Mme Sophie Primas. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Pourtant, il y avait de quoi apprendre de l’absence d’anticipation de la première vague, caractérisée par l’absence de matériel – des masques aux respirateurs artificiels et aux lits de réanimation –, et de ce déconfinement dont beaucoup relèvent qu’il est un échec parce qu’il a été bâti sur trop peu de moyens – en tests, en système de traçage, en personnels – pour être mis en œuvre.

Nous entendons les appels à l’humilité : « Que feriez-vous à notre place ? » Cette épidémie touche l’Europe tout entière, plaidez-vous, comme l’a fait hier soir le chef de l’État, en oubliant que nous sommes malheureusement dans le groupe de tête des pays les plus touchés dans le monde. Vous oubliez aussi que l’ensemble de l’Europe a subi les conséquences des politiques d’austérité et de réduction de moyens.

Monsieur le Premier ministre, face à la violence de la nature, face à cette crise, oui, il faut être humble, mais il faut aussi s’ouvrir aux autres, écouter les propositions, admettre ses erreurs. C’est à ce moment-là que la démocratie est essentielle. Il n’y aura pas de sauveur suprême en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE – Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

La caricature de consultation du Parlement doit sonner comme une alerte forte, pour en finir avec un régime à la verticalité folle.

Nous vous demandons, de nouveau, de mettre en place un comité de suivi national de la crise, véritable comité de santé publique, pluraliste, aux réunions hebdomadaires, mobilisable jour et nuit, afin de permettre un véritable contrôle démocratique et une réelle participation de tous aux décisions.

Où en sommes-nous ? Une chose est certaine, la deuxième vague est si haute que la submersion de notre système hospitalier est envisagée.

Hier soir, le Président de la République a écarté d’un revers de main l’argument de la faiblesse de nos moyens en réanimation, de nos moyens hospitaliers, comme raison des difficultés actuelles.

Pourtant, si l’on écoute un instant les professionnels, cette situation de destruction de l’hôpital depuis des années est une évidence. Depuis vingt ans, notre système de santé, l’une des fiertés de notre pays, est saccagé par les politiques libérales successives. La fermeture des lits était considérée comme un baromètre pour juger de l’efficacité d’une politique. En vingt ans, 100 000 lits ont été fermés – ils existaient donc bien –, et avec eux tant de postes supprimés.

Emmanuel Macron n’a pas stoppé le mouvement : 4 800 lits furent fermés en 2018, 3 400 en 2019, et cela continue. Allez-vous, oui ou non, stopper cette évolution et réparer les dégâts ?

Les ravages du libéralisme ont touché toute la société, et leur description détaillée prendrait des heures. L’humanité est aujourd’hui en danger. La crise écologique masquait l’arrivée d’une soudaine crise sanitaire qui, elle aussi, ébranle le système, remettant profondément en cause le capitalisme mondialisé.

En mars dernier, le Président de la République avait semblé chanceler sur ses certitudes. Il avait eu des mots inhabituels : « rupture », « mettre à l’abri du marché ». Le « quoi qu’il en coûte » dominait le discours, bien loin de la course à la rentabilité et au profit, bien loin de ces dogmes de compétitivité et de concurrence qui font exploser notre société et contredisent fondamentalement ce concept profondément humain de solidarité.

Hier, quoi qu’il en dise, le Président de la République a placé l’économie devant l’humain. L’exercice est difficile.

Il est vrai qu’un équilibre doit être trouvé pour ne pas jeter dans la pauvreté des millions de personnes qui viendraient rejoindre les 10 millions qui se trouvent déjà, dans notre pays, sous le seuil de la pauvreté.

Mais nous n’avons pas entendu un mot – pas un mot, j’insiste ! – pour appeler ceux qui possèdent les richesses dans notre pays à participer réellement à l’effort de solidarité nationale.

Il n’y a pas de doute à avoir aujourd’hui : la priorité, c’est sauver des vies.

Oui, monsieur le Premier ministre, c’est vrai : ralentir considérablement l’économie a un coût, mais ce n’est ni aux salariés ni aux plus pauvres d’en subir les conséquences, y compris par leur mise en danger.

Nous regrettons qu’aucune mesure fiscale de solidarité ne soit imposée aux bénéficiaires de dividendes, dont le montant a explosé, y compris pendant la crise.

Nous regrettons qu’aucune mesure radicale ne soit prise pour faire participer les géants du numérique, comme Amazon, qui accumulent des profits prodigieux sur le dos de la crise et du malheur des hommes. Il faut aujourd’hui « changer de logiciel ».

Alors, nous serons responsables, comme notre peuple qui, contrairement à ce que d’aucuns ont dit, n’a pas fait preuve de légèreté. Nous serons mobilisés contre l’épidémie. Mais nous demandons au Président de la République d’être responsable démocratiquement, de cesser son exercice solitaire du pouvoir.

La responsabilité aujourd’hui, c’est accepter la démocratie, agir ensemble pour frapper ensemble cette épidémie.

La responsabilité, c’est la mise en service des richesses de notre pays au service du bien commun.

La responsabilité, c’est l’humain d’abord.

Ce qui nous est demandé aujourd’hui par notre vote, ce n’est pas d’être pour ou contre le confinement. En réalité, ce que vous nous demandez, monsieur le Premier ministre, c’est de vous accorder la confiance. Notre vote négatif mûrement réfléchi est donc un vote d’opposition à vos choix politiques et à la méthode utilisée pour les imposer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la première fois depuis 2017, nombre de sénateurs centristes vont exprimer leur opposition à une déclaration du Gouvernement au titre de l’article 50-1 de la Constitution. (M. Vincent Segouin applaudit.) Nous vous en devons l’explication, monsieur le Premier ministre, à vous ainsi qu’à nos concitoyens. La gravité de la situation impose un discours de franchise.

Notre explication est double.

Premièrement, l’exécutif ne peut pas attraire à lui tous les pouvoirs. La France est une démocratie parlementaire. En application de l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » L’hyperprésidentialisation de nos institutions va trop loin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Deuxièmement, toute décision politique s’analyse à l’aune d’un bilan avantages-inconvénients. Nous ne sommes pas convaincus que ce bilan ait été fait, surtout au regard des effets de long terme du reconfinement. Il va être une catastrophe pour nombre de nos concitoyens, entraîner beaucoup de souffrances individuelles et collectives et de larges déchirures du tissu social. Aucun pays ne sort indemne d’une paupérisation. Le « quoi qu’il en coûte » illimité n’existe pas.

Avant de développer ces deux idées, les sénateurs centristes voudraient vous exprimer leur compréhension de la difficulté de la tâche des gouvernants : nulle leçon de notre part, aucune recherche de responsabilité ; nous partageons une humilité de bon aloi.

Nous exprimons notre gratitude au corps médical, à nouveau soumis à une terrible épreuve qui va durer.

Nous savons que la situation est préoccupante, mais nous savons aussi que le monde a déjà affronté des pandémies, que paradoxalement le taux de mortalité reste stable, que la maladie est peut-être parmi nous pour longtemps et qu’il faut en toute chose raison garder.

Que nous dit la raison ? La raison, pas simplement l’émotion. Et je reviens à nos deux sujets.

Tout d’abord, l’ordre normal des choses voudrait que l’exécutif propose, et que le Parlement débatte puis légifère. Nous entendons l’argument de l’urgence, mais vous faisons observer que des mesures antiterroristes à la sortie de la crise des « gilets jaunes », de l’état d’urgence de ce printemps en passant par les lois de finances rectificatives, le Parlement n’a jamais manqué à son devoir dans les délais les plus brefs et sait prendre ses responsabilités.

Or que constatons-nous ? Les décisions ont été annoncées par le Président de la République hier. Nous sommes réunis a posteriori pour voter, alors que les décisions sont déjà prises et alors que l’on nous dit que notre vote n’aura aucune incidence.

M. Philippe Bonnecarrère. Cet abaissement du Parlement est une mauvaise manière, peut-être à notre égard, ce qui est secondaire, mais surtout à l’égard de la démocratie. L’exécutif – vous-même, monsieur le Premier ministre – en est la deuxième victime en s’exposant seul à la défiance, et nos concitoyens sont privés de tout dialogue et de toute appréciation des mesures à prendre. Dans cette crise, ils sont des sujets, et non des acteurs.

Plus les restrictions sont majeures – le reconfinement est une restriction majeure –, plus le contrôle du Parlement devrait être strict. Vous faites l’inverse. Plus la décision à prendre est lourde, plus elle doit être partagée. Vous faites toujours l’inverse.

Nous en arrivons même à ce que les conseils de défense remplacent les conseils des ministres. (Marques détonnement au banc du Gouvernement.) Comment exprimer plus nettement la concentration des pouvoirs ?

Notre Constitution est certes présidentielle, mais elle repose sur un équilibre des pouvoirs et, derrière, se profile toute la question des libertés publiques.

M. Philippe Bonnecarrère. Pour le groupe centriste, cet équilibre des pouvoirs est essentiel. L’exécutif, au mieux, l’oublie. Nous ne nous y résignons pas !

Ensuite, au-delà des considérations institutionnelles, le reconfinement est une mesure très brutale. La question essentielle est de savoir si la résilience de notre pays est suffisante pour y résister. Ne nous y trompons pas : elle a diminué depuis le mois de mars dernier.

Nos concitoyens sont psychologiquement usés, les entrepreneurs sont dans la détresse, la précarité se diffuse. Le terrorisme – j’y reviendrai plus loin – a frappé très durement, encore ce matin. Les « bruits de bottes » sont multiples à travers le monde, parfois même en Méditerranée orientale. Notre pays a déjà perdu 7 % à 8 % de son PIB, nos déficits et notre endettement ont filé à des vitesses sidérantes.

Monsieur le Premier ministre, notre nation a besoin de toutes ses forces. À notre sens, vous surestimez la résistance de notre pays, tandis que vous sous-estimez les multiples défis de l’instant présent.

Nous préférons un appel « à se retrousser les manches » ou « à faire bloc collectivement en tant que nation » plutôt qu’à « rester au maximum chez soi ». Nous nous méfions de la pression du court terme, des images et des propos qui tournent en boucle et suscitent émotion comme culpabilisation.

Où sont les études d’impact du reconfinement ? Certainement pas dans le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, qui n’en dit pas un mot.

Quel est le bilan coûts-avantages des différents scénarios que vous devriez nous présenter, mettre en perspective ?

Êtes-vous certain que nous n’aurions pas réussi à freiner suffisamment l’épidémie autrement ? Par un couvre-feu élargi et aménagé, auquel on laisserait le temps de produire ses effets ? Par le « tester, alerter, isoler » et le déploiement des nouveaux tests ? Avons-nous tout fait sur les gestes barrières qui sont normalement de nature à nous protéger mutuellement ? Sommes-nous allés au bout de toutes les mesures ciblées, comme le fait au même moment l’Allemagne ?

Le Président de la République répond par la négative, mais il ne nous apporte pas de démonstration.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, c’est une grande responsabilité de savoir si l’on a tout fait pour protéger. C’est aussi une responsabilité de déterminer si l’on a ou non imposé à notre pays une charge trop lourde, qui l’affaiblira dans la durée.

Regardons les choses avec les yeux de nos concitoyens.

Sur le plan sanitaire, quel sera l’impact sur notre système de soins d’un appauvrissement durable du pays ? Quel sera l’impact sur l’espérance de vie dans cinq ans, dans dix ans ? Où trouverons-nous les moyens pour financer la recherche, les politiques de prévention, les achats de matériels et de molécules dans les années à venir ? Quel sera l’impact dès demain des opérations à nouveau déprogrammées ? Des examens de dépistage non réalisés ?

Nous n’entendons que les urgentistes, les réanimateurs et les épidémiologistes. Où sont les cancérologues, les cardiologues, les psychiatres ? Que pensent-ils des mois et des années à venir ?

Sur le plan social et psychologique, comment quantifiez-vous le chômage issu de la mise à l’arrêt de pans entiers de l’économie ? Comment mesurez-vous l’angoisse qui va étreindre des millions de personnes précarisées ou isolées ? Combien de commerçants ou d’entrepreneurs vont perdre le fruit de leur travail ?

Sur le plan éducatif, comment estimez-vous les dommages pour nos enfants et nos étudiants ?

Sur le plan économique, combien d’entreprises ne se relèveront pas ou seront durablement fragilisées ? Combien seront dépassées par leurs concurrentes asiatiques ? Le Président de la République nous dit que les entreprises vont pouvoir continuer à travailler, mais pour cela elles ont besoin de clients, de marchés. Tout est interdépendant ! Sans clients, il n’y a plus d’activité.

Sur le plan budgétaire, comment financerons-nous le « quoi qu’il en coûte » ? L’argent magique, y compris européen, n’existe pas.

Monsieur le Premier ministre, nous avons le sentiment que les décisions sont prises sans tenir suffisamment compte de la globalité de leur impact à l’instant t et de leurs effets à long terme. Nous avons le sentiment curieux d’une société qui aurait perdu le sens du long terme.

Vous avez entendu nos réserves. Nous voulons tout autant que vous l’unité nationale. Nous n’oublions jamais son exigence dans la difficulté. Les difficultés sont là. Notre pays est assailli par le terrorisme, attaqué à l’extérieur pour ses valeurs ; le Président de la République est vilipendé et menacé.

Cette unité est cruciale pour lutter contre la maladie, pour lutter contre le terrorisme et pour sauver notre économie. Elle existe clairement face au terrorisme.

Le Président de la République a dit hier soir qu’il ne fallait pas opposer santé et économie. Nous avons cependant la conviction que vos options y conduisent. Nous vous demandons de faire évoluer les mesures contre la maladie pour sauvegarder notre économie, qui, je le souligne de nouveau, est également le pilier de notre santé future. Laissez leurs chances à nos entreprises, à nos commerces. N’attendez pas quinze jours ou encore moins un mois !

Ainsi, pour certains d’entre nous, le vote favorable traduira la volonté de partager les responsabilités. Pour ceux qui vont voter contre, entendez, monsieur le Premier ministre, qu’il s’agit d’une alerte solennelle pour revenir à un fonctionnement équilibré de nos institutions et donner toute sa réalité à l’unité nationale ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous dire que votre vote n’est pas secondaire, qu’il ne l’est jamais. (M. Jean-Claude Tissot proteste.) Comme tout vote, il est surtout et d’abord un vote de clarification et de prise de responsabilité devant la Nation, comme l’a fait, du reste, l’Assemblée nationale ce matin. Je remercie celles et ceux d’entre vous qui sauront prendre leurs responsabilités. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu au cours des différentes interventions – permettez-moi de le dire – quelques approximations et des touches de démagogie que les circonstances présentes ne me paraissent pas autoriser. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

J’aime beaucoup entendre invoquer l’autorité du conseil scientifique et des scientifiques. Que n’entend-on à ce sujet ? Parfois, nous serions les jouets du conseil scientifique : c’est lui qui ferait la politique de la France…

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas faux !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mais, quand cela vous arrange, voilà que l’on nous reproche de ne pas suivre ses préconisations. Où se situe la vérité ?

Quand on invoque le conseil scientifique, encore faut-il le faire avec justesse ! Plusieurs orateurs ont cité certains de ses avis ou certaines mises en garde qu’il a effectivement formulés. Je suis parfaitement à l’aise quant aux mesures que nous avons prises, notamment à la suite de l’avis qu’il a rendu au mois de juillet. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Vincent Segouin. On voit le résultat !

M. Jean Castex, Premier ministre. On me dit aussi – je crois que c’est le président Retailleau – et l’on ne cite, évidemment, qu’une partie de mes propos : « Vous êtes intervenu, monsieur le Premier ministre, le 11 septembre, et vous avez ramené la quatorzaine à la septaine ».

Mme Sophie Primas. C’est pourtant vrai !

M. Jean Castex, Premier ministre. Oui, bien sûr que c’est vrai. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Depuis lors, la plupart des pays se sont ralliés à cette mesure que j’ai prise précisément sur les recommandations des scientifiques et des médecins.

Monsieur le président Retailleau, ce 11 septembre, je déclarais aussi, et vous ne m’en voudrez pas de me citer (Sourires.) : « La période estivale a été marquée par une forme de relâchement que l’on peut probablement expliquer après les longues semaines de confinement du printemps dernier. La rentrée est là. Nous devons impérativement respecter les règles de distanciation physique, nous laver régulièrement les mains, porter le masque. » Quant à cette dernière préconisation, je l’avais rendue obligatoire, dès le mois de juillet, par trois décrets, dans l’espace public, dans les commerces et dans les entreprises, puisqu’il faut le rappeler. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce même jour, mesdames, messieurs les sénateurs, j’annonçais que, compte tenu de la dégradation particulièrement visible dans deux métropoles, Bordeaux et Marseille, les préfets seraient invités à prendre des mesures, après concertation avec les élus locaux. Parmi celles-ci, le 14 septembre, il y a eu pour la première fois la fermeture des bars et restaurants. Que n’ai-je entendu à l’époque ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Que nous en faisions trop ? Ou que nous n’en faisions pas assez ? Les mêmes qui, aujourd’hui, me disent : « Vous êtes en retard, monsieur le chef du Gouvernement ! »…

M. Jean Castex, Premier ministre. … me disaient à l’époque : « Vous y allez trop fort ! Vous nous privez des libertés publiques ! » Telle est la vérité.

Mme Cécile Cukierman. C’est à cause de l’absence de concertation !

M. Jean Castex, Premier ministre. J’entends aussi certains dire et redire : « Vous n’avez pas créé de lits. » Or vous savez parfaitement, toutes et tous ici, que sans personnel qualifié les lits ne servent à rien. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.) Contrairement à ce que j’ai entendu, nous avons mobilisé en six mois le maximum de ressources possible dans un cadre très contraint. À la seule Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le taux de vacance des personnels paramédicaux a diminué de moitié.

Cette situation résulte d’années de progression insuffisante de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) : nous devrions l’admettre avec modestie ! Ce Gouvernement a su prendre des décisions dans le cadre du Ségur de la santé (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE.) et vous aurez à en débattre lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021.

Mme Cécile Cukierman. On ferme les urgences !

M. Jean Castex, Premier ministre. Il a mis en place des mesures structurelles pour rendre à nouveau attractifs les métiers de l’hôpital et pour investir dans notre système de santé.

Le plan de relance, qui vous sera soumis dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, comprend des reprises de dette hospitalière et des investissements pour l’hôpital. Je ne doute pas que le Sénat votera ces mesures, et je prends à témoin son président, que je sais être profondément et historiquement attaché à l’hôpital.

J’ai entendu aussi des reproches : « Vous allez fermer des commerces, des bars, des restaurants ! » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Les commerces de proximité !

M. Jean Castex, Premier ministre. La décision a effectivement été très douloureuse à prendre, très difficile… (Mêmes mouvements.)

Mme Sophie Primas. Alors, pourquoi ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la seule voie possible si vous souhaitez comme nous que ce confinement soit efficace, et vous avez toutes et tous dit que c’était ce que vous vouliez.

Nous avons amélioré ce confinement par rapport à celui du printemps dernier, en faisant en sorte, différence majeure, que les établissements scolaires continuent de fonctionner. Nous l’avons amélioré en faisant en sorte que l’activité économique en pâtisse moins, car l’un d’entre vous l’a dit à fort juste titre : la crise économique et sociale dans laquelle nous sommes déjà plongés aura des effets tout aussi ravageurs que la crise sanitaire.

M. Loïc Hervé. Voire plus graves !

M. Jean Castex, Premier ministre. Le Gouvernement le sait et a adopté des mesures correctrices et d’accompagnement dont vous avez bien voulu reconnaître la pertinence.

Pour autant, si en plus d’autoriser les gens à sortir de chez eux pour aller travailler, pour emmener leurs enfants à l’école et dans les établissements scolaires, nous les autorisions aussi à sortir pour aller faire toutes leurs courses en dehors de celles des produits de première nécessité,…

Mme Catherine Belrhiti. Laissez vivre les petits commerces !

M. Jean Castex, Premier ministre. … alors, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y aurait plus de vrai confinement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Non, il n’y en aurait plus !

Mme Cécile Cukierman. C’est encore la grande distribution qui va s’en tirer !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je veux aussi vous rappeler, mais je sais bien que vous le savez, car vos objectifs sont ailleurs (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.), que tous les pays qui nous entourent prennent les mêmes mesures que nous. Je ne manquerai pas de faire part à leurs dirigeants de vos utiles recommandations. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le président, dans la chambre des sages, dans l’assemblée des territoires auxquels je suis tant attaché, je voudrais en conclusion surtout retenir, si vous me le permettez, l’intervention du président Malhuret. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Huées sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

Vote sur la déclaration du Gouvernement

M. le président. À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.

Conformément à l’article 39, alinéa 6, de notre règlement, il va donc être procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement ; aucune explication de vote n’est admise.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 10 :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour l’adoption 130
Contre 178

Le Sénat n’a pas approuvé la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)