M. Vincent Delahaye. Il s’agit d’un amendement très important, qui a pour objet la philosophie même de l’impôt sur le revenu. En effet, comme je l’annonçais il y a un instant, nous souhaitons aller vers un impôt universel, payé par tous les ménages de France sur tous leurs revenus, même de façon symbolique.

Afin d’avancer dans cette direction, nous proposons par cet amendement, tout d’abord, de baisser un petit peu plus le taux applicable à la première tranche aujourd’hui imposable : il est de 14 %, le Gouvernement propose de l’abaisser à 11 %, nous souhaitons quant à nous le fixer à 10 %. Quant à la deuxième tranche, nous désirons en abaisser le taux de 30 % à 29 %.

Ensuite, nous entendons créer une tranche imposée à hauteur de 1 % pour les revenus compris entre 5 000 et 10 000 euros. Cette mesure ne toucherait que 100 000 ménages, du fait de la décote fiscale.

Nous souhaitons, par ailleurs, la déductibilité totale de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). On paie aujourd’hui des impôts sur des revenus que l’on ne touche pas : à nos yeux, c’est aberrant.

Nous proposons, en outre, de revenir sur la diminution du plafond du quotient familial, jusqu’à 1 500 euros, qui a jalonné le parcours du précédent quinquennat. Aux termes de cet amendement, ce plafond remonterait à 1 750 euros.

Nous proposons également la suppression de 80 niches fiscales jugées inefficaces ou peu efficientes par l’Inspection générale des finances. Je tiens à rassurer les amoureux des niches fiscales : il en resterait tout de même plus d’une centaine après ce nettoyage pourtant déjà important !

Globalement, notre amendement est équilibré. La baisse des taux et la déductibilité de la CSG et de la CRDS coûteraient environ 10 milliards d’euros ; la suppression des niches fiscales rapporterait une somme équivalente. Nous ne dégradons donc pas le solde : je tiens à ce que ce soit clair pour ceux, dont je suis, qui sont sensibles à cet argument.

Cet amendement devrait donc recueillir la majorité des votes de notre assemblée. J’espère en tout cas que le Sénat pourra faire des propositions fortes au Gouvernement.

Mme la présidente. L’amendement n° I-533, présenté par MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. M. Bourquin, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Daudigny, Devinaz, Fichet et Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Leconte, Mme Lepage, M. Marie, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, MM. Sueur et Temal, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 4 à 8

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

c) Le 1 est ainsi rédigé :

« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 10 000 € le taux de :

« – 7,5 % pour la fraction supérieure à 10 000 € et inférieure ou égale à 20 000 € ;

« – 15 % pour la fraction supérieure à 20 000 € et inférieure ou égale à 25 000 € ;

« – 22,5 % pour la fraction supérieure à 25 000 € et inférieure ou égale à 30 000 € ;

« – 30 % pour la fraction supérieure à 30 000 € et inférieure ou égale à 35 000 € ;

« – 37,5 % pour la fraction supérieure à 35 000 € et inférieure ou égale à 55 000 € ;

« – 45 % pour la fraction supérieure à 55 000 € » ;

II. – Alinéa 10

Remplacer le nombre :

1 567

par le nombre :

1 600

III. – Alinéa 11

Remplacer le nombre :

3 697

par le nombre :

4 000

IV. – Alinéa 12

Remplacer le nombre :

936

par le nombre :

1 000

V. – Alinéa 13

Remplacer le nombre :

1 562

par le nombre :

1 600

VI. – Alinéa 18

Remplacer le taux :

11 %

par le taux :

7,5 %

VII. – Alinéa 19

Remplacer le nombre :

25 659

par le nombre :

20 000

VIII. – Alinéa 20

Remplacer le nombre :

73 369

par le nombre :

25 000

IX. – Alinéa 22

1° Remplacer le nombre :

777

par le nombre :

800

2° Remplacer le nombre

1 286

par le nombre

1 300

3° Remplacer le taux :

45,25 %

par le taux :

50 %

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de mon intervention sur l’article. J’ai été très amusé que M. Bargeton s’étonne de l’absence d’amendement de suppression de cet article ; c’est tout de même extraordinaire !

On pourrait en revanche discuter d’un amendement sur la question de la dette. En effet, financer une baisse d’impôt par la dette, c’est-à-dire en renvoyer le fardeau sur les générations suivantes, on peut certes le faire sans arrêt, et on pourrait même aller plus loin encore : s’il n’y a pas de limites sur la dette, allons-y !

Le Gouvernement nous fait une proposition relative à la manière dont devrait fonctionner l’impôt sur le revenu. Elle a son sens, sa logique, mais rien n’interdit au Parlement, surtout en matière d’impôt – on a rappelé hier qu’en débattre est l’une des fonctions premières du Parlement –, de regarder comment on oriente cet impôt et qui le paie.

Nous avons donc déterminé, à partir d’outils et de simulations dont nous disposons aujourd’hui – nouveauté intéressante, qui nous permet de construire des propositions de manière sérieuse –, une courbe d’imposition qui permettrait de réduire de 2 milliards d’euros la dépense publique – vous voyez, mes chers collègues, que nous sommes, nous aussi, intéressés par cette question au premier titre – et de sortir de l’imposition le quatrième décile de la population, tout en diminuant de manière dégressive l’imposition des déciles 5 à 9. En même temps, on augmenterait légèrement l’imposition du dixième décile, sans que cela soit confiscatoire.

Voilà l’objet de cet amendement. Il est parfaitement possible, à notre sens, de mieux répartir la pression fiscale dans notre pays, de manière à favoriser une saine redistribution et à renforcer le pouvoir d’achat de la quasi-totalité de nos concitoyens.

Mme la présidente. L’amendement n° I-565 rectifié, présenté par MM. Requier, A. Bertrand, Cabanel, Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas et Mmes Jouve et Laborde, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 5 et 6

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

- les premier et deuxième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 212 € le taux de :

« – 5,5 % pour la fraction supérieure à 6 212 € et inférieure ou égale à 12 391 € ;

« – 11 % pour la fraction supérieure à 12 391 € et inférieure ou égale à 27 794 € ; »

II. – Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéa 34

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« – 5,5 % pour la fraction supérieure à 6 212 € et inférieure ou égale à 12 391 € ;

« – 11 % pour la fraction supérieure à 12 391 € et inférieure ou égale à 25 405 € ; »

IV. – Après l’alinéa 41

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Les troisième à cinquième alinéas du 2° du I sont applicables à compter de l’imposition des revenus de l’année 2020.

V. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Je vous présente, mes chers collègues, un amendement traditionnel du groupe radical. D’ailleurs, M. le rapporteur général serait déçu si je ne le présentais pas ! (Sourires.)

Il s’agit d’un hommage à un radical, Joseph Caillaux, père de l’impôt sur le revenu. (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.)

M. Philippe Dallier. Ressuscitez Caillaux !

M. Jean-Claude Requier. Il l’a imposé en dépit de nombreuses difficultés : le ton des critiques qu’il a reçues est assez édifiant !

Alors, que voulait Caillaux ? Un impôt sur le revenu universel et progressif.

Progressif, il l’est toujours.

Mme Éliane Assassi. Heureusement !

M. Jean-Claude Requier. Certains, à droite, trouvent qu’il l’est un peu trop ; d’autres, à gauche, estiment qu’il ne l’est pas assez.

En revanche, il n’est plus universel : plus de la moitié des foyers fiscaux ne paient pas d’impôt sur le revenu.

C’est pourquoi nous proposons, par le présent amendement, de recréer une tranche qui avait été supprimée, imposée à 5 %, tout en soutenant la baisse prévue à cet article du taux d’imposition de la première tranche actuelle, de 14 % à 11 %.

Cet amendement traditionnel vise à renouer quelque peu le lien entre le citoyen et l’État. Rappelons que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose, à son article 13 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° I-566 rectifié, présenté par MM. Requier, A. Bertrand, Cabanel, Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas et Mmes Jouve et Laborde, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 5 et 6

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

- les premier et deuxième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 212 € le taux de :

« – 2 % pour la fraction supérieure à 6 212 € et inférieure ou égale à 12 391 € ;

« – 11 % pour la fraction supérieure à 12 391 € et inférieure ou égale à 27 794 € ; »

II. – Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéa 34

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« – 2 % pour la fraction supérieure à 6 212 € et inférieure ou égale à 12 391 € ;

« – 11 % pour la fraction supérieure à 12 391 € et inférieure ou égale à 25 405 € ; »

IV. – Après l’alinéa 41

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Les troisième à cinquième alinéas du 2° du I sont applicables à compter de l’imposition des revenus de l’année 2020.

V. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement de repli, que je vous invite à adopter, mes chers collègues, si l’amendement précédent est rejeté. Son objet est toujours la création d’une nouvelle tranche d’imposition ; simplement, son taux serait non pas de 5 %, mais de 2 %.

M. Roger Karoutchi. Et pourquoi pas de 1,5 % ?

M. Jean-Claude Requier. Je me rallierais même volontiers à la position de Vincent Delahaye, qui propose de le fixer à 1 % : même un taux symbolique serait un progrès.

Mme la présidente. L’amendement n° I-1013, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 9 à 14

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

b) Le 2 est ainsi rédigé :

« 2. La réduction d’impôt résultant de l’application du quotient familial ne peut excéder 1 735 € par demi-part ou la moitié de cette somme par quart de part s’ajoutant à une part pour les contribuables célibataires, divorcés, veufs ou soumis à l’imposition distincte prévue au 4 de l’article 6 et à deux parts pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune.

« Toutefois, pour les contribuables célibataires, divorcés, ou soumis à l’imposition distincte prévue au 4 de l’article 6 qui répondent aux conditions fixées au II de l’article 194, la réduction d’impôt correspondant à la part accordée au titre du premier enfant à charge est limitée à 3 675 € lorsque les contribuables entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée entre l’un et l’autre des parents, la réduction d’impôt correspondant à la demi-part accordée au titre de chacun des deux premiers enfants et limitée à la moitié de cette somme. »

II. – Alinéa 32 à 41

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Cet amendement vise à renforcer le caractère de justice sociale du quotient familial en le rééquilibrant, notamment pour ce qui est des plus hauts revenus.

Mme la présidente. L’amendement n° I-56, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 10

Remplacer le montant :

1 567 €

par le montant :

1 750 €

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du relèvement du plafond du quotient familial est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Quand on regarde d’un peu plus près la réforme de l’impôt sur le revenu que nous soumet le Gouvernement – nous l’approuvons globalement –, on constate qu’elle pourrait être améliorée sur quelques points.

Plus précisément, à qui profite cette baisse de l’impôt sur le revenu ? Proportionnellement, les plus grands gagnants seront les célibataires. Le rapport général de la commission des finances montre les gains par décile et par type de foyer fiscal. On y constate qu’un célibataire appartenant aux premiers déciles y gagne plus que quiconque.

Les grands oubliés de cette réforme fiscale et, plus largement, de toute la politique du Gouvernement, ce sont évidemment les familles. Je pense en particulier aux allocations familiales, qui ne sont pas revalorisées en fonction de l’inflation, ce qui fait subir aux familles une perte directe de pouvoir d’achat. Quant à l’impôt sur le revenu, le plafond du quotient familial a été diminué à deux reprises sous le quinquennat de François Hollande.

Je souhaite donc, par le présent amendement, le relever de 1 567 euros à 1 750 euros par demi-part, afin de rendre du pouvoir d’achat aux familles.

Une telle disposition s’harmoniserait avec notre position relative aux prestations familiales, qui ne sont relevées cette année que de 0,3 % alors que l’inflation est supérieure à 1 %. La perte de pouvoir d’achat est évidente ; elle s’ajoute à celle qu’ont subie les familles sous le quinquennat précédent à la suite des baisses successives, en 2013 et 2014, du plafond du quotient familial, perte qui s’élevait au total à plus de 1,55 milliard d’euros. Ce n’est que justice de rendre un peu de pouvoir d’achat aux familles à travers le relèvement que je propose !

Je suis conscient que, pour des raisons d’équilibre des finances publiques, l’ampleur de cette hausse pourrait être contestée, mais elle bénéficiera à 1,4 million de ménages avec enfants. On m’objectera un problème de rendement, mais regardez bien les chiffres : le rendement attendu de l’impôt sur le revenu en 2020, malgré la baisse 5 milliards d’euros, sera très supérieur à celui de 2019. Les finances publiques peuvent donc, selon moi, supporter cette hausse : le rendement sera encore supérieur, et ce ne sera que justice de rendre ainsi du pouvoir d’achat aux familles.

Mme la présidente. L’amendement n° I-859 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout d’abord, reconnaissons que le Gouvernement nous propose ici une baisse relativement importante – 5 milliards d’euros – de l’impôt sur le revenu. Bien sûr, après avoir connu des augmentations successives de cet impôt, on ne peut que s’en féliciter. D’ailleurs, nous voterons en faveur de cet article, sous réserve de l’adoption de notre amendement relatif au quotient familial.

Malgré ces 5 milliards d’euros de baisse, le rendement de l’impôt sur le revenu sera supérieur en 2020 à ce qu’il était en 2019. C’est dû en particulier à la mise en œuvre du prélèvement à la source, dont M. le ministre a été le promoteur.

M. Richard Yung. Vous étiez contre !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous y étions opposés dans sa version initiale, où les crédits d’impôt n’étaient pas rendus ! Heureusement, le Président de la République est intervenu. (On ironise sur les travées du groupe LaREM.)

Quelle est la conséquence directe du prélèvement à la source ? En imposant les revenus de l’année n plutôt que ceux de l’année n-1, on impose davantage les Français. En imposant sur douze mois plutôt que sur onze, on impose davantage les Français. C’est évident, puisqu’on est imposé sur les revenus de l’année réelle.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement peut se permettre d’afficher une baisse réelle de l’impôt sur le revenu : la hausse du rendement est très forte. Les chiffres sont là : en 2020, malgré cette baisse de 5 milliards d’euros, le rendement de cet impôt sera supérieur à celui de 2019, en particulier parce qu’on prélève les revenus en temps réel et sur douze mois. Finalement, on ne rend donc aux Français qu’une partie de cette hausse du rendement.

Quand on examine la situation de manière un peu plus précise encore, on s’aperçoit du problème relatif au quotient familial, mais on constate également que le bénéfice pour les ménages s’avère rapidement très plafonné, et ce non pas seulement dans les déciles supérieurs.

Ainsi, pour un foyer fiscal, le gain est plafonné à 150 euros ou à 300 euros, et ce dès les déciles relativement bas.

Nous approuvons le principe du gain, qui est plutôt ciblé sur le bas du barème. Oui, certaines mesures comme la simplification du barème pour les plus modestes sont tout à fait bienvenues. En revanche, la cible est un peu basse. Encore une fois, il faudrait penser aux familles. Le gain maximal est pour un célibataire ; les familles sont encore les grandes oubliées.

Cela dit, l’amendement n° I-1012 vise à faire passer de cinq à onze le nombre de tranches d’impôt sur le revenu. Concrètement, cela signifie une augmentation de la pression fiscale, notamment pour le haut du barème.

Il y a une hyperconcentration de l’impôt sur le revenu. Certes, je veux bien entendre dire qu’il n’y a pas de justice sociale, pas de justice fiscale, pas de redistribution, mais les chiffres sont là : 20 % des foyers payent 85,1 % de l’impôt sur le revenu. Ce dernier pourcentage est d’ailleurs en augmentation, puisque, en 2016, ces foyers ne payaient, si je puis dire, que 83,4 %.

L’adoption de cet amendement aboutirait à une plus grande concentration encore. C’est pourquoi la commission y est évidemment défavorable.

Par le biais de l’amendement n° I-55 rectifié, Vincent Delahaye soulève une question très intéressante, qui rejoint la position exprimée à l’instant par Jean-Claude Requier, à savoir le caractère universel de l’impôt. On en est loin ! Plus de la moitié des foyers fiscaux ne payent pas l’impôt.

Certes, le ministre nous répondra qu’il y a la CSG et d’autres formes d’imposition sur le revenu, mais, dans la pratique, on constate, je le répète, une hyperconcentration de l’impôt. La décote a fait sortir un certain nombre de foyers fiscaux et cette situation va se trouver davantage encore renforcée du fait de l’application de la réforme de la taxe d’habitation. Ainsi, dans certaines communes, de nombreux foyers n’acquittent ni l’impôt sur le revenu ni l’impôt local. (M. Jean-Claude Requier acquiesce.)

Cela conduit tout de même à s’interroger, car le paiement de l’impôt fait partie du pacte social et républicain. La question posée par le biais de cet amendement – doit-on payer un minimum d’impôt ? – me paraît légitime.

D’ailleurs, la mesure figurant dans l’amendement du groupe RDSE a été votée par le passé, pas simplement pour honorer la mémoire de Joseph Caillaux.

Reste qu’un certain nombre d’interrogations demeure. Dans un souci louable d’équilibre des finances publiques, Vincent Delahaye compense le coût de son amendement par la suppression d’un très grand nombre de niches fiscales – environ 80, dont certaines ont d’ailleurs d’ores et déjà été supprimées.

Au-delà de cela, je m’interroge sur les effets d’un tel dispositif. Pour ma part, j’aurais préféré un plafonnement de l’ensemble des niches. L’adoption de cet amendement suscitera des dégâts : suppression de l’exonération de l’impôt sur le revenu sur la prime d’activité, suppression de l’exonération sur la part patronale sur les tickets restaurant, suppression de l’exonération votée hier sur les allocations versées aux personnes âgées, suppression de l’exonération relative à la prime de fidélité des sapeurs-pompiers, aux primes des policiers et CRS, aux pensions temporaires d’orphelin…

Si l’on adopte une telle mesure la semaine où sont annoncés quelques mouvements sociaux, je ne suis pas certain que les Français ne retiennent pas uniquement le mauvais côté de l’amendement, à savoir la suppression d’avantages, et n’en oublient le bon côté, c’est-à-dire la baisse de l’impôt sur le revenu.

Je comprends et partage la philosophie de cet amendement, mais m’interroge sur son caractère opérationnel. Très clairement, cet amendement ne tourne pas : sur le plan technique, il mériterait d’être retravaillé.

Par conséquent, si la commission approuve le principe même d’un impôt universel sur le revenu et partage l’idée qu’il faut supprimer les niches fiscales, elle affiche une sagesse assez réservée au regard du caractère opérationnel de cet amendement.

L’amendement n° I-533 vise à modifier le barème de façon à sortir le quatrième décile et à réduire l’imposition de manière régressive. C’est assez sympathique ; ce qui l’est moins, c’est l’augmentation de l’imposition concernant les derniers déciles. J’ai rappelé à l’instant les chiffres sur l’hyperconcentration de l’impôt ; j’insiste en revanche sur le caractère assez confiscatoire de cette situation – j’ai entre les mains le rapport sur les départs à l’étranger.

Par conséquent, la commission émet évidemment un avis défavorable sur cet amendement.

En plus de rappeler la mémoire de Joseph Caillaux, l’amendement n° I-566 rectifié a le mérite de soulever la question de l’acceptation de l’impôt, qui est encore plus d’actualité avec la suppression de la taxe d’habitation. Comme je l’ai déjà indiqué, dans une commune, un grand nombre de contribuables ne paieront ni impôt sur le revenu ni taxe d’habitation, ce qui peut poser problème au regard du pacte républicain et risque d’avoir pour effet une érosion progressive du consentement à l’impôt.

Sur le plan purement technique, le dispositif prévu par l’amendement ne tient pas compte d’un certain nombre de mesures, comme le taux neutre du prélèvement à la source (PAS). Le rétablissement de la tranche à 5,5 pourrait désavantager les classes moyennes. En outre, il faudrait étudier l’articulation du mécanisme avec la pente de la décote.

À mon sens, c’est donc plus un amendement symbolique, un amendement d’appel qu’un amendement opérationnel. C’est pourquoi la commission a un avis réservé.

L’amendement n° I-566 rectifié vise à ajouter une tranche de 2 % au barème de l’impôt sur le revenu. Nous partageons la volonté de répartir le fardeau de l’impôt sur le revenu, puisque seuls 43 % des foyers fiscaux s’en acquittent, mais, sur ce sujet, il faudrait une réflexion plus approfondie pour s’assurer que cet ajout n’aurait pas d’effet négatif. D’après mon analyse, une telle disposition pourrait désavantager les classes moyennes, dont les revenus jusqu’à 10 644 euros sont imposés à zéro. Or l’adoption de cet amendement les rendrait imposables. Je ne suis pas certain que ce soit la bonne solution.

Je précise également, pour être complet, qu’il faut toujours manier l’impôt sur le revenu avec prudence. L’adoption de l’amendement du groupe socialiste et républicain aurait des effets qui n’ont pas été mesurés ; ce n’est pas un reproche, ce sont des sujets très techniques.

Je ne sais pas quand on commence à être riche – je n’ai plus la citation de François Hollande en tête.

M. Philippe Dallier. Dès 4 000 euros par mois pour le PS ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. C’est plutôt 4 200 !