M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey, rapporteur spécial, applaudit également.)

M. Didier Mandelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances est chaque année un rendez-vous déterminant pour les parlementaires, puisqu’il doit traduire la direction que nous souhaitons donner à notre pays.

Cette année, pourtant, ne ressemble à aucune autre, puisque notre pays traverse une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent.

Les rapporteurs pour avis et les orateurs qui m’ont précédé ont pu aborder l’essentiel des sujets, avec force observations et remarques ; aussi m’arrêterai-je, dans ce contexte inédit, sur quelques points seulement.

Le plan de relance souhaité par le Gouvernement pour faire face à cette crise permet à la mission « Écologie, développement et mobilités durables » de voir ses crédits augmenter, contrairement aux années précédentes. Néanmoins, comme l’a signalé notre collègue Christine Lavarde, à périmètre constant et sans inclure les transports, les crédits de la mission diminuent en réalité de 6 %, soit de plus de 500 millions d’euros.

Le secteur des transports, très sévèrement touché, a enregistré des pertes colossales.

Concernant l’aérien, les compagnies aériennes françaises, déjà fragilisées avant la crise, pourraient enregistrer 4 milliards d’euros de pertes en 2020.

Dans cette conjoncture exceptionnellement difficile, les recettes de la direction générale de l’aviation civile (DGAC), exclusivement financée par le transport aérien, devraient s’effondrer de 80 % en 2020. L’endettement de la DGAC serait susceptible de progresser de 1,4 milliard d’euros en 2020, pour atteindre l’encours sans précédent de 2,1 milliards d’euros, contre un maximum historique de 1,3 milliard d’euros atteint en 2014 – c’est dire…

Les pertes ont été de 4,9 milliards d’euros pour la SNCF et de 4 milliards d’euros pour les autorités organisatrices de la mobilité, dont 2,6 milliards pour Île-de-France Mobilités ; elles ne sont évidemment pas entièrement compensées.

Le plan de relance soutiendra très largement le secteur ferroviaire ; je m’en réjouis, même si un effort supplémentaire serait nécessaire sur les petites lignes, comme l’a précisé notre collègue Philippe Tabarot.

Comme nous l’avions déjà affirmé lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités, il est aujourd’hui plus que jamais indispensable de sécuriser en le « sanctuarisant » – c’est le mot que nous avions utilisé à l’époque – le budget de l’Afitf, mis à mal par le manque à gagner en matière de recettes concernant la taxe sur le transport aérien, la taxe d’aménagement du territoire et le produit des amendes radar, les pertes afférentes étant respectivement estimées à 230 millions, 90 millions et 180 millions d’euros, soit 500 millions d’euros au total.

Pour ce qui est des transports publics, il sera nécessaire de s’interroger sur les conséquences à moyen terme de cet épisode sur les comportements des voyageurs.

Comme je l’ai indiqué lors du récent débat sur la filière hydrogène, madame la secrétaire d’État, je ne peux que saluer l’engagement contenu dans le plan de relance sur ce sujet essentiel, créateur d’emplois et qui nous permettra, sans négliger aucune piste ou technologie, d’atteindre le zéro dépendance aux énergies fossiles – c’est là notre vœu le plus cher.

Enfin, concernant la filière automobile, grandement fragilisée par cette crise, le Sénat a voté un amendement de notre collègue rapporteur général Jean-François Husson permettant d’étaler la hausse du malus sur cinq ans. Cette mesure nous semble pertinente, car elle permet de laisser tant aux industriels qu’aux ménages le temps d’intégrer pleinement ces enjeux.

Si cette année est particulière, c’est aussi parce que la France a connu, hélas ! une nouvelle tragédie en matière de catastrophe naturelle : la tempête Alex a meurtri le département des Alpes-Maritimes.

Nous nous sommes élevés contre le fait que les gouvernements successifs, depuis plusieurs années, prélèvent des dizaines de millions d’euros sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs et le plafonnent alors même que les besoins sont croissants. Les amendements que nous déposions sur ce sujet recevaient chaque année un avis défavorable du gouvernement en place.

Pour rappel, le fonds Barnier a été prélevé de 55 millions d’euros en 2016 et de 70 millions d’euros en 2017. Lors de l’examen de la loi de finances pour 2018, le Gouvernement a décidé de plafonner ce fonds à hauteur de 137 millions d’euros, alors que les recettes, issues des cotisations des assurés – particuliers, entreprises, collectivités –, sont largement supérieures à 200 millions d’euros.

J’étais intervenu, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2018, pour rétablir les moyens de ce fonds Barnier. La loi de finances pour 2019 avait acté une nouvelle diminution de 20 millions d’euros du montant des dépenses autorisées pouvant être consacrées par les collectivités territoriales au financement des études et des travaux de prévention. Là encore, nous avions été nombreux, sur ces travées, à dénoncer cette ponction.

Il aura fallu une nouvelle catastrophe pour que le Gouvernement réagisse en proposant une rebudgétisation du fonds Barnier, avec un déplafonnement et une augmentation de ses moyens, le montant des crédits qui lui sont alloués étant porté à 205 millions d’euros.

Je salue cette décision, qui va dans le bon sens – nous la souhaitions depuis longtemps –, mais je tiens à souligner qu’elle ne fait en réalité que rétablir la situation au niveau des cotisations versées : les recettes existaient.

J’y insiste, comme je le fais chaque année en tant que sénateur d’un département qui a connu la tempête Xynthia et sa cohorte de décès et de drames : il est indispensable d’adopter une véritable politique de prévention – j’irai même jusqu’à parler de « culture de la prévention », à l’image de ce qui existe dans d’autres pays comme les Pays-Bas – s’inscrivant, comme son nom l’indique, dans l’anticipation plutôt que dans la réaction face aux événements climatiques, qui sont toujours plus fréquents et toujours plus intenses.

Le groupe Les Républicains suivra l’avis des rapporteurs et votera les crédits de cette mission ; la situation l’exige, pour nos concitoyens, pour notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mardi dernier, le Président de la République a répété que la crise climatique était l’un des grands défis auxquels doit faire face notre génération.

Vu le montant des crédits de ce projet de loi de finances inscrits en faveur de la transition écologique, le Gouvernement semble l’avoir bien compris.

Je regrette cependant que les efforts financiers consentis pour œuvrer à cette transition soient bien plus apparents dans la mission « Plan de relance » que dans celle que nous examinons aujourd’hui.

En effet, à périmètre constant, la comparaison avec la loi de finances pour 2020 permet de remarquer que la croissance des crédits n’est que de 2 % cette année. C’est bien peu au regard des efforts à fournir pour atteindre les objectifs fixés dans la loi relative à l’énergie et au climat.

Ainsi, le dispositif MaPrimeRénov’ est censé monter en puissance pour 2021, puisque le plan de relance ouvre la prime à de nouveaux publics ; une telle ouverture me paraît cohérente avec la nécessité de massifier la rénovation des bâtiments, le secteur du bâtiment représentant un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre.

Je note néanmoins que l’objectif de financer 502 000 primes avec les 1 665 millions d’euros alloués au dispositif dans ce PLF aboutira mécaniquement, s’il est atteint, à diminuer le montant moyen de la prime de 500 euros, ce que je désapprouve.

Je me permets par ailleurs de relever que le succès de ce dispositif sera étroitement lié aux modalités de sa mise en œuvre. Il conviendra que l’ANAH assure un traitement fluide des demandes afin d’éviter des retards dans les paiements, et ce malgré l’élargissement de MaPrimeRénov’, qui devrait provoquer un afflux de demandes. La hausse des effectifs de l’Agence est donc un point positif, en espérant qu’elle soit suffisante.

Quant aux crédits alloués au chèque énergie, ils diminuent afin de tenir compte de son taux de consommation réel, car 20 % de ceux qui y ont droit n’y recourent pas.

Je déplore cette décision qui, à mon sens, ne tient compte ni des perturbations dues à la crise sanitaire ni de la hausse du nombre de bénéficiaires du chèque énergie, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) ouvrant son bénéfice à l’ensemble des résidents de structures médicosociales non conventionnées.

J’avais évoqué cette piste l’année dernière afin de faire diminuer le taux de non-recours ; je me réjouis donc de cette concrétisation. Mais, dans un tel contexte, cette baisse de financement ne manque pas de nous interroger.

Je souhaite aussi attirer votre attention sur les crédits attribués au médiateur national de l’énergie : ils n’augmentent que marginalement tandis que le nombre de litiges concernant la protection du consommateur continue de croître significativement – 23 000, déjà, en 2020. Vous conviendrez que cela n’est pas satisfaisant.

Par ailleurs, j’évoquerai le compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », dit « FACÉ », qui vise à soutenir les collectivités territoriales dans les domaines de la distribution d’électricité et de la transition énergétique.

Le maintien de son enveloppe à 360 millions d’euros est un minimum, alors qu’il risque d’être davantage sollicité pour sécuriser les réseaux électriques face aux incidents climatiques.

Dès lors, les 50 millions d’euros versés sur deux ans au FACÉ au titre du plan de relance seront essentiels, et je souhaiterais que cette enveloppe soit pérennisée au-delà de 2022.

Au chapitre, toujours, de l’accompagnement des collectivités en matière de transition écologique, notre groupe a déposé un amendement visant à augmenter les crédits de l’Ademe, car les moyens, là non plus, ne sont pas au rendez-vous.

Néanmoins, en dépit de ces points d’alerte, l’examen des crédits de cette mission révèle l’attention que porte le Gouvernement à la transition écologique et énergétique.

C’est pourquoi je voterai en faveur de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous devons réussir la transition énergétique. Nous sommes aujourd’hui confrontés à la menace d’une catastrophe irréversible : celle du réchauffement climatique et de ses conséquences, la fonte du pergélisol, la fréquence accrue des tempêtes et des inondations, la disparition des espèces. Notre exemplarité nationale doit être sans faille. Nous le devons à nos enfants, à nos petits-enfants et à tous ceux qui après nous viendront.

La semaine dernière, le Conseil d’État donnait trois mois à votre gouvernement pour prouver qu’il serait en mesure de respecter son engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Cette décision, qui fait suite à une saisine pour inaction climatique, est une première. Elle nous rappelle tristement que, si nous nous sommes fixé des objectifs, nous n’avons pas emprunté la bonne trajectoire pour les atteindre dans les délais impartis. Une nouvelle fois, les mesures prises ne sont ni à la hauteur des enjeux ni à celle des ambitions affichées.

La crise écologique que nous traversons est fortement liée à nos décisions en termes d’énergie, de mobilité, de rénovation thermique. Malheureusement, le budget de l’État pour 2021 n’est pas en mesure de créer les conditions d’une véritable transition énergétique. Les efforts financiers auxquels vous consentez dans le plan de relance sont en réalité en trompe-l’œil. Au regard de l’urgence, ce budget est insuffisant.

Pour ce qui est des transports et du ferroviaire, levier essentiel pour répondre aux défis écologiques, le compte n’y est pas. C’est pourtant sur ce terrain que nous pouvons remporter des succès en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre et d’amélioration de la qualité de l’air. L’insuffisant soutien au ferroviaire, au fret et au transport fluvial est d’ores et déjà lourd de conséquences. Le transfert à la carte des petites lignes est emblématique du contournement d’un Parlement qui a été insuffisamment informé lors de l’examen de la LOM. Nous en payons aujourd’hui les conséquences, car les petites lignes sont garantes de la survie de nos territoires.

Nous n’avons pas non plus de véritable plan de mobilité décarbonée cohérent ni d’alternative au tout-routier polluant ; en atteste notamment votre refus de taxer les SUV, pourtant lourdement émetteurs de gaz à effet de serre. L’électrification rapide du parc automobile est un impératif.

Certes, nous ne pouvons que soutenir le plan consacré à l’hydrogène vert. Et pourtant, force est de constater que nous investissons moins, en la matière, que certains de nos partenaires européens comme l’Allemagne, alors même que nous possédons un fleuron de l’industrie aéronautique, Airbus, qui compte d’ores et déjà se lancer dans l’avion vert. Le problème de l’approvisionnement en hydrogène vert est posé d’entrée de jeu ; le défi est de créer les infrastructures permettant une production plurielle pour des usages locaux.

Quant à la rénovation énergétique, enjeu à la fois social et climatique de premier plan, les travaux de rénovation des passoires thermiques à venir s’annoncent colossaux, sachant que la France figure parmi les plus mauvais élèves de l’Union européenne, comme nous le rappelle le Haut Conseil pour le climat.

Je tiens à souligner que l’objectif des 500 000 rénovations par an est non seulement insuffisant, mais, au rythme actuel, extrêmement loin d’être atteint. À la vérité, il en faudrait 750 000 pour faire disparaître en dix ans les passoires thermiques, ce qui serait un délai ma foi raisonnable.

Par ailleurs, le montant du chèque énergie ne répond pas à la violence de la crise sanitaire que nous traversons : 5,5 millions de ménages sont aujourd’hui bénéficiaires d’aides pour un montant qui, variant de 48 à 277 euros, n’est pas à même de remédier à la précarité énergétique – vous en conviendrez.

Enfin, pour ce qui concerne les énergies renouvelables, aucun moyen supplémentaire, par rapport aux objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie, n’est mobilisé pour accélérer leur développement. Et pourtant, le développement des énergies renouvelables est plus qu’indispensable pour produire le fameux hydrogène vert dont je viens de parler et pour pallier un tant soit peu la fermeture progressive du parc nucléaire.

Je conclurai cette intervention en évoquant les territoires impactés par la fermeture des centrales à charbon et de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Les mesures prises pour accompagner ces territoires en transition sont largement en deçà du devoir social et territorial qui est le nôtre, celui de créer les conditions d’une véritable reconversion.

Il est temps, mes chers collègues, de faire de la question de l’énergie une véritable priorité. Ce changement implique des décisions radicales et un budget ambitieux qui ne nous est pas proposé aujourd’hui.

Vous l’aurez compris : nous ne voterons pas ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République nous l’a rappelé : notre génération a à vaincre cette épidémie et à affronter le terrorisme, la crise climatique et celle des inégalités.

La tâche est immense, et la responsabilité qui est la nôtre aujourd’hui, devant le pays, est de nous porter à la hauteur de cette époque bouleversée. Nous devons inventer un nouveau chemin, ne sombrer ni dans le déclinisme ni dans la résignation, regarder la réalité en face, faire bloc autour de ce qui nous rassemble et nous unit et, chacun dans son existence, chacun dans son mandat, penser à l’avenir du pays, à la démocratie comme elle va, à la terre et au monde que nous allons léguer à nos enfants et petits-enfants.

Agir avec détermination, sans hésitation, dessiner un nouveau modèle, sans doute plus sobre, plus solidaire, plus souverain, plus soutenable, c’est précisément ce que ce projet de budget doit nous permettre de faire. Il est temps – le temps de la cohérence et du redressement – de nous donner concrètement les moyens de nos ambitions, afin de faire face à toutes les crises que traverse notre pays, crise sanitaire, crise économique, crise sociale, crise écologique.

Le budget que nous présentons ce matin y pourvoit. C’est un budget de protection des Français, un budget pour l’avenir, un budget de combat, l’écologie au cœur.

Cette écologie que nous portons, mesdames, messieurs les sénateurs, a enfin dépassé les portes du ministère du même nom. Aujourd’hui – on l’a vu avec la mission « Plan de relance » –, elle irrigue tous les volets du budget français.

Vous le savez également : pour la toute première fois au monde, chaque dépense, chaque recette, est évaluée en fonction de son impact écologique. C’est ce « budget vert » qui nous donne aujourd’hui une photographie de notre déficit écologique et qui constitue un moyen de transformation extrêmement profond dans la conception même de l’action publique. C’est une révolution qui fera date et contribuera sans doute largement à garder notre pays sur la voie d’un avenir plus vert.

Être à la hauteur des crises de notre époque, c’est donc toute l’ambition de ce budget. Vous connaissez nos objectifs : faire de la France un pays neutre en carbone, respectueux de la biodiversité, faire de la France un pays qui protège la nature au lieu de la détruire, qui s’appuie sur les immenses atouts de nos territoires, faire de la France un pays résilient face au changement climatique.

Construire cette France-là, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est à la fois un marathon et un sprint : un marathon pour transformer le pays – production, logement, déplacements, consommation, tous les pans de nos existences sont concernés, dans un temps, celui de l’urgence, qui n’est pas toujours le temps politique – et un sprint, car chaque minute compte : extinction de masse, pollution de l’air, ce ne sont pas là seulement des mots dans des discours ni de bonnes feuilles dans la presse ; c’est une espèce qui s’éteint toutes les vingt minutes, ce sont 40 000 décès prématurés chaque année à cause de la mauvaise qualité de l’air. On parle bien, ici, d’hommes et de femmes, de Français et de Françaises, qui, chaque jour, souffrent de ces dérèglements climatiques et de ces perturbations de la biodiversité.

Pour mener cette bataille en leur nom, le Gouvernement et le ministère de la transition écologique sont évidemment mobilisés, au front, avec des moyens renforcés. Ils s’élèvent, pour l’année prochaine, à 48,6 milliards d’euros – c’est historique, et c’était tout à fait nécessaire. Ces moyens doivent nous permettre d’accélérer le combat. Nous pensons par exemple au déploiement des énergies renouvelables, dont le budget est en hausse de 25 %. Nous pensons aussi et surtout à ce qui est peut-être la première responsabilité des décideurs publics, celle de protéger : protéger nos concitoyens, nos territoires, notre pays.

Les grandes menaces de ce siècle que sont le changement climatique et l’érosion de la biodiversité sont aujourd’hui au cœur des attentes et des besoins de nos concitoyens. Cette crise que nous traversons, celle de la covid-19, nous a brutalement placés face à l’impact de ces perturbations de la biodiversité, qui peuvent créer ce genre de zoonoses, de pandémies.

Ceux qui étaient encore les plus rétifs ou les plus indécis sur la nécessité d’agir pour nous prémunir contre ces dérèglements doivent bien désormais regarder en face ces réalités qui sont à la fois sanitaires, sociales et économiques ; elles sont telles qu’elles ne nous permettent plus d’ignorer le besoin d’action.

Nous en voyons donc les premières conséquences. En outre-mer, les tempêtes sont de plus en plus fréquentes et dures, de même qu’en métropole, avec des événements plus extrêmes, plus intenses : inondations, sécheresses structurelles, canicules sont devenues presque habituelles. En matière de catastrophe écologique, il n’y a malheureusement pas de vaccin. Notre seule ressource est la volonté politique et une nécessaire lucidité.

Être lucide, je le dis ici, devant la chambre des territoires, c’est anticiper : anticiper pour l’avenir des territoires et de leurs habitants, anticiper pour construire dès maintenant cette résilience et anticiper pour protéger. Ce budget doit nous en donner les moyens, avec des crédits alloués à la prévention des risques naturels majeurs en très forte hausse, à hauteur de plus de 55 %.

Grâce à ces nouveaux moyens, l’État va pouvoir apporter davantage de soutien aux élus, aux territoires, aux riverains sinistrés, aux citoyens inquiets ; il pourra être à leurs côtés pour reconstruire quand il le faut et surtout pour mener des actions de prévention. Il est essentiel de construire les territoires du XXIe siècle, adaptés à cette nouvelle donne climatique.

L’État sera aussi à leurs côtés pour mener la bataille de la qualité de l’air. Nous le disions, 48 000 de nos concitoyens décèdent prématurément chaque année à cause d’une exposition chronique à un air pollué. C’est tout simplement intolérable. Protéger, c’est aussi répondre à cette urgence sanitaire, environnementale et sociale, en garantissant à chacun et chacune le droit à un air de qualité grâce à des moyens renforcés. Nous allons donc contrôler davantage et soutenir plus encore les associations de surveillance, qui constituent le maillage et la première ligne dans cette bataille.

La transition que nous voulons mettre en œuvre doit être celle de tous. Cette transition n’est pas seulement souhaitable, elle est impérative, car elle est seule garante d’une mobilisation collective afin de retrouver les équilibres entre bénéfices attendus et acceptation des contraintes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, protéger, c’est toujours affaire de solidarité : entre territoires, inégalement exposés aux changements climatiques ; entre citoyens, inégalement affectés par les aléas de la vie. Cette solidarité est également au cœur du projet de budget que nous vous présentons. Alors que le froid hivernal revient, nous sommes fiers que 200 millions d’euros soient provisionnés pour le logement d’urgence et l’aide au retour au logement.

C’est aussi à cela que l’on juge une société : à la manière dont elle prend soin des plus démunis. Nous le savons, nous serons jugés demain sur les choix que nous faisons aujourd’hui, à la fois pour protéger notre planète, la biodiversité, et pour protéger les plus fragiles.

Cette mission est donc au cœur de notre projet républicain. Vous le savez, je suis très attachée à défendre la biodiversité et notre patrimoine touchés par les perturbations. Je rappelle que notre pays abrite 10 % des espèces connues, soit un patrimoine vivant inestimable, en outre-mer comme en métropole. Ce patrimoine fait partie de nos récits, de notre histoire, de nos identités régionales et nationale. C’est un patrimoine que nous devons transmettre intact, voire restauré, aux Français de demain. Il y va de leur droit à connaître la même expérience sensible que nous. Il y va aussi de leur avenir, de leur santé, de leur qualité de vie. Je sais le Sénat particulièrement mobilisé sur ces sujets.

Notre responsabilité devant la Nation est donc immense et simple à la fois. Il nous faut mettre un terme à la sixième extinction de masse, inverser le déclin. C’est un cap qui est dessiné, mais les scientifiques nous ont indiqué des moyens et des trajectoires. Nous tiendrons ce cap, par exemple, comme le Président de la République l’a réaffirmé, en plaçant un tiers du pays sous protection d’ici à 2022, dont 10 % sous protection forte. Nous pouvons et nous devons y arriver.

Ce budget pour 2021 nous en donne la possibilité, en accroissant les moyens de l’Office national des forêts et de l’Office français de la biodiversité, en renforçant les parcs nationaux, en territorialisant nos politiques par le biais des agences de l’eau, du Conservatoire du littoral ou des conservatoires d’espaces naturels, en créant un maillage dense de réserves et de protection de la biodiversité, par le travail et l’engagement des gestionnaires d’aires protégées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous l’ai dit, cette transformation écologique sans précédent concerne rien de moins que notre existence à tous, parce que le vivant, c’est nous !

Les Français y sont prêts, ils l’attendent et ils l’exigent : 150 d’entre eux, tirés au sort, réunis pendant neuf mois, l’ont redit en faisant 146 propositions. Ce budget permettra de répondre à certaines de ces demandes, avant la présentation d’un projet de loi dédié.

Le projet de loi de finances comporte donc déjà des avancées majeures, qui étaient demandées par la Convention citoyenne pour le climat. Ces avancées sont importantes, avant tout parce qu’elles sont la preuve que les Français, leurs représentants dans les deux chambres et le Gouvernement ont à cœur d’agir ensemble dans le même esprit, dans le même sens, pour la justice et pour l’écologie. Je le dis de nouveau, il y va de notre responsabilité !

Nous défendons une écologie de progrès qui ne laisse personne sur le bord du chemin, une écologie qui sait être réaliste sans renier ses ambitions, une écologie de terrain et de territoire, qui fait confiance à celles et à ceux qui imaginent, inventent, interviennent et déploient au quotidien des solutions porteuses d’avenir. Cette écologie-là est également au cœur du plan de relance. Vous le savez, ce sont 100 milliards d’euros, dont 30 milliards dédiés à l’écologie, pour relancer l’économie et la transformer en profondeur, pour décarboner l’industrie, le bâtiment, l’agriculture, les transports, pour faire émerger des filières d’avenir, qu’il s’agisse de l’hydrogène ou de l’économie circulaire.

Ce plan, vous le connaissez. Nous devons maintenant le faire vivre dans et pour les territoires, car c’est de là que viendra le changement qui transformera notre pays.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de mobilisation et de combat que nous vous présentons. C’est un budget qui est conçu pour protéger nos concitoyens contre les crises de l’époque. C’est un budget de résilience pour à la fois faire face aux urgences et dessiner l’avenir. C’est un budget qui repose sur le seul choix qu’il est possible de faire en responsabilité : celui de l’écologie.

Notre époque est à un point de bascule, elle est troublée, elle est difficile. Il nous faut continuer à écrire le futur, à créer des emplois, à accompagner les territoires. Nous devons garder le cap et accélérer. Vous pouvez croire en ma détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Éric Gold applaudit également.)