compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Joël Guerriau,

Mme Marie Mercier.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, nous nous félicitons de vous retrouver, après cette période d’interruption. Et nous sommes heureux que vous repreniez en quelque sorte vos activités au Sénat ! (Sourires.)

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles de notre assemblée : le respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.

états généraux de la justice

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Après le Grenelle de l’éducation, le Ségur de la santé ou encore le Beauvau de la sécurité, le Président de la République vient d’annoncer l’organisation, à la rentrée, d’États généraux de la justice, pour poursuivre le passage en revue des politiques publiques.

Mon groupe se félicite de cette annonce, tant le fossé entre nos concitoyens et nos institutions judiciaires semble se creuser. Pourtant, la relation de confiance est essentielle pour légitimer les décisions qui sont rendues au nom du peuple français.

Des jurisprudences récentes ont pu susciter l’incompréhension ou l’émotion dans l’opinion. Toutefois, dans un État de droit, la justice ne se confond pas avec la morale. Elle applique la loi : dura lex, sed lex.

Surtout, pour nous, républicains de tous bords, il n’y a pas à choisir comme d’aucuns l’ont fait entre forces de l’ordre et magistrats. Tous sont des fonctionnaires dévoués, qui font vivre le service public et défendent nos valeurs républicaines au quotidien. Je tiens à les saluer et à les remercier, et non à les opposer, au moment où nous devons renforcer notre cohésion nationale.

Monsieur le Premier ministre, ce dont notre justice n’a pas besoin, c’est d’une énième consultation véhiculant son lot de promesses qui n’aboutiront pas, comme nous en avons trop connu, et qui décevront une nouvelle fois les professionnels du droit comme les citoyens. Pour notre part, nous défendons une justice plus accessible, plus simple et plus efficace.

Monsieur le Premier ministre, comment entendez-vous restaurer la confiance entre nos concitoyens et notre justice ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Requier, le 16 juillet 2020, il y a bientôt un an, à l’occasion de ma déclaration de politique générale devant le Sénat, je déclarais – permettez-moi de me citer, même si ce n’est pas l’usage (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) – que « la justice, c’est l’État, et l’État, c’est la justice ».

Depuis de nombreuses années, l’État ne donne pas à la justice ses moyens d’intervention. Il en résulte que l’action des forces de l’ordre se trouve parfois sans suite et que des situations d’impunité peuvent être ressenties de manière inacceptable par certains de nos concitoyens, par les élus des territoires et, au premier chef, par les maires.

J’entends accélérer la mise en œuvre de la loi de programmation et de réforme pour la justice, par le déploiement, dès 2021, de moyens nouveaux affectés au budget de ce ministère.

Il s’agit, en particulier, de rendre plus rapide et effective la réponse judiciaire, d’améliorer la politique des peines, de garantir la dignité et la réinsertion des prisonniers et de moderniser le fonctionnement des juridictions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est ce que nous nous attachons à faire. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio sexclame.)

Les États généraux de la justice ne seront pas, comme j’ai pu l’entendre, une énième manifestation qui pourrait décevoir les professionnels. Permettez-moi de vous rappeler qu’ils ont été demandés au Président de la République par les deux plus hauts magistrats de France : la Première présidente de la Cour de cassation et le procureur général près ladite cour.

Le Président de la République, précisément parce que le renforcement de l’autorité judiciaire et les moyens consacrés au service public de la justice sont au cœur de l’action de ce gouvernement, a décidé de faire suite à cette demande.

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de la modération de vos propos, qui ne me surprend pas. Il faut poser et objectiver le débat et rappeler que, dans une république démocratique comme la nôtre, la séparation des pouvoirs et le respect de l’État de droit doivent lier l’ensemble de nos concitoyens.

J’entends trop, y compris émanant du champ politique, des propos tout à fait inacceptables. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. David Assouline. Dites-le à M. Darmanin !

M. Jean Castex, Premier ministre. C’est dans la sérénité que, ensemble, nous devons redonner à notre justice les moyens qui lui ont été trop longtemps comptés.

La semaine dernière, nous avons eu plusieurs questions sur ce sujet, ici même, au Sénat, Mme la sénatrice Muriel Jourda ayant posé une question sur les moyens de la justice.

Permettez-moi de faire un petit rappel sur les dernières années. Sur cinq ans, entre 2007 et 2012, les pouvoirs publics ont donné 700 millions d’euros de plus à la justice ; sur les cinq années suivantes, entre 2012 et 2017, quelque 840 millions d’euros de plus ; sur les quatre dernières années, c’est-à-dire depuis le début de ce quinquennat, 1,4 milliard d’euros de plus.

Cela a été notamment permis par la hausse de 8 % du budget de la justice, votée dans la loi de finances pour 2021. Nous allons poursuivre cet effort, parce que le pays a besoin d’une justice efficiente.

Vous le savez, nous avons augmenté de manière tout à fait significative le nombre de places en prison, soit par les programmes en cours, soit par les 8 000 places supplémentaires annoncées par mes soins et par ceux du garde des sceaux, en Alsace, il y a plusieurs semaines.

Nous faisons travailler ensemble policiers et magistrats. Vous l’avez dit, monsieur le sénateur, il ne peut, dans un État de droit démocratique, y avoir d’opposition entre ces institutions. Cette question est centrale. Sur ce terrain, comme sur les autres, nous agissons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, permettez-moi une remarque sur le titre des États généraux de la justice. « Vendôme » ou « place Vendôme » aurait fait trop chic ou trop bruyant, et « Assises », trop judiciaire. « États généraux », en revanche, c’est plus historique et plus rassembleur. (M. Pierre Charon ironise.)

En conclusion, permettez-moi de faire miens les propos de M. Jérôme Gavaudan, président du Conseil national des barreaux, selon lequel les États généraux de la justice ne doivent pas devenir « un lieu de pugilat politique ou électoraliste ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

difficultés du programme epr

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Ma question s’adressait à Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique et solidaire.

Lundi dernier, nous apprenions que l’EPR de Taishan, en Chine, connaissait une augmentation de la concentration de certains gaz rares dans le circuit primaire de son réacteur n° 1.

Les autorités chinoises se veulent rassurantes, le taux de radiation se situant dans les limites autorisées par les normes chinoises, limites toutefois trois fois supérieures aux normes françaises. Cette géométrie variable permet d’éviter l’arrêt du réacteur…

Mme la ministre Pompili tenait, mardi matin, les propos suivants à la radio : « Il ne faut pas qu’on ait une réflexion sur notre politique énergétique en partant d’un fait. » Certes, mais les faits sont têtus, ou plutôt les défauts et incidents s’accumulent depuis de nombreuses années !

À Flamanville, ont été pointées des défaillances sur le béton, les soudures, le pont polaire, les valves construites à l’envers, les piquages, ou encore les accidents du travail. Et je ne déroule pas toute la liste.

À cela s’ajoutent les dérives financières : plus de 20 milliards d’euros en 2020, soit six fois plus que le coût initialement prévu, et un retard de livraison qui approche les dix ans.

En Finlande, matériels et matériaux souffrent de défauts. Le retard de livraison est tel – plus de treize ans – que les équipements sont déjà trop vieux et doivent être remplacés. Le surcoût est de 7 milliards d’euros, dont près de 800 millions d’euros à la charge de l’État.

En Angleterre, Hinkley Point connaît également retards et dérive des coûts. La Cour des comptes évoque, au sujet des EPR, un échec opérationnel, des dérives des coûts et des délais considérables. Madame la ministre, tout le monde le sait, le coût du mégawattheure nucléaire est largement sous-estimé.

À l’aune de ce que l’on peut qualifier de fiasco industriel, vous semble-t-il pertinent de poursuivre cet engagement à construire de nouveaux EPR, plutôt que de mettre le cap de manière résolue vers la sobriété, les énergies renouvelables et les technologies de stockage ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Salmon, je voudrais tout d’abord vous rappeler que les deux EPR de Taishan, dont vous parlez, ont été construits en coopération entre la Chine et les industriels français et qu’ils sont exploités par une société chinoise, dont EDF est un actionnaire minoritaire et Framatome un prestataire.

L’exploitation et la sûreté relèvent donc des autorités chinoises et de leur responsabilité souveraine. Il ne m’appartient pas de m’y substituer, même si, bien sûr, nos contacts sont fréquents.

Au-delà de la situation chinoise, vous posez la question du mix énergétique en France. La réponse est simple : notre politique énergétique est un mix avec diversification et résilience. Il n’est pas responsable de proposer aux Français une seule énergie, quelle qu’elle soit, comme solution au problème de la transition écologique dans notre pays.

Tous les pays du monde font en sorte de ne pas dépendre d’une seule source d’énergie pour la production d’électricité. Nous avons besoin de solutions de rechange.

Le nucléaire, comme toutes les énergies, présente des avantages : il est décarboné. Il présente également des inconvénients, parmi lesquels la gestion des déchets à long terme, mais aussi, peut-être de façon peut-être moins connue, la mobilisation des cours d’eau pour les opérations de refroidissement.

C’est pour cela que nous avons l’intention de diminuer, d’ici à 2035, la part du nucléaire dans notre mix électrique, de 70 % à 50 %. À ce jour, le seul projet d’EPR que nous développons en France est celui de Flamanville. À la suite du rapport de la Cour des comptes, l’État a demandé à EDF de mettre en œuvre l’intégralité des recommandations de l’audit conduit par Jean-Martin Folz.

La diversification de notre mix reposera sur les énergies renouvelables : nous passerons à 25 % en 2020 et à 40 % en 2030, en développant, comme le prévoit la programmation pluriannuelle de l’énergie, le solaire, la méthanisation, l’hydrogène, l’éolien terrestre et maritime.

Ces moyens nous permettront de produire une électricité qui restera, comme elle l’est aujourd’hui, l’une des plus décarbonées d’Europe. (Mme Patricia Schillinger et M. François Patriat applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.

M. Daniel Salmon. Avouons-le, la vitrine est fissurée. Le coût sur lequel nous nous étions fondés est exponentiel : nous en sommes à peu près à 120 euros du mégawattheure pour l’EPR, alors que les appels d’offres pour l’éolien et le solaire sont, aujourd’hui, aux alentours de 60 euros.

Nous vous l’avons dit et redit, cet artifice nous amène dans une impasse. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

évolution de l’opération barkhane

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Joël Guerriau. Madame la ministre des armées, le Président de la République a annoncé, jeudi dernier, la fin de l’opération Barkhane.

Depuis huit ans, quelque 55 de nos soldats sont morts au Sahel. Nous rendons hommage à leur mémoire, ainsi qu’à l’engagement et au courage de ceux qui poursuivent le combat. À l’instant où je vous parle, nous déplorons deux blessés français et la mort d’un soldat nigérien.

Avec le soutien de ses partenaires, la France se bat pour faire reculer le terrorisme au Sahel. Néanmoins, la situation de la région se dégrade. Nous constatons que le nombre de victimes d’attaques terroristes reste élevé au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Des pays sont en train de s’enfoncer dans l’instabilité politique, et les djihadistes poursuivent leurs méfaits.

La présence française est capitale pour la sécurité du Sahel. Le week-end dernier, un raid a permis de neutraliser et de capturer des cadres de l’État islamique. Notre armée continue de faire un travail remarquable.

En 2023, après une sortie progressive, vous annoncez une présence réduite, avec deux objectifs : la formation des armées locales et la conduite d’opérations antiterroristes. Les parlementaires que nous sommes, qui ont toujours soutenu l’action française au Sahel, auraient souhaité être consultés sur le changement majeur de stratégie que constitue cette décision.

Le retrait d’une partie de nos forces s’inscrit-il dans un programme stratégique concerté avec nos partenaires africains, européens et américains ? Sur quelles forces pourrons-nous compter pour lutter contre le terrorisme dans une région cinq fois plus étendue que l’Afghanistan ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, le 10 juin, le Président de la République a annoncé la fin prochaine de l’opération Barkhane et une transformation profonde de notre engagement au Sahel.

Je voudrais être très claire, tout d’abord en rappelant que nous sommes présents au Sahel à la demande des États du G5 Sahel. Par ailleurs, nous ne quitterons pas la région et nous poursuivrons, aux côtés de nos partenaires sahéliens, mais aussi européens et internationaux, notre engagement contre le terrorisme, qui reste notre priorité absolue.

Ce que nous voulons, c’est changer de logique. Nous voulons aller vers davantage de coopération avec les Sahéliens et leur transférer progressivement la responsabilité des opérations. Avec nos partenaires européens, nous voulons aussi coopérer de façon encore plus étroite, pour les soutenir, par des formations et par de l’accompagnement opérationnel.

Enfin, nous souhaitons travailler avec les pays du golfe de Guinée, qui sont exposés, eux aussi, au risque d’extension de la menace terroriste.

Cette évolution nous conduira à réorganiser notre dispositif de façon significative sur le plan militaire, en nous appuyant notamment sur la force Takuba, qui rassemble des détachements de forces spéciales européennes, en soutien aux forces locales.

Les modalités et le calendrier de cette transformation de notre engagement seront précisés ultérieurement.

Je réponds directement à votre question, monsieur le sénateur : nous allons d’abord consulter nos partenaires, puisque ce sont eux qui sont sur le terrain avec nous.

Je voudrais souligner devant vous que tous nos interlocuteurs nous ont confirmé leur souhait de poursuivre la lutte contre le terrorisme. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir, mais cette coopération avec nos partenaires est la clé du renforcement de notre engagement collectif au Sahel contre le terrorisme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Madame la ministre, j’entends vos propos. Vous précisez vos souhaits, mais nous aurions aimé discuter de ces derniers, tous ensemble.

Je vous ai posé quelques questions, mais bien d’autres interrogations me viennent à l’esprit, plus techniques, par exemple sur notre capacité à soutenir la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, la Minusma, dans le nord du pays.

Mes collègues ont également de nombreuses questions à vous poser. Aussi serait-il essentiel que nous puissions débattre au sein au sein de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat – vous connaissez le sérieux de cette instance –, avant de lire dans la presse les intentions du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, au-delà du Sahel, la Haute Assemblée serait très intéressée de connaître votre détermination à lutter contre le djihadisme et le terrorisme islamiste partout dans le monde.

Depuis des années, les gouvernements successifs ont dit à la Haute Assemblée que lutter partout dans le monde, c’était garantir l’intégrité du territoire français et la sécurité des Français en général.

Dès lors, quelle est votre détermination à lutter, partout dans le monde, contre le djihadisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur Karoutchi, vous avez raison de rappeler l’ampleur de la menace. Il est nécessaire de faire preuve d’une vigilance extrême et de considérer la lutte contre le terrorisme comme une priorité absolue.

On voit bien ce terrorisme se répandre, et pas uniquement au Sahel. Depuis quelques jours, nous observons certains événements autour du lac Tchad, avec la montée en puissance de l’Iswap, l’État islamique en Afrique de l’Ouest, et de Boko Haram. Nous constatons la montée en puissance des shebabs dans le nord du Mozambique. Il y a un risque de résurgence de Daech, en Syrie comme en Irak. Il existe, enfin, des risques liés à la situation en Afghanistan.

Face à cela, la réponse doit être internationale et globale. Nous devons intégrer les éléments de renseignement et nous avons, depuis quelques années, au niveau national et grâce à la coopération internationale, singulièrement renforcé nos capacités et nos moyens de collaboration. Cette action signifie aussi l’intervention armée, quand c’est nécessaire.

Nous le faisons au Sahel, et Mme la ministre des armées vient de confirmer cette orientation contre-terroriste de l’inflexion de notre organisation au Sahel.

Nous le faisons aussi toujours en Syrie, par l’intervention de nos forces basées en Jordanie.

Nous le faisons également via les Nations unies, puisque, en ce moment même, est en train d’être définie la stratégie antiterroriste qui devrait réunir l’ensemble des États membres des Nations unies, sur la base d’éléments juridiques et de la nécessité des sanctions, qu’il faudra mettre en place à partir de listes.

Nous le faisons en luttant contre le financement : nous avons pris l’initiative de la coalition No Money For Terror avec les Australiens, il y a quelques mois. Cela a permis d’adoption d’une résolution au Conseil de sécurité, qui fixe des normes et prévoit des sanctions à l’égard de toute complicité sur le financement du terrorisme.

Nous le faisons aussi en luttant contre la diffusion du terrorisme en ligne, en particulier depuis les événements de Christchurch. Vous le savez, avec la Première ministre de Nouvelle-Zélande, l’initiative a été prise d’une coalition, appelée « L’Appel de Christchurch », qui a permis des avancées significatives.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Tout cela constitue une action globale, régulièrement révisée au niveau national, dans les conseils de défense que tient le Président de la République. (Mme Patricia Schillinger et M. François Patriat applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, la grande absente de votre réponse, c’est l’Europe.

En réalité, vous l’avez dit, les actes djihadistes se multiplient un peu partout dans le monde : Niger, Mali, Burkina Faso, Mozambique, Tanzanie, Irak, Syrie, etc.

Par ailleurs, la Turquie n’hésite pas à dire qu’elle utilise des mercenaires djihadistes syriens contre l’Arménie, contre les Kurdes, en Afghanistan ou en Libye. Nos amis arméniens, nos amis kurdes, nos amis libyens, auprès de qui nous intervenons pour que la démocratie soit rétablie, se demandent où est l’Europe et où est la France.

Bien sûr, nous protestons ! Bien sûr, nous nous indignons ! Mais c’est insuffisant pour préserver la liberté de ces peuples menacés.

Lorsque l’Europe et la France ne défendent pas avec suffisamment de fermeté les valeurs démocratiques, lorsque notre jeu diplomatique, notamment par rapport à la Turquie, n’est pas d’une netteté absolue – c’est le moins que l’on puisse dire ces derniers jours – (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.), nous remettons en cause nos propres valeurs de liberté et de démocratie.

J’espère que nous n’en paierons pas un jour le prix. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

mauvaise distribution de la propagande électorale

M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pierre Louault. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur.

Lors des élections législatives partielles, la distribution de la propagande électorale a été catastrophique dans les territoires où elle devait être effectuée par la société Adrexo, qui a remporté l’appel d’offres de l’État pour 51 départements.

Les 20 et 27 juin prochain ont lieu les élections départementales et régionales, et l’on note déjà des dysfonctionnements : des envois prématurés ou qui n’arrivent pas, et, pis encore, des défauts de distribution, avec des enveloppes jetées par paquets, soit dans une même boîte aux lettres, soit dans des poubelles.

Alors que l’abstention atteint des niveaux record, nous prenons le risque de voir certains électeurs privés d’informations essentielles.

Pourquoi avoir retiré une partie du marché à La Poste, qui assure pourtant le service public de distribution du courrier toute l’année dans notre pays ? Elle seule possède l’adresse cartographiée de tous les Français, parcourt chaque jour notre territoire et connaît chaque boîte aux lettres.

Par ailleurs, le traitement différencié des élections départementales et régionales est inacceptable et donne l’impression qu’il y aurait une petite et une grande élection.

Pourquoi différencier les délais de remise des professions de foi entre les élections départementales et les élections régionales, qui auront pourtant lieu à la même date ? Cette désorganisation perturbe les électeurs, avec une propagande reçue soit trop tôt, soit trop tard, ou non reçue.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que l’ensemble des électeurs auront les informations nécessaires pour aller voter les 20 et 27 juin prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, depuis 2005, le Parlement et le Gouvernement ont décidé que des sociétés privées distribueraient la propagande électorale.

Je ne vous l’apprends pas, les règles de la concurrence, notamment le code des marchés publics, obligent toute autorité publique à une mise en concurrence, chaque fois que des marchés arrivent à échéance, ce qui a été fait l’année dernière. (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Vous avez raison, tandis que beaucoup d’autres avaient candidaté, deux sociétés ont emporté l’appel d’offres : La Poste et Adrexo.

La société Adrexo a particulièrement mal distribué une partie de la propagande électorale.

M. Jérôme Bascher. C’est vrai !

M. Gérald Darmanin, ministre. Dès que j’ai eu connaissance de ces faits, durant les élections législatives partielles, j’ai fait adresser les excuses du Gouvernement, qui a délégué cette distribution, et je me suis expliqué avec les préfets et les candidats. J’ai également convoqué la responsabilité de la société Adrexo. Les cas de plis retrouvés dans les poubelles que vous évoquez n’ont heureusement eu lieu que dans deux villes, mais, vous avez raison, ce sont deux villes de trop.

Je condamne fortement cet état de fait et j’ai demandé au secrétaire général du ministère que l’on remette en cause le marché public dès la fin des distributions de la propagande des élections départementales et régionales – je ne puis le faire maintenant, quelques jours seulement nous séparant du premier tour.

Bien que je doive rappeler à chacun ses obligations, je ne puis me soustraire au code des marchés publics, vous le comprendrez.

Par ailleurs, je constate parfois une divergence d’appréciation sur la distribution, notamment en termes de temps, au moment des premier et second tours. Le code électoral, contrairement à ce que je peux entendre, n’a jamais prévu un temps de distribution.

Oui, il y a eu des envois faits trois semaines avant le premier tour. Il ne vous aura pas échappé que le législateur a souhaité que les deux scrutins, pour la première fois depuis les années 1980, se tiennent en même temps sur tout le territoire national.

En outre, prenons en compte les conditions sanitaires, dont chacun a eu l’occasion, ici, d’éprouver les difficultés qu’elles ont induites. Il me semble que le Gouvernement, lorsqu’il a consulté les maires, l’a souligné, mais une grande partie de la Haute Assemblée, tout comme l’Assemblée nationale, a souhaité maintenir ces élections à cette date.