M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, face à la crise sanitaire qui a plongé le monde dans la récession, le Gouvernement a adopté une stratégie claire, qui repose sur quatre piliers.

Le premier pilier, c’est le chômage partiel : il concerne plus de 10 millions de salariés, dont 2 millions au titre des gardes d’enfants. Le deuxième pilier, c’est le fonds de soutien, qui a été porté à 7 milliards d’euros : 1 milliard d’euros ont déjà été consommés pour 1 million de demandes. Le troisième pilier, ce sont les prêts garantis pour un montant de 300 milliards d’euros : 40 milliards d’euros ont déjà été octroyés pour répondre à environ 750 000 demandes. Le quatrième pilier, ce sont les recapitalisations rendues nécessaires par les grandes difficultés de certaines entreprises.

Nos débats n’ont pas bouleversé cette stratégie. Les amendements n’ont ni supprimé ni remplacé des mesures adoptées : ils les ont complétées, améliorées, renforcées. Je crois que cela tient à un esprit de responsabilité, à une envie de réaliser un travail collectif. En témoigne l’accord survenu entre les deux assemblées. En témoigne aussi l’adoption de ce texte par tous les groupes, à l’exception d’un seul.

Le Sénat a enrichi ce texte, cela a été souligné. Je tiens moi aussi à remercier le travail de tous, notamment du rapporteur général. Celui-ci a apporté plusieurs modifications intéressantes : il a notamment complété le dispositif voulu par l’Assemblée nationale d’une TVA réduite à 5,5 % pour certains types de produits en y ajoutant les équipements de protection sanitaire, élargi les missions du comité de suivi en y intégrant le fonds de soutien et renforcé l’information qui est due au Parlement. Nous pouvons également relever d’autres apports intéressants, par exemple sur le plafond pour les associations caritatives.

Notre groupe a apporté sa contribution, singulièrement en incluant les gels biocides à la liste des produits concernés par la TVA à 5,5 %.

Après le temps de l’urgence de la riposte viendra celui de l’exigence de la relance, nous le savons. Il faudra en effet compléter un certain nombre de mesures. Les conséquences de cette crise devront être tirées pour les collectivités locales. Je pense d’abord aux collectivités d’outre-mer, à cause de l’effondrement de l’octroi de mer. Je pense aussi aux communes, avec l’effondrement de la taxe de séjour ou aux départements, avec celui des droits de mutation. Tout cela devra être pris en compte. Je remercie Olivier Dussopt de s’être d’ores et déjà engagé à la garantie de recettes pour les collectivités locales, aussi bien lors d’auditions qu’en séance publique, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

Dans le cadre de cette relance, nous devrons également réfléchir à un certain nombre de garanties. Cette relance devra nécessairement être européenne, parce que nous avons besoin de la solidarité européenne. Elle devra aussi être écologique – à cet égard, je n’ai pas voté les amendements dont l’objet semblait parfois remettre en cause l’exigence écologique. Elle devra enfin être éthique ; à ce titre, l’engagement pris ce matin par Bruno Le Maire sur la prise en compte du comportement des entreprises dans la forme de soutien qui leur sera apporté me paraît aller dans le bon sens.

Nous avons encore le temps pour le faire ensemble et j’espère que nous le ferons dans le même esprit. Comme le notait Paul Valéry dans ses Cahiers : « Il faut juger à froid et agir à chaud. » Nous sommes encore dans le temps de l’action à chaud ; très vite viendront le jugement et la réflexion qui pourra permettre à chacun de contribuer et de densifier la relance à venir.

Comme l’ordre de marche proposé par le Gouvernement est respecté et comme il est conscient des graves difficultés qui sont encore devant nous, le groupe La République En Marche votera ce projet de loi de finances rectificative et se réjouit qu’il soit voté par une large majorité de notre assemblée.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, la commission mixte paritaire s’est accordée voilà quelques heures sur un projet de loi de finances rectificative que nous n’approuverons pas.

Au cours des débats de ces derniers jours, nous avons relevé les manques criants de ce texte et formulé de nombreuses propositions. À chacune d’entre elles, ou presque, le Gouvernement et la commission des finances nous ont répondu : ce texte est un texte d’urgence, nous renvoyons le débat de fond à plus tard. En quelque sorte, l’heure serait non pas au débat politique, mais à l’action. Nous réfutons totalement ce point de vue : en agissant dans l’urgence, nous faisons, vous faites de la politique. Les choix d’aujourd’hui engagent l’après. Or l’après se pense, se débat, se prépare, s’organise pendant.

Pourquoi vouloir mettre le couvercle sur le débat contradictoire au nom de l’urgence ? Pourquoi n’est-il pas question de contester les options profondément libérales que vous maintenez au nom de cette urgence ?

Un autre argument est invoqué pour voter ce texte, celui de la responsabilité. Cet argument est pour nous totalement irrecevable. Ainsi, même en doutant de la démarche gouvernementale face au rejet de l’essentiel de nos propositions, il faudrait voter pour, « en responsabilité ». Nous estimons que le choix existe, y compris dans cette période – surtout dans cette période, ajouterai-je.

Lorsque des priorités sont données – et comment ne pas voir que priorité est donnée à la reprise d’une certaine conception de l’économie sur la sécurité sanitaire de tous, dans une sorte de hiérarchie ? –, on peut les contester et en proposer d’autres. Le principe même de la démocratie ne peut pas être remis en cause au nom de la responsabilité, qui se voudrait une mise au pas.

Nous avons un avis différent. Nous l’assumons ici, mais aussi devant le peuple. J’insiste sur ce dernier point : nous ne sommes pas dans une bulle ; les citoyens écoutent ce qui est dit ; ils réfléchissent ; même confinés, ils expriment des opinions. Un sondage publié mardi dernier était d’ailleurs édifiant quant à la défiance à l’égard de l’action gouvernementale.

L’Assemblée nationale et le Sénat débattent, et c’est une bonne chose. Il faut avoir le courage de s’opposer, lorsque l’on estime que les valeurs que l’on défend sont remises en cause. L’opinion évolue, est attentive ; la situation évolue aussi.

Certains ont dit, notamment vous, monsieur le secrétaire d’État : il y a eu de nombreuses avancées. Il n’est qu’à voir, pourtant, le dernier scoop relatif à la question des paradis fiscaux. Une disposition est votée ici, Bruno Le Maire fait une annonce ce matin et, dans le texte que nous avons reçu voilà à peine une demi-heure, elle a disparu ! Excusez-moi de le dire ainsi, mais il y a bien un diable libéral…

Vous avez rejeté, comme aux plus beaux jours de la présidence des riches, toutes nos propositions d’une participation accrue des plus fortunés de la solidarité nationale. Rétablir l’ISF ? C’est toujours non ! Supprimer le prélèvement forfaitaire unique ? Non ! Augmenter la contribution des plus hauts revenus ? C’est encore non ! Accroître les taxes sur les dividendes et les transactions financières ? C’est aussi non ! Prévoir une dotation exceptionnelle pour les collectivités territoriales ? C’est finalement non !

Une petite information sur l’argent roi. Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, Disney vient de confirmer le versement de 1,5 milliard d’euros de dividendes, alors que 15 000 de ses salariés sont au chômage partiel en France. Pouvez-vous nous indiquer si l’État prend en charge ce chômage partiel ?

Être responsable, c’est déterminer qui va payer la dette, ce qu’elle va devenir. Allez-vous continuer à casser le service public, à contraindre les plus défavorisés ? Votre rejet de nos propositions de justice fiscale le laisse craindre.

Le débat parlementaire est incomplet. Vous annoncez 20 milliards d’euros de participation financière de l’État pour aider les entreprises stratégiques en difficulté. Nous n’avons pas obtenu la liste de ces dernières. Nous n’avons pas réellement débattu de la stratégie industrielle qui sous-tend cet investissement considérable. En outre, vous avez balayé les critères environnementaux, aussi bien que sociaux, que nous défendions avec d’autres.

Il n’est donc pas question pour nous de valider ainsi une opération de secours aux actionnaires défaillants pour leur rendre la maison assainie dès la crise passée. Nos amendements visant à améliorer le sort des plus démunis, des mal-logés ou des étudiants, ou à améliorer le service de santé des armées, amendements d’urgence s’il en est, ont été balayés, comme bien d’autres.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Savoldelli. Le 15 mars dernier, Emmanuel Macron a évoqué des décisions de rupture. Où sont-elles, mes chers collègues ? Ce projet est recroquevillé sur une pensée qui nous a amenés à la désastreuse situation d’aujourd’hui.

C’est pourquoi nous rejetons, en toute responsabilité, ce projet de loi de finances rectificative.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le secrétaire général, mes chers collègues, il nous revient aujourd’hui de consolider l’effort de la Nation pour sauver notre économie. Un mois après la première loi de finances rectificative, le Parlement autorise de nouveau le Gouvernement à déployer des moyens massifs et sans précédent pour venir en aide à toutes les entreprises et à tous les secteurs en difficulté.

Nous partageons pleinement la logique de ce deuxième volet du plan d’urgence pour soutenir et rendre possible la reprise de notre économie. Je me réjouis que nous ayons pu trouver un terrain d’entente avec nos collègues députés : cela permettra une mise en application rapide de ces nouveaux dispositifs.

L’investissement collectif est massif et même sans précédent, mais la dépense publique atteint de nouveaux records, tant en valeur absolue qu’en proportion de la richesse nationale, alors que, dans le même temps, la recette publique chute brutalement, le déficit se creuse et la dette explose. Aussi, je tiens à rappeler à cet instant que nous finançons aujourd’hui un plan de sauvegarde nécessaire de notre économie avec de l’argent que nous n’avons pas. Cet effort reposera sur les générations futures.

Pour rétablir nos finances publiques, nous aurons besoin de toutes nos entreprises et d’une France mobilisée et rassemblée. Nous aurons besoin de nos grands groupes, dont certains seront recapitalisés par l’État, si c’est nécessaire, et qui devront se transformer. Nous aurons besoin de nos ETI, qui recourent largement au chômage partiel, de nos PME, qui ont pu bénéficier de prêts garantis par l’État, de nos artisans et indépendants, qui seront soutenus par le fonds de solidarité, de nos agriculteurs, confrontés à la crise – certaines filières, comme celles des biocarburants ou de l’horticulture, nécessiteront des mesures supplémentaires.

Je salue également l’activation hier par la Commission européenne des mécanismes de crise, tels que la gestion des stocks privés et la flexibilité financière.

Les mesures adoptées voilà un mois ont commencé à faire leurs preuves. Aujourd’hui, nous les améliorons et nous les renforçons. Notre priorité doit rester la santé des Français et la préservation du tissu économique et social. Cependant, notre modèle social est mis à rude épreuve par cette crise. C’est pourquoi nous devons dès maintenant nous focaliser sur la reprise économique et trouver les moyens de la financer à long terme en mobilisant toutes nos forces.

Je relève des points de satisfaction importants retenus sur proposition du Sénat. Je pense à l’augmentation de la défiscalisation des heures supplémentaires, au renforcement des dispositions, dites loi Coluche, pour soutenir la générosité des Français, mais également aux 8 millions d’euros supplémentaires en direction des 3 400 communes de moins de 500 habitants, qui sont particulièrement engagées dans cette crise.

En revanche, l’annulation des charges et cotisations sociales pour les entreprises les plus en difficulté reste en suspens et devra faire l’objet de discussions à venir. Il en va de même de la contribution des assureurs et de la non-éligibilité au dispositif de solidarité nationale des entreprises liées à des paradis fiscaux, comme nous l’avions proposé.

Le déconfinement apparaît aujourd’hui comme un enjeu essentiel : il faudra faire preuve de méthode et aussi s’appuyer sur les élus locaux.

En conclusion, nous nous mobilisons désormais au Sénat pour être au rendez-vous de ce plan de relance. Celui-ci devra s’appuyer là aussi sur les collectivités territoriales, qui font preuve d’une mobilisation et d’une efficacité exceptionnelles du fait de leur proximité territoriale. Nous retiendrons entre autres de cette crise que la France a besoin d’un État plus décentralisé, qui puisse agir au plus près des territoires, bref, d’une vision renouvelée des libertés locales et de la décentralisation.

Nous voterons bien évidemment les conclusions de la commission mixte paritaire. (M. Claude Malhuret applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire général, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est tenue à midi sur ce deuxième projet de loi de finances rectificative a abouti à un accord. La chose est suffisamment rare en matière de loi de finances pour que nous nous en réjouissions. Cet accord est une bonne nouvelle pour le pays : après débat, bien sûr avec des nuances, la représentation nationale sait nouer les compromis nécessaires pour faire face à l’urgence sanitaire et économique, et de premières dispositions sociales sont prises.

Le contexte est exceptionnel : les inconnues sont nombreuses et les données économiques chaque jour fluctuantes. Nous savons ce texte attendu par tous ceux que la pandémie de Covid-19 expose aux pires difficultés.

Dans un esprit de responsabilité, députés et sénateurs ont su travailler en bonne intelligence, avec pour seul souci la préservation du tissu productif français et la reconnaissance de ceux qui, parfois au péril de leur vie, affrontent avec courage le danger du coronavirus.

Il fallait faire la part entre l’urgence – le soutien aux soignants, à l’emploi et au tissu économique –, la nécessaire attention à des secteurs d’activité dont la situation nous semblait insuffisamment prise en compte et la conscience que tout cela doit « se phaser » dans le temps et qu’il y aura bien sûr un PLFR 3 affinant encore les points difficiles à arbitrer aujourd’hui.

Nous gardons présents à l’esprit les 8 % de recul du PIB, le déficit public estimé à 9,1 % et la dette à 115 % du PIB – pardonnez du peu. Comment les oublier ? Encore ces chiffres restent-ils suspendus à une aggravation que d’aucuns nous prédisent. Il y aura un débat sur la façon de rembourser cette dette, qui se creuse dans des proportions abyssales, et de réduire l’impact du choc sur nos comptes publics.

Les motifs de satisfaction du groupe Union Centriste sont nombreux. La commission mixte paritaire a ce matin commencé sous les meilleurs auspices, après que Bruno Le Maire a annoncé l’exclusion des aides publiques pour les entreprises ayant leur siège dans un paradis fiscal. Cela faisait suite à l’adoption par la Haute Assemblée de notre amendement, déposé sur l’initiative de notre collègue Nathalie Goulet. C’est là une clarification bienvenue : aucune entreprise violant le pacte social ne doit profiter de la solidarité nationale. Dommage que cette disposition ne figure pas dans les conclusions de la commission mixte paritaire ! Nous pourrons peut-être y revenir.

L’augmentation de 8 millions d’euros des crédits de la dotation particulière élu local constitue un autre motif de satisfaction. Cette revalorisation permettra au Gouvernement de respecter l’engagement qu’il a pris au mois de novembre dernier devant les maires des petites communes, qui font aujourd’hui preuve d’un engagement et d’une détermination sans faille. Cette avancée a pu être obtenue grâce au travail de notre collègue Sylvie Vermeillet, que je tiens à féliciter au nom de l’ensemble de mes collègues centristes. Je m’associe à elle pour saluer l’écoute et le travail fructueux des deux rapporteurs généraux, Albéric de Montgolfier et Laurent Saint-Martin.

De la même façon, nous nous félicitons de l’élargissement du taux réduit de TVA à l’ensemble des équipements de protection. Nous espérons, avec le président de notre groupe, Hervé Marseille, que cette baisse de fiscalité sera répercutée sur les prix de ces produits devenus de toute première nécessité en quelques semaines.

Parmi les apports significatifs du Sénat et de sa commission des finances figure également l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Beaucoup de nos compatriotes travaillent durement, et plus durement encore durant la crise sanitaire, le plus souvent dans des conditions extrêmement difficiles. Ce surcroît d’effort devait être récompensé. Il le sera grâce à l’accord obtenu en commission mixte paritaire.

Nous avons par ailleurs entendu l’explication du Gouvernement concernant la contribution des assurances à l’effort de redressement. Nous espérons que les discussions en cours aboutiront à une solution.

Bien sûr, des motifs de regrets demeurent et la perspective déjà proche d’un troisième PLFR sera peut-être pour nous l’occasion de remettre l’ouvrage sur le métier. Je songe aux amendements de notre collègue Annick Billon, concernant la création de fonds d’urgence de lutte contre les violences intrafamiliales et d’aide à la parentalité. L’urgence de la crise économique ne doit pas nous faire perdre de vue les urgences non moins imminentes sur le front social.

À n’en pas douter, d’autres propositions défendues par nos collègues continueront de retenir notre attention dans les semaines qui viennent. C’est le cas de la question du remboursement du FCTVA ou de celle des délais d’engagement et de clôture des opérations locales d’investissement, posées par nos collègues Michel Canevet et Bernard Delcros. C’est le cas encore de l’imputation en section d’investissement des contributions de l’ensemble des collectivités au fonds national de solidarité, soulignée par Hervé Maurey.

Gageons aussi que, d’ici au prochain collectif budgétaire, la transformation du report des échéances sociales et fiscales en annulation pour les entreprises les plus affectées deviendra une réalité. Des négociations sont en cours et nous souhaitons que le Gouvernement parvienne à soulager les entreprises gravement affectées par la crise.

Plusieurs amendements préfiguraient un plan de relance d’urgence et ont été écartés à ce titre. Nous disons au Gouvernement qu’il nous faudra construire collectivement ce plan de relance et d’investissement.

Dans l’immédiat, nous saluons la diversité et la montée en puissance des dispositifs présentés voilà un peu plus d’un mois par le Gouvernement et nous adopterons à l’unanimité ce deuxième projet de budget rectificatif enrichi par le Parlement. Je salue chacun de ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce texte, en particulier les membres de la commission des finances, mais aussi l’ensemble des services du Sénat, dans ce contexte si particulier et dans le respect des règles sanitaires.

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire général, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie ce matin est conclusive. Je tiens à remercier tous les intervenants à ce débat, parfois long pour certains, néanmoins nécessaire compte tenu des circonstances. Je remercie le président de la commission des finances, le rapporteur général, ainsi que le personnel du Sénat de l’organisation de ce débat dans un temps contraint.

Lors de la discussion générale sur le projet de loi de finances rectificative, Claude Raynal a indiqué que les abondements de crédits correspondaient, selon notre appréciation, à des insuffisances constatées dans le précédent texte. Pour nous, ce n’est donc qu’un projet de loi de finances rectificative bis qui nous a été présenté.

La confiance ne se décrète pas. La peur n’est jamais bonne conseillère. Nos chercheurs, nos personnels de santé, nous industriels, nos salariés du front à qui tous les soirs nos concitoyens disent merci donnent de l’espoir. Nous ne devons pas les décevoir.

Les amendements défendus par mon groupe avaient pour objet d’ouvrir des débats sur les nécessaires mesures de solidarité à adopter, tout en ne faisant pas reposer leur financement sur la seule dette. Certains de nos concitoyens aux capacités contributives importantes ont bénéficié d’avantages fiscaux importants ; nous considérons qu’ils peuvent participer à l’effort national. Ce fut le sens des propositions concernant l’ISF 2.0, cher au président de la commission des finances, ou le retour à une taxation du capital. Toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne. Il en va ainsi de notre approche sur le secteur des assurances.

D’autres amendements que nous avons soutenus ont permis soit d’ouvrir des débats, en proposant des fonds de soutien à des secteurs particulièrement affectés – tourisme, restauration, culture, événementiel, Français de l’étranger –, soit de conforter les annonces de membres du Gouvernement, en créant des fonds d’urgence pour lutter contre les violences intrafamiliales et aider à la parentalité ou en prévoyant le versement d’une prime exceptionnelle pour les assistants familiaux de l’aide à l’enfance, soit d’aborder la situation outre-mer.

Il faut saluer certaines avancées pour les collectivités territoriales, qui doivent gérer le quotidien. Ainsi, la baisse du taux de TVA à 5,5 %, élargie à tous les produits de protection contre le Covid–19, est une bonne chose.

Nous ressentons toutefois un sentiment d’insatisfaction face à l’abandon d’amendements que nous considérions comme un premier pas pour rétablir une certaine solidarité. Monsieur le rapporteur général, j’ai pris acte de votre vigilance concernant le secteur des assurances. Mon groupe ne renoncera pas à son ADN de justice sociale et fiscale. Les prochains plans de sortie du confinement et de relance, qui ne manqueront pas d’advenir, nous trouveront vigilants et combatifs sur ce point et sûrement moins conciliants.

Il en est de même en ce qui concerne les annonces de ministres non suivies d’effet ou les amendements, notamment du rapporteur général, visant à abonder de 2 milliards d’euros le fonds de solidarité pour les entreprises, à la suite de la crise sanitaire. J’ai entendu M. le secrétaire d’État nous expliquer que, si des besoins survenaient, ils pourraient être comblés. Néanmoins, je pense qu’améliorer ce fonds de solidarité dès aujourd’hui aurait été une bonne chose.

En dépit de ces manques criants, mon groupe, dans sa majorité, votera ce deuxième plan d’urgence, afin de soutenir le chômage partiel, qui touche plus de 10 millions de nos concitoyens, et nos entreprises. N’ajoutons pas à la crise sanitaire une crise économique que nous ne souhaitons pas voir se transformer en crise sociale, nos concitoyens les plus modestes étant déjà profondément affectés, ne serait-ce que pour se nourrir.

Chaque jour qui passe conduit inexorablement au monde d’après et ce vote positif de responsabilité est aussi d’exigence. Il ne s’agit nullement de donner un blanc-seing au Gouvernement et à la majorité, pas plus qu’à la majorité du Sénat. Nous l’avons constaté au cours des débats, en démocratie, des divergences salutaires existent toujours. Il s’agit d’un plan d’urgence, il faut agir vite pour sauver des emplois et, ainsi, la vie de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’inscrirai mes propos au nom du groupe Les Républicains dans la tonalité générale de ceux que nous avons entendus ce soir, à l’issue de trois jours d’intenses travaux dans cet hémicycle.

La crise sanitaire que nous traversons est inédite par son ampleur, puisqu’elle qui frappe aujourd’hui la moitié de la planète. C’est un événement extraordinaire qui dépasse tout ce qui aurait pu être imaginé. Nous luttons contre un ennemi invisible à la force et à la puissance qu’aucun être humain n’aurait pu imaginer.

Monsieur le secrétaire d’État, il faut considérer et entendre le Parlement, mais également l’ensemble des élus qui partout dans le pays vivent au quotidien les difficultés et les font remonter dans les assemblées. Le Gouvernement ne les ignore pas, mais il n’en prend pas toujours la pleine mesure. Il doit les appréhender mieux encore.

Au Sénat, nous avons l’habitude de travailler dans la sérénité. Notre travail est reconnu pour son caractère approfondi et nos positions pour leur sagesse.

Il y a trente jours, jour pour jour, nous avons voté l’acte I de la loi de finances rectificative. Nos voix s’étaient alors élevées contre des insuffisances de ce texte. Un certain nombre de nos remarques ont été prises en compte et traitées dans le présent acte II.

Je le dis avec un peu de solennité, car nous parlons déjà d’un acte III : il relève de la responsabilité du Gouvernement et de nos assemblées d’essayer de mieux anticiper. Prenons garde à ne pas courir après une pelote de laine qui roulerait sans qu’on puisse jamais la rattraper.

Monsieur le secrétaire d’État, si l’on ne peut que se réjouir que les travaux de cette commission mixte paritaire aient été conclusifs, c’est certainement la gravité de la situation qui a conduit à cet accord entre les deux chambres. En effet, l’urgence est à la fois sanitaire, puisque nous combattons toujours sur ce front, et économique, dimension qui commence seulement à être prise en compte, malheureusement de manière insuffisante.

Je pense notamment à ces entreprises pour lesquelles nous demandons l’annulation des charges sociales et fiscales parce qu’elles ne pourront pas reprendre leurs activités le 11 mai ou parce qu’elles ont perdu du jour au lendemain, sans même qu’il y ait forcément de fermeture administrative, toute possibilité de fonctionner normalement. Ces entreprises n’ont plus aucune entrée de chiffre d’affaires, alors que les charges continuent de courir.

Vous avez évoqué la possibilité d’une telle annulation, mais vous la reportez encore. Il faut non seulement les comprendre, mais aussi se mettre à la place des équipes et des chefs d’entreprise qui sont mobilisés et qui retournent le problème dans tous les sens sans trouver de solution. Il faut dès aujourd’hui leur redonner confiance.

À propos de confiance, une autre question, évoquée par un certain nombre d’entre nous, se pose avec solennité : celle de la place et du rôle des sociétés d’assurance. Je crois qu’il faut distinguer deux temps : celui de l’urgence et celui de demain.

Aujourd’hui, les sociétés d’assurance doivent comprendre qu’elles ont une responsabilité morale à l’égard des entreprises qui sont en difficulté, au-delà même de l’aspect juridique de couverture des risques. Elles ont fait un pas.

Le Sénat avait adopté des amendements qui n’ont pas été repris en commission mixte paritaire. Comme le rapporteur général Albéric de Montgolfier l’a bien expliqué, le Sénat a lancé un signal d’alarme à l’endroit des assureurs.

Pour demain, Vincent Segouin, Catherine Dumas et moi-même avons déposé, avec le soutien d’un grand nombre d’élus, une proposition de loi qui engagera le débat pour tenter d’apporter des solutions. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas rester les bras ballants.

Nous regrettons aussi, monsieur le secrétaire d’État, que certaines mesures adoptées à l’unanimité dans cette assemblée n’aient pas été reprises par le Gouvernement.

Je pense notamment au remboursement de la TVA payée par les collectivités locales sur les achats d’équipements de protection individuelle via le fonds de compensation de la TVA. Les collectivités locales ont simplement cherché à pallier les carences de l’État en matière d’importation de masques. Je rappelle que l’État, lui, ne paie pas de TVA sur ses propres importations. Non seulement les collectivités locales suppléent aux manques de l’État, mais elles doivent continuer à s’acquitter d’une taxe au bénéfice de l’État sur ces achats. Vous admettrez qu’il s’agit d’une véritable injustice.

Nous avons toutefois des motifs de satisfaction, et c’est aussi la raison pour laquelle nous voterons ce projet de loi de finances rectificative.

Je pense à la hausse du plafond concernant les heures supplémentaires pour les salariés et les fonctionnaires qui sont en première, deuxième ou troisième ligne sur le terrain.

Je pense ensuite au prêt participatif adossé au FDES pour les très petites entreprises et les PME, qui parfois se voient refuser par leur banque un prêt garanti par l’État.

Je pense aussi à l’encouragement fiscal au don vis-à-vis des personnes qui sont aujourd’hui dans le besoin.

Je pense enfin à l’extension du taux réduit de TVA à l’achat d’équipements de protection individuelle.

Si je salue ces avancées, nous devons à présent gérer une deuxième urgence : il nous faudra traverser la tempête économique avec le moins de dégâts possible. Il ne faudra pas se tromper dans les choix, monsieur le secrétaire d’État, lorsque viendra l’acte III de la loi de finances rectificative. Nous opérerons ces choix sous l’autorité du Gouvernement, mais ce dernier devra écouter les assemblées quant aux besoins et aux demandes des Français, afin de les aider, notamment à garder leur emploi. Les crises causent des dégâts, nous ne le savons que trop.

Enfin, je souhaite à mon tour me féliciter de l’excellent climat dans lequel nous avons travaillé. Nos débats ont parfois été vifs, mais c’est une bonne chose dans une démocratie. Je remercie l’ensemble des personnels à tous niveaux de responsabilité.

Le rapporteur général, qui est soumis au feu incessant des questions, mérite une mention particulière. S’il répond parfois brièvement aux yeux de certains, je sais qu’il le fait toujours avec sincérité et avec cœur.

Je crois que nous avons été au rendez-vous, et, je le répète, nous voterons en faveur de ce projet de loi.