Mme le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. Mes chers collègues, pour reprendre le terme de Laure Darcos, je me suis demandé un instant si je ne devenais pas un peu débile ! (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.)

À quel moment, en défendant mon amendement, ai-je donc proposé d’interdire l’instruction en famille ? J’ai cherché attentivement et je suis certain de ne rien avoir suggéré de tel, bien au contraire ! J’ai commencé mon argumentation en disant que l’instruction en famille avait toute sa justification. Elle doit rester possible ; dans certains cas, elle est même nécessaire.

Après avoir comparé les débats de la semaine dernière à ceux de cette semaine, je me suis également rassuré : je ne suis pas devenu complètement gaga ! (Sourires.)

La semaine dernière, certains disaient et répétaient : « L’école de la République doit être au cœur des débats : c’est au cœur de l’école de la République que l’on trouvera les réponses. » Aujourd’hui, les mêmes cherchent à m’expliquer ce qu’est l’école de la République, moi qui suis l’un de ses enfants ! Je n’aime pas parler de ma vie privée, mais je peux vous assurer que l’école de la République m’a sauvé d’une situation familiale que je qualifierai de spéciale.

Comment les arguments peuvent-ils basculer ainsi, d’une semaine à l’autre, dans un débat si important ?

Avant de voter, chacun doit se poser la question : oseriez-vous dire que l’école de la République n’a joué qu’un rôle mineur dans votre développement, dans votre construction ? Auriez-vous pu vous en passer, vous et vos enfants ?

Dans mon esprit, il n’est nullement question de remplacer l’enseignement en famille. En revanche – c’est ma conviction –, il faut remettre l’école de la République au cœur des débats et de l’instruction. Marianne ne s’incline pas devant la volonté d’un petit nombre ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref : je me suis déjà exprimé au début de la discussion générale et j’ai de nouveau pris la parole aujourd’hui. Toutefois, je ne peux pas laisser sans réponse les propos que je viens d’entendre.

Tout d’abord, comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, il y a quatre façons d’instruire les enfants en France – l’école publique, l’école privée sous contrat, l’école privée hors contrat et l’instruction en famille.

Contrairement à ce que j’ai entendu à de multiples reprises, nous n’avons jamais dit que nous voulions supprimer l’instruction en famille.

Monsieur le sénateur Paccaud, vous avez parlé de punition collective : moi je vous parlerai de copie hors sujet ! (Rires sur les travées des groupes SER et CRCE.)

J’ai constaté de nombreux hors-sujet au cours de ces débats ! J’ai le sentiment que l’on cherche à faire peur pour nous empêcher de mener une œuvre salubre, de nous attaquer à un véritable problème, qui constitue un angle mort de la République.

Monsieur le sénateur Brisson, vous m’invitez à être débonnaire à l’égard de la République. C’est un luxe que l’on ne peut pas se permettre quand on exerce ma fonction. Je ne suis pas du tout crispé : je suis simplement cohérent et, à l’instar de M. Rietmann, je vous invite tous à la cohérence.

J’entends parfois certains dire : « La laïcité, “mais”… » et parfois je vous sens à mes côtés – notamment vous, monsieur Brisson ! – quand je lutte contre cette tentation. Aujourd’hui, j’entends certains dire : « La République, “mais”… », ou « L’école de la République, “mais”… » M. le sénateur Rietmann a tout à fait raison de le souligner : quand on parle de l’instruction en famille, on parle en creux de l’école de la République. C’était d’ailleurs évident dans certaines interventions.

Oui, ce texte traite de l’école de la République : il est important qu’elle continue à rassembler le maximum d’enfants dans notre pays, même s’il y a évidemment différents moyens de le faire. Nous n’avons jamais – jamais ! – prétendu que l’instruction en famille devait disparaître.

Je ne reviendrai pas sur la question de la liberté.

Monsieur Retailleau, sur ces sujets, vous vous montrez toujours très sévère, même si l’on pourrait comparer l’action des différents gouvernements en examinant les libertés que les uns et les autres ont plus ou moins respectées dans différents champs. Quoi qu’il en soit, veillons à ne pas opposer la liberté aux libertés.

Certains l’ont dit éloquemment : on observe parfois des contradictions entre l’État de droit et ce que l’on peut appeler la société de droit.

L’État de droit suppose une cohérence du droit. Il suppose que la République soit soutenue par cette colonne vertébrale que constitue le commun. L’État de droit, ce n’est pas une multiplicité de droits, que chacun peut brandir à sa guise. À la fin, il ne resterait que la liberté du plus fort, une mobilisation habile permettant d’affirmer sa force économique ou juridique.

Si l’on veut maintenir la République bien droite, il faut se garder de ce perpétuel combat des droits. J’entends beaucoup de personnes se poser sans raison en victimes ou brandir leurs droits individuels face au commun.

Qu’il s’agisse de l’école de la République ou d’autres formes scolaires, l’école, c’est le commun, et nous avons besoin du commun. Si, lors de chaque débat, chacun prend position pour défendre les droits de tel ou tel secteur contre le Droit ou contre l’État de droit, alors c’est la République qui progressivement s’affaiblit.

À cet égard, la position que je défends n’est pas facile. Certains, qui ont pu m’attaquer sur tel ou tel sujet, me soutiennent ; d’autres, qui ont pu me soutenir, m’attaquent, y compris la sénatrice Gatel, qui a donné son nom à une loi importante, que j’ai soutenue fortement en son temps, précisément parce que j’obéissais à cette logique.

Aujourd’hui, indépendamment des partis politiques auxquels on appartient, on doit assumer sa responsabilité et, en l’occurrence, elle n’est pas mince.

J’y insiste, il ne s’agit pas de supprimer l’instruction en famille.

Ceux qui, en votant contre le rétablissement de l’article 21, poseront en défenseurs de toutes les formes d’instruction en famille, donc des familles qui la font bien, versent dans le meilleur des cas dans le hors-sujet et, dans le pire des cas, dans la démagogie !

Ce n’est pas ce que nous visons ! Ce n’est pas vrai et je le répète une nouvelle fois aujourd’hui : ce n’est pas ce que nous faisons ! Arrêtons de faire semblant de croire que nous visons à côté de la cible. Je n’ai cessé de dire que ce n’était pas le cas. (M. Olivier Paccaud proteste.) D’ailleurs, plusieurs orateurs l’ont rappelé.

En revanche, qu’en est-il du phénomène que nous visons bel et bien ? J’entends très bien la nécessité, rappelée à l’instant par M. Lafon, de protéger au mieux les libertés des familles dans le dispositif que nous retiendrons en définitive. Je l’affirme de nouveau : le régime d’autorisation est un régime de protection des libertés et des droits de l’enfant.

Madame Rossignol, merci de ce que vous avez dit à ce sujet : constater a posteriori que les droits d’un enfant ont été violés pendant des mois, c’est, d’une certaine manière, être complice de la situation. À l’inverse, en prévenant cette violation de droits, on sauvera davantage d’enfants. Quand bien même il y en aurait peu, ce peu-là m’importe beaucoup, et malheureusement il n’y en a pas peu.

J’entends aussi les diverses objections relatives au dénombrement. C’est tout à fait vrai qu’il existe un problème à cet égard, même si nous savons qu’environ 65 000 enfants sont instruits en famille. Nous savons aussi que ce chiffre a explosé depuis dix ans.

M. Max Brisson. Depuis deux ans !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous savons qu’il explose tout particulièrement – comme par hasard ! – dans les territoires comme le vôtre, madame Darcos, où le séparatisme fait rage.

Le séparatisme du plateau de Saclay n’est peut-être pas celui d’Évry, mais séparatisme il y a. On le constate sous d’autres angles ; et comme par hasard – je le répète –, c’est dans les endroits où l’instruction en famille se développe au maximum. On fait semblant de ne pas le voir afin de satisfaire d’autres groupes, qui font semblant d’être atteints par ce projet de loi alors qu’ils ne le seront pas ; et l’on se livre, à cet égard, à une sorte de calcul politique. Est-ce bien digne de la République ?

Monsieur Brisson, vous êtes soudain moins débonnaire ! En effet, on pointe comme une contradiction…

M. Max Brisson. Je pointe la contradiction dans vos propos ! Vous disiez le contraire l’année dernière !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. La laïcité sans « mais », c’est la République sans « mais » ; c’est la République intégrale, la liberté intégrale et l’école intégrale.

Nous en avons besoin, dans le respect des libertés. Non, nous ne mettrons pas fin à l’instruction en famille. En revanche, nous protégerons les droits de l’enfant autant que nous le pourrons et, ce faisant, nous protégerons la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et SER.)

Mme le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.

M. Jacques-Bernard Magner. Ce sujet aura été largement débattu, mais nous nous y attendions, car c’est un volet important de ce projet de loi.

Sur les travées du groupe socialiste et, plus largement, de la gauche, nous avons déjà eu l’occasion de gérer les affaires de l’éducation nationale et nous n’avons jamais proposé de revenir sur l’éducation en famille. Ainsi, en 2013, la loi pour la refondation de l’école de la République a laissé les choses en l’état.

Toutefois, depuis lors, la situation a évolué – de nombreux orateurs l’ont rappelé – et si, à l’issue de ce débat, l’on ne votait pas le rétablissement de l’article 21, c’est l’école qui y perdrait. Un tel vote signifierait que l’on donne la victoire à ceux qui, aujourd’hui, sont minoritaires.

Certes, l’instruction en famille est jugée nécessaire pour un certain nombre de familles, mais elle est prévue par dérogation. Or l’école mérite désormais que l’on instaure un système d’autorisation. Nous dirons de même au sujet des établissements scolaires hors contrat ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, malgré votre force de conviction, je ne partage pas votre point de vue. À mon sens, votre texte porte une atteinte grave à la liberté de l’enseignement (Exclamations sur les travées du groupe SER), et en particulier à la liberté d’enseigner en famille.

Je ferai l’analogie avec la loi anti-casseurs. Il y a cinquante ans, le Conseil constitutionnel a censuré ce texte – c’était sa première grande décision protectrice des libertés – au nom de la liberté d’association. On passait alors d’un régime déclaratif, ce qui est le cas pour l’enseignement en famille, à un régime qui s’apparentait – qui s’apparentait seulement ! – à un régime d’autorisation.

Aujourd’hui, il ne s’agit pas de créer l’enseignement en famille, comme vous l’avez laissé entendre : il existe déjà. Nous défendons la liberté de l’enseignement et, par cohérence, nous admettons cette faculté, que votre projet de loi remet bel et bien en cause.

Je vois bien qu’il y a des enjeux collatéraux qu’il faut absolument traiter. Je ne voudrais pas que des enfants de la République aillent à l’école coranique sous couvert d’être scolarisés à domicile ; mais c’est à vous de proposer les moyens d’éviter cette dérive sans pour autant remettre en cause une liberté fondamentale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 120 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission de la culture.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 101 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 114
Contre 225

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, je suis également saisie d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 103 rectifié. Puis-je considérer que le vote est identique sur cet amendement ? (Assentiment.)

En conséquence, l’amendement n° 103 rectifié n’est pas adopté.

De même, puis-je considérer que le vote est identique sur les amendements identiques nos 619 rectifié ter et 640 ? (Assentiment.)

Les amendements nos 619 rectifié ter et 640 ne sont pas adoptés.

Je mets aux voix l’amendement n° 526 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 527 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, l’article 21 est rétabli dans cette rédaction. (Murmures.)

Article 21 (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi confortant le respect des principes de la République
Article 21 bis A (nouveau)

Article additionnel après l’article 21

Mme le président. L’amendement n° 501, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 444-2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes privés d’enseignement à distance doivent avoir leur siège social sur le territoire national. »

La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Notre droit doit toujours permettre la liberté d’enseignement. Je me réjouis donc que nous ayons rejeté, en ne votant pas le rétablissement de l’article 21 dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, l’interdiction de l’instruction en famille, voulue par le Gouvernement et soutenue par la gauche.

En France, l’instruction en famille, à distance, aussi appelée école à la maison, est déjà encadrée par le code de l’éducation. Tous les ans, l’inspection académique vérifie le respect du droit de l’enfant à l’instruction et évalue l’acquisition progressive du socle commun de connaissances.

Tous les deux ans, les familles – en tout cas celles qui ne sont pas dans les zones de non-France – sont contrôlées par la mairie, qui se penche sur les raisons les poussant à choisir ce mode d’instruction. Ainsi, les contrôles existent et ils peuvent empêcher les dérives islamistes ; mais la réalité, c’est que, dans 98 % des cas, la conclusion est que l’instruction en famille est satisfaisante.

Monsieur le ministre, malgré vos affirmations, ce texte se trompe de cible ! D’ailleurs, à ma connaissance, aucun terroriste ni même prêcheur radical n’est le produit de l’école à la maison.

Au total, 60 000 enfants bénéficient aujourd’hui de ce mode d’instruction. Parmi eux, 20 000 suivent les cours réglementés du Centre national d’enseignement à distance (CNED).

Si l’on choisit l’instruction en famille, ce n’est pas pour se séparer, c’est avant tout pour sauver son enfant de la déliquescence de l’école publique, détruite par l’idéologie et le nivellement par le bas ; viennent ensuite d’autres raisons comme le handicap, la pratique d’une activité sportive ou artistique de haut niveau, l’éloignement géographique d’un établissement, mais aussi le harcèlement et la phobie scolaires.

Il convenait donc de laisser aux parents de tous ces enfants le libre choix de l’instruction en famille. Les chercheurs, professionnels de la santé, historiens et pédagogues sont tous du même avis.

Il faut dépasser les amalgames et les préjugés du Gouvernement : l’instruction en famille est d’un niveau exigeant, très exigeant, mais l’éducation nationale n’admet pas que l’on vienne contester son monopole dans la production industrielle d’échec scolaire.

Conforter le respect des droits fondamentaux des enfants, de la diversité et de la pleine liberté éducative, c’est aussi protéger notre État de droit !

Néanmoins, pour des questions évidentes de souveraineté et de contrôle, nous proposons, avec cet amendement, de rendre obligatoire la localisation en France des sièges sociaux des organismes privés d’enseignement à distance.

Mes chers collègues, cette disposition contraignante a pour objectif d’empêcher les influences étrangères dans l’instruction des enfants et d’éviter que l’enseignement à distance ne suscite la méfiance face à de potentiels excès. C’est pourquoi je vous invite à voter cet amendement de vigilance pour une meilleure liberté d’enseignement !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission de la culture ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, en préambule, je tiens à apporter une précision au sujet de l’article 21. Nous ne l’avons évidemment pas rétabli en totalité : le précédent vote a simplement validé l’amendement n° 527 rectifié ayant pour objet la formation des inspecteurs chargés d’effectuer les contrôles au sein des familles, mais la suppression de l’article 21, votée en commission, est bien confirmée.

Quant au dispositif proposé par M. Ravier, il est inopérant : le fait d’avoir son siège social en France n’empêche pas de diffuser des contenus produits à l’étranger. En outre, ces dispositions seraient tout simplement contraires au droit de l’Union européenne concernant la liberté d’établissement. La commission a donc émis un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 501.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)

Mme le président. La séance est reprise.

Article additionnel après l'article 21 - Amendement n° 501
Dossier législatif : projet de loi confortant le respect des principes de la République
Article additionnel après l'article 21 bis A - Amendement n° 209 rectifié

Article 21 bis A (nouveau)

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Après le 4° de l’article L. 131-2, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Mettre à la disposition des familles assurant l’instruction obligatoire conformément au premier alinéa du présent article ainsi que de leurs circonscriptions ou établissements de rattachement, dans le respect des conditions fixées à l’article L. 131-5 :

« a) Une offre numérique minimale assurant pour chaque enfant le partage des valeurs de la République et l’exercice de la citoyenneté, tels que prévus à l’article L. 111-1 ;

« b) Une offre diversifiée et adaptée pour les parents et les accompagnants des enfants instruits en famille ;

« c) Des outils adaptés et innovants de suivi, de communication, d’échanges et de retour d’expérience avec les familles assurant l’instruction obligatoire. » ;

2° Après le troisième alinéa de l’article L. 131-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Tout enfant instruit dans la famille est rattaché administrativement à une circonscription d’enseignement du premier degré ou à un établissement d’enseignement scolaire public désigné par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation. » ;

3° Après l’article L. 131-11, il est inséré un article L. 131-11-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-11-1. – Les personnes en charge d’un enfant instruit en famille qui ont satisfait aux obligations des contrôles effectués par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation prévus à l’article L. 131-10 après deux années complètes d’instruction en famille, bénéficient de la valorisation des acquis de leur expérience professionnelle, dont les modalités sont déterminées par décret conjoint des ministres chargés du travail et de l’éducation. »

Mme le président. L’amendement n° 641, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre, peut-être pour le retirer ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il s’agit d’un amendement de suppression, cohérent avec ce que j’ai dit précédemment à M. le rapporteur pour avis : je souhaite le maintien de l’ancien article 21 et de son régime d’autorisation, même si je salue le fait que vous cherchiez à en reprendre les points que vous considérez comme positifs.

Dans sa version initiale, l’article 21 traitait les points abordés dans l’article 21 bis A. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement de suppression.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission de la culture ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous nous soumettez une série d’amendements visant à supprimer dans différents articles du texte des dispositions pourtant issues de l’article 21 tel qu’il résultait des travaux de l’Assemblée nationale. Cet amendement en fait partie.

Ainsi, l’article 21 bis A prévoit l’accès des familles instruisant en famille au service public du numérique éducatif et à la validation des acquis de l’expérience professionnelle. Je m’interroge : alors que nous avons maintenu la suppression de l’article 21, article que vous souhaitez conserver, et que l’article 21 bis A, que j’ai proposé et qui a été adopté en commission, reprend une partie de ses dispositions, où est la cohérence ? Je ne comprends pas la logique de votre raisonnement. En supprimant l’article 21 bis A, on supprimerait en effet une nouvelle fois les dispositions que vous souhaitiez valider à l’article 21 ! J’aimerais vous entendre à ce sujet.

En tout état de cause, pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

Mme le président. Monsieur le ministre, c’est parce que cet amendement est devenu incohérent que je vous demandais à l’instant si vous comptiez le retirer.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je ne considère aucunement qu’il soit devenu incohérent, malgré la puissance de conviction du rapporteur pour avis.

J’ai voulu signifier que l’article 21 avait une cohérence d’ensemble et que je ne souhaitais pas qu’il soit réintroduit en pièces détachées, encore moins s’il en manque ! Je maintiens donc mon amendement de suppression.

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ma culture républicaine, j’ai vocation, par principe, à faire confiance à tous les fonctionnaires. Ainsi, lorsque le directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco) nous explique, lors de son audition au Sénat, que l’enseignement en famille est passé de 0,1 % à 0,5 % et que la moitié – la moitié ! – de cette hausse s’explique par des raisons religieuses, je lui fais confiance. C’est peut-être de la naïveté, mais c’est ma naïveté républicaine et je vis bien ainsi.

Je trouve insensé, mes chers collègues, que vous ayez été inflexibles, irréductibles, incorruptibles, pour défendre la République dans son expression vestimentaire et textile et qu’aujourd’hui, alors que l’on est au cœur du dispositif de la Nation et que des familles, volontairement, sur des critères religieux, refusent l’instruction nationale parce qu’elle est nationale, vous ne vouliez pas le voir. Je ne comprends pas votre attitude.

Nous continuerons ici à défendre l’école buissonnière, c’est-à-dire l’école de Ferdinand Buisson, dont vous me permettrez de reprendre les mots pour conclure : « Tout Français est libre d’enseigner, mais tout Français est tenu de prouver, devant les mêmes juges et de la même manière, qu’il est capable d’enseigner ; tout Français est libre d’enseigner, mais il n’est pas libre de réclamer pour son enseignement le privilège d’être clandestin, d’échapper à tous les regards, de produire tels résultats que bon lui semble, et de se refuser à les laisser constater dans les formes que fixe la loi elle-même ; tout Français est libre d’enseigner, mais à la condition de ne pas s’être volontairement placé dans une condition qui le frappe d’incapacité légale. »

Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Mon cher Pierre Ouzoulias, le ministre lui-même vient de nous dire qu’il n’était pas capable d’appréhender le nombre d’enfants qui bénéficient de l’instruction en famille et qui sont concernés par le séparatisme. Il me semble donc que le Dgesco a, ce jour-là, laissé gambader son imagination. Pour ma part, je vais croire le ministre.

Madame la présidente, c’est par cohérence avec le discours des Mureaux que M. le ministre a déposé six ou sept amendements visant à supprimer les mesures de contrôle que nous avons prévues, car nous ne sommes pas opposés au contrôle de l’instruction en famille ; nous prolongeons d’ailleurs ici ce que nous avons fait durant l’examen de la loi pour une école de la confiance.

Le ministre, quant à lui, est bien dans une logique de suppression de l’instruction en famille, laquelle était, je le redis, au cœur du discours du Président de la République aux Mureaux.

Monsieur le ministre, entre le discours des Mureaux et aujourd’hui, le Conseil d’État vous a fait reculer, puis l’Assemblée nationale, avec le soutien d’une partie de la majorité présidentielle. Aujourd’hui, le Sénat continue de défendre l’instruction en famille, que vous avez fustigée, avec un certain dédain, et à porter le combat mené par des parents qui s’étonnent d’être ainsi montrés du doigt, d’être l’objet de suspicion, d’être même parfois humiliés.

C’est ce combat qui vous a encore fait reculer, et non votre intuition première, en contradiction totale avec ce que vous disiez il y a un an. Vous étiez dans la logique du discours des Mureaux du Président de la République, qui, lui, a bien parlé de mettre fin à l’instruction à domicile. Vous reculez, mais n’essayez pas de transformer ce recul en victoire, nous vous en empêcherons ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.