M. le président. Je voudrais saluer nos collègues qui ont accepté de prendre place dans les tribunes du public et les remercier de leur présence.

lutte contre la covid-19

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Henri Cabanel. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la solidarité.

Dès le mois de juillet, tout le monde s’accordait à dire que nous allions vivre une nouvelle vague de l’épidémie. Ça y est, nous y sommes !

La métropole de Montpellier, dans mon département, vient de rejoindre la liste des territoires en alerte maximale Covid. Pour les populations, cela signifie une série de mesures que nombre de nos concitoyens ont du mal à comprendre. Ils se sentent parfois frustrés par des règles difficiles à appliquer et par les volte-face de certaines annonces. Ainsi, pourquoi fermer les bars alors que les restaurants sont ouverts, même lorsqu’ils ne servent pas à manger ?

Pourquoi, surtout, nous trouvons-nous confrontés, huit mois après la première crise, à une pénurie de lits de réanimation, dont le nombre est loin des 12 000 lits prévus ? S’agit-il d’un manque de moyens financiers ou de personnel compétent ? Pourquoi ne pas avoir pensé à une stratégie d’urgence ?

J’ai conscience que la situation n’est pas facile, mais les Français ne comprennent pas. Il faut leur expliquer simplement. À la crise sanitaire, on répond par des mesures liberticides, mais on ne traite pas la problématique des moyens de l’hôpital public. Pour ma part, je suis pragmatique : quand un tuyau a trop de pression et risque de céder, on ne coupe pas l’eau, on installe un tuyau plus gros !

Sur le terrain, certains médecins généralistes se plaignent du manque de communication et de cohérence avec les hôpitaux. Ils craignent des retards dans la prise en charge des autres pathologies. Ils subissent aussi une surcharge de travail administratif pour traiter les arrêts de travail, malgré le contact tracing et le site dédié, dont certains d’entre eux ne savent pas se servir. Qu’avez-vous prévu à ce sujet ?

Tout cela provoque une véritable inquiétude face à l’épuisement, voire au burn-out de certains personnels. Quelles mesures allez-vous prendre pour soulager les soignants, qu’ils soient sur le terrain ou dans les établissements ? Vous avez raison de penser à eux, nous y pensons aussi, mais je crains que cela ne suffise pas. (Applaudissement sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question.

Votre première phrase était : « Dès le mois de juillet, tout le monde s’accordait à dire que nous allions vivre une nouvelle vague de l’épidémie »… Nous n’avons clairement pas vécu le même été !

Lorsque l’alerte a été lancée, parce que le virus recommençait à circuler au mois d’août chez les jeunes dans certaines villes du Sud, je n’ai pas entendu beaucoup de réactions indiquant que l’épidémie risquait de repartir et évoquant le risque d’une deuxième vague.

J’ai entendu de pseudo-experts – je ne parle pas des politiques – se succéder pour affirmer que ce ne serait pas le cas, puisque le virus avait forcément muté pour être moins méchant. Je les ai entendus dire : « Regardez, il n’y a pas encore d’hospitalisations, c’est le signe qu’il n’y a pas de deuxième vague ! » Nous avons eu beau expliquer qu’un décalage d’un mois se produisait entre les contaminations et les hospitalisations, décalage qui s’allongeait quand la population contaminée était jeune, il y a eu, il me semble, un déni ou un refus de voir les choses.

Peut-être n’avons-nous pas été suffisamment convaincants ? Je veux bien en prendre ma part, mais on ne peut certainement pas dire que, dès le mois de juillet, les Français considéraient qu’il y aurait une deuxième vague.

Monsieur le sénateur, vous me demandez pourquoi nous n’avons pas augmenté le nombre de lits de réanimation. Mais cela ne se fait pas tout seul ! Un anesthésiste-réanimateur, cela ne se clone pas ; cela se forme en dix à douze ans, et nous avons supprimé le numerus clausus, il y a deux ans, pour augmenter le nombre de médecins. Vous et moi ne sommes pas responsables de l’état de la démographie médicale, mais c’est un fait.

En revanche, nous avons formé du personnel pour qu’il puisse aider en réanimation. Rien qu’en Île-de-France, ces derniers mois, 750 infirmières sont venues en service de réanimation ou en apprentissage par simulation, pour prêter main-forte à leurs collègues si la situation l’exigeait.

Hélas, on ne trouve pas des aides-soignantes ou des infirmières performantes en réanimation en claquant des doigts !

S’agissant des lits de réanimation, monsieur le sénateur, nous sommes montés au 15 avril dernier à 10 700 lits armés capables d’accueillir des malades du covid, lesquels étaient alors 8 500, les autres souffrant d’autres pathologies. Nous sommes donc capables de mobiliser des lits, de transformer des blocs opératoires, de préparer des soins continus et vigilants, mais cela nécessite de déprogrammer massivement les soins et de recruter tout le personnel disponible, au détriment des autres malades, ce que nous nous refaisons à faire.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Vous parlez de petits ou de gros tuyaux, mais si nous laissions le tuyau grossir pour agir, nous aurions beaucoup plus de morts. Il faut vraiment comprendre cela : notre logique est non pas de remplir les services de réanimation, mais d’empêcher les gens de mourir.

M. le président. Il faut conclure !

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Pour cela, il ne faut pas qu’il y ait de formes graves. Il faut donc lutter avec efficacité contre la diffusion du virus, y compris quand cela va, hélas, à l’encontre de certaines libertés de circulation. C’est vital pour les Français !

M. le président. Maintenant, il faut conclure, s’il vous plaît !

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Pardonnez-moi, monsieur le président.

M. le président. Je demande à chacun de respecter son temps de parole !

taxe sur les transactions financières

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Pour faire face à une crise économique, sociale et climatique d’une ampleur sans précédent, l’Union européenne a adopté un plan de relance historique de 750 milliards d’euros. Malheureusement, en contrepartie, le cadre budgétaire 2021-2027 est revu à la baisse. Déshabiller Paul pour habiller Jacques n’a jamais fait une politique ambitieuse !

Pour financer la relance européenne, il faut, au contraire, renforcer les ressources propres de l’Union. Dans sa résolution du 16 septembre dernier, sur l’initiative, notamment, des écologistes, le Parlement européen a proposé des solutions clés en main : une taxe plastique, une taxe carbone aux frontières, une indispensable taxe sur les Gafam – pour Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft – et, surtout, une taxe sur les transactions financières, ou TTF, digne de ce nom, à même de rapporter plus de 50 milliards d’euros par an.

Faire contribuer à l’effort les pollueurs, les multinationales qui se soustraient à l’impôt et la finance débridée, quoi de plus juste ? On se demande vraiment pourquoi rien ne bouge depuis des décennies.

Il faut dire que la France, qui a longtemps porté la TTF, n’a jamais été au rendez-vous de son histoire. En 2014, c’est Pierre Moscovici qui torpillait le projet proposé par une Commission de droite, pour défendre le seul intérêt des grandes banques françaises.

L’actuel président de la République n’a pas fait mieux. Il a d’abord refusé l’élargissement de la TTF française, avant de plaider pour une TTF européenne a minima, en prenant modèle sur celle du Royaume-Uni – un simple impôt boursier. Depuis lors, rien ou presque, si ce n’est ce projet d’une microtaxe de 0,2 % sur le prix d’achat des actions, qui rapporte seulement 3,5 milliards d’euros par an, soit dix fois moins que le projet de 2013.

Monsieur le Premier ministre, lors du Conseil de demain, le Président de la République va-t-il tout faire pour obtenir des ressources propres ambitieuses, dont la TTF, ou va-t-il se contenter de mots, au détriment de l’intérêt général européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous surprendrais si je vous disais que j’étais d’accord avec vos observations et votre question… Quoique ! En effet, au sein de l’Union européenne, la France, par la voix du Président de la République et du ministre ici présent, plaide inlassablement, j’y insiste, pour une taxe sur les transactions financières décidée au niveau européen, et elle va continuer à le faire.

Ai-je besoin de rappeler au Sénat qu’il en existe déjà une à l’échelon national depuis 2012, mais que, comme chacun le comprendra, compte tenu de l’objet même de ce prélèvement, c’est le niveau européen qui est le plus approprié.

En matière fiscale, toutefois, vous le savez tous également, c’est l’unanimité entre les États membres qui prévaut s’agissant du processus décisionnel. Cette donnée n’a pas découragé la France, qui a été, je vous le rappelle, à l’initiative de la relance des négociations sur la taxe sur les transactions financières européennes, lesquelles négociations avaient effectivement été interrompues sous le précédent quinquennat.

Le Président de la République en a rappelé les principes dans son discours sur l’Europe prononcé le 26 septembre 2017 à la Sorbonne, et, depuis lors, des négociations en ce sens se déroulent au sein de l’Union européenne sur l’initiative de la République française. Elles sont difficiles, pour les raisons que vous avez indiquées, mais la France ne baisse pas la garde et la volonté du Président de la République est toujours pleine et entière.

Il en ira de même sur un autre sujet que vous avez évoqué et qui figure dans les objectifs de transition écologique, portés, notamment, par le plan de relance : la taxation du carbone aux frontières extérieures de l’Europe. Sur ce point également, je vous rappelle que les propositions de la France sont parmi les plus audacieuses.

Enfin, je termine par où vous avez commencé, monsieur le sénateur, en appelant une nouvelle fois l’attention du Sénat sur le fait que, à la différence de la crise de 2008-2010, que j’ai bien connue, l’Europe s’est fortement mobilisée – Dieu sait combien c’est compliqué, on le voit encore aujourd’hui ! –, avec un plan de relance européen et une contribution aux plans de relance nationaux à hauteur de 40 %, ce qui est considérable.

Vous connaissez les difficultés rencontrées parce que l’Europe est une union d’États et que l’on ne peut pas décider unilatéralement. Il faut donc encore plus de force de conviction et de volonté, comme en ont eu le Président de la République et la Chancelière allemande pour aboutir à l’accord historique de cet été.

J’en conviens bien volontiers, il y a encore beaucoup de travail à faire en la matière, mais, là encore, ne doutez ni de notre détermination ni de la volonté de la France à porter dans le concert européen ce qui relève finalement de l’intérêt de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, nous resterons attentifs. Nous espérons que, pour une fois, vos actes rencontreront vos discours ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

calendrier des transferts de compétences entre communes et intercommunalités à l’heure de la crise sanitaire

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, qui s’exprime pour la première fois dans notre assemblée, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Madame la ministre, il est des lois dont les effets indésirables se font sentir régulièrement, voire s’intensifient dans la durée. Le précédent quinquennat en a produit un certain nombre, opérant, notamment, des transferts de compétence entre les collectivités territoriales.

Les élus locaux ne sont pas près de les oublier : en fait, ils peinent encore à s’en remettre. J’ai à l’esprit, en particulier, les élus fraîchement arrivés aux responsabilités, en juillet dernier, qui doivent gérer de front l’application des consignes sanitaires et celle des lois votées lors du précédent quinquennat.

Deux cas de figure ont été très présents au cours de cette campagne sénatoriale.

Le premier résulte de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, laquelle prévoit que les communautés de communes et les intercommunalités non encore compétentes en matière de plan local d’urbanisme intercommunal, ou PLUI, au 31 décembre 2020 le deviendront de plein droit au 1er janvier 2021, sauf à ce qu’un nombre significatif de communes s’y opposent au cours des trois mois précédents. Je vous rassure, nous sommes bien en France ! (Sourires sur les travées du groupe INDEP.)

Le second effet provient de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, qui obligeait à un transfert des compétences eau et assainissement des communes aux agglomérations. Certes, depuis lors, la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité, a apporté un correctif en permettant aux communautés d’agglomération de déléguer, dans un certain délai, tout ou partie de leurs compétences aux communes ou aux syndicats. Or, là encore, ce délai expire au 31 décembre prochain.

Ce sont deux exemples d’un même problème : les élus locaux n’ont pas eu de temps à consacrer à ces questions, lesquelles concernent pourtant des éléments structurants, dont les implications sont très lourdes pour l’avenir des collectivités et des citoyens.

Madame la ministre, le Gouvernement peut-il permettre aux élus, de l’Aube et d’ailleurs, de prendre leurs décisions de façon libre et éclairée ? Un report de ces deux échéances vous paraît-il envisageable ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, comme vous l’indiquez vous-même, la loi Engagement et proximité a répondu à certaines questions.

Nous avons notamment assoupli et adapté les modalités de transfert en matière d’eau et d’assainissement. Les intercommunalités peuvent désormais déléguer leur compétence aux communes, et cela sans délai : il n’y a pas de date barrière.

Je précise, par ailleurs, que les communes peuvent elles-mêmes faire une demande de délégation. Dans cette hypothèse, l’intercommunalité a trois mois pour se prononcer.

S’agissant du transfert de la compétence PLUI, les établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, deviennent compétents de plein droit au 1er janvier de l’année suivant le renouvellement des conseils municipaux et communautaires, sauf si une minorité de blocage a été réunie.

Avec la crise sanitaire et le décalage des élections, ce délai a été mécaniquement raccourci, je vous l’accorde. Or je partage l’idée que, pour faire valoir, ou non, son opposition à un transfert, une commune doit disposer de suffisamment de temps pour échanger avec son EPCI.

À titre exceptionnel, du fait de la situation sanitaire, il pourrait être envisagé, en matière de PLUI, d’étudier la faisabilité d’un tel report. Françoise Gatel m’en a d’ailleurs déjà parlé il y a quelques jours. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

perspectives pour la nouvelle-calédonie

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Bas. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur la Nouvelle-Calédonie.

Le 4 octobre dernier, les Calédoniens ont de nouveau rejeté l’indépendance à l’occasion du second référendum ; il va y en avoir un troisième.

Le premier effet de ces référendums est de cristalliser les clivages entre les communautés et les provinces de Nouvelle-Calédonie, alors que, pendant ce temps, aucune perspective n’est ouverte.

Il me semble que le Gouvernement confond trop facilement impartialité et indifférence à l’avenir de ce territoire. Il ne s’engage pas. Il ne joue pas son rôle d’arbitre, ne contribue pas, avec les parties calédoniennes, à définir des perspectives allant au-delà de ces référendums à répétition. Avec les accords de Nouméa, nous avons connu une période de plus de vingt ans durant laquelle on pouvait construire. Que peut-on construire aujourd’hui, alors que chacun retient son souffle ?

La question que je veux vous poser, monsieur le Premier ministre, est la suivante : le Gouvernement va-t-il enfin s’engager à jouer pleinement son rôle pour fédérer les énergies calédoniennes, afin de définir un avenir qui dépasse l’échéance d’un éventuel prochain référendum inscrit dans la loi organique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le questeur Philippe Bas – je vous salue dans vos nouvelles fonctions –, je pourrais me contenter de vous indiquer que la réponse à votre question est clairement positive.

Je ne suis pas responsable des vingt dernières années, mais vous me permettrez de douter que les gouvernements précédents aient jamais renoncé à cette ambition, comme vous le sous-entendez. En tout état de cause, j’atteste devant vous que mon prédécesseur, Édouard Philippe, qui s’est pleinement engagé sur ce sujet, l’avait faite sienne. Croyez-le bien, je vais continuer dans cette voie.

Simplement, pour lever toute ambiguïté – parfois méchamment entretenue –, les accords de Matignon, puis de Nouméa, étaient parfaitement clairs : ils prévoyaient l’organisation de scrutins référendaires. On peut le regretter. Vous indiquez que ces scrutins, comme toute élection, peuvent diviser. Dont acte ! Ils représentent toutefois aussi l’expression de la voix démocratique ; on peut considérer qu’elle divise, mais il ne paraît pas souhaitable pour autant d’y renoncer.

Je rappelle que ces accords prévoyaient que, pour l’organisation de ces scrutins, l’État – ce sont mes prédécesseurs qui ont signé cette clause – s’engageait à une stricte neutralité, tant dans la campagne électorale que dans l’organisation du scrutin. C’était notre première mission dans ce deuxième référendum, et nous y avons veillé scrupuleusement.

D’ailleurs, de l’avis de tous, des électeurs, premiers intéressés, mais aussi des observateurs – partis politiques, pays voisins, ONU… – ou de la commission de contrôle ad hoc constituée, ce scrutin s’est déroulé dans des conditions démocratiques incontestables, avec un taux de participation de 86 % – cela fait rêver ! –, malgré la covid, qui a également touché ce territoire. Il faut nous en féliciter !

Pour la deuxième fois, les électeurs ont répondu non à l’indépendance, certes avec un score un peu plus serré que la fois précédente – très précisément, 53,26 % contre 46,74 % pour le oui –, mais le choix de rester dans la communauté nationale est clair et désormais réitéré.

Je le dis devant le Sénat : le Gouvernement accueille ce choix de nos compatriotes calédoniens, à plus de 16 000 kilomètres, comme une marque de confiance dans la République et comme un motif de fierté pour ce qu’elle représente.

Ce score est néanmoins serré, c’est tout à fait exact, et nous l’envisageons donc également avec beaucoup d’humilité. Le scrutin passé, et avec lui les obligations que celui-ci, au terme des accords, faisait peser sur l’État, nous allons bien entendu reprendre l’initiative.

Cela passe, comme toujours, par le respect de tous et de chacun, ainsi que par le dialogue. Dès cette semaine, à ma demande et en accord avec le Président de la République, le ministre chargé des outre-mer, Sébastien Lecornu, est parti pour le Caillou, où il va rester un certain temps, pour reprendre le fil du dialogue et examiner les voies du développement de la Nouvelle-Calédonie.

Ce n’est, vous le savez, qu’à partir d’avril prochain que le Congrès pourra réclamer officiellement l’organisation d’un troisième référendum. Au retour du ministre, je reprendrai moi-même l’initiative, puisque, comme cette assemblée n’est pas sans le savoir, depuis l’époque où Michel Rocard était Premier ministre, c’est l’hôtel Matignon qui a pour mission d’organiser les discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Nous le ferons sans tabou (M. Mathieu Darnaud sexclame.), en exposant bien les conséquences réelles de l’indépendance comme du maintien dans la République, ainsi les conditions concrètes de cette dernière issue, qui est, bien entendu, celle que nous souhaitons. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.

M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre, je ne suis pas convaincu que vous soyez actuellement porteur d’une vision d’avenir pour la Nouvelle-Calédonie qui dépasserait l’échéance d’un éventuel troisième référendum… (Sourires.)

M. Mathieu Darnaud. Ça, c’est sûr !

M. Philippe Bas. Ce butoir que nous avons face à nous n’est en effet pas la fin de l’Histoire, et il faut d’ores et déjà que l’État soit capable, comme le demande avec insistance notre collègue Pierre Frogier, que vous gagneriez à écouter davantage et qui est l’un des signataires des accords de Nouméa, de dessiner un avenir et d’ouvrir des perspectives.

M. Jean Castex, Premier ministre. On va le faire !

M. Philippe Bas. Vous ne pouvez pas rester simple spectateur à l’abri de la neutralité dont vous devez faire preuve dans le processus électoral. Vous êtes responsable, vous ne pouvez pas rester indifférent. Réunissez à Paris les Calédoniens et donnez-leur des perspectives ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

rapprochement entre veolia et suez (i)

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Serge Babary. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance. (« Il nest pas là ! » sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le groupe Veolia, leader mondial des services de gestion de l’eau, des déchets et de l’énergie, s’est lancé dans une opération agressive de rachat de son grand rival français, Suez. Après deux tentatives sans lendemain en 2006 et 2012, le groupe Engie a accepté de vendre à Veolia ses parts de Suez.

Cette initiative hostile interroge, d’abord parce que l’argument qui consiste à vanter la création d’un géant mondial est très relatif : réunies, les deux entreprises représenteront moins de 5 % du marché mondial. La France a deux grands groupes sur ce marché ; demain, elle n’en aura plus qu’un. L’opération pourrait s’apparenter davantage au dépeçage d’une entreprise qu’à l’addition de deux groupes.

Ensuite, le bénéfice en matière d’emplois d’une telle évolution est difficile à percevoir. Quel sort réservera Veolia aux 30 000 collaborateurs de Suez en France ? Si l’on regarde Alcatel Lucent, Lafarge Holcim ou General Electric Alstom, des promesses ont été faites, mais les synergies annoncées se sont traduites par des plans sociaux.

M. Bruno Retailleau. C’est vrai !

M. Serge Babary. Enfin, cette opération va limiter la saine et indispensable concurrence qui existe sur ces marchés au bénéfice des collectivités locales et des citoyens. Veolia et Suez sont deux acteurs importants en concurrence frontale, quoi de plus stimulant ? Ce secteur est connu pour présenter, déjà, des niveaux de concentration élevés. Est-il raisonnable d’aller plus loin ? Est-il raisonnable de faire intervenir un fonds de pension sur un marché où la vision stratégique à long terme est essentielle ?

Face à ces questions, qui concernent l’avenir d’une grande entreprise française et des milliers d’emplois, où est l’État ?

J’ai bien entendu M. Le Maire : il veut des garanties pour l’emploi. Mais comment compte-t-il faire pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets délétères sur l’emploi que dans les fusions précédemment évoquées ? Peut-il nous assurer que, contrairement à ce qu’on lit et entend parfois, l’État n’a pas, sur ce dossier, un double langage, hostile au rachat en apparence, mais facilitateur en coulisses ?

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Serge Babary. La question se pose, dès lors que l’on se souvient que le Premier ministre, le 3 septembre, s’est enthousiasmé pour ce rachat, évoquant un mariage qui « fait sens ».

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Serge Babary. Pourquoi un tel engagement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Babary, Veolia et Suez sont deux champions français du traitement des déchets et de la gestion de l’eau, présents partout dans le monde. Les Français connaissent bien ces deux entreprises et leur font confiance au quotidien.

Nous ne pouvons pas accepter que ces deux champions industriels français se livrent une guerre en plein cœur de l’une des crises économiques les plus graves qu’ait traversées le pays. Nous avions besoin, au contraire, que ces deux industriels prennent le temps de se parler et d’échanger sur un projet qui soit accepté par toutes les parties.

Pour être un succès pour Veolia et pour Suez comme pour leurs clients et leurs salariés, cette opération ne devait pas être réalisée en force et dans la précipitation. Le ministre Bruno Le Maire en a appelé au sens des responsabilités des deux parties et leur a demandé de prendre le temps.

L’État a fixé des conditions.

La pérennité de l’emploi, tout d’abord, alors que les salariés de Suez, notamment plus de 30 000 femmes et hommes employés en France, ont été en première ligne durant la crise pour garantir le bon fonctionnement des services publics essentiels, comme le traitement des déchets ou l’accès à l’eau.

La logique industrielle, ensuite, notamment en s’assurant que les acteurs susceptibles de reprendre les activités de Suez en France sont crédibles, robustes et engagés à long terme. Il n’est pas question que cette opération soit le prélude à une perte de souveraineté dans des secteurs sensibles et stratégiques.

La préservation d’une offre concurrentielle et de qualité pour remplir les missions essentielles qui relèvent de la compétence de ces entreprises est également soulignée, ainsi, enfin, que l’intérêt patrimonial de l’État, actionnaire d’Engie.

Tels sont les critères que Bruno Le Maire a posés d’emblée et qui ont guidé le choix de l’État au conseil d’administration d’Engie. Faute d’accord entre Suez et Veolia, l’État ne pouvait pas valider cette session, qui n’était pas acceptée par l’ensemble des parties prenantes, notamment par les salariés de Suez. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)