mer, le Président de la République a rappelé le principe de base guidant sa politique pour nos territoires ultramarins en déclarant haut et fort que l’« on ne fait pas d’économies sur les outre-mer ».

Je dois dire que le Gouvernement a respecté la parole présidentielle. L’examen du projet de budget de la mission « Outre-mer » fait apparaître une stabilité des crédits de paiement, à 2,358 milliards d’euros, la baisse apparente étant due, pour l’essentiel, à des mesures de périmètre, pour 100 millions d’euros, et, pour 34 millions d’euros, à la compensation moindre des exonérations de charges sociales.

On s’en rend encore mieux compte en considérant, toutes missions confondues, l’ensemble des crédits consacrés aux outre-mer, la mission « Outre-mer » ne représentant finalement que 11,6 % du total. Ainsi, que ce soit en autorisations d’engagement – 22,05 milliards d’euros – ou en crédits de paiement – 21,53 milliards d’euros –, le PLF pour 2020 marque une augmentation, comme ce fut d’ailleurs déjà le cas les deux années précédentes. Ce seront ainsi plus de 400 millions d’euros engagés de plus depuis 2018 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Pour autant, il ne faut pas se satisfaire de la situation actuelle. Là encore je reprendrai les mots du Président de la République : « Nous ne sommes pas en train de réussir en outre-mer. »

En effet, dans l’« archipel France », il y a des îlots de pauvreté et de précarité, des îlots en retard de développement, que nous n’arrivons pas à résorber. Ainsi, le PIB par habitant de la Guyane est de 14 800 euros, inférieur de moitié à celui de la métropole. Pis, celui de Mayotte est à peine de 9 100 euros.

Malgré les moyens engagés, les situations sont telles en outre-mer que cela semble toujours insuffisant. Par exemple, la jeunesse ultramarine est une richesse qui demande beaucoup d’investissements : 33,1 % de la population a moins de 20 ans, contre 24,4 % en métropole, les disparités étant fortes entre les territoires, puisque ce taux atteint 54,5 % à Mayotte et 42,3 % en Guyane. D’après les données pour 2018 d’Eurostat, 21,3 % des jeunes Ultramarins âgés de 18 à 25 ans quittent prématurément le système d’éducation et de formation. En corollaire, le chômage des jeunes, qui s’établit à plus de 40 %, continue d’augmenter.

Le défi que lance cette jeunesse est énorme. Pour le relever, les crédits consacrés à l’éducation et à la jeunesse augmentent de plus de 200 millions d’euros en deux ans, sans compter le maintien de dotations spéciales, pour un montant de 90 millions d’euros, à destination des collectivités de Guyane et de Mayotte afin d’aider à la construction d’établissements scolaires. Divers dispositifs sont par ailleurs renforcés au travers de ce PLF, comme le service militaire adapté, dont les capacités d’accueil sont portées à plus de 6 000 jeunes. Au mois de juillet 2019, la signature de contrats de convergence et de transformation entre les collectivités régionales et l’État, pour un montant de 2,1 milliards d’euros sur quatre ans, est venue concrétiser la volonté du Gouvernement de mener une politique véritablement à la hauteur des enjeux ultramarins. Leur traduction dans ce PLF confirme cet engagement.

Cependant, ce que je souhaite souligner avec force aujourd’hui, c’est que ce projet de loi de finances pour 2020 reconnaît pour la première fois l’iniquité de traitement entre les collectivités locales d’outre-mer et celles de métropole.

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est vrai !

M. Georges Patient. Cela fait des années que les collectivités ultramarines sont sous-dotées en matière de péréquation, et des années que j’en fais le constat sans être entendu. Il en est désormais autrement. Le Gouvernement a chiffré l’écart, pour les communes d’outre-mer, à 85 millions d’euros, qu’il propose de rattraper sur cinq ans.

Permettez-moi tout de même d’exprimer ma déception de voir que la commission des finances a préféré s’aligner sur la position du Comité des finances locales en proposant un amendement visant à augmenter le montant total de la DGF, très certainement pour ne pas brusquer les communes de l’Hexagone. Cet amendement montre à quel point la solidarité n’est pas encore une valeur partagée par tous.

Pour autant, il faudra plus qu’une augmentation de dotation pour sortir de l’ornière financière des collectivités exsangues. Ce n’est bien évidemment pas l’objet de ce PLF. Il faudra que chacun accepte d’assumer ses responsabilités, l’État comme les élus locaux.

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est vrai !

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’équilibre, c’est la santé, y compris en matière budgétaire.

M. Gérald Darmanin, ministre. Oui !

M. Vincent Delahaye. Ce n’est un scoop pour personne ici : la France fait partie des derniers pays de la classe européenne en matière de déficit. Nombre de nos partenaires européens sont à l’équilibre budgétaire, voire en excédent. Bizarrement, c’est dans ces pays que l’on lutte le mieux contre le chômage et l’inactivité. Je veux parler de l’Allemagne, de la Suède, des Pays-Bas, de la République tchèque. Pour moi, tout est lié : santé budgétaire, santé économique et santé sociale.

Pour lutter contre le chômage et l’inactivité, faut-il toujours plus de dépense publique et plus de déficit ? Je pense l’inverse : il faut moins de dépense publique et moins de déficit. Sur ce sujet, nous sommes collectivement responsables. En effet, à la moindre montée de tension, à la moindre poussée de fièvre, à la première manifestation, on pense immédiatement à augmenter la dépense publique et à distribuer du pouvoir d’achat. On le fait à crédit, en aggravant le déficit et la dette. Messieurs les ministres, 2 % ou 3 % de déficit, 100 milliards d’euros : ces chiffres passent au-dessus de la tête des Français. Ils demandent toujours plus de moyens pour l’éducation, pour la défense, pour la sécurité, pour la transition écologique, pour l’hôpital, pour les étudiants…

M. Gérald Darmanin, ministre. Pour les collectivités territoriales !

M. Vincent Delahaye. L’augmentation de la dépense, des déficits, de la dette, du chômage, nous connaissons cela depuis quarante ans ! Messieurs les ministres, si la dépense publique rendait heureux, nous serions les champions du monde du bonheur ! Je crois que nous en sommes assez loin…

M. Jean-François Husson. C’est la Finlande !

M. Vincent Delahaye. Comment revenir à une situation saine ? Faut-il augmenter les impôts ? Il y a déjà overdose ! Pour revenir à l’équilibre budgétaire, il faudrait, sur une seule année, augmenter tous les impôts, y compris la TVA et la CSG, de 33 %.

M. Julien Bargeton. C’est impossible !

M. Vincent Delahaye. En effet. La seule solution, même si c’est impopulaire, est de réduire les dépenses publiques.

M. Julien Bargeton. Lesquelles ?

M. Vincent Delahaye. Pour ce faire, il faut forcément s’attaquer au temps de travail et à la mobilité.

Les 35 heures de Martine Aubry ont fait beaucoup de mal à notre économie, et pas seulement à l’hôpital. (Protestations sur des travées du groupe SOCR. – Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Nous sommes le pays où l’on travaille le moins, avec un taux de chômage très élevé. Le partage du temps de travail a totalement échoué, mes chers collègues. Il faut faire en sorte que tous les fonctionnaires travaillent effectivement au moins 35 heures. Avec le rapporteur général, nous irons plus loin, en proposant, comme l’an dernier, de porter la durée du travail pour les fonctionnaires à 37,5 heures, ce qui correspond à la durée moyenne du travail dans le secteur privé. Cela permettrait de dégager des marges supplémentaires, messieurs les ministres.

M. Gérald Darmanin, ministre. On les paiera combien ?

M. Vincent Delahaye. Nous en reparlerons au cours du débat, monsieur le ministre. Je souhaite finir mon intervention.

Il faut aussi aller plus loin en matière de mobilité et de formation pour permettre des mobilités entre ministères. Par exemple, au ministère de l’éducation nationale, quelque 25 000 fonctionnaires sur 800 000 ne sont pas affectés et sont payés à ne rien faire. Dans le même temps, il manque des greffiers au ministère de la justice, ce qui ralentit celle-ci. Ne pourrait-on pas former des fonctionnaires de l’éducation nationale afin de pouvoir les employer là où existent des besoins ?

Messieurs les ministres, il faut être rigoureux sur le temps de travail et astucieux en matière de mobilité pour parvenir à réduire la dépense publique.

Il y a également une autre voie à explorer, celle qu’indiquait le Premier ministre lors de la conclusion du grand débat : développer une culture de la simplification. Il touchait juste, mais le dire, c’est bien, le faire, c’est mieux. La complexité de nos procédures et de notre système administratif nous coûte très cher.

Je prendrai l’exemple des fameuses niches fiscales. Là encore, nous sommes tous responsables : nombre des amendements qui ont été déposés sur ce PLF ont pour objet la création de niches fiscales supplémentaires.

M. Julien Bargeton. C’est vrai !

M. Vincent Delahaye. Au nom du groupe Union Centriste, je présenterai un amendement sur l’impôt sur le revenu visant à aller un petit plus loin que vous, messieurs les ministres, en termes de baisse des taux, de déductibilité de la CSG et de la CRDS, mais aussi, parallèlement, à supprimer quatre-vingts niches fiscales. Je rassure les amateurs de niches fiscales, il en restera plus d’une centaine pour le seul impôt sur le revenu !

Rigueur, astuce et volonté : tels sont les mots d’ordre pour aller vers l’équilibre budgétaire, dans l’intérêt de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà deux ans, jour pour jour, dans cet hémicycle, je dénonçais la hausse brutale, dangereuse et aveugle de la fiscalité carbone et mettais en garde le Gouvernement. Vous m’aviez opposé, monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, une certaine forme de mépris, assumé et un brin condescendant. Je vous accorde bien volontiers le droit à l’erreur, dans l’esprit de la loi pour un État au service d’une société de confiance que vous avez défendue… (Sourires.)

L’an passé, à la même période, les Français se mobilisaient sur les ronds-points, comme en écho à nos avertissements. Votre refus d’écouter la voix du Sénat et un certain entêtement auront fait perdre des mois d’action précieux à la France, au prix de vives tensions sociales, jamais vues sous la Ve République.

Après de telles crispations, nous aurions pu croire la leçon retenue. Nous aurions pu croire que les appels à garantir la traçabilité de l’utilisation des recettes de fiscalité énergétique avaient été entendus. En effet, ne nous y trompons pas, bien davantage que le principe même d’une fiscalité écologique et comportementale, c’est l’utilisation abusive et fallacieuse que vous en avez faite qui a été contestée l’an dernier. L’augmentation massive, brutale et aveugle de la trajectoire carbone a pris de court et à revers, dans un contexte de hausse du prix des carburants, des milliers de Français, souvent automobilistes, assignés à résidence et victimes d’un empilement de taxes et d’impôts particulièrement indigeste !

M. Julien Bargeton. Et la TVA Fillon ?

M. Jean-François Husson. Ce qui a été dénoncé l’année dernière, c’est aussi le hold-up fiscal : ce moyen facile et détourné pour l’État d’alimenter son budget, sans servir aucunement la cause de la transition écologique. C’est en somme l’écologie alibi !

Mes chers collègues, la crise des « gilets jaunes » a démontré que le Gouvernement associait par trop l’écologie à une contrainte et la rendait ainsi insupportable à beaucoup de nos concitoyens. C’est une grave erreur : ce sujet devrait, tout au contraire, rassembler nos concitoyens pour « faire France » ensemble.

Il y a pis encore. Avec l’arrêt en rase campagne de la trajectoire carbone, vous ne disposez plus de la fiscalité énergétique pour financer vos plans de sauvetage. Cependant, je vous reconnais un certain don d’inventivité : lorsqu’il n’est plus possible d’augmenter les recettes écologiques, vous baissez les dépenses environnementales ! Ce PLF traduit votre volonté de vernir une fiscalité de rendement en prétendant la verdir… Vous êtes en fait de faux dévots de l’écologie, de vrais tartuffes verts.

Des tartuffes en matière de transition de notre parc automobile, quand vous cassez la prime à la conversion, parce qu’elle marche trop bien, huit mois seulement après l’avoir mise en place. Vous augmentez le malus automobile tout en rehaussant trop faiblement le bonus, auquel sont seuls éligibles les véhicules électriques neufs.

Des tartuffes en matière de rénovation du parc locatif, quand vous privez 50 % des bénéficiaires du CITE dans une pure logique de rendement budgétaire, rendant inatteignable l’objectif de 500 000 logements rénovés par an, alors même qu’il faudrait en rénover entre 700 000 et 1 million.

Des tartuffes quand vous prétendez faire de l’éco-contribution sur les billets d’avion une mesure écologique : vous impactez en fait notre compagnie nationale et, surtout, la taxe financera la réparation des radars routiers détruits l’année dernière !

Des tartuffes, enfin, en matière d’utilisation des recettes issues de la fiscalité verte, quand vous supprimez les comptes d’affectation spéciale écologiques, qui permettent la traçabilité de l’emploi de ces recettes.

Messieurs les ministres, ce projet de budget porte également la marque de vos renoncements : renoncement à proposer une nouvelle fiscalité environnementale, juste, adaptée et accompagnant les Français ; renoncement à investir dans la transition énergétique, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » baissant, à budget constant, de 1 % et près de 800 emplois étant supprimés dans son périmètre ; renoncement à accompagner les ménages dans cette transition, en présentant le chèque énergie, dont on sait la relative faiblesse du montant – environ 200 euros –, comme une mesure suffisante, susceptible de compenser l’alourdissement de la fiscalité verte ; renoncement, enfin, à prendre en compte les effets du changement climatique, les agences de l’eau continuant d’être ponctionnées au profit de l’État et les fonds destinés à la prévention des risques étant en baisse.

Alors, comme on sort un lapin du chapeau, vous dégainez ce livre vert, succédané peut-être du petit Livre rouge. (M. Éric Bocquet rit.) Tout cela, mes chers collègues, ce n’est pas un acte II plus vert, une nouvelle étape, c’est du greenwashing. Quant à ce PLF, c’est du greenbudgeting : j’en veux pour preuve l’indigence – il ne compte que quelques feuillets – de ce livret censé exposer vos engagements écologiques.

Pourtant, le temps presse.

D’une part, qu’il s’agisse du climat ou de l’équilibre de nos finances publiques, vous hypothéquez l’avenir de nos concitoyens. Présenter un budget financé massivement par la dette, lorsque celle-ci représente déjà près de 100 % de notre richesse nationale, c’est jouer avec le feu.

D’autre part, en privilégiant la communication au détriment du courage, vous dissimulez mal l’absence de stratégie, le déficit de vision et une certaine improvisation. Je le dis solennellement : ceux qui évoquent une convergence des luttes ou en rêvent exposent la France à une coalition des colères. Les semaines passent, et les revendications s’accumulent chez les agriculteurs, chez certaines de nos forces de sécurité et de protection, chez les enseignants, chez les personnels de santé et les personnels soignants, chez les étudiants…

Messieurs les ministres, je ne veux pas souffler sur les braises, mais je tiens à vous dire que le pays ne peut demeurer dans cet état de tension permanente. À trop laisser couver le feu sous la cendre, vous risquez l’incendie. Je crois bon de rappeler que la vraie chambre de refroidissement, le lieu de l’apaisement, c’est le Parlement. Personne ne gagnera à voir se multiplier les revendications dans la rue, suivies d’annonces médiatiques ou de plans de sauvetage, toujours financés par la dette.

Face à de telles tensions, il est urgent de renouer avec les Français, par le biais de leurs représentants, un contrat démocratique qui soit un pacte écologique, social et économique. Le débat démocratique doit se tenir au Parlement. C’est dans nos assemblées que doivent se dire la vérité des chiffres, s’élaborer le diagnostic partagé et se dessiner la feuille de route commune pour la maison France. C’est ce à quoi nous vous invitons, messieurs les ministres. Je forme le vœu que cette fois vous nous entendiez ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)