Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Corbisez. Quand on vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, on a tendance à s’armer d’humour pour vivre sa vie. Ceux qui me connaissent savent que j’ai beaucoup d’humour…

Si l’on admet la « banque du sperme », en quoi l’« épargne d’ovocytes », qu’a évoquée mon collègue Philippe Bas non sans hésitation, serait-elle critiquable ? Les femmes, en l’espèce, prennent certes un risque ; mais elles le font en toute conscience, accompagnée par leur gynécologue. Je pense qu’il faut faire confiance à celles qui voudraient reporter la date d’une procréation pour, prenant de l’âge, utiliser leurs propres ovocytes jeunes.

Je m’opposerai donc à ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la bioéthique. Mes chers collègues, vous imaginez bien que la commission spéciale s’est posé toutes les questions que vous venez de vous poser ; nous avons essayé de trouver des réponses à chacune.

Je ne reviendrai pas sur toutes ces questions, qui sont nombreuses. Je voudrais rassurer Laure Darcos : l’autoconservation est possible en cas de maladie, et même en cas d’endométriose. Toutes les maladies génitales permettent l’autoconservation. Pas de problème, donc, si par malheur vous deviez voter ces amendements de suppression.

Si la commission a autorisé cette autoconservation pour d’autres raisons que des raisons médicales, c’est parce qu’elle a constaté l’évolution de la société, qui a été décrite par les uns et par les autres : les mariages sont de plus en plus tardifs, les grossesses également – les carrières professionnelles imposent aux femmes, sans que les employeurs, d’ailleurs, interviennent nécessairement, des grossesses de plus en plus tardives. Et la possibilité de l’autoconservation, comme l’a très bien dit Philippe Bas, ne signifie pas une assurance grossesse.

En revanche, si la grossesse réussit, cela suppose au moins un ovule de qualité, ce qui est déjà énorme, et ce qui, à défaut d’un tel dispositif, ne serait pas le cas.

Nous discutions, avec Muriel Jourda, pendant que chacune et chacun s’exprimait ; nous nous disions que la proposition que nous faisons relève presque des soins palliatifs, eu égard à l’évolution de la société que je viens d’évoquer – mariages tardifs, grossesses tardives, etc.

Pourquoi « palliatifs » ? Comme l’ont dit certains d’entre vous, la société ne propose pas aux femmes jeunes toutes les conditions nécessaires à une vie parfaite et à des grossesses jeunes – je pense aux crèches, et notamment aux crèches d’entreprise, au maintien de l’évolution de carrière malgré les grossesses, etc. Vous connaissez tout ça aussi bien que moi, mes chers collègues.

Cette décision n’est donc qu’un palliatif à une société dont l’évolution n’est pas parfaite pour la femme et pour les enfants. Par ailleurs, on a beaucoup évoqué une possible pression des employeurs : excusez-moi, mais cette pression vient autant des employeurs que de la société !

M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Malheureusement, cette pression existera même sans l’autoconservation et nombre de femmes se retrouveront en situation de vouloir tardivement une grossesse. Le cas s’est produit dans ma famille. Cette personne, parce qu’elle vivait dans un autre pays, a pu procéder – volontairement – à l’autoconservation, car elle souhaitait assurer son évolution de carrière avant de passer à autre chose.

Quoi qu’il en soit, vous avez tous raison. Même lorsque Bruno Retailleau nous dit qu’il ne faut pas de « loi compassionnelle », il n’a pas tort. Mais pour l’instant, nous sommes tous responsables – parlementaires et Gouvernement – de la société dans laquelle nous obligeons nos jeunes filles à vivre, puisque c’est nous qui l’avons faite, étant là depuis plus longtemps qu’elles ! Faisons en sorte que, par la suite, les femmes puissent vivre mieux, certainement pas grâce à l’autoconservation des gamètes, mais en leur permettant d’avoir des grossesses plus jeunes. Dans la mesure où nous ne pouvons pas le leur garantir pour l’instant, mettons en place un soin palliatif dans l’attente d’une réflexion plus générale afin de leur permettre des vies, des grossesses et des carrières convenables. Sans parler, bien sûr, de mettre en place une véritable égalité dans tous les sens du terme.

Certes, l’égalité homme-femme n’existe pas, elle n’est pas possible. On peut certes parler d’égalité salariale, etc., mais pas d’égalité entre un homme et une femme, car nous sommes différents. Comme l’a fort justement dit Muriel Jourda, autant demander aux poissons de grimper aux arbres et aux écureuils d’aller dans l’eau !

Pour toutes les raisons que je viens de vous donner, je ne voterai pas ces deux amendements identiques de suppression. Il s’agit ici uniquement d’autoriser un soin palliatif en attendant mieux. (MM. Jean-Pierre Corbisez et Daniel Chasseing applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des arguments qui ont été développés. On a beaucoup parlé de projet professionnel, de pressions professionnelles, mais assez peu de projet parental. C’est pourtant au cœur du sujet.

Aujourd’hui, monsieur Karoutchi, l’autoconservation existe déjà.

M. Roger Karoutchi. Oui, à titre médical !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Non, pas uniquement. Je ne peux donc laisser accroire que nous serions en train d’inventer quelque chose !

D’ailleurs, en dehors des raisons médicales, les raisons d’autoconservation sont déjà, à l’heure actuelle, d’ordre personnel, parce qu’il y a absence de projet parental, et non d’ordre professionnel, comme un certain nombre d’entre vous le craignent.

En tant que mâle blanc, de 40 ans, avec deux enfants,…

M. Roger Karoutchi. Ah non, vous n’allez pas recommencer, on n’est pas à France Télévisions !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … ce qui est effectivement le cas d’un certain nombre de personnes ici, on peut penser qu’avoir un projet parental est à la portée de tout le monde, que c’est facile. Eh bien non, ce ne sera pas si simple, ça ne se décidera pas sur un coup de tête, ce sera très suivi, très encadrée, monsieur Bas, par une équipe qui énoncera un certain nombre de conditions et précisera quels sont les risques encourus. Il ne s’agit assurément pas de conférer une sorte de « droit à l’enfant ».

Fondamentalement, il s’agit d’offrir une liberté aux femmes, c’est-à-dire un choix effectif et non le simple choix entre une grossesse tardive ou pas de grossesse du tout !

Offrir le choix ne signifie pas inciter. Offrir le choix ne signifie pas non plus se contenter de la solution proposée et renoncer à agir par ailleurs sur les autres composantes de la société pouvant constituer des obstacles pour les femmes. Je vous rejoins, monsieur Bigot, les neurosciences nous apprennent que la présence des deux parents auprès de l’enfant est importante, notamment au cours de la première année de la vie. Nous devons donc nous poser la question des congés parentaux et celle, intimement liée, des modes d’accueil des jeunes enfants.

Ce sont autant de questions qui sont au cœur des réflexions et des travaux que nous menons en ce moment, et dont vous avez connaissance, autour de cette période cruciale pour l’enfant que ce sont les mille premiers jours de sa vie. Le Président de la République a installé une commission confiée à Boris Cyrulnik pour travailler sur le sujet.

Tout cela ne signifie pas qu’il ne faut pas de garde-fous. Nous en avons prévu un certain nombre. L’employeur, par exemple, ne pourra pas financer le projet. Madame Cohen, si je puis me permettre, le Gouvernement en avait même envisagé davantage, mais ils ont été supprimés par la commission spéciale. Je pense à l’impossibilité de confier aux établissements privés la possibilité de procéder à ces autoconservations. Il me paraît également important qu’un décret en Conseil d’État fixe les limites d’âge pour recourir à ce genre de techniques, nous y reviendrons au cours de nos débats.

Enfin, pour rejoindre Michelle Meunier, cet article ne met en tension aucun autre principe de bioéthique. C’est bien là tout le sens d’une révision d’une loi de bioéthique telle que nous l’envisageons.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 126 rectifié ter et 239 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 70 :

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 287
Pour l’adoption 109
Contre 178

Le Sénat n’a pas adopté.

Rappel au règlement

Article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 2 (début)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.

Mme Laurence Rossignol. Ce rappel au règlement vise à préciser à notre assemblée, particulièrement à notre collègue Dominique de Legge, qui a cru utile, sans doute pour faire un bon mot, d’évoquer l’application de l’article 45 de la Constitution, qui limite le droit d’amendement, aux propos tenus dans l’assemblée, en l’occurrence aux miens, que la liberté de parole est un des privilèges individuels fondamentaux des droits des parlementaires. Sans la liberté de parole des parlementaires, il n’y a pas de démocratie parlementaire, il n’y a pas de liberté de conscience, il n’y a pas de liberté d’opinion et il n’y a pas de liberté d’expression !

Comme chacun d’entre vous dans cette assemblée, je suis en droit d’exprimer mes opinions, fussent-elles contraires à celles de mes collègues. Vous êtes d’ailleurs nombreux ici à exprimer régulièrement des opinions que je ne partage pas !

Pour aller au fond de la proposition de notre collègue, je considère pour ma part que le fait de discuter du droit des femmes à conserver leurs ovocytes s’inscrit dans la longue lutte des femmes dans notre histoire pour conquérir progressivement des droits. Partant de l’incapacité civile, du temps où les femmes étaient considérées comme des incapables majeures, de l’assignation à la procréation, de l’interdiction de la contraception et de l’avortement, de l’interdiction d’exercer leurs droits civiques, tous nos droits ont été conquis progressivement. Ils s’inscrivent selon moi dans un continuum de conquête qui mène les femmes de la soumission et de l’oppression vers l’émancipation. Car la congélation des ovocytes est bien une disposition relative à l’émancipation des femmes ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2 (suite)

Mme la présidente. L’amendement n° 147 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, M. Guerriau, Mme Thomas et M. Meurant, est ainsi libellé :

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le donneur doit avoir procréé.

La parole est à M. Sébastien Meurant.

M. Sébastien Meurant. Il s’agit de prévoir que le donneur doit avoir procréé. Cette disposition a été abrogée lors de la révision de la loi relative à la bioéthique en 2011. Supprimer l’exigence que les donneurs aient déjà procréé n’a rien d’anodin et donner ses ovocytes sans avoir procréé présente certains inconvénients.

Tout d’abord, lorsque le donneur n’a pas procréé, il ne peut réaliser la portée de son geste. C’est le fait d’avoir déjà procréé qui permet de consentir en connaissance de cause. Les conditions de l’expression d’un consentement libre et éclairé ne paraissent donc pas réunies.

Ensuite, accepter le don de gamètes de personnes n’ayant pas procréé risque de susciter chez le donneur des conséquences psychologiques graves allant de la préoccupation jusqu’au fantasme nourri à propos des enfants issus du don, notamment lorsque le donneur n’aura pas d’autres enfants.

Enfin pour une femme, la stimulation ovarienne n’est pas sans risque.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Sans vouloir raviver le débat que nous venons d’avoir, si nous réintroduisons la condition pour le donneur d’avoir procréé, nous risquons d’avoir, dans la mesure où l’âge de la procréation est de plus en plus élevé, des gamètes de qualité de moins en moins bonne. C’est une conséquence qu’il me paraît important de souligner.

Plus important encore, la mention que le donneur devrait avoir procréé a été supprimée en 2011. Nous avons donc le recul suffisant, me semble-t-il, pour nous rendre compte que cette suppression n’a pas posé de difficulté identifiée à ce jour, ni dans l’étude d’impact du Gouvernement ni auprès des personnes que nous avons auditionnées. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 147 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 234 rectifié est présenté par M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe.

L’amendement n° 263 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Lévrier, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche.

L’amendement n° 282 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

et, s’il fait partie d’un couple, l’autre membre du couple, sont dûment informés

par les mots :

est dûment informé

II. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le consentement du donneur est recueilli par écrit et peut être révoqué à tout moment jusqu’à l’utilisation des gamètes. »

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour présenter l’amendement n° 234 rectifié.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à supprimer le recueil du consentement du conjoint dans le cadre du don de gamètes. Dans la plupart des procédures de dons biologiques, le consentement du conjoint n’est pas demandé. Pourquoi instaurer ici ce contrôle assez étrange ?

Il me semble, mais cela ne vous étonnera pas, puisque nous parlons de ce sujet depuis maintenant plusieurs heures, que chaque être humain – il ne s’agit pas que des femmes – doit être libre de disposer de son corps. Chacun doit pouvoir donner ou ne pas donner, dans ce domaine comme dans les autres, qu’il s’agisse de sang ou d’autres dons plus délicats.

Nous demandons la suppression de cette mention : chacun étant libre de son corps, chacun doit être libre de faire un don.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 263 rectifié.

Mme Patricia Schillinger. Le don est un acte personnel. Il est très difficile pour les équipes de savoir si la personne est en couple ou non. Par ailleurs, les échanges au sein d’un couple relèvent de la sphère privée. Voilà pourquoi nous voulons supprimer le recueil du consentement du conjoint.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 282.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Premier élément de constat : la législation française était la seule en Europe à imposer le recueil du consentement de l’autre membre du couple pour un don de gamètes.

Maintenir une telle exigence serait d’autant plus surprenant qu’en 2011 le législateur a abrogé le modèle retenu pour le don jusque-là, à savoir celui d’un couple, qui a déjà un enfant, permettant à un autre couple d’en avoir un. Avant 2011, le recueil du consentement du conjoint était nécessaire, mais il ne l’est plus depuis.

Nous partageons l’idée que le don de gamètes engage chacun personnellement. Que le donneur tienne informé son conjoint ou sa conjointe, dans le cadre d’un PACS, d’un mariage ou d’un concubinage, c’est très bien, mais cela relève de la sphère privée et non de la loi. On a le droit, même si on est en couple, de prendre des décisions individuelles. Je vous souhaite d’ailleurs qu’il en soit ainsi dans vos couples respectifs !

Mme Sophie Primas. C’est vraiment une remarque inutile !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Par ailleurs, il est nécessaire d’adapter le don de gamètes aux évolutions de la société et de le sécuriser en permettant au seul donneur de gamètes de révoquer son consentement. Nous aurons l’occasion d’y revenir à l’article 3, avec un amendement visant à supprimer le recueil du consentement de l’autre membre du couple dans le cadre de l’accès à l’identité du donneur de gamètes.

Voilà pourquoi je vous invite à en revenir au texte initial du Gouvernement et à supprimer le recueil du consentement de l’autre membre du couple lors d’un don de gamètes.

Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié bis, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, Mmes Chain-Larché, Thomas, Gruny et Bruguière, MM. Babary et Morisset, Mme Troendlé, MM. Danesi, Bonne, Chaize, Bonhomme et Cardoux, Mme Ramond, MM. Vaspart, Cuypers et Bascher, Mme Lamure, MM. B. Fournier, Longuet, Regnard, H. Leroy et Meurant et Mme Micouleau, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le consentement des donneurs et, s’ils font partie d’un couple, celui de l’autre membre du couple, sont recueillis par écrit et peuvent être révoqués à tout moment jusqu’à l’utilisation des gamètes. »

La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Le don de gamètes ayant un impact sur la vie du couple du donneur, il est essentiel que le conjoint du donneur donne formellement son consentement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur les trois amendements identiques nos 234 rectifié, 263 rectifié et 282, et demande le retrait de l’amendement n° 36 rectifié bis, qui est déjà satisfait – à défaut, elle émettra également un avis défavorable.

Effectivement, jusqu’à présent, le consentement du conjoint est sollicité en cas de don de gamètes. Tout le monde aura en effet compris que le don de gamètes n’a pas le même effet que le don du sang, puisqu’il permet la naissance d’un autre être humain. Telle est d’ailleurs la finalité d’un tel don. Nous pouvons donc difficilement assimiler le don d’autres éléments du corps humain au don de gamètes.

Par ailleurs, il est exact que nous sommes les seuls à avoir une telle exigence. Mais je rappelle que nous sommes aussi les seuls à avoir une loi de bioéthique ! Quoi qu’il en soit, le fait que nous soyons les seuls à demander le consentement du conjoint n’est pas un argument suffisant pour mettre fin à cette pratique.

En réalité, ce consentement est fondé sur le fait qu’une relation de couple est une relation particulière, dans laquelle on s’engage moralement, voire juridiquement, notamment lorsqu’on se marie, sur un certain nombre de points.

Il paraît surprenant, à l’heure où nous envisageons la levée de l’anonymat du donneur, que son conjoint ne soit pas informé et ne donne pas son consentement, alors même qu’il devient possible qu’un enfant issu du don vienne s’immiscer dix-huit ans plus tard – le terme est peut-être péjoratif – dans le couple. Le consentement du conjoint me paraît d’autant plus raisonnable que la levée de l’anonymat du donneur peut intervenir.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 36 rectifié bis ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Madame la rapporteure, permettez-moi d’exprimer mon incompréhension. Le texte issu des travaux de la commission évoque le « couple ». Or nul ne sait ce qu’est juridiquement un couple !

Vous avez parlé du conjoint : j’imagine donc qu’il s’agit du couple dans le cadre du mariage. À défaut, les centres devront-ils interroger le donneur ? « Êtes-vous en couple ? Êtes-vous pacsé ? Vivez-vous en union libre ? Depuis combien de temps ? » Franchement, tout cela relève de l’intime. Nous sommes d’ailleurs en droit de penser que celui qui fait un don de gamètes en a discuté avec son partenaire dans l’intimité.

De plus, lorsque l’un des membres du couple, notamment l’homme, s’égaye en allant voir ailleurs et qu’un enfant naît, demande-t-il l’autorisation de l’autre ? (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)

Ajouter une contrainte supplémentaire me paraît donc compliquer inutilement le dispositif. Si vous persistez dans cette voie, madame la rapporteure, il faudrait à tout le moins envisager de modifier le texte de la commission, car le terme de couple manque de clarté et posera des difficultés aux personnes chargées de recueillir les consentements. Le notaire va-t-il devoir procéder à un interrogatoire sur la situation individuelle du donneur ? Cette rédaction n’est pas sérieuse et ne tient pas. Les amendements identiques sont bien meilleurs, raison pour laquelle je les voterai.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je ne comprends pas le postulat qui a été posé dans plusieurs interventions et qui consiste à dire que le don a une incidence sur la vie du couple. Quelle incidence le don a-t-il sur la vie du couple ? Même en ouvrant l’accès aux origines, le don n’aura aucune conséquence successorale. Il ne crée pas de filiation à l’égard du donneur.

Le don peut certes avoir des conséquences intimes dans la relation de couple, mais ce n’est certainement pas au législateur de réguler cette situation en prévoyant une obligation !

De surcroît, si le don avait une incidence sur la vie du couple, peut-être faudrait-il aussi prévoir de demander, au moment du mariage, s’il n’y a pas eu don auparavant ? J’appuie d’ailleurs la remarque de mon collègue Jacques Bigot sur la confusion entretenue par l’emploi des mots « couple » et « conjoint », car le couple n’est pas une entité juridique, c’est une entité humaine, parfois aléatoire, provisoire, durable, mais soumise aux aléas de la vie des individus. Quoi qu’il en soit, un don antérieur au mariage pourrait avoir des incidences, au même titre qu’un don postérieur.

Tout cela ne me semble ni sérieux ni raisonnable. Il s’agit d’une mesure intrusive inutile. Je voterai donc en faveur des amendements identiques et contre l’amendement suivant.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Certes, chacun est libre de son corps. Le don de gamètes est donc complètement libre. Néanmoins, en raison de la levée de l’anonymat, l’identification du donneur par le bénéficiaire du don deviendra possible. Il me paraît donc légitime que le conjoint donne son avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. J’indique à M. Bigot que l’expression utilisée est celle qui figure dans la loi depuis le départ. La notion de couple figure dans la rédaction initiale du texte. C’est elle que nous avons donc rétablie.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Qu’est-ce que cela signifie juridiquement ?

Mme Sophie Primas. La définition est ouverte !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Oui, parce que l’AMP est ouverte aux couples, tout simplement.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 234 rectifié, 263 rectifié et 282.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Monsieur de Legge, l’amendement n° 36 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Dominique de Legge. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 124 rectifié bis, présenté par Mme Costes et MM. Collombat, Arnell, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Labbé et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

et à l’identité du tiers donneur

La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Il s’agit d’un amendement de coordination par anticipation de l’amendement visant à préserver l’anonymat du donneur, qui sera présenté à l’article 3.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit en effet d’un amendement par anticipation. Nous aurons le débat sur la levée de l’anonymat du donneur lors de l’examen de l’article 3.

Dans la mesure où la commission spéciale a accepté de lever l’anonymat des donneurs de gamètes, son avis est nécessairement défavorable.

M. Jean-Pierre Corbisez. Je retire l’amendement !

Mme la présidente. L’amendement n° 124 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 149 rectifié est présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, M. Guerriau, Mme Thomas et M. Meurant.

L’amendement n° 257 est présenté par Mme Préville.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 4

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – À l’article L. 1244-4 du code de la santé publique, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « cinq ».

L’amendement n° 149 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 257.