Sommaire

Présidence de Mme Pascale Gruny

Secrétaires :

Mmes Françoise Férat, Martine Filleul.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

financement des travaux de la route nationale 135

Question n° 1443 de M. Gérard Longuet. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.

concession bleue lorraine et impacts de la réforme du code minier

Question n° 1475 de M. Jacques Fernique. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Jacques Fernique.

difficultés quant à la mise en œuvre du décret du 5 mars 2019 relatif aux aires de grand passage

Question n° 1487 de M. André Reichardt. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. André Reichardt.

indemnisation des propriétaires victimes des épisodes de sécheresse-réhydratation survenus en sarthe

Question n° 1509 de M. Jean Pierre Vogel. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Jean Pierre Vogel.

affectation d’une partie des crédits verts européens à la rénovation des réseaux d’assainissement

Question n° 1515 de Mme Colette Mélot. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Colette Mélot.

relance des trains de nuit en france

Question n° 1422 de M. Bernard Delcros. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Bernard Delcros.

entretien des joints de ponts-routes

Question n° 1472 de M. Frédéric Marchand. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.

manque de communication de la sncf envers les maires

Question n° 1481 de M. Jérôme Bascher. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Jérôme Bascher.

transfert de pleine propriété de la ligne des chemins de fer de provence

Question n° 1485 de M. Philippe Tabarot. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Philippe Tabarot.

desserte ferroviaire de la bretagne

Question n° 1554 de M. Michel Canevet. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Michel Canevet.

projet hercule et avenir des concessions du lot et de la truyère

Question n° 1431 de M. Jean-Claude Anglars. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Jean-Claude Anglars.

pouvoirs des élus en matière d’implantation d’infrastructures de production d’énergie

Question n° 1530 de M. Hervé Maurey. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Hervé Maurey.

maintien de l’aide couplée ovine

Question n° 1438 de M. Philippe Bonnecarrère. – M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Philippe Bonnecarrère.

phosmet

Question n° 1440 de M. Jean-Baptiste Blanc. – M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Jean-Baptiste Blanc.

positionnement territorial des délégués départementaux aux droits des femmes

Question n° 1426 de Mme Laurence Rossignol. – M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Laurence Rossignol.

organisation des cérémonies funéraires dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Question n° 1494 de M. Jean-Claude Tissot. – M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Jean-Claude Tissot.

éligibilité de la ville de charleville-mézières à la dotation politique de la ville

Question n° 1453 de M. Marc Laménie. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville.

schéma de vaccination contre la covid-19 par les pharmaciens

Question n° 1480 de Mme Corinne Imbert, en remplacement de M. Bruno Belin. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ; Mme Corinne Imbert.

inscription de la commune de loireauxence en zone d’intervention prioritaire

Question n° 1493 de Mme Michelle Meunier. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ; Mme Michelle Meunier.

arrangement de reconnaissance mutuelle entre la france et le québec relatif aux masseurs-kinésithérapeutes

Question n° 1559 de M. Dominique Théophile. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ; M. Dominique Théophile.

insécurité dans l’essonne

Question n° 1467 de M. Jean-Raymond Hugonet. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Jean-Raymond Hugonet.

référentiel national de défense extérieure contre l’incendie

Question n° 1555 de Mme Céline Brulin. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; Mme Céline Brulin.

personnels des services de soins infirmiers à domicile et autres établissements

Question n° 1433 de M. Stéphane Sautarel. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Stéphane Sautarel.

suppression de la greffe cardiaque à l’hôpital henri-mondor de créteil

Question n° 1500 de Mme Laurence Cohen. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; Mme Laurence Cohen.

réglementation des stages de survie

Question n° 1447 de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; M. Yannick Vaugrenard.

regroupement pédagogique intercommunal et fermeture de classes en milieu rural

Question n° 1508 de M. Michel Canevet en remplacement de M. Pierre Louault. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; M. Michel Canevet.

allocation budgétaire de l’aide publique au développement pour la distribution du vaccin contre la covid-19

Question n° 1451 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; Mme Hélène Conway-Mouret.

difficultés économiques des centres culturels sous statut d’établissement public à caractère industriel et commercial

Question n° 1471 de Mme Laure Darcos. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; Mme Laure Darcos.

situation des parents séparés ou divorcés dont l’un des enfants est handicapé

Question n° 1449 de M. Serge Babary. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; M. Serge Babary.

nombre de places disponibles au sein des instituts médico-éducatifs

Question n° 1504 de Mme Martine Filleul. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; Mme Martine Filleul.

double imposition des frontaliers français placés en chômage partiel en allemagne

Question n° 1479 de Mme Laurence Muller-Bronn. – M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises ; Mme Laurence Muller-Bronn.

seuil de dispense des procédures de marchés publics

Question n° 1486 de Mme Catherine Belrhiti. – M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises ; Mme Catherine Belrhiti.

compensation de la suppression de la taxe d’habitation pour les syndicats intercommunaux à vocation multiple

Question n° 1526 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises ; Mme Dominique Estrosi Sassone.

cyberattaques visant les collectivités de l’oise

Question n° 1458 de M. Édouard Courtial. – M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises ; M. Édouard Courtial.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

3. Décès d’un ancien sénateur

4. Monde combattant. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Texte élaboré par la commission

Vote sur l’ensemble

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Mme Pascale Gruny

M. Jean-Pierre Decool

M. Guillaume Gontard

M. Martin Lévrier

M. Éric Gold

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Victoire Jasmin

M. Alain Duffourg

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

5. Mesures de justice sociale. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

M. Philippe Mouiller, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Colette Mélot

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Xavier Iacovelli

Mme Maryse Carrère

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Olivier Henno

Mme Michelle Meunier

M. Laurent Burgoa

M. Yves Bouloux

M. Marc Laménie

Clôture de la discussion générale.

Article 1er (suppression maintenue)

Article 2

M. Bernard Jomier

M. Daniel Chasseing

Adoption de l’article.

Article 3

M. Mickaël Vallet

Amendement n° 4 de M. Mickaël Vallet. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3 bis (nouveau) – Adoption.

Articles additionnels après l’article 3 bis

Amendement n° 2 rectifié de Mme Michelle Meunier. – Rejet.

Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Michelle Meunier. – Rejet.

Article 4

Amendement n° 6 de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 4

Amendement n° 3 rectifié de M. Michel Savin. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 5 (suppression maintenue)

Article 6 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Monique Lubin

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Antoine Lefèvre

Mme Nassimah Dindar

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales

6. Modification de l’ordre du jour

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Pascale Gruny

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

Mme Martine Filleul.

Mme le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

Mme le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

financement des travaux de la route nationale 135

Mme le président. La parole est à M. Gérard Longuet, auteur de la question n° 1443, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Gérard Longuet. Je ne retracerai pas en deux minutes trente vingt ans de bataille administrative pour obtenir l’achèvement de la liaison rapide reliant Bar-le-Duc à la RN 4, dont le maillon essentiel est constitué par la déviation de Velaines. Je me contenterai, madame la secrétaire d’État, d’appeler votre attention sur plusieurs chiffres.

Entre décembre 2017 et décembre 2020, trois ans se sont écoulés. Pendant ces trois années, le devis établi par l’État pour réaliser cette déviation est passé de 48 millions d’euros à 81 millions d’euros, soit une augmentation de 65 %.

Je sais que vous connaissez admirablement le sujet, puisque mon excellent collègue Franck Menonville, sénateur de la Meuse, vous a déjà interrogée sur ce point et la même question vous a été posée par M. Bertrand Pancher, député de la Meuse. Or vos réponses – ou, plutôt, celles de vos services, disons-le – ne sont pas satisfaisantes, car elles font référence à l’actualisation des prix. En dix ans, les prix des travaux publics ont augmenté de 8 %. En trois ans, ils ont peut-être pu augmenter de 2 %, mais certainement pas de 65 % !

Certes, il y a la loi sur l’eau et les milieux aquatiques… Toutefois, le Conseil national de la protection de la nature et toutes les autorités ont accordé leur autorisation à ce nouveau projet en tenant compte de la loi de 2006. Par conséquent, en 2017, la DIR, la direction interdépartementale des routes, avait déjà intégré les exigences de la loi sur l’eau.

Enfin, nous découvrons un surcoût – mais je crois que l’État s’engage à le prendre à sa charge – dû aux fouilles archéologiques, à hauteur de 10 % du budget initial. Je ne pense pas que beaucoup de maîtres d’ouvrage public aient été confrontés à une telle exigence.

Voilà pourquoi les réponses que vous avez déjà données à mes prédécesseurs ne sont pas satisfaisantes, en particulier lorsque vous évoquez l’hypothèse d’une deuxième phase qui commencerait en 2023. En effet, 2023 devait être la date d’achèvement de la déviation selon l’accord de cofinancement de janvier 2018 sur la base du devis de l’État de décembre 2017, qui recueillait toute notre confiance. On nous explique aujourd’hui que les travaux commencent, mais s’ils débutent sans pouvoir être achevés cela n’a simplement aucun sens !

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Longuet, effectivement, nous avons déjà largement évoqué cette question, mais je vous rejoins sur la nécessité de maintenir une saine pression pour la réalisation de ce projet, auquel nous sommes tous attachés.

Le Gouvernement a fait de la réalisation des aménagements prévus sur la route nationale 135 une priorité. La déviation de Velaines et l’échangeur de Ligny-en-Barrois sont inscrits à ce titre dans l’actuel contrat de plan État-région pour un montant de 48 millions d’euros, dont 27,5 millions d’euros sont pris en charge par l’État. Cet engagement a été confirmé dans le cadre du projet de développement de territoire qui accompagne le projet Cigéo.

Depuis, plusieurs étapes ont été engagées. Les acquisitions foncières nécessaires aux travaux ont été réalisées en quasi-totalité. La dérogation espèces protégées, après avis du Conseil national de la protection de la nature, et l’autorisation au titre de la loi sur l’eau ont été obtenues ; elles ont fait l’objet des prolongations nécessaires à la fin de l’année 2020. Les premiers travaux vont donc pouvoir débuter, avec le lancement de la première phase intégrant, notamment, les travaux du giratoire de Tronville. Par ailleurs, 4 millions d’euros supplémentaires seront affectés cette année pour réaliser les fouilles archéologiques préventives.

Vous l’avez mentionné, l’actualisation des études détaillées par le maître d’œuvre chargé de la finalisation du dossier a fait apparaître une augmentation importante du coût de l’opération, à hauteur de 33,5 millions d’euros. Ce surcoût est principalement dû à des actualisations de prix,…

M. Gérard Longuet. Ça, c’est une plaisanterie, permettez-moi de vous le dire !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. … ainsi qu’à des réévaluations de l’estimation des terrassements et d’ouvrages d’art découlant d’évolutions de normes géométriques et constructives et de reprise de calcul des fondations. Les fouilles archéologiques très importantes rendues nécessaires par la découverte d’une nécropole ont fortement contribué au renchérissement du coût de ce projet.

Je vous confirme néanmoins que les crédits déjà mis en place permettent un avancement normal des opérations à mener d’ici à la fin de 2022, sans retard de calendrier.

Le ministre des transports a demandé que les estimations des surcoûts soient affinées et complétées par la recherche en parallèle d’optimisations possibles.

La mise en place du financement complémentaire nécessaire à cette seconde phase devra donc être recherchée dans le cadre de la prochaine contractualisation sur les infrastructures, qui prendra effet à compter de 2023.

Je vous confirme que l’État reste particulièrement mobilisé sur ce dossier.

concession bleue lorraine et impacts de la réforme du code minier

Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, auteur de la question n° 1475, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Jacques Fernique. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur la demande de concession de mines d’hydrocarbures en Lorraine déposée par La Française de l’énergie. Cette société souhaite exploiter du gaz de couche jusqu’en 2040, ce qui pose à mon sens deux problèmes majeurs : cela ne concourt pas à la réussite de notre stratégie bas-carbone et c’est l’illustration d’un droit minier déconnecté du droit environnemental.

Cette concession couvrirait près de 200 kilomètres carrés et toucherait quarante communes. Au total, elle représenterait quarante et une plateformes de forage. Pour un projet aussi impactant, une simple enquête publique a eu lieu en septembre 2020, à laquelle seules quatorze communes ont eu les moyens de répondre.

Des associations et beaucoup d’élus locaux s’opposent à ce projet, qui aurait un impact économique limité et constituerait une menace pour la biodiversité, les sols et la ressource en eau. Surtout, la société n’a pas convaincu qu’elle avait les capacités techniques et financières suffisantes pour exploiter ces hydrocarbures sans recours à la fracturation hydraulique, interdite depuis 2017.

La demande de concession relevant du droit minier, elle échappe totalement au code de l’environnement. Elle n’a donc pas fait l’objet d’une concertation préalable ou d’un débat public, et aucune évaluation environnementale n’a été exigée. Ces anomalies sont difficilement compréhensibles.

L’étude d’impact du projet de loi Climat et résilience a souligné que le droit minier prend mal en compte les enjeux économiques, environnementaux et sociaux et la participation du public. Une commission d’enquête du Sénat a recommandé, dans son rapport de septembre 2020, de mettre un terme aux asymétries entre le code minier et le code de l’environnement. Pourtant, la société La Française de l’énergie va sans doute profiter du droit de suite.

Ma question est donc la suivante : à l’heure où un début de réforme du code minier apparaît dans le projet de loi Climat et résilience, est-il raisonnable d’autoriser une concession de gaz de couche sans évaluation environnementale ni véritable débat citoyen ? Est-il cohérent d’autoriser pour vingt ans encore l’extraction de ressources fossiles d’hydrocarbures à rebours de nos engagements climatiques ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Fernique, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la demande d’octroi de la concession « Bleue Lorraine », déposée fin 2018 par la société La Française de l’énergie.

La décision réservée à cette demande sera prise dans les trois ans suivant son dépôt, comme c’est l’habitude. Cette demande est actuellement en phase d’instruction locale et a été soumise à enquête publique du 10 septembre au 13 octobre 2020.

L’instruction de la demande se poursuivra par une phase d’instruction nationale qui, en application des dispositions du code minier, concernera l’appréciation des capacités techniques et financières du demandeur pour mener à bien les travaux d’exploitation et assumer les obligations pour préserver les intérêts de sécurité du travail, de sécurité des édifices publics ou privés et de protection de l’environnement – je pense en particulier à la préservation de la faune et de la flore à laquelle je suis attachée – et pour réaliser l’arrêt des travaux lors de la cessation de l’exploitation.

Comme vous l’indiquez, la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures a posé le principe du maintien des titres en cours de validité et la possibilité d’octroi de concessions, exclusivement dans le cadre du droit de suite d’un permis exclusif de recherches. Le droit de suite n’implique en aucun cas l’octroi automatique du titre minier demandé.

La ministre de la transition écologique a demandé aux services d’être très vigilants sur les points qui suscitent votre inquiétude et de conduire l’examen des capacités techniques et financières du demandeur, en veillant au strict respect de la réglementation en vigueur.

J’ajoute que, si la concession est octroyée au pétitionnaire, les enjeux environnementaux seront pris en compte avec la plus grande attention lors de l’instruction des demandes d’autorisation de travaux miniers nécessaires pour réaliser l’exploitation.

Comme vous l’avez rappelé, la réforme du code minier prévue par le projet de loi Climat et résilience ira plus loin, en introduisant notamment l’obligation de réaliser une analyse environnementale, économique et sociale pour l’octroi et l’extension des titres miniers d’exploration et d’exploitation. Les mêmes modalités s’appliqueront à la prolongation des titres exclusifs d’exploitation et des transformations de titres exclusifs de recherches en titres exclusifs d’exploitation.

Dans le cadre du débat démocratique que nous souhaitons voir renforcé, le demandeur d’un titre minier mettra à disposition du public sur un site internet son dossier de demande, ainsi que la réponse écrite à l’avis de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable et à l’avis économique et social du Conseil général de l’économie avant l’ouverture de l’enquête publique ou la réalisation de la participation du public, toutes deux prévues au code de l’environnement.

Enfin, les collectivités territoriales, communes et éventuellement établissements publics intercommunaux, seront systématiquement consultées tout le long de la vie du titre minier, du dépôt de la demande à la fermeture des installations.

Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.

M. Jacques Fernique. Je vous remercie de votre vigilance, madame la secrétaire d’État. Votre réponse montre bien la nécessité urgente de réformer le code minier pour renforcer l’évaluation environnementale et le débat démocratique.

La Commission nationale du débat public doit pouvoir être saisie d’un projet de cette envergure. Il n’est plus compréhensible, après les accords de Paris, que la région Lorraine et l’avenir de notre climat soient encore impactés par un projet aussi toxique.

difficultés quant à la mise en œuvre du décret du 5 mars 2019 relatif aux aires de grand passage

Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, auteur de la question n° 1487, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.

M. André Reichardt. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les dispositions du décret n° 2019-171 du 5 mars 2019 relatif aux aires de grand passage destinées aux gens du voyage. En effet, ce décret impose de nouvelles normes aux EPCI chargés de l’aménagement et de la gestion de ces aires, y compris à ceux qui ont déjà rempli leurs obligations en créant une aire de grand passage sur leur territoire.

Ainsi, la mise en place d’une norme de superficie de 4 hectares – excusez du peu ! – est particulièrement problématique dans le contexte de tension foncière de certains départements, dont celui du Bas-Rhin, qui est le mien. Cette superficie, d’ailleurs désapprouvée en son temps par les représentants locaux des gens du voyage siégeant à la commission départementale consultative, est de nature à favoriser la constitution de groupes dont la taille entraînera inévitablement des difficultés de gestion et de cohabitation.

À défaut d’une mise aux normes rapide et naturellement difficile eu égard aux aménagements à réaliser, les collectivités territoriales concernées risquent d’être impactées négativement par des occupations sauvages dans la mesure où elles ne seront plus en conformité avec la réglementation, ce que ne manquerait pas de relever tout tribunal.

Bien entendu, ces exigences nouvelles augmentent à due proportion la charge financière des EPCI, sans compensation. Vous le savez, les aires de grand passage ne bénéficient d’aucune aide en fonctionnement et les seules aides à l’investissement n’interviennent qu’à travers la DETR. En conséquence, quelles aides l’État peut-il apporter aux EPCI pour résoudre ces difficultés ? Est-il envisageable d’apporter une modification au décret concerné ? À défaut, quels accompagnements financiers pourraient-ils être mobilisés pour aider les EPCI à faire face aux charges nouvelles, en termes aussi bien d’investissement que de fonctionnement ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Reichardt, vous avez souhaité appeler l’attention de la ministre du logement sur la portée des normes issues du décret n° 2019-171 du 5 mars 2019 relatif aux aires de grand passage.

Ce décret répond à l’objectif général visé par le législateur depuis 2000 de permettre l’accueil temporaire des gens du voyage. Il s’appuie aussi sur des constats partagés lors de plusieurs concertations avec des collectivités territoriales, leurs associations et des représentants des usagers, ainsi que des travaux techniques de la Commission nationale consultative des gens du voyage.

Ce décret fixe des conditions minimales d’accueil, formule des recommandations et laisse aux communes et aux EPCI le soin d’adapter ces dispositions aux réalités locales, par exemple concernant le règlement du droit d’usage et de la tarification des prestations qui peut faire l’objet d’un forfait. Il prévoit également des dérogations pour tenir compte des disponibilités foncières, des spécificités topographiques ou des besoins particuliers définis par le schéma départemental.

L’expérience montre que, lorsque les aires de grand passage prévues par le schéma départemental ont été réalisées, la majorité des installations se déroulent dans des conditions sereines et les stationnements illicites sont moindres. C’est précisément l’un des objectifs prioritaires du schéma départemental du Bas-Rhin 2019-2024. Sur les quatre aires de grand passage initialement prévues, deux seulement sont en service. Le schéma prescrit donc la réalisation de ces deux aires afin d’améliorer l’accueil. Il prévoit également un diagnostic spécifique sur les grands passages dans le cadre d’une concertation avec les EPCI concernés et des propositions d’aménagement.

Des possibilités de financement existent pour les EPCI répondant aux critères d’éligibilité. Dans le Bas-Rhin, une subvention d’aide à l’investissement au titre de la DETR a été octroyée à la communauté de communes du Pays Rhénan à hauteur de 273 735 euros pour un coût prévisionnel de l’opération porté à 475 392 euros, soit un taux d’aide de près de 60 %.

Cet équipement, qui avait été prescrit par le précédent schéma, est par ailleurs cofinancé par la communauté de communes du Pays de Niederbronn-les-Bains. D’autres financements peuvent être accordés tels que la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, ou le Fonds européen de développement régional, le Feder. Un cofinancement de plusieurs collectivités peut également être envisagé pour un équipement en gestion mutualisée.

Nous avons un certain recul sur ce décret, qui comprend des dispositions pragmatiques et s’appuie sur des pratiques mises en œuvre à partir de 2001. Il devrait contribuer à développer les équipements restant à réaliser au regard des prescriptions des schémas départementaux, soit la moitié des aires de grand passage prescrites, et à réduire les stationnements illicites que ce déficit d’accueil peut entretenir.

Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.

M. André Reichardt. Cette réponse ne me satisfait pas, car il n’y a pas eu de concertation en amont sur l’aire de grand passage que je viens d’évoquer, sans quoi je ne poserais pas une telle question aujourd’hui. Au contraire, les représentants des résidents concernés ont émis un avis défavorable.

Il est de l’intérêt de tous, comme Mme la secrétaire d’État l’a souligné, de faire en sorte que ces aires de grand passage soient réalisées et qu’elles fonctionnent pour éviter les occupations illicites et sauvages.

Mme le président. Merci de conclure !

M. André Reichardt. Bref, les moyens n’ont pas été accordés et la décision n’est absolument pas concertée.

indemnisation des propriétaires victimes des épisodes de sécheresse-réhydratation survenus en sarthe

Mme le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, auteur de la question n° 1509, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.

M. Jean Pierre Vogel. La Sarthe a connu des épisodes rapprochés de particulière sécheresse suivie d’inondations depuis 2018. Elle fait partie des départements dont les sols dits « argileux » déstabilisent et fissurent les constructions.

Les propriétaires de maisons et bâtiments endommagés se trouvent dans une situation catastrophique, dans l’impossibilité financière de réaliser les réparations des dommages provoqués par les mouvements des sols, de louer un autre logement et encore moins de vendre leur bien déprécié.

Quant aux maires des communes concernées, ils ont été et sont encore dans une grande solitude pour accompagner les propriétaires. Certaines communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle, pas toutes, tant s’en faut, sans qu’élus et population comprennent toujours pourquoi. Les services de l’État n’ont pas de réponse précise et concrète à leur apporter.

En 2019, une mission d’information du Sénat a travaillé sur le sujet de la gestion des risques climatiques et de l’évolution des régimes d’indemnisation. Une proposition de loi a été déposée et adoptée à l’unanimité le 15 janvier 2020, mais elle n’a pas été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale !

Depuis, la loi de finances pour 2021 a prévu un dispositif d’aide exceptionnel, actuellement mis en œuvre via les préfectures. Or les conditions posées à l’indemnisation sont très restrictives, imposant des limitations de délai d’achèvement de la construction et de date de dépôt de demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Enfin, l’indemnisation ne vise que les propriétaires très modestes au sens des plafonds de ressources de l’ANAH.

Le Gouvernement entend-il ces propriétaires victimes des catastrophes naturelles de ces dernières années et que leur répond-il ? L’aide exceptionnelle ne va toucher qu’un nombre réduit de propriétaires : vers qui la très grande majorité d’entre eux devra-t-elle se tourner ?

Quels outils le Gouvernement prévoit-il pour que les maires se sentent épaulés ? Ils s’inquiètent en effet du coût des études de sols qu’ils ont demandées. Ils craignent également que leur responsabilité ne soit engagée en cas d’effondrement des maisons. Que leur répond le Gouvernement ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Jean Pierre Vogel, vous avez souhaité appeler l’attention du Gouvernement sur la question de l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles de type sécheresse-réhydratation des sols. Comme vous le savez, le Gouvernement est très attentif à cette question.

Il convient d’abord de rappeler que, au-delà de ce fonds d’urgence, le Gouvernement, en application de la loi ÉLAN et par arrêté du 22 juillet 2020, a pris des mesures préventives concernant les constructions neuves, en imposant des études géotechniques dans les zones d’aléas pour le retrait-gonflement d’argile. Il s’agit de s’assurer que ce type de dégâts ne se reproduise pas pour les constructions à venir.

Pour remédier à certaines situations d’urgence liées à la sécheresse de 2018, la loi de finances pour 2020 a prévu la mise en place exceptionnelle, à hauteur de 10 millions d’euros, d’un dispositif de soutien aux victimes les plus affectées par l’épisode.

Le phénomène de retrait-gonflement des sols survenu en 2018 implique un total de 5 680 communes, qui ont demandé une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ; 3 981 d’entre elles ont reçu un avis favorable et ne sont donc pas concernées par ce dispositif exceptionnel d’urgence. Les 1 699 demandes avec un avis défavorable de la commission correspondent à environ 15 000 bâtiments.

Les dommages visés impliquent des travaux lourds et coûteux, portant sur la structure ou les fondations. D’une manière générale, il apparaît que, dans le cas des dossiers pris en charge par le dispositif de catastrophe naturelle, le montant des travaux réalisés à la suite d’un sinistre lié au phénomène de retrait-gonflement des argiles est supérieur à 25 000 euros. Il est donc nécessaire, dans le cas de ce dispositif exceptionnel, de cibler prioritairement les propriétaires aux revenus modestes, qui se trouveraient, sans cette aide, dans l’impossibilité de réaliser de tels travaux.

La typologie des demandes reçues depuis la mise en place de ce fonds conduit à étudier son ouverture à des ménages aux revenus intermédiaires. Ce point fait l’objet d’un travail interministériel.

Plus largement et à plus moyen terme, il apparaît que le régime de catastrophe naturelle est un dispositif ancien dont les critères peinent à s’adapter parfaitement au contexte de multiplication des sécheresses et de leurs conséquences sur le bâti existant. Le Gouvernement est déterminé à traiter les conséquences de ces phénomènes et a missionné l’IGF, l’IGA et le CGEDD pour faire un diagnostic et des propositions. Les conclusions de la mission sont attendues au printemps. Certaines de ces propositions pourraient être intégrées dans la proposition de loi Baudu, portant sur ce sujet, qui doit désormais être examinée au Sénat.

Mme le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, pour la réplique.

M. Jean Pierre Vogel. Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d’État, mais j’espérais avoir des informations plus satisfaisantes.

Le Gouvernement a commandé de nouvelles études, alors que tout est dans le rapport sénatorial Bonnefoy-Vaspart de 2019. C’est sans doute la volonté politique qui manque, sans doute aussi peut-être les moyens financiers…

Le Gouvernement ne peut ignorer plus longtemps le sujet et rester sourd aux doléances et à la souffrance de ces propriétaires. Il peut encore moins susciter des propositions de loi quand il faudrait reprendre celle de la sénatrice Bonnefoy, qui a été adoptée au Sénat. Il importe d’agir enfin pour les sinistrés d’aujourd’hui et pour ceux de demain !

affectation d’une partie des crédits verts européens à la rénovation des réseaux d’assainissement

Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot, auteure de la question n° 1515, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Colette Mélot. Madame la secrétaire d’État, l’eau est une ressource essentielle. Longtemps considérée comme abondante, elle est aujourd’hui perçue comme un bien limité à la qualité menacée. Parmi les nombreux défis de développement durable, l’accès à l’eau est donc fondamental.

La loi NOTRe a modifié les règles de la compétence « eau et assainissement ». Ainsi, les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, devront d’ici au 1er janvier 2026 prendre le relais des communes. À cette date, les communes déjà raccordées et celles qui ne le sont pas paieront toutes le même prix : dans certaines communes, ce prix pourrait être multiplié par deux, par trois ou même par quatre.

Dans mon département, la Seine-et-Marne, qui compte 510 communes réunissant plus de 10 400 kilomètres de réseau d’eau potable, l’âge moyen des réseaux est de 70 ans. Le rendement est évalué à 80 %, c’est-à-dire qu’entre l’eau pompée et celle qui est distribuée, 20 % de l’eau est perdue dans le transport, à savoir 17 millions de mètres cubes.

Les remises à niveau nécessaires des réseaux d’eau et d’assainissement au sein des EPCI nécessitent des investissements colossaux. Si les communes ont pu bénéficier des aides de l’Agence de l’eau, du département, de la région, avec des taux de subvention atteignant 80 %, la situation a bien changé, et ces taux sont aujourd’hui divisés par deux.

Certaines communes ont été des modèles en devançant les intercommunalités. Elles ont emprunté pour construire leur réseau d’assainissement communal. Ainsi, dans une intercommunalité, certaines villes ont un réseau d’assainissement, d’autres non. L’idée est donc de trouver un équilibre entre bonne gestion et solidarité, afin de ne pas pénaliser les bons élèves au sein d’une même intercommunalité.

Le renouvellement des conduites d’eau potable et des réseaux d’assainissement ayant un impact très important sur l’économie de la ressource et la préservation des milieux naturels, l’Association des maires ruraux de Seine-et-Marne a émis l’idée qu’une partie des crédits verts européens soit dédiée à la rénovation des réseaux, permettant ainsi d’éviter une forte augmentation des prix à la charge du contribuable. Je me fais donc aujourd’hui la porte-parole des élus ruraux de Seine-et-Marne et vous demande, madame la secrétaire d’État, si le Gouvernement est prêt à soutenir cette proposition.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Mélot, les onzièmes programmes d’intervention 2019-2024 des agences de l’eau ont été élaborés dans un cadre financier contraint, avec la nécessaire prise en compte de nouveaux enjeux comme l’adaptation au changement climatique et la lutte contre l’érosion de la biodiversité.

Les instances de gouvernance des agences de l’eau regroupant l’ensemble des acteurs ont été amenées à faire des choix et, par conséquent, à mettre davantage de sélectivité dans les conditions d’octroi des aides.

Les interventions des agences de l’eau ont été recentrées, dans une logique de solidarité territoriale, sur les collectivités qui rencontrent de façon structurelle des difficultés pour faire face aux investissements relatifs aux équipements d’infrastructures.

Ainsi, pour la période 2019-2024, ce sont 4,5 milliards d’euros d’aides qui seront engagés par les six agences de l’eau en faveur de projets d’installation de traitement, de renouvellement de réseaux ou d’interconnexion. La gestion des eaux pluviales bénéficie d’une enveloppe dédiée de 850 millions d’euros.

À titre d’exemple, l’agence de l’eau Seine-Normandie a d’ores et déjà engagé 238 millions d’euros en 2019 et 226 millions d’euros en 2020 en faveur d’infrastructures dédiées au petit cycle de l’eau.

En complément de ces crédits, les agences de l’eau vont engager dans le cadre du plan de relance, dès 2021, 250 millions d’euros d’aides pour des projets portant sur la modernisation du réseau d’eau potable, sur la mise aux normes de stations de traitement des eaux usées, sur la rénovation des réseaux d’assainissement, y compris les mauvais branchements, sur le déraccordement des rejets d’eaux pluviales des réseaux d’assainissement et leur infiltration à la source, ainsi que sur l’hygiénisation des boues d’épuration. L’actualité récente nous montre combien ces travaux sont d’importance.

Sur ce montant global de 250 millions d’euros de crédits du plan de relance en faveur de ces mesures, une enveloppe de 68 millions d’euros est allouée à l’agence de l’eau Seine-Normandie. Les projets qui pourront bénéficier de ces crédits sont pour la plupart identifiés et leur répartition est équilibrée par région et par département.

Ces 250 millions d’euros de crédits seront mobilisés principalement en faveur des collectivités rurales. Par conséquent, ils répondent à la demande des élus ruraux de Seine-et-Marne que vous relayez.

Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.

Mme Colette Mélot. Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d’État. J’espère que les élus ruraux y trouveront leur compte. L’affectation des crédits verts européens aurait été une bonne proposition.

relance des trains de nuit en france

Mme le président. La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 1422, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

M. Bernard Delcros. Madame la secrétaire d’État, dans une interview du 31 janvier dernier, le ministre des transports, Jean-Baptiste Djebbari, a déclaré : « Quand les moyens sont là avec une bonne qualité de service et la bonne offre commerciale, il y a une clientèle pour les trains de nuit. »

Fort de cette réalité, des enjeux écologiques et des opportunités de financement ouvertes par les plans de relance français et européen, le Gouvernement a fait le choix de développer de nouvelles lignes de trains de nuit. Je soutiens bien évidemment cette orientation, mais je veux vous alerter sur la nécessité absolue de tenir compte, dans vos choix, des besoins en matière d’aménagement du territoire et de l’insuffisance de transports dans certains départements.

À ce titre, les élus unanimes, les acteurs économiques et les habitants du Cantal et d’Auvergne ne comprendraient pas que, dans le cadre de cet ambitieux projet de développement des trains de nuit, notre région ne bénéficie pas d’une remise en service du train de nuit Aurillac-Paris, alors même qu’Aurillac est la préfecture de France métropolitaine la plus éloignée d’un axe autoroutier.

Or les éléments diffusés en amont de la publication du rapport du Gouvernement sur ce sujet ne nous rassurent pas vraiment. Aussi, pouvez-vous m’assurer, madame la secrétaire d’État, qu’une concertation sera menée avec les parlementaires et les élus avant que la décision définitive ne soit prise et me préciser dans quels délais elle pourrait avoir lieu ?

Par ailleurs, pouvez-vous me confirmer que le rétablissement du train de nuit Aurillac-Paris fait partie des projets qui pourraient être retenus par le Gouvernement ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Delcros, vous m’interrogez sur la stratégie de redéploiement des trains de nuit que le Gouvernement a engagée et qu’il poursuit. En tant qu’ancienne rapporteure de la loi d’orientation des mobilités, j’y étais – vous le savez – très attachée.

Nous poursuivons, et amplifions même, cette dynamique dans le plan de relance, puisque la priorité a été réorientée vers le développement du ferroviaire, là où des gouvernements précédents – vous le savez également – s’étaient résolus à abandonner progressivement les lignes de trains de nuit.

Nous nous sommes fixé trois axes prioritaires.

D’abord, la pérennité des deux lignes encore existantes : Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour-de-Carol-Port-Bou, avec un investissement de 44 millions d’euros pour rénover les 71 voitures de ces deux lignes, ainsi que d’importants travaux de régénération engagés sur les voies concernées pour pouvoir rendre un meilleur service dès 2022.

Ensuite, l’ouverture de nouvelles lignes, avec 100 millions d’euros du plan de relance dédiés. Il s’agit de la ligne Paris-Nice pour le printemps 2021 et de la ligne Paris-Tarbes pour 2022, avec un prolongement vers Lourdes, Dax et Hendaye en haute saison. Les modalités de reprise sont en train d’être précisées par la SNCF. Nous savons combien les attentes des voyageurs et des élus sont grandes.

Enfin, il nous faut penser le maillage de demain. Le ministre Djebbari a indiqué que près de dix lignes de trains de nuit pourraient voir le jour d’ici à 2030. Un rapport devrait être prochainement remis au Parlement, conformément aux engagements de la loi d’orientation des mobilités pris sur la base d’un amendement de votre serviteur – et je m’en félicite.

Dans le cadre de la réalisation de ce rapport, nous avons pris note des fortes demandes des élus du Cantal en faveur d’un train de nuit desservant Aurillac. Je sais que ce sujet vous est particulièrement important. Le rapport qui sera remis s’attache à définir des corridors. Il s’agira ensuite de poursuivre les échanges avec les opérateurs pour affiner les tracés qui soient les plus pertinents, afin d’acheter les matériels roulants nécessaires.

Monsieur le sénateur, je peux d’ores et déjà vous indiquer qu’Aurillac fait bien partie des hypothèses de desserte examinées dans cette étude, depuis le corridor reliant Paris à Toulouse. Nous aurons donc l’occasion de poursuivre ces échanges lors des débats à venir au Parlement, et le Gouvernement répondra toujours présent s’agissant de cet enjeu majeur de désenclavement de nos territoires et de décarbonation de nos modes de transport.

Mme le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.

M. Bernard Delcros. Madame la secrétaire d’État, je veux d’abord vous remercier sincèrement de votre réponse, qui ouvre des perspectives positives pour le Cantal et l’Auvergne. Le train de nuit Aurillac-Paris a été supprimé au nom de la seule rentabilité financière et – vous l’avez rappelé – d’une politique d’abandon des petites lignes de territoires ruraux, qui tournait le dos à une politique d’aménagement du territoire.

Aujourd’hui, il est plus que temps de rétablir de l’équité territoriale dans les politiques publiques et d’adresser des messages d’espoir à la ruralité. Le déploiement des trains de nuit en est l’occasion. Nous comptons sur vous, et vous imaginez bien que nous suivrons ce dossier avec la plus grande détermination.

Je vous remercie encore une fois de votre réponse, qui nous ouvre donc des perspectives positives.

entretien des joints de ponts-routes

Mme le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 1472, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

M. Frédéric Marchand. Madame la secrétaire d’État, le sous-investissement chronique dans l’entretien des ponts explique que certains ouvrages nécessitent des réparations lourdes ou soient démolis alors même qu’ils n’ont que quarante ou cinquante ans d’existence.

Dès lors, il est nécessaire d’entreprendre des actions, comme le maintien en bon état des étanchéités pour éviter des infiltrations d’eau, des joints de chaussée, la peinture des parties métalliques pour éviter leur corrosion ou la dévégétalisation. Ces actions sont essentielles pour maintenir, voire prolonger, la durée de vie des infrastructures.

Nous constatons, hélas, un manque d’investissement de l’État, mais aussi des collectivités territoriales.

Nous devons également déplorer un manque de compétences techniques avec, notamment, la difficulté pour les départements de recruter des ingénieurs spécialisés dans les ouvrages d’art. Si l’État est doté d’un référentiel technique pour la gestion des ponts, qui prévoit un cycle de visites régulières, la méthode d’évaluation des ponts repose sur une inspection visuelle, qui ne permet de suivre que les dégradations visibles. Elle est donc insuffisante.

Nous constatons tous que nos communes se retrouvent à devoir supporter des charges incombant à l’entretien de ces ouvrages d’art sans pour autant bénéficier des moyens techniques et financiers nécessaires.

C’est le cas dans onze communes membres de la communauté de communes de Flandre intérieure traversées par la ligne à grande vitesse Nord.

La jurisprudence constante en la matière pose le principe selon lequel « la domanialité et la propriété d’un pont sont celles de la voie portée par l’ouvrage ».

Aujourd’hui, SNCF Réseau exige l’application stricte de cette jurisprudence. C’est d’autant plus dommageable que les joints de chaussée sont des dispositifs complexes, dont la qualité de conception et de mise en œuvre conditionne directement le bon fonctionnement et la pérennité des ouvrages d’art et non de la voie circulante. Les communes doivent donc prendre en charge des ouvrages de rétablissement des voies dont elles sont de facto propriétaires, alors même que ces ouvrages ont été construits pour permettre de nouvelles infrastructures. Or cette prise en charge excède bien souvent leurs capacités financières.

Le législateur a pris conscience de ce problème. En effet, la loi du 7 juillet 2014 vise à repartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies. De même, un arrêté du 22 juillet 2020 a pour objet de recenser les ouvrages ayant rétabli des voies de communication des collectivités territoriales interrompues par une voie de l’État ou de ses opérateurs. Or les ouvrages de rétablissement surplombant une voie du réseau autoroutier concédé sont exclus du recensement, car la source de l’obligation pour les sociétés concessionnaires de négocier avec les collectivités territoriales des conventions de gestion se trouve dans la convention de concession elle-même.

Aujourd’hui s’ouvre une phase de négociation de conventions par lesquelles l’État et ses établissements publics perdront en charge, dans les conditions prévues par la loi, une partie des frais liés à la surveillance et l’entretien de ces ouvrages.

La conclusion de ces conventions est une opportunité pour les onze communes de la communauté de communes de Flandre intérieure, car celles-ci définiront la répartition de frais d’entretien des ouvrages avec, notamment, une prise en compte des capacités financières.

Aussi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous m’apporter des précisions sur l’instruction ministérielle concernant les modalités d’élaboration et de conclusion de ces conventions ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Marchand, vous nous interpellez effectivement sur la loi Didier (loi du 7 juillet 2014 visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies) et sa bonne application. Cette loi a fait l’objet d’un premier et méticuleux travail par les services de l’État et de ses opérateurs de recensement des ouvrages d’art de rétablissement ne faisant pas l’objet de conventions, dont les ponts-routes. Il s’agissait d’un travail inédit, qui a abouti, après une concertation organisée avec les collectivités territoriales sur la base d’un recensement provisoire, à la publication d’une liste de 9 480 ouvrages d’art, dont plus de 4 000 sont situés au-dessus du réseau ferré français.

En complément de cette liste, le ministère des transports va très prochainement mettre en place un formulaire de contact, afin que les collectivités puissent soumettre des ouvrages d’art de rétablissement dont elle n’avait pas pu soumettre la situation lors du recensement initial.

Ces ouvrages d’art feront progressivement l’objet de conventions sur une période qui, en raison du nombre d’ouvrages à conventionner, s’étalera sur un temps long. Une priorisation du conventionnement des ouvrages sera nécessaire. Au vu de la disparité des réseaux concernés, en termes de nombre d’ouvrages et de caractéristiques techniques, il apparaît préférable que l’État et ses opérateurs définissent chacun la politique de priorisation de conventionnement des ouvrages situés au-dessus de leur réseau, l’État veillant à la cohérence de l’ensemble.

Ainsi, SNCF Réseau travaille actuellement avec les collectivités territoriales ayant sollicité le gestionnaire pour définir le périmètre et le contenu des conventions de gestion. Ces conventions s’inscriront dans le cadre défini par le code général de la propriété des personnes publiques, lequel dispose que le « principe de référence », donc la prise en charge par le gestionnaire de la « nouvelle » infrastructure de l’ensemble des charges relatives à la structure de l’ouvrage, bénéficie, sauf accord contraire des parties, aux collectivités locales propriétaires d’un ouvrage de rétablissement dont le potentiel fiscal est inférieur à 10 millions d’euros.

Vous pouvez compter, monsieur le sénateur, sur notre pleine mobilisation pour la mise en œuvre de la loi.

manque de communication de la sncf envers les maires

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, auteur de la question n° 1481, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

Monsieur Bascher, j’ai une pensée émue pour le député de votre département de l’Oise, Olivier Dassault, qui est décédé brutalement, ainsi que pour sa famille, son suppléant, Olivier Paccaud, ses amis et ses collègues.

M. Jérôme Bascher. Je vous remercie, madame le président, d’avoir une pensée pour Olivier Dassault. Le département de l’Oise est totalement abasourdi par ce drame.

Madame la secrétaire d’État, quand je pose une question orale, j’attends du Gouvernement qu’il m’apporte une réponse et qu’il prenne un engagement. J’avais fait cette remarque, sous forme de reproche, à votre collègue Djebbari que j’aurais aimé interroger aujourd’hui, et je vous remercie sincèrement d’être là pour me répondre.

Lorsque nous tous, ici, au Sénat, allons à la rencontre des maires de nos communes, en particulier rurales, ils nous disent combien leurs relations avec la SNCF sont à tout le moins défaillantes, lorsqu’elles ne sont pas inexistantes. Je ne parle pas de la gestion des gares ; je vous parle des passages à niveau, de l’entretien des voies, de tous ces sujets qui intéressent les maires.

En matière d’entretien, il peut parfois être nécessaire de coordonner des travaux. Quand l’État, EDF, une compagnie de gaz, intervient dans une commune, il faut demander au maire l’autorisation d’occuper la voie publique mais, dans les cas que j’évoque, les terrains appartiennent souvent à l’ex-Réseau ferré de France (RFF), c’est-à-dire dorénavant à la SNCF. On ne se sent alors pas obligé d’avertir les maires, ce qui ne permet pas de coordonner un certain nombre d’activités.

Par ailleurs, des incidents peuvent survenir aux passages à niveau. J’ai en mémoire plusieurs exemples dans mon département : des maires s’aperçoivent qu’un passage à niveau commence à se dégrader ou qu’il est en zone inondable – oui, cela arrive, madame la secrétaire d’État ! Ils voient les problèmes arriver, mais ils n’ont pas d’interlocuteur. En cas d’incident, la SNCF ne prévient pas le maire du territoire concerné…

On a le réseau préfectoral, la police, la gendarmerie, les pompiers… Tout cela est bien sympathique, mais le vrai réseau, c’est le maire ! J’entends souvent notre bon Premier ministre en appeler aux territoires. Le Président de la République avait, pour sa part, découvert les maires pendant le grand débat. J’aimerais savoir si vous pouviez, madame la secrétaire d’État, faire maintenant découvrir les maires à la SNCF.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Bascher, je tiens tout d’abord à m’associer et associer le Gouvernement aux pensées émues adressées à la famille et aux proches d’Olivier Dassault, notre collègue de l’Assemblée nationale disparu dans les circonstances dramatiques que nous savons.

Vous m’interrogez sur les actions de communication qui peuvent être menées par la SNCF, notamment à l’intention des maires, en cas d’incident. La loi pour un nouveau pacte ferroviaire a transféré depuis le 1er janvier 2020 à SNCF Réseau la coordination en matière de gestion de crise. Il est ainsi prévu que « SNCF Réseau a pour mission d’assurer […] des missions transversales nécessaires au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national, au bénéfice de l’ensemble des acteurs […], notamment en matière de gestion de crise et de coordination des acteurs pour la mise en accessibilité du système de transport ferroviaire national aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ».

Il revient donc à la SNCF, en cas d’incident, de coordonner les différents acteurs du système ferroviaire en vue de rétablir la situation d’exploitation normale. Dans ce contexte, le plan d’intervention et de sécurité, qui doit être activé en cas d’événement important, est établi par le gestionnaire d’infrastructure chargé de la gestion opérationnelle des circulations, en concertation avec les autorités administratives compétentes et, le cas échéant, les autres gestionnaires d’infrastructures chargés de l’exploitation aux interfaces, conformément à l’article 46 du décret n° 2019-525 relatif à la sécurité et à l’interopérabilité du système ferroviaire et modifiant ou abrogeant certaines dispositions réglementaires.

Par ailleurs, il est envisagé d’équiper de nombreux passages à niveau d’une pancarte portant l’inscription d’un numéro d’appel pour permettre aux usagers de joindre les services opérationnels de SNCF Réseau en cas de dysfonctionnement.

Monsieur le sénateur, le ministre Djebbari indique par ailleurs qu’il rappellera à la SNCF, après votre sollicitation, l’importance de ces dispositions. Nous partageons avec vous la nécessité de bien associer les élus locaux, notamment dans le cadre de la gestion des incidents et, plus globalement, de l’évolution de l’offre ferroviaire.

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.

M. Jérôme Bascher. Madame la secrétaire d’État, merci de cette réponse engageante. C’est à la SNCF d’agir – vous connaissez la loi –, mais c’est à vous, Gouvernement, de leur dire de le faire. J’ai bien entendu l’engagement que vous avez pris.

transfert de pleine propriété de la ligne des chemins de fer de provence

Mme le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 1485, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

M. Philippe Tabarot. Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais évoquer une ligne de chemin de fer atypique, qui est hors du réseau ferré national. Une ligne entre mer et montagne, entre Nice et Digne, entre les Alpes-Maritimes et les Alpes-de-Haute-Provence : la ligne des chemins de fer de Provence, ou train des pignes pour les plus nostalgiques. Une ligne qui, avec ses salariés, a connu des coups durs, notamment à la suite des récentes intempéries, et qui s’est toujours relevée.

La région Sud est concessionnaire, depuis le 1er janvier 2007, de cette ligne qui est exploitée par une régie, dans le cadre d’un contrat de délégation de service public de dix ans. Cette ligne aux 58 circulations par jour bénéficie d’investissements importants réalisés par la région Sud et l’État depuis des années en matière d’infrastructures et de gares ; elle sera bientôt dotée de matériels neufs pour près de 56 millions d’euros.

Cette ligne demeure une ligne de vie structurante d’aménagement du territoire et un vecteur touristique fort pour nos vallées du moyen et haut pays.

Les communes traversées ou limitrophes de cette ligne atypique attendent le transfert de pleine propriété de l’État à la région pour l’euro symbolique, un transfert qui permettrait le développement du transport ferré dans ces territoires, mais également, et surtout, des projets de valorisation économique du patrimoine.

Tout un écosystème – mairies, région, régie, syndicats de tourisme – est donc dans l’attente de ce transfert de pleine propriété, car il serait le déclencheur de futurs projets permettant d’améliorer l’attractivité des communes concernées, comme des tables d’hôtes et des commerces d’artisanat locaux dédiés aux savoir-faire montagnards et aux circuits courts.

Après les nombreux – très nombreux ! – échanges entre la préfecture et la collectivité régionale, je souhaiterais, et je me fais le porte-parole de tout un territoire, savoir quand interviendra définitivement le transfert, maintes fois promis par les ministres successifs, de la pleine propriété de la ligne à la région Sud.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Tabarot, vous nous interpellez sur le transfert de propriété de la ligne des chemins de fer de Provence, entre Nice et Digne-les-Bains, à la région Sud.

La région Sud a en effet adressé en 2018 une demande de transfert de propriété à laquelle le ministère des transports a répondu favorablement. Le transfert reste toutefois subordonné à la signature d’une convention entre l’État et la région, qui est en cours de rédaction. Cette convention doit préciser la date à laquelle le transfert intervient, la nature des biens transférés et les conditions financières et techniques du transfert.

Les services de l’État et de la région ont arrêté un projet de convention. Après la réunion qui s’est tenue le 8 février 2021 entre les services de l’État et ceux de la région, des précisions doivent encore être apportées sur le périmètre des parcelles concernées et sur la valorisation des actifs transférés préalablement à la signature de la convention par le président de région et le préfet.

Ces précisions techniques apportées, le transfert pourra être concrétisé en bon ordre, puisqu’il y a un accord de principe de l’État et de la région sur ce point.

Vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, l’État et les collectivités travaillent main dans la main pour redynamiser les lignes de desserte fine du territoire, qui contribuent à des transports plus propres pour les déplacements du quotidien de nos concitoyens et assurent un maillage territorial essentiel.

Ce sont 6,5 milliards d’euros qui devraient être investis d’ici à 2032 pour la régénération de ces lignes ; le plan de relance permet déjà à l’État d’engager 300 millions d’euros, qui s’ajoutent à ce qui sera fait dans les contrats de plan État-région (CPER) par les régions et les territoires.

Monsieur le sénateur, nous répondrons donc toujours présent et nous nous associons à votre démarche.

Mme le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.

M. Philippe Tabarot. Madame la secrétaire d’État, vous parlez de régénération, mais je vous signale que nous sommes là hors réseau ferré national.

S’agissant des chemins de fer de Provence, on nous fait la même réponse depuis décembre 2015, si ma mémoire est bonne. Le parapheur était à l’époque sur le bureau de Mme Ségolène Royal. Mme Royal est partie et le parapheur est toujours sur le bureau du ministre…

desserte ferroviaire de la bretagne

Mme le président. La parole est à M. Michel Canevet, auteur de la question n° 1554, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

M. Michel Canevet. Madame la secrétaire d’État, quelques semaines après son élection à la présidence de la République, Emmanuel Macron inaugurait la voie nouvelle entre Rennes et Connerré, permettant de mettre Rennes à une heure vingt de Paris. Mais l’objectif est bien de mettre Brest et Quimper à trois heures de Paris.

Pour ce faire, il faut réaliser soit des investissements importants, ce qui nécessitera du temps compte tenu de la difficulté actuelle à mobiliser des fonds, soit des opérations plus ponctuelles permettant d’améliorer, à la fois, la sécurité routière et l’accessibilité de la Bretagne occidentale.

Ma question est donc simple : le Gouvernement a-t-il l’intention d’engager, de soutenir, la réalisation d’opérations de dénivellation des voies de chemin de fer ? De telles opérations permettraient d’assurer la sécurité des usagers de la route, mais aussi d’éviter aux trains d’avoir à ralentir lorsqu’ils arrivent aux passages à niveau. Une opération est notamment en attente depuis très longtemps au Relecq-Kerhuon, à l’entrée de Brest. Il me semble important que cette opération puisse être rapidement engagée, car elle est quasiment prête : ne manquent que les fonds, mais le plan de relance pourrait opportunément servir de moyen de financement.

Je souhaite connaître les intentions du Gouvernement en la matière et les perspectives d’investissement que l’on peut attendre pour ces deux lignes, entre Rennes et Brest, d’une part, et entre Rennes et Quimper, d’autre part.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Canevet, vous interrogez le Gouvernement sur la desserte ferroviaire de la Bretagne.

Vous le savez, l’État, et il est attaché à cet objectif, et la région Bretagne se sont engagés, par le pacte d’accessibilité de 2018, à améliorer l’accessibilité ferroviaire de la pointe finistérienne. Cet objectif a été confirmé dans la loi d’orientation des mobilités de 2019. Celle-ci prévoit le lancement d’études pour une ligne nouvelle entre Rennes et Redon, créant une liaison performante, proche d’une heure, entre Rennes et Nantes. Ce projet doit permettre, à la fois, d’améliorer les transports du quotidien et de rapprocher le temps de trajet entre Quimper et Paris de l’objectif des trois heures.

Ainsi, le ministre a demandé en février 2020 d’élaborer une feuille de route pour le grand projet de liaisons nouvelles Ouest Bretagne–Pays de la Loire. Celle-ci sera rédigée sur la base d’une actualisation des études réalisées pour le débat public en 2014 et 2015, ainsi que pour l’étape complémentaire qui lui a succédé en 2016 et 2017.

Il s’agit désormais d’agir sur les deux axes bretons.

Pour l’axe Nantes-Rennes-Finistère sud, l’objectif est de lancer les études préliminaires pour la réalisation d’une ligne nouvelle entre Rennes et Redon et permettre la desserte à la demi-heure entre Nantes et Rennes avec l’amélioration de la ligne existante entre Nantes, Savenay et Redon.

Pour l’axe nord Rennes-Brest, un schéma directeur d’axe visant une amélioration progressive des infrastructures est en cours, avec l’objectif de mettre à terme Brest à trois heures de Paris. Ce schéma directeur décrira les solutions d’infrastructures et de services à mettre en œuvre à différents horizons, au regard des besoins de mobilité. Parmi les aménagements envisagés, des relèvements de vitesse à plus de 160 kilomètres par heure sur certaines sections de la ligne classique nécessiteront à terme la suppression des passages à niveau sur celles-ci.

S’agissant enfin du passage à niveau du Relecq-Kerhuon, celui-ci a été retiré en 2001 du plan de sécurisation national des passages à niveau, condition pour que l’État envisage de participer financièrement à sa suppression. L’instance nationale des passages à niveau peut à tout moment examiner l’opportunité d’y inscrire de nouveau ce passage s’il apparaît qu’il remplit les conditions de trafic et d’accidentologie.

Mme le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour la réplique.

M. Michel Canevet. Madame la secrétaire d’État, il faut engager un grand nombre d’opérations pour atteindre l’objectif de mettre Brest et Quimper à trois heures de Paris. Il s’agit d’une question d’aménagement du territoire.

Il est important d’impulser les choses. Il est vrai qu’une liaison nouvelle est prévue entre Rennes et Redon dans le cadre du pacte d’accessibilité à la suite de l’abandon de Notre-Dame-des-Landes, mais des opérations plus ponctuelles doivent pouvoir être engagées très rapidement.

Le plan de relance actuel, qui reflète la volonté de réaliser des investissements pour l’avenir, doit servir de moyen de financement pour engager des opérations.

S’agissant de l’opération envisagée au Relecq-Kerhuon, il est important qu’elle se fasse. Les élus l’attendent, et la circulation importante à cet endroit représente potentiellement un danger.

projet hercule et avenir des concessions du lot et de la truyère

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, auteur de la question n° 1431, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Jean-Claude Anglars. Madame la secrétaire d’État, le 15 décembre 2020, à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a déclaré que le Gouvernement n’avait pas l’intention d’affaiblir ou de démanteler EDF. Pourtant, les activités d’EDF seront dorénavant réparties entre plusieurs entités de statuts différents. EDF Azur serait l’entreprise qui s’occuperait des barrages hydroélectriques.

Le Sénat a déjà déploré le manque de transparence du Gouvernement sur ce projet structurant pour l’avenir de la souveraineté et de la transition écologiques du pays.

Or le démantèlement s’inscrit dans un contexte particulier avec la mise en concurrence des concessions hydrauliques, sous la pression de la réglementation européenne.

Cependant, les concessions hydrauliques et l’économie hydroélectrique contribuent depuis des décennies à l’aménagement des territoires ruraux. Cet enjeu est donc crucial pour les collectivités territoriales et leurs territoires.

Par exemple, EDF hydraulique Lot-Truyère représente 20 barrages, qui alimentent 15 centrales. Les aménagements des vallées du Lot et de la Truyère produisent ainsi 10 % de l’énergie hydroélectrique en France. Ces centrales sont donc d’un intérêt national.

Or Mme Pompili avait déclaré que la préservation de l’intérêt national pourrait se faire dans le cadre d’une prolongation ou d’une nouvelle concession.

Ma question porte donc sur la stratégie du Gouvernement, qui s’abrite, trop souvent, derrière les contraintes européennes pesant sur le projet pour ne pas dévoiler sa position.

Pour être plus précis, Mme Pompili avait déclaré, il y a deux ans, au Sénat, que « le traitement des concessions hydroélectriques dans la vallée du Lot et de la Truyère s’inscrira dans la réponse globale et équilibrée » recherchée avec la Commission européenne. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Malheureusement, cette réponse convenue laisse dans l’expectative la population de la vallée du Lot et de la Truyère.

Aussi, pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, préciser les intentions du Gouvernement s’agissant de la prorogation des concessions du Lot et de la Truyère ? Allez-vous prolonger ces concessions ? Quelles conséquences la création d’EDF Azur aura-t-elle sur les milliers d’emplois concernés ?

Il est essentiel que le Gouvernement s’engage fermement pour que sa politique économique ne connaisse pas une nouvelle déconvenue, semblable à celle qui fait suite à l’annonce de la suppression de 750 emplois dans l’usine Bosch d’Onet-le-Château, près de Rodez.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Anglars, il convient tout d’abord de rappeler que le Gouvernement travaille activement à résoudre le contentieux engagé par la Commission européenne, portant notamment sur l’absence de renouvellement par mise en concurrence des concessions hydroélectriques échues.

Cette situation nuit aux investissements dans le secteur et est source d’inquiétude – je vous rejoins sur ce point – pour les entreprises, les salariés et les collectivités.

Dans le même temps, vous le savez, une réflexion sur la réorganisation du groupe EDF, projet dit « Hercule », est en cours. Ce projet de réorganisation est plus vaste que la seule activité hydroélectrique d’EDF puisqu’il concerne toutes les activités du groupe.

C’est dans ce contexte de contentieux européen et de réflexion sur l’organisation du groupe EDF que le Gouvernement explore plusieurs scénarios pour le renouvellement des concessions, dont celui de l’attribution à une structure publique. Mais, j’insiste, rien n’est arrêté et aucune décision n’a été prise.

Les échanges avec la Commission européenne se poursuivent. Le Gouvernement recherche une réponse globale et équilibrée pour l’exploitation de l’hydroélectricité en France.

La vision et les engagements du Gouvernement sont clairs : la solution retenue devra permettre la pérennisation et le développement du parc hydraulique français.

L’hydroélectricité est en effet absolument cruciale pour notre transition énergétique, mais également pour la gestion de la ressource en eau. C’est donc une activité essentielle dans le contexte du changement climatique.

Vous l’avez rappelé, elle contribue également significativement à l’économie locale. Nous serons, comme vous, attachés à la préservation des personnels des sociétés exploitantes.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour la réplique.

M. Jean-Claude Anglars. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse qui me laisse sans voix puisqu’elle ne m’apporte pas de réponse. Nous attendons toujours… Prenez en compte ce que l’on vous dit sur les territoires, car la situation est grave !

pouvoirs des élus en matière d’implantation d’infrastructures de production d’énergie

Mme le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 1530, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d’État, les projets d’installation de production d’énergie renouvelable se multiplient sur le territoire français. Si l’objectif consistant à développer de telles énergies est largement partagé, il n’en demeure pas moins que les modes de production de celles-ci ne sont pas sans impact pour les populations environnantes – nuisances esthétiques, sanitaires ou encore olfactives – et qu’ils sont préjudiciables à la population et à l’attractivité du territoire. Cela fait donc naître, très souvent, des mouvements d’opposition à l’implantation de ces installations. En outre, ces structures ont aussi des conséquences – il ne faut pas le nier – sur la valeur des biens situés à proximité.

Il est donc nécessaire que ces installations soient réalisées en accord avec les habitants et les élus des territoires concernés, au premier rang desquels figurent les maires. Ce n’est malheureusement pas le cas ; très souvent, ces projets sont menés sans l’accord des élus concernés.

Les tensions vont s’accroître, puisque l’accélération du développement des énergies renouvelables est inscrite dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, avec, d’ici à 2028, le doublement de la production d’électricité éolienne et la création de 7 000 mâts supplémentaires. Cette implantation à marche forcée a d’ailleurs conduit le Président de la République lui-même à affirmer, en janvier 2020, que « le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir dans notre pays », sans tirer, malheureusement, les conséquences de ce constat.

Des projets d’installation de méthaniseurs sont également source d’une inquiétude réelle dans nos territoires.

Dans ce contexte, il semble donc indispensable de donner la capacité aux élus municipaux de s’opposer à de telles réalisations ; c’est ce que j’ai préconisé au travers de la proposition de loi que j’ai déposée l’été dernier.

Par conséquent, je souhaite connaître, madame la secrétaire d’État, la position du Gouvernement sur la proposition consistant à doter les élus locaux du pouvoir de s’opposer à l’implantation d’équipements qui peuvent nuire à la qualité de vie sur leur territoire.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Maurey, le Parlement a effectivement adopté des objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables, et je l’en félicite. Ainsi, d’ici à 2030, 40 % de notre électricité et 10 % du gaz consommé en France devront être d’origine renouvelable.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons besoin de développer ces énergies renouvelables et, en particulier, l’éolien. Les études montrent que l’énergie éolienne est efficace. D’abord, elle est bonne pour le climat, puisque, en 2019, elle a permis d’éviter l’équivalent des émissions de près de 8 millions de véhicules, tout en couvrant plus de 7 % de la consommation électrique française. Ensuite, la filière a permis de créer plus de 20 000 emplois directs ou indirects en France.

Vous souhaitez, et je vous rejoins en cela, que les élus participent, avec plus de pouvoir, à la planification du développement de l’éolien et de la méthanisation, en ayant un droit de regard sur ces projets. L’implication des collectivités territoriales dans le développement des énergies renouvelables est absolument indispensable et le Gouvernement propose, dans le cadre du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui est en cours d’examen, une déclinaison par région des objectifs d’énergies renouvelables de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Cette nouvelle disposition permettra, en concertation avec les régions et les collectivités, de répartir les objectifs de développement de chaque énergie renouvelable, y compris l’éolien et la méthanisation, en fonction des potentiels et des spécificités de chaque territoire et de chaque région. Avec la définition de tels objectifs régionalisés de développement de ces énergies, les territoires disposeront d’une plus grande visibilité, à leur échelle, pour ce qui concerne tant les besoins que les possibilités de développement de ces énergies.

En outre, la réglementation garantit déjà l’implication des élus locaux lors du processus d’autorisation d’une installation éolienne ; leur avis est systématiquement demandé lors de l’enquête publique. La loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, dispose que les développeurs éoliens doivent transmettre au maire de la commune d’implantation le résumé non technique de l’étude d’impact, au moins un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation.

Nous travaillons également, avec la filière, à l’élaboration d’une charte, pour associer encore plus les collectivités aux phases préliminaires de ces projets.

Enfin, je souligne que les documents locaux d’urbanisme qui sont à la main des élus locaux, tels que les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme, concourent aussi à cette implication locale que vous demandez et que nous souhaitons également.

Mme le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.

M. Hervé Maurey. Je prends acte de votre non-réponse, madame la secrétaire d’État…

J’ai posé une question très simple : le Gouvernement est-il disposé à ce que les élus locaux puissent avoir un droit de veto – c’est très clair – sur l’installation d’équipements qui posent un problème en matière de qualité de vie de leurs habitants et d’attractivité de leur commune ? Vous n’avez pas répondu à cette question. Vous m’avez rappelé la réglementation et l’intérêt des énergies renouvelables ; c’est très bien, mais là n’est pas la question.

Je crains donc de comprendre : le Gouvernement ne compte pas donner suite à la proposition que j’ai formulée. Je le regrette, parce que l’on demande de plus en plus aux élus, qui sont de plus en plus impliqués.

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Hervé Maurey. Sur des sujets aussi fondamentaux, on peut faire sans leur autorisation ; ce n’est pas acceptable.

maintien de l’aide couplée ovine

Mme le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 1438, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Philippe Bonnecarrère. Je remercie M. le ministre de répondre aux questions relevant de son portefeuille.

Ma question porte sur les aides couplées ovines.

Nous vous savons très attentif, monsieur le ministre, à la défense des intérêts de l’agriculture, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC). Le cadre budgétaire obtenu est plutôt satisfaisant, mais nous entrons maintenant dans la phase de mise en œuvre. Dans ce contexte, nos agriculteurs souhaiteraient avoir la certitude que les aides couplées ovines seront maintenues.

Vous en connaissez l’enjeu pour le revenu des professionnels, pour la capacité de ces derniers à renouveler les générations, mais aussi pour les territoires ruraux et pour l’échelon national, puisque la production ovine est, dans notre pays, déficitaire de manière assez marquée. Nous sommes en outre dans une période post-Brexit, dans laquelle la marge de manœuvre de notre agriculture est encore plus grande sur ce terrain. Par ailleurs, le bilan environnemental de la production ovine est tout à fait convenable.

Bref, tous les éléments nous paraissent réunis pour que notre pays joue la carte de l’ambition agricole, en particulier sur le plan de la production ovine. Vous en connaissez le moyen : l’aide couplée ovine.

Les professionnels souhaiteraient donc entendre vos projets et, je l’espère, les assurances que vous pourrez leur donner quant au maintien de ces aides.

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, votre question porte sur les négociations actuelles de la politique agricole commune, notamment des divers aspects de soutien à la filière de l’élevage, singulièrement celle du secteur ovin. Cette filière est, à mes yeux – je reprendrai à mon compte les mots que vous avez prononcés –, un secteur d’intérêt national, avec une demande de plus en plus forte de nos consommateurs à l’égard de cette belle viande et avec des défis. Vous avez ainsi rappelé le Brexit et l’on pourrait également mentionner les différentes discussions à l’échelon international sur les accords commerciaux, que vous avez bien en tête.

Quel est le calendrier de la politique agricole commune ? Nous ouvrons, à partir de maintenant, les discussions avec l’ensemble de la représentation des filières agricoles. Cela durera entre deux et trois mois, afin de finaliser, d’ici au printemps, une position globale, que j’arbitrerai, pour transmettre à la Commission européenne, d’ici à l’été, la feuille de route, c’est-à-dire le plan stratégique national détaillant l’ensemble de ces dispositifs.

Par conséquent, il est trop tôt pour répondre précisément à votre question, dans la mesure où nous ouvrons actuellement les discussions.

Toutefois, voici ce que je peux d’ores et déjà vous dire. D’abord, le secteur ovin est – je l’ai dit en guise d’introduction – particulièrement important pour sa viande. Ensuite, au-delà de cet aspect, il est crucial pour l’attrait et la plus-value qu’il donne à beaucoup de nos territoires ; c’est très important. Enfin, il se situe souvent dans des territoires qui disposent d’autres appuis, du fait de difficultés territoriales ; je pense par exemple à l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), que vous connaissez si bien, monsieur le sénateur.

Ainsi, la politique agricole commune doit, selon moi, prendre en compte toutes ces spécificités, ainsi que la question de la souveraineté. Ensuite, l’ensemble des critères de cette politique doit décliner la vision que je viens d’évoquer. Il y a, pour cela, la question des aides couplées, celle de l’ICHN ou encore celles du volet redistributif et de la convergence. Bref, il y a beaucoup d’indicateurs et, soyez-en assuré, monsieur le sénateur, nous ferons cela avec méthode, en tenant compte de la spécificité et la souveraineté liée à ces élevages qui me sont très chers.

Mme le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre, les trois arguments que vous avez soulevés pour démontrer l’importance de la filière démontrent la nécessité de la réussite de vos négociations et le maintien des aides couplées ovines.

Autre point que vous avez évoqué et qui me semble important : la notion d’intérêt national ; que l’on appelle cela intérêt général, intérêt national ou souveraineté nationale, cela recouvre la même idée. Il y a une production ovine intéressante et importante pour notre pays, avec des producteurs de grande qualité, avec des marchés ; notre pays ne produit pas assez au regard de sa consommation. Tous les éléments sont donc réunis pour que cette filière réussisse. Les producteurs, par mon intermédiaire, ainsi que mes collègues et moi-même souhaitons vous renouveler le souhait que ces négociations aboutissent…

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Bonnecarrère. … et le maintien des aides couplées ovines est un facteur essentiel de cette réussite.

phosmet

Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 1440, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre, l’approbation, à l’échelon européen, du phosmet arrive à expiration le 31 juillet 2021. Le processus de renouvellement de l’homologation de ce produit est en cours, mais il semble que nos partenaires européens y soient plutôt opposés ; vous nous le direz…

Si tel était le cas, cela poserait de grandes difficultés, du point de vue de la souveraineté alimentaire, à la filière du colza, mais pas seulement, car cet insecticide est aussi, depuis le retrait du diméthoate, le seul moyen de lutte contre la Drosophila suzukii, si ravageuse pour tous les fruits à chair tendre, dont les cerises de Vaucluse, département dont je suis élu.

Avec près de 4 000 hectares plantés et une récolte annuelle de 15 000 à 20 000 tonnes, le Vaucluse est le premier producteur français de cerises ; nos arboriculteurs sont aujourd’hui très inquiets. En effet, même si ces filières sont d’ores et déjà en mouvement vers une démarche vertueuse en matière environnementale, il est indispensable de permettre aux producteurs de poursuivre leur culture avec les outils existants, dont fait partie la protection phytosanitaire, en attendant la disponibilité de nouvelles méthodes, telles que les filets dits « insect proof » ou la technique d’insectes stériles.

Certes, ces filets sont inscrits parmi les aides aux exploitations dans le plan de relance, mais le taux de financement n’encourage pas les producteurs à investir. En ce qui concerne l’introduction de drosophiles stériles, force est de constater que cette technique est prometteuse, mais nous n’en sommes qu’au stade des essais en milieu confiné, bien loin des essais en plein champ.

Monsieur le ministre, si cet insecticide venait à être interdit dans les mois à venir, les arboriculteurs de mon département seraient confrontés à la problématique des impasses techniques : on interdit un produit sans que d’autres solutions existent. Or, à plusieurs reprises, le Gouvernement a rappelé qu’il ne laisserait pas les agriculteurs dans une impasse technique ou économique si les options de remplacement non chimiques faisaient défaut.

Aussi, monsieur le ministre, quels moyens le Gouvernement entend-il mobiliser pour obtenir de nos partenaires européens une homologation du phosmet, en attendant une alternative, pour sauver nos cultures de colza, d’olive, de moutarde et de cerise ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Blanc, vous l’avez très bien dit, le phosmet est un sujet européen. Pour être totalement clair avec vous, il y a un très, très large consensus européen pour ne pas renouveler l’homologation de ce produit.

Cela pose un certain nombre de questions pour l’arboriculture, mais également – vous l’avez mentionné – pour le colza, puisque, au même moment, l’Europe devient importatrice nette de colza et de soja, issus notamment du continent sud-américain, où les pratiques culturales ne sont en rien comparables à celles qui sont autorisées en Europe ; mais c’est ainsi, la discussion relève de la compétence européenne.

Toutefois, ce que la France a demandé, à cet échelon, c’est un « délai de grâce », comme on dit dans ces instances, qui permette à la filière de s’adapter ; nous n’avons pas encore de réponse sur la durée de ce délai de grâce.

Troisième point que je voulais aborder : la question des substitutions. Vous avez évoqué le rôle du plan de relance pour un certain nombre de dispositifs et je vous en remercie. Nous sommes également en train de travailler ardemment avec la profession sur d’autres intrants qui pourraient être utilisés et qui n’ont pas les mêmes caractéristiques que le phosmet, auquel ils pourraient se substituer, en tout cas pour un certain nombre de cultures.

Ainsi, nous sommes confrontés à un sujet évidemment complexe, il ne faut pas le nier, et traité à l’échelon européen ; la France n’est donc pas « souveraine » sur ce sujet.

Mon approche consiste à « pousser » sur le délai de grâce, mais je ne sais de combien de temps il sera, et de mettre tout en œuvre pour trouver des solutions de remplacement. Vous l’avez indiqué, et je crois l’avoir montré depuis que je suis ministre, c’est-à-dire depuis un peu moins d’un an, mon objectif consiste chaque fois à mener les transitions sans laisser personne sans solution, surtout si la solution consiste à importer d’Amérique du Sud.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.

M. Jean-Baptiste Blanc. En attendant ces techniques de substitution, monsieur le ministre – nous le savons, vous suivez tout cela de très près –, ce délai de grâce serait une chance pour nos producteurs. Donc, de grâce, obtenez ce délai de grâce ! (Sourires.)

positionnement territorial des délégués départementaux aux droits des femmes

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 1426, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse effectivement à la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, mais celle-ci m’a fait savoir qu’elle avait un agenda chargé – c’est bien normal un 9 mars – et qu’elle ne serait pas présente dans l’hémicycle ce matin. M. le ministre Denormandie répondra donc à sa place.

Ma question concerne le positionnement des déléguées départementales aux droits des femmes et à l’égalité – j’emploie le féminin générique « déléguées départementales » parce qu’il s’agit, dans l’immense majorité des cas, de femmes ; je souhaite savoir de quelle manière on entend positionner ces déléguées dans la nouvelle organisation territoriale de l’État.

Ces professionnelles ont, vous le savez, un rôle essentiel dans la mise en œuvre des politiques publiques en faveur de l’égalité entre femmes et hommes, des droits des femmes, de la lutte contre les violences conjugales et de tous les sujets qui nous mobilisent et qui mobilisent la société. La nouvelle organisation territoriale de l’État est en train d’évoluer et ces déléguées départementales n’ont pas, pour le moment, les informations qu’elles souhaiteraient avoir sur leur positionnement.

Du reste, elles ne se contentent pas d’être dans l’attente d’informations ; elles font des propositions. Elles proposent ainsi un rattachement de chaque délégation départementale aux droits des femmes et à l’égalité (DDDFE) au préfet de département, considérant que cela leur accorderait de la visibilité, du soutien en interne et des moyens humains.

Je le rappelle, ce rattachement permettrait d’assister au collège des chefs de service, comme c’était le cas avant la révision générale des politiques publiques (RGPP), et de travailler plus étroitement avec les différents services de l’État, donc de mieux assurer la transversalité de la fonction, tout en positionnant l’expertise du délégué au plus près du pilotage interministériel et stratégique de chaque département.

Je souhaite donc savoir, afin d’en informer les déléguées départementales, quelles sont les intentions du Gouvernement quant au déploiement territorial des DDDFE.

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue,…

Mme Laurence Rossignol. Elle s’est déjà excusée elle-même !

M. Julien Denormandie, ministre. … qui m’a demandé de vous apporter les éléments de réponse suivants.

Le Gouvernement partage évidemment vos préoccupations à l’égard de ce réseau des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Ce réseau est le fer de lance de la politique publique des droits des femmes et de l’égalité ; il traduit concrètement les lois, les plans d’action et les initiatives que le Gouvernement lance en ce domaine.

À ce jour et depuis 2017, ces déléguées départementales et ces délégués départementaux sont majoritairement rattachés – sous votre impulsion, d’ailleurs, madame la ministre Rossignol – aux ex-directions départementales de la cohésion sociale, pour notamment bénéficier d’un appui ou d’une substitution temporaire au sein de l’équipe. Certaines délégations départementales sont placées auprès du préfet ou du préfet à l’égalité des chances, conformément à l’instruction du 3 février 2017.

Toutefois, ce schéma ne s’applique pas aux outre-mer, puisque c’est la seule directrice régionale, disposant parfois d’un assistant ou d’une assistante, qui est chargée de la mise en œuvre des politiques d’égalité.

À ce stade, la double option de rattachement reste en vigueur, ce qui présente plusieurs avantages.

D’une part, le rattachement au sein des délégations départementales interministérielles (DDI) facilite la proximité avec les services chargés de l’hébergement, essentielle dans le cadre de la mise en œuvre de différents dispositifs.

D’autre part, le rattachement au préfet est bien sûr un facteur facilitateur pour les dimensions interministérielles et transversales de la politique publique d’égalité entre les femmes et les hommes.

Depuis son arrivée, Elisabeth Moreno a eu l’occasion d’échanger régulièrement avec le réseau des DDDFE et de mesurer leurs difficiles conditions d’activité et leur importante charge de travail, tant leur champ d’action est large.

À ce titre, dans le cadre de la mise en place de la nouvelle organisation territoriale de l’État, les services de ma collègue travaillent actuellement à la revue des missions des équipes territoriales des droits des femmes et à l’égalité, qui ont sensiblement évolué depuis 2017. Je pense notamment aux nouveaux dispositifs issus des mesures prises à l’occasion du Grenelle de lutte contre les violences conjugales ou encore de ceux qui furent impulsés à l’occasion du premier confinement, dont certains ont été pérennisés comme les dispositifs d’alerte dans les pharmacies, notamment dans les centres commerciaux, mais je pourrais également citer la montée en puissance de la mise en œuvre de la loi de 2016, que vous connaissez si bien.

L’objectif de cette revue des missions est d’apprécier au mieux les moyens nécessaires à celles-ci et l’organisation la plus appropriée pour les conduire. Cette revue donnera lieu, dans les prochains mois, à une refonte de l’instruction du 3 février 2017, au travers de laquelle sera naturellement précisée l’organisation retenue.

Dans tous les cas de figure, nous soulignerons la nécessité d’apporter un appui au réseau des droits des femmes et de l’égalité pour les activités de gestion, d’organisation et de secrétariat.

Mme le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Quel que soit le positionnement des DDDFE, la nature transversale des missions justifie bien sûr des échanges directs.

Mme le président. Monsieur le ministre, je vous rappelle que les temps de parole sont limités.

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Je me réjouis que M. le ministre dépasse son temps de parole sur une question relative aux droits des femmes ; c’est une bonne nouvelle !

Je veux également rappeler à tous nos collègues que les DDDFE constituent les services extérieurs de l’État en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ; il y en a une par département, une ! La question posée est donc : comment positionner au mieux cette « une » pour actionner la transversalité ?

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la réforme de février 2017, laquelle, à l’usage, ne me convainc pas vraiment. Je souhaite donc simplement que, en partenariat avec les DDDFE, qui sont des fonctionnaires dotées d’une grande expérience, de fortes compétences et de beaucoup d’engagement,…

Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Laurence Rossignol. … la ministre arrive à trouver la formule la plus efficace tant pour ces fonctionnaires que pour la défense des droits des femmes.

organisation des cérémonies funéraires dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, auteur de la question n° 1494, transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le ministre, le décret du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire limite les lieux pouvant accueillir les cérémonies funéraires aux lieux de culte, aux crématoriums et aux cimetières. Les établissements recevant du public qui sont habituellement mis à la disposition des personnes qui souhaitent organiser une cérémonie funéraire laïque sont explicitement exclus des lieux autorisés.

Le décret du 2 décembre modifiant ce décret a assoupli les règles, mais uniquement pour lever la limitation du nombre de participants aux cérémonies funéraires dans les lieux de culte.

Ainsi, pour les communes, notamment les plus petites, qui ne disposent pas d’un crématorium, cette disposition interdit toute organisation d’une cérémonie laïque dans un lieu clos.

Or, en période hivernale, la tenue d’une telle cérémonie en plein air, dans un cimetière – je l’ai personnellement vécu –, peut s’avérer impraticable en raison des intempéries et des températures. Par ailleurs, lorsque les proches du défunt sont des personnes âgées ou ayant un accès limité à la mobilité, l’existence d’un funérarium à plusieurs dizaines de kilomètres ne représente en aucun cas une solution.

Pourtant, les salles mises à disposition par les mairies pourraient tout à fait être soumises aux mêmes contraintes que les lieux de culte. Les maires ont démontré tout leur sens des responsabilités face à la crise sanitaire et ne peuvent être soupçonnés de ne pas pouvoir faire respecter ces consignes dans ce cadre particulier.

En outre, aucune donnée scientifique ne vient justifier qu’une salle municipale représenterait davantage de risques, du point de vue de la circulation du virus, qu’un lieu de culte ou un funérarium, d’autant que ces salles sont actuellement fermées à toute autre activité.

Avec son projet de loi confortant le respect des principes de la République, visant à lutter contre le séparatisme, le Gouvernement entend proposer des mesures pour contrer ceux dont « l’ambition est de faire prévaloir des normes religieuses sur la loi commune ». Vaste programme, qui pourrait simplement commencer par un décret autorisant à nouveau la tenue de cérémonies funéraires républicaines, et non plus seulement religieuses, dans toutes nos communes ! C’est un geste simple pour le ministre de la santé, puisqu’un tel décret est à sa main.

Aussi, je souhaite demander au Gouvernement de revenir sur le choix réglementaire qu’il a fait, afin que l’ensemble de nos concitoyens, quel que soit leur lieu de sépulture, puissent se voir garantir le droit à une cérémonie funéraire conforme à leurs convictions, y compris en période de crise sanitaire.

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Tissot, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue, M. le ministre des solidarités et de la santé.

Vous évoquez, monsieur le sénateur, un sujet incroyablement important, touchant à l’intime et parfois très douloureux.

Effectivement, la tenue des cérémonies funéraires est aujourd’hui un sujet qui touche nombre de personnes confrontées à un deuil. Les membres du Conseil national des opérations funéraires, notamment les représentants des associations familiales, ont souligné combien ce sujet est délicat et combien il a pu être très douloureusement vécu lors de la première vague de l’épidémie de covid-19.

Le Gouvernement est attentif à ce sujet ; c’est ce qui l’a d’ailleurs conduit à assouplir, en fin d’année dernière, les conditions dans lesquelles les cérémonies funéraires peuvent avoir lieu pendant la période d’épidémie. Ainsi, en période de confinement ou de couvre-feu, le format des cérémonies funéraires qui demeurent possibles est nécessairement adapté.

Ainsi, dans les lieux de culte, une distance minimale doit être assurée : deux emplacements doivent être laissés libres entre deux personnes ou groupes de personnes et une rangée sur deux doit être laissée inoccupée. Dans les crématoriums et les chambres funéraires et dans tout lieu recevant du public ouvert pour la circonstance, il faut également respecter l’obligation d’une place assise libre et d’une distance minimale entre deux personnes ou groupes de personnes.

Au regard de sa compétence pour assurer le service public des pompes funèbres et l’équité de traitement entre la crémation et l’inhumation, le maire peut dédier une salle répondant aux exigences fixées pour l’organisation des cérémonies funéraires. Toutefois, dans cette hypothèse, compte tenu des dispositions liées à l’état d’urgence sanitaire, que vous avez rappelées, cette salle doit respecter les mêmes contraintes que celles qui sont imposées aux crématoriums.

En dehors des établissements recevant du public (ERP), c’est-à-dire dans les cimetières, les cérémonies peuvent accueillir jusqu’à trente personnes. Dans tous les cas, l’état d’urgence sanitaire exige le respect des gestes barrières ; tout moment pendant lequel le port du masque ne peut être assuré de manière continue est évidemment non conforme au respect de ces gestes.

Ces conditions restent très douloureuses, nous en sommes conscients ; cela touche à l’intime de chacun et concerne nombre de familles aujourd’hui endeuillées. Néanmoins, ces dispositions contribuent à l’effort collectif qui nous est demandé à tous pour vaincre cette épidémie.

Voilà, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. le ministre des solidarités et de la santé m’a chargé de vous donner.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour la réplique.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le ministre, je suis d’accord avec le constat que vous venez de faire, mais je n’ai pas compris votre réponse. Les maires ont-ils la main pour mettre à disposition les ERP ? La question s’est posée dans ma commune et nous avons essuyé un refus catégorique de Mme la préfète, qui s’en remettait bien évidemment à la règle. Je ne comprends donc pas…

Il faudrait éclaircir cela par un échange plus direct.

éligibilité de la ville de charleville-mézières à la dotation politique de la ville

Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, auteur de la question n° 1453, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

M. Marc Laménie. Madame la ministre, ma question concerne l’éligibilité à la dotation politique de la ville (DPV) du chef-lieu du département des Ardennes, Charleville-Mézières, commune de 48 000 habitants.

Depuis plusieurs années, cette ville bénéficie d’aides substantielles au titre de cette dotation, afin de financer un certain nombre de projets à caractère éducatif, social ou sportif dans quatre quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Parallèlement à ces actions, des investissements, tels que la vidéoprotection, ont été réalisés pour lutter contre l’insécurité et des projets innovants ont pu être développés, notamment en matière de lecture publique.

Au total, entre 2014 et 2020, la ville de Charleville-Mézières a bénéficié, en moyenne, d’une dotation annuelle de 1,3 million d’euros.

Néanmoins, en raison de l’introduction de nouveaux critères d’attribution, la ville ne sera plus éligible à la DPV à compter de 2022. En effet, en 2016, la ville n’a pas renouvelé la convention de rénovation urbaine qui lui aurait ouvert de nouveaux droits pour obtenir des dotations au titre du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU). Cette décision, prise en accord avec les services de l’État, était motivée par le souci de mener à son terme le programme précédent, conduit entre 2004 et 2018 pour plus de 200 millions d’euros, dont 52 millions d’euros de travaux de voirie et d’équipements, à la charge de la ville.

Ainsi, pour avoir voulu achever ses engagements préalables, la ville se trouve lourdement pénalisée, alors qu’il importe de poursuivre la redynamisation des quartiers prioritaires, par des investissements qui portent notamment sur la création ou le renouvellement d’équipements sportifs, pour un total estimé à 21 millions d’euros.

Par ailleurs, en complément du soutien aux investissements de la collectivité, la DPV est actuellement mobilisée sur des dépenses de fonctionnement pour des actions innovantes menées dans les trois centres sociaux de Charleville-Mézières. Compte tenu des enjeux démographiques, socioéconomiques et financiers, je me permets de demander que la DPV soit maintenue pour Charleville-Mézières en liaison avec le dispositif spécifique du pacte Ardennes, qui vise à renforcer l’attractivité du département.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les critères d’éligibilité au titre de la DPV ont été modifiés par la loi votée le 29 décembre 2016, qui a introduit deux nouveaux critères. Il est désormais nécessaire de disposer d’une convention ANRU active ou d’un ou plusieurs QPV présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants et visés en priorité par le NPNRU.

La ville de Charleville-Mézières bénéficie d’une convention au titre du PNRU jusqu’au 31 décembre 2020, ce qui garantit, vous l’avez souligné, le maintien de sa DPV jusqu’à fin 2021.

Pour l’avenir, je souhaite insister sur le fait qu’une éventuelle inéligibilité à la DPV n’implique, en aucun cas, un relâchement de l’effort financier de l’État en faveur de cette commune en particulier, en termes tant de fonctionnement que d’investissement.

En matière de fonctionnement, le Gouvernement a, comme vous le savez, souhaité mettre un terme à la minoration unilatérale de la DGF (dotation globale de fonctionnement) et renforcé son soutien en direction des communes les plus fragiles en augmentant la DSU (dotation de solidarité urbaine). Charleville-Mézières a pu pleinement bénéficier de ces mesures, en enregistrant une augmentation de sa DGF de plus de 750 000 euros depuis 2017. En 2020, son attribution au titre de la DSU a augmenté de 3 %, soit de 400 000 euros, pour atteindre un total de 13,5 millions d’euros.

Pour l’investissement, l’enveloppe de la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local) déléguée à la région Grand Est en 2020 dépasse 50 millions d’euros. Ce soutien est considérablement renforcé dans le cadre de la relance, avec une majoration de la DSIL qui bénéficiera à la région Grand Est à hauteur de 88 millions d’euros en 2020 et 2021.

Monsieur le sénateur, je peux vous assurer que le ministère de la ville est pleinement engagé pour la ville de Charleville-Mézières. Dès 2019, nous avons labellisé la « Cité éducative », qui se situe dans le QPV Ronde Couture pour un montant de 750 000 euros sur trois ans et mis en place une école de la deuxième chance dans le QPV La Houillère.

Les démarches de soutien mises en place durant la crise se sont également traduites par une enveloppe départementale importante dans le cadre de Quartiers d’été ou encore du fonds Quartiers solidaires, pour un montant de 60 000 euros.

Mme le président. Veuillez conclure, madame la ministre déléguée

Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Toutefois, je suis vraiment consciente du cas particulier de Charleville-Mézières, dont je recevrai le maire dans quelques jours et avec lequel nous trouverons une solution.

Mme le président. Madame la ministre déléguée, pour le bon fonctionnement de la séance, je vous prie d’être très concise et de respecter le temps imparti.

schéma de vaccination contre la covid-19 par les pharmaciens

Mme le président. La parole est Mme Corinne Imbert, en remplacement de M. Bruno Belin, auteur de la question n° 1480, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, j’interviens au nom du sénateur Bruno Belin, contraint de rester dans la Vienne, qui m’a demandé de bien vouloir l’excuser auprès de vous.

À ce jour, la seule solution connue pour sortir de la crise sanitaire réside dans la possibilité de vacciner le plus grand nombre de personnes.

Lors du débat sur la place de la stratégie vaccinale dans le dispositif de lutte contre l’épidémie de la covid-19, le 17 décembre dernier, Bruno Belin insistait sur la nécessité de s’appuyer sur tous les professionnels de santé, notamment les pharmaciens d’officine, qui, à l’exemple des réussites des campagnes vaccinales antigrippales, peuvent proposer et pratiquer la vaccination anti-covid.

Deux mois et demi plus tard, nous ne pouvons que nous féliciter du décret publié par le Gouvernement, permettant de répondre à l’urgence de l’accélération de la vaccination. Les pharmaciens sont prêts et habitués aux questions de logistique, de traçabilité et de respect de la chaîne du froid. Tout cela ne sera néanmoins possible que si nous disposons de suffisamment de doses vaccinales.

Madame la ministre, je souhaiterais interroger le Gouvernement sur deux points.

Tout d’abord, quelle visibilité avez-vous quant à la disponibilité des doses vaccinales ? Une polémique est d’ailleurs née hier soir, les médecins généralistes, qui comptaient sur deux doses vaccinales la semaine prochaine, ayant appris qu’elles seraient distribuées aux pharmaciens d’officines. Il me semble que l’heure n’est pas propice à l’opposition des professionnels de santé entre eux mais, au contraire, qu’il est nécessaire de favoriser la coopération. Je regrette donc cette polémique contreproductive.

Par ailleurs, dans le décret pris par le Gouvernement, sont autorisés à vacciner les pharmaciens d’officine, des pharmacies mutualistes et de secours minières. Lors de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, j’ai soutenu deux amendements, votés au Sénat contre l’avis du Gouvernement, autorisant les pharmaciens hospitaliers et biologistes à vacciner. Le ministre de la santé reverra-t-il sa position en deuxième lecture de ce texte à l’Assemblée nationale, afin que les pharmaciens hospitaliers et biologistes puissent vacciner ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la présidente, je vais m’efforcer de respecter au mieux mon temps de parole. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser le ministre de la santé, qui n’a pas pu être présent aujourd’hui. Pour sortir le plus rapidement possible de cette crise sanitaire, notre stratégie nationale de vaccination doit mobiliser un grand nombre d’effecteurs. Les professionnels qui sont établis sur tout notre territoire représentent, en ce sens, un maillon essentiel.

Les pharmaciens ont déjà prouvé à de multiples reprises leur rôle essentiel ces derniers mois, par exemple pour la distribution de masques, de gel hydroalcoolique ou encore pour pratiquer des tests antigéniques.

Depuis le vendredi 5 mars, les pharmaciens d’officine peuvent prescrire et vacciner les personnes des publics cibles avec les vaccins à ARN messager et à vecteur viral. Le décret pris par le ministre des solidarités et de la santé concerne également les infirmiers, les sages-femmes et les étudiants en santé.

En ce qui concerne les pharmaciens, cette ouverture vise d’abord la vaccination en centres de vaccination. À compter de jeudi ou vendredi, l’extension concernera les pharmacies vaccinant contre la grippe et situées dans les 18 départements à la plus forte circulation épidémique, avec une commande, pour cette semaine, correspondant à 67 000 doses. Cette commande est ouverte depuis lundi 8 mars jusqu’à mercredi, vingt-trois heures.

Enfin, l’ouverture généralisée de la vaccination à l’ensemble des pharmaciens aura lieu dès la semaine suivante. Comme cela a été indiqué en toute transparence aux représentants des professionnels de santé lors des réunions de concertation, la livraison du vaccin AstraZeneca, qui pourra être utilisé sur le terrain la semaine du 15 mars, est faible : 280 000 doses en tout.

En définitive, les pharmaciens auront la possibilité d’injecter 347 000 doses de vaccins au titre des livraisons des semaines du 11 et du 15 mars, à comparer aux 1,6 million de doses pour les médecins.

Sous réserve du respect du volume et du calendrier d’approvisionnement par les laboratoires, les commandes seront de nouveau ouvertes à l’ensemble des professionnels de santé susceptibles de vacciner en ville le lundi 15 mars, par une livraison la semaine suivante.

Madame la sénatrice, les flux logistiques sur lesquels vous attirez mon attention ne devraient pas connaître de difficultés particulières, étant donné qu’il s’agit d’un réseau déjà éprouvé. Les médecins de ville peuvent, en effet, s’approvisionner auprès des officines de pharmacie et vaccinent depuis le 24 février dernier. De même, les pharmaciens en officine pourront, dès qu’ils auront reçu les doses, vacciner les personnes appartenant à la cible vaccinale.

Mme le président. Veuillez conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Actuellement, il s’agit principalement des personnes de 50 à 74 ans atteintes de comorbidités, des personnes de plus de 75 ans et des personnes atteintes de pathologies graves.

Mme le président. Je suis désolée de vous presser, madame la ministre déléguée, mais, si vous et vos collègues prenez des secondes en plus pour répondre à chaque question, nous ne pourrons pas nous en sortir !

La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.

Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, vous n’avez pas répondu à la deuxième partie de ma question, mais je peux comprendre qu’il soit difficile de parler au nom du ministre.

J’attire simplement votre attention sur le fait qu’il est important que les pharmaciens hospitaliers puissent vacciner, ce qui constitue une force de frappe supplémentaire. Parmi eux, sont concernés les pharmaciens sapeurs-pompiers professionnels, dont il est paradoxal qu’ils puissent faire de la logistique, tout en n’étant pas, alors qu’ils ont le même diplôme, habilités à vacciner. C’est bien regrettable.

inscription de la commune de loireauxence en zone d’intervention prioritaire

Mme le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, auteure de la question n° 1493, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, en mars 2020, alors que notre pays entrait dans la plus importante crise sanitaire de ce siècle, la commune de Loireauxence, en Loire-Atlantique, voyait ses ressources en professionnels de santé s’effondrer.

Cette commune nouvelle, qui regroupe plus de 7 700 habitants, a connu, depuis 2018, divers événements qui ont mis à mal son organisation sanitaire et l’accès aux soins de sa population : départ à la retraite de deux médecins généralistes et un dentiste, abandon du portage salarial de deux médecins par le centre de santé associatif local et décès brutal d’un médecin généraliste, laissant sans médecin référent près de 2 700 patients.

La nouvelle municipalité se saisit pleinement de cette urgence et interpelle les acteurs institutionnels et professionnels, afin de modifier le zonage de médecine générale et d’inscrire la commune en zone d’intervention prioritaire (ZIP). Elle rendrait ainsi son territoire plus attractif au travers des incitations et financements assurés par l’agence régionale de santé (ARS) et l’assurance maladie.

À ce jour, au regard des critères retenus par l’ARS et en dépit de la dégradation structurelle et désormais conjoncturelle de l’accès aux soins, la commune semble ne pas être éligible.

Pourtant, au vu de la situation, il semble indispensable de réévaluer la situation sanitaire de la commune à l’instant t, afin de permettre à ce bassin de population de voir s’installer au moins quatre médecins pour répondre aux besoins.

Madame la ministre, quelles réponses peuvent donc être apportées aux élus municipaux de Loireauxence en faveur de l’inscription en urgence de leur commune en zone d’intervention prioritaire ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice Meunier, je tiens tout d’abord à souligner qu’en Pays de la Loire, comme c’est la pratique ailleurs, la définition du zonage se fait en concertation avec les acteurs concernés.

C’est notamment le rôle du comité technique régional (CTR), qui valide la méthodologie régionale de définition du zonage. Celle-ci se fait sur la base des données de l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL), dont je rappelle qu’il avait été développé pour mesurer l’adéquation spatiale entre l’offre et la demande de soins de premier recours à un échelon géographique fin.

Des indicateurs complémentaires régionaux sont également utilisés, comme les installations et départs depuis le dernier zonage.

Enfin, le zonage se fait bien évidemment en prenant en compte les retours des comités d’accompagnement territoriaux des soins de premier recours (CATS) sur des réalités de terrain qui ne seraient pas visibles à travers les chiffres : je pense à l’évolution récente de la situation du territoire et à la dynamique de territoire.

Pour 2020, en Pays de la Loire, le CTR a validé la proposition de l’ARS de travailler sur des modifications au zonage précédent plutôt que de le redéfinir complètement sur la base des résultats APL 2018. En effet, le risque était de faire repartir les longues discussions de 2017, qui avaient pourtant permis de trancher certains sujets importants : la maille « bassin de vie » plutôt que l’EPCI, ainsi que l’actualisation des données.

Le CTR a donné ses propositions de modification du zonage sur la base des valeurs de l’APL et de leur évolution par rapport à 2018, ainsi que sur les indicateurs complémentaires qui leur ont été fournis. Cela a été fait avec une volonté de soutien aux dynamiques émergentes, en cohérence avec les objectifs du projet régional de santé sur l’accès aux soins.

Lors du zonage précédent, le territoire de Varades, concernant donc la commune de Loireauxence, était classé hors zonage. Il a été décidé de le passer en zone d’action complémentaire (ZAC) du fait de son offre de santé morcelée, plusieurs médecins généralistes avec de grosses patientèles étant partis à la retraite.

C’est donc cette option plutôt qu’un classement en zone d’intervention prioritaire qui a été retenue ; je ne peux vous communiquer tous les arguments qui ont fait pencher la balance dans ce sens et vous invite plutôt à vous rapprocher du CTR. Je souligne simplement que la population ZIP est limitée à 18,2 % de la population régionale, ce qui implique nécessairement de faire des choix. Remettre cette zone en ZIP nécessiterait d’en retirer une autre et de faire un arrêté modificatif, ce qui ne semble pas envisageable dans des délais courts. Je sais néanmoins que les acteurs locaux suivent les évolutions sur le terrain avec une grande attention.

Mme le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.

Mme Michelle Meunier. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. J’en prends acte, même si j’ai des doutes sur sa pertinence et sa réalité par rapport au manque d’attractivité en zone médicale. Sachez, en tout cas, que les élus du territoire seront attentifs à ce type de réponse ; la détermination des élus pourra aussi faire valoir la suite de cette demande.

arrangement de reconnaissance mutuelle entre la france et le québec relatif aux masseurs-kinésithérapeutes

Mme le président. La parole est à M. Dominique Théophile, auteur de la question n° 1559, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Dominique Théophile. Madame la ministre, le 6 octobre 2011, la France a conclu avec le Québec un accord de reconnaissance mutuelle dans le but de faciliter les échanges de masseurs-kinésithérapeutes ainsi que de physiothérapeutes et thérapeutes en réadaptation physique entre nos deux territoires.

Cet arrangement a été actualisé en janvier 2014. Cependant, la réforme progressive, en France, du programme de formation en masso-kinésithérapie a rendu cet arrangement inapplicable et, par voie de conséquence, les échanges impossibles.

Cela est bien sûr dommageable pour les professionnels qui souhaiteraient s’expatrier et, d’une manière générale, pour le dynamisme et l’attractivité de notre système de santé. Cela est surtout problématique pour les jeunes diplômés et pour les étudiants qui se sont inscrits dans des formations en France et au Québec avec l’idée, parfois, de s’expatrier et, souvent, de rentrer auprès des leurs.

C’est notamment le cas des nombreux étudiants et jeunes professionnels ultramarins qui ont choisi de poursuivre leurs études au Québec et non dans l’Hexagone, pour des raisons principalement géographiques.

Cette situation est évidemment pénalisante pour les personnes concernées, qui attendent, parfois depuis des années, de pouvoir exercer dans leur département d’origine. Elle l’est également pour les territoires ultramarins, dont vous connaissez les faiblesses en matière d’emploi et de démographie médicale.

Si des discussions ont cours depuis des années entre les deux ordres et les autorités françaises et québécoises en vue de réviser les termes de cet arrangement et de permettre à nouveau la reconnaissance des qualifications de ces professionnels, aucun accord n’a, à ce jour, été trouvé.

Ma question est donc simple : que pouvez-vous nous dire des négociations en cours ? Quand pensez-vous les voir aboutir ? Quelle réponse apportez-vous aux inquiétudes et aux difficultés, parfois matérielles, que rencontrent les jeunes diplômés et les étudiants masseurs-kinésithérapeutes ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Théophile, vous le savez, l’arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) concernant les masseurs-kinésithérapeutes, conclu entre la France et le Québec en 2011, établit des procédures destinées à faciliter les échanges de professionnels entre les deux territoires.

Il permet aux masseurs-kinésithérapeutes français d’aller plus facilement exercer au Québec et réciproquement pour les physiothérapeutes et les thérapeutes en réadaptation physique québécois. Il prévoit notamment la mise en place de mesures de compensation pour combler les différences substantielles entre ces professionnels, que ce soient en termes de formation ou de champ de pratique.

À la suite de la réingénierie du diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute en France, organisé en une année d’études communes aux études de santé suivie de quatre ans d’études de masso-kinésithérapie, des discussions se sont tenues entre les autorités québécoises et françaises en vue de réviser les termes de l’arrangement de reconnaissance mutuelle. L’idée était, vous le comprenez bien, d’ajuster les mesures de compensation en fonction des modifications apportées au programme français.

Des travaux ont été engagés mais des désaccords entre les parties n’ont pas permis l’actualisation de l’ARM, conduisant à empêcher la bonne application de l’arrangement de reconnaissance mutuelle conclu en 2011.

Cette question est donc bien connue et débattue depuis plusieurs années. Le comité bilatéral de l’entente, qui pilote l’arrangement de reconnaissance mutuelle a souhaité, en 2019, constituer un groupe de travail réunissant l’ordre français des masseurs-kinésithérapeutes et l’ordre professionnel de la physiothérapie du Québec, ainsi que les représentants des ministères français et québécois chargés de la santé.

Force est de constater que cette initiative n’a, à ce jour, pas permis aux négociations d’aboutir, malgré l’intervention des ministères et du comité bilatéral de l’entente.

Le ministère français des solidarités et de la santé engagera, dans les prochaines semaines, une relance des discussions, afin de faciliter la recherche d’un compromis entre les ordres et la négociation d’un avenant à l’ARM existant, qui permettrait aux professionnels de reprendre les échanges entre la France et le Québec.

À ce stade, il est prématuré de définir les termes éventuels d’un tel accord, mais le ministère veillera au maintien d’un équilibre dans les mesures compensatoires proposées. Il informera bien évidemment la représentation nationale des avancées sur ce sujet.

Mme le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour la réplique.

M. Dominique Théophile. Vous comprendrez, madame la ministre, qu’il y a urgence. J’entends bien que toutes ces discussions n’ont pas abouti. Néanmoins, nous sommes aujourd’hui confrontés à un problème de démographie médicale, notamment dans les territoires ultramarins. Or de nombreux étudiants de ces régions étant au Québec, cela crée un manque chez nous.

insécurité dans l’essonne

Mme le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 1467, adressée à M. le ministre de l’intérieur.

M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, dans la nuit du 11 janvier 2021, les pompiers sont appelés à Saintry-sur-Seine pour éteindre un incendie ayant touché quatre véhicules, dont deux appartenant à des agents municipaux.

À cette occasion, ils découvrent de très nombreux tags sur les murs de la mairie et ceux de l’école du Parc. Les insultes et menaces de mort taguées visent directement le maire, Patrick Rauscher, nouvellement élu en 2020.

En novembre 2020, c’était Aurélie Gros, maire du Coudray-Montceaux, et Baptiste Ollivon, l’un de ses adjoints, qui étaient pris pour cibles avec, là encore, des tags d’insultes sur des panneaux municipaux et des arrêts de bus ainsi que des dégradations de véhicules. Bien d’autres encore, comme, dernièrement, les élus de Corbeil-Essonnes, ont été la cible de telles attaques.

L’autorité est contestée, voir combattue. La démocratie est remise en cause. Le Gouvernement, auquel vous appartenez, madame la ministre, emploie couramment, pour qualifier ces actes, le terme d’« incivilités ».

« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », disait Albert Camus. Ce malheur pour nous en Essonne, aujourd’hui, c’est l’incroyable message de faiblesse que vous adressez aux fauteurs de troubles. Il est grand temps de prouver à ceux qui commettent ces actes qu’ils seront poursuivis sans relâche et qu’ils seront condamnés comme il se doit.

Avec le dernier avatar de Mme la Défenseure des droits, les « zones officielles de non-contrôles d’identité », nous touchons le fond ; une telle déconnexion de la réalité est criminelle.

Madame la ministre, à l’instar de ceux de la justice, les effectifs de police et de gendarmerie sont notoirement insuffisants en Essonne pour faire face à la montée de la violence.

Qu’envisagez-vous sérieusement de faire, au-delà de simples renforts ponctuels qui ne règlent les choses que jusqu’à ce que les caméras se détournent ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Hugonet, je tiens tout d’abord à rappeler que le Gouvernement est tout à fait opposé à la proposition de Mme la Défenseure des droits, qui n’a parlé qu’en son nom propre. Bien évidemment, aucun de nous ne soutient l’idée selon laquelle il y a des endroits dans lesquels il faudrait laisser faire et cesser tout contrôle. Je vous rejoins donc pleinement sur ce sujet.

Dans votre département, près de 3 000 policiers et gendarmes assurent la sécurité publique au quotidien. Leur mobilisation a permis de faire reculer, en 2020, les violences aux personnes de 3,7 % en zone police, les atteintes aux biens de 10,5 % en zone police et de 18,6 % en zone gendarmerie.

Certes, tout n’est pas parfait et ces chiffres ne sauraient traduire toute la réalité des problématiques auxquelles l’Essonne est confrontée. Je sais également que les attentes de la population et de ses élus sont fortes, mais je veux vous dire que l’État mobilise les moyens pour répondre à ces attentes et à ces violences.

Le phénomène des bandes et des rixes entre jeunes soulève des questions d’autorité, d’éducation et exige, vous avez tout à fait raison, une réponse ferme de l’État et du système judiciaire. Le ministère de l’intérieur a adressé, le 26 février dernier, des instructions précises en ce sens au préfet de police et aux préfets de département pour réactiver le plan de lutte contre les bandes et engager diverses initiatives avec tous les acteurs concernés, notamment le ministère de la justice.

La direction départementale de la sécurité publique et le groupement de gendarmerie de l’Essonne sont déjà très impliqués dans cette action, notamment avec des référents bandes dans chaque service. Le sujet est également pris en compte dans les groupes de partenariat opérationnel du département. La police nationale s’investit également dans la prévention et le contact avec les jeunes publics. La gendarmerie a, quant à elle, mis en œuvre une maison de protection des familles.

Face à la délinquance, nos efforts doivent s’intensifier, monsieur le sénateur. Le Beauvau de la sécurité, voulu par le Président de la République, récemment lancé et auxquels participent les sénateurs Leroy et Durain, nous permettra d’identifier de nouveaux moyens à donner, à très court terme, aux policiers et aux gendarmes pour agir efficacement. Dans les prochaines semaines, la généralisation des caméras-piétons annoncée par le Président de la République constituera une réelle plus-value au travail des forces de l’ordre.

La création, cette année, de sept nouveaux quartiers de reconquête républicaine disposant de moyens supplémentaires, permettra d’intensifier notre action contre les stupéfiants et contre les bandes dans l’ensemble de ces secteurs.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, je salue le fait que, à l’instar du Premier ministre devant ces mêmes travées, vous ayez dit votre opposition à la proposition de Mme la Défenseure des droits. Je vous remercie de saluer les résultats des forces de police et de gendarmerie en Essonne. Je leur rends hommage, elles qui travaillent dans des conditions difficiles.

Permettez-moi de vous dire, en responsabilité, sans contester votre action, que notre département est le parent pauvre de la région Île-de-France en termes d’effectifs rapportés à la population. C’est patent et, en 1989, sur ces mêmes travées, le sénateur Robert Vizet demandait déjà un tel renforcement !

référentiel national de défense extérieure contre l’incendie

Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 1555, adressée à M. le ministre de l’intérieur.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, ma question concerne la défense extérieure contre l’incendie, souci majeur pour de nombreuses communes de mon département.

Le secrétaire d’État Laurent Nunez, que j’avais interrogé en janvier 2020, avait répondu : « J’ai parfaitement conscience que cette réglementation […] peut parfois être contraignante […]. [Elle peut parfois] évoluer par le biais de nouveaux échanges avec les partenaires et selon les procédures applicables ». Pourtant, depuis, rien.

Un poteau incendie représente 5 000 euros, une bâche, 20 000 euros, une citerne enterrée, 50 000 euros. Pour de petites communes comme Ancretteville-sur-Mer, cela engendre des coûts énormes : cette même commune devra dépenser 190 000 euros pour sept points d’eau en 2021. Je pourrais multiplier les exemples de très petites communes confrontées à ce problème.

Sans compter, d’ailleurs, que le débit d’eau n’est pas forcément compatible avec les exigences du schéma. La compétence « eau » revient aux intercommunalités alors que le schéma relève, lui, des communes.

Comment faire si le réseau n’est pas modernisé ? Comment implanter les équipements nécessaires sans réserve foncière ? Comment multiplier les sources d’eau dans les communes composées de hameaux isolés ? Tout cela a un coût. Malgré les aides possibles, comme la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou des subventions départementales, le reste à charge est très lourd pour les communes.

Dans d’autres départements, des solutions de remplacement respectant les règles du schéma national sont trouvées. Pourquoi pas en Seine-Maritime ? Le ministre de l’intérieur va-t-il rouvrir les échanges évoqués par votre prédécesseur ? Envisage-t-il une évaluation de la mise en œuvre du référent national dans les différents départements ? Cela me semble indispensable pour prendre en compte les difficultés rencontrées et traiter chaque département à la même enseigne.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Céline Brulin, la réforme de la défense extérieure contre l’incendie (DECI), conduite en 2015, a instauré une approche novatrice. Je sais que ce sujet vous tient à cœur. La DECI ne répond plus à une norme nationale, mais relève d’un règlement départemental élaboré par le préfet, en concertation avec la collectivité. Nous estimons ainsi qu’elle est proportionnée aux risques d’incendie des territoires du département et, surtout, aux capacités d’intervention des sapeurs-pompiers.

Ce nouveau cadre a introduit de la souplesse. En effet, si les règles fixées par ce règlement départemental sont difficilement applicables sur le terrain, elles peuvent être modifiées, en concertation étroite avec les collectivités territoriales.

S’agissant du bilan de mise en place de cette réforme, je peux, d’ores et déjà, vous fournir quelques éléments.

Tout d’abord, les premiers règlements départementaux de DECI ont été publiés à partir de 2017. Il convient de laisser le temps nécessaire pour que ce nouveau dispositif puisse produire des effets tangibles.

Par ailleurs, les difficultés que vous évoquez ne sont pas communes à tous les départements. Plusieurs services d’incendie et de secours relèvent, en effet, les premières améliorations de la DECI. Nous avons néanmoins parfaitement conscience que cette réglementation, nécessaire pour garantir une lutte efficace et rapide contre les incendies, peut parfois être contraignante dans certaines communes rurales.

Comme vous le savez, une mission d’information relative à la défense extérieure contre l’incendie en zone rurale a été créée au sein de la Haute Assemblée. Elle est conduite par les sénateurs Hervé Maurey et Franck Montaugé. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, chargée de la DECI au niveau national, contribue à ces travaux et réalisera un bilan global de mise en œuvre de la réforme dans tous ses aspects. Ce bilan et ses axes de progrès seront partagés avec les parlementaires, les préfets, les élus et les services territoriaux concernés.

En conclusion, je veux, madame la sénatrice, attirer votre attention sur un point essentiel : avant d’envisager de nouvelles règles, il convient également d’intégrer dans nos réflexions la question des effets du changement climatique.

En effet, les périodes de sécheresse et les très fortes chaleurs frappent de plus en plus les zones rurales, comme vous le savez mieux que personne. Elles concernent notamment des secteurs septentrionaux du pays peu habitués à ces situations. Durant ces périodes, les services ont observé une augmentation des feux d’espaces naturels ou agricoles. Or ces incendies sont désormais susceptibles de menacer des zones habitées.

Il importe donc que nous restions vigilants et raisonnables dans la conception et le déploiement de notre défense extérieure contre l’incendie.

Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, vous évoquez de nouveau des modifications possibles. C’est précisément ce que nous demandons.

Je vous remercie de saluer la mission que vient d’engager le Sénat. C’est effectivement un sujet qui nous tient beaucoup à cœur. J’entends que le Gouvernement entend s’appuyer sur ses conclusions, mais nous attendons aussi que vous apportiez vous-même des modifications, non pas en ajoutant de la réglementation à de la réglementation, mais en examinant ce qui se fait sur le terrain.

Dans certains départements – mais pas dans tous –, on constate une prise en compte fine des réalités. Nous voulons que ces expériences permettent à tous de réaliser quelque chose, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

personnels des services de soins infirmiers à domicile et autres établissements

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, auteur de la question n° 1433, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, ma question s’adressait à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Je souhaitais attirer son attention sur la situation des agents de la fonction publique hospitalière, exclus des mesures salariales issues du Ségur de la santé à la suite des dispositions réglementaires qui ont été prises. Les conclusions du dialogue social devaient pourtant apporter une réponse pour tous les personnels du secteur social et médico-social.

Ce sont notamment les personnels affectés dans les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), les unités de soins de longue durée (USLD), les établissements et services d’aide par le travail (ÉSAT). Ils sont exclus du Ségur de la santé, contrairement aux personnels relevant de la même filière et du même employeur affectés dans les établissements de santé publics et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Cette mesure discriminatoire ne semble ni équitable ni compréhensible, au regard en particulier des parcours de vie mis en place aujourd’hui et qui privilégient le maintien à domicile lorsque celui-ci est possible.

Ainsi, l’écart de rémunération entre deux agents relevant du même statut, du même grade et du même employeur peut s’élever à 2 100 euros nets par an pour un agent de catégorie C. Cette différence salariale est loin d’être négligeable.

Il est juste de saluer les avancées du Ségur, mais encore faut-il que celles-ci soient justes. Or, aujourd’hui, ce n’est pas le cas.

De plus, il convient d’ajouter les écarts induits sur les pensions de retraite de ces personnels.

Afin de poursuivre le dialogue confiant amorcé au titre du Ségur de la santé, qui doit se prolonger sur les questions de formation de ces personnels, de reconnaissance et d’attractivité de leur profession, de la nécessaire transposition des mesures concernant le public à l’ensemble du domaine médico-social, notamment celui qui relève du secteur associatif, il importe que cette question puisse trouver rapidement une issue favorable.

Dans le contexte de crise inédit, où les personnes fragiles et dépendantes sont particulièrement touchées et où tous les personnels affectés à leur prise en charge doivent être reconnus, je vous demande, madame la ministre, quand les dispositions salariales concernant ces agents seront effectivement mises en place et transposées au secteur privé.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Stéphane Sautarel, je vous remercie d’attirer l’attention sur la situation des agents qui relèvent de la fonction publique hospitalière, professionnels dont la crise a encore récemment confirmé le rôle indispensable. M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, m’a chargée de vous répondre.

Mon collègue va dans votre sens : il acte le fait que ce secteur est confronté à d’importantes difficultés de recrutement et de fidélisation des professionnels depuis des années.

À l’occasion des accords du Ségur de la santé de juillet dernier, le Gouvernement a institué un complément de traitement indiciaire (CTI) de 183 euros nets par mois pour les personnels des établissements de santé et des Ehpad, dans un contexte de crise sanitaire, qui, nous le savons tous, a accru les difficultés rencontrées dans l’exercice de leurs missions.

Dans le même temps, le Gouvernement s’est engagé à mener des travaux complémentaires concernant les professionnels du secteur social et médico-social. Ainsi, une mission a été confiée en décembre dernier à Michel Laforcade, ancien directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine.

Dans ce cadre, la majorité des organisations syndicales, la Fédération hospitalière de France et le Gouvernement sont parvenus à trouver un accord pour revaloriser les professionnels des structures rattachées aux établissements publics de santé, qui, la plupart du temps, partagent les mêmes couloirs que leurs collègues bénéficiaires du CTI.

À compter du 1er juin 2021, ces professionnels, qui accompagnent principalement des personnes handicapées ou en perte d’autonomie, bénéficieront de ce nouveau complément de rémunération de 183 euros nets par mois. Celui-ci sera évidemment pris en compte dans le calcul de la retraite. C’est une reconnaissance importante, d’un montant total de plus de 80 millions d’euros pour le budget de l’État, qui sera donc mise en œuvre chaque année.

Par ailleurs, le Gouvernement a demandé à Michel Laforcade d’engager des discussions avec les organisations syndicales s’agissant des professionnels des structures publiques autonomes relevant de la fonction publique hospitalière dès le mois de mars.

Je tiens à préciser que, dans le cadre de la mission confiée à Michel Laforcade, sur les métiers de l’autonomie, des travaux sont en cours afin que nous puissions mettre en œuvre des propositions opérationnelles globales, telles que celles que vous appelez de vos vœux, notamment pour revaloriser ces métiers. Cette mission intégrera l’ensemble des leviers à disposition pour développer la qualité de vie au travail de ces professionnels, améliorer l’adéquation des formations aux besoins des personnes accompagnées et mobiliser l’ensemble des outils des politiques de l’emploi pour favoriser les recrutements.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que le ministre des solidarités et de la santé souhaitait porter à votre connaissance.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.

M. Stéphane Sautarel. Je vous remercie, madame la ministre, de ces premiers éléments de réponse. S’ils portent quelques avancées, vous avez bien compris qu’ils ne couvrent pas encore la totalité du champ.

J’entends que des négociations sont en cours. Il importe que, face à une même situation professionnelle et un même statut, on puisse obtenir des réponses équivalentes de façon urgente.

Enfin, la question du secteur privé devra également être abordée.

Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Stéphane Sautarel. En effet, les écarts existant aujourd’hui ne sont pas lisibles pour le public.

suppression de la greffe cardiaque à l’hôpital henri-mondor de créteil

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteure de la question n° 1500, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Laurence Cohen. Cette question s’adressait au ministre des solidarités et de la santé. Malgré vos compétences, madame la ministre, je regrette de ne pas pouvoir échanger directement avec votre collègue sur une question d’importance pour le Val-de-Marne et, au-delà, pour l’Île-de-France.

Le projet en question consiste tout de même à supprimer les transplantations cardiaques à l’hôpital Henri-Mondor, dans le Val-de-Marne, pour les transférer à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, à Paris.

Cette décision de Martin Hirsch, directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a été rendue publique via un courrier adressé à l’Agence de la biomédecine, sans aucune concertation.

Elle est dénoncée par une partie de la communauté médicale, la Coordination de vigilance du groupe hospitalier universitaire (GHU), dans laquelle se retrouvent usagers, syndicalistes, élus de toutes sensibilités politiques, y compris de la majorité présidentielle.

Face aux inquiétudes de tous les parlementaires de ce département et à ma demande de rencontre, M. Véran nous a répondu, le 5 mars dernier, en motivant ce transfert par des raisons de sécurité.

Utiliser le nombre de transplantations en baisse sans tenir compte de la situation pandémique est plus que fallacieux ! Ce transfert est un vieux serpent de mer, puisque nous avons déjà dû mener une bataille d’ampleur voilà dix ans pour nous y opposer. Nous avions d’ailleurs gagné cette bataille grâce à la mobilisation des Val-de-Marnaises et des Val-de-Marnais, sous la houlette notamment du président du conseil départemental, Christian Favier, et de la Coordination de vigilance.

Madame la ministre, le Gouvernement est-il prêt aujourd’hui à tout mettre en œuvre pour abandonner ce transfert ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Laurence Cohen, nous partageons toutes et tous le même souci d’un meilleur accès aux soins pour l’ensemble des Français. C’est une question essentielle.

Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, m’a chargée de vous répondre.

Celui-ci souhaite porter à votre connaissance le fait que près de 500 patients reçoivent une greffe cardiaque chaque année en France. C’est l’un des domaines d’excellence de nos hôpitaux, dans lequel notre pays ne cesse de se perfectionner et d’innover.

Les opérations de greffe cardiaque sont des opérations lourdes, techniques, risquées pour la vie des patients. Elles nécessitent des hospitalisations longues.

Au premier semestre 2019, plusieurs opérations de greffe cardiaque réalisées à l’hôpital Henri-Mondor n’ont malheureusement pas permis de sauver la vie de leurs receveurs. Cela a conduit les équipes de cet hôpital et de l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, qui font tous deux partie de l’AP-HP, à engager une réflexion commune, avec un seul objectif : la meilleure qualité des soins et l’accès de tous aux meilleures pratiques.

Cette démarche a abouti à une organisation coordonnée des activités de cardiologie entre les deux sites. Les opérations de greffe cardiaque sont désormais concentrées sur le site de La Pitié-Salpêtrière. Cette organisation doit bénéficier à l’ensemble des patients en attente d’une greffe cardiaque en France, tout particulièrement les patients du Val-de-Marne et du sud de l’Île-de-France.

Dans cette organisation, le pôle de cardiologie de Mondor est, lui, bien maintenu. Le Gouvernement et le ministre des solidarités et de la santé, par ma voix, en prennent l’engagement. Ce pôle doit poursuivre ses activités en dehors des opérations de greffe, avec une ambition universitaire très forte – vous savez que c’est important sur ce site.

Au-delà de la cardiologie, les activités d’Henri-Mondor se développent, notamment les services de soins critiques, tellement sollicités depuis un an, avec la création d’un nouveau bâtiment spécifiquement dédié à ce type de soins.

L’AP-HP a pris des engagements. Nous nous assurerons qu’ils seront respectés, pour le bien de tous les patients devant recourir à des services de cardiologie de qualité.

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, les éléments que vous m’avez communiqués peuvent éventuellement nous rassurer, mais j’insiste sur les inquiétudes des élus, des syndicalistes et des usagers.

En effet, si jamais ce transfert était confirmé, ce serait un nouveau coup porté à l’hôpital Mondor, après le transfert de la greffe hépatique effectué en 2018 malgré l’opposition de la communauté médicale.

De plus, ce transfert affaiblirait la cardiologie interventionnelle, tout comme l’enseignement et la recherche, et porterait atteinte à l’attractivité générale de cet établissement. Il est très important de prendre cet élément en compte.

Au reste, si cette décision était confirmée, elle irait à l’encontre du projet régional de santé 2018-2022, qui prévoit le maintien de tous les sites de chirurgie cardiaque en Île-de-France.

Enfin, comme vous l’avez précisé, cet hôpital fait l’objet d’investissements très forts. Des travaux ont été réalisés : 70 millions d’euros viennent d’être dépensés pour ouvrir 21 salles, blocs et services de réanimation. Il y a d’autres possibilités à faire valoir !

Vraiment, madame la ministre, j’insiste pour que ce projet mortifère soit abandonné et pour que nous soyons reçus afin d’examiner les modalités concrètes ensemble. Je vous en remercie d’avance.

réglementation des stages de survie

Mme le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 1447, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports.

M. Yannick Vaugrenard. Madame la secrétaire d’État, en août dernier, un jeune homme de 25 ans décédait lors d’un stage de survie, dans une forêt du Morbihan, après avoir ingéré une plante toxique, l’œnanthe safranée, cousine de la ciguë. Pourtant, ce stage était supervisé et présenté par son organisateur comme une initiation ouverte à tous les types de publics.

À la suite de ce dramatique événement, l’organisateur a été mis en examen pour homicide et blessures involontaires.

Cette tragique affaire met en fait en lumière le danger causé par le manque de contrôle et d’encadrement de ce type de pratiques, surtout lorsqu’elles sont accessibles aux enfants, ce qui était le cas en l’espèce.

Véritable phénomène de société, bénéficiant d’un coup de projecteur avec des émissions de télévision comme Koh-Lanta, la pratique des stages de survie s’est largement démocratisée au cours de ces dernières années.

Ainsi estime-t-on que ce sont entre 100 000 et 150 000 personnes par an qui ont accès à des offres de participation à des camps, stages et séjours dits « survivalistes » en tout genre.

Or, actuellement, aucune disposition législative ou réglementaire ne fixe un cadre juridique spécifique aux stages dits « de survie ». Aucun diplôme n’existe pour attester officiellement des compétences des formateurs qui les encadrent.

Certains organismes imposent à leurs instructeurs, pour exercer ces pratiques, une formation équivalente à trois années d’études, avec le Centre d’études et d’enseignement des techniques de survie. Récemment, les principaux acteurs du secteur ont créé le « Cercle de réflexion sur la survivologie », réclamant des règles et des normes pour se structurer autour de bonnes pratiques.

Afin d’éviter d’autres drames, une mise en place très rapide d’une fédération nationale agréée, permettant la définition précise du « survivalisme », ainsi que la reconnaissance de celui-ci comme véritable discipline sportive ou activité à part entière apparaissent souhaitables et même indispensables. Il convient aussi qu’une formation assortie d’une certification reconnue par l’État soit décrétée et que des contrôles réguliers des compétences des professionnels encadrants soient institués.

En conséquence, je souhaite, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement soit réactif pour organiser cette réglementation et répondre à la demande de nombreux professionnels.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de lengagement. Monsieur le sénateur Vaugrenard, je vous remercie de votre question. Nous avons tous évidemment à l’esprit le drame que vous avez évoqué : il nous a tous ébranlés, compte tenu de la jeunesse de la victime.

Je vous remercie aussi parce qu’il se trouve que nous travaillons actuellement sur le sujet que vous évoquez et sur lequel les différents ministères concernés s’interrogent fortement.

Selon l’article L. 131-1 du code du sport, les fédérations sportives ont pour objet l’organisation de la pratique d’une ou de plusieurs disciplines sportives. Les fédérations sportives sont constituées sous forme associative, conformément à la loi de 1901. Les statuts restent l’acte fondateur d’une fédération parce qu’ils en définissent évidemment les règles de fonctionnement, mais également les éléments essentiels, comme l’objet, les conditions d’admission ou encore d’adhésion.

Par ailleurs, il faut toujours déclarer une fédération en préfecture. C’est bien la publication au Journal officiel qui actera sa création.

Monsieur le sénateur, l’organisation d’un « stage de survie » n’inclut pas systématiquement une activité sportive, d’où les débats et les échanges qui ont lieu actuellement entre les ministères.

Il est ainsi tout à fait possible pour les acteurs, dans un premier temps, de structurer l’activité en imposant un label, une charte de qualité ou encore des formations internes à leurs membres sans passer par la création d’une fédération au sens strict du terme. Ils pourraient cependant également imaginer de déposer une certification professionnelle auprès de France compétences, qui serait complémentaire à un diplôme d’État.

Dans le cadre des travaux que nous sommes en train d’approfondir avec ces acteurs et pour revenir sur les pistes que vous avez évoquées, monsieur le sénateur, nous continuons d’ores et déjà à travailler à la définition précise du survivalisme, ce qui permettra de poser un cadre – je pense que c’est nécessaire, vu le développement de cette pratique –, à sa potentielle reconnaissance comme une discipline sportive ou une activité à part entière – nous y sommes plutôt favorables, car cela permettrait d’avancer sur la constitution d’une fédération, par exemple –, aux obligations de formation, sur la base d’une réflexion que nous menons actuellement avec les acteurs, mais également à la mise en place de contrôles réguliers.

Je vous le dis en toute transparence : se pose également, dans les travaux que nous avons menés, la question de l’âge du public accueilli. Aujourd’hui, toutes les structures qui accueillent des mineurs sont soumises aux obligations des accueils collectifs de mineurs et sont donc beaucoup plus contrôlées. C’est sur les structures accueillant des majeurs qu’il convient vraiment de travailler.

Mme le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.

M. Yannick Vaugrenard. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.

Je souhaite simplement que les choses aillent vite. J’entends les concertations qui existent et les décisions qui sont prises. Les contrôles doivent s’effectuer de manière beaucoup plus importante et beaucoup plus régulière et il faut agir de manière extrêmement rapide.

regroupement pédagogique intercommunal et fermeture de classes en milieu rural

Mme le président. La parole est à M. Michel Canevet, en remplacement de M. Pierre Louault, auteur de la question n° 1508, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Michel Canevet. Madame la secrétaire d’État, Pierre Louault, sénateur d’Indre-et-Loire, n’a pu se joindre à nous ce matin. Il souhaitait interroger le Gouvernement sur la question de la scolarisation en milieu rural, puisque nous sommes au stade de l’élaboration des cartes scolaires pour la prochaine rentrée scolaire.

Il est important de tenir compte des difficultés auxquelles sont confrontés les élus dans les zones rurales, notamment lorsqu’ils ont au préalable consenti l’effort de mettre en place des regroupements pédagogiques intercommunaux.

Le Gouvernement a fort justement appelé l’attention sur la nécessité de veiller sur la scolarisation des élèves en cours préparatoire. Il importe d’en tenir compte.

Or on s’aperçoit, en Indre-et-Loire, comme dans de nombreux départements, que le maintien de classes dans les zones rurales pose des difficultés. Il faut parfois multiplier les niveaux. Nous pensons que cette situation est préjudiciable à un bon apprentissage des acquis, notamment dès le CP.

Mon collègue Pierre Louault reconnaît les efforts qu’a réalisés le Gouvernement l’année dernière pour éviter toute fermeture de classe et prendre en compte la priorité donnée à l’école primaire, mais cette volonté doit se concrétiser de manière plus significative dans les territoires. De fait, il est difficile de rouvrir une classe qui a été précédemment fermée. Le spectacle de l’exode est difficile pour les élus qui sont attachés à leur école.

Pierre Louault souhaite connaître les intentions du Gouvernement et les améliorations qui pourraient être apportées à la situation actuelle.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de lengagement. Monsieur le sénateur Michel Canevet, je vous remercie d’avoir relayé la question de votre collègue Pierre Louault.

Vous avez raison, l’école primaire est le pilier du démarrage dans la vie, raison pour laquelle elle constitue la priorité du Gouvernement.

Le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, M. Jean-Michel Blanquer, et la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire, Mme Nathalie Élimas, m’ont chargée de vous répondre, notamment de vous communiquer quelques chiffres.

Entre les rentrées 2017 et 2020, nous avons créé 11 900 postes, dans un contexte de forte baisse démographique, marqué par la perte de 150 000 élèves dans le premier degré.

Nous avons dédoublé les classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire et nous avons d’ores et déjà amorcé le dédoublement des classes de grande section de maternelle.

En complément, nous avons plafonné les effectifs des classes de grande section, CP et CE1 à 24 sur l’ensemble du territoire. Cela donne la priorité aux savoirs fondamentaux – lire, écrire et compter –, auxquels je sais que le sénateur Louault est extrêmement attaché.

Ainsi, dans le département d’Indre-et-Loire, la part des classes de grande section, CP et CE1 dont l’effectif ne dépasse pas 24 élèves a été portée à 59 % en 2019 et à 67 % en 2020.

Dans ce département, comme dans tous les départements français, le nombre de professeurs pour 100 élèves connaît aussi une nette amélioration, puisqu’il est passé de 5,25 à 5,4 à la rentrée 2020. À la prochaine rentrée scolaire, malgré une baisse prévue de 515 élèves, l’Indre-et-Loire devrait bénéficier de la création de 24 emplois supplémentaires. En conséquence, le taux d’encadrement reste élevé ; nous y tenons.

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI). Ceux-ci sont aujourd’hui au nombre de 47 en Indre-et-Loire, malgré la baisse démographique.

Depuis la rentrée 2019, conformément à l’engagement du Président de la République, aucune fermeture d’école en milieu rural ne peut intervenir sans l’accord du maire. Cet effort est maintenu. Ainsi, dans le département d’Indre-et-Loire, nous n’avons constaté, à la rentrée 2020, aucune fermeture de classe ni a fortiori d’école en milieu rural.

Si cet engagement ferme de ne fermer aucune école rurale sans l’accord du maire a été tenu en 2020, il est aussi maintenu pour l’année 2021.

Parce que la notion de « ruralité » recouvre des situations extrêmement diverses, le plus important est de poursuivre la construction de la carte scolaire. Nous nous retrouvons sur ce point. Les travaux sont en cours. Ils associent évidemment les élus locaux.

Mme le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour la réplique.

M. Michel Canevet. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse.

En particulier, Pierre Louault se réjouira de la création de postes prévue pour le département d’Indre-et-Loire. Celui-ci a consenti un effort pour réaliser des regroupements pédagogiques intercommunaux, d’ores et déjà très nombreux.

Il faut bien sûr prendre en compte la situation de l’enseignement public, mais je souhaite également appeler votre attention sur le caractère pluraliste de l’enseignement dans notre pays. Il est important que les autres réseaux d’enseignement, qui sont denses dans certains secteurs, comme c’est le cas en Bretagne, puissent recevoir une attention particulière de la part du Gouvernement. Je vous en remercie, madame la secrétaire d’État.

allocation budgétaire de l’aide publique au développement pour la distribution du vaccin contre la covid-19

Mme le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 1451, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la secrétaire d’État, le débat évolue avec l’épidémie de la covid-19. Nous en sommes maintenant, après les mesures de protection que sont les masques et les tests, à la phase de la recherche d’une immunité collective avec la vaccination. Je vous questionnerai non pas sur la disponibilité de celle-ci en France, mais sur le rôle que nous pouvons jouer à l’international afin d’endiguer cette pandémie qui touche tous les pays.

Sans action globale, l’épidémie continuera à resurgir partout. Tant que le virus circulera dans une partie du monde, le reste demeurera à risque.

La France souhaite augmenter considérablement le budget dédié à l’aide publique au développement. Le débat vient d’avoir lieu à l’Assemblée nationale. Ce n’est donc plus un souhait : c’est une réalité.

Nous pourrions alors être en mesure de consacrer assez vite une part significative de ce budget à la distribution de vaccins contre la covid-19 vers les pays en voie de développement. Le Président de la République a d’ailleurs proposé que des mécanismes de partage des doses soient mis en place pour accélérer la distribution des vaccins en Afrique et faire du vaccin un bien public mondial. En effet, l’aide publique au développement permet à l’initiative internationale AMC Covax, portée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de mettre au moins 1,3 milliard de doses de vaccin à la disposition des populations les plus vulnérables dans les pays concernés.

Aujourd’hui, alors que la vaccination a commencé dès janvier dans les pays riches, les pays pauvres viennent tout juste de recevoir des doses. Il y a quelques jours, le Ghana est devenu le premier pays, en dehors de l’Inde, à recevoir des doses de vaccin. Cette livraison est la première d’une vague d’expéditions à venir, mais elle a pris du retard.

Dans ce contexte, nous avons clairement besoin d’accélérer l’accès aux vaccins. Je souhaite savoir si des fonds supplémentaires sont prévus par la France, parmi les aides allouées à la santé, pour continuer à soutenir le mécanisme international AMC Covax et, le cas échéant, quel sera notre engagement financier dans cette lutte qui doit se faire au niveau international.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de lengagement. Madame la sénatrice Hélène Conway-Mouret, je vous réponds de la part du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

Il est certain que, tant que le virus continuera à circuler dans le reste du monde, le risque demeurera.

La Facilité Covax joue aujourd’hui un rôle absolument essentiel afin d’assurer l’accès équitable aux vaccins partout dans le monde. Plus de 11 millions de doses ont déjà été livrées à travers ce mécanisme, notamment dans plusieurs pays en développement, et 255 millions de doses sont attendues d’ici à la fin du mois de mai. Malgré les défis, Covax est donc bien partie pour atteindre ses objectifs.

Notre engagement est de livrer plus de 2 milliards de doses d’ici à la fin de l’année et, ainsi, d’obtenir une couverture vaccinale d’au moins 20 % dans les pays en développement, sur la base d’un cadre d’allocation légitime validé par l’OMS. Nous contribuerons par là même à une réponse globale coordonnée démontrant l’efficacité du multilatéralisme en santé – je sais à quel point le ministre est engagé sur ce sujet –, alors que certains acteurs cherchent malheureusement à déployer de manière opportuniste une diplomatie vaccinale.

La France et ses partenaires européens en particulier sont au cœur de ce projet. Les premiers résultats arrivent. Le Président de la République a lui-même été à l’origine du lancement de l’accélérateur ACT, dont Covax fait pleinement partie. Il a soutenu le multilatéralisme en santé, notamment l’OMS, au cœur de la crise, et appelé à faire du vaccin contre la covid-19 un bien public mondial.

La France est, à cet égard, pleinement mobilisée sur plusieurs fronts.

Pour répondre plus directement à vos questions, madame la sénatrice, elle contribue aux objectifs de l’accélérateur ACT à hauteur de 560 millions d’euros, dont 100 millions d’euros dédiés spécifiquement au mécanisme d’achat de vaccins de la Facilité Covax.

Outre les besoins financiers à couvrir pour garantir la pleine efficacité de l’accélérateur ACT, il est absolument essentiel de s’assurer que l’accès équitable et universel est bien un objectif central afin de répondre aux besoins mondiaux. Il faut notamment répondre aux différents goulets d’étranglement et faciliter les transferts de technologie pour multiplier les lieux de production, mais aussi obtenir une transparence des prix de la part des industriels. C’est ce que la France a proposé récemment, préconisant, d’ailleurs, dans une charte sur l’accès équitable aux produits de santé covid-19, le respect de plusieurs principes clés.

Madame la sénatrice, de manière articulée avec cette action sur les vaccins, la France est mobilisée pour permettre le développement des traitements et diagnostics et l’accès universel à ces derniers dans l’ensemble des systèmes de santé des pays.

La France soutient donc une vision ambitieuse sur l’accès aux vaccins et sur le développement du multilatéralisme en santé.

Mme le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.

Mme Hélène Conway-Mouret. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État.

Il est vrai que nous avons besoin d’une mobilisation mondiale. La place de la France dans les instances internationales nous y prédispose. Je suis heureuse de savoir que nous jouons un rôle actif et que nous allons continuer à le faire.

Nous prenons aujourd’hui un certain nombre de mesures, comme la fermeture des frontières. Cette mesure ultime est, en fait, impossible à mettre en application, mais elle empêche aujourd’hui nos propres ressortissants de rentrer chez eux, sépare les couples et les familles, crée une énorme souffrance psychologique et ne peut être que temporaire.

Si des mesures dissuasives sont mises en place pour réduire la mobilité, c’est bien l’immunité collective à laquelle nous aspirons qu’il est urgent de mettre en place. À période exceptionnelle, aide exceptionnelle !

difficultés économiques des centres culturels sous statut d’établissement public à caractère industriel et commercial

Mme le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 1471, adressée à Mme la ministre de la culture.

Mme Laure Darcos. Madame la secrétaire d’État, j’ai eu l’occasion de rappeler à plusieurs reprises dans cet hémicycle les conséquences dramatiques de la crise sanitaire sur le monde de la culture. Vous le savez : tous les acteurs de la culture sont aux abois.

Dans ce contexte très anxiogène, certaines structures souffrent plus que d’autres.

Dans mon département, l’espace Marcel-Carné, à Saint-Michel-sur-Orge, est dans une situation catastrophique. C’est le maire de cette commune, Sophie Rigault, qui m’a alertée sur celle-ci.

Cet équipement culturel intercommunal, qui compte une salle de spectacle et trois salles de cinéma, est géré par la communauté d’agglomération Cœur d’Essonne Agglomération sous la forme d’un établissement public à caractère industriel et commercial.

Son personnel y est très majoritairement employé sous contrat de droit privé : 15 salariés sur 18 relèvent du droit du travail et la masse salariale représente plus de 40 % de son budget de fonctionnement.

Avec la crise sanitaire, cet espace culturel a perdu l’intégralité de ses recettes au guichet, qui constituaient entre 35 % et 40 % de ses ressources.

Si le dispositif d’activité partielle a été largement mobilisé par les entreprises de notre pays, il n’a, en revanche, pu être mis en œuvre par l’espace Marcel-Carné. Peu d’établissements culturels peuvent en effet revendiquer une activité dont le produit constitue la part majoritaire de leurs ressources, seuil à partir duquel les salariés peuvent être placés en activité partielle.

Je tiens ici à saluer le volontarisme des élus du territoire, qui se battent pour que la culture continue de vivre en Essonne. Je veux aussi souligner l’engagement financier constant des collectivités territoriales, qui ont maintenu leurs dotations budgétaires en dépit des difficultés qu’elles rencontrent.

Mais une telle situation n’est pas supportable sur une période aussi longue. Elle est également totalement inéquitable par rapport à celle d’autres structures culturelles ayant opté pour un statut juridique différent, lesquelles ont pu accéder à l’activité partielle grâce à des règles plus souples, alors que les missions de service public exercées sont identiques.

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement est-il prêt à faire évoluer très rapidement les critères de l’activité partielle pour permettre à ces établissements d’en bénéficier ? Il y va de la survie de certains de nos lieux culturels et de l’animation future de nos territoires.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de lengagement. Madame la sénatrice Laure Darcos, je vous remercie de votre question et vous prie de bien vouloir excuser la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, qui ne pouvait être présente ce matin et qui m’a chargée de vous répondre.

À l’image de l’espace Marcel-Carné, que vous évoquez dans votre question, la France compte de nombreux établissements publics de coopération culturelle qui œuvrent au quotidien à la démocratisation de la culture sur l’ensemble de nos territoires ; et c’est bien essentiel. Il est vrai qu’ils sont durement frappés par les mesures mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre la pandémie de covid-19.

L’ordonnance du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle, modifiée par l’ordonnance du 22 avril 2020, a eu pour objet de limiter les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire des opérateurs publics intervenant dans le secteur marchand.

Son champ d’application a été cantonné aux salariés de droit privé des établissements publics à caractère industriel et commercial de l’État et des collectivités territoriales, aux entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l’État, aux groupements d’intérêts public et aux sociétés d’économie mixte dans lesquelles ces collectivités ont une participation majoritaire. Je comprends l’importance et l’engagement de Mme le maire Sophie Rigault.

Néanmoins, s’ajoute une exigence relative à la part de l’activité industrielle et commerciale dans ces structures : elles doivent exercer à titre principal une activité industrielle et commerciale dont le produit constitue la part majoritaire de leurs ressources. Ces conditions complémentaires, vous l’avez souligné, madame la sénatrice, ont eu pour effet d’exclure de nombreux établissements culturels locaux du dispositif de l’activité partielle.

Afin de pouvoir accompagner ceux qui sont les plus impactés par cette exclusion, le ministère de la culture a mis en place un fonds de compensation spécifique, d’un montant de 2,15 millions d’euros, géré par les directions régionales des affaires culturelles.

Soyez assurée, madame la sénatrice, de l’entière mobilisation de la ministre de la culture et du regard très particulier de Roselyne Bachelot pour accompagner au mieux ces structures. Elle ne manquera pas, j’en suis sûre, de revenir vers vous, en particulier sur la situation très spécifique de l’espace Marcel-Carné, qui vous tient tant à cœur.

Mme le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. Merci de votre réponse détaillée, madame la secrétaire d’État.

Je suis solidaire de l’action de la ministre de la culture, qui m’a fait passer un petit message. Je sais qu’elle se bat pour la réouverture rapide des salles de spectacle et des musées. Nous sommes tous très frustrés. Nous espérons y arriver avant que la moitié de la population soit vaccinée. Tout doit être mis en œuvre pour y parvenir.

Les restrictions concernant ces salles spécifiques doivent absolument pouvoir évoluer. Ces lieux culturels doivent pouvoir s’y retrouver financièrement avant la fin de l’année.

situation des parents séparés ou divorcés dont l’un des enfants est handicapé

Mme le président. La parole est à M. Serge Babary, auteur de la question n° 1449, transmise à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

M. Serge Babary. Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais attirer votre attention sur la situation des parents séparés ou divorcés dont l’un des enfants est handicapé.

L’article L. 513-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les prestations familiales sont dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant. En matière d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), c’est donc le principe de l’allocataire unique qui s’applique.

En cas de séparation, l’allocation est versée à celui des parents qui bénéficie des allocations familiales ou, si aucun des deux parents n’était allocataire avant la séparation, au premier qui en fait la demande.

Les parents d’enfants handicapés qui remplissent les conditions d’ouverture du droit au complément de l’AEEH disposent également d’un droit d’option entre ce complément et la prestation de compensation du handicap (PCH). Pour l’exercice de ce droit d’option, seul le parent allocataire est consulté. Lorsque l’option est choisie, la prestation de compensation du handicap ou le complément de l’AEEH est attribué au seul parent qui bénéficie déjà de l’AEEH.

Si la prestation de compensation du handicap peut faire l’objet d’un partage, ce n’est que sur la base d’un compromis entre les deux parents – condition irréalisable en cas de séparation conflictuelle… En définitive, l’un des deux parents peut être privé de toute aide, et ce alors même qu’il assume pourtant, de manière alternée, la charge effective de l’enfant.

Nié dans sa parentalité, ce parent qui souhaite accueillir son enfant dans un environnement adapté à son handicap devra le financer sur ses deniers personnels.

Le handicap ne doit pas être un obstacle à la garde alternée. Le partage des allocations familiales est possible en cas de garde alternée ; les enfants en garde alternée sont bien pris en compte, par exemple, dans le barème de calcul de l’aide personnalisée au logement (APL). Il est urgent d’adapter l’attribution des aides liées au handicap aux situations de garde alternée.

Aussi, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement compte faire pour remédier à cette injustice, qui porte préjudice aux enfants en situation de handicap bénéficiant d’une garde alternée.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Babary, les prestations familiales, à l’exception des allocations familiales, ne peuvent aujourd’hui être partagées entre les deux parents dont l’enfant fait l’objet d’une mesure de résidence alternée, en application de la règle de l’unicité de l’allocataire. L’enfant doit en effet être rattaché administrativement à l’un ou à l’autre de ses parents, désigné comme allocataire unique, indépendamment du temps qu’il passe réellement auprès de l’un ou de l’autre.

Cependant, les parents ont la possibilité de demander conjointement une alternance de l’allocataire après une période minimale d’un an.

Si je partage votre volonté de répartir entre deux parents séparés le bénéfice de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, dès lors qu’ils assument effectivement tous les deux des charges liées au handicap de l’enfant, cette problématique ne concerne pas uniquement l’AEEH et doit faire l’objet d’une étude approfondie dans le cadre d’un projet global de meilleure prise en compte des situations de séparation, pour l’ensemble des prestations familiales.

Le partage de l’AEEH est complexe à concevoir et à mettre en place, compte tenu des règles de cette prestation et de ses compléments ; il pose de nombreuses questions de mise en œuvre. Les compléments de l’AEEH peuvent solvabiliser à la fois une réduction d’activité d’un parent, le recours à une tierce personne ou des frais liés à des soins ou équipements restant à la charge des familles.

Cette multiplicité d’utilisations pose des questions complexes de partage de la prestation : une répartition à parts égales serait non conforme à l’équité, puisque c’est souvent un seul parent, majoritairement la mère, qui réduit son activité. Une répartition sur mesure représenterait évidemment une lourdeur accrue en gestion dans l’examen des droits à verser, que ce soit au stade de l’examen initial du droit, mais aussi en cours de versement, notamment si la répartition de la prise en charge des frais change entre les parents.

Les questions de partage de l’AEEH pour les parents séparés nécessitent ainsi de réaliser des choix peu évidents, notamment entre simplicité pour l’allocataire, gestion et équité.

Ce chantier nécessite donc une analyse approfondie, incluant les autres prestations familiales, afin d’assurer une cohérence d’ensemble des modalités de partage qui seront définies. Un tel partage constituera également un chantier informatique majeur pour les caisses d’allocations familiales et de mutualité sociale agricole.

Des travaux sont engagés afin de dégager une solution lisible et équitable entre toutes les familles, quels que soient leur situation matrimoniale ou le mode de résidence choisi pour l’enfant après la séparation, pour la bonne mise en œuvre d’une telle extension.

En ce qui concerne la PCH, le code de l’action sociale et des familles prévoit, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, l’établissement préalable d’un compromis écrit entre les deux parents. Il s’agit d’une question très complexe.

Cet accord peut figurer au jugement de divorce, le cas échéant. Il paraît toutefois souhaitable que les parents séparés s’entendent.

Mme le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Nous travaillons sur ces questions très complexes.

Mme le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.

M. Serge Babary. Je comprends la nécessité de mettre en place un projet global pour les prestations familiales diverses.

Il faut tout de même garder en tête cette iniquité, durement ressentie par celui des parents qui accueille son enfant handicapé en garde alternée.

nombre de places disponibles au sein des instituts médico-éducatifs

Mme le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 1504, transmise à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

Mme Martine Filleul. Madame la secrétaire d’État, la diminution du nombre de places au sein des instituts médico-éducatifs (IME) constitue une réelle difficulté pour de nombreuses familles dans notre pays.

Les IME sont des établissements essentiels, qui accueillent les enfants en situation de handicap en accueil de jour et de nuit, leur permettant de bénéficier d’un contexte de soins adapté, de scolarité et d’activités permettant un épanouissement personnel.

À Lille, que je prends comme exemple parmi de nombreux cas rapportés, l’institut médico-éducatif La Roseraie accueille 105 enfants en semi-internat et en accompagne 20 en service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). Alors que le nombre d’enfants en liste d’attente s’allonge d’année en année, une réduction de 70 places est annoncée.

Ces enfants n’auraient comme solution que d’être renvoyés à leur domicile, ce qui les priverait de toute relation avec d’autres jeunes de leur âge, ou d’être accueillis dans des établissements scolaires non adaptés.

Comme tous les enfants de la République, ils ont le droit d’être accompagnés, encadrés par des professionnels spécialisés, afin de pouvoir grandir et s’épanouir dans les meilleures conditions possible.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour, a minima, maintenir les places aujourd’hui existantes ou, mieux encore, permettre d’en augmenter le nombre – l’enquête « Faire face » de 2018 évalue à 30 000 le nombre de places manquantes.

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Martine Filleul, vous attirez mon attention sur la réduction du nombre de places dans l’institut médico-éducatif (IME) La Roseraie, rattaché à l’établissement public départemental de soins d’adaptation et d’éducation.

Cet IME est engagé depuis 2019 avec l’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France dans des réflexions ayant pour objectif d’adapter l’offre aux besoins des territoires. Ces travaux prennent appui sur un état des lieux du public accueilli au sein de l’IME et sur une analyse départementale qui a mis en évidence des besoins importants en matière de prise en charge d’enfants souffrant de troubles complexes.

La concertation entre l’établissement, les différents partenaires – éducation nationale, conseil départemental et ARS – a conduit à un projet de transformation guidé par deux grands principes : assurer la continuité des accompagnements des enfants accueillis par l’IME et favoriser la diversification de l’offre d’accompagnement. Ces principes s’inscrivent dans le cadre des orientations nationales portant sur la transformation de l’offre médico-sociale et le développement d’une société toujours plus inclusive que porte le Gouvernement depuis 2017.

Le projet de transformation de l’IME La Roseraie prévoit ainsi une évolution du fonctionnement de l’établissement en dispositif permettant de déployer l’ensemble des modalités d’accueil modulaire – accompagnement en établissement et par les services en milieu de vie ordinaire. Les accompagnements proposés ont pour objectif d’apporter une réponse graduée et adaptée à la situation de chaque enfant incluant : un accompagnement en service – le Sessad –, un accompagnement en semi-internat et un accompagnement en internat pour les enfants les plus vulnérables, nécessitant une continuité des soins – il s’agit des 20 places que vous évoquiez.

La politique du Gouvernement vise donc à avancer simultanément sur les deux aspects essentiels d’une politique résolument inclusive au bénéfice des enfants et des familles : renforcer l’intervention des professionnels du secteur médico-social au sein des écoles – c’est cette coopération que nous développons –, garantir l’accueil diversifié au sein des établissements chaque fois que nécessaire, et ce de façon plus souple en fonction des besoins.

Outre ces évolutions de l’offre, nous devons faire face aux besoins complexes d’enfants et d’adultes en situation de handicap. Nous y travaillons dans le cadre des engagements financiers de création de places pour les enfants à besoins complexes. Telle est notre feuille de route en la matière. Il s’agit d’éviter notamment les départs en Belgique. Nous consacrons plus de 90 millions d’euros à ces questions. Nous proposerons des solutions d’accompagnement en partenariat, bien sûr, avec les départements, chefs de file des politiques de solidarité.

Mme le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.

Mme Martine Filleul. Madame la secrétaire d’État, je salue la précision de votre réponse et l’attention que vous portez à cet établissement et à la situation des personnes handicapées dans le Nord.

Toutefois, dans de nombreux établissements, les listes d’attente s’expliquent souvent par le prolongement des séjours de jeunes adultes handicapés au sein des IME, faute de places dans des établissements adaptés à leur âge et à leur progression, comme les établissements et services d’aide par le travail (ÉSAT), les foyers d’accueil médicalisé (FAM) ou les maisons d’accueil spécialisées (MAS). Il faut traiter la problématique dans sa globalité.

double imposition des frontaliers français placés en chômage partiel en allemagne

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, auteure de la question n° 1479, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Mme Laurence Muller-Bronn. Monsieur le ministre, ma question concerne la situation fiscale des frontaliers français.

Il existe une convention, signée en 2015 par la France et l’Allemagne, qui stipule que l’impôt sur le revenu doit être uniquement prélevé par le pays de résidence. Or, les frontaliers français placés en chômage partiel par leur employeur allemand en raison de la crise sanitaire subissent depuis lors une double imposition : l’Allemagne, considérant que le chômage partiel est une prestation sociale, applique à ce titre un impôt sur ces salaires.

Un accord, conclu le 13 mai 2020 entre la France et l’Allemagne, confirme pourtant que les sommes versées dans le cadre du chômage partiel par les employeurs allemands aux employés français sont imposables dans leur pays de résidence, donc en France.

Malgré cet accord, l’Allemagne continue d’appliquer l’imposition de ces revenus, laquelle s’ajoute au prélèvement à la source pratiqué par le système français sur les salaires. Les revenus des frontaliers français sont ainsi doublement pénalisés : tout d’abord, par le montant réduit du chômage partiel ; ensuite, par la double imposition qu’ils subissent. Concrètement, un salarié placé en chômage partiel peut perdre jusqu’à 52 % de son salaire brut.

Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, comment le Gouvernement peut faire pression sur l’État allemand pour qu’il respecte les accords conclus. Il y a véritablement inégalité devant l’impôt.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Madame la sénatrice Muller-Bronn, je vous confirme que, conformément à la convention fiscale franco-allemande de 1959, modifiée en 2015, les revenus de source allemande versés au titre des indemnités de chômage partiel et perçus par un résident de France ne sont imposables qu’en France. L’accord du 13 mai 2020 que vous évoquez, conclu dans le cadre de la crise sanitaire liée à la covid, rappelle ce principe.

Par ailleurs, comme vous l’indiquez, si ces indemnités ne sont pas imposables en Allemagne en vertu de la loi sur l’impôt sur le revenu, elles sont déterminées selon un mode de calcul prenant en compte la déduction d’un impôt allemand fictif.

Une telle déduction a été jugée contraire au principe de libre circulation des travailleurs garanti par le droit de l’Union européenne lorsque, s’agissant d’autres contributions sociales allemandes, la convention fiscale franco-allemande précitée en réservait déjà l’imposition exclusive à la France.

C’est pourquoi, pleinement conscient des difficultés que cette situation engendre pour les travailleurs concernés, le ministre Bruno Le Maire a abordé ce sujet avec son homologue allemand, par courrier, l’été dernier. Depuis, nos services continuent d’échanger.

Toutefois, le règlement de la situation impliquerait également, et au principal, la coopération du ministère allemand chargé des affaires sociales.

Par ailleurs, s’agissant d’une législation prévue par le droit social en Allemagne, plusieurs contentieux individuels ont été engagés par les travailleurs concernés devant les juridictions compétentes de cet État.

Je tiens à vous assurer, madame la sénatrice, de la très grande implication de Bruno Le Maire sur cette question, qui doit désormais trouver une solution juste et satisfaisante, sur le plan juridique comme sur le plan économique, et ce dans les plus brefs délais.

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour la réplique.

Mme Laurence Muller-Bronn. Je vous remercie de votre réponse détaillée, monsieur le ministre.

Cette situation dure depuis bien trop longtemps. Les habitants de nos communes frontalières souffrent depuis déjà un an, surtout ceux qui ont des bas salaires. L’association frontalière des salariés de Moselle a saisi aujourd’hui la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’agit d’un déséquilibre, d’une injustice, d’une inégalité, qu’il est urgent de réparer. Nous sommes en Europe et les salariés souffrent de cette baisse importante de leurs revenus.

seuil de dispense des procédures de marchés publics

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, auteure de la question n° 1486, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, conséquence de la crise économique, le Gouvernement a publié, le 22 juillet dernier, un décret visant à faciliter temporairement la conclusion de marchés publics dans deux secteurs économiques prioritaires : les travaux et la fourniture de denrées alimentaires.

Afin de promouvoir la relance, le seuil de dispense de procédures de publicité et de mise en concurrence pour la passation des marchés publics de travaux a été relevé de 40 000 à 70 000 euros hors taxes.

Cette mesure est très appréciée des collectivités territoriales, particulièrement des communes et des entreprises qui sont sensibles à la nécessité de pouvoir contracter rapidement des marchés en cette période de ralentissement économique.

L’acheteur a ainsi pour seules obligations de choisir une offre pertinente, de faire une bonne utilisation des deniers publics et de ne pas contracter systématiquement avec un même fournisseur lorsqu’il existe plusieurs offres susceptibles de répondre à son besoin.

Cette hausse du seuil a été bien reçue par les élus locaux et par les entreprises. En effet, les procédures de passation des marchés publics sont structurellement d’une grande complexité et d’une grande instabilité dans notre pays : montant, objet du marché, circonstances de la conclusion, procédure adaptée ou formalisée… Beaucoup d’élus ont du mal à s’y retrouver, d’autant que des normes européennes se superposent aux nationales.

La publicité et la mise en concurrence ont de grandes vertus puisqu’elles permettent une égalité de traitement entre toutes les entreprises, une transparence et une saine concurrence pour que l’acheteur public se fournisse au meilleur prix. Mais elles ne sont pas adaptées à toutes les collectivités, particulièrement aux plus petites ou à celles qui n’ont pas forcément des moyens, des services ou des budgets appropriés.

Le relèvement du seuil apparaît comme une simplification bienvenue pour de nombreuses collectivités soucieuses de faire travailler au plus vite les entreprises de proximité.

Le décret précise que le relèvement du seuil est valable seulement jusqu’au 21 juillet 2021. Afin d’éclairer les collectivités et de donner de la visibilité aux élus, pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, si cette mesure a vocation à perdurer au-delà de cette date ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Madame la sénatrice Belrhiti, le décret du 22 juillet 2020 portant relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés publics de travaux et de fourniture de denrées alimentaires a deux objectifs : soutenir les entreprises du BTP touchées par les effets économiques de la crise sanitaire en accélérant la conclusion des marchés publics de travaux de faible montant ; lutter contre le gaspillage alimentaire, en facilitant l’écoulement des denrées qui n’ont pu être consommées faute de débouchés.

En permettant aux acheteurs publics de conclure des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables jusqu’à 70 000 euros pour les travaux et jusqu’à 100 000 euros pour les denrées alimentaires, ces mesures ont supprimé un formalisme souvent perçu comme excessivement contraignant par les acheteurs de petites collectivités et comme un frein pour les TPE-PME dans leur accès aux marchés publics ; elles ont permis à nos entreprises et producteurs de faire face aux difficultés liées à la crise sanitaire.

Toutefois, comme l’a rappelé le Conseil d’État lors de l’élaboration du décret du 22 juillet 2020, parce qu’elles constituent des dérogations aux règles destinées à garantir la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement entre les entreprises et la transparence, ces mesures, justifiées par l’urgence de la situation sanitaire, ne peuvent être que temporaires.

Le droit des marchés publics offre aux acheteurs d’autres outils, qui peuvent être mobilisés pour faciliter l’accès de nos TPE-PME à la commande publique et les aider à traverser cette crise, notamment par une définition claire de leurs besoins, par la pratique du « sourçage », par un allotissement pertinent ou par l’utilisation de critères privilégiant la qualité ou le développement durable au détriment du critère unique du prix.

Afin d’accompagner les acheteurs dans le maniement de ces outils et de sécuriser leur utilisation, le Gouvernement poursuit sa démarche de diffusion des bonnes pratiques : l’Observatoire économique de la commande publique a ainsi élaboré un guide pratique intitulé Faciliter laccès des TPE-PME à la commande publique et le ministère de l’agriculture a publié le guide Favoriser lapprovisionnement local et de qualité en restauration collective.

Par ailleurs, madame la sénatrice, permettez-moi de rappeler que la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, a déjà porté à 100 000 euros le seuil de dispense de procédure pour les marchés publics de travaux jusqu’au 31 décembre 2022.

La loi ASAP contient également de nombreuses mesures visant à faciliter l’accès des TPE-PME à la commande publique, notamment dans le cadre de l’exécution des marchés globaux qu’elles ont du mal à remporter.

Enfin, convaincu qu’il est aujourd’hui nécessaire d’agir au niveau européen pour renforcer la résilience de notre économie, le Gouvernement porte auprès de ses partenaires et de la Commission européenne des propositions…

Mme le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Alain Griset, ministre délégué. … visant à mieux défendre nos entreprises face à la concurrence internationale.

Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour la réplique.

Mme Catherine Belrhiti. Merci de votre réponse, monsieur le ministre.

Il serait vraiment souhaitable, au regard de la persistance de la crise, qu’une telle mesure perdure à l’issue de cette date.

compensation de la suppression de la taxe d’habitation pour les syndicats intercommunaux à vocation multiple

Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 1526, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, ma question porte sur la compensation de la suppression de la taxe d’habitation pour les syndicats intercommunaux à vocation multiple (Sivom) ayant opté pour la fiscalité additionnelle.

Si la loi de finances pour 2020 prévoit le mécanisme de compensation de suppression de la taxe d’habitation pour un certain nombre de collectivités locales, elle ne prévoit pas de compensation spécifique pour les Sivom à fiscalité additionnelle.

Dans les Alpes-Maritimes, le Sivom Val de Banquière est particulièrement impacté par cette mesure. Pour la seule commune de La Trinité, par exemple, 400 000 euros ne seront pas compensés dès 2021 ; à Saint-André-de-la-Roche, 130 000 euros ; à Tourrette-Levens, 70 000 euros… Les neuf autres communes du Sivom sont également fortement touchées.

Lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2020 et de la loi de finances pour 2021, j’ai proposé un amendement, largement cosigné par mes collègues du groupe Les Républicains, visant à instaurer une compensation par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement, en prévoyant que son montant évolue en fonction de la valeur locative moyenne des propriétés bâties situées sur le périmètre du syndicat.

Lors des débats budgétaires, M. le ministre délégué chargé des comptes publics avait souligné qu’il n’existait pas de problème particulier a priori et qu’il y aurait « un effet de report sur d’autres impositions », notamment sur la taxe foncière et sur la hausse des contributions des communes.

Monsieur le ministre, il est impensable pour les maires de devoir, faute de solution trouvée par l’État, augmenter les impôts ou réduire, voire supprimer, les services publics de proximité – je pense à la petite enfance ou aux aides aux seniors – aujourd’hui assurés dans le cadre des compétences déléguées aux Sivom.

Où en sont les négociations entre l’administration et le Sivom Val de Banquière, même si d’autres Sivom sont également concernés par cette question ? Que propose le Gouvernement aux maires pour ne pas faire peser sur le budget des communes concernées ou sur les seuls propriétaires fonciers la charge de la non-compensation de la taxe d’habitation à l’euro près, ce qui est, je le rappelle, un engagement du Président de la République ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Madame la sénatrice Estrosi Sassone, comme vous le savez, les syndicats intercommunaux ne disposent d’aucun pouvoir fiscal, ce qui les range dans la catégorie des établissements publics sans fiscalité propre.

Le financement du budget d’un tel syndicat comprend une contribution des communes associées, fixée par les communes dans les statuts du syndicat. Lorsque tel n’est pas le cas, le syndicat est compétent pour établir ou modifier la répartition des charges des communes.

À titre dérogatoire, le syndicat peut décider de remplacer cette contribution budgétaire des communes par la taxe d’habitation, les taxes foncières et la cotisation foncière des entreprises. Il s’agit des « contributions fiscalisées ».

Dans ce cas, le syndicat arrête un montant global, réparti dans chacune des communes membres. Cette répartition est proportionnelle aux recettes que chacune de ces taxes procurerait à la commune si l’on appliquait les taux de l’année précédente aux bases de l’année d’imposition. Les taux d’imposition additionnels permettent d’alimenter le budget du syndicat.

Le Sivom Val de Banquière est un syndicat intercommunal regroupant douze communes. Non seulement entre-t-il dans le champ de la législation précitée mais, de fait, a-t-il recours à la fiscalisation des contributions.

Le recours aux contributions fiscalisées pour son financement résulte donc d’un choix particulier et local d’organisation.

Dans la mesure où le Sivom Val de Banquière est assuré de percevoir un montant déterminé de contribution des communes, il n’y a pas matière à compensation dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale. En effet, le syndicat ne perd pas de recettes. La suppression de la taxe d’habitation conduit en revanche à une nouvelle répartition des produits syndicaux entre les contribuables, dont les communes, elles-mêmes compensées du fait de cette suppression, doivent désormais tenir compte dans leurs choix de gestion.

Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Je suis désolée, monsieur le ministre, d’entendre encore cette réponse, qui est une réponse de technocrates. Cela fait plusieurs semaines que nous alertons sur cette disposition particulière concernant les Sivom. Les maires n’ont pas été élus sur la base d’une augmentation des impôts qu’ils n’ont pas décidée et qui serait imposée d’autorité par l’État !

Véritablement, il est temps de trouver une solution, y compris pour un cas particulier comme celui-ci.

cyberattaques visant les collectivités de l’oise

Mme le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 1458, adressée à M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Édouard Courtial. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’avoir une pensée pour mon collègue de l’Oise Olivier Dassault, disparu tragiquement dimanche dernier, alors qu’un hommage lui est rendu en ce moment même à Beauvais.

Trumilly, Boubiers, Goincourt, Vandélicourt, Saint-Crépin-Ibouvillers : autant de communes de l’Oise victimes de cyberattaques, avec parfois de lourdes conséquences. Au total, en 2020, selon l’Association pour le développement et l’innovation numérique des collectivités, elles sont plus d’une quinzaine de mon département à avoir été confrontées à ce phénomène inquiétant, qui prend de l’ampleur et révèle des failles importantes de sécurité.

Si le contexte sanitaire actuel a accéléré la transition numérique des collectivités et le développement du travail à distance, il a néanmoins eu pour conséquence de rendre plus vulnérables les réseaux des services publics.

Pour répondre à cette menace, le Gouvernement va investir un milliard d’euros supplémentaires d’ici à 2025 pour faire monter le niveau général de protection, dans le cadre du plan de relance et du programme d’investissements d’avenir.

En outre, des actions de sensibilisation à la menace en ligne ont été menées dans certaines mairies, afin de remédier à la méconnaissance des problèmes liés à la cybersécurité. L’AMF (Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité), avec la participation et le soutien de l’Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), a d’ailleurs publié un guide afin de susciter une prise de conscience des élus et de leurs services quant aux risques numériques.

Mais pour les communes de taille modeste, la mise à disposition des outils de sécurisation se heurte à des contraintes financières importantes. La prise de conscience au plus haut sommet de l’État est salutaire. Toutefois, la répartition des moyens de soutien reste floue et la crainte de voir certaines collectivités locales délaissées, comme c’est trop souvent le cas, ne peut, pour l’heure, être complètement écartée.

Aussi, monsieur le ministre, quels moyens le Gouvernement entend-il mobiliser afin d’aider, notamment, les plus petites communes à se prémunir contre les cyberattaques ? Envisage-t-il de leur accorder un accompagnement spécifique dans ce but ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Monsieur le sénateur Courtial, permettez-moi de m’associer à l’hommage qu’il est tout à fait normal de rendre à Olivier Dassault pour son action, en particulier dans votre département. J’ai souvent eu l’occasion de le rencontrer, et je partage donc votre émotion.

Le phénomène que vous décrivez, qui voit, d’une part, les collectivités recourir de plus en plus massivement au numérique, en particulier dans le contexte pandémique, et, d’autre part, le nombre de cyberattaques se multiplier, est également constaté par les services de l’État. Les collectivités territoriales y sont particulièrement vulnérables et présentent la plupart du temps un faible niveau de cybersécurité, dû à une prise de conscience insuffisante des impacts potentiels de cette menace et des bonnes pratiques à mettre en œuvre pour s’en prémunir.

Face à cette menace prépondérante, le Gouvernement a récemment réaffirmé tout son engagement et le Président de la République y a consacré une intervention le 18 février dernier. Il a rappelé la priorité accordée à la cybersécurité de notre pays, en particulier du service public.

Concernant le cas spécifique des collectivités territoriales, la réponse est triple.

Premièrement, j’évoquerai l’assistance.

Il s’agit d’accompagner directement les collectivités dans la résolution d’une cyberattaque et dans la remise en état de marche de leurs systèmes d’information. Pour ce faire, elles peuvent se tourner vers l’Anssi vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, pour signaler qu’elles sont victimes d’une cyberattaque. L’Agence se charge alors de les diriger vers les interlocuteurs pertinents pour résoudre l’incident. Je pense aux prestataires de services qualifiés ou à la plateforme numérique d’assistance aux victimes, cybermalveillance.gouv.fr.

Deuxièmement, la réponse est judiciaire.

Les récents succès des services d’enquête contre la cybercriminalité organisée, qui ont permis le démantèlement de groupes très actifs avec l’appui de partenaires internationaux, doivent être salués. Ils prouvent l’efficacité de la réponse policière et judiciaire dans le domaine numérique. Si le sentiment d’impunité des cybercriminels est souvent mis en avant, cela ne doit en aucun cas faire hésiter les victimes à porter plainte. C’est en effet indispensable pour mettre fin durablement aux activités de ces groupes cybercriminels.

Troisièmement, il convient de mettre en place des mesures de prévention.

Les services de l’État, en particulier l’Anssi, ont développé un corpus documentaire et technique important pour permettre aux collectivités territoriales de se saisir des questions de cybersécurité et de mettre en œuvre de nombreuses mesures d’hygiène numérique.

Mme le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour la réplique.

M. Édouard Courtial. J’entends bien, monsieur le ministre, ce que vous venez de dire. On a souvent évoqué la « fracture numérique » ; je ne voudrais pas qu’on parle désormais de « fracture » en matière de cybersécurité selon qu’on soit une petite ou une grande collectivité. À l’heure où la télétransmission et la dématérialisation se généralisent, et c’est heureux, il importe de porter une attention toute particulière aux petites communes, qui méritent autant de protection que les grandes.

Mme le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Décès d’un ancien sénateur

Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Georges Gruillot, qui fut sénateur du Doubs de 1988 à 2008.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au monde combattant
Article unique

Monde combattant

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi relative au monde combattant, présentée par Mme Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues (proposition n° 241 [2019-2020], texte de la commission n° 421, rapport n° 420).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

proposition de loi relative au monde combattant

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative au monde combattant
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

I. – Dans lensemble des dispositions législatives, les mots : « Office national des anciens combattants et des victimes de guerre » sont remplacés par les mots : « Office national des combattants et des victimes de guerre ».

II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi relative au monde combattant
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, à la rapporteure de la commission pendant sept minutes, puis au Gouvernement et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec fierté que je rapporte aujourd’hui les travaux de la commission des affaires sociales sur une proposition de loi dont je suis l’auteure et qui a reçu un grand nombre de cosignatures issues de nombreuses travées de notre assemblée.

Cette proposition de loi a fait l’objet de la procédure de législation en commission prévue par notre règlement. Le droit d’amendement s’est donc exercé en commission la semaine dernière, et il revient aujourd’hui au Sénat d’approuver le texte dans son ensemble.

Le recours à cette procédure se justifie par le caractère consensuel de cette proposition de loi et par son objet circonscrit.

En effet, il s’agit de faire évoluer le nom d’un établissement public que nous connaissons tous pour son action déclinée dans nos départements, à savoir l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONACVG.

Je souhaite revenir sur les raisons qui m’ont conduite à rédiger cette proposition de loi.

Tout d’abord, il me faut définir la notion d’« anciens combattants », qui correspond de fait aux titulaires de la carte du combattant, parfois appelée à tort carte d’« ancien combattant ».

Cette carte est décernée à tous les militaires qui justifient d’au moins quatre mois de présence sur un théâtre d’opérations. Dans les faits, compte tenu de la durée des missions dans lesquelles nos soldats sont engagés, la plupart des militaires peuvent se voir reconnaître la qualité de combattant dès lors qu’ils ont fait un séjour opérationnel, et ce même s’ils continuent leur carrière au sein de l’armée. On peut donc être ancien combattant à 20 ans, comme on peut être ancien combattant et néanmoins continuer à servir et à combattre pour la France.

Il y a aujourd’hui près de 2 millions d’anciens combattants dans notre pays. Il s’agit essentiellement d’anciens de la guerre d’Algérie, qui sont aujourd’hui au moins octogénaires. Cette troisième génération du feu va, comme les deux précédentes, s’éteindre naturellement dans les années à venir.

On voit aujourd’hui se développer une quatrième génération, composée de ceux et, de moins en moins rarement, de celles qui ont été engagés en opérations extérieures, les OPEX.

Ces opérations extérieures se sont intensifiées depuis le début des années 1990 et, surtout, depuis les années 2000. Pour autant, les ordres de grandeur ne sont plus les mêmes. Alors que près de 2 millions de soldats ont servi en Afrique du Nord, environ 200 000 cartes du combattant ont été décernées au titre des opérations extérieures depuis les années 1970.

Ainsi, comme nous le soulignons chaque année à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, le remplacement progressif de la génération des conflits d’Afrique du Nord par celle des OPEX s’accompagnera d’une décroissance rapide et extrêmement forte du nombre d’anciens combattants.

En outre, nous devons nous attendre à une évolution sociologique de cette population. Alors que les anciens d’Algérie et des conflits antérieurs sont, pour la plupart, d’anciens appelés, parfois incorporés contre leur gré, les militaires des OPEX sont tous des soldats de métier. Le rapport qu’ils entretiennent à l’égard de leur service sous les drapeaux n’est donc pas le même.

Plus jeune et plus féminisée, la population des combattants compte également davantage d’actifs, que ce soit au sein des armées ou dans le civil.

Le monde combattant ne se limite pas aux militaires. L’ONAVG accompagne également les veuves et les pupilles de la Nation, qui pourraient être, à l’avenir, plus nombreux en valeur relative. L’Office doit également, de plus en plus souvent, accompagner les parents de soldats morts pour la France.

Cette évolution sociologique entraînera une évolution des attentes et des besoins des ressortissants de l’ONACVG. En effet, les questions liées à la perte d’autonomie et aux invalides de guerre seront certainement moins prégnantes, alors que les enjeux de formation et de reconversion professionnelle deviendront plus importants.

L’ONACVG devra donc faire évoluer son action. Je sais que sa directrice générale est pleinement engagée dans cette évolution.

Or les termes « anciens combattants » renvoient souvent à une image dans laquelle les jeunes militaires ne se reconnaissent pas. Nous constatons, sur nos territoires, que les associations qui entretiennent la mémoire peinent, même si les choses évoluent lentement, à fédérer la génération des OPEX.

C’est d’autant plus problématique que ces associations voient le nombre de leurs membres décliner et qu’elles ont de plus en plus de difficultés à animer les cérémonies patriotiques et à faire vivre le souvenir.

Pour la même raison, le nom même de l’Office national peut dissuader certains jeunes anciens combattants de solliciter l’ONACVG, alors qu’ils en auraient besoin. Sa directrice estime à environ 30 000 le nombre de personnes éligibles à la carte du combattant, mais qui, pour une raison ou une autre, n’en ont pas fait la demande.

La proposition de loi vise donc à modifier le nom de cet établissement public, afin de faire disparaître le mot « ancien ».

Dans le texte initial figurait le nom « Office national du monde combattant ». Sur ma proposition, et avec l’accord du Gouvernement, la commission des affaires sociales a adopté un amendement permettant de retenir le nom « Office national des combattants et des victimes de guerre ». Cette appellation permet de rassurer les acteurs associatifs quant à la continuité des missions de l’Office. Elle autorise en outre le maintien du sigle ONACVG – le « A » de « ancien » devenant le « a » de « national » – et sa sonorité. L’ensemble des associations que j’ai auditionnées m’a fait part de son accord avec cette proposition.

Ce changement de nom n’aura bien entendu pas d’impact sur les missions de l’Office national, qui continuera notamment à entretenir la mémoire des conflits du passé.

Par ailleurs, la commission a décidé, également sur ma proposition, de fixer l’entrée en vigueur de ce texte au 1er janvier 2023. Cela permettra à l’Office de mettre en œuvre sereinement ce changement et d’effectuer un travail de pédagogie auprès de ses ressortissants.

Je connais, madame la ministre, votre engagement en faveur du monde combattant et l’attention que vous portez aux demandes qui en émanent. Cette proposition de loi constitue une étape dans l’adaptation de l’action de l’ONACVG aux évolutions du monde combattant. Il nous appartiendra collectivement de poursuivre ce travail.

Au bénéfice de ces explications, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter le texte élaboré par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’histoire du monde combattant n’est pas autre chose que l’histoire de France. Cela nous relie tous et forge une part de notre identité collective.

Sur chacune de ces travées, vous partagez l’ambition de la reconnaissance, des droits à réparation et l’enjeu de la transmission de la mémoire. Je sais à quel point les parlementaires sont à l’écoute des anciens combattants et du monde associatif. Je sais que vous êtes attentifs à leur santé, leur moral et leurs revendications. Nous y travaillons ensemble depuis maintenant quatre ans.

Nous œuvrons également pour anticiper les transformations et assurer la pérennité du monde combattant, qui est à un moment charnière de son histoire. Dans cette perspective, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre doit demeurer l’opérateur principal du ministère des armées, un lien de proximité et un relais entre le monde combattant, la société civile et la puissance publique. Je remercie l’ensemble des équipes et des personnels de l’Office.

L’ONACVG œuvre au quotidien au service du monde combattant, mais également au service des pupilles de la Nation et des victimes du terrorisme, au service de nos blessés et au service de notre mémoire.

C’est pour cela que nous avons signé, le 20 juillet dernier, avec Mme Peaucelle-Delelis, directrice générale de l’Office, un nouveau contrat d’objectifs et de performance (COP) pour la période 2020-2025. Il accompagne la baisse du nombre de ressortissants et la mutation du monde combattant en maintenant l’ancrage départemental, en accélérant la modernisation et la dématérialisation, et en améliorant la relation avec les ressortissants. Nous avons également sécurisé son action sociale dans la durée, en orientant encore davantage l’Office vers les combattants des opérations extérieures.

À cet égard, les demandes de cartes et titres des militaires revenant d’un séjour en OPEX seront systématisées grâce à une présence renforcée des services de l’ONACVG au sein des régiments, en lien avec l’action sociale des armées. Déjà plus de 230 000 cartes du combattant ont été délivrées au titre des opérations extérieures. L’Office accroît donc son activité en direction des soldats, mais également en direction des blessés, notamment en matière d’insertion professionnelle.

Ainsi, notre objectif est de consolider la solidarité et d’affermir la fraternité au bénéfice des ressortissants, de tous les ressortissants, de l’ONACVG. C’est une belle ambition que nous partageons, je le sais, avec les parlementaires. C’est aussi ce qu’incarne, à sa façon et en complément, le Bleuet de France, la fleur de la solidarité.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, plus que jamais, l’ONACVG est la « maison des combattants ».

Votre proposition de loi, madame la rapporteure, est d’une vive portée symbolique, puisqu’elle exprime cet état de fait et vise à modifier le nom d’une institution plus que centenaire. À la notion d’« anciens combattants », vous avez souhaité substituer celle de « combattants ».

La logique qui a présidé à la rédaction de ce texte est la montée en puissance de la quatrième génération du feu. Vous estimez que la prise en compte des « nouveaux » anciens combattants doit passer par la terminologie. Nous vous suivons volontiers dans cette logique. Je partage votre volonté, d’autant que le nouveau COP concrétise ce souhait.

Je le rappelle, l’ONACVG est le fruit d’une évolution et l’héritage de chaque génération du feu. Il y eut d’abord l’Office national des mutilés, l’Office national des pupilles de la Nation, puis l’Office national des combattants. Ces trois offices ont fusionné en 1935.

Il y eut la création de la carte du combattant en 1926 et une suite d’avancées jusqu’à la carte « 62-64 » dernièrement. C’est en 1946 que son nom actuel, ONACVG, lui est donné. C’est le signe d’une institution qui n’a peur ni des évolutions ni de la modernisation et qui est capable de s’adapter à de nouvelles catégories de ressortissants.

Nous sommes attachés à ce système de reconnaissance, de réparation et d’accompagnement en faveur de ceux qui ont porté nos armes. C’est l’histoire liée aux conflits du XXsiècle qui se projette dans le XXIe siècle.

Madame la rapporteure, vous souhaitez aujourd’hui que la modernisation de l’ONACVG se concrétise par un changement de nom et que ce dernier devienne ainsi l’Office national des combattants et victimes de guerre. J’y suis favorable, mais, vous le savez, ce sont les ressortissants eux-mêmes qu’il faut convaincre. Ainsi, je vous remercie d’avoir sollicité l’avis des principales associations et fédérations du monde combattant, et pris en compte leurs remarques.

Je souhaite que ces discussions se poursuivent. Afin de faciliter et de préparer au mieux ce changement, je souhaite également que soit retenue, comme l’a fait la commission, une date d’entrée en vigueur différée.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le débat que nous avons aujourd’hui est à la hauteur de notre reconnaissance pour tous les combattants, de notre attachement au monde combattant et de notre volonté collective de faire vivre la mémoire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous prononçons cet après-midi sur la proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez relative au monde combattant.

Ce texte, examiné selon la procédure de législation en commission, a reçu l’assentiment de tous. À l’heure où la France connaît de profondes fractures sociales et culturelles, il me semble important de le préciser parce que les sujets mémoriels doivent avant tout rassembler et fédérer.

En votant cette proposition de loi, nous souhaitons porter une symbolique forte envers tous ceux qui, hier, se sont battus pour la France et envers ceux qui s’engagent pour elle aujourd’hui.

Au-delà de la simple volonté de rebaptiser l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, nous voulons actualiser et permettre une meilleure reconnaissance des anciens combattants d’aujourd’hui et de leurs familles.

L’ONACVG assure une mission auprès de tous les combattants, peu importe la génération du feu à laquelle ils appartiennent. Cependant, nous constatons tous, notamment lors des commémorations, le manque de lien entre ceux qui ont intégré l’armée sans l’avoir souhaité et ceux qui s’y sont engagés volontairement depuis la réforme de la professionnalisation de l’armée.

Il en est de même pour les veuves de guerre de la quatrième génération du feu et pour les pupilles de la Nation : il ne faut jamais les oublier. Nous devons nous préoccuper davantage de la prise en charge et de l’accompagnement des enfants qui ont perdu un parent en OPEX ou lors des attentats perpétrés par les terroristes islamistes.

J’en profite pour saluer l’action de nos anciens collègues et présidents du groupe d’études des sénateurs anciens combattants et de la mémoire combattante, Charles Revet et Patricia Morhet-Richaud, qui s’étaient fortement engagés afin que les « OPEX » puissent se reconnaître dans cet office et obtenir l’accompagnement qu’ils méritent pour leurs services rendus à la France.

En outre, la notion d’« ancien combattant » peut apparaître en décalage avec la réalité des soldats d’aujourd’hui, déjà anciens combattants à vingt ans. Cependant, nous devons faire un effort pour augmenter le nombre de cartes de combattant délivrées au titre des opérations extérieures.

Une réflexion s’impose afin d’améliorer et de renforcer les conditions de reconnaissance des combattants d’aujourd’hui, sans les opposer à ceux d’hier, car ce qui les rassemble, c’est le combat et le sacrifice sous le drapeau français.

Aussi, nous considérons que cette nouvelle appellation « Office national des combattants et des victimes de guerre », sans changement de sigle, permet une meilleure adaptation à la réalité du monde combattant en 2021, dans son intégralité. Je remercie ma collègue Jocelyne Guidez d’avoir consulté les associations, qui ont approuvé ce nouveau nom.

Le dialogue avec les organisations et les associations est indispensable et doit être régulier. Elles accomplissent un travail remarquable, autant qu’elles incarnent un maillon indispensable au cœur du devoir de mémoire. Je profite de cette tribune pour les remercier.

Le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi, car c’est un premier pas qui doit permettre de mener une réflexion collective sur la manière de rendre plus visibles et accessibles pour nos concitoyens les hommages de la Nation aux combattants.

Enfin, et pour conclure de façon plus personnelle, je tiens véritablement à rappeler qu’il est indispensable d’ancrer chez les citoyens français, dès leur plus jeune âge, une conscience mémorielle. Pour cela, nous devons développer l’esprit d’appartenance et de défense de la France.

Cela passe par l’apprentissage de la reconnaissance envers ceux qui se battent pour la paix et la sécurité de notre pays.

Cela passe aussi par l’acceptation de notre histoire, avec ses pages glorieuses et ses pages plus sombres qu’il faut regarder en face.

L’histoire a besoin de stabilité. Cessons de toujours vouloir la rendre contemporaine en commettant des erreurs d’interprétation que nos anciens combattants eux-mêmes ne comprennent pas. Arrêtons de stigmatiser notre pays si nous voulons impliquer les jeunes générations dans notre destin commun ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre existe dans sa forme actuelle depuis 1946, fondé sur la base d’un ensemble d’offices chargés d’apporter de l’aide aux anciens combattants et à leurs familles depuis la Grande Guerre. Depuis lors, il n’a cessé de défendre de façon juste et légitime les aspirations, voire les revendications, des anciens combattants.

Si ses effectifs connaissent une forte diminution à mesure que l’on s’éloigne des conflits meurtriers du XXe siècle, l’Office continue de soutenir actuellement près de 3 millions de personnes affectées par la guerre.

Sa mission historique est l’instruction et l’attribution des cartes et des titres de reconnaissance, du statut d’ancien combattant aux mentions « Mort pour la France », « Mort pour le service de la Nation » et « Mort en déportation ». L’Office est également chargé de l’accompagnement moral et matériel de ses ressortissants et des pupilles de la Nation.

Par ailleurs, il reste le premier opérateur de la politique mémorielle du ministère des armées aux côtés des communes, organisatrices des manifestations patriotiques, et des associations dont il facilite les relations.

En tant qu’ancien maire d’une commune rurale du Nord, je mesure l’importance d’associer les jeunes générations aux cérémonies officielles qui célèbrent les grands moments de notre histoire. J’en ai l’intime conviction, le souvenir des guerres nourrit notre aspiration profonde à la paix.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, présentée par nos collègues Jocelyne Guidez et Yves Détraigne, vise à renommer cette institution en « Office national du monde combattant et des victimes de guerre » afin d’offrir une meilleure représentation de l’ensemble du monde combattant, des anciens combattants aux soldats engagés sur les théâtres d’opérations extérieures. Je souhaite saluer, à la fois, la démarche de l’auteur et le travail du rapporteur sur ce texte.

Je rejoins la proposition de la commission des affaires sociales de maintenir la sonorité du titre actuel en préférant la désignation suivante : « Office national des combattants et des victimes de guerre », bien que la notion « monde combattant » englobe également toutes les personnes qui se consacrent au devoir de mémoire à travers leur engagement associatif. Nous devons aussi les prendre en considération. Sans être pour autant combattants ou anciens combattants, elles participent activement au développement d’une culture de paix, notamment auprès de la jeunesse.

La portée de cette proposition de loi pourrait paraître symbolique, mais, comme disait Camus, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».

Aussi, au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, je soutiendrai cette proposition de loi, à laquelle je suis d’ailleurs associé en tant que cosignataire. Avec un ensemble d’autres initiatives parlementaires, elle contribue au renouvellement du lien entre l’armée et la Nation.

J’avais modestement apporté ma contribution à cette démarche en proposant une loi permettant à tout médaillé militaire ayant fait l’objet d’une citation à l’ordre de l’armée de bénéficier d’une draperie tricolore sur son cercueil. Mme Florence Parly, ministre des armées, avait d’ailleurs accédé à cette demande avant même l’examen du texte, et je l’en remercie.

Depuis la suspension du service national obligatoire, ce lien entre les armées et la Nation est fragile et nécessite d’être entretenu.

Les milliers de soldats engagés sur les théâtres d’opérations extérieures et à l’intérieur de l’espace national sont les boucliers protecteurs garants de notre souveraineté et de notre cohésion nationale. N’oublions jamais le dévouement dont ils font preuve, leur force morale, leur courage face à l’indicible. Ils placent leur destin au service de la France, agissant le plus souvent dans l’ombre, prêts à risquer leur vie pour en protéger d’autres. Les sacrifices qu’ils consentent appellent en retour notre considération, notre soutien et la reconnaissance nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis maintenant plus d’un siècle, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre œuvre auprès de nos combattantes, de nos combattants et de leurs familles pour leur apporter l’assistance et la reconnaissance qui leur sont dues.

Pour assurer la pérennité et la bonne mise en œuvre de ses missions, l’ONACVG doit refléter une image fidèle de toutes celles et de tous ceux qui forment le monde combattant, afin qu’ils et elles puissent s’y reconnaître.

Or, si aujourd’hui 30 000 personnes éligibles à la carte du combattant n’en ont pas fait la demande, si les associations du monde combattant peinent à fédérer la jeune génération, un constat s’impose : l’Office national des anciens combattants renvoie à un imaginaire collectif quelque peu dépassé.

En effet, avec l’arrivée de la quatrième génération du feu, engagée dans les opérations extérieures depuis la décennie 1990, le monde combattant change progressivement de visage : il est plus jeune, plus féminisé, plus divers. Les membres de cette génération, moins nombreux que les anciens de la guerre d’Algérie, ont été engagés sur une plus grande variété d’opérations et ont un rapport exclusivement professionnel à leur service, très différent de celui des générations précédentes.

Il est donc entièrement légitime que le nom de l’Office national chargé de leurs dossiers reflète cette évolution. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires accueille favorablement la présente proposition de loi.

Bien que ce changement de dénomination ne modifie pas les missions de l’Office, nous soutenons les encouragements à engager une réflexion sur le futur de la politique pour le monde combattant. L’entretien et la transmission de la mémoire des anciens combattants en sont des composantes essentielles, mais pas les seules.

Si cette évolution ne s’accompagnait pas, aussi, d’une attention supplémentaire aux besoins et demandes de ses nouveaux ressortissants, cette institution perdrait de sa pertinence. Cela se concrétisera notamment par des besoins accrus en termes d’accompagnement au retour à la vie civile et à la vie professionnelle, ou par la reconnaissance des engagés en opérations intérieures. L’essentiel du travail reste donc à accomplir.

Enfin, nous constatons avec regret le retour de la mention du genre des personnels de l’armée française dans ce nouveau nom, alors que la formulation « Office national du monde combattant » permettait de l’éviter. Si nous comprenons l’attachement au symbole qu’est le sigle ONACVG ainsi conservé, nous regrettons que ce symbole contribue à perpétuer l’invisibilisation des femmes au sein de nos armées.

De meilleures inclusion et représentation des jeunes combattantes par l’ONACVG et par les associations du monde combattant s’imposent pourtant, d’autant plus depuis le lancement du plan mixité par le ministère des armées en mars 2019. Deux ans après, l’augmentation des effectifs féminins est encore très timide : nous sommes passés de 15,5 % des effectifs à 16,7 %. La part des femmes élevées au rang d’officier n’atteint, quant à elle, même pas 10 %.

Ces chiffres sont toujours insatisfaisants, alors que nous avons pourtant la quatrième armée la plus féminisée au monde. Au lendemain de la Journée internationale des droits des femmes, force est de constater que cette lutte est loin d’être achevée.

Malgré cette réserve sémantique, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les visages, parfois étonnamment jeunes, que nous scrutons sur de vieilles photographies écornées nous paraissent à la fois tous proches et très lointains, tant leurs expériences de la guerre sont difficiles à reconstituer.

Pour autant, les fantassins français vêtus de leurs pantalons rouges aux batailles de la Marne et les tankistes de la ligne Maginot ont de nombreux points communs avec ceux que l’on nomme aujourd’hui la quatrième génération du feu : impérieuse nécessité de défendre les territoires et les intérêts stratégiques de la France ; valeurs et principes de la Nation ; don de soi.

Notre histoire contemporaine est le résultat de leur dévouement, notre futur conditionné à leur courage.

En effet, le monde combattant n’englobe pas seulement les militaires qui ont servi la France lors des différentes guerres depuis la Première Guerre mondiale : il rassemble les anciens combattants, les militaires, les victimes civiles d’actes de guerre ou de terrorisme, ainsi que les associations et fondations qui œuvrent pour la mémoire des conflits contemporains.

Alors que nous débattons de ce texte, de nombreux citoyens sont encore engagés sur des théâtres d’opérations extérieures. J’aimerais profiter de cet instant pour saluer leur bravoure, leur patriotisme, leur engagement pour préserver la paix, les populations et la grandeur de la France.

Olifant, Bérénice, Hermine, et tant d’autres, ces missions existent depuis l’après-Algérie et jalonnent l’histoire de notre pays.

L’inauguration par le Président de la République, le 11 novembre 2019 à Paris, du monument en hommage aux soldats morts pour la France témoigne de l’importance de ces missions. Irak, Syrie, Centrafrique, Sahel : les opérations militaires extérieures sont devenues une composante structurelle de l’activité opérationnelle des armées. Depuis cinquante ans, 647 militaires français y ont trouvé la mort.

C’est dans une démarche similaire que Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues ont souhaité déposer, le 14 janvier 2020, cette proposition de loi visant à renommer l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre en « Office national du monde combattant et des victimes de guerre ».

Il apparaissait nécessaire de préciser que le monde combattant est parfois regardé seulement sous le prisme de l’Histoire, quand il mériterait d’être associé à une approche contemporaine. L’expression « anciens combattants » témoigne d’ailleurs de ce regard passé qui est porté sur lui.

Il convenait de mieux prendre en compte les membres de cette quatrième génération du feu, tués ou blessés pour défendre nos valeurs et les intérêts stratégiques de la France. Cela commence d’évidence par le nom donné à l’institution chargée de leurs dossiers.

Aussi, je tiens à saluer le travail de compromis qui a été mené par notre collègue Jocelyne Guidez ainsi que par Mme la ministre déléguée Geneviève Darrieussecq afin de parvenir à un texte qui convienne aux acteurs concernés. Après des échanges avec les associations, le nom retenu est « Office national des combattants et des victimes de guerre ».

Pour mémoire, ce changement de nom était déjà mentionné dans les perspectives introduites au sein du contrat d’objectifs et de performance (COP) 2020-2025 de l’ONACVG. En effet, ce document mentionne : « Parallèlement, une nouvelle structuration territoriale des actions de l’Office, en matière de solidarité comme de mémoire, sera envisagée. Il sera alors temps de changer le nom de l’Office, qui pourrait devenir l’Office national des combattants et des victimes de guerre. »

Un amendement a donc été déposé en vue de l’examen en commission afin de modifier l’article unique du texte et de retenir comme nouveau nom : « Office national des combattants et des victimes de guerre ».

Cette réflexion relative à un changement de nom devait initialement aboutir à la fin du COP, en 2025. À la suite de discussions avec les parties prenantes, un amendement de Mme la rapporteure a modifié l’article unique afin de prévoir une entrée en vigueur de la proposition de loi au 1er janvier 2023.

Au travers de ce texte, c’est la reconnaissance du pays tout entier à l’égard de l’ensemble des morts pour la France, tombés pendant et depuis la Première Guerre mondiale, qui s’exprime aujourd’hui.

Ce ne sont pas uniquement les conflits qui construisent notre reconnaissance, mais toutes les femmes et tous les hommes qui se sont engagés, s’engagent et s’engageront, au point de donner leur vie. Nous devons ici les remercier et les reconnaître.

Notre devoir de mémoire est indispensable, et cette proposition de loi nous oblige à l’inscrire ainsi : comprendre le passé tel qu’il fut et construire le présent dans son lot d’incertitudes, afin de préparer un avenir qui n’oublie jamais le sacrifice de ceux qui ont donné leur vie pour notre patrie.

Cette proposition de loi devient le trait d’union entre le passé, le présent et ce que nous offrirons à notre jeunesse.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, c’est sans surprise que notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a treize ans presque jour pour jour, le dernier « poilu » de la Grande Guerre, Lazare Ponticelli, disparaissait, marquant la fin de la première génération du feu. Peu à peu, les derniers combattants de 39-45 nous quittent. Ceux que l’on appelle les anciens d’Algérie sont encore très nombreux et, aujourd’hui, c’est sur eux que repose en grande partie la transmission de la mémoire combattante.

Demain, la quatrième génération du feu, composée des soldats en OPEX, sera la seule représentation de l’engagement au service de la France. Aussi, il est important qu’elle se reconnaisse dans les institutions qui la soutiennent. C’est l’objet de la proposition de loi que la commission des affaires sociales a adoptée la semaine dernière, un texte que j’ai cosigné ainsi que plusieurs de mes collègues du groupe RDSE.

Mon groupe approuve bien entendu le léger changement de terminologie de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, tel qu’il est proposé par la commission. Le choix simple de « combattants », délesté du qualificatif « anciens », nous va très bien, d’autant qu’il préserve l’acronyme, ce qui évitera des complications matérielles.

Ainsi, le nouveau nom « Office national des combattants et des victimes de guerre » collera mieux à l’évolution du monde combattant.

Le monde de « Ceux de 14 », comme l’a si bien et dramatiquement décrit Maurice Genevoix, a peu à voir avec l’engagement contemporain d’hommes et de femmes pour lesquels l’armée est un métier, un choix.

Plus concrètement, la notion d’« anciens combattants » est réductrice ; elle reflète de moins en moins la sociologie de la population combattante. Ainsi, comme le rapporteur l’a souligné, elle regroupera plus davantage d’actifs que de retraités. Par conséquent, l’Office national devra probablement recentrer ses missions pour répondre aux attentes des militaires OPEX, qui seront à terme leurs seuls ressortissants.

Parmi ces attentes, il y a la question de la reconversion. L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre est déjà investi dans cette action, cela a été rappelé.

Comme vous le savez, madame la ministre, les conditions du retour à la vie civile préoccupent bien souvent les militaires. Nous aurons sans doute l’occasion d’en discuter dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire afin d’améliorer ce qui est améliorable. Les carrières courtes sont une condition pour conserver une armée jeune et opérationnelle. En contrepartie, l’aide à la reconversion doit constituer un véritable droit.

Mes chers collègues, avec la disparition des combattants des grandes guerres et de celle d’Algérie, je le répète, c’est également la question de la transmission de la mémoire qui se pose. C’est un problème que nous avions déjà pu soulever lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’interdiction de la vente des drapeaux des associations d’anciens combattants et à leur protection.

Certaines associations représentent l’ensemble des anciens combattants, mais d’autres sont liées aux conflits. Je pense en particulier aux associations représentant ceux qui ont combattu en Algérie, au Maroc ou en Tunisie. Nous savons que la disparition des membres de ces structures fragilise ces associations, certaines procédant d’ailleurs à des fusions pour pouvoir perdurer.

Depuis le 11 novembre 2019, le souvenir des soldats morts pour la France en OPEX est honoré par un monument dans le parc parisien André-Citroën. Depuis lors, la mémoire de l’engament en OPEX est ainsi symbolisée.

Cependant, et en parallèle, nous savons qu’il est important de maintenir durablement toute la mémoire combattante pour ce qu’elle enseigne en termes de valeurs.

Il faudra, par conséquent, sans doute réfléchir aux moyens de mieux associer les jeunes soldats, et au-delà la jeunesse en général, à l’enjeu mémoriel. Flécher davantage de missions du service civique vers le monde combattant pourrait y contribuer.

En attendant, mes chers collègues, comme je l’ai dit, mon groupe votera cette proposition de loi consensuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ainsi quau banc de la commission. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de nos collègues centristes modifie l’intitulé de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre afin de mieux prendre en compte la réalité des conflits armés.

En renommant cet office « Office national des combattants et des victimes de guerre », le Sénat a l’occasion d’envoyer un message symbolique. Ce message vient rappeler que notre pays est toujours actif dans de nombreux conflits armés.

Ainsi, lorsque le 2 janvier dernier, au cours d’une mission de l’opération Barkhane au Mali, deux soldats français ont été tués et un soldat blessé, l’actualité nous rappelait que le monde combattant ne se résumait pas aux militaires ayant servi la France lors de la Première Guerre ou de la Seconde Guerre mondiales.

Le monde combattant regroupe aujourd’hui de nombreux citoyens engagés sur des théâtres d’opérations extérieures, comme le Tchad, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, le Liban, et dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel et au Sahara.

La modification de l’intitulé de l’Office national répond d’ailleurs à une revendication des associations d’anciens combattants. Cette nouvelle dénomination participe de sa modernisation, afin que soient mieux reconnues et surtout mieux réparées les victimes de guerre.

Nous partageons le souci d’une modernisation de l’Office national, même si nous notons avec regret que cette volonté de tenir davantage compte de l’action militaire française contemporaine ne prenne pas en considération la féminisation de l’armée. Celle-ci dépasse pourtant les 20 %, plaçant notre armée au quatrième rang mondial des armées les plus féminisées.

Afin de tenir compte des 32 000 femmes qui servent dans les armées, il aurait fallu ajouter dans l’intitulé de la proposition de loi la mention « combattantes ». Néanmoins, la bataille idéologique ne s’arrête pas aux changements de mots ; elle concerne aussi l’enjeu d’une politique volontariste en matière de reconnaissance et de réparation.

Je pense ainsi aux nombreux Algériens engagés dans l’armée française contre le régime nazi, qui ont dû patienter des années avant d’obtenir la juste reconnaissance de leurs droits. Les Chibanis ainsi que les tirailleurs sénégalais, à qui notre pays doit tant, ont dû lutter patiemment pour obtenir l’égalité de traitement avec leurs frères d’armes.

Cette reconnaissance passe par le renforcement des moyens humains de l’administration des anciens combattants, et en particulier ceux de la sous-direction des pensions, située à La Rochelle, qui n’a pas les moyens de faire face au traitement des dossiers de demande de revalorisation de pensions d’invalidité.

Je pense également à la demi-part fiscale des veuves et veufs de guerre, supprimée progressivement depuis 2009 et rétablie enfin dix ans plus tard dans le cadre de la loi de finances pour 2019.

Les politiques d’économies sur le dos des anciens combattants et de leurs proches contreviennent précisément à l’idée d’une meilleure reconnaissance. Il faut, au contraire, donner les moyens humains et financiers pour assurer la réinsertion des combattants dans la société civile et valoriser leur action.

Alors que notre pays est confronté à une crise sanitaire sans précédent, l’engagement des combattants dans le passé doit servir d’exemple pour le présent.

Cette politique passe également par une meilleure reconnaissance des associations d’anciens combattants, qui mènent une action sociale en faveur de la réparation et assurent une indispensable mission mémorielle.

Je pense en particulier à l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC), créée en 1917 par Henri Barbusse et Paul Vaillant-Couturier, qui connaît des difficultés pour financer son journal Le Réveil des combattants. Le Gouvernement doit soutenir cette association afin qu’elle poursuive son engagement centenaire en faveur de la lutte contre le fascisme, pour l’amitié et la paix entre les peuples, contre les inégalités, pour la défense de tous les droits sociaux.

Les associations d’anciens combattants ne sont pas seulement des porte-drapeaux. Elles sont surtout engagées en faveur de la paix, de l’Histoire et de la citoyenneté. Cette proposition de loi permet de rappeler leur action, à laquelle je tiens à rendre hommage.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi quau banc de la commission.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Victoire Jasmin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite à titre liminaire exprimer mon immense respect envers toutes celles et tous ceux qui se sont battus et qui se battent encore pour notre sécurité et celle de notre pays, ici et à l’étranger.

Je tiens également à remercier ma collègue rapporteure Jocelyne Guidez d’avoir pris l’initiative de ce texte, que j’ai cosigné avec ma collègue Gisèle Jourda et qui nous donne l’occasion de saluer en ces temps incertains le courage et l’engagement de nos soldats.

Il est fondamental de continuer à honorer, et pas seulement lors des commémorations officielles, les hommes et les femmes, trop souvent oubliés, qui se sont sacrifiés pour la France. Et les actions de notre collègue Jean-Marc Todeschini, qui a exercé les fonctions de secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, sont à saluer : elles ont permis une grande reconnaissance et une sanctuarisation des droits de tous les anciens combattants.

Ce devoir de mémoire et de transmission de notre histoire commune aux jeunes générations est sans nul doute un outil efficace en faveur de l’entente nationale. C’est aussi une manière d’apprendre à être citoyen.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui vise à modifier à compter du 1er janvier 2023 l’appellation « Office national des anciens combattants et victimes de guerre », en la remplaçant par « Office national des combattants et des victimes de guerre ».

Selon moi, une telle modification va bien au-delà du simple symbole. Elle doit nous permettre de marquer notre attachement à cet opérateur public centenaire, que nous souhaitons voir préservé et renforcé dans ses missions de proximité.

En cela, nous serons tous pour ce changement s’il permet à l’ONAC de remplir aux mieux ses missions, dans une société et un monde combattant en mutation.

Je tiens d’ailleurs à remercier les agents de l’ONAC et toutes les associations qui œuvrent au quotidien au plus près des territoires, au service non seulement des anciens combattants, mais également des pupilles de la Nation et des victimes du terrorisme.

Cette dénomination emporte davantage l’adhésion du monde associatif que le nom qui était initialement proposé. Elle permet de conserver le sigle ONACVG et sa sonorité auprès des anciens combattants tout en marquant une volonté de modernisation salutaire. Il est indispensable de conserver cette marque et ce sigle pour les près d’un million de personnes qui sont déjà familiarisées et habituées avec les services de l’ONAC et que nous devons par-dessus tout continuer à conforter.

Pour beaucoup, le terme d’anciens combattants ne faisait référence qu’aux militaires ayant servi la France durant les deux guerres mondiales. Or, aujourd’hui encore, il y a des soldats mobilisés, par exemple en Afghanistan, en Côte d’Ivoire et au Liban, mais également dans le cadre de l’opération Barkhane, au Sahel et au Sahara.

Mon groupe est évidemment favorable à cette stratégie d’adaptation, pour une plus grande reconnaissance des troisième et quatrième générations du feu, des soldats tués ou blessés lors de la guerre d’Algérie ou en opérations extérieures.

En effet, la population des anciens combattants décroît peu à peu. Elle se rajeunit progressivement. Elle se compose de plus en plus d’anciens soldats de métier, dont les situations statutaires et les attentes ne seront pas forcément les mêmes que celles de leurs ainés.

Néanmoins, mon groupe demeure également très attaché à la préservation du service public délivré par l’ONAC à un très haut niveau, ainsi qu’au maintien et au renforcement du maillage territorial faisant la force de l’Office.

La présence de la centaine des services départementaux dans l’Hexagone et en outre-mer est fondamentale pour affirmer la continuité des quatre missions centrales de l’ONAC. En effet, nous sommes catégoriquement opposés à toute tentative de régionalisation de l’Office.

Depuis le mois de septembre 2018, j’ai personnellement rencontré toutes les associations d’anciens combattants et de victimes de guerre de la Guadeloupe lors de réunions de travail sur leurs difficultés. La demande de proximité est réelle.

Depuis les dissidents antillais de la Seconde Guerre mondiale, il y a toujours eu une forte attractivité de l’armée en outre-mer.

De nombreux jeunes Guadeloupéens ont été, et sont aujourd’hui encore présents sur différents théâtres d’opérations. Ils sont souvent séduits par le régiment du service militaire adapté (RSMA), qui est un succès en outre-mer. Certains d’entre eux poursuivent une carrière militaire sur les fronts de combats, parfois au péril de leur vie.

Comment ne pas avoir une pensée pour Loïc Liber, qui a survécu au terroriste Mohamed Merah et en faveur duquel plusieurs associations et des parlementaires ont demandé la Légion d’honneur, même à titre dérogatoire ?

Ces anciens combattants des outre-mer, qui ont tant donné pour la patrie, vivent un retour difficile sur leur terre natale. Ils connaissent parfois des situations de pauvreté et de précarité.

Le groupe SER votera la présente proposition de loi, dont je remercie vivement l’auteure, au nom de toutes les personnes qui nous écoutent, car elles ont vraiment besoin d’une telle reconnaissance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et RDPI. – M. Roger Karoutchi applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duffourg, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Alain Duffourg. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui invités à nous prononcer sur la proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez visant à modifier l’intitulé de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui deviendrait désormais l’Office national des combattants et victimes de guerre.

La proposition de loi, déposée par une sénatrice membre de l’Union Centriste, a évidemment fait l’unanimité au sein de notre groupe. Elle a été cosignée par de nombreux collègues sénateurs. Jocelyne Guidez l’a élaborée en concertation avec les associations d’anciens combattants et en lien avec le ministère.

Une telle modification d’intitulé n’est, certes, qu’un symbole, mais les symboles ont leur force ! Conserver le sigle ONAC permet de ne pas altérer la valeur de l’acronyme pour les anciens combattants.

Vous le savez, aujourd’hui, ceux qui ont servi ou qui servent à raison de quatre mois ont droit à la carte d’ancien combattant. Je pense notamment aux soldats qui interviennent dans le cadre des OPEX.

Néanmoins, je voudrais distinguer ceux qui ont choisi le métier des armes de ceux qui ont été appelés au XXe siècle, et même aujourd’hui, à servir sous les drapeaux. Des soldats de métier ont ainsi combattu aux côtés d’appelés ou de rappelés sur différents champs d’opérations.

La Grande Guerre a fait un million et demi de morts ou de disparus en France, et ne parlons pas des autres pays. Songeons également à la guerre de 1939-1945, à l’Indochine, à l’Afrique du Nord ou à d’autres théâtres d’opérations extérieures.

Aujourd’hui, les plus jeunes des anciens combattants d’Algérie approchent les quatre-vingts ans. Selon les données dont nous disposons, ils sont environ 36 000 titulaires d’une carte d’ancien combattant. Je le souligne, un million et demi de Français, auxquels il faut ajouter quelque 90 000 harkis, ont été appelés dans ce conflit, de 1956 à 1962. Je tiens ici à rendre hommage à tous ces soldats, dont 25 000 ne sont pas revenus, mobilisés pour combattre des compatriotes qui réclamaient leur liberté et leur indépendance.

La quatrième génération du feu, que l’on évoque aujourd’hui, est une armée de professionnels. Vous vous en doutez, les vétérans des deux guerres mondiales sont peu nombreux aujourd’hui, et les dernières générations des guerres d’Indochine et d’Afrique du Nord tendent à s’éteindre.

Les guerres actuelles ont changé de visage. Nos soldats se battent désormais dans des opérations extérieures sous l’égide de l’ONU ou d’organisations internationales au Sahel, en Afrique, au Moyen-Orient. Certains interviennent aussi sur notre territoire, dans le cadre de l’opération Sentinelle.

Le terme proposé par notre collègue Jocelyne Guidez, « Office national des combattants et des victimes de guerre », me paraît pertinent. En effet, il ne faut pas dissocier ceux qui se sont battus au XXe siècle de ceux qui combattent sur le terrain aujourd’hui, que ce soit en Europe, en Asie, en Afrique du Nord ou ailleurs.

Aujourd’hui, on compte un million de titulaires de la carte d’ancien combattant, et 30 000 personnes qui auraient pu l’obtenir ne l’ont pas demandée, pour diverses raisons. Ces publics doivent être accompagnés et aidés.

En effet, le changement d’appellation vise en définitive à sensibiliser les jeunes et les moins jeunes à la lutte pour un avenir commun, ainsi qu’à la nécessité de n’oublier ni le passé ni ceux qui se sont sacrifiés pour notre pays, mais également à donner un nouveau souffle à l’ONAC et à lui permettre de continuer à vivre. Il faut qu’il y ait toujours du respect, de la considération, de l’engagement, toutes générations confondues.

Les militaires engagés dans les OPEX vont revenir à la vie civile. Il faut les accompagner. Il y a malheureusement des soldats blessés et des soldats mutilés. Il y a aussi des veuves et des orphelins. La mission qui était dévolue à l’ONAC n’a pas changé. Il faut continuer à aider.

C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter la proposition de loi déposée par notre collègue Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi relative au monde combattant.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au monde combattant
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Discussion générale (suite)

Mesures de justice sociale

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des affaires sociales, la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant diverses mesures de justice sociale (proposition n° 319 [2019-2020], texte de la commission n° 401, rapport n° 400).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, faire de notre société une société pleinement inclusive : telle est l’ambition qui guide l’action du Gouvernement en matière de handicap depuis désormais quatre années.

Le sens de cette action, qui vise à améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap et à leur donner la possibilité de vivre une citoyenneté comme les autres, s’inscrit dans un projet plus large d’égalité des chances, de justice, d’équité, de liberté d’agir et de choisir. Ces principes républicains ne sauraient s’épanouir dans un système autre que celui de la solidarité.

La proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale vient justement remettre en cause le cœur de nos principes de solidarité et de redistribution.

Je souhaite le rappeler, car je pense que c’est fondamental : le fait que la solidarité nationale s’appuie sur la solidarité familiale pour adapter son soutien aux personnes précaires constitue la base même de notre système socio-fiscal. C’est un système qui considère le foyer comme la cellule protectrice, et ce dans l’esprit même du code civil, qui consacre à l’article 220 la solidarité entre époux. C’est un système qui s’attache à assurer en permanence une redistribution juste et dédiée en priorité à la protection des plus fragiles.

Cette juste articulation entre solidarité nationale et solidarité conjugale ne peut fonctionner que si les ressources du foyer des bénéficiaires sont prises en compte.

C’est dans cette philosophie que la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées a créé l’allocation aux adultes handicapés (AAH) pour assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles.

Sur l’ensemble des pans de l’action publique, le Gouvernement a fait de l’augmentation du pouvoir d’achat des personnes en situation de handicap une priorité du quinquennat.

À ce titre, rappelons qu’actuellement 51 milliards d’euros, soit 2,2 % de notre PIB, sont consacrés chaque année à l’amélioration et à la simplification du quotidien des personnes en situation de handicap. L’AAH représente à elle seule un budget de 11,1 milliards d’euros en 2020.

Les deux vagues de revalorisation exceptionnelles menées en 2018 et en 2019 ont entraîné une augmentation d’environ 775 millions d’euros des dépenses annuelles.

À cela s’ajoutent des avancées majeures en termes d’accès aux droits : l’allongement de la durée d’octroi des droits, l’abandon de l’obligation de faire valoir le droit à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et le maintien automatique des droits acquis depuis le début de la crise sanitaire. Nous pouvons collectivement en être fiers.

L’AAH s’établissait à 810 euros par mois en avril 2018. Nous l’avons portée à 903 euros par mois en avril 2019, conformément à un engagement du Président de la République, ce qui représente une augmentation de pouvoir d’achat de près de 12 % pour le 1,2 million de bénéficiaires. Cet investissement massif est estimé à plus de 2 milliards d’euros sur l’ensemble du quinquennat.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Je ne crois pas que l’on puisse remettre en cause la place du handicap au sein des priorités du Gouvernement et du quinquennat.

Néanmoins, ces actions ont toujours été menées dans l’objectif de faire des personnes en situation de handicap des citoyens à part entière, des citoyens ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs, faisant pleinement partie de notre système de solidarité, de notre système fiscal, de notre système redistributif, et contribuant aujourd’hui à cette notion de partage des ressources et des charges au sein d’une famille, d’un couple.

Toutefois, dans cette logique de droit commun, nous avons voulu assurer la prise en compte des spécificités des personnes en situation de handicap. Il s’agit non pas de créer un régime dérogatoire – vous savez à quel point j’ai à cœur d’inclure ces personnes –, mais bien d’avoir un système juste et adapté à chacun.

Permettez-moi de revenir sur ces mécanismes, certes complexes, mais importants pour prendre en compte la situation de handicap, selon trois objectifs spécifiques.

Tout d’abord, du fait de l’éloignement à l’emploi pour certaines personnes en situation de handicap, le montant de l’allocation est beaucoup plus élevé que celui du revenu de solidarité active (RSA) : 903 euros pour l’AAH contre 565 euros pour ce dernier.

Son fonctionnement est également fait pour favoriser le cumul d’un emploi et de l’AAH. Car rappelons que, dans 35 % des couples, c’est la personne en situation de handicap qui travaille.

En effet, le plafond pour percevoir l’AAH lorsqu’on est en couple est de 3000 euros si c’est la personne handicapée qui travaille et de 2270 euros si c’est le conjoint, en raison d’un abattement supérieur à 50 % sur les revenus du bénéficiaire et de 28 % sur ceux du conjoint.

Par ailleurs, les abattements retenus sur les ressources d’activité pour le calcul de l’AAH sont bien plus élevés que pour toutes les autres allocations, que l’on parle du conjoint ou du bénéficiaire, toujours pour favoriser l’incitation à la reprise d’activité.

La reconnaissance de la spécificité liée à la situation de handicap passe également par une exonération d’assiette fiscale pour l’AAH. De fait, une demi-part fiscale supplémentaire est attribuée aux foyers avec une personne en situation de handicap, à laquelle s’ajoute une exonération sur la taxe d’habitation et la taxe foncière.

Il est normal que ces règles existent. Comme je l’ai souligné, elles visent à permettre une meilleure intégration des personnes dans l’emploi. Cet accès à l’emploi est l’un des piliers de notre politique en matière de handicap.

Au-delà de ces considérations, la présente proposition de loi est surtout révélatrice d’un appel des associations concernant la situation des femmes en situation de handicap victimes de violences et sous emprise de leur conjoint.

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, j’étais hier matin dans un centre d’hébergement d’urgence qui favorise l’accès au droit et la mise en protection de jeunes femmes ayant subi des violences : j’y suis extrêmement sensible.

Madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, vous connaissez mon engagement sur le sujet. Je l’ai rappelé lors de la table ronde sur les violences faites aux femmes, à la fin de l’année 2018. Je sais que nous partageons ce combat, madame Billon.

Mais nous devons aller plus loin et donner une réponse concrète et opérationnelle. Et je remercie les auteurs de la présente proposition de loi de me donner l’occasion de répondre à ces femmes.

Comme je l’ai rappelé, actuellement, lorsqu’une séparation est signalée à une caisse d’allocations familiales (CAF), elle entre dans les situations prioritaires que la caisse s’engage à traiter en dix jours au maximum.

Ce mécanisme nécessite néanmoins un accompagnement individuel des femmes violentées pour leur permettre de se loger et de sortir de l’emprise de leur conjoint violent.

Afin de proposer des mesures destinées à améliorer le repérage et l’accompagnement des femmes, des travaux seront menés sur trois territoires d’expérimentation. Ils seront appuyés par le groupe de travail « handicap » mis en place dans le cadre du Grenelle des violences à l’encontre des femmes. Ils devront permettre de déterminer, puis d’expérimenter un cadre prévoyant notamment une plus grande réactivité du montant de l’AAH aux situations de violence conjugale.

Les premiers jalons de ces travaux ont été lancés hier, avec l’aide du département de la Gironde. Je souhaite que l’ensemble des parties prenantes puissent y trouver leur place : les associations, les acteurs du territoire, les élus locaux et, bien évidemment, les sénatrices et sénateurs concernés, notamment Alain Cazabonne, Nathalie Delattre et Florence Lassarade, entre autres. C’est avec vous que de telles politiques se construiront.

La proposition de loi que nous examinons pose de réelles questions sur le sens donné à nos politiques publiques et sur le chemin qu’il nous reste à parcourir pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap.

Les amendements du rapporteur Philippe Mouiller ont permis la correction de la rédaction initiale de la proposition de loi, en rétablissant l’existence d’un plafond de ressources, en respect des principes de solidarité, auxquels nous sommes tous attachés, comme j’ai pu le mesurer lors de nos échanges.

La réécriture de l’article 3 se concentre donc sur la neutralisation des ressources du conjoint dans le calcul des droits à l’AAH : la « déconjugalisation » de l’éligibilité de l’AAH. À ceci près qu’en raison des effets négatifs induits par ce mode de calcul, l’article 3 bis crée un nouveau droit d’option pendant dix ans pour les bénéficiaires actuels à conserver les règles de conjugalisation des ressources.

En plus de renchérir le coût de la mesure, qui atteint 730 millions d’euros, une telle disposition ajoute à la complexité du recours à l’allocation. Elle crée pour les personnes une incertitude forte et des difficultés à projeter leur pouvoir d’achat. Elle ne relève pas de la justice sociale. Elle ne crée qu’un dispositif à deux vitesses, aux règles toujours plus compliquées alors même que l’effort devrait être porté sur l’amélioration du recours au droit et la simplification des parcours de vie.

L’exemple le plus parlant concerne les couples de travailleurs en établissements et services d’aide par le travail (ÉSAT), pour lesquels la déconjugalisation entraîne une perte nette de 400 euros en moyenne. Comment pourront-ils actionner le droit d’option ? Les professionnels qui les accompagnent auront-ils dorénavant la charge de les conseiller en la matière ?

Ne créons pas de complexité dans les parcours des personnes ! Attachons-nous plutôt à leur simplifier l’accès aux dispositifs conçus pour les accompagner et les soutenir.

Depuis la loi de 2005, la création de la prestation de compensation de handicap (PCH) assure une prise en compte de la situation de handicap de manière individualisée et sans condition de ressources. Cette prestation vise à compenser les besoins d’autonomie des personnes avec de l’aide humaine, de l’aide technique, de l’aménagement du logement, du transport et des aides spécifiques.

En 2019, nous lui avons consacré 2,6 milliards d’euros de dépenses publiques, en cofinancement avec les départements, chefs de file des politiques de solidarité.

Ainsi, un tiers des personnes qui touchent l’AAH peuvent avoir, en moyenne, 500 euros de plus avec la prestation de compensation de handicap.

La PCH et l’AAH répondent donc à des objectifs différents. La première vient compenser la situation de handicap de façon individuelle, en assurant les moyens de l’autonomie, comme son nom l’indique, alors que la seconde assure un revenu digne pour les personnes à faibles ressources.

Suivant cette idée, et comme je l’avais annoncé lors de mon audition le 18 février dernier, je vous propose donc qu’une mission puisse formuler des propositions s’agissant de la simplification et de l’articulation des dispositifs existants, afin d’assurer un soutien plus efficace et équitable aux personnes en situation de handicap.

Ces réflexions nécessitent un temps plus long que celui qui est offert par le débat parlementaire. C’est un sujet qui mérite un travail de fond, approfondi et concerté.

Je crois qu’il nous faut entamer un travail posé nous permettant de réexaminer les différents dispositifs existants, leur articulation avec la prestation de compensation du handicap, ainsi que leur place dans notre système de solidarité, au regard notamment de la création de la cinquième branche que tous les parlementaires mobilisent dans le débat.

Enfin, l’article 4 relève de 60 ans à 65 ans au moins l’âge maximum pour bénéficier de la PCH. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui siégez au sein de la Chambre haute de notre Parlement et qui êtes les garants des intérêts des territoires, vous comprendrez bien que nous ne pouvons pas prendre de telles dispositions sans avoir mené de travaux concertés avec les présidents des conseils départementaux, avec lesquels nous sommes en coresponsabilité. Car rappelons qu’une telle augmentation correspondrait à un coût supplémentaire de 20 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à la proposition de loi telle qu’elle a été amendée par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre débat de cet après-midi doit beaucoup à trois personnes.

Je souhaite tout d’abord saluer Mme Jeanine Dubié, députée, auteure de la proposition de loi que nous examinons.

Je voudrais citer ensuite Mme Véronique Tixier, qui, en septembre 2020, a déposé sur la plateforme de pétition du Sénat un court texte intitulé Désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de lallocation aux adultes handicapés. Sa proposition a rapidement recueilli de nombreux soutiens, jusqu’à dépasser le seuil requis pour saisir la Conférence des présidents. Cette dernière n’a toutefois pas attendu les 100 000 signatures pour décider d’inscrire à l’ordre du jour, sur proposition de la commission des affaires sociales, le véhicule législatif propre à répondre à cette demande.

Mais Mme Tixier elle-même doit aussi beaucoup au président Larcher. C’est en effet le groupe de travail placé sous sa présidence qui a souhaité la création d’une telle plateforme, en janvier 2020, pour revivifier les procédures de démocratie participative et, ainsi, enrichir la démocratie représentative. Nous en avons cet après-midi la preuve : ce mécanisme constitue une courroie de transmission rapide et efficace des souhaits de nos concitoyens qui nous permet cet après-midi de débattre à nouveau de l’allocation aux adultes handicapés.

Je dis « débattre à nouveau de l’AAH » par souci de concision, car ce débat est, plus exactement, une occasion de clarifier notre système de protection sociale. La déconjugalisation de l’AAH est en effet tout, sauf une mesure technique. Elle tient en une ligne dans le code de la sécurité sociale, mais c’est une ligne fondamentale dans notre logiciel de solidarité.

En rejetant la proposition de loi analogue de nos collègues du groupe CRCE en octobre 2018, le Sénat n’avait d’ailleurs fait que défendre une logique d’ensemble, selon laquelle nos prestations sociales prennent en compte la composition d’un foyer donné. C’est cette logique qui fait l’objet du débat, que les derniers mois ont éclairé d’une lumière complètement nouvelle.

Mais partons plutôt de la demande qui nous est adressée, avant de remonter aux grands principes.

Le montant de l’AAH est calculé en tenant compte des revenus du bénéficiaire et de ceux de son conjoint, lorsqu’il est en couple, lesquels ne doivent pas dépasser un certain plafond, qui prend par ailleurs en considération le nombre d’enfants.

Par conséquent, tel bénéficiaire de l’AAH qui s’installerait en couple avec quelqu’un dont les revenus, additionnés aux siens, dépasseraient le plafond fixé perdrait le bénéfice de son allocation.

Les associations de personnes handicapées appellent cela « le prix de l’amour ». Entre parenthèses, c’est une vue quelque peu réductrice, car certaines personnes handicapées, dont les revenus personnels sont au-dessus du plafond, deviennent bénéficiaires de l’AAH, en s’installant en couple avec quelqu’un dont les revenus sont si faibles que le plafond applicable aux couples n’est pas franchi.

Reste que la majorité des personnes, dont l’AAH est supprimée ou écrêtée du seul fait de leur statut conjugal, éprouve une frustration bien compréhensible à voir leur aspiration à l’autonomie aussi brutalement censurée. Peut-être même la dépendance à leur conjoint pour les dépenses quotidiennes leur serait-elle plus supportable si elle ne leur semblait pas imposée par l’entêtement inhérent à la pression d’une règle administrative.

Il faut encore, pour comprendre leur sentiment, accorder un peu d’attention à une autre catégorie d’arguments : les plus jeunes générations, mes chers collègues, aspirent à davantage d’autonomie financière dans leur couple.

Le phénomène est d’autant plus sensible chez les jeunes femmes. Chez les jeunes femmes d’une manière générale, car elles gagnent toujours moins, en moyenne, que leur conjoint masculin, alors que désormais elles sont, en moyenne là aussi, plus diplômées. Chez les jeunes femmes en situation de handicap en particulier, car elles sont – hélas ! – plus souvent victimes de violences conjugales, comme l’a montré un récent rapport de notre délégation aux droits des femmes.

Jusqu’à présent, cette demande se heurtait à un argument assez simple : l’AAH n’est pas une prestation de compensation du handicap, mais un minimum social, et la solidarité nationale qui s’exerce à travers un minimum social passe après la solidarité familiale qu’organise le code civil. En conséquence de quoi, ce sont les revenus du ménage qui doivent être pris en compte pour calculer la prestation.

En réalité, cet argument est de moins en moins convaincant. En effet, ce qui confère à l’AAH son caractère de minimum social, c’est essentiellement son mécanisme : l’AAH est une prestation versée sous condition de ressources et de manière différentielle afin de porter le niveau de vie du bénéficiaire à un minimum de subsistance, une fois prises en compte toutes les ressources dont il dispose. Elle est, en outre, financée par l’État et n’a donc pas de caractère indemnitaire.

L’AAH a cependant toujours été un minimum social d’un type un peu particulier : l’assiette des ressources prises en compte et le mode de calcul de la prestation sont plus avantageux que ceux des autres minima sociaux et son montant est relativement plus élevé. Ce montant a d’ailleurs été fortement revalorisé à deux reprises, en 2008 et en 2017, par les présidents Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron.

Comment justifier de telles augmentations pour la seule AAH, et non pour les autres prestations assurant un minimum de subsistance ? Si elle est plus généreuse, l’AAH compense forcément quelque chose. Et quoi, sinon un éloignement de l’emploi imputable au handicap ? C’est d’ailleurs le sens des critères exigés des personnes dont le taux d’incapacité est compris entre 50 % et 80 %. Si l’AAH compense quelque chose propre à la personne, on ne saurait indexer son montant sur des variables qui lui sont exogènes.

La clarification des termes du débat ne pouvait venir que d’une manifestation de la volonté politique.

Il faut alors souligner la volonté du Président de la République, exprimée lors de la conférence nationale du handicap de février 2019, de retirer l’AAH du chantier relatif au revenu universel d’activité. Une telle décision confirme que l’AAH a moins à voir avec un minimum social qu’avec une prestation de compensation, ce qui ouvre la voie pour accepter la demande sociale qui nous est faite en cohérence avec les principes généraux de notre système d’intervention.

Cette question réglée, que penser du texte qui nous est transmis ?

Hélas ! la commission des affaires sociales ne pouvait pas le voter en l’état pour deux raisons.

D’une part, il aurait eu, en dépit de son titre, des conséquences injustes. La déconjugalisation ferait certes un grand nombre de ménages gagnants, environ 196 000, mais aussi 44 000 ménages perdants, parmi ceux que j’évoquais tout à l’heure, c’est-à-dire lorsque le conjoint valide a peu ou pas de revenus.

D’autre part, la rédaction de l’article 3 conduisait à supprimer tout plafond de cumul de la prestation avec les ressources personnelles des bénéficiaires : cette mesure aurait pour effet d’attribuer l’AAH à taux plein à tous ceux remplissant les conditions nécessaires. La direction statistique des ministères sociaux, la Drees, en estime le coût à 20 milliards d’euros…

La commission a par conséquent accepté la déconjugalisation, mais rétabli le plafond de cumul entre les ressources personnelles du bénéficiaire et le montant de la prestation. Et pour éviter de pénaliser 44 000 ménages, elle a ménagé un mécanisme transitoire simple, permettant aux bénéficiaires de continuer pendant dix ans de percevoir l’AAH selon les modalités actuelles de calcul.

Restent les questions que la commission ne pouvait pas trancher seule au détour d’une proposition de loi en cours de navette.

D’abord, la cohérence générale des principes n’est pas encore totale. Si l’on accepte d’y voir une prestation compensant les moindres chances de percevoir des revenus d’activité et de suivre une progression de carrière normale, on devrait considérer l’individualisation complète de l’AAH, et donc revoir son mode de calcul. C’était toutefois l’hypothèse faisant le plus grand nombre de perdants.

Ensuite, nous savons bien que le pilotage de la prestation est difficile – la Cour des comptes l’a montré dans un rapport de novembre 2019. La procédure est complexe et peu claire pour les demandeurs, la connaissance des bénéficiaires insuffisante et l’appareil statistique peu réactif – la commission l’a constaté en essayant, en vain, d’évaluer les conséquences du texte plus finement que ne l’a fait la Drees.

Par conséquent, la dépense croît assez rapidement. Les 560 millions d’euros de la déconjugalisation sont ainsi à rapporter aux 11 milliards d’euros que représente l’AAH aujourd’hui, en hausse de 2 milliards d’euros depuis quatre ans.

Or il se trouve que notre système de protection sociale s’est enrichi l’an dernier d’une cinquième branche de sécurité sociale, consacrée au soutien à l’autonomie, dont la gestion a été confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Le Gouvernement nous l’a assez dit : le périmètre de cette branche n’est pas définitif. Voyons-y l’occasion de repenser notre système d’intervention pour le rendre plus efficace. Il serait ainsi cohérent, comme le proposait Laurent Vachey dans son rapport de septembre dernier, d’admettre que l’AAH « n’est pas un pur minimum social » et de se poser la question de son éventuel transfert à la branche autonomie ; il faudrait alors sans doute penser son articulation avec la PCH ou le régime des pensions d’invalidité, dont l’AAH n’est jamais que le pendant, hors couverture assurantielle.

Un mot enfin sur l’article 4, qui relève de 60 à 65 ans la barrière d’âge pour solliciter la prestation de compensation du handicap. L’idée de supprimer toutes les barrières d’âge est débattue depuis longtemps par les conseils départementaux ; elle date en fait de la grande loi du 11 février 2005 sur le handicap, mais sa mise en œuvre a toujours été ajournée depuis lors.

J’avais naguère proposé de supprimer la seconde barrière d’âge, celle des 75 ans, pour solliciter la PCH. Cette proposition est devenue la loi du 6 mars 2020.

Il est désormais temps d’aller plus loin, en élargissant la couverture des besoins des bénéficiaires de la PCH jusqu’à leurs 65 ans.

Il faudra ensuite s’atteler sérieusement au décloisonnement des politiques destinées au handicap, d’une part, et au grand âge, d’autre part, dans une logique de parcours de vie. C’est encore tout l’enjeu de la branche autonomie, qui ne pourra rester en chantier trop longtemps – le fait que nous débattions aujourd’hui de ce texte le montre clairement.

C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter, pour commencer, la proposition de loi dans la rédaction résultant des travaux de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, INDEP et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette semaine se tient la semaine nationale des personnes handicapées physiques : elle permet de sensibiliser le grand public au handicap et de récolter des fonds pour des projets d’inclusion. Signe que le chemin est encore long pour parvenir à construire une société réellement inclusive pour ces 12 millions de Français qui souffrent de handicap.

Alors devons-nous voir un signe dans cette proposition de loi qui prévoit d’individualiser l’allocation aux adultes handicapés en supprimant la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul du montant versé ?

Le Sénat avait rejeté une telle disposition en octobre 2018, considérant que la solidarité familiale devait s’exercer avant la solidarité nationale.

Par ailleurs, il n’était pas responsable d’adopter une telle mesure en l’absence de chiffrage financier. Cette disposition a été reprise et adoptée à l’Assemblée nationale.

Le recueil de cent mille signatures sur la plateforme de pétition du Sénat a permis son inscription à l’ordre du jour de notre assemblée.

La question de la cohérence de notre système social a été soulevée par Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées : si nous individualisons l’AAH, il nous faudra justifier auprès des personnes concernées le maintien de la prise en compte des revenus du foyer dans le calcul des autres minima sociaux, comme le revenu de solidarité active ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Ce ne sont pas des prestations universelles, mais des ressources complémentaires destinées à venir en aide aux personnes qui en ont le plus besoin.

Le calcul actuel de l’AAH tient compte d’un plafond de ressources de 3 000 euros, si le bénéficiaire travaille, et de 2 270 euros, si c’est son conjoint, en raison d’un abattement supérieur à 50 % sur les revenus du bénéficiaire et de 28 % sur les revenus du conjoint.

Une alternative crédible à la déconjugalisation aurait été d’augmenter l’abattement qui s’applique sur les revenus du conjoint et d’aligner les deux plafonds de ressources à 3 000 euros.

Il me semble que ce dispositif contribuerait à renforcer la justice sociale à l’égard des personnes en situation de handicap les plus fragiles économiquement, sans présenter de risque de dérapage financier.

Le coût de la déconjugalisation et de la suppression du plafonnement, ce que propose le dispositif initial, serait de 20 milliards d’euros, sachant que le coût actuel de l’AAH s’élève à environ 11 milliards d’euros pour 1,2 million de bénéficiaires.

La commission des affaires sociales a pris ses responsabilités, en supprimant le déplafonnement des ressources, ce qui abaisse le coût du dispositif à 560 millions d’euros.

Cependant, le plafonnement ne tient plus compte des revenus du foyer ; le caractère redistributif de l’allocation est donc remis en question.

La commission a adopté un amendement permettant de limiter les effets de bord, en proposant aux 44 000 foyers qui seraient lésés par la déconjugalisation de l’AAH de maintenir leurs droits pour une durée de dix ans.

La commission a également rétabli la modulation du plafond pour enfant à charge que le dispositif initial supprimait.

Malgré ces réserves sérieuses, l’individualisation de l’AAH est une demande sociétale forte, justifiée notamment par l’exposition plus importante des femmes porteuses de handicap au risque de violences conjugales. Le rapport d’information qui a été présenté en octobre 2019 par notre ancien collègue Roland Courteau est éloquent à ce sujet. Aussi, favoriser l’émancipation financière de ces personnes permettrait de mieux les protéger de situations dramatiques et souvent dissimulées.

Par ailleurs, il est proposé de repousser le plafond d’âge, fixé à 60 ans, pour demander à bénéficier de la prestation de compensation du handicap. Cette mesure, justifiée en raison de l’allongement de l’espérance de vie, coûterait, en cas de report à 65 ans, entre 10 millions et 57 millions d’euros selon le niveau de GIR pris en compte.

La PCH étant cofinancée par les départements, il conviendra de travailler de façon concertée à la définition de la nouvelle limite d’âge. Les finances départementales sont fortement sollicitées par la crise sanitaire et économique. Aussi, je serai favorable à cette mesure, à condition qu’elle fasse l’objet d’un accompagnement financier suffisant des départements par l’État.

À titre personnel, je voterai cette proposition de loi, mais la majorité du groupe Les Indépendants s’abstiendra pour les raisons invoquées dans mon intervention. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, exigence ancienne des personnes en situation de handicap et des associations, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés marquerait une étape essentielle de l’individualisation de cette prestation.

Pour bien en comprendre le sens, il faut replacer cette allocation au sein d’un ensemble plus vaste et cohérent assurant à la personne en situation de handicap sa place au sein d’une société solidaire, émancipatrice et inclusive.

La question de la garantie de ressources spécifique à la situation de handicap se pose pour autant que la loi de 2005 s’applique avec ampleur. Or, actuellement, la situation de handicap est encore aggravée par la non-adaptation de l’environnement et la baisse des objectifs d’accessibilité au sens large – le bâti, l’école inclusive, l’entreprise, etc. –, facteurs d’inégalités et de discriminations.

L’AAH ne saurait donc compenser la lenteur d’application de la loi de 2005, qui confine les personnes dans un schéma de précarité et d’exclusion – pourtant, rien n’est inscrit, sur ce champ, dans le plan de relance. Elle ne saurait non plus pallier l’insuffisance des actions spécifiques d’accompagnement vers l’emploi de la personne en situation de handicap.

Il faut donc tout faire pour réduire les répercussions du handicap et ouvrir des perspectives aux personnes concernées – c’est un préalable à la question du revenu.

L’AAH est attachée à l’adulte et liée à la période de l’activité. Il s’agit alors de garantir un complément de ressources dû à la part non réductible à un moment donné de la difficulté spécifique à exercer une activité et d’en retirer un revenu minimal en complément d’autres ressources personnelles. Ce complément, comme les revenus de l’activité des personnes dites « valides », doit bien être pensé comme propre à la personne en situation de handicap.

La personne se voit garantir in fine un niveau de revenu d’existence assurant une relative autonomie financière. C’est une allocation individualisée et non universelle, puisque conditionnée à sa situation, actant une situation de restriction à l’emploi qualifiée de durable, ce qui implique d’en défendre la permanence, quels que soient les choix de vie.

Ce revenu doit rester attaché à la personne pour lui assurer une sécurité financière pérenne et lui permettre, en cas de vie maritale, de participer aux revenus du ménage à hauteur de sa situation et de ne pas être à la charge d’une autre personne physique.

Car, à l’inverse de la solidarité nationale, qui rétablit l’égalité des citoyens par son action, la solidarité familiale maintient dans ce cas la dépendance et l’asymétrie, génère au mieux de la dette symbolique, quelquefois un sentiment d’indignité, et crée un espace propice aux violences physiques ou psychologiques sur la personne, notamment la femme, déjà vulnérable du fait de son handicap.

Le mouvement vers l’individualisation de cette allocation devra d’ailleurs se poursuivre par la défamiliarisation, car il s’agit d’asseoir un droit durable et sécurisé.

Concernant le recul de l’âge ouvrant droit à la prestation de compensation du handicap, deux systèmes de compensation des incapacités et de la perte d’autonomie coexistent actuellement : l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) dès 60 ans et la PCH pour les adultes et les enfants jusqu’à 20 ans – il faudrait d’ailleurs abaisser ce seuil à 18 ans.

L’inégalité de traitement en défaveur de l’APA explique la demande de recul à 65 ans de l’accès à la PCH que nous soutenons en attente de la convergence vers une prestation unique d’autonomie répondant aux besoins de compensation de la perte d’autonomie, et ce quels que soient l’âge et la cause de sa survenue. Une telle mesure participerait du changement de regard sur le handicap et l’âge et favoriserait le « faire ensemble société ».

Les écologistes réfléchissent à la question du revenu universel d’existence et l’individualisation de l’AAH préfigure une avancée concrète vers la promotion de l’autonomie de l’individu dans une société solidaire, comme le recul du seuil d’âge pour la PCH fait reculer la discrimination par l’âge.

Comme souvent, en adoptant des lois pour les personnes en situation de handicap ou de vulnérabilité, c’est la société tout entière qui avance. En conséquence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entamer mon propos, permettez-moi de saluer la plateforme de pétition du Sénat : une pétition ainsi déposée, qui a recueilli plus de 100 000 signatures, nous amène aujourd’hui à examiner ce texte.

Nous débattons d’un sujet majeur, celui de l’accompagnement des personnes en situation de handicap vers l’autonomie. Tendre vers une société plus inclusive est une priorité absolue. Les 51 milliards d’euros qui y sont consacrés chaque année, soit 2,2 % du PIB, le démontrent.

L’allocation aux adultes handicapés représente à elle seule 11 milliards d’euros en 2020. La France, à ce titre, fait figure d’exception, puisque très peu de pays au monde sont dotés d’un système de prestation du même type.

Je veux également souligner l’action du Gouvernement en la matière, qui se traduit notamment par l’augmentation de 100 euros par mois de l’AAH pour 1,2 million de bénéficiaires, ce qui représente une augmentation de pouvoir d’achat de près de 12 % – ce n’était pas arrivé depuis près de onze ans.

Le texte que nous examinons propose, dans sa version transmise à notre assemblée, de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés, ainsi que la majoration de son plafonnement, et de reporter la barrière d’âge de 60 ans pour solliciter le bénéfice de la prestation de compensation du handicap.

En supprimant initialement la notion de plafond et en enlevant les ressources du partenaire, l’adoption de la proposition de loi aurait entraîné 20 milliards d’euros de dépenses nouvelles.

Sur la proposition de son rapporteur, la commission a réintégré la notion de plafond, abaissant ce coût à 560 millions d’euros.

Afin d’éviter que cette proposition de loi ne crée des foyers défavorisés, il conviendrait d’aligner le plafond pour une personne isolée sur celui d’un couple, ce qui représenterait en réalité une dépense totale de plus de 2 milliards d’euros.

Il s’agit d’une dépense conséquente, compte tenu de la situation économique actuelle et des efforts consentis par la Nation pour protéger nos concitoyens et les secteurs les plus impactés par la crise sanitaire.

Le mécanisme transitoire défini à l’article 3 bis fait suite à un amendement du rapporteur jugé, de manière assez surprenante, je dois l’avouer, recevable financièrement malgré un coût de plusieurs centaines de millions d’euros. Ce mécanisme créerait une inégalité entre des allocataires qui continueraient à bénéficier de l’AAH et d’autres qui, postérieurement à l’entrée en vigueur de la proposition de loi, n’y seraient plus éligibles, alors même que leur situation serait identique. Une telle mesure nous semble aller à l’encontre de nos règles constitutionnelles, notamment l’égalité des droits.

Plus largement encore, bien que nous partagions l’objectif de mieux accompagner et soutenir les personnes en situation de handicap, les mesures prévues par cette proposition de loi comportent un certain nombre de difficultés.

Ainsi, l’AAH vise à assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles. Elle est donc conçue comme un minimum social pour permettre à nos concitoyens d’avoir un revenu décent pour vivre, en complément d’autres sources de revenus éventuelles.

À cet égard, la fixation d’un montant plus élevé pour l’AAH que pour le RSA socle ainsi que les abattements fiscaux correspondent bien à la prise en compte de la spécificité du handicap, et non à une logique de compensation.

Or la proposition de loi opère de fait un changement de cap sur la nature même de l’AAH et remet plus généralement en cause l’un des piliers de notre politique familiale.

Rappelons que la solidarité nationale, qui s’appuie sur la solidarité conjugale, n’est pas une spécificité de l’AAH, mais concerne tous les minima sociaux en vertu des obligations entre époux.

Ainsi, l’AAH repose sur les principes d’équité et de partage des charges entre les membres du foyer, contrairement aux prestations universelles.

Avec la déconjugalisation de l’AAH, nous risquons d’ouvrir la brèche pour d’autres minima sociaux et de modifier profondément notre solidarité familiale. Que deviendraient le quotient familial ou les demi-parts ? Quid du RSA ? À cet égard, rappelons que le coût d’individualisation totale du RSA avait été estimé à près de 9 milliards d’euros en 2016.

Déconjugaliser l’AAH aggraverait les inégalités sociales, puisque la réforme compterait, en l’état, des perdants parmi les ménages les plus modestes et des gagnants parmi les ménages les plus aisés. Si cette proposition de loi se veut un étendard pour le soutien aux personnes dans les situations les plus difficiles, la réalité n’est pas si claire.

Je prendrai deux exemples pour illustrer ce propos.

Tout d’abord, un allocataire qui travaille et est payé à hauteur de 0,5 SMIC et dont le conjoint est lui-même rémunéré à hauteur de 2 SMIC bénéficierait d’un gain net allant de 320 à 720 euros.

A contrario, l’individualisation totale de la prestation serait défavorable pour les couples dont l’allocataire AAH est aujourd’hui le seul à percevoir un revenu d’activité – le manque à gagner pourrait aller jusqu’à 550 euros pour un allocataire au SMIC.

Au total, ce sont 44 000 bénéficiaires qui travaillent et sont en couple avec un conjoint dont les revenus sont modestes ou inexistants, qui verraient leur allocation diminuer. Le fait de travailler défavoriserait donc certains bénéficiaires, à l’inverse de la mission initiale de l’AAH.

Enfin, l’article 4 de la proposition de loi prévoit de relever l’âge maximum pour bénéficier de la prestation de compensation du handicap de 60 ans à au moins 65 ans. Mes chers collègues, ce dispositif n’est pas anodin pour les finances de nos départements : l’État ne compensant qu’à hauteur de 30 % à 40 % les dépenses liées à cette prestation, une telle mesure, bien qu’intéressante sur le fond, nécessite une concertation et une coconstruction avec les départements, ce qui dépasse largement le cadre contraint d’une proposition de loi.

Cet âge limite ajouterait même un poids administratif pour les départements par le basculement des bénéficiaires de l’APA vers la PCH et une complexité pour les usagers et leurs aidants, comme cela a été rappelé par la direction générale de la cohésion sociale.

C’est pourquoi nous avons déposé un amendement pour privilégier une réévaluation de cet âge tous les cinq ans, par décret, en tenant compte des évolutions démographiques et des besoins de nos concitoyens en situation de handicap et après concertation avec les départements – cette concertation est nécessaire, je le répète. Le gestionnaire resterait ainsi au cœur du processus visant à modifier l’âge limite.

Soutenir les personnes en situation de handicap et leur apporter les moyens de parvenir à l’autonomie sont des points centraux qui ne doivent toutefois pas remettre en cause l’un des piliers de notre politique familiale. Cela ne doit pas non plus créer de nouvelles inégalités ni exclure les départements du pouvoir décisionnaire, en alourdissant leurs charges financières.

Pour toutes les raisons que je viens d’invoquer, la majorité du groupe RDPI votera, en responsabilité, contre ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale tient particulièrement à cœur au groupe RDSE, et ce pour plusieurs raisons. Je remercie d’ailleurs la commission des affaires sociales de s’être saisie de ce sujet.

Cette proposition de loi est d’abord la preuve de la possibilité pour nous, parlementaires, de travailler ensemble à des solutions de bon sens, plus justes et qui changent considérablement le quotidien de nos concitoyens.

Son examen est également la reconnaissance du travail parlementaire et de son utilité, chose rare dans une période où le règlement des assemblées et les législations par ordonnances tendent à privilégier l’initiative gouvernementale.

Elle nous permet de traiter de la question de l’autonomie et de la dépendance, phénomènes qui peuvent frapper chacun de nous à tout âge.

Je souhaite aussi saluer la présence en tribune de ma collègue bigourdane Jeanine Dubié ; son travail et son engagement de long terme sur les questions de justice sociale nous permettent aujourd’hui d’examiner cette proposition de loi portée par son groupe à l’Assemblée nationale et je l’en remercie.

À l’heure de la crise sociale, économique et sanitaire que nous connaissons, il n’y a jamais trop de justice sociale, jamais trop de redistribution, car les premiers frappés sont toujours les mêmes : les plus fragiles d’entre nous. C’est toujours à eux que nous demandons le plus d’efforts. Ce sont ceux qui sont le plus souvent pointés du doigt ou sur qui nous faisons reposer les maux d’une société malade de manière chronique.

À ce titre, je regrette que le Gouvernement n’ait pas donné un avis favorable à ce texte, préférant renvoyer ce débat à une future loi Grand Âge et autonomie.

Cette proposition de loi, telle qu’adoptée par nos collègues de l’Assemblée nationale, vient d’abord désolidariser les revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH.

Les articles 2 et 3 viennent ainsi répondre à une inégalité qui frappe les bénéficiaires de l’AAH selon leur situation maritale, prévoyant une plus faible indemnité pour les bénéficiaires selon qu’ils sont mariés, conjoints, concubins ou pacsés.

L’objectif est clair : mettre fin au lien de dépendance financière entre le bénéficiaire de l’AAH et son conjoint et réaffirmer un principe fondamental, celui de la primauté de la solidarité nationale sur la solidarité familiale.

Il s’agit bien ici de rappeler que l’AAH est non pas un minimum social, mais bel et bien une prestation à affectation spéciale, comme cela a été rappelé lors de la Conférence nationale du handicap, le 11 février 2020, le Président de la République ayant annoncé ne pas vouloir l’inclure dans le futur revenu universel d’activité.

Les amendements adoptés en commission, qui permettent, d’une part, de rétablir le plafonnement en supprimant les revenus du conjoint de l’assiette et, d’autre part, de prendre en compte les 44 000 perdants de la déconjugalisation de l’AAH, ont tout notre soutien.

Si cette prestation vient aussi assurer un revenu aux personnes ne pouvant travailler du fait de leur handicap ou d’une maladie chronique, la PCH est d’une tout autre nature. Elle permet de financer différentes aides humaines, techniques ou encore relatives au cadre de vie afin de compenser une perte d’autonomie.

La persistance des limites d’âge, c’est-à-dire 60 ans pour l’âge avant lequel doit être survenu le handicap, et de 75 ans pour que la prestation puisse être demandée, venait limiter l’octroi de cette aide pourtant nécessaire. Ces limites étaient devenues un non-sens. À une période où l’on vit mieux et plus longtemps, le fait de lier le handicap à la vieillesse perd de plus en plus sa justification.

La proposition de loi initiale mettait également en exergue la question du reste à charge des résidents en Ehpad, encore bien trop élevé pour nombre de familles. Si le maintien à domicile est aujourd’hui privilégié, j’espère que nous aurons très vite l’occasion, madame la secrétaire d’État, de débattre de ces sujets, et que vous pourrez nous apporter des réponses sur le calendrier du projet de loi Grand Âge et autonomie, que nous guettons avec impatience.

En attendant les contours de ce texte, le groupe RDSE votera cette proposition de loi. Elle représente une avancée sociale pour de nombreux Français frappés par la perte d’autonomie et la dépendance, qui bénéficieront de la solidarité nationale pleine et entière. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Nassimah Dindar et Élisabeth Doineau applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe se félicite de pouvoir de nouveau débattre sur l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés.

En effet, notre groupe avait porté, en 2018, une proposition de loi visant à ne plus tenir compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH. Cette proposition reprenait la revendication des associations de personnes en situation de handicap visant à mettre fin à l’injustice vécue par les couples qui perdent le bénéfice de l’AAH ou voient leur montant diminuer en cas de mariage.

Ce que l’on a appelé « le prix de l’amour » n’est pas acceptable, car il rend des personnes dépendantes économiquement de leur conjoint. Cette dépendance économique est d’autant plus grave s’agissant des femmes en situation de handicap, qui sont plus souvent victimes de violences conjugales.

C’est d’ailleurs le sens du rapport de la Défenseure des droits sur l’AAH : « Les personnes handicapées doivent pouvoir être indépendantes financièrement : il faut donc exclure les ressources du conjoint pour l’attribution des allocations accordées au titre du handicap. »

Permettez-moi de faire un bref rappel historique et de saluer notre collègue députée communiste, Marie-George Buffet, qui a déposé cette proposition en, mars 2018, avec un soutien allant des députés de la France insoumise jusqu’au groupe Les Républicains, en passant par l’UDI, le Modem le PS et certains députés LREM.

Ce soutien a malheureusement été brisé par la droite sénatoriale lorsqu’elle a rejeté notre proposition de suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, en prétextant la nécessité d’une refonte globale des aides pour la compensation du handicap.

La proposition de loi du groupe Libertés et Territoires adoptée en décembre 2019 pour supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH étant restée lettre morte au Sénat, il aura fallu la mobilisation de milliers de personnes pour remettre l’ouvrage sur le métier.

Ainsi, la pétition de Mme Véronique Marie-Bernadette Tixier, déposée sur le site internet du Sénat, a reçu le soutien de plus de 100 000 personnes. C’est d’autant plus remarquable que les autres pétitions du site du Sénat plafonnent généralement autour de 200 signatures. C’est bien le signe d’un soutien large et profond en faveur de ce sujet.

Je voudrais saluer le changement de position de la droite sénatoriale, qui soutient désormais le principe de l’individualisation de l’AAH. Il s’agit d’une avancée importante pour les familles et les associations. Nous espérons désormais que le consensus politique autour de ce principe fera changer le Gouvernement d’attitude.

L’objectif de l’individualisation des revenus n’est pas une question d’économies ou de cohérence du système d’allocations familiales. Il s’agit plutôt d’envoyer un message fort aux personnes en situation de handicap pour leur montrer que l’on se soucie de leurs conditions d’existence et de leur dignité.

Le Gouvernement refusait l’individualisation en invoquant le nombre trop important de perdants avec le changement de mode de calcul. La suppression des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH va pourtant bénéficier à 196 000 ménages, soit 67 % de l’ensemble des couples bénéficiaires de cette allocation.

Il est dommage que, sur la réforme de l’assurance chômage, le Gouvernement ne suive pas le même raisonnement, alors que le nombre de perdants est estimé autour de 1 million.

Pourtant des solutions existent, comme celle que propose le rapporteur Philippe Mouiller, avec un mécanisme transitoire sur dix ans, qui permet aux couples qui le souhaiteraient de maintenir le système actuel en prenant en compte les revenus du conjoint.

Notre seul regret est que la majorité sénatoriale n’ait pas proposé en 2018 ce mécanisme transitoire pour éviter de faire perdre 3 ans aux nombreuses personnes en situation de handicap.

C’est désormais au Gouvernement de prendre ses responsabilités en adoptant les mesures qui s’imposent : individualiser l’AAH ; revaloriser le montant des prestations et supprimer les barrières d’âge de la PCH.

À moyen terme, nous refusons le transfert de l’AAH vers la cinquième branche de la Sécurité sociale, car nous estimons qu’elle doit être intégrée au régime général de l’assurance maladie au titre de revenu de remplacement, à l’instar de la pension d’invalidité.

En attendant, le groupe CRCE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans son dernier essai, devenu célèbre, Indignez-vous !, Stéphane Hessel écrit à propos de notre solidarité nationale : « Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers. » Je trouvais cette citation fort à propos pour introduire notre échange sur cette proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale. Elle nous rappelle l’importance de revisiter notre système de protection sociale à la française en travaillant au quotidien à son amélioration et à sa modernisation.

Cette proposition contient deux mesures symboliques très fortes : déconjugalisation de l’AAH et relèvement de 60 ans à 65 ans de la barrière d’âge pour solliciter la PCH.

Avant mon arrivée dans cette Haute Assemblée, j’ai été pendant plusieurs années vice-président du conseil départemental du Nord, en charge de l’insertion. J’ai aussi mené pendant plusieurs mois une mission d’information et d’évaluation de la maison départementale des personnes handicapées du Nord. Ayant ainsi travaillé au quotidien sur nos politiques en faveur de l’insertion des personnes handicapées, je sais l’attente de nos concitoyens les plus fragiles et les plus vulnérables à l’égard des dispositions en débat aujourd’hui. Le succès de la pétition en ligne sur le site du Sénat en témoigne. À ce sujet, je veux d’ailleurs, au nom du groupe UC, saluer cette initiative du président Larcher.

Mes chers collègues, lors de notre débat sur la loi de bioéthique, nous nous sommes arrêtés sur ce principe de vulnérabilité. C’est l’honneur de nos sociétés humanistes d’être attentives aux plus vulnérables d’entre nous. Aussi, notre groupe souhaite saluer non seulement le travail de notre rapporteur, Philippe Mouiller, sur ce texte, mais, plus largement, son engagement au service de cette noble cause de l’autonomie – j’y insiste – des personnes handicapées.

Nous voterons ce texte, car les intentions portées par notre rapporteur nous semblent empreintes d’une légitimité solide, mais nous voulons aussi parallèlement aborder les questions de portée plus générale ou les débats qui sont ouverts par ce vote à venir.

Il existe une puissante revendication d’autonomie financière individuelle dans nos sociétés. Cette demande d’individualisation des prestations sociales trouve son inspiration initiale dans les pays d’Europe du Nord, de culture scandinave. Cette revendication ne date pas d’hier. Elle est inspirée par Beveridge et le principe d’universalité. Il n’est pas surprenant que nous abordions ce débat très intéressant par l’AAH, car cette allocation est une prestation d’assistance particulière qui se situe, comme Laurent Vachey l’a précisé dans son rapport, à mi-chemin entre un revenu minimum catégoriel et une prestation compensant l’éloignement de l’emploi, versée comme un substitut de salaire.

Loin d’être anodine, la déconjugalisation de l’AAH pose la question de l’individualisation ou de la familiarisation de notre système de protection sociale. Ce débat ne concerne pas que l’AAH, tant s’en faut. Il porte aussi sur les aides sociales versées aux jeunes, par exemple. Pour notre part, nous sommes favorables à l’individualisation dans le cas visé par la proposition de loi que nous examinons ce jour, mais cela ne veut pas dire que nous sommes pour l’individualisation de toutes nos prestations sociales.

À ce jour, notre système de protection sociale repose sur la contributivité et non pas sur l’individualisation des cotisations et des prestations. C’est sur ces principes que notre modèle social s’est construit à la Libération. Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas de nier cette évolution plus individualiste, qui traverse tous les milieux sociaux et vient se croiser avec les expériences familiales de conjugalité, de rupture des individus. Elle vaut pour la population dans son ensemble et donc aussi, évidemment, pour les couples dont au moins l’une des personnes est en situation de handicap. C’est le rôle du législateur d’entendre et de comprendre cette évolution.

Je souhaiterais par ailleurs évoquer plus précisément une situation qui nous tient particulièrement à cœur, celle des femmes en situation de handicap. Au lendemain de la journée consacrée aux droits des femmes – j’en profite pour saluer Annick Billon, présidente de la délégation du Sénat aux droits des femmes –, force est de constater qu’il existe une aspiration à l’indépendance financière individuelle propre aux plus jeunes générations de femmes. C’est par parfaitement légitime. Cette aspiration est particulièrement importante, car elle peut permettre à une femme en situation de handicap d’échapper à son conjoint violent ou de faire face à des difficultés d’insertion sociale.

J’ai été particulièrement marqué par un chiffre que j’ai lu dans le rapport de notre collègue Philippe Mouiller : d’après l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, 34 % des femmes handicapées ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, contre 19 % – un chiffre déjà considérable – des femmes qui ne sont pas en situation de handicap. C’est une situation insupportable. Ces chiffres effrayants, bouleversants, nous interrogent d’ailleurs, mes chers collègues, sur notre condition masculine.

Bien sûr, nous n’y mettrons pas fin en déconjugalisant le calcul de l’AAH, mais, si cela permet déjà à quelques femmes de prendre leur indépendance, il s’agit d’une victoire.

Je le répète, notre groupe est favorable à cette proposition de loi, mais nous souhaitons interpeller cette assemblée sur d’éventuels risques d’effets en cascade et les prévenir. Nous voulons aussi réaffirmer notre attachement à la solidarité familiale et donc mettre en garde contre les risques qu’engendrerait une défamiliarisation généralisée de notre système de protection sociale. Nous ne le voulons pas !

Enfin, j’aborderai la question, peu évoquée jusque-là, de la dépense publique et de la dette publique. Je le réaffirme avec gravité et une grande clarté : l’argent public dans notre pays ne provient pas d’un robinet que nous pouvons ouvrir sans compter et sans en mesurer clairement l’impact à long terme. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques, la mesure votée par l’Assemblée nationale aurait, en l’état, un coût de 20 milliards d’euros pour nos dépenses publiques. Par parenthèse, je trouve problématique que nos collègues députés aient voté un texte sans en mesurer précisément l’impact financier. Ce constat vaut d’ailleurs pour beaucoup de proposition de loi ou de projets de loi.

Le Gouvernement a annoncé la semaine dernière que le déficit public devrait être de 10 % du PIB en 2021. Ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros de dettes que nous allons transmettre aux générations futures. Si nous voulons éviter de sacrifier celles-ci, nous devons prendre en compte cette question de la dette publique et veiller au niveau de dépenses.

Je tiens donc à saluer d’autant plus fermement la décision de modification de l’article 3, lequel encadre le principe de plafond du cumul de la prestation avec les ressources personnelles du bénéficiaire, décision que nous devons à l’esprit de responsabilité de notre rapporteur, qui a réussi à circonscrire cette déconjugalisation de l’AAH.

Le groupe Union Centriste se félicite enfin du report de 60 ans à 65 ans de la barrière d’âge au-delà de laquelle il n’est, sauf exception, plus possible de solliciter la PCH.

Cette proposition de loi arrivant quelques mois après la création de la cinquième branche nous aura permis d’échanger sur la situation de nos compatriotes les plus fragiles qui vivent une situation de handicap. Je pense que nous devrons saisir à l’avenir l’occasion offerte par cette nouvelle branche pour mener un véritable travail de fond d’évaluation de nos politiques à destination des publics porteurs de handicap, en abordant aussi courageusement la question de leur financement.

Nos collectivités, notamment les départements, font un travail formidable sur ces questions. Cependant, ils ne disposent pas toujours des moyens financiers et des libertés nécessaires pour agir. Donnons-nous rapidement l’ambition de travailler avec eux à la mise en place d’un nouveau cap pour nos politiques en faveur du handicap.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC – MM. Pascal Allizard et Yves Bouloux applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Michelle Meunier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons ce jour de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, dont le texte transmis par l’Assemblée nationale porte principalement sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés.

Derrière ce jargon, il faut comprendre qu’il s’agit d’exclure des ressources d’une personne en situation de handicap les ressources de son conjoint pour le calcul du montant de l’AAH. C’est une réelle mesure d’indépendance financière, de conquête d’autonomie, des termes porteurs de sens chez les personnes dont l’état de santé limite les pleines capacités à vivre en société.

Pour les parlementaires que nous sommes, la question du calcul du montant de l’allocation en fonction des revenus de la seule personne en situation de handicap, et non pas des revenus du foyer, n’est pas nouvelle. Nos collègues des groupes de gauche à l’Assemblée nationale avaient cosigné la proposition de loi déposée par Marie-George Buffet en décembre 2017. Les mêmes, au printemps 2018, rejoints par une poignée de Marcheurs et de Marcheuses, avaient déposé le même texte et proposé la création d’une commission spéciale, ce qui avait été refusé par Mme Bourguignon, alors présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Dans la foulée, Laurence Cohen et nos collègues communistes du Sénat avaient déposé une proposition de loi, examinée par la Haute Assemblée à l’automne 2018.

Il s’agit donc d’une revendication de longue date, portée par le secteur associatif du handicap, et notamment par l’APF France Handicap et son mouvement « Ni pauvre, ni soumis ». Une revendication rendue d’autant plus sensible au début du quinquennat, quand la majorité LREM se targuait d’augmenter le montant de l’AAH, se refusant à voir les limites de son mode de calcul.

En commission, ici même, en octobre 2018, notre collègue du groupe LREM, Michel Amiel, assumait ainsi la position du Gouvernement : pour lui, l’augmentation de l’AAH ne visait qu’à « aider les personnes handicapées seules, qui sont les plus précaires ». Quant à la majorité sénatoriale, menée par notre rapporteur, elle tenait à ce que, « dès lors qu’il s’agit d’une prestation en espèces, le foyer serve de base fiscale ».

Au groupe socialiste, en revanche, nous avions dénoncé le tour de passe-passe du Gouvernement, qui reprenait d’une main, en baissant le plafond de ressources et en fusionnant la majoration « vie autonome » et le complément de ressources, ce qu’il donnait de l’autre en augmentant le montant de l’AAH.

Nous avions alors soutenu cette déconjugalisation, en vain.

Que s’est-il passé en deux ans pour que nous nous apprêtions à vivre ce tournant ? D’abord, il y a eu quelques fissures dans le bloc monolithique En Marche ! et le camouflet infligé au Gouvernement par l’Assemblée nationale en février 2020. Ensuite s’est manifestée une force citoyenne remarquable, incarnée notamment par Mme Tixier, à l’origine d’une pétition en ligne qui a mis le Sénat au pied du mur. En effet, contre toute attente, avouons-le, la pétition publiée sur le site du Sénat pour inscrire ce texte à notre ordre du jour a recueilli rapidement des dizaines de milliers de signatures. Cet engouement traduit l’indignation qui s’est propagée dans la société française depuis l’automne, bien au-delà des sphères militantes du handicap.

Nos concitoyennes et nos concitoyens nous ont adressé un message fort, qu’il convient d’entendre : non, il n’est pas juste qu’une personne en situation de handicap doive choisir entre son statut conjugal et ses ressources ; il n’est pas juste qu’étant dans l’incapacité d’assurer ses revenus par le travail elle doive dépendre de ceux de son conjoint ou de sa conjointe pour percevoir une allocation.

Comme lors de l’audition de Mme Tixier par la commission des affaires sociales, je veux souligner la détermination de celles et ceux qui ont contribué au succès de la pétition : elles ne savaient pas que c’était impossible, alors elles l’ont fait ! Non seulement nous examinons cette proposition de loi, mais il me semble que nous allons parvenir à une réelle avancée parlementaire.

Le groupe SER apportera son soutien au texte issu de la commission. L’article 3, modifié par le rapporteur Philippe Mouiller, a pour objet de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le périmètre des ressources de la personne sollicitant l’AAH. En complément, le dispositif transitoire de dix ans permettant de continuer à bénéficier du mode de calcul actuel, s’il est favorable, a pour effet de repousser l’entrée en application d’une déconjugalisation qui faisait craindre 44 000 foyers perdants. Ce temps de transition devra être consacré à la mise en place de correctifs neutralisant ces effets négatifs. Nous souhaitons amender le texte en ce sens.

Comme mon collègue Olivier Henno, je voudrais, au lendemain de la Journée internationale des droits des femmes, synonyme de lutte, souligner cette dimension égalitaire de la déconjugalisation, qui va permettre l’émancipation des femmes en situation de handicap. En effet, le mode de calcul actuel de l’AAH enferme les femmes porteuses de handicap dans une double dépendance : celle du handicap et celle, économique, à l’égard des ressources du conjoint.

Le cadre actuel soumet ces femmes et les expose, plus longtemps et plus durement encore que les compagnes valides, aux violences subies dans le cadre conjugal. Les enfants, covictimes des violences intrafamiliales, sont aussi concernés. Il était donc essentiel de faciliter la reprise d’autonomie des femmes en situation de handicap, beaucoup plus exposées que les femmes valides aux violences au sein du foyer – les femmes autistes le sont de deux à six fois plus.

Nous devons à la regrettée Maudy Piot une connaissance fine des phénomènes de violences qui concernent spécifiquement ces femmes, à l’intersection de la domination patriarcale et de la domination du monde des valides.

Nous pouvons compter sur les travaux et revendications de celles qui ont repris le flambeau de l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir pour refuser le statu quo. Tout ou presque est à inventer, à mettre en place, à financer, madame la secrétaire d’État : des places de mise à l’abri d’urgence accessibles aux personnes à mobilité réduite ; des services d’accompagnement accessibles aux personnes malentendantes, etc.

Pour appuyer cette reprise d’autonomie, les socialistes proposeront que l’AAH soit versée directement sur un compte bancaire établi au nom de l’allocataire plutôt que sur un compte joint.

Pour revenir sur les propos du rapporteur, je dirai que la question qui nous est posée au travers du mode de calcul de cette allocation met en lumière le caractère ambigu de la prestation, entre minimum social et prestation de revenus visant à compenser la quasi-impossibilité de subvenir à ses besoins grâce aux fruits de son travail.

À une époque où s’impose de plus en plus le sujet du revenu universel, n’oublions pas que le montant de l’AAH laisse encore un quart de ses allocataires sous le seuil de pauvreté.

En parallèle, la compensation du handicap est l’autre chantier à ouvrir : comment mieux prendre en charge les dépenses induites par l’absence d’autonomie, le besoin d’équipements techniques et d’accompagnement humain ?

À l’automne dernier, lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, les socialistes avaient relayé l’exigence d’avancer vers une prestation de compensation universelle de la perte d’autonomie, une prestation attendue par les personnes en situation de handicap comme par le secteur médico-social, et sous-tendue par le périmètre de la cinquième branche.

Avec la fin de non-recevoir opposée par le Gouvernement, nous avions compris qu’il était urgent de ne rien faire, d’attendre, au printemps 2021, la discussion parlementaire de la loi Grand Âge et autonomie, promise comme le tournant social du quinquennat, et dorénavant reportée à l’issue de la crise sanitaire.

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voterons cette proposition de loi, en attendant la prochaine étape. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, attaché à toujours plus de proximité, notre hémicycle se dotait en janvier 2020 d’une plateforme de pétitions citoyennes voulue par le président Larcher. En janvier dernier, pour la première fois, une pétition hébergée sur cette plateforme dépassait les 100 000 signatures, preuve, s’il en fallait, que la prise en compte du revenu d’un conjoint dans le calcul de l’AAH fait naître un fort sentiment d’injustice.

Cette forte mobilisation donne corps aux centaines de courriers que nous avons pu recevoir en ce sens. Le Sénat s’est toujours beaucoup investi dans l’accompagnement des différents handicaps, souvent sous l’impulsion de notre collègue Philippe Mouiller, dont je souhaite ici saluer le travail.

Le 13 février 2020, c’est contre l’avis du Gouvernement, et avec une minorité de députés En Marche ! présents dans l’hémicycle, que ce texte a pu être adopté à l’Assemblée nationale.

Quel est l’objet de ce débat ?

Il peut s’agir d’un débat budgétaire : revoir ce dispositif de près de 12 milliards d’euros est délicat, alors qu’il nous est difficile d’en évaluer avec exactitude les conséquences, notamment en l’absence de ce que nous appelons une étude d’impact.

Il peut aussi être question de terminologie, au sens où l’AAH fait aujourd’hui partie des minima sociaux. À ce titre, son calcul prend en compte le revenu du conjoint, comme pour tout minimum.

En fait, ce débat est surtout profondément humain, car cette allocation n’est pas un minimum social comme les autres. Il s’agit de permettre à nos concitoyens porteurs de longue date ou nouvellement porteurs d’un handicap de pouvoir s’émanciper et de pleinement s’épanouir au sein de notre société, malgré un accès bien plus difficile à l’emploi.

Aujourd’hui, ce mode de calcul grève, de fait, les revenus de couples dont un des membres serait en situation de handicap. Il place ce dernier sous une forme de tutelle financière de son conjoint et nombreux sont ceux qui ont le sentiment terrible de devenir une charge. N’est-ce pas là l’exact inverse de la vocation de cette allocation ?

Certains pourront me dire qu’en cas de séparation, après tout, l’AAH sera recalculée. Permettez-moi, par anticipation, de leur répondre. D’abord, cette régulation prendra du temps et cette situation mettra sans nul doute ces personnes dans une position très délicate, pour ne pas dire impossible. Ensuite, les statistiques des régimes matrimoniaux le démontrent, un nombre toujours plus important de couples préfèrent désormais gérer leurs revenus séparément. Aussi, je trouve particulièrement dérangeant que nos concitoyens en situation de handicap soient découragés de fonder un foyer : afin de ne pas voir leur AAH s’amoindrir, certains renonceraient à s’unir, leurs enfants étant alors moins protégés des aléas de la vie.

Vous l’aurez compris, je souhaite, comme la commission, déconjugaliser le mode de calcul de cette allocation, et le faire avec méthode. Les évaluations qui ont pu nous être communiquées par la Drees doivent attirer notre attention. En l’état, le texte transmis par l’Assemblée ferait pas moins de 44 000 ménages perdants et, plus grave encore, les gains espérés se concentreraient sur les ménages relativement plus aisés.

Pour ces ménages qui seraient perdants, la commission propose de mettre en place un régime transitoire de dix ans, ce qui me semble judicieux.

Un autre apport de la commission est, selon moi, important. Un plafond de cumul entre les ressources personnelles des bénéficiaires et le montant de la prestation permet d’orienter ce système de solidarité vers ceux qui en ont le plus besoin.

Enfin, bien sûr, je me réjouis du report à 65 ans de la barrière d’âge pour solliciter le bénéfice de la PCH. C’est une nécessité au vu de l’allongement de la durée de vie.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est avec ces nouvelles garanties que je voterai en faveur de ce texte, tout comme mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Yves Bouloux. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée en septembre 2019, a été adoptée par l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement, en février 2020.

Si, près d’un an plus tard, l’opportunité nous est donnée de procéder à son examen, c’est grâce à la plateforme de dépôt de pétitions en ligne mise en place par le Sénat en janvier 2020. Tout citoyen peut désormais solliciter l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée d’une proposition de loi. Les pétitions qui recueillent plus de 100 000 signatures en six mois sont transmises à la conférence des présidents. Ainsi, la démocratie participative peut, sans s’y substituer, enrichir la démocratie représentative. Je remercie donc le président Larcher et le bureau du Sénat d’avoir su ainsi moderniser le droit de pétition.

Venons-en au texte.

Favoriser la justice sociale, telle est l’ambition de la proposition de loi que plus de 108 000 citoyens ont souhaité que nous examinions.

Créée en 1975, l’allocation aux adultes handicapés est la deuxième prestation de solidarité en France, avec quelque 1,2 million de bénéficiaires, pour 11 milliards d’euros. Elle est versée aux personnes âgées de 20 ans et plus qui justifient d’un taux d’incapacité supérieur à 50 %. Son montant varie en fonction des revenus du conjoint et de la composition du foyer.

Les articles 2 et 3 de ce texte ont pour objet de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de cette allocation, ainsi que dans son plafonnement.

Ils répondent à une forte attente des personnes handicapées. Se déclarer en couple, c’est bien souvent perdre son allocation. À la dépendance physique s’ajoute alors la dépendance financière. Seuls 22 % des allocataires se déclarent en couple.

Pour justifier votre opposition à ce texte, madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué la qualification de « minimum social » de cette allocation, qui impliquerait que la solidarité familiale prime la solidarité nationale. Raisonner de la sorte, c’est oublier le caractère particulier de l’AAH : contrairement aux autres minima sociaux, ses bénéficiaires n’ont souvent aucune perspective de retour à l’emploi. Dès lors, il ne s’agit pas d’une aide temporaire, mais d’une aide pérenne qui vise à compenser une certaine incapacité de travailler. C’est pourquoi son montant est plus élevé que celui du RSA.

Preuve de son caractère compensatoire, l’AAH a été retirée des discussions sur le revenu universel d’activité.

Ne plus tenir compte du revenu du conjoint dans le calcul de l’AAH, c’est donner de l’autonomie aux personnes handicapées, les autoriser à s’émanciper. Dans une société si peu adaptée au handicap, on ne peut qu’y être favorable.

Je salue le travail de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, Philippe Mouiller, qui ont prévu un dispositif transitoire pour les perdants de cette réforme.

En effet, ne plus tenir compte des revenus familiaux, c’est également ne plus tenir compte des personnes à charge. À cet égard, il est pour le moins singulier que les administrations des ministères sociaux n’aient pas été en capacité de fournir d’éléments chiffrés permettant d’évaluer les conséquences de ces dispositions.

Le texte repousse enfin de 60 à 65 ans l’âge limite permettant de bénéficier de la prestation de compensation du handicap. Cette mesure de bon sens reprend les recommandations de l’inspection générale des affaires sociales.

Le Président de la République a fait du handicap une priorité du quinquennat, mais depuis maintenant quatre ans, si quelques mesures ont bien été prises, aucun projet d’ampleur ne nous a été soumis.

Alors qu’un million de bénéficiaires de l’AAH vivent avec 819 euros par mois, le temps n’est plus à la revalorisation, mais bien à la réforme.

Bien que ce texte soit insatisfaisant, puisqu’il y aura des perdants, le groupe Les Républicains le votera, car il constitue un premier pas vers l’individualisation et l’autonomie de la personne handicapée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je serai le dernier orateur de cette discussion générale. Beaucoup de témoignages ont donc déjà été parfaitement fournis et soutenus par tous nos collègues qui se sont exprimés avant moi, mais je voudrais à mon tour souligner certains aspects de cette proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale.

Rappelons d’abord que ce texte, adopté par l’Assemblée nationale, vise à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés. Vous avez rappelé, madame la secrétaire d’État, certaines dates, dont celle de la création de l’AAH, en 1975.

Nous examinons le présent texte dans un contexte très compliqué par la crise sanitaire actuelle ; le sujet est donc particulièrement sensible et réellement d’actualité.

Cette proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour du Sénat à la suite du succès d’une pétition déposée sur la plateforme e-pétitions selon une procédure expérimentale ouverte à tous par le président du Sénat, Gérard Larcher, depuis janvier 2020, et ce avant même que le nombre de ses signataires n’atteigne le seuil de 100 000 personnes.

Il me faut rappeler quelques chiffres, même si le volet humain est naturellement prioritaire. Les deux rapporteurs spéciaux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour notre commission des finances, Arnaud Bazin et Éric Bocquet, nous le rappellent chaque année, tout particulièrement à l’occasion de l’examen de la loi de finances pour 2021. Les crédits de paiement de cette mission s’élèvent à 26,1 milliards d’euros, parmi lesquels 12,4 milliards d’euros sont consacrés au programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », qui comprend la prime d’activité, et 12,5 milliards d’euros au programme 157, « Handicap et dépendance », dont relève l’AAH ; enfin, 1,2 milliard d’euros vont au programme 124, « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », et plus de 41 millions d’euros au programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes ». Un certain nombre de nos collègues ont insisté sur le sujet de société malheureusement très important que représentent les violences faites aux femmes.

Le partenariat entre État et départements en la matière doit être consolidé ; cela est rappelé dans le rapport de notre collègue Cécile Cukierman, fait au nom de la mission d’information « Quel rôle, quelle place et quelles compétences des départements dans les nouvelles régions fusionnées, aujourd’hui et demain ? », présidée par Arnaud Bazin.

Il convient de raisonner sur des bases équitables et de lever les points de tension qui subsistent entre l’État et les départements. Ainsi, dans mon département des Ardennes, on connaît des problèmes autour du RSA et de la compensation financière de la PCH prévue par la loi du 11 février 2005, qui visait à compenser les besoins de l’autonomie en lien avec les départements : la PCH représente un coût de 2,6 milliards d’euros.

Enfin, au budget de l’État s’ajoute le budget de la sécurité sociale, comme Philippe Mouiller l’a largement expliqué : l’autonomie et la dépendance sont à cet égard une branche qu’il convient de définir clairement.

Au vu de ces éléments, notre groupe soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

(Suppression maintenue)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Article 3

Article 2

(Non modifié)

À la première phase du dernier alinéa de l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « est marié ou vit maritalement ou est lié par un pacte civil de solidarité et » sont supprimés.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.

M. Bernard Jomier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voulais dire quelques mots au moment où nous entamons l’examen des articles portant déconjugalisation du calcul de l’AAH.

Madame la secrétaire d’État, votre situation n’est pas des plus confortables, puisque vous venez discuter avec nous d’une proposition de loi qui a été adoptée par l’Assemblée nationale contre l’avis du Gouvernement. Nous nous souvenons des conditions de cette adoption, quelques jours après une polémique sur le vote de la majorité contre le prolongement du congé lié à la perte d’un enfant ; celle-ci ne voulait plus passer pour insensible aux questions d’humanité.

Aujourd’hui, vous êtes favorable au maintien de la conjugalisation de l’AAH. Ce n’est pas l’avis des associations et des collectifs de personnes en situation de handicap ; ce n’est pas non plus l’avis de vos grands partenaires que sont la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et le Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Vous avancez l’idée selon laquelle 44 000 bénéficiaires de cette allocation seraient perdants. Nous voudrions savoir comment ce chiffre a été calculé : malgré un effort considérable pour centraliser les données liées au handicap, nombre d’entre elles restent aujourd’hui éclatées, à l’image des chiffres du chômage des personnes en situation de handicap, dont nous ne disposons que trop peu souvent.

M. le rapporteur vous a bien rappelé qu’un mécanisme de droit d’option suffirait à enrayer les effets négatifs de ce texte. Contrairement à ce que j’ai entendu, ce ne serait ni complexe ni discriminatoire.

En première lecture à l’Assemblée nationale, vous avanciez des arguments d’ordre idéologique, au sens tout à fait positif de ce terme, et humain : l’importance de la solidarité nationale et l’investissement sur l’emploi plutôt que l’aide sociale. Depuis lors, une année a passé, une crise sanitaire et un changement de gouvernement sont passés par là.

Aujourd’hui, nous entendons également des arguments de nature budgétaire. Certes, les personnes en situation de handicap bénéficient d’abattement, mais vous savez comme nous que tout est plus cher quand on est en situation de handicap : les études, les déplacements, la vie quotidienne, l’équipement informatique, ou encore l’immobilier. L’émancipation par le droit commun ne se limite pas au travail et à la scolarisation : c’est aussi de pouvoir vivre décemment.

Alors, madame la secrétaire d’État, lors de la Conférence nationale du handicap, en février 2020, le Président de la République a déclaré : « Ce que nous poursuivons n’est pas de ne pas s’occuper ou de moins s’occuper de ces Françaises et de ces Français, au contraire. » En voici l’occasion ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les articles 2 et 3 affirment la solidarité nationale par rapport à la solidarité familiale en supprimant la prise en compte des revenus du conjoint pour l’obtention de l’AAH à taux plein.

Je voudrais rappeler que cette allocation a été créée en 1975 par le gouvernement de Jacques Chirac ; elle bénéficie à 1,2 million de personnes, pour un coût de 11 milliards d’euros. La prise en compte des revenus du conjoint peut entraîner, comme cela a été expliqué, une diminution importante des revenus, jusqu’à la suppression de cette allocation. C’est l’expression de la solidarité familiale, qui peut entraîner une relation de dépendance financière vis-à-vis du conjoint, ce qui est source de violence, même si celle-ci n’est pas toujours financière.

Les études réalisées montrent aussi que les modifications apportées par cette proposition de loi, dans sa version originale, peuvent créer des perdants : Mme la secrétaire d’État a affirmé que 44 000 couples en pâtiraient, voire 125 000 en cas de suppression de la majoration de plafond pour enfant à charge. Ces ménages subissent un réel préjudice.

Je voudrais donc rendre hommage à notre commission des affaires sociales et à son rapporteur, qui ont rééquilibré ce texte. Le retrait du calcul des revenus du conjoint du calcul va coûter entre 560 millions et 2 milliards d’euros, selon les projections. Je rejoins Olivier Henno : on ne pourra pas individualiser l’ensemble des prestations, du fait de la nécessité de contrôler les dettes publiques.

Il convient aussi de proposer une transition pour les bénéficiaires de l’AAH qui pourraient perdre des revenus du fait d’une déconjugalisation des prestations. Surtout, à l’article 3, la commission a rétabli le plafonnement du cumul des prestations de l’AAH avec les ressources personnelles du bénéficiaire, puisque sa suppression coûtait 20 milliards d’euros.

Je rends donc hommage à notre rapporteur Philippe Mouiller, dont le travail a produit ce texte équilibré.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Article 3 bis (nouveau)

Article 3

Le premier alinéa de l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Les mots : « et, s’il y a lieu, de son conjoint, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité » sont supprimés ;

2° Les mots : « est marié, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité et » sont supprimés.

Mme la présidente. La parole est à M. Mickaël Vallet, sur l’article.

M. Mickaël Vallet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite m’exprimer sur l’amendement que j’ai déposé afin de compléter l’article 3 de cette proposition de loi. J’entends ainsi combler une faille de ce texte, dont je soutiens par ailleurs le principe général.

Si cette proposition de loi est adoptée, elle mettra fin à une inégalité qui voyait le bénéficiaire de l’AAH dépendre des revenus de son époux pour le calcul du montant de cette allocation pendant le mariage ; c’est bien ainsi.

Néanmoins, on ne peut pas raisonner en considérant simplement l’avant, le pendant, et l’après-mariage. Il existe un autre temps encore, celui de la transition entre la séparation de fait d’époux toujours mariés en droit, mais engagés dans une procédure de divorce, et l’obtention d’un jugement de divorce définitif.

Concrètement, de quoi est-il question ? Un couple marié décide de se séparer. L’un des deux conjoints est bénéficiaire de l’AAH et a moins de revenus que l’autre ; il s’agit presque toujours, évidemment, de l’épouse. Chacun prend un logement distinct ; ils passent devant le juge pour obtenir une ordonnance de non-conciliation, situation aujourd’hui on ne peut plus fréquente.

Parmi les mesures à la disposition du juge en cas de disparité de revenus entre époux figure la pension de secours, filet de sécurité indispensable et très utilisé. Cette pension permet au conjoint percevant un moindre revenu de ne pas être dépendant des revenus de son époux pour traverser la période transitoire jusqu’au divorce dans les moins mauvaises conditions possible.

Le juge se trouve pourtant privé de la possibilité pratique d’accorder à l’épouse bénéficiaire de l’AAH la pension de secours à laquelle elle a droit, car cette pension entre dans le calcul de l’AAH, ce qui est assez ubuesque du point de vue de l’usager. L’épouse bénéficiaire de l’AAH qui divorce doit donc quasiment choisir entre demander une pension de secours et conserver son AAH, alors que cette pension et cette allocation ne remplissent pas les mêmes fonctions et sont toutes les deux indispensables.

L’adoption de l’amendement n° 4 permettrait à la proposition de loi de produire ses pleins effets pendant toute la durée du mariage. Cela permettrait à une bénéficiaire de l’AAH de ne pas dépendre de son époux dans la période allant de l’ordonnance de non-conciliation au divorce définitif, alors que cette période et les injustices qui peuvent en découler peuvent durer des années. Nous pouvons mettre fin à cette inégalité ; cet amendement le permet. Je vous remercie par avance.

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. M. Vallet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après le premier alinéa du même article L. 821-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les ressources de l’intéressé tirées des créances d’aliments qui lui sont dues au titre des obligations instituées par les articles 203, 212, 214, 255 et 371-2 du code civil, ainsi que de la prestation compensatoire due au titre de l’article 270 du même code, sont exclues du montant des ressources servant au calcul de l’allocation dans la limite d’un plafond fixé par décret. »

La parole est à M. Mickaël Vallet.

M. Mickaël Vallet. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Mouiller, rapporteur. Cet amendement tend à retirer de l’assiette des revenus pris en compte pour calculer l’AAH les créances nées des liens du mariage : pension alimentaire, participation aux charges du foyer, ou encore prestation compensatoire après un divorce.

L’argument peut surprendre : alors qu’on présentait l’AAH conjugalisée comme un obstacle à la vie en couple, voilà qu’elle apparaît aussi empêcher le divorce ! On comprend cependant l’intention de l’auteur, qui veut retirer à l’AAH son caractère subsidiaire à certaines ressources, dont celles qui peuvent naître, en cas de divorce, du manquement aux obligations qu’un conjoint a envers l’autre. L’idée est que l’AAH devrait être une allocation compensant un état et ne devrait donc pas donner lieu à interférence avec la perception d’autres ressources.

Il faudrait toutefois distinguer les logiques de ces différentes créances. La pension versée en application du devoir de secours vise le conjoint qui se retrouverait dans le besoin. La logique étant proche de celle de l’AAH, il n’est pas absurde que les deux prestations ne soient pas cumulables.

La prestation compensatoire vise quant à elle à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, sauf qu’elle n’est en principe pas prise en compte dans le calcul de l’AAH, parce qu’elle n’est pas imposable, dès lors qu’elle est versée dans les douze mois suivant le prononcé du divorce. Elle peut donc en principe être cumulée avec l’AAH, ce qui satisfait l’amendement.

De ce fait, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur, vous demandez que les pensions que pourrait recevoir un bénéficiaire de l’AAH en application du code civil soient exclues des ressources prises en compte pour le calcul de cette allocation, ce qui aurait pour objet de faciliter les séparations.

Je tiens d’abord à signaler que ces pensions peuvent être de nature différente. Elles ne concernent pas seulement les prestations alimentaires, les pensions alimentaires, ou les prestations compensatoires entre ex-conjoints, mais aussi les versements effectués par les parents pour venir en aide à leurs enfants.

Vous savez combien je suis attentive à protéger les droits des personnes en situation de handicap et, en particulier, des femmes victimes de violence, mais la solution que vous proposez ne me semble pas traiter le problème bien réel de la non-perception des pensions alimentaires ou des prestations compensatoires. Des dispositifs existent qui permettent aux caisses d’allocations familiales de procéder au recouvrement des sommes dues dès le premier impayé, ou encore de verser une allocation de substitution à la pension alimentaire de 115 euros.

Il nous faut maintenant nous assurer que ces femmes fassent valoir pleinement leurs droits. C’est pourquoi j’ai lancé des travaux portés par des acteurs de terrain afin de pouvoir identifier des leviers réellement opérants pour un accompagnement adapté et le plus protecteur contre l’emprise dont elles peuvent faire l’objet. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Articles additionnels après l’article 3 bis

Article 3 bis (nouveau)

Jusqu’au 31 décembre 2031, toute personne qui, à la date de la promulgation de la présente loi, a des droits ouverts à l’allocation aux adultes handicapés peut, à sa demande et tant qu’elle en remplit les conditions d’éligibilité, continuer d’en bénéficier selon les modalités prévues aux articles L. 821-1 et L. 821-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à cette date. – (Adopté.)

Article 3 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Article additionnel après l'article 3 bis - Amendement n° 2 rectifié

Articles additionnels après l’article 3 bis

Articles additionnels après l’article 3 bis
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Article additionnel après l'article 3 bis - Amendement n° 1 rectifié bis

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le versement de l’allocation aux adultes handicapés doit se faire sur un compte bancaire individuel au nom de l’allocataire. »

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Afin d’éviter le versement sur un compte joint, qui pourrait priver la personne en situation de handicap de l’autonomie de gestion de ses ressources, ce qui constitue un facteur de dépendance supplémentaire, il est proposé de rendre obligatoire le versement de l’AAH sur un compte bancaire individuel au nom de l’allocataire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Mouiller, rapporteur. Cet amendement vise à obliger la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à verser l’AAH sur le compte bancaire individuel du bénéficiaire. Il s’agit d’éviter qu’une éventuelle dépendance d’un allocataire de l’AAH vis-à-vis de son conjoint ne soit accrue par l’impossibilité de disposer à sa guise de son allocation.

On comprend les motivations de l’auteur de cet amendement. Toutefois, la CNAF peut déjà verser la prestation sur un compte individuel, puisqu’elle le fait sur le compte que le bénéficiaire aura indiqué. Il n’est sans doute pas opportun d’en faire une obligation ; certains allocataires préfèrent d’ailleurs sans doute que l’AAH soit versée sur un compte joint. Nous avons consulté sur ce point les associations du monde du handicap, qui sont mitigées quant à une telle obligation.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Votre amendement, madame la sénatrice, vise à conditionner le versement de l’AAH à l’ouverture d’un compte bancaire individuel au nom du bénéficiaire. Son objet est de garantir l’autonomie financière de l’allocataire.

Cependant, je tiens à vous rappeler qu’il est d’ores et déjà possible pour un allocataire de demander que sa prestation soit versée sur son compte bancaire personnel et que cette demande peut être faite à tout moment. Cet amendement me semble donc inutile, d’autant qu’il pourrait aller à l’encontre de la décision prise d’un commun accord par la personne bénéficiaire de l’AAH et son conjoint de partager le compte bancaire.

Je suis bien sûr, comme vous, très attachée à la libre disposition par les allocataires de leurs prestations et très sensible à la situation des femmes en situation de handicap victimes de violences conjugales. Je pense toutefois que la solution réside davantage dans le renforcement de l’accompagnement de ces femmes, pour leur permettre de mener à bien leurs démarches en matière de compte bancaire comme de logement ou d’accès aux droits. C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 bis - Amendement n° 2 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Article 4 (Texte non modifié par la commission)

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mmes Meunier et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant l’impact de l’application de la présente loi sur les personnes dont la levée du plafond de couple pour le droit à l’allocation aux adultes handicapés fait baisser leur niveau de ressources. Ce rapport présente les modalités possibles d’adaptation pour remédier à cela.

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Je présente cet amendement sans illusion, puisqu’il s’agit d’une demande de rapport et que je connais le sort de ces demandes au Sénat.

Cet amendement vise donc à demander un rapport qui évalue l’impact réel de l’application de cette proposition de loi et nous fasse connaître dans le détail la source et le mode de calcul des chiffres annoncés par Mme la secrétaire d’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Mouiller, rapporteur. L’auteur de cet amendement a déjà évoqué notre position sur les demandes de rapport, qui explique l’avis défavorable de la commission.

En tout cas, il est certainement urgent de remettre sur la table les évaluations et les calculs. On voit bien qu’on manque aujourd’hui d’outils statistiques précis. C’est un message que nous devons porter dans cet hémicycle et auprès du Gouvernement, afin de pouvoir disposer d’éléments tangibles d’analyse et, surtout, d’avoir la capacité réelle d’aborder le futur projet de loi sur l’autonomie avec des instruments de travail efficaces.

Au-delà d’un tel rapport, je propose donc que la commission des affaires sociales se saisisse de ces enjeux le plus rapidement possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. L’examen de cet amendement souligne une nouvelle fois que nos discussions ne s’appuient pas sur une évaluation partagée par l’ensemble des acteurs et prenant en compte les conséquences réelles pour nos concitoyens de la réforme que vous proposez. C’est un vrai enjeu de société que de travailler à l’amélioration de ces dispositifs et de cette connaissance ; nous devons y travailler. Cela dit, en l’occurrence, je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. J’entends bien la position du Gouvernement. D’ailleurs, dans votre intervention en ouverture de la discussion générale, vous nous avez annoncé que vous alliez travailler à essayer de bien évaluer les différents dispositifs afin d’aller dans un sens positif pour les personnes en situation de handicap.

Mais j’ai quand même un doute. En effet, madame la secrétaire d’État, vous nous aviez déjà dit la même chose en 2018 : vous avez évoqué la nécessité d’une étude d’impact pour refuser la proposition de loi de notre collègue députée Marie-Georges Buffet. Ce n’était peut-être pas vous-même qui aviez donné cet argument, mais c’était en tout cas un membre du Gouvernement. La même chose s’est produite au Sénat : quand nous avons déposé notre proposition de loi sur ce sujet en 2018, le Gouvernement nous a opposé le besoin de mener une étude d’impact. Et la même chose s’est produite en commission !

Alors, entre 2018 et 2021, ce n’est pas un scoop de le dire, mais trois ans se sont écoulés ! Alors, pour faire une étude d’impact, il me semble que vous avez eu le temps. Je pense quand même que, si les études d’impact sont effectivement des éléments importants, l’initiative parlementaire existe aussi.

Des avancées considérables ont été apportées à la proposition de loi initiale, de manière à prendre en compte les perdants ; cela a été notre souci sur toutes les travées de cette assemblée. Je trouve dommageable que l’on demande encore du temps pour des études d’impact : du coup, ce sont les personnes en situation de handicap qui en souffrent.

Une délégation de sénatrices et de sénateurs, constituée largement, mais pas uniquement, de membres de notre groupe, s’est rendue devant le Sénat tout à l’heure pour y rencontrer des manifestants très soucieux de l’individualisation de cette allocation. Nous aimerions que les choses aillent nettement plus vite et que vous souteniez, madame la secrétaire d’État, les propositions qui sont faites dans cet hémicycle.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. C’est bien l’occasion, madame la secrétaire d’État, de se pencher sur l’ambiguïté du dispositif et sur la situation dans laquelle vous vous êtes mise en vous opposant à ce texte.

Je voudrais rappeler que cette allocation n’est pas un revenu universel, puisque le Président de la République l’a exclu du panier du revenu universel d’activité. Elle ne relève pas non plus de la cinquième branche de la sécurité sociale.

On peut donc se poser des questions tout à fait logiques quant à son financement. Relèvera-t-il du budget de l’État, ou bien, à travers cette cinquième branche destinée à prendre en charge les problèmes de dépendance, de handicap et de perte d’autonomie, du budget de la sécurité sociale ?

La présente proposition de loi est financée, en l’état, par les taxes sur le tabac. Cela ne va pas durer aussi longtemps que les contributions, on le sait bien, mais il faudra bien répondre à toutes ces questions ; vous ne l’avez pas encore fait.

En ce qui concerne l’impact financier de ce texte, j’ai eu une discussion très intéressante hier avec votre assistante parlementaire, madame la secrétaire d’État, qui me disait que l’impact du dispositif de transition pour les 44 000 personnes affectées négativement s’élèverait à 2 milliards d’euros. Ce chiffre n’a pas été évalué dans le détail ! Je vois M. le rapporteur opiner de la tête ; c’est bien qu’un certain nombre d’imprécisions demeurent.

Il est donc particulièrement difficile d’avancer en direction d’une prestation favorable au monde du handicap sans en mesurer exactement l’impact ni savoir sur quel budget cela pèsera.

C’est pourquoi, en tant que président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, je me demandais s’il ne conviendrait pas que nous menions une mission à ce sujet, mais je ne sais même pas, aujourd’hui, si cette allocation relève des comptes sociaux. Il est quand même assez extraordinaire qu’on ne puisse même pas proposer une mission d’évaluation de cette prestation ! Il faudra bien réussir, madame la secrétaire d’État, à préciser la place exacte de l’allocation aux adultes handicapés par rapport aux autres prestations sociales ou familiales, qu’elles dépendent du budget de l’État, de celui de la sécurité sociale, ou encore de celui des départements, sur lesquels elles ont un impact significatif.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. En effet, monsieur Savary, nous avons eu un début de discussion identique lors de l’audition.

Je réaffirme haut et fort que l’AAH est un minimum social, inscrit dans le budget de l’État. En tant que tel, il se doit d’être fiscalisé, conjugalisé et familialisé, comme toute allocation concernant les couples.

Si l’AAH a été évacué du RUA, c’est en raison de la contrepartie de reprise d’activité, dont les personnes en situation de handicap ne sauraient bénéficier. Tel était le sens de la parole forte du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap.

Quant à la PCH, elle est bien une prestation individuelle, sans condition de ressources, qui traite la situation de handicap.

J’espère ainsi clarifier les choses.

C’est d’ailleurs bien pour cette raison, madame la sénatrice, que l’État a redéployé 25 millions d’euros dans les systèmes informatiques des MDPH. La loi de 2005 n’est pas allée au fond en ce qu’elle a préservé l’autonomie des départements de choisir leur système informatique… Cela nous a fait perdre quinze ans ! Aujourd’hui, les départements disposent enfin d’un système informatique commun afin de partager les besoins et les moyens mis à disposition des personnes en situation de handicap.

Nous améliorerons encore la situation pour évaluer les aides octroyées et les besoins des personnes concernées !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Mouiller, rapporteur. Monsieur Savary, je concède que les évaluations de ce texte sont pour la plupart très complexes, mais celle qui est relative à l’impact sur les perdants est claire, car l’on connaît les montants qu’ils perçoivent. Nos travaux ont ainsi estimé l’impact à 140 millions d’euros : c’est très loin des 2 milliards d’euros évoqués ! Je tenais à le préciser.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 bis - Amendement n° 1 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 3 rectifié

Article 4

(Non modifié)

Au premier alinéa du I de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles, après la première occurrence du mot : « décret », sont insérés les mots : « qui ne peut être inférieure à 65 ans ».

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa du I de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’âge limite fixé par décret est réévalué tous les cinq ans après concertation avec les représentants des départements et en tenant compte des évolutions démographiques. »

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. L’article 4, dans sa rédaction actuelle, est porteur d’une grande complexité.

Celle-ci est d’abord logistique, du fait de la modification de l’article L. 245-1 du code l’action sociale et des familles et de l’ajout d’une limite à celle fixée par décret, de façon explicite.

La complexité est aussi administrative, comme l’a souligné M. le rapporteur. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a admis que la gestion d’un droit d’option représente une lourdeur administrative pour les services chargés de l’instruction des prestations, notamment sur les territoires n’ayant pas mis en place de maison départementale de l’autonomie, assurant la gestion conjointe de l’APA et de la PCH. La concurrence entre ces deux prestations serait également source de complexité pour les usagers et leurs aidants.

Enfin, la complexité est aussi financière pour les départements, en raison du coût représenté par l’ajout de la limite à 65 ans, soit 20 millions d’euros, qui ne serait pas partiellement compensé par l’État.

En dépit de ces complexités, aucune concertation avec les départements n’a eu lieu, alors même qu’ils sont au premier plan de la mesure.

Nous proposons de pallier cette situation, en permettant que l’âge limite soit régulièrement réévalué. S’il n’était pas nécessaire de modifier l’âge déjà défini tous les cinq ans, celui-ci resterait le même. Il n’y aurait donc aucune nouvelle complexité pour les départements sans leur accord, ce qui n’est pas le cas dans la rédaction actuelle de l’article.

Cette réévaluation serait réalisée suite après une concertation avec les départements. Il est regrettable que soit prise une décision ayant un impact considérable, sans inclure les départements à la réflexion.

Cet amendement vise à assurer qu’à l’avenir, l’âge limite puisse évoluer afin de répondre au mieux aux situations des personnes handicapées, et de permettre aux départements d’être au cœur de la concertation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Mouiller, rapporteur. La plaidoirie de notre collègue manifeste une position particulièrement défavorable à cet article, et plus généralement à l’ensemble du texte.

M. Xavier Iacovelli. Vous m’avez mal écouté !

M. Philippe Mouiller, rapporteur. Lorsque nous avons travaillé sur le sujet, nous avons mené une concertation auprès des départements, nous leur avons demandé leur avis. Ils nous ont d’ailleurs fait remarquer, à cette occasion, qu’il s’agissait là d’une vieille revendication…

Nous avons fait réaliser avec la Drees une estimation, qui a été confortée par les départements. Elle a indiqué que le coût pouvait être fixé entre 5 et 20 millions d’euros – en augmentant la PCH et en diminuant l’APA.

Je crains que votre volonté de simplification n’ajoute en fait une certaine complexité. Le vrai sujet concernant la PCH est la notion de « parcours de vie », l’étape suivante étant de prendre en considération les besoins de la personne, quel que soit son âge. Il y a donc cet arbitrage sur l’accompagnement.

J’insiste : le système intermédiaire que vous proposez apporterait encore plus de complexité.

En revanche nous sommes d’accord sur l’urgence d’un texte sur l’autonomie, afin que l’on puisse mener une concertation avec les départements pour la prise en charge des personnes concernées – c’est un point essentiel !

L’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de porter par votre amendement la voix des départements.

Au titre des politiques du handicap, champ dans lequel l’État agit en coresponsabilité avec les départements, je défends une démarche systématique de concertation et d’entente sur les objectifs. En témoigne l’accord de méthode inédit entre l’État et l’Assemblée des départements de France (ADF), signé par le président Bussereau, qui a permis d’améliorer de façon significative le fonctionnement et la feuille de route des MDPH.

Je regrette également cette absence de concertation avec les départements, alors que la mesure adoptée représente à la fois une charge financière nouvelle et une source importante de complexité pour les usagers, leur famille et les services chargés de les orienter dans les démarches.

Ce nouveau dispositif instaurant un droit d’option entre PCH et APA pour les publics de 60 à 65 ans aurait évidemment dû faire l’objet d’une beaucoup plus grande concertation.

Dans cet état d’esprit, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée pour veiller aux intérêts des collectivités.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Nous sommes tous ici défenseurs de nos départements. La seule chose qui nous intéresse est de replacer la personne handicapée au sein du dispositif, quel que soit l’individu qui paye les prestations. C’est un sujet très intéressant.

Même si nous portions l’âge limite à 65 ans – un individu bénéficiant d’une PCH va vers la dépendance par le biais de l’APA – ne changera pas les choses ! Une barrière d’âge sera toujours une barrière ! En outre, la personne reste identique : à la veille de son anniversaire, elle a le même handicap, qui le lendemain devient une dépendance… Ce n’est pas concevable !

Il faut, madame la secrétaire d’État, une meilleure articulation entre ces types de prestation et simplifier la vie des personnes en situation de dépendance.

Avec les moyens numériques, les demandes sont les mêmes : foyer, lieu d’habitation, revenus, etc. Il y a, en l’état, un panel administratif extraordinaire dont la France a l’habitude… Or les personnes concernées doivent pouvoir passer d’une prestation à l’autre sans barrière ! C’est l’occasion de travailler non pas sur une concurrence, mais sur un rapprochement sur l’instruction de ces deux prestations, de façon à améliorer le service rendu.

On ne peut pas dire qu’aucune concertation n’ait eu lieu. Les départements, bien évidemment, sont au courant de cette prestation ! Certains d’entre eux y sont favorables tandis que d’autres n’y sont pas encore prêts.

Qu’il y ait ou non une maison départementale de l’autonomie, l’important est d’aller vers un rapprochement de l’instruction des prestations. On pourrait penser qu’il y a un choix. Même s’il existe deux instructions, ce sont les mêmes éléments. Les moyens digitaux, quant à eux, permettront de déterminer la réponse financière adéquate à l’une ou l’autre des prestations.

La formule, bien qu’elle ne soit pas encore idéale, doit contribuer à la réflexion afin d’améliorer le dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. L’article 4 prévoit de relever la barrière d’âge pour solliciter la PCH, améliorant ainsi la couverture des besoins des personnes de plus de 60 ans éligibles à l’APA.

Je suis d’accord avec M. Savary : il faut s’efforcer de rapprocher l’instruction des deux prestations !

La PCH est une aide versée par le département qui permet de rembourser les dépenses liées à la perte d’autonomie. Cinq types d’aide sont disponibles : aide humaine, aide technique, aide pour l’aménagement du logement, aide pour compenser le surcoût des transports et aide concernant les charges spécifiques.

Je rappelle qu’après 60 ans, la PCH ne pouvait être réclamée par une personne porteuse de handicap, sauf si ce dernier existait avant la limite d’âge. Dans ce cas, la demande pouvait être portée jusqu’à 75 ans. La loi du 11 février 2005 prévoyait déjà, dans un délai de cinq ans, de faire évoluer la limite d’âge.

La PCH est a priori plus avantageuse que l’APA. Je suis favorable à ce que l’on porte la limite d’âge à 65 ans, et le dispositif doit sûrement être rapproché de l’APA. Mais cela a un coût : une compensation de l’État au bénéfice des départements est donc nécessaire, ainsi que, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, un accord des conseils départementaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. Sur la question de la complexité, je me suis contenté de reprendre les éléments de votre rapport, monsieur Mouiller !

Notre collègue Savary a raison de souligner la complexité du dispositif. D’où l’importance d’avoir une vraie concertation avec l’ensemble des départements et les associations concernées, afin d’aboutir à un système plus simple pour les usagers et moins contraignant. Le dispositif ne saurait être une source de complexité administrative pour les départements, vu leur situation actuelle !

Je maintiens donc mon amendement et vous invite à l’adopter.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Article 5

Article additionnel après l’article 4

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Savin, Mmes L. Darcos et Schalck, MM. Hugonet et Détraigne, Mme Berthet, MM. Bonnus, Laugier, Levi et D. Laurent, Mme Loisier, M. Regnard, Mme N. Delattre, MM. Houpert et Bonne, Mme Joseph, MM. Burgoa, Pellevat et B. Fournier, Mmes Dumas, Chauvin et Malet, MM. Charon, Perrin et Rietmann, Mme Dumont, MM. A. Marc, Pointereau et Vogel, Mmes Raimond-Pavero, Lassarade, Belrhiti et Richer, MM. Darnaud et Lefèvre, Mme Deromedi, M. Menonville, Mme M. Mercier, M. Babary, Mme Demas, MM. Savary, Bas et Dallier, Mmes Drexler et Puissat, M. Guerriau, Mme Lopez, MM. Mandelli, Husson, Bouchet et Klinger, Mmes Billon et Garriaud-Maylam, M. Laménie, Mmes Gosselin et Jacquemet, M. Wattebled, Mmes Doineau et Ventalon et MM. E. Blanc, Cambon, Hingray et P. Martin, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 245-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - les primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux paralympiques. » ;

2° Le second alinéa de l’article L. 344-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce minimum ne tient pas compte des primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux paralympiques. » ;

3° Après la première phrase du 1° de l’article L. 344-5, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ce minimum ne tient pas compte des primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux paralympiques. »

II. – Après le premier alinéa de l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les ressources de l’intéressé tirées des aides ponctuelles attribuées par l’Agence nationale du sport et des primes liées aux performances versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux paralympiques sont exclues du montant des ressources servant au calcul de l’allocation. »

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Cet amendement tend à exclure les primes versées par l’État aux sportifs de l’équipe de France médaillés aux jeux Paralympiques du calcul du plafond de ressources d’attribution des différentes prestations sociales versées aux personnes en situation de handicap : AAH, prestation de compensation du handicap et forfait journalier en cas de séjour dans un établissement médico-social.

Cet amendement vise également à exclure les aides ponctuelles attribuées par l’Agence nationale du sport (ANS) du calcul du plafond de ressources d’attribution de l’AAH. Dans le cadre du soutien aux sportifs de haut niveau, l’ANS verse des aides ciblées à certains sportifs pour contribuer à leur préparation sportive et soutenir leur performance, notamment dans la perspective des jeux Paralympiques. Or certains bénéficiaires de ces aides ponctuelles, dès lors qu’ils les reçoivent, sont privés de l’AAH.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Mouiller, rapporteur. Cet amendement tend à retirer les primes de performances des sportifs paralympiques de l’assiette des ressources prises en compte pour le calcul de l’AAH. Ces dispositions se contentent de codifier plus précisément l’intention du législateur, figurant à l’article 90 du collectif budgétaire pour 2012, lequel prévoyait l’exclusion de ces primes des revenus pris en compte pour l’attribution des prestations, en espèces ou en nature, versées aux personnes du fait de leur handicap.

L’amendement ajoute que les aides ponctuelles de l’ANS, elles aussi, sont exclues de la base de calcul de l’AAH, l’article 40 empêchant de faire de même pour les autres dispositifs – PCH ou forfaits journaliers.

Dans la mesure où cet amendement correspond à notre motivation, la commission émet un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement salue les compétences et le rôle de modèle des athlètes paralympiques, qui donnent à voir à nos concitoyens la situation de handicap sous un angle différent.

Il n’est cependant pas envisagé de permettre l’exclusion de ces primes et aides ponctuelles des ressources prises en compte pour le calcul de l’AAH ou des autres prestations. C’est une question d’équité de traitement entre les bénéficiaires dans la prise en compte de leurs revenus, qu’ils soient issus de leur exploit sportif ou d’autres activités.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. Aujourd’hui les ressources des personnes handicapées ne sont pas mirobolantes. Sachant l’effort fait par l’ANS, et voulu par le Gouvernement, de soutenir les athlètes paralympiques, il est regrettable que ces derniers se retrouvent pénalisés : chaque fois que le plafond sera dépassé, ce sera autant de ressources en moins.

Je le déplore d’autant plus qu’il s’agit d’un public qui connaît déjà beaucoup de difficultés !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 3 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Article 6

Article 5

(Suppression maintenue)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 6

(Non modifié)

I. – La perte de recettes et la charge pour l’État résultant de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – La charge pour les collectivités territoriales résultant de la présente loi est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale résultant de la présente loi est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Madame la secrétaire d’État, le handicap ne se partage pas ! Aujourd’hui, les individus concernés endurent une triple peine : leur handicap, l’impossibilité de percevoir une allocation au motif qu’ils vivent avec une personne ayant un revenu, et le montant de ce revenu, qui, somme toute, n’est pas mirobolant.

Autant nous sommes d’accord pour qu’un certain nombre de prestations dépendent du revenu, même des allocations différentielles, autant celles-ci doivent être améliorées, car elles sont liées à un état de fait à laquelle la personne ne peut strictement rien. Je sais que vous êtes pleinement investie dans votre mission, je ne vous apprends donc pas grand-chose.

Vous avez évoqué la situation financière des départements – c’est une évidence ! S’agissant des allocations individuelles en général, l’État, depuis que le dispositif a été mis en place, et quels que soient les gouvernements, ne tient pas sa parole. C’est donc une question qu’il faut revoir dans son intégralité !

Entre le vote qui a eu lieu à l’Assemblée nationale, et celui qui va intervenir, ici même, dans quelques instants, l’espoir de toutes les personnes qui se sont mobilisées est aujourd’hui considérable. Nous sommes persuadés que vous en êtes parfaitement consciente. Il faudrait que nous avancions sur le sujet avant la fin de ce quinquennat, mais pas sur des seuls rapports ! Nous devons trouver des financements !

Je suis certaine que, même au sein du Gouvernement, tout le monde comprend le bien-fondé de cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. En mars 2018, Marie-George Buffet, alors députée communiste, dépose une proposition de loi transpartisane, votée par l’Assemblée nationale ; le 24 octobre 2018, le groupe CRCE dépose au Sénat une proposition de loi similaire : elle n’est pas votée. Nous n’osons imaginer que, si vous n’avez pas voté en faveur ce texte, mes chers collègues, c’est parce que nous sommes communistes, et que nos propositions de loi sont toujours ici rejetées.

M. Alain Richard. Ils nous inspirent une telle terreur ! (Sourires sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Aujourd’hui, vous déposez un texte complètement semblable au nôtre. Mais contrairement à vous, nous ne sommes pas dogmatiques : nous voterons donc en faveur du texte, car seule nous importe la demande des gens que nous avons entendue lorsque mes collègues Laurence Cohen, Céline Brulin et moi-même sommes allées à la rencontre des associations, devant la porte du Sénat. Celles-ci espéraient que nous adoptions ce texte, car trop de temps déjà a été perdu.

Je déplore, en effet, que nous ayons ainsi gâché deux ans et demi, notre texte ayant pu être adopté dès 2018. Mais, comme le dit l’un de mes amis, « le passé est un œuf cassé, le présent est un œuf qui couve ».

L’AAH est de 900,70 euros par mois – c’est très peu ! Personne ne l’a rappelé ici… Il nous faut aujourd’hui voter ce texte, car les personnes en situation de handicap ne disposant que de 900 euros, victimes des revenus du conjoint, comptent avant tout. (Mmes Laurence Cohen et Victoire Jasmin applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour explication de vote.

M. Antoine Lefèvre. Je suis heureux de pouvoir exprimer les raisons de mon vote, et notre satisfaction de voir cette proposition de loi bientôt adoptée. Celle-ci regroupe une série de bonnes mesures, prenant en compte, grâce à notre rapporteur, tous les cas de figure et leurs conséquences qui avaient été ignorées par nos collègues de l’Assemblée nationale.

Ces précisions nécessaires permettent une véritable autonomie financière, et de donner ainsi une plus grande dignité à nos concitoyens frappés de handicap, ne pouvant, de ce fait, exercer une activité professionnelle.

En individualisant le calcul de l’AAH, nous réaffirmons la primauté de la solidarité nationale sur la solidarité familiale, ainsi que le principe d’autonomie, fondement même de la philosophie de cette allocation, qui n’est pas à compter parmi les minima sociaux.

Quinze ans après l’adoption de la grande loi sur le handicap, le 11 février 2005, l’adoption de ces mesures de justice sociale concrètes est particulièrement attendue par les associations et nos concitoyens.

Je salue également la décision de ne pas diluer l’AAH dans le futur RUA, comme cela a été craint par beaucoup – j’en faisais moi-même partie !

Compte tenu de ces avancées, je voterai en faveur de cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.

Mme Nassimah Dindar. J’ai confiance en votre action au profit des porteurs de handicap, madame la secrétaire d’État ! Vous êtes venue à La Réunion, et avez visité un certain nombre de structures, dont la MDPH et les associations. Je vous ai entendue dans toutes vos interventions, et sais que vous avez agi, et agirez encore, en faveur des personnes handicapées. Je suis donc persuadée que vous êtes favorable à cette proposition de loi.

Je tiens à saluer le travail accompli par le rapporteur et l’ensemble de la commission des affaires sociales.

Vous vous rappelez certainement avoir croisé, ici même, Ahmed, ce jeune stagiaire porteur de handicap. Alors qu’il partage sa vie avec une personne également handicapée, il vous avait fait savoir qu’il n’utiliserait pas les revenus de sa conjointe, contrairement à ce que tant d’hommes auraient fait, laissant ainsi les femmes dans une situation de grande précarité…

Je fais partie des personnes qui pensent que l’AAH n’est pas un revenu minimum, et qu’il n’y a pas de plafond. Je suis donc pour la non-prise en compte des revenus du conjoint pour son attribution.

Madame la secrétaire d’État, restez celle qui aide les personnes ayant besoin d’un autre regard sur leur handicap !

Je suis plus que favorable à ce que cette proposition de loi soit adoptée à l’unanimité ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Cela fait maintenant quatre ans que je me bats pour les droits des personnes en situation de handicap. Permettez-moi de rappeler quelques droits nouveaux que nous leur avons ouverts : le droit de vote pour les majeurs protégés sous tutelle, leur permettant d’être des citoyens à part entière ; le droit à vie, pour que les personnes souffrant de handicap n’aient plus à prouver leur condition ; les droits à la parentalité, les personnes handicapées pouvant bénéficier depuis le début de l’année de 900 euros dès la naissance d’un enfant handicapé, et de 1 200 euros d’aide technique. Voilà des droits réels !

Les personnes en situation de handicap sont des citoyens à part entière, mais ils ne le seraient plus si nous les excluions du droit commun de la fiscalisation des revenus. On ne peut pas en même temps demander à être dans le droit commun et avoir des dérogations permanentes !

Je préfère soutenir ces personnes par la transformation de l’accompagnement et la création d’un droit au logement, grâce à l’aide à la vie partagée, d’un montant de 8 000 euros, financée par la CNSA et les départements.

Cette politique efficace d’accompagnement soutient la pleine citoyenneté des personnes handicapées. Cessons de les regarder à travers leur handicap, c’est ce qu’elles nous demandent aujourd’hui !

Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à votre texte, en l’état.

En revanche, je souhaite renforcer le travail avec les départements, dans un cadre propre à faire cesser ces limites d’âge. Il est impératif de sécuriser le parcours des personnes en situation de handicap ! (M. François Patriat applaudit.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Permettez-moi de vous remercier, madame la secrétaire d’État, même si nous savions que nous serions en désaccord sur ce texte. Je salue l’action que vous menez depuis plusieurs années au profit des personnes en situation de handicap ; nous la reconnaissons tous, et partageons d’ailleurs avec vous un certain nombre de positions.

Cette proposition de loi s’inscrit dans le contexte inédit des pétitions instituées par le président Larcher, il y a un an, sur lesquelles Pascale Gruny est chargée de faire une évaluation.

Je remercie également Philippe Mouiller, qui a su trouver le bon équilibre.

Pour répondre à nos collègues communistes, si nous n’avons pas repris votre texte, en l’état, c’est parce qu’il comportait des dispositions d’un coût important et risquait d’entraîner plusieurs effets pervers, notamment ceux de faire des perdants.

Le texte a depuis lors été retravaillé, et me semble avoir trouvé un bon équilibre. J’en remercie donc le rapporteur et tous ceux qui l’ont voté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale
 

6

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, que la suite de l’examen de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école soit inscrite à l’ordre du jour du mercredi 10 mars 2021, à l’issue de l’espace réservé au groupe RDPI et, éventuellement, le soir.

Acte est donné de cette demande.

7

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 10 mars 2021 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures trente à vingt heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, rénovant la gouvernance du service public d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe (texte de la commission n° 395, 2020-2021) ;

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant la fonction de directrice ou de directeur d’école (texte de la commission n° 406, 2020-2021).

À l’issue de l’espace réservé au groupe RDPI et, éventuellement, le soir :

Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant la fonction de directrice ou de directeur d’école (texte de la commission n° 406, 2020-2021).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER