COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Françoise Gatel,

M. Dominique de Legge.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-neuf heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. Avant de donner la parole à M. Pascal Savoldelli pour une mise au point au sujet d’un vote, je veux rappeler à chacun les règles que je vous remercie, mes chers collègues, de bien vouloir respecter.

Vos sorties se feront par le fond de l’hémicycle et celles du secrétaire d’État et du rapporteur général s’effectueront par l’avant. Si vous souhaitez vous retrouver, à bonne distance, vous pourrez le faire à l’extérieur.

N’hésitez pas, par ailleurs, lorsque vous les utilisez, à vous tenir à une certaine distance des micros, car l’absence du petit morceau de caoutchouc plastifié qui les protège habituellement rend la transmission du son plus difficile.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, lors du scrutin n° 98 sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020, Mme Esther Benbassa a été enregistrée comme ayant voté contre, alors qu’elle souhaitait s’abstenir.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2020
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2020

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2020 (texte de la commission n° 409, rapport n° 408).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2020
Articles 1er bis A et 1er bis B

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous salue à nouveau, bien que nous nous soyons déjà vus aujourd’hui, la nuit dernière, peu après 3 heures du matin.

La commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du PLFR (projet de loi de finances rectificative) pour 2020 s’est réunie en fin de matinée à l’Assemblée nationale ; elle a été, comme vous le savez, conclusive. Nous pouvons nous en réjouir, d’autant que c’est la deuxième fois d’affilée, monsieur le secrétaire d’État, puisque nous avions déjà vécu une CMP conclusive sur un PLFR en fin d’année dernière. J’espère que cela augure de bonnes nouvelles pour les prochains textes que nous aurons à examiner ensemble.

Le Sénat, donc, vient d’achever l’examen de ce PLFR ; dans la foulée, la CMP s’est réunie et a repris, je dois le dire, beaucoup d’amendements essentiels du Sénat – c’est une bonne nouvelle. Nous souhaitions – ce souhait s’est exprimé sur toutes les travées – que ce PLFR se conclue par un accord : d’emblée, lors de la discussion générale, les différents groupes politiques avaient indiqué qu’ils désiraient voter ce texte. Mais, évidemment, ils souhaitaient que le projet de loi soit amélioré avant d’être adopté. C’est ce que nous avons fait au cours de nos débats, qui ont été riches et nourris.

Je veux remercier mon homologue Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, de son écoute – nous travaillons dans des conditions difficiles, et vous imaginez quels échanges il faut pour arriver à un texte commun.

Je veux, très simplement, citer en quelques mots les apports du Sénat ; outre des améliorations techniques, outre des sécurisations juridiques, nous avons adopté de nombreux apports qui ont été conservés à l’issue de la commission mixte paritaire. Certains avaient été votés ici même par de larges majorités ; d’autres sont issus du texte de compromis que nous avons souhaité ensemble, députés et sénateurs, adopter.

Ils relèvent de plusieurs ordres. Tout d’abord, la lutte contre la pandémie : nous souhaitons l’accompagner par des mesures notamment budgétaires ou fiscales ; ainsi de l’amendement, qui a été très largement voté, visant à baisser le taux de la TVA à 5,5 % pour les équipements de protection, gants, charlottes, surblouses, tous ces moyens évidemment essentiels dans la lutte contre la pandémie, et qui étaient auparavant frappés d’un taux de TVA de 20 %.

Vous savez que l’Assemblée nationale avait souhaité un taux réduit de TVA pour les masques et d’autres moyens de protection, notamment les gels hydroalcooliques. Nous avons étendu ce taux réduit à d’autres types de gels ainsi qu’aux tenues de protection que je viens d’énumérer. Ces moyens sont indispensables, dans nos hôpitaux et dans nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en particulier. Cet amendement a été voté à la quasi-unanimité du Sénat.

Nous avons également envoyé un signe important en rehaussant à 1 000 euros le plafond de déduction de l’impôt sur le revenu avec un taux de déduction de 75 % pour les dons faits aux associations d’aide aux plus démunis. Vous savez que ces associations bien connues, Emmaüs, le Secours catholique, le Secours populaire, la Banque alimentaire et bien d’autres, remplissent en ce moment un rôle considérable. Il faut les soutenir ! Nous souhaitons, par ce dispositif, leur permettre d’assurer leurs missions les plus essentielles, en particulier l’aide alimentaire.

Nous avons aussi adapté la règle dite du service fait, qui impose en temps normal aux collectivités territoriales de ne pas payer lorsqu’un événement, un festival par exemple, a été annulé. Grâce à l’amendement que nous avons adopté, il pourra être dérogé à cette règle pour tenir compte des circonstances particulières qui sont celles de la période de l’épidémie. Un festival est annulé, l’organisateur essuie une perte sèche ; il est important que la collectivité puisse lui verser une subvention, ce que la règle du service fait interdit.

Nous souhaitons par ailleurs soutenir les salariés – c’est le deuxième objectif qui sous-tend les amendements que nous avons adoptés –, grâce notamment à l’augmentation à 7 500 euros du plafond d’exonération de l’impôt sur le revenu applicable aux rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires. Pendant cette crise, personne n’en disconviendra, de nombreux salariés sont certes au chômage partiel, mais de nombreux autres sont, eux, sur le front, dans les hôpitaux, dans les Ehpad, dans les commerces, mais aussi dans le domaine des livraisons ou de l’agroalimentaire. Ils assurent, malgré l’épidémie, les services essentiels à la vie de la Nation. Il importe qu’ils soient soutenus, parce qu’ils peuvent être amenés à effectuer des heures supplémentaires, à travailler au-delà des 35 heures, pour compenser notamment l’absence d’autres salariés, ou pour absorber un surcroît d’activité. Il faut absolument – nous en avons parlé à plusieurs reprises, monsieur le président – encourager ce travail supplémentaire.

C’est l’objet de cet amendement qui vise à rehausser le niveau du forfait au-dessous duquel les heures supplémentaires ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu. Ce plafond est augmenté de moitié pour être porté à 7 500 euros.

Nous avons en outre adopté un certain nombre d’amendements tendant à renforcer le plan de soutien aux entreprises. M. le secrétaire d’État irait peut-être jusqu’à dire que c’est là le cœur même du texte, puisqu’il s’agit d’un plan non pas de relance, mais bien de sauvetage. J’avais employé, en ouvrant les débats, l’image de la bouée de sauvetage qu’il fallait donner à nos entreprises et à nos entrepreneurs. Pour renforcer le plan de soutien aux entreprises, nous avons introduit, singulièrement pour les petites et très petites entreprises qui n’ont pas accès au prêt garanti par l’État ou qui se le voient refuser, un mécanisme de prêt participatif adossé au Fonds de développement économique et social (FDES). Le Gouvernement nous a proposé d’abonder ce dispositif à hauteur de 1 milliard d’euros supplémentaires.

Enfin, nous avons amélioré le suivi et le contrôle des mesures prises en application des lois de finances rectificatives – nous y sommes tous très attachés, en particulier le président du Sénat, qui préside la séance ce soir. Nous avons souhaité renforcer l’information du Parlement en étendant les missions du comité de suivi – je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir nommés, le président de la commission des finances et moi-même, à ce comité, qui va se réunir dès la semaine prochaine. Ce comité de suivi pourra mieux contrôler le décaissement des budgets et l’exécution des mesures que nous avons votées.

Nous avons souhaité également garantir l’information préalable – je dis bien « préalable » – des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat lorsque l’État envisage, au-delà d’un montant significatif, d’entrer au capital d’entreprises. Vous savez que des moyens, 20 milliards d’euros dans ce PLFR, sont alloués à un programme permettant à l’État d’entrer au capital d’entreprises ou d’augmenter sa participation afin de les sauver. Des exemples ont été cités par le ministre de l’économie et des finances, tels que celui d’Air France. Si l’État a besoin d’entrer ou de monter au capital de telle ou telle entreprise pour la sauver, il est important qu’un contrôle du Parlement soit prévu. C’est le dispositif du Sénat qui a été retenu via, je le répète, une information préalable des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances.

Tels sont les principaux apports de notre assemblée. Je m’en félicite ; ces apports ne sont pas négligeables. On peut parfois se satisfaire d’une commission mixte paritaire conclusive bien que le texte issu de ses travaux reflète davantage le travail d’une assemblée que de l’autre. En l’espèce, ce n’est pas le cas. Le travail de chacune des deux assemblées, en particulier celui du Sénat, a été très largement intégré dans le texte qui est soumis ce soir à votre approbation.

Je voudrais revenir, dans la minute vingt qui me reste, sur trois sujets que nous avons examinés, sur lesquels vous vous êtes exprimés, mes chers collègues, au titre de ce PLFR d’urgence, même si les dispositions que nous avions adoptées en ces matières n’ont pas été retenues à l’issue de la CMP.

Premier sujet : la mobilisation des assureurs. Nous avons été nombreux à évoquer le secteur de l’assurance, qui, en cette période, peut éventuellement avoir de mauvais résultats sur tel ou tel type de police d’assurance, mais vit globalement une situation assez particulière. Je pense notamment à l’assurance automobile, qui, concrètement, permet aux compagnies d’engranger des résultats pour le moins singuliers. L’assurance est normalement la garantie d’un aléa, et l’aléa disparaît si l’on ne peut plus circuler… Nous avons en quelque sorte décidé de faire confiance aux négociations qui s’engagent entre le Gouvernement et les assureurs. Mais je vais être très clair : si chacun ne prend pas ses responsabilités, nous aurons l’occasion, lors de l’examen du prochain PLFR, d’y revenir en votant des dispositifs un peu plus contraignants.

Deuxième sujet : l’annulation des charges pour les entreprises les plus touchées par la crise. Elles sont nombreuses – je pense notamment aux restaurants ou à d’autres entreprises qui resteraient fermés. Il est important d’accorder à ces entreprises non pas un simple report, mais bien une annulation des charges fiscales.

Enfin, troisième sujet : la mise à niveau du fonds de solidarité. Ce fonds ne devra pas s’arrêter de fonctionner le jour du déconfinement, le 11 mai, monsieur le secrétaire d’État. On sait que ce déconfinement sera progressif et parfois, pour un certain nombre d’entreprises, un peu plus tardif – je pense à certains secteurs de la restauration et du tourisme. C’est la raison pour laquelle nous avions souhaité amender le dispositif.

Sur ces derniers points, le Sénat restera vigilant. Quant aux fonds de soutien à tel ou tel secteur, les candidats ont été nombreux : nous avons examiné, cette nuit, 99 amendements sur ce thème. Si nous n’en avons adopté aucun, c’est non pas par désintérêt, mais parce que nous considérons que ce sujet soit relève de la relance, soit nécessite des expertises budgétaires supplémentaires – je le dis singulièrement à l’intention de mes collègues qui siègent sur la gauche de l’hémicycle. Nous y reviendrons, puisque – je ne sais s’il faut y voir une bonne ou une mauvaise nouvelle – je peux d’ores et déjà vous annoncer, et je le fais à la place du Gouvernement, que nous serons amenés à nous revoir, sans doute au cours du mois de mai, en tout cas très prochainement, pour un PLFR n° 3. J’espère qu’il sera consacré à la relance post-déconfinement, mais nous serons sans doute, malheureusement, dans l’obligation de réviser un certain nombre de chiffres – je pense en particulier aux chiffres du chômage partiel, qui rencontre certes un grand succès, avec plus de 10 200 000 salariés concernés aujourd’hui, mais dont la traduction budgétaire va bien au-delà des quelque 24 ou 26 milliards d’euros annoncés.

Je conclurai en vous remerciant, les uns et les autres, de votre participation dans des conditions difficiles. Merci à nos administrateurs, qui ont été à nos côtés dans des conditions de travail là aussi un peu particulières. Et je vous prie, mes chers collègues, de m’excuser pour la rapidité avec laquelle j’ai mené nos débats sur certains sujets. Il ne faut y voir aucun manque d’intérêt, et le Sénat et sa commission des finances vous donnent un nouveau rendez-vous vigilant pour dans quelques semaines. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. Je voudrais à mon tour vous remercier, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, ainsi que le président de la commission des finances. Nous vous avons confié cette mission de suivi. Quelles que soient les implications financières des mesures prises, pour les collectivités territoriales notamment, vous saurez l’assumer en exprimant la diversité de nos sensibilités, sans perdre de vue l’unicité de ladite mission. Nous suivrons cela avec beaucoup d’attention et je voulais, au nom du Sénat, vous dire ma totale confiance.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux me féliciter, à mon tour, de l’accord intervenu en commission mixte paritaire sur ce deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, après les débats de ces derniers jours à l’Assemblée nationale puis au Sénat qui, je le crois, ont permis d’enrichir le texte.

Ce texte est en réalité un plan d’urgence visant à compléter la première loi de finances rectificative, afin de répondre à l’ampleur de la crise que subissent les populations et les entreprises dans le contexte de l’épidémie que nous connaissons, et d’en affronter les conséquences économiques et sociales.

Ce plan d’urgence prenant en compte l’allongement du confinement, notre prévision de croissance pour 2020 a été modifiée, passant de –1 % dans la précédente loi de finances rectificative à –8 %.

La profondeur de la crise et le repli de l’activité économique impliquent une réponse à la hauteur des enjeux, qui aura des conséquences sur notre budget. Le déficit des administrations publiques pourrait ainsi s’élever à 9,1 % en 2020, soit 2 points de plus de PIB qu’en 2009, dernière année de référence en matière de crise de systémique. La dette publique pourrait atteindre 115 % du PIB, soit 20 points de plus qu’à la fin de 2019 puisque notre estimation était alors de 98 %.

La force du soutien de l’État se traduira par un déficit budgétaire qui doublera par rapport à la loi de finances initiale en atteignant plus de 185 milliards d’euros, contre 93 milliards d’euros initialement prévus dans le budget que vous avez adopté fin 2019.

Ces chiffres sont inhabituels et d’une certaine manière vertigineux, mais ils traduisent notre action massive face à une crise d’une ampleur exceptionnelle.

Le Gouvernement a renforcé son plan de lutte contre la crise, lequel passe dans ce projet de loi de finances rectificative de 45 milliards d’euros à plus de 110 milliards d’euros.

Les dépenses mobilisées atteindront 44 milliards d’euros pour protéger les salariés, maintenir leurs compétences, accompagner les entreprises et préserver notre système de santé. Parmi ces dépenses, outre l’augmentation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), à hauteur de 8 milliards d’euros, permettez-moi de souligner deux dispositifs de notre plan de lutte contre l’épidémie.

Tout d’abord, le financement du chômage partiel passe de 8 milliards d’euros à près de 27 milliards d’euros, financés aux deux tiers par le budget de l’État et à un tiers par l’Unédic, pour préserver la situation des salariés. De ce fait, le relèvement du plafond d’emprunt de l’Unédic garanti par l’État passera de 7 à 10 milliards d’euros.

Ensuite, le fonds de solidarité est rechargé à hauteur de 7 milliards d’euros, dont 6,25 milliards d’euros sont financés sur le budget de l’État.

À date, plus de 1,150 million d’entreprises ont sollicité l’aide de 1 500 euros, soit le premier étage du fonds de soutien. Près de 1 milliard d’euros a d’ores et déjà été versé. Grâce aux dispositions du présent projet de loi de finances rectificative que vous vous apprêtez à voter, les petites entreprises les plus en difficulté obtiendront près de 8 000 euros, totalement exonérés.

J’ai entendu la remarque du Sénat et de M. le rapporteur sur la date du 11 mai. Bien évidemment, je vous l’ai dit voilà quelques heures, le fonds de solidarité ne s’arrêtera pas le 11 mai. Si nous devions manquer de crédits pour financer les aides aux entreprises, nous disposerions, entre autres, des crédits mis en réserve sans être affectés, à hauteur de 1,7 milliard d’euros. Par ailleurs nous reviendrions vers vous avec un troisième texte financier.

Ce projet de loi de finances rectificative a mobilisé deux autres instruments.

Nous provisionnons 20 milliards d’euros pour renforcer la participation financière de l’État dans certaines grandes entreprises en difficulté. Monsieur le rapporteur l’a souligné, ce provisionnement s’accompagnera d’une information préalable du Parlement, en l’occurrence des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Nous avons abondé le fonds de développement économique et social (FDES). Rechargé pour atteindre 1 milliard d’euros, il sera mobilisé pour accompagner les entreprises.

Enfin, en sus de ces différentes dépenses, il existe un dernier dispositif : les prêts garantis par l’État, à hauteur de 300 milliards d’euros, qui permettent de soulager les trésoreries des entreprises. Ce projet de loi de finances rectificative prévoit aussi que les entreprises placées en procédure de sauvegarde depuis le début de l’année soient éligibles à ce programme.

L’action du Gouvernement passe également par des facilités de paiement pour les échéances fiscales ou sociales.

À ce jour, le montant des reports d’échéances fiscales s’élève à plus de 4 milliards d’euros et à plus de 12 milliards d’euros pour les échéances sociales. Ce sont donc 16 milliards d’euros qui permettront d’alléger la trésorerie des entreprises concernées. Nous remboursons, en outre, de manière accélérée les créances des entreprises restituables en 2020 : crédit d’impôt sur la TVA, crédit d’impôt recherche (CIR), crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et tout autre crédit d’impôt restituable au cours de l’année.

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat des agents publics, que Gérald Darmanin et moi-même avons portée, sera exonérée d’impôts et de cotisations sociales, de même que les sommes versées aux entreprises éligibles au fonds de solidarité.

Je le disais dans mon propos liminaire, la discussion à l’Assemblée nationale et au Sénat a permis d’enrichir le texte. Parmi les dispositions que le Parlement a défendues et votées, je retiens plusieurs mesures qui me paraissent particulièrement importantes.

Les foyers les moins favorisés bénéficieront d’une aide exceptionnelle pour un montant de 880 millions d’euros, conformément à l’engagement du Président de la République. Le fléchage des crédits nécessaires a été défini dans un amendement du rapporteur général, adopté par l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, les salariés bénéficieront d’une indemnisation sécurisée grâce au basculement à compter du 1er mai des personnes actuellement en arrêt de travail pour cause de garde d’enfant ou de vulnérabilité, au sens médical, dans le dispositif d’activité partielle, lequel sera alimenté à hauteur de 1,8 milliard d’euros.

Les salariés bénéficieront aussi, sur l’initiative du Sénat, d’une exonération des rémunérations versées à raison d’heures supplémentaires ou complémentaires réalisées entre le 16 mars et la fin de l’état d’urgence sanitaire, dans un plafond de 7 500 euros, comme l’a souligné le rapporteur.

Les secteurs fragiles seront accompagnés plus fortement : 19 millions d’euros sont accordés aux parcs zoologiques, aux refuges et aux cirques familiaux au titre des soins prodigués aux animaux. Ce dispositif sera complété pour apporter un soutien aux centres équestres accueillant du public.

Les bailleurs dont les locataires sont des professionnels, que nous avons invités à ne pas percevoir les loyers qui leur reviennent, pourront déduire de leurs revenus imposables les sommes auxquelles ils ont renoncé. C’est une initiative de l’Assemblée nationale, que nous avons soutenue.

Le dispositif des prêts garantis par l’État pourra être étendu aux entreprises intermédiaires en financement participatif. Il s’agit d’un apport parlementaire utile.

La production et l’acquisition des matériels de protection sanitaire ont été facilitées. D’une part, des mesures budgétaires ont été prises pour soutenir l’investissement dans les machines permettant la production de matériaux utilisés pour la confection des masques et d’autres équipements. D’autre part, des mesures fiscales ont été adoptées pour réduire le taux de TVA applicable aux masques de protection, aux gels hydroalcooliques et aux autres équipements de protection.

Enfin, la commission mixte paritaire a retenu trois autres mesures qu’il convient de citer.

Pour soutenir les territoires ruraux, la dotation particulière « élu local » (DPEL) sera majorée de 8 millions d’euros, afin d’élargir dès 2020 le nombre des communes éligibles à la seconde part de cette dotation.

Pour soutenir le monde associatif, les collectivités pourront également décider de maintenir une partie de leurs subventions.

Pour soutenir la solidarité, le plafond des dons alimentaires et de première nécessité donnant droit à un avantage fiscal passera d’un peu plus de 500 euros à 1 000 euros.

Je tiens à remercier l’ensemble des parlementaires, comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale, de leur contribution et leur apport.

Cela dit, le travail continue en vue de définir des plans de soutien sectoriels pour les activités les plus exposées, comme l’hôtellerie et la restauration. Je sais que votre assemblée est particulièrement attentive à la question des annulations de charges. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre de ces plans. Nous vous soumettrons très certainement des dispositions législatives visant à donner un fondement juridique établi à ces annulations de charges en cours d’examen et d’instruction.

Je veux rassurer les auteurs d’amendements portant ouverture de crédits budgétaires. Je partage le sentiment du rapporteur, qui a souligné le caractère frustrant d’un examen par trop rapide de ces amendements dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.

Nombre d’entre vous ont mis à profit la présentation de ces amendements portant crédits budgétaires pour appeler l’attention du Gouvernement et du Parlement sur la situation de secteurs qui rencontrent des difficultés particulières.

J’y insiste, tous les engagements pris par le Gouvernement qui ne font pas l’objet d’inscription de crédits dans ce texte seront financés. Je l’ai dit, nous disposons en effet d’un peu plus de 1,7 milliard d’euros de crédits non affectés.

Ces engagements seront financés, car les moyens de l’État ne sont pas limités aux seuls crédits votés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Sont ainsi inscrits dans la loi de finances initiale un certain nombre de crédits ainsi qu’une réserve de précaution dont nous disposons au titre du droit commun et qui nous permettent de faire face à l’ensemble des mesures annoncées, comme celles qui ont été faites par Christelle Dubos, ce matin, en matière de lutte contre la précarité, ou par Marlène Schiappa pour le soutien aux femmes et la protection des personnes plus fragiles.

Je conclurai mon propos en remerciant de nouveau l’ensemble des sénateurs de leur participation à ces débats et en me félicitant que nous ayons pu aboutir à un texte de compromis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette commission mixte paritaire conclusive m’inspire un sentiment de satisfaction, celui du devoir accompli face à l’attente de nos concitoyens.

D’habitude, le projet de loi de finances voté au Parlement, par l’Assemblée nationale et le Sénat, n’intéresse pas nos concitoyens, qui considèrent que c’est une affaire de spécialistes, qu’ils n’y comprennent rien, que c’est trop compliqué… Avec ce texte, en revanche, nous parlons de sujets qu’ils perçoivent de manière concrète : le chômage partiel, les primes destinées à récompenser l’effort exceptionnel de ceux qui ont été exposés en première et deuxième lignes, le sauvetage d’entreprises.

Pour une fois, on réconcilie nos concitoyens, qui s’y intéressent d’ordinaire moyennement, avec le débat budgétaire qui réunit les parlementaires et le Gouvernement à l’échelon national. Un lien direct s’établit dans la mesure où les dispositions que nous adoptons se traduisent par des mesures concrètes, au mois le mois, fin avril ou début mai, tandis qu’en temps normal on ne sait pas toujours comment cheminent les crédits que nous votons ou modifions.

Il faut rendre hommage aux deux assemblées et au Gouvernement pour les mesures relatives aux primes, aux défiscalisations et au chômage partiel. Il s’agit d’une démarche de solidarité à l’égard de tous, et non pas uniquement d’un programme de sauvetage de notre économie, même si ce dernier point est important.

Je me félicite aussi des apports du Sénat, qui sont significatifs. Je me permets à cet égard, en tant que premier orateur à prendre la parole, de remercier le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, le président Vincent Éblé ainsi que les services de la commission des finances, qui sont restés mobilisés jour et nuit pour suivre ces travaux et parvenir à ces conclusions.

Je ne mentionnerai pas de nouveau les apports du Sénat, le rapporteur général les ayant détaillés. Je souligne simplement qu’il a eu un interlocuteur compréhensif à l’Assemblée nationale. Pour aboutir à un accord constructif, il faut en effet une volonté partagée. J’espère que c’est de bon augure pour les futurs textes budgétaires.

Je veux exprimer ma satisfaction aussi sur l’ensemble du dispositif relatif à l’économie et aux entreprises. Lors de l’examen du « premier jet », début mars, le Gouvernement et les parlementaires étaient convenus qu’il s’agissait d’un dispositif provisoire destiné à poser des bases et à mettre en place un certain nombre d’outils, mais qui n’était pas nécessairement calibré à la hauteur des besoins de nos entreprises pour passer ce cap difficile.

Je constate que le Gouvernement a parfaitement écouté les remontées du terrain, provenant à la fois des parlementaires, des organisations professionnelles et des entreprises, et qu’il s’en est servi pour compléter et amplifier ce dispositif. Il a essayé de prendre en compte tout le monde, ce qui était très difficile, car il fallait être exhaustif.

Des dispositions ont ainsi été prévues pour certaines entreprises à statut particulier, par exemple les sociétés civiles immobilières (SCI) ou les particuliers propriétaires de monuments historiques – j’entre dans le détail du texte pour montrer combien le travail a été approfondi. Surtout, dans la limite des règles européennes et de façon quelque peu borderline, en allant le plus loin possible, a été prise en compte la situation des entreprises en difficulté du fait de l’épidémie de coronavirus, mais aussi de celles qui connaissaient un état de fragilité avant cette période et pour lesquelles la crise actuelle pourrait être mortelle.

Qu’il s’agisse des mesures concernant le FDES, des avances remboursables, de l’introduction – sur l’initiative du Sénat et avec l’accord du Gouvernement – de prêts participatifs, de l’élargissement pour ce qui concerne son montant, mais également son périmètre du fonds de solidarité, nous avons essayé de faire le maximum.

Il demeure cependant une catégorie de très petites entreprises, composée d’autoentrepreneurs, de travailleurs indépendants, d’artisans et de commerçants, qui n’est pas très bien structurée et pour laquelle, malgré les apports du fonds de solidarité, les difficultés risquent d’être récurrentes durant plusieurs mois. Le dispositif devra donc être amélioré à cet égard.

Nous saluons cet engagement relatif aux entreprises, qui pourra encore être renforcé. J’espère que cette satisfaction sera partagée par nos concitoyens et qu’elle se concrétisera sur le terrain.

J’exprimerai cependant deux regrets.

Pour ce qui concerne le secteur des assurances, tout d’abord, Albéric de Montgolfier nous a expliqué que le rendez-vous était reporté. Il nous faudra disposer d’une proposition sérieuse avant d’intervenir. Au Sénat, deux amendements avaient recueilli une approbation relativement large sur différentes travées. Je pense que nous pourrons y revenir, dans le cas où l’engagement de ce secteur serait insuffisant ou tout au moins biaisé.

On peut regretter, ensuite – au-delà de la DPEL qui sera appréciée à sa juste valeur par les maires de petites communes et les maires ruraux –, que les collectivités locales, en première ligne pour apporter les aides de proximité, n’aient pas été suffisamment intégrées dans un dispositif de soutien aux plus petites structures de notre économie locale.

Cela étant, globalement, notre appréciation est très positive sur le travail effectué et l’accord obtenu. La quasi-totalité du groupe du RDSE approuvera donc les conclusions de la commission mixte paritaire.