Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur Moga, j’ai déjà quelque peu répondu à cette question, notamment lors de ma réponse à M. Menonville. Oui, dans le cadre du plan de relance, nous allons consacrer 300 millions d’euros à la réhabilitation des friches, dont 40 millions d’euros seront spécifiquement confiés à l’Ademe pour la réhabilitation d’anciens sites industriels et pollués.

Nous avons décidé de travailler sur un retour d’expérience de l’utilisation de ces fonds, afin de pouvoir identifier les situations qui nécessitent des financements complémentaires. Quand le foncier est cher, normalement, on n’a pas besoin de fonds supplémentaires. En revanche, quand le foncier est détendu, plus de questions se posent. Il faut aussi regarder le dimensionnement des montants nécessaires.

Nous sommes donc enclins à étudier la mise en place d’un tel dispositif.

La question qui se pose dès lors est celle-ci : comment alimenter ce fonds ? Plusieurs pistes peuvent être expertisées, notamment une fiscalité sur l’artificialisation du territoire, ou sur les activités ou les produits polluants, ou encore une dotation budgétaire du même type que celle dont bénéficie l’Ademe à ce jour. Il faut en tout cas vraiment prendre le temps de bien identifier les besoins, au regard de ce qui aura pu être fait dans le cadre du plan de relance, pour affiner tout cela et déterminer les meilleures pistes à suivre.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Moga. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Mon collègue Pascal Savoldelli vous a parlé du collège de Vincennes, notre rapportrice Gisèle Jourda a évoqué la pollution minière de la vallée de l’Orbiel, véritable catastrophe écologique. Madame la ministre, je connais votre implication en faveur de l’environnement et de l’écologie, mais ne nous voilons pas la face : sans un tel fonds, il ne sera pas possible de dépolluer des sites de ce type, car ces opérations exigent des dépenses énormes.

Pour ma part, je ne pense pas qu’il convienne de ne taxer que les industries polluantes, qui subissent déjà beaucoup de contraintes ; il faut une taxe plus générale, pour qu’elle soit mieux acceptée par tout le monde.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe.

Mme Sabine Van Heghe. Je veux remercier notre collègue Gisèle Jourda pour la qualité de son rapport et souligner le consensus qui s’est dégagé entre les différents membres de cette commission d’enquête sur nos préconisations.

J’évoquerai la proposition de la commission de mettre un terme aux asymétries entre le code minier et le code de l’environnement en matière de responsabilité des exploitants et de prévention des risques sanitaires et environnementaux.

Notre commission d’enquête propose ainsi l’extension aux exploitants de sites miniers de l’obligation de constitution de garanties financières pour la remise en état de la mine après fermeture, l’intégration de la protection de la santé publique dans les intérêts protégés par le code minier, ainsi que l’extension aux sites miniers de la possibilité de rechercher la responsabilité de la société mère en cas de défaillance éventuelle de la filiale exploitante.

Elle propose également l’intégration des travaux miniers dans l’autorisation environnementale afin d’harmoniser les procédures administratives d’instruction, de contrôle et de sanction entre les sites miniers et les sites d’installations classées pour la protection de l’environnement.

Enfin, nous proposons l’extension à trente ans après les travaux des conditions d’exercice de la police résiduelle des mines, afin de permettre à l’État de rechercher la responsabilité des exploitants en cas d’apparition de nouveaux désordres et dommages.

Le code minier a été adopté au milieu du siècle dernier. Nous attendons sa réforme depuis plus de dix ans. J’ai bien noté l’annonce récente de l’intégration de cette réforme dans le projet de loi relatif au climat que nous examinerons au printemps prochain. Je m’en réjouis, car le code minier est aujourd’hui inadapté, en particulier au regard du code de l’environnement.

Madame la ministre, quel sort entendez-vous réserver, dans les futurs débats parlementaires, aux propositions unanimes de notre commission d’enquête sur ces enjeux d’importance ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice Van Heghe, comme je l’ai dit, le principe d’une réforme du code minier a été annoncé au conseil de défense écologique du 23 mai 2019 ; le projet de réforme a reçu un avis favorable du Conseil national de la transition écologique le 16 novembre 2020 ; il a été intégré au projet de loi faisant suite à la Convention citoyenne pour le climat, que nous allons appeler « projet de loi Climat et résilience ».

Cette réforme vise à améliorer les dispositifs de concertation dans le cadre de l’autorisation de projets miniers, à prendre en compte les enjeux environnementaux dès les premières étapes de la procédure, afin d’être en mesure de rejeter plus rapidement des projets qui ne seraient pas à la hauteur de nos ambitions – soit dit en passant, cela nous permettra de ne plus avoir à régler des problèmes tels que celui de la Montagne d’or, qui montre les manques du code minier actuel – et à améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux après l’exploitation.

Ainsi, pour la prévention des risques miniers, sont envisagées une meilleure prise en compte des risques sanitaires dans les objectifs de dépollution des friches minières – les sanctions seront renforcées pour être harmonisées avec celles du code de l’environnement –, l’extension des garanties financières à la remise en état du site minier après fermeture, et l’extension à trente ans des conditions d’exercice de la police résiduelle des mines, afin de permettre à l’État de rechercher la responsabilité des exploitants en cas d’apparition de nouveaux désordres.

Comme je le disais en réponse à M. Bigot, l’ensemble du volet consacré au renforcement des dispositions portant sur la période après l’exploitation minière, y compris les propositions de votre commission d’enquête, sera soumis au débat parlementaire et pourra donc faire l’objet d’amendements et, si nécessaire, d’améliorations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour la réplique.

Mme Sabine Van Heghe. Madame la ministre, merci pour ces précisions. Cela fait trop longtemps que nous attendons cette réforme ; nous comptons vraiment sur votre intervention et sur le débat qui aura lieu au Parlement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler.

Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, alors que nos voisins suisses ont mis en œuvre un programme de déstockage total et de traitement des polluants, on se contente trop souvent en France de les confiner, laissant aux générations futures, à nos enfants et petits-enfants, un cadeau empoisonné.

Je prendrai pour exemple la pollution au lindane dans le Haut-Rhin, que vous avez évoquée. Cette pollution est liée à une usine chimique qui a fabriqué cet insecticide jusqu’en 1974. Des produits présentant des défauts de fabrication ont alors été entreposés à différents endroits du département, en particulier à Sierentz et à Colmar.

Lorsque l’usine a fait faillite, en 1996, le site de son implantation, tout près de Bâle, a été occupé par des entreprises suisses. Depuis lors, nos voisins suisses ont entrepris la dépollution totale du site, pour près de 250 millions d’euros ; elle est aujourd’hui achevée. Des travaux similaires ont été réalisés récemment à Bonfol, toujours en Suisse, pour près de 400 millions d’euros, afin de résorber une décharge chimique située sur la frontière avec la France.

Du côté de Colmar, alors même que la quantité de lindane est bien moins importante, on s’est contenté d’une couverture dite « étanche » du site et d’une surveillance de la nappe à l’aval. Une surveillance a depuis montré qu’une langue de pollution s’échappe inexorablement de ce site et que la zone polluée ne cesse de s’agrandir.

Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur la résorption définitive des sites et des sols pollués ? Comptez-vous mettre en œuvre une politique d’élimination complète des polluants en lui allouant, comme le font nos voisins suisses, les moyens financiers nécessaires ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. La Commission européenne a engagé des travaux pour améliorer les connaissances sur la présence et la gestion des déchets de lindane et d’hexachlorocyclohexane. Elle a ainsi mandaté un consortium de bureaux d’études afin de l’assister dans ce projet, tout d’abord pour réaliser un inventaire des sites où ces substances ou leurs déchets sont présents, puis pour apporter une aide et une expertise aux autorités des États membres confrontés à ces problématiques.

L’inventaire des sites ayant stocké, produit, manipulé ou utilisé du lindane a été transmis par la Commission aux États membres afin que ceux-ci puissent réagir. Sur la base des informations disponibles, la France a répondu à la Commission, au début de décembre 2020, afin de confirmer si tel ou tel site est susceptible, ou non, d’être pollué au lindane.

Dans le Haut-Rhin, j’ai en tête deux sites : Sierentz et le site PCUK de Wintzenheim, qui connaît la pollution la plus importante. Entre 700 et 750 tonnes de ces déchets ont été déposées sur ce site dans les années 1970. Un confinement a été mis en place en 1985, sous le contrôle des services de l’État ; il a été renforcé par l’Ademe. Il y a une couverture ; pour autant, comme vous l’avez dit, madame la sénatrice, le fond n’a pas été traité, si bien qu’en hautes eaux la nappe peut être en contact avec le lindane.

L’Ademe est mandatée pour la surveillance des eaux souterraines, l’élaboration d’études d’impact et de comportement des polluants, l’entretien du confinement et la mise en place d’un dispositif de régulation des accès, avec signalétique, pour quatre ans. Le montant total engagé aujourd’hui s’élève à 1,4 million d’euros.

Nous examinons comment l’Ademe peut renforcer son intervention sur place afin de limiter les risques de pollution. Ce que je peux vous dire, madame la sénatrice, c’est que ces observations me permettront certainement de vous faire des annonces dans les prochains jours.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour la réplique.

Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, pour les Suisses, ces assainissements sont une priorité absolue parce qu’ils savent que les coûts générés par une pollution seraient absolument pharaoniques. Ces mêmes Suisses connaissent bien nos dossiers, notamment celui de Stocamine, où il est prévu un prochain confinement.

Madame la ministre, Stocamine inquiète nos voisins suisses et allemands parce que ce dossier met en péril la plus grande nappe phréatique d’Europe. Les experts savent qu’aucun confinement n’empêchera l’eau d’arriver à des déchets qui n’auraient jamais dû se trouver là ; le jour où cette pollution surviendra, elle empoisonnera non seulement les Alsaciens, mais également les Suisses et les Allemands.

En Alsace, dès aujourd’hui, en prenant les bonnes décisions, vous aurez l’occasion de passer des paroles aux actes !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Michau.

M. Jean-Jacques Michau. Permettez-moi de saluer à mon tour le travail conduit par notre commission d’enquête, qui pose un bilan clair de la situation nationale et émet des propositions concrètes pour permettre une réelle prise en compte des risques sanitaires et écologiques induits par la pollution de nos sols.

Ces risques touchent tout le territoire français, sans distinction, en métropole comme outre-mer, des milieux urbains aux zones rurales. Ainsi, dans l’Ariège, mon département, l’industrie textile et métallurgique, mais aussi l’extraction minière ont laissé pléthore de friches. L’inventaire conduit en 2003 répertoriait plus de 1 400 sites.

Le premier axe du rapport aborde le socle indispensable à toute action sanitaire et écologique : l’accès à l’information. Alors que les technologies le permettent, il n’existe aucun outil offrant une vision globale des données en la matière. L’accès à une base fiable consolidant les informations disponibles aujourd’hui, encore incomplètes et fragmentées, est une priorité.

La qualité de cette information s’impose comme un déterminant de l’efficacité de l’action en matière d’aménagement du territoire et de protection de la santé des populations et de l’environnement. Sa lisibilité est un enjeu de confiance dans la transparence et l’efficience de l’action publique.

À ce jour, chacun des outils existants répond à une finalité distincte et est orienté vers un public particulier. Ce sont plus d’une dizaine de bases de données différentes qui sont utilisées pour connaître les risques de pollution des sols.

N’est-il pas temps, madame la ministre, que l’État se dote d’une base lisible et accessible à tous les acteurs, des élus locaux aux citoyens, et non plus aux seuls experts ? Une forme vulgarisée des données indiquant les risques associés à une liste de substances polluantes et une cartographie interactive plus accessible sont des pistes d’amélioration identifiées par notre commission d’enquête.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour fournir à tous une information sur l’état des sols français qui soit complète, fiable et accessible ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur Michau, vous avez complètement raison : il faut aujourd’hui rationaliser nos dispositifs afin que l’information soit clairement et facilement accessible à tous et sur tous les sites.

Le ministère de la transition écologique est transparent en la matière, depuis de nombreuses années. Des informations relatives aux sites et aux sols pollués sont contenues dans trois bases de données – Basias, Basol et Secteurs d’information sur les sols (SIS) – qui ont pour objectif l’information du public et des riverains, la communication sur l’action administrative de l’État et la conservation de la mémoire.

Historiquement, Basias et Basol concernent majoritairement des sites suivis par l’inspection des installations classées. Ces bases de données ne permettent donc pas d’avoir une vision complète des sites et sols pollués ou potentiellement pollués. Les pollutions causées par d’autres secteurs, tels que l’agriculture, notamment par l’usage de pesticides comme le chlordécone ou le lindane, les transports, avec les produits de conservation des traverses de chemins de fer, par exemple, ou d’autres activités économiques, comme les parkings, les zones commerciales, ou les ports, n’y sont pas répertoriées. Lorsqu’un usage est indiqué, celui-ci a pu évoluer au fil du temps sans que l’inspection dispose de cette information.

En 2014, la loi ALUR a créé les SIS, qui visaient notamment à disposer d’une base de données plus complète, comprenant des sites pollués par d’autres origines que des installations industrielles ou minières.

Ce que je souhaitais, c’était une coordination de ces trois bases de données. Elle est en train d’être mise en œuvre. La direction générale de la prévention des risques (DGPR) a entamé en 2018 un travail de rationalisation de Basias, Basol et SIS dans une base unique nommée InfoSols, dont la première version, intégrant Basias et Basol, est opérationnelle depuis octobre dernier ; elle intégrera Basias courant 2021.

Ce travail doit permettre de répertorier l’ensemble des informations sur les sites et sols pollués dans un espace unique, de garantir la cohérence des informations de ces trois bases de données et d’améliorer la localisation de ces sites.

En matière de communication pour le grand public, des marges de progrès existent pour vulgariser et expliciter auprès des riverains et des associations les résultats des études réalisées, dont les rapports sont parfois longs et techniques, et les actions menées par les services de l’État qui en découlent. Le travail est en cours ; il doit être poursuivi.

En tout cas, la base InfoSols constitue déjà un point de départ très important pour la rationalisation et la facilitation de la transmission de l’information.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa.

M. Laurent Burgoa. Je tiens d’abord à remercier nos collègues du travail mené, travail véritablement nécessaire, la refonte du code minier étant un sujet de préoccupation depuis maintenant vingt-sept ans.

Madame la ministre, c’est sur la création d’un fonds de réhabilitation des sites et sols pollués que je souhaite vous interpeller.

L’élargissement du projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat à la réforme du code minier ne doit pas permettre d’en soustraire l’enjeu de l’après-mine ! C’est une préoccupation que je partage d’ailleurs avec mon collègue député Olivier Gaillard.

En effet, aujourd’hui, nous connaissons les risques que constitue la présence d’anciennes mines sur nos territoires. Dans le Gard, de Saint-Félix-de-Pallières à Tornac, les conséquences sur la santé de nos compatriotes inquiètent.

Dans son rapport, la commission d’enquête du Sénat propose la création d’un fonds de réhabilitation des sites et sols pollués pour prendre en charge la dépollution de sites dits « orphelins », mais aussi pour venir en aide aux collectivités n’ayant pas la capacité de prendre en charge les coûts de la dépollution de terrains dont elles sont propriétaires.

Ma question est simple, madame la ministre : votre gouvernement soutiendra-t-il cette proposition ? Notre État sera-t-il enfin protecteur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, je ne peux à ce stade que vous apporter la même réponse que celle que j’ai faite à vos collègues tout à l’heure : sur les 300 millions d’euros du fonds Friches prévus dans le plan de relance, 40 millions d’euros sont dédiés aux ICPE et aux anciens sites miniers, ce qui n’empêchera pas d’utiliser les 260 millions d’euros restants.

Nous tenons vraiment à un retour d’expérience avant de mettre en place un fonds pérenne, car nous avons besoin de vérifier qu’il est bien nécessaire au regard de la tension du foncier et d’en identifier les pistes de financement.

Ce dernier point donnera sans doute lieu à des débats. Faut-il une taxation des entreprises susceptibles de polluer ? Faut-il une taxation plus large, avec une fiscalité sur l’artificialisation des sols ou sur les produits polluants ? Faut-il au contraire créer une dotation budgétaire, qu’il faudra aussi alimenter ?

Toutes ces questions demanderont du temps. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous en dire beaucoup plus à ce stade.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.

M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, permettez-moi de porter à votre connaissance la décision du tribunal administratif de Nîmes du 21 décembre dernier. Dans son jugement, il annule neuf arrêtés, car, conclut-il, « le préfet du Gard, qui a usé de ses pouvoirs de police pour mettre à la charge des communes la sécurisation des déchets issus de l’exploitation minière, dont la gestion relevait d’une compétence étatique au titre du droit minier, a entaché sa décision d’une erreur de droit ».

Madame la ministre, visiblement, la justice estime que, dans la mesure où le Gouvernement a accepté la renonciation aux concessions minières par arrêtés, la surveillance et la prévention des risques de ces sites ont été transférées à l’État. Prenez donc vos responsabilités !

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet.

M. Fabien Genet. Je salue le travail remarquable que constitue le rapport de la commission d’enquête.

Madame la ministre, permettez-moi de vous emmener en Saône-et-Loire pour un rendez-vous en terre connue pour être polluée (Sourires.), tout d’abord dans ma commune de Digoin, petite ville au riche passé industriel, notamment en matière de céramiques. Malheureusement, au fil du temps, l’activité a été concurrencée et seules subsistent aujourd’hui des friches industrielles importantes.

Pour m’être battu comme maire voilà quelques mois aux côtés des salariés pour sauver une faïencerie locale qui avait déposé le bilan, je peux témoigner que la problématique de la pollution représente une véritable épée de Damoclès pour d’éventuels repreneurs.

Le rapport évoque bien la question du principe pollueur-payeur et pointe les pollutions historiques. Mettre à la charge du repreneur d’une activité industrielle parfois en difficulté le traitement de pollutions datant souvent de dix, vingt ou cinquante ans peut condamner l’activité et précipiter le moment où le site devient orphelin et à la charge des collectivités locales. Dans ce type de situation, ne serait-il pas utile d’accompagner le repreneur pour faciliter la dépollution ? Le fonds Friches peut-il être mobilisé ?

Autre exemple à rebours du précédent, celui de la commune de Montceau-les-Mines, ville au riche passé industriel et minier comptant plusieurs friches.

Ainsi, la centrale à charbon a arrêté son activité au début des années 2000. Le groupe propriétaire, qui s’est engagé à démanteler, ne fait pourtant dès lors que ralentir les procédures et repousser le moment où il devra achever cette dépollution. Face à une telle situation, comment l’État peut-il faire accélérer le processus ?

La maire de Montceau-les-Mines m’a signalé d’autres problèmes de friches industrielles en plein centre-ville : les opérations d’aménagement pour réaliser des logements butent souvent sur le coût de la dépollution et de la démolition. Pour siéger à la commission des élus chargés de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), je peux témoigner que les collectivités ayant des projets nécessitant des démolitions peinent à trouver des aides auprès des partenaires financiers. Comment convaincre ces derniers de s’investir au-delà des fonds d’État existants ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, ces situations sont complexes, en effet.

Concernant la faïencerie de Digoin, la société historique est en liquidation judiciaire et le repreneur est tenu de respecter la législation ICPE. À ce titre, un arrêté imposera la constitution ou le cautionnement de garanties financières. La Dreal est particulièrement attentive à ce site, qui est régulièrement inspecté.

Il faut tout de même veiller, lorsqu’il y a des repreneurs successifs, à ce que les sols pollués soient réhabilités, le risque étant, sinon, de se retrouver avec des pollutions qui ne seraient pas traitées.

À Montceau-les-Mines, la centrale que vous avez citée s’est arrêtée en 2013. Les travaux de remise en état seront prochainement encadrés par arrêté préfectoral, leur fin étant prévue en 2024. En 2019, une grande partie des terrains – 70 % – a été libérée de toute occupation, mais des bâtiments doivent faire l’objet d’un désamiantage. Le sous-préfet réunit régulièrement un comité de suivi du site. Le prochain, qui est programmé à la mi-février 2021, permettra de faire état de l’avancement du chantier de dépollution.

Même si ce site n’est pas concerné, je rappelle que la loi ALUR a instauré le dispositif du tiers demandeur, le tiers étant généralement un aménageur, permettant à ce dernier de se substituer à l’ancien exploitant pour réaliser la remise en état du site, généralement pour son usage futur dans le cadre d’un aménagement déjà prévu.

Cette procédure de substitution présente de nombreux avantages : elle est évidemment soumise à accord du préfet, les travaux d’instruction sont courts, la réalisation des travaux de dépollution et de remise en état pour l’usage futur final se fait en une seule fois. C’est beaucoup moins coûteux – la question des coûts est en effet cruciale –, plus rapide et cela clarifie les responsabilités, notamment en cas de découverte d’une nouvelle pollution, entre l’ancien exploitant et le tiers demandeur. En outre, un dispositif de garantie financière permet de sécuriser les opérations de dépollution.

Monsieur le sénateur, des systèmes existent donc pour faciliter, simplifier et faire baisser les coûts, sans porter atteinte à l’exigence de dépollution que nous devons à nos enfants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Mme Marta de Cidrac. Les friches et leurs reconversions sont des thèmes abordés dans l’excellent rapport de la commission d’enquête sur la pollution des sols. Ces espaces représentent une véritable opportunité pour nos territoires.

Madame la ministre, permettez-moi de m’appuyer sur un exemple malheureusement bien connu pour illustrer cette problématique. La plaine de Carrières-Triel-Chanteloup, dans les Yvelines, que vous connaissez, était jusqu’à tout récemment la plus grande décharge à ciel ouvert de France : 25 hectares souillés par 26 000 tonnes de gravats et détritus en tout genre.

Cette friche est aujourd’hui nettoyée, mais, d’après une étude en cours, l’accumulation de déchets pendant des années, dont 900 tonnes de matériaux dangereux, a laissé des traces dans les sols. Cette pollution s’ajoute d’ailleurs à celle qui résulte de l’épandage des eaux usées de Paris pendant de très nombreuses années. Il y a donc bien urgence à dépolluer. C’est une condition nécessaire à la réhabilitation de la plaine.

Les élus locaux sont mobilisés depuis le premier jour sur ce projet. Ils ont financé l’enlèvement des déchets. Ils ont réfléchi à un projet d’avenir pour la réhabilitation de cette friche en un écosystème tourné vers la forêt, mais aussi la faune et la flore existantes. Cette idée, défendue notamment par le département des Yvelines et les maires des communes, s’inscrit pleinement dans une logique de développement durable.

Vous l’avez compris, madame la ministre, la question de la dépollution fait également partie de leurs priorités et une étude est d’ailleurs en cours. L’État s’est associé à ces démarches au sein des comités de pilotage afin que ce fléau écologique ne soit bientôt plus qu’un souvenir, ce que nous espérons tous.

Madame la ministre, comment l’État va-t-il poursuivre son soutien aux initiatives des élus locaux concernant l’avenir de la plaine de Carrières-sous-Poissy ? Quelles sont les prochaines étapes ? Qui paie in fine ? Souvent, ce sont les élus locaux qui prennent en charge l’essentiel de ces dépollutions.

Plus largement, comment l’État accompagne-t-il les élus locaux sur la question des friches, qu’elles soient industrielles ou non ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. On a beaucoup entendu parler, madame de Cidrac, de cet énorme site de dépôts sauvages, qui était absolument aberrant. Nous travaillons sur la question de ces dépôts : la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite AGEC, prévoit la création d’une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pour éviter les dépôts sauvages, par exemple de déchets du BTP. Dans mon souvenir, le site de Carrières-sous-Poissy en comptait beaucoup.

Nous n’en sommes pas au début du projet, la réhabilitation a déjà été pensée et de nombreux travaux ont déjà été mis en place. Je salue d’ailleurs le travail qui a été accompli par tous les acteurs du système et j’insiste sur la méthode très intéressante retenue : tous les acteurs se sont mis autour de la table pour essayer de trouver des solutions à ce problème et de construire un projet de territoire, qui a d’ailleurs fait l’objet de nombreux débats et pour lequel il peut y avoir un certain nombre de financements. L’État est déjà impliqué financièrement. Peut-être que des financements supplémentaires sont envisageables dans le cadre du plan de relance, notamment par le biais du fonds Friches.

Aujourd’hui, grâce à la loi AGEC, mais pas seulement, nous voulons renforcer les sanctions en cas de dépôts sauvages. Le préfet des Yvelines accompagne le projet.

De manière générale, face à ce type de problème, on ne parviendra à trouver des solutions qu’avec un projet de territoire. J’alerte sur la création possible de contrats de relance et de transition écologique (CRTE), qui dépassent la simple question des déchets et doivent être appréhendés comme de véritables projets de territoire de développement durable, ce qui leur permettra d’être alimentés par un certain nombre de financements.

Madame la sénatrice, je vous invite à contacter les services du ministère pour que nous puissions étudier cela de plus près.