Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice, la reconquête des friches est effectivement un enjeu majeur d’aménagement durable des territoires pour répondre aux objectifs croisés de maîtrise de l’étalement urbain, de revitalisation urbaine et, par conséquent, de limitation de la consommation des espaces naturels agricoles et forestiers.

Les friches représentent ainsi un important gisement foncier, dont la mobilisation et la valorisation sont de nature à contribuer à l’objectif de zéro artificialisation nette fixée par le Gouvernement.

L’effort exceptionnel prévu dans le plan de relance doit permettre d’intervenir grâce au fonds pour le recyclage des friches, lequel est doté de 300 millions d’euros, dont 40 millions d’euros pour la reconversion des friches polluées issues d’anciens sites industriels ICPE ou miniers, dans le cadre d’un appel à projets lancé par l’Ademe. Une enveloppe de 260 millions d’euros entièrement territorialisée – un cahier des charges sera défini par chaque préfet de région – sera consacrée au recyclage foncier dans le cadre de projets d’aménagement urbain, de revitalisation des cœurs de ville et de périphéries urbaines, mais aussi de projets de requalification à vocation productive, y compris sur des sites qui n’ont pas été ICPE ou miniers.

Ce fonds est donc destiné à des projets d’aménagement de friches dont les bilans économiques restent déficitaires après prise en compte de toutes les autres subventions publiques et malgré la recherche et l’optimisation de tous les autres leviers d’équilibre.

Ne sont pas éligibles au fonds les opérations de simple mise en conformité à une obligation réglementaire et les opérations de simple démolition, dépollution, portage ou renaturation lorsqu’elles ne s’intègrent pas dans un projet plus global d’aménagement avec production ou réhabilitation de surfaces de logement, de surfaces économiques ou d’équipements publics.

Vous le voyez, le fonds Friches offre de nombreuses possibilités. Il n’est pas réservé aux seuls anciens sites ICPE ou miniers, une enveloppe de près de 260 millions d’euros étant prévue. Monsieur Savoldelli, il me semble que le collège de Vincennes devrait postuler à ce fonds.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.

Mme Sonia de La Provôté. Madame la ministre, le coût de la dépollution des friches industrialo-portuaires et des friches polluées est extrêmement élevé : il est supérieur de 30 %. Il peut même doubler, par opportunité, quand il s’agit d’y construire ensuite des logements.

Les 260 millions d’euros vont être priorisés sur les programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain et sur un certain nombre de projets. Très clairement, ce montant n’est pas suffisant pour accompagner les projets sur les friches, qui sont des sites particuliers, requérant un investissement important. Il eût été opportun qu’ils bénéficient du même accompagnement que les sites pollués.

Les 40 millions d’euros sont destinés aux anciens sites ICPE, mais tous les autres sites, dont un certain nombre sont pollués, ont également besoin d’un accompagnement. Or les 260 millions d’euros seront finalement peu mobilisés pour eux.

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Madame la ministre, en matière de dépollution des sols, on utilise aujourd’hui, pour l’essentiel, des techniques très impactantes. Les sols sont excavés, les terres stockées, puis transportées, souvent loin, dans des usines spécialisées où elles sont traitées, les reliquats étant stockés, souvent enterrés ou traités par ces mêmes entreprises.

D’autres techniques, beaucoup plus douces, existent toutefois. Elles sont mises en œuvre aujourd’hui dans un certain nombre de pays, notamment en Amérique du Nord, particulièrement au Québec. Ainsi, la phytoremédiation consiste à implanter judicieusement sur les terrains pollués soit des plantes, soit des arbres. On constate alors que le système racinaire capte les particules polluantes, notamment les métaux lourds, les résidus acides et même des résidus d’utilisation de produits pétroliers.

Il se trouve qu’un certain nombre d’entreprises françaises, essentiellement des pépinières, se sont intéressées à ce procédé. Elles ont participé à quelques programmes de recherche. Il en est notamment un qui a beaucoup évolué, sous l’impulsion d’un universitaire de Franche-Comté, qui a tissé des partenariats avec des pépinières de sa région et de la région Auvergne-Rhône-Alpes voisine. Au terme de ces travaux, il est apparu que la création d’une filière était opportune.

Madame la ministre, le Gouvernement envisage-t-il de lancer des appels à projets, notamment dans le cadre du plan de relance, afin de rassembler ces entreprises, des laboratoires de recherche, quelques universités, pour travailler sur cette technologie – j’emploie le terme à dessein –, qui est douce ? Elle a toutefois une exigence : il faut beaucoup anticiper, car le traitement des sols nécessite d’utiliser des végétaux pendant parfois dix ou quinze ans.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, ces sujets, vous vous en doutez, m’intéressent particulièrement. Les phytotechnologies regroupent un ensemble de techniques utilisant les espèces végétales pour extraire, contenir ou dégrader des polluants. Elles sont généralement utilisées in situ, sur une large variété de sols pollués ou susceptibles de l’être, qu’il s’agisse de sols agricoles ou de friches industrielles. Elles sont évidemment jugées plus compatibles, a priori, avec les enjeux du développement durable que les techniques classiques de traitement que vous avez évoquées. Elles sont en général utilisées comme compléments aux techniques conventionnelles, notamment dans les cas de pollution à grande échelle, souvent durant une longue période, vous l’avez dit, le traitement des sols pouvant nécessiter de nombreuses années.

Nous avons déjà commencé à travailler sur ce sujet. En 2013, l’Ademe et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) ont élaboré un guide sur l’état de l’art et la mise en œuvre de ces techniques. Dans le cadre de son appel à projets pour la reconversion des friches, l’Ademe a soutenu financièrement au cours des dernières années plusieurs projets de phytoremédiation, ou a porté elle-même des projets dans le cadre de ses missions de mise en sécurité des sites à responsable défaillant. Je pense, par exemple, au site de Saint-Laurent-le-Minier.

Des actions de recherche sont également portées par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), en lien avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), notamment, pour améliorer ces techniques.

Nous étudions attentivement tous les travaux de recherche, y compris ceux que vous avez mentionnés, qui sont effectivement très intéressants. L’Ineris procède en outre actuellement, pour le compte du ministère, à un retour d’expérience, dont les résultats sont attendus pour la fin de cette année, sur l’utilisation des phytotechnologies comme techniques de dépollution.

Nous devons travailler sur ces sujets, car ils offrent des solutions de remplacement qui n’avaient pas été suffisamment étudiées par le passé et dont nous mesurons aujourd’hui tout le potentiel.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le plan de relance prévoit un fonds de recyclage de 300 millions d’euros pour la réhabilitation des friches, dont 40 millions d’euros dédiés à la reconversion des friches polluées. Un appel à projets a été lancé en fin d’année dernière.

La dépollution de nos friches est essentielle à plusieurs égards, mais son financement reste une problématique majeure, comme l’a très bien souligné Mme la rapportrice. C’est notamment le cas dans la région Grand Est, qui a subi de grandes mutations industrielles et militaires et où subsistent encore de nombreuses friches, qui constituent des espaces non valorisés à ce jour.

Dans son rapport, la commission d’enquête, dont je salue le travail, propose un mécanisme complet pour permettre la dépollution et la réhabilitation de ces sites. Deux propositions ont retenu mon attention : l’instauration d’incitations fiscales dans le cadre de la réhabilitation des sites pollués et la création d’un fonds chargé de les financer.

Je pense que ces deux propositions sont à étudier conjointement afin d’adopter un mécanisme complet et de le rendre pérenne. Le fonds de recyclage prévu sur deux ans dans le plan de relance est bien évidemment très encourageant, mais il ne permettra pas néanmoins de venir à bout des problèmes que nous vivons sur nos territoires.

Par ailleurs, il me semble que le lien établi avec la lutte contre l’artificialisation des sols est nécessaire. En effet, la réutilisation des friches et des sols pollués réhabilités durablement est une piste évidente pour éviter de consommer des espaces nouveaux.

Madame la ministre, à la lumière des observations et des conclusions de la commission d’enquête, quelle dynamique de financement comptez-vous mettre en œuvre à l’issue du plan de relance ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, l’Ademe lance chaque année un appel à projets « Travaux de dépollution pour la reconversion des friches polluées ». Entre 2010 et 2019, elle a ainsi soutenu près de 130 projets de reconversion, pour un montant de 42 millions d’euros. Vous l’avez rappelé, dans le cadre du plan de relance, nous avons prévu 300 millions d’euros pour la réhabilitation des friches. Sur cette somme, 40 millions d’euros ont été confiés à l’Ademe et sont exclusivement dédiés à la réhabilitation d’anciens sites industriels ou miniers pollués.

Un premier appel à projets visant à soutenir à la fois les travaux de dépollution et des études préalables a été lancé début novembre 2020 par l’Ademe.

Je suis disposée à étudier la mise en place d’un dispositif pérenne, une fois que le retour d’expérience aura été effectué sur les situations nécessitant des financements complémentaires – ils ne sont pas forcément nécessaires quand le prix du foncier est élevé et que l’aménageur peut payer la dépollution – et que le dimensionnement des montants aura été évalué.

En revanche, soyons clairs, la question de l’alimentation de ce fonds n’est pas résolue et nécessitera une expertise. À mon sens, il faut faire les choses dans l’ordre : d’abord tirer toutes les leçons de ce qui aura été fait dans le cadre du plan de relance – on a deux ans –, puis étudier comment on peut pérenniser tout cela.

Un groupe de travail, présidé par la députée de la Charente, Sandra Marsaud, a pour mission de définir les outils à mettre en place pour accompagner les opérations qui n’ont pas d’équilibre économique, en particulier dans les zones où il y a peu de pression foncière. Plusieurs pistes sont aujourd’hui à l’étude. Sandra Marsaud a écouté différents points de vue, qui pourront nourrir sa réflexion et éventuellement donner lieu à la rédaction d’une proposition de loi. À suivre, donc, monsieur le sénateur !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Les sols constituent une ressource inestimable, hélas trop souvent sous-estimée. Loin d’être un simple support pour les activités humaines, et au-delà de leur vocation fondamentalement nourricière, ils remplissent des fonctions essentielles pour le cycle de l’eau, du carbone et abritent une part importante de notre biodiversité.

Il est plus que nécessaire de se pencher sur la question de leur pollution. Je salue donc l’initiative de notre collègue Gisèle Jourda.

Ma question porte plus précisément sur le financement de la dépollution des sols.

Le PLF pour 2021 prévoit que la part départementale de la taxe d’aménagement des espaces naturels sensibles (TAENS) pourra financer également des opérations de renaturation, et donc de dépollution des sols.

S’il est essentiel de financer ces opérations, comme l’a montré le rapport, mettre en concurrence le financement des espaces naturels sensibles et de la dépollution des sols paraît plus que problématique. Les opérations de dépollution sont, on le sait, très coûteuses et pourraient vite consommer une part importante des fonds.

Par ailleurs, les financements « biodiversité » des départements seront déjà affectés, hélas ! par la crise du covid, notamment à cause des dépenses croissantes de RSA ou de la baisse des permis de construire.

Dans ce contexte se profile le risque d’un appauvrissement des fonds dédiés à la biodiversité, alors même que M. le Président de la République vient de faire des annonces fortes lors du One Planet Summit.

C’est pourquoi le rapport sénatorial propose des mécanismes de financement de la dépollution des sols. Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il s’assurer que le financement de la dépollution des sols ne se fera pas au détriment des espaces naturels sensibles ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, vous imaginez bien que je ne souhaite absolument pas que les espaces naturels sensibles perdent leurs financements au profit de la dépollution des sites.

Le plan de relance prévoit des mesures spécifiquement dédiées à la dépollution des friches : les 40 millions d’euros, plus les 260 millions d’euros qui peuvent éventuellement être ajoutés. Il prévoit également des mesures spécifiquement dédiées à la biodiversité. Les enveloppes ne sont a priori pas fongibles, sauf si l’on ne réussit pas à avoir assez de projets, mais, je vous rassure, nous en aurons suffisamment.

Les départements utiliseront bien évidemment leurs fonds comme ils le souhaitent, mais nous procédons, avec les préfectures, au recensement des projets des collectivités locales dans le cadre des différents dispositifs prévus par le plan de relance.

Nous travaillons également à une planification, dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), lesquels permettront aussi d’allouer des moyens à des projets de territoire intégrant des mesures de protection de la biodiversité.

Vous le voyez, par différents canaux et de manière assez organisée, grâce à des projets de territoire, nous faisons en sorte de résorber ces friches, de les dépolluer quand c’est nécessaire, et de les réutiliser, tout en travaillant à la protection de la biodiversité. À titre d’exemple, je rappelle que nous avons lancé un projet de plantation de haies de 7 000 kilomètres, pour un montant de 50 millions d’euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Madame la ministre, merci pour la précision de votre réponse. Nous connaissons tous votre attachement à la biodiversité. Pour autant, il y a parfois des arbitrages que vous avez du mal à gagner ; cela fait partie du jeu. Sachez en tout cas que nous serons derrière vous ; nous vous dérangerons même parfois, quand cela sera nécessaire.

Un sujet supranational se pose : on parle depuis longtemps du projet de directive-cadre sur la protection des sols ; ce texte est extrêmement attendu. Nous souhaiterions, madame la ministre, que la France joue véritablement son rôle pour qu’on avance sur ce sujet.

Enfin, à la demande de mon collègue Jacques Fernique, je dirai un mot du site Stocamine : il sera nécessaire de bien écouter les avis des élus locaux à ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Notre pays déplore de nombreux cas de dégradation de la qualité de ses sols, rançon de sa riche histoire industrielle et minière. Cette pollution, à laquelle peu de nos territoires échappent, constitue une menace potentielle pour l’environnement et la santé des habitants des territoires.

Le rapport dont nous débattons relève que, à la différence de la pollution de l’air et de l’eau, qui fait aujourd’hui l’objet d’un encadrement et d’un suivi très stricts de la part des autorités, la pollution des sols est mal appréhendée dans notre législation nationale, mais aussi à l’échelle européenne.

Je citerai en exemple mon département, le Haut-Rhin, et en particulier les communes de Wintzenheim et Sierentz, qui ont hérité de friches et de décharges orphelines issues de l’activité industrielle, notamment chimique.

Or, dans ces cas bien précis, il est impossible pour les élus locaux d’aller chercher les exploitants responsables : souvent, cela fait bien longtemps qu’ils ont mis la clé sous la porte.

Face à ces situations, il s’agit de pallier l’absence d’information à laquelle les responsables locaux sont trop souvent confrontés et qui est, pour eux, source d’inquiétude. Aussi, il convient de mettre en œuvre la plus grande transparence sur les risques sanitaires associés aux sites pollués. Il convient surtout de soutenir et d’accompagner les acteurs publics dans la dépollution et la reconversion de ces sites.

À cette fin, madame la ministre, comment entendez-vous clarifier les rôles de chacun en matière de lutte contre la pollution des sols ? Il faut permettre à chacun d’identifier clairement ses interlocuteurs.

Plus largement, quels moyens le Gouvernement entend-il déployer pour venir en aide aux collectivités ayant hérité de sols pollués, parfois sur des terrains privés, par d’anciennes activités industrielles ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice Schillinger, les pollutions des sols peuvent être dramatiques, qu’elles résultent d’une mauvaise gestion des déchets ou des activités industrielles elles-mêmes.

Dans le cadre du projet de loi Climat et résilience, nous allons renforcer les sanctions lorsque le non-respect d’une prescription ou la mauvaise gestion des déchets conduit à une pollution durable des sols. Comme je l’ai annoncé, les sanctions pourront aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amende dans les cas les plus graves.

L’Ademe peut, à la demande de l’État, assurer la mise en sécurité d’une ICPE lorsqu’il y a défaillance de l’ancien exploitant ou des éventuels responsables subsidiaires, quand la maison mère est fautive ou lorsque le propriétaire du terrain est négligent ; elle peut aussi le faire en cas de menace grave pour les populations ou l’environnement. En revanche, la dépollution du site, qui permet un recyclage urbain, reste de la responsabilité du propriétaire du terrain ou du futur aménageur.

Dans certains cas, tels que les pollutions aux hydrocarbures des sols et les pollutions de nappes pouvant avoir un impact en dehors du site, une dépollution peut se révéler nécessaire pour mettre le site en sécurité. L’intervention de l’Ademe aura alors pour objectif de circonscrire la pollution sur le site. Je sais à ce propos, madame la sénatrice, que votre département connaît une pollution par le lindane ; nous sommes en train de nous en occuper.

Sur proposition des agences régionales de santé (ARS), quand l’enjeu sanitaire le nécessite, la mise en sécurité peut inclure le relogement temporaire ou définitif des riverains.

Depuis 1999, 550 interventions de mise en sécurité ont été conduites par l’Ademe, sur environ 350 sites.

Le budget de l’Ademe s’élève à environ 18 millions d’euros par an. Une trentaine d’accords d’intervention sont donnés chaque année ; il y a ainsi eu dix-neuf nouvelles interventions et onze poursuites d’intervention en 2019.

Environ quatre-vingts sites supplémentaires déjà identifiés par la Dreal pouvant faire l’objet d’une intervention de l’Ademe dans les prochaines années ont été repérés. Des moyens financiers et humains suffisants doivent donc être octroyés à l’Ademe pour réaliser ces mises en sécurité d’anciennes friches dans les meilleurs délais. Madame la sénatrice, je m’y emploie activement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.

Mme Patricia Schillinger. Merci, madame la ministre. Il est vrai que, dans mon département comme ailleurs, les élus vous harcèlent, car on a besoin d’avoir un décideur, ou un donneur d’ordres.

Je souhaite, comme mes collègues parlementaires, qu’un comité de pilotage puisse définir les actions à mener et effectuer les expertises nécessaires. On entend des interventions sur beaucoup de sujets, mais on a surtout besoin aujourd’hui de quelqu’un qui nous draine et nous dise ce qui est faisable ou non.

Je vous remercie encore, madame la ministre : je sais que je peux compter sur vous !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Le rapport de cette commission d’enquête sénatoriale, auquel j’ai eu le bonheur de participer en tant que vice-président, est un modèle du genre. Je voudrais ici saluer tout particulièrement le travail et l’investissement de Gisèle Jourda, qui en a été la rapportrice, et de son président Laurent Lafon.

Ce rapport démontre, une nouvelle fois, combien notre institution est capable de produire des documents de qualité qui répondent à des enjeux majeurs, tels que la pollution des sols et la santé environnementale.

Nous attendons depuis bientôt dix ans une réforme d’ampleur du code minier ; vous avez abordé ce sujet tout à l’heure, madame la ministre. Un projet de loi était prévu ; il a même été soumis pour avis au Conseil national de la transition écologique (CNTE). Toutefois, le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat semble prévoir plutôt des ordonnances, ce qui restreindra, de fait, l’action des parlementaires, qui sont pourtant très impliqués sur le sujet.

Comme vous le savez, je suis très attaché à l’économie circulaire et je crois fermement à la possible reconversion des sols pollués. Néanmoins, dans le projet de loi que j’ai pu consulter, il manque une définition claire des termes « sols pollués », « friches », « réhabilitation », « remise en état » ou encore « usage ». Il s’agit pourtant de notions clés, car elles définissent le niveau de risque à prendre en compte et établissent ainsi le niveau de pollution acceptable ou non et les mesures de dépollution nécessaires à mettre en œuvre.

Aussi, dans le souci de favoriser une meilleure circularité de l’économie des sols, êtes-vous prête, madame la ministre, à suivre les recommandations de notre rapport pour définir ces termes essentiels ? Cette démarche serait un préalable notoire à la sécurisation juridique ; elle a d’ores et déjà été accomplie pour l’eau et pour l’air.

Au risque de voir se développer un « droit mou », le Gouvernement souhaite-t-il clarifier ces notions, qui garantiront une meilleure détermination de la chaîne des responsabilités et du champ des obligations en matière de gestion des sites et des sols pollués ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, je veux d’abord vous rassurer concernant le projet de loi relatif au code minier. Ses dispositions seront intégrées dans le projet de loi Climat et résilience. Effectivement, des ordonnances sont prévues sur certains aspects de ce problème, de manière à pouvoir, tout simplement, avancer au plus vite.

Je souhaite pour ma part que le code minier puisse être révisé avant la fin du quinquennat. Un compromis était nécessaire en la matière. En revanche, les dispositions relatives à l’après-mine, qui sont les plus sensibles, ne seront pas renvoyées à des ordonnances : elles figureront dans le texte même et pourront donc faire l’objet de débats et être amendées par le Parlement.

Quant aux notions que vous souhaitez sécuriser juridiquement, précisons que l’article L. 173-3 du code de l’environnement fait déjà référence à la pollution des sols : des sanctions pénales sont prévues lorsque des activités « ont porté gravement atteinte à la santé ou à la sécurité des personnes ou provoqué une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau ». Le juge pénal est donc déjà à même de qualifier cette notion.

Le projet de décret d’application de l’article 57 de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP », qui porte sur les évolutions des dispositions législatives relatives aux ICPE, prévoit bien de clarifier les notions de « réhabilitation » et de « remise en état ». La notion de « friche » existe déjà dans le vocabulaire de l’environnement, par une publication au Journal officiel ; elle est définie comme un « ensemble de terrains laissés à l’abandon sur lesquels peuvent subsister des installations ou des dépôts liés à des activités passées et qui sont susceptibles de présenter des risques de pollution ».

Des définitions semblent donc déjà exister. Néanmoins, nous allons évidemment étudier dans le détail les propositions qui ont été faites par votre commission d’enquête de manière à déterminer si des éclaircissements supplémentaires peuvent être apportés.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot, pour la réplique.

M. Joël Bigot. Madame la ministre, merci pour ces précisions. Nous sommes souvent interpellés en tant qu’élus sur ces sujets. Nous resterons très vigilants sur ce sujet majeur pour l’environnement. À l’heure où l’on parle de lutter contre l’artificialisation des sols, il est bon de savoir de quelle boîte à outils on peut disposer pour remobiliser ces terrains, qui seraient plus de 6 000 et défigurent nos villes et nos paysages. Ils doivent être réhabilités et réutilisés pour protéger l’environnement et mettre un terme à la consommation de terres agricoles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.

M. Jean-Pierre Moga. Les travaux de notre commission d’enquête sur la pollution des sols ont révélé que celle-ci constituait un enjeu sanitaire et écologique majeur, un enjeu jusqu’à présent négligé, mal appréhendé et sous-estimé.

Je tiens donc à saluer le caractère pionnier des conclusions de notre commission d’enquête et les avancées qu’elles vont permettre de réaliser, et à adresser un remerciement tout particulier à son président, Laurent Lafon, et bien sûr à sa rapportrice, Gisèle Jourda, pour l’ampleur et la qualité de leur investissement.

Les conclusions de la commission d’enquête ont des airs de bilan écologique de la révolution industrielle. Elles identifient pour la première fois la dépollution des sols comme un impératif d’action écologique majeur. Elles établissent enfin un cadre global d’action, en six axes, pour y remédier.

Ma question, madame la ministre, porte sur le sixième de ces axes : « mobiliser les friches industrielles et minières dans une démarche d’aménagement durable ». L’une des propositions faites par la commission d’enquête dans le cadre de cet axe nous semble particulièrement importante : la création d’un fonds national dédié au financement de la réhabilitation des sites et sols pollués, géré par l’Ademe, pour les sites orphelins, mais aussi les sites non-orphelins pour lesquels le responsable n’a pas les moyens d’opérer. Un tel fonds me semble essentiel. C’est le nerf de la guerre, car l’insuffisance des financements est le principal obstacle à la dépollution des sols. Le problème est d’ailleurs identifié de longue date et des fonds comparables existent ailleurs dans le monde.

Madame la ministre, la création d’un tel fonds est-elle prévue par le Gouvernement ?