Sommaire

Présidence de M. Vincent Delahaye

Secrétaires :

Mmes Martine Filleul, Marie Mercier.

1. Procès-verbal

2. Décès d’un sénateur

3. Article 1er de la Constitution et préservation de l’environnement. – Adoption en deuxième lecture d’un projet de loi constitutionnelle modifié

Discussion générale :

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, rapporteur

Mme Éliane Assassi

M. Philippe Bonnecarrère

M. Éric Kerrouche

M. Alain Marc

M. Guy Benarroche

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Philippe Bas

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance

Article unique

Amendement n° 6 de M. Philippe Folliot. – Rejet.

Amendements identiques nos 3 de la commission et 5 rectifié de M. Bruno Retailleau. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 9 de M. Guy Benarroche. – Devenu sans objet.

Amendement n° 10 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 12 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 11 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article unique

Amendement n° 2 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.

Amendement n° 1 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.

Vote sur l’ensemble

Mme Muriel Jourda

Adoption, par scrutin public n° 156, du projet de loi constitutionnelle, modifié.

Suspension et reprise de la séance

4. Renforcement de la prévention en santé au travail. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail

M. Stéphane Artano, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Olivier Henno

Mme Émilienne Poumirol

M. Joël Guerriau

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Martin Lévrier

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Catherine Procaccia

M. Christian Bilhac

Mme Annie Le Houerou

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État

Clôture de la discussion générale.

Rappel au règlement

Mme Laurence Cohen

M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales

Article 1er

Amendements identiques nos 77 de Mme Laurence Cohen et 145 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Adoption des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 1er

Amendement n° 42 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.

Amendement n° 162 rectifié ter de Mme Annick Billon. – Retrait.

Amendements identiques nos 78 rectifié bis de Mme Laurence Cohen et 147 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet des deux amendements.

Article 1er bis – Adoption.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

5. Modification de l’ordre du jour

6. Renforcement de la prévention en santé au travail. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Article 2

Amendement n° 44 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendements identiques nos 43 de Mme Sophie Taillé-Polian et 83 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 81 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 84 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 139 de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.

Amendement n° 45 rectifié de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendements identiques nos 173 rectifié quater de M. Serge Babary et 188 de M. Martin Lévrier. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 46 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 135 de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.

Amendement n° 140 de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.

Amendement n° 47 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 48 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 2

Amendement n° 40 rectifié de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.

Article 2 bis

Amendement n° 223 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 50 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 51 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 208 de Mme Émilienne Poumirol. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 2 bis

Amendement n° 90 rectifié de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Retrait.

Article 2 ter

Amendement n° 199 de M. Martin Lévrier. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3

Amendement n° 52 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 141 de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.

Amendement n° 53 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 99 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 11 rectifié quater de M. Philippe Mouiller. – Retrait.

Amendement n° 97 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 12 rectifié ter de M. Philippe Mouiller. – Retrait.

Amendement n° 224 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 4

Amendement n° 54 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 13 rectifié quater de M. Philippe Mouiller. – Retrait.

Amendement n° 161 rectifié ter de Mme Annick Billon. – Retrait.

Amendement n° 55 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 142 de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.

Amendement n° 100 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 103 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 134 de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.

Amendement n° 22 rectifié bis de Mme Brigitte Lherbier. – Non soutenu.

Amendement n° 215 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.

Amendement n° 28 rectifié bis de Mme Chantal Deseyne. – Retrait.

Amendement n° 160 rectifié ter de Mme Annick Billon. – Adoption.

Amendement n° 104 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 105 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 101 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 106 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 5

Amendement n° 168 rectifié ter de Mme Annick Billon. – Non soutenu.

Amendement n° 189 rectifié de M. Martin Lévrier. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 6 – Adoption.

Article 7

Amendement n° 171 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 225 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 172 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 8

Amendements identiques nos 56 de Mme Raymonde Poncet Monge et 107 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 3 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Rejet.

Amendement n° 193 de M. Martin Lévrier. – Rejet.

Amendement n° 108 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 187 du Gouvernement et sous-amendement n° 226 de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.

Amendement n° 57 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 192 de M. Martin Lévrier. – Rejet.

Amendement n° 75 rectifié ter de M. Philippe Mouiller. – Adoption.

Amendement n° 2 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 8 bis (nouveau)

Amendement n° 227 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 9 et 10 – Adoption.

Article 11

Amendements identiques nos 58 de Mme Raymonde Poncet Monge, 109 de Mme Cathy Apourceau-Poly et 150 de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 59 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.

Amendement n° 228 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

7. Communication relative à une commission mixte paritaire

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Vincent Delahaye

vice-président

Secrétaires :

Mme Martine Filleul,

Mme Marie Mercier.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d’un sénateur

M. le président. Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai le profond regret de vous faire part du décès, survenu cette nuit, de notre collègue Patrick Boré, qui était sénateur des Bouches-du-Rhône depuis août 2020.

M. le président du Sénat prononcera son éloge funèbre ultérieurement, mais je tiens d’ores et déjà à saluer sa mémoire.

3

 
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement
Discussion générale (suite)

Article 1er de la Constitution et préservation de l’environnement

Adoption en deuxième lecture d’un projet de loi constitutionnelle modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement (projet n° 703, rapport n° 725).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement
Article unique

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de présenter une nouvelle fois à la Haute Assemblée le projet de révision constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement.

La genèse de cette réforme historique en faveur du climat, de l’environnement et de la diversité biologique est connue de tous ; je me bornerai donc à rappeler que le projet qui vous est soumis est d’abord le fruit du travail et de l’engagement des 150 Français de la Convention citoyenne pour le climat. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.

Ce projet tient aussi à l’engagement du Président de la République de reprendre leur proposition citoyenne de modification de l’article 1er de la Constitution, dans le cadre d’un projet de loi constitutionnelle.

Nos précédents débats avaient fait apparaître que les désaccords se cristallisaient sur l’emploi de deux des dix-huit mots du projet de loi. Ces deux mots, qui ont donné lieu à de savantes exégèses, sont les verbes « garantir » et « lutter ».

Vous le savez, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont souhaité, dans un esprit d’ouverture et de conciliation, faire un pas vers votre Haute Assemblée. L’expression « lutter contre le dérèglement climatique » a donc été remplacée par « agir contre le dérèglement climatique ».

Je comprends, au regard du projet proposé par votre commission et qui fait l’objet d’un amendement de réécriture de l’article unique, que la main tendue n’a pas été saisie. Je le regrette, car vous fermez ainsi la possibilité pour les Français de s’exprimer sur le sujet de première importance qu’est l’avenir écologique de notre pays.

Au soutien de la proposition de réécriture, vous avez reproché au Gouvernement d’entretenir zones d’ombre et contradictions quant aux effets juridiques attendus du projet de révision constitutionnelle. Je vais donc m’employer, une nouvelle fois, à préciser le sens et la portée de cette réforme.

Je dirai quelques mots, pour commencer, sur le texte que vous proposez. Vous souhaitez indiquer que « la France agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ».

On peut se demander, à la lueur de cette rédaction bien timide, si ce qui vous inquiète, finalement, ne réside pas tant dans les prétendues incertitudes juridiques entourant notre projet que dans la volonté, pleinement assumée par la majorité présidentielle, de renforcer juridiquement la préservation de l’environnement.

À l’inverse, la rédaction que vous proposez ne produirait aucun effet juridique nouveau, comme votre commission l’a d’ailleurs reconnu. À l’heure où nous vivons une crise climatique majeure qui inquiète les Français et mobilise, en particulier, notre jeunesse, première concernée par les conséquences de cette crise, une réforme purement symbolique n’est pourtant pas envisageable.

Il n’est pas possible de convoquer les Français à un référendum pour leur dire : « Nous réformons la Constitution, mais notre but est de ne strictement rien changer ». Or c’est cela que vous nous proposez, ne rien changer en répétant le préambule de notre Constitution et en renvoyant simplement à la Charte de l’environnement, qui existe déjà.

Le Gouvernement et l’Assemblée nationale pensent au contraire qu’il faut assumer pleinement la responsabilité historique qui est aujourd’hui la nôtre et affirmer que la portée juridique de la protection de l’environnement doit évoluer, que ce qui est une ambition doit devenir une garantie.

Je souhaiterais tellement vous convaincre du bien-fondé du projet repris de la Constitution citoyenne pour le climat !

Il s’agit, tout d’abord, de rehausser la protection de l’environnement au cœur de nos principes constitutionnels.

Certes, comme vous le savez, elle est inscrite dans la Charte de l’environnement résultant de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. Cette Charte, mentionnée dans le préambule de notre Constitution, fait donc pleinement partie du bloc de constitutionnalité, et le Conseil constitutionnel, par sa jurisprudence récente, en particulier par deux décisions de 2020, a contribué à renforcer les principes qu’elle contient.

Il subsiste toutefois d’importantes limites. En effet, dans sa décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a jugé que la préservation de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constituait seulement un objectif à valeur constitutionnelle.

Je rappelle qu’un objectif à valeur constitutionnelle, à la différence d’une règle constitutionnelle ayant un caractère impératif, n’emporte qu’une obligation de moyens et nécessite, pour sa mise en œuvre, l’intervention du législateur. Nous voulons ici mettre en place un principe à valeur constitutionnelle, qui pourra être invoqué même lorsque le législateur n’est pas intervenu.

Par ailleurs, je vous rappelle que les objectifs à valeur constitutionnelle ne sont théoriquement pas invocables à eux seuls à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité. Il s’agit donc bien de renforcer le poids constitutionnel de la protection de l’environnement.

Ensuite, le Gouvernement vise, avec ce projet, à instaurer un véritable principe d’action des pouvoirs publics, nationaux comme locaux, en faveur de l’environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique.

Bien sûr, l’article 2 de la Charte prévoit déjà pour toute personne le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. Mais, ici, nous allons plus loin : nous voulons créer, à la charge des pouvoirs publics, une garantie de la préservation de l’environnement.

Enfin, j’en viens à la signification du fameux verbe « garantir », que vous craignez tant. Je dois avouer que je suis toujours surpris que l’emploi de ce terme fasse l’objet d’un tel rejet de la part de votre Haute Assemblée : faut-il de nouveau rappeler que notre Constitution l’emploie déjà ?

Ainsi, lorsque les constituants ont inscrit dans la Constitution, en 1946, la garantie de la santé et de la protection matérielle, du repos, des loisirs, ils n’ont pas imposé une responsabilité automatique de l’État pour toute personne malade ou en grande précarité. Les dangers que vous dénoncez, sur ce point, sont illusoires.

S’agissant des effets juridiques du verbe « garantir » sur la mise en jeu de la responsabilité des personnes publiques, je ne puis que répéter ce qui a déjà été exposé : il est certain que l’État peut déjà voir sa responsabilité engagée en matière environnementale, mais nous voulons aller plus loin et créer une quasi-obligation de résultat ou, comme je l’ai toujours dit, une obligation de moyens renforcée pour les pouvoirs publics.

Cela signifie tout simplement faciliter la charge de la preuve pour les requérants et, à l’inverse, rendre beaucoup plus difficile pour la personne publique mise en cause de s’exonérer de ses obligations.

Il ne s’agit donc pas de se satisfaire des carences ou de l’inaction des pouvoirs publics pour les condamner ensuite, mais bien au contraire de les obliger à agir pour protéger concrètement et efficacement l’environnement.

La Constitution doit s’adapter aux enjeux et aux défis de notre temps. Elle doit donc être aujourd’hui à la hauteur du défi écologique majeur auquel notre pays se trouve confronté.

Voilà pourquoi le Gouvernement et l’Assemblée nationale, à l’unisson de la Convention citoyenne pour le climat, entendent garantir la protection de l’environnement. Ce combat est aujourd’hui le nôtre, il devrait aussi être le vôtre, car c’est le combat de la France pour le siècle à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François-Noël Buffet, président la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale, rapporteur. Monsieur le garde des sceaux, avec cette réforme constitutionnelle, vous portez un bien lourd fardeau. Le poids du devoir vous oblige, nous pouvons le comprendre, mais tout de même : il ne suffit pas que les gouvernements affirment quelque chose pour que cela soit la vérité ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le travail de la Haute Assemblée est d’essayer de trouver cette vérité constitutionnelle à laquelle nous aspirons.

Dans les propos tenus au cours de la première lecture et réitérés il y a quelques minutes, le Gouvernement nous dit qu’il entend rehausser la protection de l’environnement ; il ajoute, quelques secondes plus tard, que cette garantie ne changera finalement pas grand-chose ; enfin, il affirme qu’il s’agit d’exiger quasiment une obligation de résultat…

De deux choses l’une, soit « garantir » a un vrai sens et une vraie portée, et alors il faut s’en expliquer clairement, soit nous sommes là pour entériner ce que la Convention citoyenne a proposé, dans une démarche que l’on peut estimer légitime, mais dont il nous revient à nous, parlementaires et constitutionnalistes pour la circonstance, d’apprécier la réalité des effets.

Nous avons toujours dit à cette tribune que nous souhaitions naturellement que les parlementaires assument cette responsabilité de constitutionnalistes, en ne permettant pas au Conseil constitutionnel de devenir un véritable gouvernement des juges. C’est pourquoi la précision est nécessaire.

Le Sénat est donc saisi, en deuxième lecture, d’un projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement, modifié par l’Assemblée nationale en deuxième lecture le 11 mai dernier.

La commission des lois n’a pu que constater, à regret, que les conditions d’un accord entre les deux assemblées sont encore très loin d’être réunies.

Je vous rappelle que le projet initial du Gouvernement, décalque de l’une des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, prévoyait d’insérer à l’article 1er de notre Constitution une phrase selon laquelle la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique. » Il avait été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, sans modification.

Saisi de ce texte, le Sénat avait observé que la rédaction proposée avait une portée juridique beaucoup trop vague pour pouvoir être adoptée en l’état.

Comme le soulignait alors la commission, et contrairement aux allégations qui ont été exprimées, les pouvoirs publics sont d’ores et déjà soumis à de fortes obligations de valeur constitutionnelle ayant pour objet la protection de l’environnement, obligations qui découlent de la Charte de l’environnement de 2004.

En revanche, compte tenu, notamment, de l’emploi du verbe « garantir » et du défaut d’articulation avec la Charte, il avait paru impossible à notre commission de déterminer avec un tant soit peu de précision les effets des dispositions envisagées, d’une part, sur l’engagement de la responsabilité des personnes publiques, et, d’autre part, sur la validité des actes des pouvoirs publics.

Le Sénat avait donc substitué aux dispositions proposées une phrase selon laquelle la France « préserve l’environnement ainsi que la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ».

Cette rédaction supprimait la référence à la notion de « garantie » et levait, grâce à un renvoi exprès, tout problème d’articulation entre l’article 1er de la Constitution, modifié, et la Charte de l’environnement, partie intégrante du bloc de constitutionnalité.

La substitution du verbe « agir » au verbe « lutter », déjà suggérée par le Conseil d’État, visait seulement, quant à elle, à éviter un effet rhétorique dénué de toute portée juridique. Je veux bien que nous soyons « en guerre » contre bien des choses, y compris contre le dérèglement climatique, mais, dans la loi fondamentale, nous préférons la sobriété du style aux effets de manche.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale, sous couleur de rechercher un terrain de compromis avec le Sénat, a presque intégralement rétabli le texte initial, en acceptant seulement le remplacement du verbe « lutter » par le verbe « agir », un point tout à fait accessoire en réalité.

Le texte adopté par les députés, aux termes duquel la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique », ne lève aucune des zones d’ombre du projet initial, et ses effets juridiques restent tout aussi indéterminés.

Les députés n’ont pas cherché à répondre aux arguments juridiques exposés par le Sénat. Bien au contraire, les débats en deuxième lecture à l’Assemblée nationale n’ont fait qu’entretenir le flou sur les effets que le Gouvernement et sa majorité attendent de ce projet de révision.

Permettez-moi d’en citer quelques exemples. Le Gouvernement, après avoir répété à qui voulait l’entendre que son texte visait à instituer « un véritable principe d’action des pouvoirs publics » en faveur de la protection de l’environnement, a enfin reconnu devant la commission des lois de l’Assemblée nationale que la Charte de l’environnement s’applique aux autorités publiques depuis seize ans. Dont acte ! C’est une avancée que nous relevons.

Alors qu’il prétendait auparavant que le projet de révision visait à assigner aux pouvoirs publics une « quasi-obligation de résultat » en matière de protection de l’environnement, le Gouvernement ne parle plus désormais que d’une « obligation de moyens renforcée ». Il faudrait savoir ce que cela veut dire et quel est le sens de cette notion, qui n’a ni source ni signification.

En effet, les notions d’« obligation de moyens », d’« obligation de moyens renforcée », d’« obligation de résultat » ou encore d’« obligation de résultat atténuée » n’ont pas tout à fait la même acception.

Pour donner corps à cette notion, le Gouvernement déclare que son objectif est d’inverser la charge de la preuve et d’obliger ainsi les pouvoirs publics, si leur responsabilité est recherchée en justice, à établir eux-mêmes la démonstration qu’ils ont accompli toutes les diligences raisonnables pour assurer la préservation de l’environnement.

Soit, mais il faut tout de même beaucoup d’imagination pour faire produire au verbe « garantir » de tels effets sur le régime de la preuve dans le procès administratif. La notion de garantie, dans le langage courant comme dans le langage juridique, a une autre signification.

Pendant ce temps, le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale prétend toujours que le texte aurait pour effet « d’ériger la protection de l’environnement en principe constitutionnel », ce qui est tout simplement faux ou relève d’une ignorance de sa part. En effet, chacun sait que la Charte de 2004 fait partir du bloc de constitutionnalité et a valeur constitutionnelle.

Il a également déclaré que le texte adopté par les députés pourrait constituer « le support d’actions en carence contre le législateur », ce qui, pour le coup, constituerait une nouveauté, puisque, dans notre État de droit et conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, aucune juridiction n’a le pouvoir d’adresser des injonctions au législateur non plus d’ailleurs que de condamner l’État à réparer les dommages causés par d’éventuelles carences du législateur. Il est bien évident que la disposition proposée ne suffirait pas, à elle seule, à opérer un tel bouleversement juridique.

Si l’on en croit les déclarations faites en séance publique par le rapporteur de l’Assemblée nationale, la prétendue concession faite au Sénat serait l’expression de « l’esprit de dépassement et de rassemblement » qui, comme chacun sait, anime le parti majoritaire… (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Au moins, cela ne manque pas d’humour.

Eh bien, monsieur le garde des sceaux, nous avons, nous aussi, le souci du « dépassement » et du « rassemblement ». Pour tout vous dire, nous sommes surtout assez impatients que ce débat constitutionnel entre enfin dans le dur et devienne, plutôt qu’une opération de communication, un véritable débat de droit.

Nous nous posons aujourd’hui la question : s’agit-il de gagner la bataille de la communication ou celle du droit ? Pour notre part, nous avons fait le choix de défendre le droit, conformément à notre mission première.

La commission a donc déposé un amendement dont la rédaction est légèrement différente de celle qui a été adoptée par le Sénat en première lecture.

Nous proposons d’inscrire à l’article 1er de la Constitution que la France non plus « préserve », comme dans notre première rédaction mais « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ». Telle est la proposition que la commission des lois a acceptée et qui est adressée au Sénat cette après-midi et.

J’ai entendu, il y a quelques jours, et ce matin encore, de la part de deux membres du Gouvernement – pas vous, monsieur le garde des sceaux – des propos extrêmement désagréables à l’égard du Sénat. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Roger Karoutchi. Pas possible !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous serions ici pour bloquer le système, notre ringardise serait absolue, nous ne souhaiterions pas la protection de l’environnement et l’Assemblée nationale aurait fait un pas vers le Sénat… (Mêmes mouvements.)

Monsieur le garde des sceaux, je répondrai à vos deux collègues que, eux-mêmes, en défendant ce qui est presque indéfendable, ont commis un faux pas, et même plus qu’un faux pas : une faute. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour la seconde fois, nous sommes convoqués pour débattre du projet de loi constitutionnelle visant à modifier l’article 1er pour y inscrire la protection de l’environnement.

Sans surprise, le Sénat, en première lecture, a réécrit le texte afin d’en affaiblir la portée, réduisant l’insertion à une sorte de tautologie renvoyant à la Charte de l’environnement.

Sans surprise non plus, après l’annonce par le Président de la République que le texte continuerait de cheminer, l’Assemblée nationale a rétabli le fameux « garantit » concernant la protection de l’environnement, tout en cédant sur le verbe « lutter » s’agissant de dérèglement climatique.

Nous voilà donc coincés dans un débat purement sémantique sur la portée concrète des verbes « garantir », « préserver » et « agir », dans le cadre d’une navette qui pourrait se poursuivre éternellement.

J’avais dit, en première lecture, que nous nous inscrivions en faux contre cette instrumentalisation du Parlement, une manœuvre dilatoire aux effets pervers. En effet, loin de consacrer constitutionnellement la protection de l’environnement, ces rédactions fragilisent au contraire la Charte, sans créer aucune obligation de quasi-résultats, malgré vos déclarations, monsieur le garde des sceaux.

Pour cette raison, nous vous avions proposé de réduire ces modifications constitutionnelles, non pas aux symboles, mais à l’enrichissement de la Charte, selon les principes de solidarité écologique et de non-régression.

Ces dispositions utiles auraient permis au juge constitutionnel de censurer un certain nombre de lois récentes, comme la réautorisation des néonicotinoïdes ou les mesures de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, la loi ASAP.

Les faits sont cependant têtus, et l’objectif du Gouvernement, comme de la majorité sénatoriale, n’est pas d’être utile, mais bien de faire illusion. Je dois vous le dire : cette farce constitutionnelle commence à nous agacer sérieusement,…

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme Éliane Assassi. … d’autant que, nous le savons tous ici, le fameux référendum qui justifie ce texte ne verra jamais le jour.

M. Roger Karoutchi. C’est évident !

Mme Éliane Assassi. Pour bien me faire comprendre, je citerai Le Guépard de Visconti et son fameux « il faut que tout change pour que rien de change », qui décrit exactement la stratégie de ce gouvernement en matière de transition écologique, avec la complicité de la majorité sénatoriale.

Mme Éliane Assassi. La discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets en est un exemple criant. Nous avons passé deux semaines à débattre d’une poignée de mesures insignifiantes, déjà obsolètes, qui ne remettent en cause ni l’organisation du système financier et de production ni la préservation des intérêts économiques et les droits acquis.

Cette manière de procéder décrédibilise le Parlement et la politique dans son ensemble. Ce n’est pas en poursuivant ces débats stériles que nous convaincrons nos concitoyens d’user de leur droit de vote.

Cette réforme constitutionnelle passe ainsi à côté de l’essentiel : elle ne porte pas les évolutions constitutionnelles dont notre pays a tant besoin pour sortir de la présidentialisation du régime, pour engager l’irruption citoyenne et le respect de la souveraineté populaire, notamment en rééquilibrant les pouvoirs en faveur du Parlement.

Concernant le climat, aucune réforme constitutionnelle n’aura d’effectivité sans mettre en œuvre de politiques publiques ambitieuses. Il faudrait ainsi, et prioritairement, faire respecter la Charte.

Il faudrait également remettre en cause les accords de libre-échange et les politiques libérales de privatisation et de casse du service public ; engager un vaste plan de reconquête dans les secteurs clés que sont les transports et l’énergie, en s’appuyant sur les opérateurs publics, EDF et la SNCF, voire en revenant dans le capital de certains opérateurs ; enfin, respecter les engagements contractés dans l’accord de Paris.

Des décisions de justice administrative récentes nous y obligent. Le Conseil d’État vient ainsi d’enjoindre le Gouvernement, dans le cadre de « l’affaire du siècle », à prendre toutes les mesures utiles pour que la France tienne ses objectifs. Dans un jugement du 3 février 2021, le tribunal administratif de Paris avait déjà reconnu une carence partielle de l’État, qui engageait sa responsabilité.

Pour reprendre l’image de la maison qui brûle, je dirais que depuis le début de ce mandat, c’est à grand renfort d’essence que vous nous nourrissez ce feu. Il ne restera bientôt que des cendres et la colère de nos concitoyens ; une colère légitime face à l’inaction climatique de la France, mais aussi, et surtout, face à l’incapacité du politique à agir pour garantir à chacun des conditions d’existence dignes, trop occupés que vous êtes à démanteler tous les conquis sociaux.

Nous confirmons donc notre vote négatif sur ce projet de loi inutile et inopérant, qui n’a d’autre objet que détourner notre attention des véritables objectifs de ce gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’Assemblée nationale et le Gouvernement n’ont pas souhaité donner suite aux trois points soulevés par le Sénat le 21 juin dernier.

À cet égard, monsieur le garde des sceaux, le débat entre les deux chambres n’est pas uniquement sémantique. Permettez-moi de rappeler les trois points avancés par le Sénat.

Le premier concerne l’incertitude béante quant aux conséquences d’une telle garantie par la Nation. Je veux bien admettre que, sur ce point, le choix du verbe ait une incidence.

Deux autres points n’ont pas été abordés par l’Assemblée nationale : d’une part, notre refus d’une hiérarchie entre les normes constitutionnelles ; d’autre part, notre attachement au droit dit « subjectif » et à une conception des droits de l’homme qui est traditionnelle, mais respectable, monsieur le garde des sceaux, car c’est celle de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Nous nous opposons donc au basculement des droits dits « subjectifs », les droits de l’homme, vers des droits dits « objectifs », ceux de la nature. À titre personnel, il me semble que l’éthique à l’égard de l’être humain doit rester première. Parmi les motifs évoqués, ce troisième élément me semblait le principal.

Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi tout d’abord de réagir à votre intervention, assez incisive, puisque vous avez commencé en nous disant que le Sénat n’avait pas souhaité saisir la main tendue. Mais où est la main tendue, ne serait-ce que sur l’un des trois points soulevés par le Sénat ? Où est la volonté de dialogue ? Où est le désir d’aboutir à un accord ?

Par ailleurs, vous nous dites que les propositions du Sénat n’auraient pas d’effet juridique. Nous ne partageons pas ce point de vue, puisque celles-ci visent à ajouter, à la préservation de la biodiversité et de l’environnement figurant dans la Charte de l’environnement, la référence à la lutte contre le dérèglement climatique, qui n’y figure pas.

En outre, sans même entrer dans le débat sur l’effet des propositions formulées, la contradiction intellectuelle du Gouvernement et de l’Assemblée nationale sur ce sujet est tout à fait patente.

En effet, on nous dit, d’une part, que ce texte constituerait l’expression d’une haute ambition environnementale – très bien ! –, et, d’autre part, qu’il n’y aurait pas de modification de la hiérarchie des normes juridiques. Or la seule manière de donner un sens au dispositif que vous nous proposez résiderait précisément dans le changement de hiérarchie des normes juridiques.

Il semble donc, monsieur le garde des sceaux, que la contradiction intellectuelle n’est peut-être pas là où vous l’avez située durant votre intervention.

Vous avez d’ailleurs complété votre propos en essayant de nous dire que, certes, la préservation de l’environnement et de la biodiversité figurait bien dans notre Constitution, mais que tout cela relevait d’un objectif constitutionnel qui, au fond, n’avait pas de portée réelle. Or tel n’est pas le cas : tout cela a bien une valeur normative.

Nous sommes bien d’accord pour estimer que le Conseil constitutionnel exerce un contrôle moins strict d’une disposition lorsqu’il le fait à la lumière d’un objectif à valeur constitutionnelle plutôt que d’une norme constitutionnelle précisément détaillée. Mais il s’agit uniquement de technique.

En revanche, qu’il soit bien clair pour chacun d’entre nous que l’ensemble des éléments qui figurent dans la Charte de l’environnement sont bien constitutifs d’une norme juridique applicable dans notre pays.

Enfin, déclarer qu’une révision de la Constitution serait menée pour une question de charge de la preuve est un élément assez étonnant. Assez nombreux sont les juristes siégeant dans cet hémicycle, et je n’oublie pas, monsieur le garde des sceaux, votre qualité éminente à cet égard. La charge de la preuve est une donnée procédurale : jamais personne n’a envisagé d’en faire un élément ayant un caractère, de près ou de loin, constitutionnel.

Je veux à présent tracer trois perspectives complémentaires pour expliquer la position de notre groupe et vous alerter, mes chers collègues, sur un point que vous connaissez bien, à savoir la juridictionnalisation de notre société, ainsi que sur la redécouverte de la portée des engagements.

La juridictionnalisation de la société est une donnée constante. Demandée par nos concitoyens, elle peut, à mon avis, être abordée avec beaucoup de sérénité en utilisant plus largement le dialogue avec les juges et entre eux, ainsi que nos moyens législatifs. Nombreux sont ces derniers ; je pense notamment aux articles 88-4 et 88-6 de la Constitution, relatifs à la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE.

Ce qui change aujourd’hui, en matière de juridictionnalisation de notre société, c’est que les juridictions s’emparent de dispositions adoptées par les États, soit à l’échelle nationale, soit dans le cadre d’accords internationaux.

La raison de l’arrêt Big Brother Watch de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, c’est l’existence des articles 8 et 10 de la CEDH. De la même manière, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net, trouve sa raison d’être dans le règlement général sur la protection des données, le RGPD. Et si la Cour de cassation a pu vous poser quelques problèmes, monsieur le garde des sceaux, sur la notion de décence en matière de détention, c’est parce qu’il y a eu des dispositions en la matière.

J’en arrive à l’arrêt non négligeable rendu le 1er juillet 2021, donc il y a quelques jours, par le Conseil d’État. Ce dernier constate que notre pays ne tient pas ses engagements dans l’accord de Paris. Historiquement, dans ce pays, les engagements pris par l’exécutif n’engageaient que ceux qui les écoutaient, autant dire qu’ils n’engageaient pas. Les juges ne voient pas la question de la même manière.

Cela signifie aussi que le débat sur la notion de garantie, qui ne me paraissait pas constituer le point essentiel lors de la séance du 21 juin dernier, prend, aujourd’hui, un reflet différent. Ainsi, de plus en plus régulièrement et, finalement, d’une manière assez justifiée, les juges donneront des effets juridiques aux différentes normes européennes ou, via le Conseil constitutionnel, nationales.

Le Sénat tient d’autant plus à la référence à la Charte de l’environnement que le Gouvernement – c’est ce qui fait la curiosité de sa proposition –, à aucun moment, n’explique en quoi la Charte de l’environnement serait défaillante. En quoi cet outil mis à la disposition de notre pays ne permettrait-il pas de défendre correctement l’environnement ?

Nous sommes étonnés que, à aucun moment, le Gouvernement ne nous ait présenté un bilan de l’application de la Charte de l’environnement, laquelle a pourtant permis, à diverses reprises, une protection convenable en matière d’environnement.

C’est dire que la volonté de dialogue exprimée par le Sénat n’a pas été saisie par l’Assemblée nationale. Par conséquent, le groupe Union Centriste ne manquera pas d’approuver la proposition faite par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si j’étais taquin, je dirais que tout cela devient croquignolesque, alors que le sujet appelle gravité et sérieux.

Comme dans un remake parlementaire d’Un Jour sans fin, j’ai le sentiment que nous sommes enfermés dans une boucle temporelle.

De nouveau, nous voilà débattant d’une révision constitutionnelle portant sur l’article 1er de notre Constitution, sans que la navette parlementaire ait permis d’avancer.

De nouveau, cette révision donne à lieu à des débats de pharisiens dans lesquels chacun, Gouvernement, majorité à l’Assemblée nationale et majorité au Sénat, feint de chercher un compromis dans un jeu de poker menteur.

Ces postures parlementaires et gouvernementales font peser un doute sérieux sur l’organisation d’un référendum ou la tenue d’un Congrès avant la fin du quinquennat. Dès l’origine, il y avait d’ailleurs peu de chances d’aboutir, au regard des délais, ce qui révèle l’insincérité de la volonté initiale de l’exécutif dans cette entreprise. Bref, « tout ça pour ça ».

Aussi, mes chers collègues, quel est le sens de notre discussion ? La loi fondamentale et la préservation de la planète méritent-elles autant d’instrumentalisation politique, au point de perdre de vue l’essentiel de ce qui devrait nous occuper ?

Nul, ici ou ailleurs, n’a besoin du décryptage du jeu de dupes qui se joue. L’objectif est bel et bien qu’il n’y ait pas d’accord et que la réforme de la Constitution, une nouvelle fois, échoue. Il n’est, malheureusement, point question ici d’environnement.

Dans la perspective de la prochaine élection présidentielle, ce texte relève purement du prétexte. Emmanuel Macron cherche à déporter une double responsabilité sur le Sénat et, singulièrement, sur la majorité sénatoriale.

Il s’agit, premièrement, de la responsabilité de son manque d’ambition face au défi climatique. Le projet de loi Climat et résilience l’a récemment illustré. À la lecture de son programme présidentiel, le volontarisme d’Emmanuel Macron en la matière ne sautait pas aux yeux. Sur ce point-là, on ne pourra pas lui reprocher de ne pas avoir tenu ses promesses ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Deuxièmement, il s’agit de la responsabilité de ne pas honorer l’engagement pris devant la Convention citoyenne pour le climat, permettant ainsi au Président de la République de s’en dédouaner.

La majorité sénatoriale, quant à elle, tente d’échapper à ce piège politique grossier tendu par le Président de la République. Elle est face à un dilemme : faut-il offrir un référendum au chef de l’État à la veille de la présidentielle de 2022 ou faut-il le bloquer, quitte à cultiver le cliché, certes erroné, d’une chambre ringarde en décalage avec son temps ?

La majorité sénatoriale a choisi : elle préfère endosser le blâme de ne pas réviser la Constitution, tout en dénonçant l’Assemblée nationale. Ainsi, s’appuyant sur l’avis du Conseil d’État et la responsabilité du constituant, elle invoque une rédaction juridique incertaine, qui ferait peser des risques sur notre ordre constitutionnel. Elle lui préfère une rédaction dont elle reconnaît la faible portée normative, sans méconnaître sa portée symbolique, mais en la réduisant à un placebo.

Malheureusement, ces discussions sémantiques, aussi intéressantes qu’interminables, se tiennent au détriment de la finalité.

En définitive, la majorité sénatoriale fait ce que l’exécutif attendait d’elle et vient ripoliner en vert l’image d’Emmanuel Macron. Dans une des matinales radios d’aujourd’hui, le porte-parole du Gouvernement, connu pour sa hauteur de vue, son sens de la mesure et sa sincérité, parlait du Sénat qui empêcherait de lancer le référendum et dont la majorité ne serait généralement pas favorable aux mesures en faveur de l’environnement, par climatosceptisme… Fermez le ban !

Las, pendant que chaque joueur d’échecs tente de mesurer le coût politique de telle ou telle option, quel est le résultat de ce manège ? Quel est le coût pour la démocratie et pour l’avenir de la planète ? Telles sont les vraies questions que nous devrions nous poser, c’est-à-dire celle du fond, et non de la forme.

Du point de vue démocratique, tout d’abord, je crains que nos débats parlementaires suscitent plus de désintérêt qu’autre chose de la part des Français que nous avons pour responsabilité de représenter. Les calculs politiques des uns ne font qu’alimenter la crise démocratique aux yeux des autres ; à cet égard, n’oublions pas le coup de semonce du dernier scrutin électoral.

Du point de vue démocratique encore, on peut contester la mise en place de la Convention citoyenne pour le climat et considérer que ce ne sont pas 150 citoyens, pourtant impliqués, qui devraient indiquer la marche à suivre au Parlement.

Cette posture, qui confine souvent à la caricature, pose une question légitime, qui, en réalité, n’est pas la bonne. La question est davantage celle d’un Président de la République qui ne souhaite pas vraiment tenir ses promesses, en rejetant la faute sur le Parlement, alors même que ce dernier, en responsabilité, assume son travail de législateur.

Du point de vue de la planète, ensuite, la transition écologique se retrouve l’otage de considérations politiques qui n’ont rien à voir avec elle. Parlementaires et juristes, nous avons disserté à l’envi sur les verbes « agir » et « garantir », au détriment de l’enjeu final. Le rapporteur spécial des Nations unies indique lui-même que de telles avancées constitutionnelles dans d’autres pays n’ont pas eu de conséquences dramatiques…

L’environnement est ainsi complètement passé à l’arrière-plan, au profit de l’exégèse. Pourtant, avons-nous une responsabilité en matière de réchauffement climatique ? Qui, dans cet hémicycle, peut oser répondre par la négative à cette question ? Qui peut oser s’affranchir d’une quelconque responsabilité envers les générations futures ?

En effet, du club de Rome au groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, les rapports se suivent et se ressemblent, s’accumulent, s’entassent et se répètent sans jamais se contredire : la situation n’est plus tenable, et la crise sanitaire en est l’une des illustrations.

Le prérapport du GIEC indique qu’une augmentation du réchauffement climatique au-delà de 1,5 degré pourrait déjà entraîner « des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ». L’organisation météorologique mondiale estime à 40 % la probabilité de dépasser ce seuil d’ici à 2025.

Pour ceux qui préfèrent le droit – ils sont nombreux ici –, la lecture de la récente décision du Conseil d’État est éclairante : celui-ci a sommé l’État d’agir pour le climat en donnant au Gouvernement jusqu’au mois d’avril 2022 pour prendre « toutes les mesures utiles », afin d’atteindre ses objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre, sous peine d’astreinte financière – une future décision qui interviendra donc en pleine campagne présidentielle.

Pour les contemplatifs – il y en a quelques-uns –, l’actualité parle d’elle-même : vagues de sécheresse, inondations à répétition, phénomènes de submersion, cycles de canicule, dôme de chaleur au Canada, tempête de grêle en Franc, etc.

Aussi, cette révision constitutionnelle méritait mieux que des calculs politiques, au regard du défi que nous devons relever collectivement. Notre Charte de l’environnement n’est pas suffisante. La Constitution doit donc s’adapter aux nécessités de notre temps.

Deux questions éminemment politiques auraient dû animer notre débat et nos décisions.

D’une part, quelle est notre volonté politique face à cet enjeu environnemental essentiel pour l’avenir de l’humanité ? Nous pensons toujours qu’elle doit être la plus forte possible, ce qui impose une réécriture la plus ambitieuse possible de l’article 1er de notre Constitution.

Dans cette perspective, nous étions attachés à l’intégration de la notion complémentaire de « préservation des biens communs mondiaux », qui nous semblait centrale et qui a fait l’objet d’une proposition de loi socialiste forte, portée par notre collègue Nicole Bonnefoy. Le droit de propriété doit pouvoir être contraint pour préserver ces biens communs. C’était d’ailleurs l’esprit de l’un des projets de texte constitutionnel pour la IVe République, projet qui n’a pas été retenu.

D’autre part, voulons-nous ou non laisser les Français s’exprimer sur ce sujet, ou bien les priver de cette parole ? Nous pensons que ce droit leur appartient.

Ainsi, si le vote conforme est désormais plus que compromis, nous ne souhaitons pas ajouter de l’obstruction à l’obstruction. Nous avons préféré ne pas déposer d’amendement et voter contre ceux de la majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la prise de conscience de l’urgence face au péril que constitue le dérèglement climatique doit être mondiale.

Ses effets sont visibles dans tous les recoins de notre planète. Le Canada enregistrait, la semaine dernière, une température de 49,6 degrés Celsius, rendant l’air irrespirable, provoquant de nombreux décès et écrasant tout le vivant sous ce phénomène de « dôme de chaleur ».

Des effets météorologiques violents sont répertoriés à intervalles très réguliers ; la France les a subis en nombre cette année : ils ont des impacts sur tous nos concitoyens, dans leur vie, mais aussi dans leur travail. Je pense notamment à nos agriculteurs, qui vivent encore les conséquences du gel du début du printemps dernier.

Sur mon territoire, nous vivons, depuis une vingtaine d’années, une sécheresse toujours plus précoce et grave, ainsi que des saisons de moins en moins prévisibles. Plus personne ne nie aujourd’hui ces changements, que nous cherchons à enrayer.

Le projet de loi constitutionnelle, que nous retrouvons dans cet hémicycle en deuxième lecture, a encadré l’étude d’un autre projet, celui du projet de loi Climat et résilience. Les centaines d’articles qu’il contient concernent des domaines très variés, ayant pour objectif principal la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre dans un avenir très proche.

Le Sénat a travaillé à insérer ce texte dans une logique réaliste et pragmatique. Nous ne pouvons pas orienter notre pays avec la seule logique environnementale. Notre transition, pour être efficace, doit être ancrée dans le réel.

L’article unique dont nous faisons une nouvelle étude est arrivé de l’Assemblée nationale avec des termes encore différents de ceux que nous avions modifiés lors de notre première lecture. L’examen que nous en avons fait la semaine dernière en commission des lois soulève presque les mêmes problèmes qu’à l’origine. Je tiens, à cet égard, à saluer le travail de la commission, ainsi que nos échanges.

Le verbe « garantir » a refait son apparition, ce que nous avons encore une fois dénoncé. Nous lui préférons le verbe « agir », pourtant préservé en première lecture à l’Assemblée nationale. La vision du groupe Les Indépendants reste la même qu’en première lecture : nous ne pouvons faire entrer l’incertitude dans notre Constitution.

S’il y a une urgence, c’est surtout celle de faire les choses bien. Ce n’est pas la rédaction issue de l’Assemblée nationale qui nous semble issue de l’Assemblée nationale qui nous semble répondre à cela, ni aux besoins ni aux doutes quant à l’avenir.

Au lieu d’opposer nos libertés, nous devons les concilier. La protection de l’environnement impliquera inévitablement les volets sociaux et économiques de notre système. Une écologie humaniste et libérale fera de nos investissements et de nos innovations autant de moteurs primordiaux de la lutte contre le changement climatique.

Demain, nous circulerons dans des transports propres, ce qui représente l’un de nos plus grands défis. Nous aurons décarboné des pans entiers de nos industries les plus polluantes, comme celles de l’acier ou du ciment, très émettrices de CO2. Notre économie sera beaucoup plus circulaire. Nos bâtiments, tout au long de leur vie, nous permettront des économies d’énergie. Le numérique, qui prend une place grandissante dans nos habitudes, sera également moins énergivore. Notre mode de vie aura évolué et sera beaucoup plus respectueux.

Néanmoins, cela ne se fera que si l’on s’en donne la possibilité et si notre relance et notre croissance sont vertes. Cela ne se produira que si la protection de l’environnement est pensée dans son ensemble, avec tous les acteurs et citoyens, pas seulement français, mais du monde entier.

Pour cela, notre Constitution doit rester une alliée. Nous ne sommes pas contre le fait d’inscrire la préservation de notre environnement dans son article 1er. Nous souhaitons simplement le faire efficacement en en mesurant toutes les conséquences. Il faut écarter le flou autour de la définition future du verbe « garantir ».

Il faut également se préserver d’un potentiel glissement vers un gouvernement des juges. Je le répète, les arbitrages éminemment politiques ne peuvent être confiés aux juges. Ces arbitrages doivent rester le lieu de discussion des élus.

Les sénateurs, qui sont les représentants des collectivités locales et qui, pour beaucoup, ont été ou sont encore des élus locaux, savent les contraintes qui pèsent sur les maires ou sur les conseillers généraux lorsque l’on veut construire des routes, par exemple. Ces contraintes, nous les acceptons, nous faisons avec et sommes même heureux de les accepter.

La France doit donc « agir pour lutter contre le changement climatique et en faveur de la préservation de l’environnement et de la diversité biologique ». Elle doit le faire dans les conditions que la Charte de l’environnement nous propose.

Cette Charte, qui fait de la protection de l’environnement un objectif de valeur constitutionnelle, est un trésor de notre bloc de constitutionnalité sur lequel nous avons la chance de pouvoir nous appuyer. Ne l’oublions pas.

Tel est le sens de la rédaction que propose notre rapporteur, via un amendement dont nous allons discuter. Sous réserve de l’adoption de cet amendement, dont je ne doute pas, le groupe Les Indépendants votera à l’unanimité en faveur de ce texte, dans sa rédaction modifiée.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a des jours où l’on va, le cœur léger, participer à des moments dont on sait qu’ils compteront et d’autres où, le cœur lourd, on se rend à l’enterrement de belles idées.

C’est quelque peu l’impression que j’ai, ici, aujourd’hui : assister à l’enterrement prévisible, préparé et prémédité d’une idée, d’une proposition et d’une promesse, grâce à l’action conjuguée du Président de la République et de son gouvernement et de la majorité de droite du Sénat.

« La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas. » Ces mots ne sont ni de moi ni, je vous rassure, d’une horde de décroissants. Ils sont ceux de membres du GIEC, il y a moins de deux semaines.

Nous n’avons plus le temps de tergiverser. Je refuse de me résigner à une inaction de notre pays ou, comme l’a encore rappelé le Conseil d’État jeudi dernier, à une action bien trop peu ambitieuse.

Je le rappelle devant cette assemblée parfois trop frileuse vis-à-vis des mécanismes de démocratie participative, la Convention citoyenne pour le climat a émis, dans ses travaux, le souhait d’inscrire le principe de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique au sein de l’article 1er de notre Constitution.

Soyons clairs, le texte initial du Gouvernement et celui qui nous revient de l’Assemblée nationale ont des limites. Notre groupe le sait, le dit et le montre au travers des amendements que nous avons déposés.

Nous aurions préféré une rédaction différente, plus complète, demandée depuis des années par tout le mouvement écologiste. Mais voilà, le verbe « garantit » semble vraiment irriter majorité de notre assemblée. J’ai déjà fait part de mon incrédulité devant le fait que ce simple mot provoque effroi et peur. Toutefois, la sémantique a ses limites.

Nous, membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, comprenons bien que le terme « garantit » vous effraie, chers collègues, en ce qu’il implique, en quelque sorte, une obligation d’actions pour les décideurs publics. Vous n’hésitez pas à affirmer que nous sommes en danger et qu’il faut sauver la vie sur terre. Mais vous renâclez à l’idée que ce combat soit essentiel et que nous puissions utiliser tous les moyens pour le mener.

Pourtant, partout sur le terrain, nos élus et nos concitoyens ont compris et mettent en œuvre, eux, prioritairement, des mesures et des actions dans ce sens.

Nous souhaitons donc vivement une inscription, à la symbolique forte, de l’ambition environnementale et de la lutte contre le dérèglement climatique à l’article 1er de notre Constitution. Une telle inscription obligerait la France, ainsi que ses législateurs.

L’impact réel et les effets sur l’action publique qu’aurait une telle inscription au niveau supranational n’est pas négligeable. Nous regrettons tous, sur ces travées, l’absence de procédures de présentation de texte de ratification devant notre Haute Assemblée, par exemple pour le CETA, le Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou accord économique et commercial global.

Aussi, inscrire cette garantie au cœur de l’article 1er pourrait devenir un outil majeur pour définir les contours de traités commerciaux internationaux acceptables pour la préservation de l’environnement et de la biodiversité.

Je vous l’ai déjà dit, mes chers collègues, je crains que votre posture ne soit politique, et en rien technique.

Ce jeu de dupes a certes été lancé par le président Macron et son gouvernement, mais vous acceptez bien volontiers d’y jouer, vous appuyant l’un sur l’autre et faisant fi de la réalité de l’urgence. Vous souhaitez tous, à un an de l’élection présidentielle, vous rejeter la faute de la non-tenue d’un référendum.

Il est évident que les seuls qui avancent de manière transparente sur le sujet, depuis longtemps, sont les écologistes, que nous représentons ici. (Mme Éliane Assassi ironise.)

L’urgence climatique nous guide. Nous souhaitons que, à l’avenir, les exécutifs au pouvoir ne puissent ignorer la protection de l’environnement dans leur action. L’alternance politique de notre pays ne saurait se faire au détriment de l’écologie, donc des citoyens.

Osons présenter ce projet à l’ensemble des citoyens ; n’ayons pas peur d’eux. Notre ambition de voter ce texte dans les mêmes termes que ceux de l’Assemblée nationale est ancrée dans notre devoir envers les citoyens, afin de leur permettre de débattre, de se prononcer et d’être consultés.

Ce projet de loi constitutionnel n’est sûrement pas à la hauteur des enjeux, tout comme le projet de loi Climat et résilience ne l’a pas été. Néanmoins, il peut et il doit constituer une étape essentielle vers une prise en compte meilleure et plus systématique des enjeux environnementaux.

Bien sûr, les renoncements successifs de ce gouvernement sur les objectifs de réduction des gaz à effet de serre, sur l’utilisation du glyphosate, sur le retour de l’utilisation des néonicotinoïdes et sur tant d’autres dossiers ne seraient pas absous par ce semblant de virage écologique. Nous ne sommes pas dupes de l’ambition du Gouvernement d’utiliser le soutien à ce texte comme un faire-valoir d’une politique environnementale lacunaire.

Cependant, nous devons avancer. La Convention citoyenne pour le climat, les marcheurs pour le climat, les collectifs et associations écologistes, les scientifiques et experts et les citoyens qui agissent quotidiennement nous le demandent.

Même si ce texte ne va pas au bout de la démarche que les écologistes portent depuis des années, il est temps d’agir plus vite et plus fort. Nous sommes prêts à voter ce texte dans sa version issue de l’Assemblée nationale. Nous voterons, bien entendu, contre les amendements du rapporteur de la commission des lois du Sénat. (M. Bernard Jomier applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce deuxième rendez-vous sur le projet de loi constitutionnel visant à inscrire la préservation de l’environnement à l’article 1er de notre Constitution nous amène à un double constat.

D’une part, contrairement à ce qui avait été auguré ici ou là lors de l’examen en première lecture, la navette a bien suivi son cours.

D’autre part, la politique des petits pas, que traduisent les modifications portées par les rapporteurs des deux assemblées, ne suffit pas à poser les bases d’un compromis.

La deuxième lecture, telle qu’elle se profile, confirme en l’état les vives réticences de la majorité sénatoriale sur la révision proposée par la Convention citoyenne pour le climat et reprise par l’exécutif dans la perspective d’une adoption par référendum. Nous le regrettons.

Alors que nous pouvons tous partager la conviction que la France doit s’armer de nouveaux instruments juridiques pour répondre à l’urgence climatique, la divergence de méthode persiste. Elle s’est focalisée, dans nos débats, sur la portée des termes retenus dans le projet de révision, mais elle traduit je crois, au-delà de la seule sémantique, une différence d’ambition intrinsèque.

Déjà, lors de l’examen du texte en première lecture, nous nous étonnions qu’une partie de l’hémicycle défendît l’adoption d’une réécriture du rapporteur qui revendiquait l’absence d’effet juridique. La réécriture de substitution qui nous sera présentée ultérieurement par le rapporteur et le président du groupe Les Républicains semble confirmer cette volonté de priver d’effet juridique la révision constitutionnelle. Le renvoi tautologique à la Charte de l’environnement en témoigne.

Notre étonnement ne peut qu’être affermi à l’examen du rapport de deuxième lecture, qui se borne à déconstruire les conséquences du texte adopté par l’Assemblée nationale, sans évoquer les effets recherchés par la rédaction alternative proposée.

Certes, l’absence de consensus entre les constitutionnalistes sur la portée des différents verbes retenus ne concourt pas à clarifier le débat. Elle nous enjoint en tout cas au parti pris. La révision portée par le Gouvernement serait tantôt inutile, tantôt dangereuse. Dans la mesure où il nous semble difficile de considérer qu’un texte puisse être à la fois dépourvu d’effet et porteur d’une menace, nous choisissons la voie médiane.

La portée de ce texte était déjà précisée dans les travaux préparatoires de l’Assemblée nationale : il ne s’agit pas d’introduire une prééminence de l’environnement sur les autres principes ni de bloquer toute action des pouvoirs publics. Je le rappelle, la majorité présidentielle n’a pas souhaité modifier le préambule de 1946 dans une rédaction qui aurait induit une prééminence, contraire à notre tradition juridique, de l’environnement sur les autres principes constitutionnels.

Le verbe « garantir » qui figure déjà au sein du bloc de constitutionnalité et que l’on accuse d’introduire une difficulté d’articulation avec l’article 6 de la Charte de l’environnement de 2004 signerait une rupture avec les objectifs du développement durable.

Là encore, il est utile de rappeler que, au sein de cette Charte, l’article 2 met à la charge de toute personne l’obligation de prendre part non seulement à la préservation, mais aussi à l’amélioration de l’environnement, exigence forte, qui s’impose sans mentionner le progrès économique et social. Or les objectifs de développement durable, que nous soutenons, n’ont pas été mis à mal par cette disposition.

Mes chers collègues, nous pensons que le texte qui nous arrive de l’Assemblée nationale ne remet pas en cause le principe d’une conciliation entre les différents droits et libertés fondamentaux. Ce point a été rappelé lors des auditions : les verbes dont il est question ne portent pas en eux une force qui les ferait échapper au contexte dans lequel le juge les interprète.

Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis nous semble, en revanche, ambitieux. Tout d’abord, il répond de manière symbolique à la prise en compte croissante par nos concitoyens des problématiques liées à l’environnement.

Or ces considérations ne peuvent pas être réduites aux tracasseries d’un « comité de salut public 3.0 », pour reprendre la désignation teintée de mépris que l’on a pu entendre dans l’enceinte de cet hémicycle à propos de la Convention citoyenne pour le climat.

M. Philippe Bas. Je m’en souviens !

M. Thani Mohamed Soilihi. Plus important encore, le texte offre au Conseil constitutionnel un levier juridique supplémentaire, dans son appréciation de la constitutionnalité des textes qui lui seront soumis. Il vise, en effet, à renforcer la place de la préservation de l’environnement dans la conciliation du juge. En outre, l’obligation de moyens renforcés mise à la charge des pouvoirs publics accompagne le mouvement jurisprudentiel sur la responsabilité, que l’on a pu observer encore récemment.

Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, réformer la Constitution n’est jamais un acte anodin. Vous maintenez votre désaccord avec la réforme ambitieuse engagée par la majorité présidentielle, dans la continuité des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, et vous nous présentez une proposition de réécriture qui se cristallise encore une fois sur les verbes employés.

Vous souhaitez de nouveau inscrire la révision proposée dans le contexte de la Charte de 2004. Or il ressort des travaux préparatoires du Sénat que cette rédaction ne produira pas d’effet juridique.

Si nous poussons le raisonnement à son terme, devons-nous donc comprendre que soutenir le « oui » au référendum consisterait à convaincre les citoyens de se rendre aux urnes pour approuver une révision constitutionnelle dont les auteurs revendiquent qu’elle n’aura pas de portée ? Ce parti pris cynique nous paraît très en deçà de l’urgence environnementale à laquelle nous devons faire face.

Le groupe RDPI ne pourra se résoudre à voter le projet de révision constitutionnelle, ainsi réécrit et minoré par la majorité de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’arrêt du Conseil d’État daté du 1er juillet dernier, Commune de Grande-Synthe (Nord), tombe à pic. L’instabilité juridique a déjà commencé. Elle est la conséquence de l’insuffisance des efforts de l’État en matière environnementale, certes depuis de nombreuses années.

Dans le monde, comme dans notre pays, le contentieux climatique n’en est qu’à ses balbutiements. Le verdissement récent de la jurisprudence administrative et constitutionnelle poursuivra son cours, avec ou sans le projet de loi constitutionnelle.

Dans son arrêt, le Conseil d’État rappelle que le principe de la protection de l’environnement occupe déjà la plus haute place dans la hiérarchie des normes. Son inscription à l’article 1er ne lui conférerait donc aucune prééminence d’ordre juridique sur les autres normes constitutionnelles, ce que le Sénat fait mine de craindre.

Pourtant, les auditions menées nous ont assez bien éclairés : il n’y aura pas de dérèglement du contentieux, malgré la volonté du Gouvernement de porter un effet accélérateur de l’engagement de la responsabilité pour faute des pouvoirs publics.

Le professeur Dominique Rousseau a rappelé qu’il ne fallait pas accorder une valeur juridique plus contraignante aux termes « garantir » ou « préserver », étant donné qu’aucun droit n’est absolu et que le droit constitutionnel ne fait pas la distinction entre une obligation de moyens et une obligation de résultat.

Si la réforme devait aboutir, les inquiétudes devraient rapidement se dissiper, du fait du double filtrage en matière de question prioritaire de constitutionnalité, ou QPC, à savoir la saisine indirecte du Conseil constitutionnel par les parties et le contrôle préalable opéré par le Conseil d’État et la Cour de cassation.

Rappelons également que le Conseil constitutionnel, avant de se prononcer, anticipe les incidences économiques, sociales et politiques de ses décisions, et en tient compte.

La commission des lois du Sénat choisit donc de maîtriser les conséquences de la réforme pour que celle-ci n’ait très exactement aucun effet, même symbolique. En effet, plus que juridique, cette réforme est d’abord symbolique. Or la Constitution recèle bien des symboles qu’il ne nous viendrait pas à l’esprit de contester aujourd’hui.

Au-delà des symboles, si le Gouvernement voulait nous prouver qu’il entend placer la préservation de l’environnement parmi les priorités de l’action de la France, il pouvait nous le démontrer par des actes, à commencer par un renforcement de l’ambition de la loi Climat. Pour l’instant, tel n’est pas le cas.

Certes, le Gouvernement est sans doute allé un peu vite en besogne. L’élaboration de la Charte de l’environnement avait impliqué, quant à elle, la constitution d’un comité d’experts présidé par M. Yves Coppens, et fait l’objet d’assises territoriales. La politique environnementale, au regard du manque d’adhésion d’une grande partie de nos concitoyens, inquiets à juste titre de ses conséquences sociales, méritait que l’on s’y attelle plus longuement.

Nous sommes donc pris dans un étau de jeux politiciens qui se concrétisera par une navette infinie. Le citoyen n’est pas dupe, et l’issue de ces débats ne satisfera personne.

Ceux qui voudraient aller plus loin dans la préservation de l’environnement estimeront que cette mesure est purement cosmétique. Ceux qui sont d’avis contraire la jugeront dangereuse. Je constate d’ailleurs que, entre la première et la deuxième lecture, le projet de loi constitutionnelle a perdu un certain nombre de voix à l’Assemblée nationale.

Pendant que nous nous attardons sur un débat sémantique complètement superfétatoire, le climat, lui, s’emballe. Tergiverser et temporiser nos actions, c’est l’assurance que les restrictions à nos libertés seront, à l’avenir, plus sévères et abruptes. Quant à l’anticipation, elle nous garantit que la transition écologique sera progressive et juste.

Or le Haut Conseil pour le climat persiste dans son analyse : en raison du retard accumulé par la France, le rythme actuel de réduction annuelle des émissions de CO2 devra pratiquement doubler sur la période du troisième budget carbone, c’est-à-dire entre 2024 et 2028. Nous n’y sommes pas !

Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, dans son prérapport pour 2022, affirme sans hésiter que l’homme ne survivrait pas à un changement climatique majeur, contrairement à la planète, sans changement radical de ses comportements.

Quelle que soit la fin de cette aventure parlementaire, il est plus que certain que la France n’agit pas comme elle le devrait pour la préservation de l’environnement et contre le dérèglement climatique.

On peut toujours graver dans le marbre qu’elle agit, ce qui d’ailleurs serait conforme à la réalité, puisqu’elle le fait malgré tout, mais cette réforme n’apporterait strictement rien si la version proposée par le Sénat devait être retenue.

En l’absence de consensus des deux chambres, et lassé par ces manœuvres comme nous le sommes nous-mêmes, le citoyen se déplacera-t-il si le référendum devait avoir lieu ? Rien n’est moins sûr.

Comme en première lecture, je m’opposerai, avec une partie de mon groupe, au texte du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Martin Lévrier et Guy Benarroche applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, grâce à la Charte de l’environnement, voulue par le président Jacques Chirac, la protection de l’environnement est une exigence constitutionnelle depuis 2005.

Aussi, pourquoi cette nouvelle réforme constitutionnelle ? Que va-t-elle changer ? Quelles nouvelles obligations implique-t-elle ? Personne, monsieur le garde des sceaux, n’a été capable de le dire, ni la Convention citoyenne pour le climat, ni le Gouvernement, ni même le Conseil d’État, qui a cependant exprimé avec netteté ses réserves.

C’est que les implications de ce texte sont, en réalité, inconnues et même imprévisibles.

Ce que nous avons, tout d’abord, c’est que l’article 1er de la Constitution n’a pas plus de valeur juridique que la Charte de l’environnement. La distinction entre une règle constitutionnelle et un objectif à valeur constitutionnelle ne dépend pas de la localisation de la norme constitutionnelle dans les textes fondamentaux.

Le nouvel article 1er et la Charte sont contradictoires, telle est notre deuxième certitude. L’article 6 de la Charte prévoit en effet que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. »

Quant à l’article 1er, il prévoirait, si ce texte était adopté, que « la République garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique ». Chaque mot compte en droit ! Celui de « préservation » est plus fort que ceux de « protection » et de « mise en valeur ».

Ce n’est cependant pas l’essentiel, car le verbe « garantir » exclut le verbe « concilier ». La garantie de la protection et de la mise en valeur de l’environnement ne serait donc pas corrélée, comme dans la Charte, à l’exigence de conciliation avec le développement économique et le progrès social. Tel est le choix politique qui est opéré. Et c’est la raison pour laquelle, en effet, monsieur le garde des sceaux, votre projet ne peut pas être sans conséquence.

Un troisième élément de certitude tient à ce que la combinaison de l’article 6 de la Charte et du nouvel article 1er sera par conséquent impossible. Ce sera l’un ou l’autre. Et puisque la nouvelle règle fixée à l’article 1er sera la plus récente, elle s’imposera normalement pour trancher le conflit de normes, en donnant nécessairement un effet utile à la modification du texte dont nous délibérons.

Dans le cas contraire, la rédaction qui nous est proposée serait pratiquement dépourvue de toute portée ; ce serait un coup d’épée dans l’eau qui ne mériterait ni un vote du Parlement ni, encore moins, le recours au référendum. Le peuple français ne saurait être convoqué pour ne rien décider. Un référendum ne peut se réduire à une simple opération de communication.

Cependant, j’ai compris, monsieur le garde des Sceaux, que vous ne vouliez pas de cette option. Le rideau de fumée répandu autour de ce projet de loi constitutionnelle ne semble pas vous déranger. Loin de le dissiper et de nous éclairer sur la portée réelle du texte, vous vous en remettez, en quelque sorte, à la sagesse du Conseil constitutionnel, pour déterminer a posteriori le contenu du changement proposé. Cela s’appelle un saut dans l’inconnu.

Vous paraissez vous accommoder de cette incongruité. Elle n’a pourtant aucun précédent dans notre histoire constitutionnelle. Elle laisserait le législateur de demain dans l’incertitude et elle placerait les législateurs d’hier et d’aujourd’hui sous la menace de nouvelles questions prioritaires de constitutionnalité, au résultat tout aussi incertain.

Après la deuxième lecture de l’Assemblée nationale, qui en réalité n’a tenu aucun compte de nos travaux, le choix entre les verbes « lutter » et « agir » étant en réalité accessoire s’agissant du réchauffement climatique, nous devrions adopter ce texte comme s’il était à prendre ou à laisser – en somme, à l’aveugle ! Nous devrions renoncer à exercer pleinement notre responsabilité de constituants et accepter ce cas singulier d’incompétence constitutionnelle, comme il y a des cas d’incompétence législative, que nulle juridiction ne pourrait évidemment censurer.

Cependant, si nous n’avons pas le droit d’adopter une loi floue, à plus forte raison devrions-nous nous interdire de voter une règle constitutionnelle ectoplasmique. Un objectif à valeur constitutionnelle clair, comme celui de la Charte, vaudra toujours mieux qu’une règle constitutionnelle indéterminée et ambiguë.

Cette révision constitutionnelle est à la Constitution ce que les montres de Dali sont à l’horlogerie. (Sourires.) Ce pourrait être une nouvelle démonstration de votre sens artistique, monsieur le garde des sceaux, mais, en l’occurrence, votre amour-propre d’auteur ne risque pas d’être frustré, puisque le texte que vous défendez n’est pas le vôtre. Il est le fruit des réflexions d’un aréopage qui ne s’est pas même donné la peine de vous demander votre avis.

Cet aréopage n’a probablement pas pris le temps, non plus, de mettre son expertise juridique au niveau de l’expertise écologique dont il se prévaut. À cet égard, il n’a qu’une lointaine parenté avec l’Antiquité grecque, puisque, à Athènes, les 150 archontes de la colline d’Arès n’avaient pas été choisis au hasard, mais étaient tous issus des plus hautes magistratures. Cette différence explique sans doute un résultat aussi désolant pour la Constitution que pour l’écologie.

Nulle institution de la République, hormis le Sénat, n’a pourtant osé remanier ce projet de loi constitutionnelle, pour lui faire prendre sens et lui apporter la sécurité juridique qui est nécessaire. Il faut remercier le président de la commission des lois, M. Buffet, de s’y être attelé avec l’efficacité et la sagacité que nous lui connaissons.

Peut-on imaginer une révision constitutionnelle scellant l’accord du Président de la République, du Gouvernement, de l’Assemblée nationale, du Sénat et, en définitive, du peuple français appelé à s’exprimer par référendum sur un texte dont le contenu réel reposerait sur une contradiction, sans doute délibérée, entre deux normes constitutionnelles opposées ?

Dites-nous ce que vous voulez vraiment, monsieur le garde des sceaux ! Vous restez au milieu du gué.

Si vous voulez rejeter dans les oubliettes de l’histoire la notion de développement durable, parce qu’elle est à vos yeux dépassée, assumez-le franchement et ne tergiversez plus ! Tranchez la question et ne laissez pas subsister un article 6 de la Charte de l’environnement orthogonal au texte que vous voulez faire adopter.

Dites clairement ce que vous n’avez écrit qu’obscurément, à savoir que la garantie de préservation de l’environnement est plus importante, à vos yeux, que le développement économique et le progrès social, et que vous voulez donc faire prévaloir celle-ci sur ceux-là.

Vous avez le droit d’avoir cette conviction. Nous ne la partageons pas. Cependant, pour la clarté du débat, il est essentiel de dire aux Français qu’il y a d’un côté ceux qui veulent inscrire la politique écologique dans le cadre du développement durable – nous en sommes ! – et ceux – vous en êtes ! – qui veulent l’en faire sortir.

Vous avez raison de rappeler que le Conseil constitutionnel a l’habitude de concilier des principes constitutionnels dont les implications sont susceptibles d’être opposées. C’est même le cœur de sa fonction, dans l’application de nos principes fondamentaux.

Cependant, parmi nos droits fondamentaux, il n’existe pas de droits contradictoires, mais seulement des droits de nature différente, chacun avec leur limite fixée par la loi. Ils sont non pas antagonistes, mais relatifs, ce qui n’est tout de même pas la même chose et permet de trouver des compromis.

Le plus bel exemple est celui de la liberté. Dans son article IV, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Cela implique de concilier les droits des uns avec la liberté des autres, aucun droit n’étant absolu. L’article IV enfonce d’ailleurs le clou, pour ainsi dire : « L’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ».

Partout, la même logique est à l’œuvre. Des droits sont reconnus, puis leurs limites sont énoncées, et sans cesse prévaut le souci de concilier droits individuels et intérêt général. Il en va de même à l’article 6 de la Charte de l’environnement, qui appelle une conciliation entre l’écologique, l’économique et le social.

Certes, dans ce cas, le Conseil constitutionnel sait ce qu’il a à faire, directement guidé par l’énoncé même de nos principes fondamentaux : il ne s’érige pas en constituant délégué.

Cependant, si on lui demande d’un côté de concilier l’écologique, l’économique et le social, puis, de l’autre, de garantir seulement l’écologique, sans aucune mention de l’économique et du social, il sera confronté à une authentique contradiction qu’il sera bien obligé de résoudre pour donner une portée utile au nouveau texte, comme vous le souhaitez et comme il devra le faire, en rejetant le développement durable dans un passé lointain.

Le Conseil constitutionnel ne peut pas, en effet, refuser de donner son plein effet utile à un texte adopté par le pouvoir constituant.

Le choix sera binaire. Il n’y a pas de moyen terme entre le droit à la protection de l’environnement posé par la Charte, qui trouve sa limite dans les exigences du développement économique et du progrès social, et la garantie de la protection de l’environnement proposée par la Convention citoyenne, qui serait absolue, puisqu’aucune limite n’est énoncée pour en tempérer la portée. Telle est d’ailleurs sa seule raison d’être, malgré tous les efforts réalisés pour le dissimuler.

En adoptant cette révision constitutionnelle dans les termes votés par l’Assemblée nationale, le Parlement et le peuple français se lieraient les mains.

Ils signeraient un chèque en blanc au Conseil constitutionnel et aux groupes de pression susceptibles de le saisir. Ils contraindraient gravement les gouvernements et les législateurs de demain dans l’exercice même de la souveraineté nationale. En effet, constitutionnellement, aucune loi ne pourrait plus venir atténuer ou corriger la rigueur et la portée de mesures législatives déjà prises pour renforcer la protection de l’environnement.

Le Président de la République, qui a engagé ce processus de révision constitutionnelle, devrait pourtant se souvenir que, lorsqu’il lui a fallu renoncer dans la précipitation à l’écotaxe, d’ailleurs votée contre la position du Sénat, il n’était finalement peut-être pas si inutile que le législateur ait eu alors la faculté constitutionnelle d’atténuer les contraintes excessives posées au nom de l’écologie, pour mettre fin au mouvement des « gilets jaunes ». Celui-ci a pu ainsi désamorcer la crise, en ajoutant la préoccupation économique et sociale à la préoccupation environnementale qui seule avait été prise en compte, à l’origine.

Telle est la manière dont la Charte prévoit que le législateur pourra procéder. Or cette faculté, nous ne l’aurions plus demain, si les pouvoirs du Parlement devaient être drastiquement limités par un texte comme celui qui nous est présenté.

C’est donc aussi en protecteur de nos institutions, de la fonction présidentielle et de la mission du Parlement que le Sénat doit rejeter la rédaction proposée par la Convention citoyenne pour le climat et souscrire à la proposition de notre commission des lois de réécrire le texte. Nous ne devons pas aliéner notre capacité souveraine de légiférer. Le Parlement ne doit pas se soumettre par avance aux aléas d’une jurisprudence constitutionnelle qui n’aurait pas été encadrée par l’expression claire de la volonté du constituant. Ce renoncement serait pour lui une véritable abdication.

C’est au Gouvernement, ainsi qu’au Parlement, quand la loi est nécessaire, de déterminer librement la politique écologique de la Nation. Il leur appartient aussi d’en changer, si l’intérêt national et la volonté du peuple le commandent, sans que pèse sur eux l’épée de Damoclès d’un interdit invisible.

La Constitution ne saurait prendre des gages sur les politiques de demain, qu’il s’agisse de l’environnement ou des autres domaines de l’action publique. La République doit pouvoir continuer à préférer la voie étroite, mais féconde, du développement durable à l’écologie de la décroissance que ce projet vise à inscrire dans le marbre de notre loi fondamentale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de vingt minutes, afin que la commission puisse examiner les amendements déposés sur ce texte.

M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux pour vingt minutes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte adopté par l’Assemblée nationale.

projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la constitution et relatif à la préservation de l’environnement

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement
Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 2 rectifié ter

Article unique

Après la troisième phrase du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique. »

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Folliot, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je ne reviendrai pas sur les arguments que M. le rapporteur et mon collègue et ami Philippe Bonnecarrère ont excellemment développés, mais, à l’instar de ce que j’avais fait lors de la première lecture, je ne voterai pas ce texte.

Comme je l’ai déjà expliqué, il me semble dangereux de modifier la Constitution pour des raisons d’opportunité, politique ou autre. En effet, à mon sens, il n’est pas anodin de toucher à notre loi fondamentale : il est au contraire important de veiller à une certaine stabilité de celle-ci.

Vous avez déclaré, monsieur le garde des sceaux, que, finalement, l’adoption de ce texte, donc la modification de l’article 1er de la Constitution, ne produirait aucun effet juridique nouveau. Dès lors, à quoi bon réviser la Constitution ?

Je ne reviendrai pas non plus sur le terme « garantit » et sur toutes les difficultés qu’il posera sur le plan juridique, dans la mesure où nos collègues en ont déjà largement parlé.

En ce qui me concerne, j’ai vu plus de 200 maires ces dernières semaines dans mon département : aucun ne m’a dit qu’il était indispensable de modifier la Constitution. Je rencontre aussi un certain nombre de nos concitoyens : personne n’a soutenu l’idée qu’il fallait la réviser !

Certes, lutter contre le changement climatique est primordial, mais il faut avant tout agir dans le cadre des politiques mises en œuvre pour défendre l’environnement. Ce n’est pas en modifiant la norme juridique fondamentale que nous allons résoudre les problèmes.

À ce stade, il est essentiel que le Parlement, plus particulièrement le Sénat, dans sa grande sagesse, envoie un signal clair : on ne veut pas entrer dans ce jeu-là.

Or la meilleure façon d’adresser ce message, c’est somme toute de voter la suppression de l’article, ce qui conduirait à ne pas modifier la Constitution et à maintenir l’équilibre actuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle qu’un amendement similaire avait été déposé en première lecture et que nous ne l’avions pas adopté, et cela pour une raison simple : un tel amendement tend à supprimer l’article unique du projet de loi constitutionnelle, alors que la commission des lois a décidé non pas de le supprimer, mais de le modifier.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue, faute de quoi j’y serais défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En réalité, monsieur le sénateur, vous voulez supprimer l’objet même de cette réforme. (M. Philippe Folliot acquiesce.)

Vous comprendrez que, dans la mesure où il s’agit d’une réforme que le Gouvernement défend, je ne puis qu’être défavorable à votre amendement.

Je déplore par ailleurs que vous n’ayez rencontré aucun citoyen vous ayant dit que cette réforme était indispensable. Pour notre part, nous en avons rencontré 150 !

M. Loïc Hervé. Tirés au sort !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mais sans doute n’est-ce pas suffisant…

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Folliot, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?

M. Philippe Folliot. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Marseille, Allizard, Anglars, J.M. Arnaud, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti, Berthet et Billon, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Bonneau, Bonnecarrère et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mmes Boulay-Espéronnier et V. Boyer, MM. Burgoa, Cadic et Calvet, Mme Canayer, MM. Canévet, Capo-Canellas, Cardoux et Cazabonne, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon et Chauvet, Mme Chauvin, M. Cigolotti, Mmes de Cidrac et de La Provôté, M. Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, Daubresse et Delahaye, Mme Delmont-Koropoulis, M. S. Demilly, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Di Folco, Dindar, Doineau et Drexler, M. Duffourg, Mmes Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, M. Favreau, Mme Férat, M. B. Fournier, Mme C. Fournier, M. Frassa, Mmes Garnier, Garriaud-Maylam et Gatel, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et N. Goulet, MM. Grand et Gremillet, Mmes Gruny et Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, MM. Hingray, Houpert, Hugonet et Husson, Mmes Imbert, Jacquemet et Jacques, M. Janssens, Mmes Joseph et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kern, Klinger, Lafon et Laménie, Mme Lassarade, M. Laugier, Mme Lavarde, MM. Le Nay, Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Létard, M. Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, Le Rudulier et Longuet, Mme Lopez, MM. Louault, Mandelli, P. Martin et Maurey, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Mizzon et Moga, Mme Morin-Desailly, M. Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Nougein, Pellevat et Perrin, Mme Perrot, M. Piednoir, Mme Pluchet, MM. Poadja et Pointereau, Mme Primas, M. Prince, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Reichardt et Rietmann, Mme Saint-Pé, MM. Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido et Sol, Mme Sollogoub, MM. Somon et Tabarot, Mme Tetuanui, M. Vanlerenberghe, Mmes Ventalon, Vérien et Vermeillet et MM. C. Vial et Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Remplacer les mots :

garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique

par les mots :

agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 3.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, cet amendement vise à revenir à une rédaction de l’article unique proche de celle qui résulte des travaux du Sénat en première lecture.

Nous souhaitons que l’article 1er de la Constitution reconnaisse que la France « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ».

Il est inutile d’expliquer de nouveau les raisons pour lesquelles nous voulons supprimer le terme « garantit » et renvoyer aux dispositions de la Charte de l’environnement de 2004. Cette dernière, je le rappelle, fait partie du bloc de constitutionnalité et préserve une forme d’équilibre en matière de développement durable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.

M. Philippe Bas. Comme chacun peut le constater, notre amendement est identique à celui de la commission des lois.

C’est l’occasion pour nous de souligner qu’il ne peut pas y avoir l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre nous, le groupe Les Républicains, et la commission des lois.

Il peut en revanche y avoir plusieurs politiques écologiques. Le Gouvernement avance masqué avec la sienne : il s’agit d’une politique écologique qui vise, grâce à une révision constitutionnelle, à rompre avec une conception du développement durable qui concilie écologie, économie et progrès social.

Si nous voulons mentionner la Charte de l’environnement dans notre Constitution, c’est parce que nous sommes pour le développement durable. Nous demandons par conséquent que l’Assemblée nationale et le Gouvernement saisissent la main que nous leur tendons, en vue de parvenir à un accord sur cette base.

Nous pensons que les Français sont profondément attachés au développement durable, qu’ils ne veulent ni d’une écologie punitive ni d’une écologie de la décroissance. Ils veulent à la fois l’écologie, le développement économique, celui de l’emploi, et le progrès social.

Tel est le sens de cet amendement et de celui de la commission des lois.

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par MM. Benarroche et Gontard, Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Après le mot :

préservation

insérer les mots :

et l’amélioration constante

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Tout d’abord, j’observe que la commission des lois et le groupe Les Républicains, entre lesquels il n’existe pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette – nous l’avions bien compris ! –, mettent tous deux en avant un certain nombre d’arguments repoussant l’écologie de la décroissance au profit d’une écologie pragmatique.

J’ai encore du mal à comprendre exactement de quoi ils parlent, mais nous aurons sûrement l’occasion, dans un autre débat, d’évoquer ces sujets. Nous avons essayé de le faire, mais, manifestement, aucune réponse ne nous a été apportée.

Pour anticiper la probable adoption des amendements du groupe Les Républicains et de la commission des lois et éviter que nous ne nous retrouvions avec un texte sensiblement différent de celui qui nous a été transmis, qui empêcherait d’aboutir au référendum que nous appelons de nos vœux, nous avons déposé plusieurs amendements.

Ces amendements ont pour principal objet de défendre un certain nombre de convictions, notamment le principe d’« amélioration constante » de l’environnement, auquel nous sommes attachés. Il s’agit de consacrer une obligation positive qui pèse sur l’État, celle de respecter les dispositions législatives et réglementaires relatives à la protection de l’environnement qu’il s’est lui-même fixées.

Ce principe d’amélioration constante de l’environnement n’a aujourd’hui qu’une valeur législative, puisqu’il est inscrit à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

Afin de renforcer sa portée juridique et d’élargir son champ d’application, il doit être élevé au rang constitutionnel. Il faut lui conférer une valeur égale à celle des principes constitutionnels du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre, généralement invoqués pour autoriser la mise sur le marché des néonicotinoïdes, par exemple, ou de certains produits phytosanitaires excessivement nocifs pour la santé et l’environnement.

La France pourrait ainsi être mieux armée sur le plan juridique pour se conformer aux objectifs fixés par l’accord de Paris qu’elle a elle-même signé et, plus généralement, à ses engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de promotion de la résilience.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 9 ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 9 est contraire à la position de la commission, puisqu’il tend à revenir sur la rédaction de l’article que celle-ci a retenue.

De plus, la Charte de l’environnement prévoit et impose déjà à toute personne, y compris d’ailleurs aux pouvoirs publics, de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. La Charte de l’environnement, je le redis, fait également partie du bloc de constitutionnalité.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de l’amendement n° 9. À défaut, elle y serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je tiens tout de même à redire que le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont, que vous le vouliez ou non, fait un pas dans votre direction, ou plutôt, pour changer d’expression, qu’ils ont tendu la main au Sénat. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

En deuxième lecture à l’Assemblée nationale, deux mots continuaient à faire débat. Nous avons accepté que l’un d’entre eux soit modifié conformément à vos attentes. Pour le reste, vous ne voulez pas bouger : c’est une réalité, et chacun en tirera les conclusions qui s’imposent.

Personnellement, je n’entends plus vous convaincre. J’ai cru, jusqu’à il y a quelques minutes, que vous pourriez entendre raison, ou en tout cas entendre la raison du Gouvernement, mais, à l’évidence, ce n’est pas le cas.

Je ne souhaite pas allonger artificiellement les débats. Je n’ai pas, tout comme vous sans doute, le sens de l’effort inutile. J’ai bien compris que vous ne vouliez pas de ce texte et que vous n’en voudrez pas, mais je persiste et je signe : si une petite modification a été introduite dans ce texte, c’est bien grâce à nous.

Je suis donc défavorable à ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Monsieur Bas, une petite précision me semble utile : vous avez affirmé qu’il n’y avait aucune différence entre la position du groupe Les Républicains et celle de la commission des lois ; je pense que vouliez dire qu’il n’y avait aucune différence entre votre position et celle de la majorité de la commission des lois. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Procaccia. Cela revient au même !

M. Éric Kerrouche. En effet, entre la position de la commission et celle des autres groupes, il y a bien plus que l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette : il y a même beaucoup de tabac ! (Sourires.)

Pour en revenir aux amendements identiques nos 3 et 5 rectifié, le jeu sémantique est certes intéressant, mais les effets que le groupe Les Républicains attribue au verbe « garantir » nous semblent largement exagérés, comme cela a déjà été dit plusieurs fois. Je rappelle que, en droit, certains termes ont leur signification propre. Par exemple, le verbe « garantir » n’a pas le même sens en droit constitutionnel ou en droit pénal.

L’affrontement porte donc uniquement sur un plan sémantique. La proposition du Gouvernement n’était déjà pas très ambitieuse ; la proposition qui nous est soumise ne sert à rien. Elle a même un caractère extrêmement tautologique, notamment dans sa référence à la Charte de l’environnement de 2004.

Nous voterons donc contre ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 5 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 9 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 10, présenté par MM. Benarroche et Gontard, Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elle garantit aux générations présentes et à venir le droit de vivre dans un environnement sain et sûr.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement a pour objet le droit de vivre dans un environnement sain et sûr.

Les liens entre santé, sécurité et environnement ne sont plus à démontrer. Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la consécration au rang constitutionnel du droit des générations actuelles et futures à vivre dans un environnement sain.

Les nombreuses atteintes à la biodiversité et à l’environnement pourraient à terme entraîner la destruction de l’humanité. Ainsi, la France doit mettre en œuvre toutes les politiques environnementales nécessaires, afin de limiter les effets de l’activité humaine à un niveau permettant à l’humanité de disposer des fonctions essentielles de la biosphère.

Cette affirmation découle surtout d’un positionnement intergénérationnel. « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants » : cette formule est bien connue. Encore faut-il en tirer les conséquences !

Le 30 octobre 2018, le comité des droits de l’homme des Nations unies a exprimé ses craintes quant aux incidences notables du changement climatique : « La dégradation de l’environnement, le changement climatique et le développement non durable comptent parmi les menaces les plus imminentes et les plus graves qui pèsent sur le droit à la vie des générations actuelles et futures. »

Nous souhaitons ainsi rappeler que nos décisions actuelles ont des conséquences sur la capacité des générations futures à vivre dans de bonnes conditions environnementales.

Ce droit à un environnement sain, dans lequel il faut inclure le droit à l’eau, un air non pollué et les bénéfices de la biodiversité a été reconnu en France et inscrit dans la Charte de l’environnement de 2004. Il convient cependant d’en renforcer la portée juridique en l’érigeant en principe constitutionnel inscrit à l’article 1er de la Constitution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Comme vous l’avez indiqué vous-même, ma chère collègue, la Charte de l’environnement satisfait déjà votre amendement, puisqu’elle fait notamment référence au droit des générations futures.

Je répète que cette Charte fait déjà partie du bloc de constitutionnalité et a donc bien valeur constitutionnelle.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Benarroche et Gontard, Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

, dans le respect des limites planétaires

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Davantage qu’une notion générale de non-régression ou d’amélioration de l’environnement, il est nécessaire d’introduire dans la Constitution des objectifs environnementaux quantifiables.

Ce concept a été proposé par une équipe internationale de vingt-six chercheurs, dont les travaux ont été publiés dès 2009. Il a d’ores et déjà été utilisé par de grands groupes industriels privés qui cherchent à confronter leur impact environnemental avec la capacité de notre planète à l’absorber.

L’objectif est clair : nous voulons inscrire ce concept dans la Constitution, pour que l’évolution de notre société ne se fasse pas au détriment des capacités de notre planète, de ses ressources naturelles, de sa faculté éventuelle à se renouveler. Toute mesure quantifiée n’a de sens que dans un cadre fini, celui des limites planétaires.

La réduction de nos émissions de gaz à effet de serre ne fera sens et ne sera acceptée par la population que si elle s’inscrit dans une réflexion plus générale sur les limites à respecter pour ne pas consommer l’ensemble des ressources de la planète.

L’introduction de ce concept dans la Constitution renforcerait toutes les démarches visant à inscrire dans le droit des objectifs chiffrés en termes d’émissions de CO2, ainsi que des quotas de coupe forestière ou de pêche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet ajout me paraît superflu. Par définition, je vois mal comment on pourrait préserver l’environnement sans respecter les limites planétaires.

La commission est donc défavorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le rapporteur, vous semblez dire qu’il ne nous arrive jamais de ne pas respecter les limites planétaires, mais c’est pourtant ce que nous faisons : vous savez très bien que, chaque année, le « jour du dépassement » intervient de plus en plus tôt !

Il faut faire en sorte que, à l’avenir, ce jour du dépassement ne tombe plus au mois d’août, au mois de juillet ou au mois de juin, mais au mois de décembre, au moment de l’année où il doit avoir lieu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je ne voterai pas cet amendement, mais je me demande s’il n’est pas inutilement restrictif.

En effet, nous sommes tous conscients des difficultés croissantes que connaît l’espace : nous avons envoyé bien au-delà de l’atmosphère des satellites dont les particules métalliques ont fini par polluer l’espace. Cela justifierait, je crois – peut-être la réflexion pourrait-elle s’engager avec votre groupe, ma chère collègue –, que l’on prenne en compte, non seulement les limites planétaires, mais aussi les limites interstellaires !

M. le président. S’agit-il d’un sous-amendement ? (Rires.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est un sous-amendement Pesquet !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En tout cas, c’est très ambitieux !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Benarroche et Gontard, Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elle assure un haut niveau de protection de l’environnement selon le principe de non-régression.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise le principe de non-régression.

La gestion d’un avenir durable doit permettre de garantir que les acquis environnementaux ne seront pas remis en question. Le principe de non-régression protège les droits des générations futures, en renforçant l’exigence écologique lors des prises de décision.

L’effectivité d’un droit humain à l’environnement ne deviendra réalité qu’à une condition : obtenir la garantie juridique que chaque avancée en faveur de la préservation de l’environnement ne pourra être remise en cause ultérieurement.

Ce principe n’implique pas une impossibilité d’agir de la part des autorités. Il crée au contraire une obligation positive, notamment pour le législateur, de ne pas dégrader les avancées écologiques.

Toutefois, en dépit de l’urgence climatique, certaines décisions législatives ou réglementaires sont moins-disantes au niveau environnemental : ce retour sur la protection de l’environnement et de la biodiversité est insupportable.

Au vu des dernières décisions, qui ont permis au juge de valider un retour en arrière concernant la limitation des néonicotinoïdes, il est essentiel d’inscrire dans la Constitution que, à défaut de faire plus, on ne peut plus se permettre de faire moins.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle que cet amendement est partiellement satisfait, puisque la jurisprudence du Conseil constitutionnel consacre déjà le principe de non-régression.

Dans une décision du 10 décembre dernier, le Conseil a ainsi dégagé de la Charte de l’environnement un principe de non-régression tempéré en matière environnementale.

Il a considéré que le législateur « ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement. »

Il a par ailleurs jugé que « les limitations portées par le législateur à l’exercice de ce droit ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. »

Enfin, il a estimé que le législateur « doit prendre en compte, notamment, le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement. »

Il me paraît déraisonnable, en l’état, d’aller plus loin. Les pouvoirs publics doivent être en mesure de prendre les dispositions rendues nécessaires par l’intérêt général et/ou par toute autre exigence constitutionnelle.

C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis, pour exactement les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article unique, modifié.

(Larticle unique est adopté.)

Article unique
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement
Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 1 rectifié ter

Articles additionnels après l’article unique

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Henno, Moga et Delcros, Mmes Vermeillet et Guidez, MM. Louault, Kern et Le Nay, Mmes Sollogoub et Saint-Pé et M. Détraigne, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article 75-1 de la Constitution, après le mot : « régionales », sont insérés les mots : « , y compris celles enseignées de manière intensive ».

La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Cet amendement est davantage d’inspiration bretonne que ch’tie ou picarde, puisqu’il a été déposé sur l’initiative de Michel Canévet. (Sourires.)

Il vise à inscrire dans notre Constitution l’apprentissage intensif des langues régionales : celles-ci sont une richesse et un patrimoine commun qui participent à la diversité de nos territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement n’a pas de lien direct avec le texte que nous examinons, car il ne vise pas l’inscription de la préservation de l’environnement dans notre Constitution.

Je vous demande par conséquent de bien vouloir le retirer, mon cher collègue ; à défaut, j’y serais défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Monsieur Henno, l’amendement n° 2 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Olivier Henno. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 2 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Henno, Moga et Delcros, Mmes de La Provôté et Vermeillet, MM. Louault, Kern et Le Nay, Mmes Morin-Desailly, Sollogoub et Saint-Pé et M. Détraigne, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, après le mot : « élus », sont insérés les mots : « , y compris pour la représentation dans les établissements publics de coopération ».

La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Cet amendement tend à donner davantage de liberté aux exécutifs locaux pour la représentation des établissements publics de coopération, au nom de la liberté fondamentale des collectivités territoriales reconnue par le Conseil d’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. On ne comprend pas bien le lien entre le texte et cet amendement. Ce dernier vise à compléter l’article 72 de la Constitution, qui, je le rappelle, dispose que les « collectivités s’administrent librement par des conseils élus », en précisant « y compris pour la représentation dans les établissements publics de coopération ».

Sur le fond, cette disposition fait débat et, en plus, elle n’a pas de lien direct avec le projet de loi constitutionnelle dont nous débattons.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 1 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à Mme Muriel Jourda, pour explication de vote.

Mme Muriel Jourda. Je dirai quelques mots pour expliquer la position du groupe Les Républicains, même si je suis sûre que vous l’avez aisément comprise.

Monsieur le garde des Sceaux, nous ne croyons guère ni à la main tendue du Gouvernement (M. le garde des sceaux lève les bras au ciel.), ni au pas que l’Assemblée nationale aurait fait en direction du Sénat. Après tout, le choix des termes « agit pour » n’est jamais qu’un ralliement aux recommandations du Conseil d’État, et non la manifestation d’une forme de bienveillance à notre égard de la part de l’Assemblée nationale.

Nous sommes bien sûr inquiets de l’utilisation du terme « garanti », qui est considéré tantôt comme une quasi-obligation de résultat, tantôt comme une obligation de moyens renforcée, et dont en réalité personne n’est capable de dire quelle est la portée juridique.

Ce que nous souhaitons, vous l’aurez compris, c’est que la préservation de l’environnement ne se fasse au détriment ni du progrès social ni du développement économique, c’est-à-dire qu’elle s’inscrive dans le cadre des principes du développement durable qui sont prévus par l’article 6 de la Charte de l’environnement.

C’est pourquoi le groupe Les Républicains, dans son immense majorité, suivra la position du rapporteur François-Noël Buffet, que nous remercions (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, modifié, l’ensemble du projet de loi constitutionnelle.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 156 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 210
Contre 127

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement
 

4

 
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Discussion générale (suite)

Renforcement de la prévention en santé au travail

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Rappel au règlement

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour renforcer la prévention en santé au travail (proposition n° 378, texte de la commission n° 707, rapport n° 706).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre du travail, de lemploi et de linsertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons aujourd’hui l’examen en séance publique de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, afin de franchir, ensemble, une nouvelle étape dans la transformation et la réforme de notre dispositif de santé au travail.

Je souhaite rappeler le choix réalisé par le Gouvernement, au début du mois de mars 2020, de proposer aux partenaires sociaux d’engager une négociation sur cet enjeu essentiel d’amélioration de la santé au travail.

Les partenaires sociaux, après six mois de négociation, ont conclu un accord solide et équilibré au début du mois de décembre 2020.

La signature de cet accord national interprofessionnel (ANI) par le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l’Union des entreprises de proximité (U2P), la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Force ouvrière (FO), la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) nous prouve la capacité des partenaires sociaux à construire une vision convergente en matière d’évolution de la santé au travail, après un travail approfondi, rendu encore plus essentiel en cette période de crise sanitaire.

Le contenu de ces négociations est riche : développement de la prévention primaire, promotion de la qualité de vie au travail ou encore développement d’une offre de services en santé au travail efficace et adaptée auprès des entreprises et de leurs salariés. Nous aurons, je le sais, largement l’occasion d’y revenir dans les débats.

Je me réjouis de la vitalité de notre dialogue social, qui, en cette période de crise, prend encore plus pleinement son sens. Nos partenaires sociaux ont su dépasser leurs antagonismes pour se faire force de proposition et concrétiser l’ambition d’une santé au travail résolument orientée vers la prévention.

La démocratie parlementaire a ensuite pris très rapidement le relais, avec le dépôt, dès le 23 décembre 2020, de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, portée par les députés Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean, et son adoption par l’Assemblée nationale en février dernier.

Ce texte est désormais soumis à l’examen de votre assemblée. Cette nouvelle étape doit conforter l’existence d’une vision, partagée le plus largement possible, de la santé au travail dans notre pays.

Je souhaite à cet égard souligner l’engagement et le travail de fond de chacun d’entre vous sur les questions de santé au travail, tout particulièrement celui de la commission des affaires sociales du Sénat, notamment des rapporteurs Pascale Gruny et Stéphane Artano, au travers de leur rapport d’information réalisé dès 2019 et des échanges nourris qu’ils ont eu avec les deux députés rapporteurs du texte à l’Assemblée nationale.

D’ailleurs, ces échanges montrent aussi, je crois, notre capacité à mener un travail efficace entre les deux chambres. C’est un autre bon indicateur au moment où nous abordons l’examen de ce texte, qui a donc été largement partagé. Cette forte implication doit permettre de donner corps à la négociation fructueuse des partenaires sociaux, en construisant le socle de sa traduction législative.

Le Gouvernement se félicite de cette méthode de transposition – inédite, il est vrai – et veillera jusqu’à l’issue de la navette parlementaire à assurer le respect des équilibres obtenus par les organisations patronales et syndicales.

Évidemment, la traduction de l’ANI du 10 décembre dernier ne se limite pas à un ensemble de mesures législatives. Un important chantier réglementaire, mais également organisationnel, est engagé, et les partenaires sociaux en sont bien logiquement des acteurs majeurs.

Je souhaite d’ores et déjà valoriser certaines avancées inscrites dans cette proposition de loi, qui accélère la modernisation de notre système de santé au travail.

Je n’en citerai que quelques-unes, puisque nous allons débattre du texte, à commencer par le renforcement de l’approche préventive de la santé au travail et de la traçabilité collective de l’exposition aux risques professionnels, notamment chimiques.

Par ailleurs, la qualité des prestations des services de prévention et de santé au travail, les SPST, sera améliorée par la définition d’une offre de services socle. Cette dernière, qui sera déployée auprès de l’ensemble des entreprises, y compris de petite taille, par les SPST, constitue une avancée très importante.

Je pense aussi à la création d’une procédure de certification de ces services, qui, associée à la tarification en plus complète transparence, permettra de soutenir leurs efforts de qualité sur l’ensemble du territoire.

Je pourrais citer d’autres points, comme la lutte contre la désinsertion professionnelle par la constitution de cellules dédiées dans les services de prévention et de santé au travail interentreprises, les SPSTI, pour favoriser le maintien en emploi, ou encore le renforcement des équipes des services de prévention et de santé au travail au travers d’une formation plus homogène des infirmiers et de la possibilité donnée, pour les infirmiers qualifiés, d’exercer en pratique avancée, ainsi que du développement des délégations de tâche.

Votre commission, mesdames, messieurs les sénateurs, a effectué un travail important sur le texte adopté par l’Assemblée nationale, sans le dénaturer ni trahir les intentions de ses auteurs ou modifier les équilibres parfois délicats auxquels étaient parvenus les partenaires sociaux.

Je souhaite souligner un point sur lequel la proposition de loi a subi une nette évolution lors de son passage en commission des affaires sociales au Sénat : tenant compte des réalités de fonctionnement des petites entreprises, la commission a retenu que celles-ci pourraient définir leurs actions de prévention sans se voir imposer le formalisme d’un programme annuel de prévention.

D’autres évolutions significatives, apportées par ses soins, semblent aussi devoir être mentionnées : l’ouverture aux travailleurs indépendants de l’offre socle des services de prévention et de santé au travail ; les ajustements apportés sur le rendez-vous de liaison, pour permettre d’anticiper la reprise d’activité du salarié ; la définition d’un cadre pour la santé au travail des salariés des particuliers employeurs et des assistants maternels, qui, avec des ajustements que je serai amené à proposer au cours du débat, me semble permettre d’instaurer, dans le cadre d’un dialogue social de branche, une prise en charge effective de ces publics.

Parmi vos amendements de séance, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai noté de nombreuses propositions visant à préciser les missions des services de prévention et de santé au travail sur certaines thématiques ou certains publics spécifiques, parfois en les priorisant.

Je comprends parfaitement les enjeux ainsi portés. Il me semble toutefois inapproprié, voire contre-productif, d’entrer dans ce niveau de précision au stade où nous en sommes. Mais nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet au cours de la discussion.

Me fondant sur les déplacements que j’ai réalisés depuis plus d’un an, je veux enfin témoigner de la forte attente des salariés et des entreprises pour que les services de prévention et de santé au travail les accompagnent au quotidien.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire au cours de mon audition par votre commission des affaires sociales, j’ai également pu constater la forte mobilisation de ces services au cours de la crise sanitaire, mobilisation centrée actuellement sur la vaccination et l’accompagnement à la reprise et au retour progressif en entreprise.

Le retour d’expérience de la pandémie doit permettre de construire, ensemble, un modèle de santé au travail plus proche de l’entreprise et des salariés, plus orienté vers l’accompagnement et le conseil pour la mise en place de mesures de prévention collective.

Les acteurs, me semble-t-il, sont prêts aux évolutions portées dans la proposition de loi. Il est en effet essentiel de moderniser notre système de santé au travail, pour qu’il puisse s’adapter et répondre aux enjeux des parcours professionnels du XXIe siècle. Pour cette raison, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutiendra résolument cette proposition de loi. (M. Martin Lévrier applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Stéphane Artano, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi fait suite à un long processus de démocratie sociale, ayant abouti à la conclusion de l’accord national interprofessionnel « pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail » du 9 décembre 2020.

Le champ de la proposition de loi, dans sa version initiale, s’aligne en quelque sorte sur le périmètre de cet ANI.

Cet accord a lui-même été précédé par la publication de plusieurs rapports proposant de faire évoluer notre système de santé au travail, dont celui que j’ai porté avec ma collègue Pascale Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, en 2019.

Le diagnostic, largement partagé, est celui d’une grande hétérogénéité dans le contenu et la qualité de l’offre des services de santé au travail, qui sont confrontés à de multiples défis, dont celui de la démographie médicale, et d’une prévention primaire encore insuffisamment développée en entreprise. La proposition de loi se fixe ainsi pour premier objectif de consacrer le document unique d’évaluation des risques professionnels, le DUERP, comme l’outil central dans la démarche de prévention et de traçabilité des expositions.

Cette évolution est conforme aux orientations du rapport que Pascale Gruny et moi-même avons élaboré en 2019. Nous y appelions à faire du DUERP un « document stratégique permettant de démontrer l’implication de l’employeur dans la mise en œuvre de son obligation de sécurité ».

Nous concevons en effet le DUERP comme une protection, non seulement pour les travailleurs, mais également pour l’employeur. C’est notamment ce document qui lui permettra d’établir qu’il s’est bien engagé dans une véritable démarche de prévention.

Soucieuse de tenir compte de la réalité des entreprises, notre commission a réservé l’élaboration d’un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail aux seules entreprises de plus de 50 salariés, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État.

Les entreprises aux effectifs plus réduits, tout particulièrement les très petites entreprises, les TPE, ne disposent pas des ressources internes leur permettant d’établir un programme d’une telle complexité. L’évaluation des risques qu’elles conduiront débouchera alors sur la définition d’actions de prévention et de protection, dont la liste pourra être consignée dans le document unique.

Afin de faire véritablement du DUERP un instrument de traçabilité des expositions collectives, objectif confirmé par l’ANI, notre commission a également veillé à réunir les conditions d’une conservation pérenne du document. Suivant un calendrier échelonné selon la taille des entreprises, le DUERP et ses mises à jour devront faire l’objet d’un dépôt dématérialisé sur un portail numérique centralisé et administré par les organisations patronales.

Convaincue que l’établissement d’une frontière étanche entre la santé au travail et le reste du parcours de soins du travailleur n’a plus de sens à l’heure du concept One Health ou « une seule santé », la commission a adopté plusieurs dispositions participant du décloisonnement de la santé au travail et de la santé publique.

En complément de ses missions principales dans la prévention de l’altération de l’état de santé du travailleur du fait de son travail, elle a ainsi reconnu la contribution de la médecine du travail à l’atteinte d’objectifs de santé publique qui permettent, au cours de la vie professionnelle, de préserver un état de santé compatible avec le maintien en emploi.

Si le dispositif du médecin praticien correspondant, préconisé par l’ANI, doit permettre aux SPST de faire appel aux médecins de ville pour renforcer leurs ressources médicales, nous considérons qu’il ne peut constituer une solution durable au problème de la démographie médicale.

Afin de ne pas dénaturer la spécialité de la médecine du travail, dont la fine connaissance du milieu de l’entreprise est déterminante pour un suivi de qualité, la commission a donc encadré le recours au médecin praticien correspondant. Celui-ci sera limité aux situations dans lesquelles les ressources du SPST ne lui permettent pas d’assurer ses missions dans le respect des délais réglementaires.

Pour répondre au défi de la démographie médicale, nous misons plutôt sur un renforcement de l’attractivité de la santé au travail, tant par la valorisation des compétences complémentaires acquises par les médecins du travail en prévention que par une montée en compétences cliniques et paracliniques des infirmiers, dont la contribution à la prévention mérite d’être reconnue et soutenue.

Tel est, mes chers collègues, l’esprit dans lequel la commission des affaires sociales a abordé l’examen de ce texte. Elle vous demande en conséquence d’adopter cette proposition de loi, sous réserve de l’adoption de quelques amendements qui contribueront encore à l’enrichir. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte vise à répondre, à la suite de l’accord national interprofessionnel du 9 décembre dernier, à un enjeu majeur : la promotion de la prévention primaire, au moment même où nous sortons à peine d’une culture de la réparation.

Selon la dernière enquête du ministère du travail, moins de 40 % des entreprises employant moins de dix salariés ont élaboré ou actualisé au cours de l’année leur document unique d’évaluation des risques professionnels, le DUERP, qui est pourtant obligatoire.

Pis encore, cette proportion est en baisse par rapport à la précédente enquête, qui portait sur l’année 2013. La proportion de TPE ayant mis en œuvre des actions de prévention contre les risques physiques aurait ainsi diminué d’au moins 10 % entre 2013 et 2016.

Le constat est donc sans appel : la culture de la prévention est très insuffisamment répandue au sein des TPE et PME, qui vivent encore la santé au travail comme un ensemble de contraintes administratives, et non comme un levier d’amélioration de leur performance.

L’ambition de cette proposition de loi est précisément de systématiser la démarche d’évaluation des risques professionnels dans toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, et de garantir sa traduction opérationnelle dans la mise en œuvre d’actions de prévention et de protection.

À cet effet, les services de santé au travail, renommés « services de prévention et de santé au travail », devront jouer un rôle pivot dans l’accompagnement des employeurs, tout particulièrement auprès des TPE et PME.

Or, en la matière, les partenaires sociaux se sont rejoints, dans le cadre de l’ANI, sur le diagnostic de la grande hétérogénéité des prestations des services de prévention et de santé au travail interentreprises. Nous en avions déjà fait le constat, mon collègue Stéphane Artano et moi-même, dans notre rapport de 2019 sur la santé au travail.

Dans cette perspective, la première réponse apportée par la proposition de loi est de prévoir que chaque SPSTI fournira obligatoirement un ensemble socle de services, ainsi que, de manière facultative, une offre de services complémentaires qu’il déterminera.

Soucieuse de garantir que les SPSTI proposeront à l’ensemble des entreprises adhérentes les prestations les plus homogènes possible, la commission a précisé la définition de cette offre socle.

La proposition de loi revoit en conséquence, à l’article 9, les modalités de tarification des SPSTI. Le texte issu de l’Assemblée nationale confirme implicitement le principe jurisprudentiel du calcul de la cotisation en équivalents temps plein, ou ETP, qui est source de contentieux, peu respecté en pratique et ne correspond pas à la réalité des missions des SPSTI – en matière de prévention et de santé au travail, on ne peut effectuer un suivi partiel des salariés. La commission propose donc de consacrer un mode de calcul per capita, et non proratisé en ETP.

Par ailleurs, suivant le souhait des partenaires sociaux affirmé dans l’ANI, elle a inscrit dans le texte le principe d’un « tunnel » pour encadrer la fixation de la cotisation par référence au coût moyen national de l’ensemble socle de services.

Le deuxième apport de la proposition de loi au sujet de la qualité et de l’effectivité des services rendus, également issu de l’ANI, est la mise en place d’une procédure de certification des SPSTI par un organisme indépendant et accrédité. Favorable à ce dispositif, la commission a souhaité que les partenaires sociaux aient l’initiative dans la définition du cahier des charges, via le Comité national de prévention et de santé au travail, le CNPST.

L’Assemblée nationale a par ailleurs élevé au niveau législatif la procédure d’agrément administratif à laquelle sont soumis tous les SPST, sans toutefois renforcer sa portée.

La commission a introduit, en complément de cette procédure, un régime d’administration provisoire qui doit permettre, sans interrompre le service, de lui donner les moyens de se réorganiser lorsque sa gouvernance est défaillante.

La proposition de loi franchit une première étape dans l’amélioration du suivi de l’état de santé de certaines catégories de travailleurs, suivi aujourd’hui insatisfaisant. Sont concernés, en particulier, les indépendants ou encore les intérimaires.

Nous souscrivons à cet objectif, et la commission a enrichi le texte sur ce point, en ouvrant au chef d’entreprise la possibilité de bénéficier du suivi délivré par le SPST auquel adhère son entreprise et en proposant des modalités spécifiques de suivi des salariés du particulier employeur.

Des améliorations pourront encore être apportées au texte lors de nos débats, avec l’objectif partagé de renforcer la prévention et le suivi de l’ensemble des travailleurs.

La commission des affaires sociales vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter cette proposition de loi dans la rédaction qu’elle vous soumet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, lors de la préparation de mon intervention, j’ai retrouvé une citation de Pierre Dac qui m’a semblé fort à propos pour notre débat de ce jour : « Le travail, c’est la santé… mais à quoi sert alors la médecine du travail ? » (Sourires.)

Évidemment, cette citation est à prendre avec recul et humour ; cela étant, elle nous interroge tout de même sur le lien entre travail et santé.

Comme nombre d’entre nous sur ces travées, je suis issu d’une génération qui ne s’est jamais posé la question du travail. Celui-ci donne un socle et, d’une certaine façon, un sens à la vie. Comme mes parents, je n’ai jamais imaginé une vie sans travail.

Cependant, le monde évolue et d’autres questions s’imposent, dont celles qui sont liées à la pénibilité, aux troubles musculo-squelettiques, à l’exposition à des matières ou substances dangereuses ou encore aux risques psychosociaux. Longtemps passées sous silence, elles ont été identifiées, puis considérées progressivement.

Le rôle de la médecine du travail est donc fondamental, notamment pour la détection, la prévention et la protection face à ces risques.

Toutefois, la baisse du nombre de médecins du travail ne peut qu’affaiblir l’accompagnement que les travailleurs sont en droit d’exiger. De plus, notre paradigme se devait d’être réévalué, et le concept One Health invite à un rapprochement entre le suivi dans le cadre du travail et la médecine de ville. Cela correspond à une évolution de nos sociétés vers une vie plus équilibrée et sans doute, nous l’espérons, plus heureuse.

Cette proposition de loi est le fruit d’un long travail d’échanges avec les syndicats et les partenaires sociaux, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État. Je m’en réjouis à mon tour. Depuis mon élection en tant que parlementaire, je milite pour une démocratie plus apaisée, qui écoute et sollicite les corps intermédiaires.

Ces corps sont une source de propositions et d’informations essentielles pour le législateur. En étant au plus proche du terrain, dans les entreprises, ils nous communiquent régulièrement l’état des demandes, l’ambiance, les ressentis, mais aussi les difficultés vécues par les salariés, pour que nous puissions y répondre le plus rapidement possible.

Quand je vois que cet accord national interprofessionnel a été signé par l’ensemble des organisations patronales et syndicales, à l’exception de la Confédération générale du travail, la CGT, et que nous sommes capables de le transformer en un texte ambitieux pour la santé des travailleurs, mon attachement au paritarisme et au dialogue social en sort renforcé.

Le paritarisme n’est pas le concurrent de la démocratie parlementaire ; il est son indispensable complément !

Je tiens par ailleurs à féliciter nos rapporteurs Pascale Gruny et Stéphane Artano de la qualité du texte obtenu.

J’en viens à quelques-unes de ses principales avancées, celles qui tiennent particulièrement au groupe Union Centriste. La première d’entre elles est le renforcement de la prévention et la fin du cloisonnement entre les notions de santé au travail et de santé publique.

Je suis intimement persuadé que la prévention doit être au cœur de notre action pour toutes nos politiques publiques. Mais cela vaut encore plus pour les questions de santé, car un mal traité en amont coûtera moins à l’État. Si nous sommes capables de le voir venir, de le prévenir, alors nous pourrons le maîtriser. C’est vrai pour le tabac ou l’alcool, mais pas seulement : savoir déceler les premiers signaux d’un mal-être au travail peut sauver une carrière et permettre à un salarié de se remettre sur les rails.

Cette prévention doit être la même partout, et je me réjouis que ce texte mette fin aux inégalités que l’on peut observer entre les entreprises en fonction de leur taille ou de l’engagement de leurs dirigeants sur ces questions essentielles.

Cette prévention s’accompagne d’une simplification bienvenue des procédures. J’entends effectivement les patrons de nos TPE et PME qui, loin de ne pas être sensibilisés à la santé de leurs salariés, se plaignent régulièrement de procédures trop complexes, trop techniques ou trop nombreuses, d’autant plus que la prévention est le talon d’Achille du système de santé français.

Un autre point essentiel de ce texte est la reconnaissance de la contribution de la santé au travail à la santé publique. « Enfin ! », ai-je envie de dire…

Je ne sais pas pourquoi, mes chers collègues, nous avons si longtemps mis une barrière entre la santé publique et la santé au travail. Comme si nous revenions chez nous dans un autre corps que le nôtre ou que nous étions capables de laisser sur le pas de notre porte tous nos tracas professionnels. C’est évidemment faux, chacun le sait ici.

C’est pourquoi je salue pleinement la dynamique engagée par nos rapporteurs. La santé au travail, au même titre que la santé maternelle ou infantile, la santé environnementale, la santé par le sport, etc. a toute sa place dans la réalisation des objectifs de notre politique nationale de santé publique.

C’est sans doute évident pour certains, mais cela va mieux en le disant : la santé publique peut et doit concerner tous les domaines de la santé.

Un deuxième sujet de cette proposition de loi qui me semble important à relever et à saluer est l’homogénéisation de l’offre des services de prévention et de santé au travail, ainsi que la garantie de leur haut niveau de qualité.

Quand je lis dans l’accord national interprofessionnel que les partenaires sociaux se sont accordés sur le diagnostic d’une « grande hétérogénéité » des prestations rendues par les SPST, notamment en matière de prévention, je trouve cela tout simplement insupportable. Or c’est dans ce domaine que l’attente est la plus forte de la part des employeurs et des salariés.

Nous devons nous engager pour que chaque salarié dispose de la prévention en santé au travail dont il a besoin. Ce texte permettra, je l’espère, et nous devrons y veiller particulièrement, de combler les trous dans la raquette et de s’assurer que les salariés disposent d’un socle minimal ambitieux.

Un troisième axe développé dans cette proposition de loi m’a aussi particulièrement interpellé. Il met en lumière la désinsertion professionnelle – le terme est peut-être mal choisi, mais il correspond à un mal profond de notre société – et propose des solutions pour mieux la prévenir.

Je tiens donc à saluer, au nom des membres de mon groupe, toutes les mesures de la proposition de loi qui permettront de lutter contre ce phénomène : création d’une cellule pluridisciplinaire dédiée ; systématisation des échanges d’informations entre les organismes d’assurance maladie et les services concernés ; mise en place d’une visite à mi-carrière ; organisation de visite de préreprise et reprise, ainsi que de rendez-vous de liaison avec l’employeur. Ces mesures vont dans le bon sens.

Enfin, le quatrième et dernier sujet important aux yeux de mon groupe est la revalorisation de l’engagement des professionnels de santé au travail.

Les inégalités d’accès aux ressources médicales en santé sur notre territoire sont un véritable problème. Face à la pénurie médicale à laquelle nous sommes confrontés, ce texte va évidemment dans le bon sens.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi. Nous nous félicitons que le Parlement, main dans la main avec les syndicats, porte une proposition ambitieuse pour les travailleurs de notre pays et pour leur santé.

J’espère qu’elle est la première d’un cycle de propositions de loi importantes, coconstruites et pragmatiques, que nous pourrons nous féliciter d’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Joël Guerriau applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, chaque année, on ne déplore pas moins de 50 à 600 morts au travail, plus de 30 000 incapacités permanentes et plus de 600 000 arrêts de travail. L’ampleur de ces chiffres révèle l’importance du sujet de la santé et du bien-être au travail de nos concitoyens.

La crise du covid-19 et les périodes de confinement successives ont entraîné une dégradation de la santé des travailleurs, avec une hausse importante des troubles psychosociaux. Cette crise a également montré toute l’importance du médecin du travail, relais des pouvoirs publics dans la lutte contre la pandémie au sein de l’entreprise et interlocuteur privilégié des salariés en télétravail.

D’après une enquête menée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la Dares, au début de l’année 2021, l’état de santé psychique des travailleurs s’est fortement dégradé, avec un doublement du risque de dépression et une forte détérioration de la santé perçue, et cela d’autant plus que leurs conditions de travail ont été affectées par la crise sanitaire. Les actifs sont également plus nombreux à déclarer des troubles du sommeil, des douleurs plus fréquentes ou plus fortes.

Le texte que nous examinons aujourd’hui a pour ambition de réformer l’offre de services et la gouvernance des services de santé, ainsi qu’à améliorer le suivi médical des salariés et la prévention de la désinsertion professionnelle ; il reprend en grande partie les dispositions de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, sur la santé au travail, signé le 10 décembre 2020 après plus de deux années de négociations par les partenaires sociaux – nous déplorons d’ailleurs que les professionnels du secteur de la santé au travail n’aient pas été consultés à cette occasion !

Si ce texte a un objectif louable, il est loin de répondre aux attentes des acteurs concernés ; il passe à côté d’enjeux essentiels en matière de santé au travail, surtout en ce qui concerne la prévention primaire des risques professionnels ; il provoque même une confusion entre la santé au travail au regard de l’organisation du travail – les critères de pénibilité ont par exemple disparu – et la santé du travailleur en entreprise, en faisant la promotion individuelle de la santé – consommation de tabac ou d’alcool, pratique sportive, etc.

De même, le texte ne contient aucun apport concernant la reconnaissance des maladies professionnelles, en particulier celles qui sont liées aux risques psychosociaux. Ces derniers constituent pourtant le deuxième groupe de pathologies les plus fréquentes dans le monde du travail, après les troubles musculo-squelettiques.

Au-delà de ces insuffisances, ce texte comporte certains risques pour les travailleurs, en ce qu’il organise une certaine déresponsabilisation de l’employeur en matière de sécurité et de protection de la santé des salariés. De nombreuses mesures tendent à transférer cette responsabilité vers les salariés eux-mêmes ou vers les services de prévention et de santé au travail.

L’instauration d’un passeport prévention à l’article 3 en est la parfaite illustration. Ce passeport semble être un blanc-seing permettant aux employeurs de se dégager de leur responsabilité en matière de sécurité, au motif qu’un travailleur a été préalablement formé.

Un autre point doit retenir notre attention : la possibilité pour le médecin du travail d’accéder au dossier médical partagé, le DMP. Si donner accès à ce dossier au médecin du travail pour y verser des éléments présente un intérêt indéniable, l’inverse n’est pas vrai : les données personnelles de santé des salariés ne doivent pas être visibles par le médecin du travail !

En effet, la possibilité pour le médecin du travail d’accéder à ces données, même avec l’accord du patient, risque d’être préjudiciable aux salariés, en particulier lors des visites d’embauche et de reprise du travail, surtout lorsqu’il y a une nécessité d’adaptation à l’emploi.

Enfin, ce texte ne répond pas au problème concret de la pénurie de médecins du travail. Nous comptons aujourd’hui 1 médecin pour 4 000 salariés : c’est deux fois moins qu’il y a quinze ans ! Pour faire face à cette pénurie, vous proposez de recourir à des médecins correspondants. C’est pour le moins surprenant, compte tenu du contexte de désertification médicale que connaît actuellement notre pays.

En outre, ces médecins correspondants, même avec deux années de formation complémentaires, ne pourront pas faire de la prévention en entreprise – c’est pourtant le rôle essentiel du médecin du travail.

En somme, la crise sanitaire, comme dans un grand nombre d’autres domaines, a mis en lumière d’importants dysfonctionnements : pénurie de médecins du travail, systèmes illisibles et difficiles d’accès, inégalités territoriales.

Cette proposition de loi, porteuse de grands espoirs, n’apporte en réalité aucune solution concrète, et nous le regrettons.

Ainsi, en l’absence d’amélioration significative du texte à l’issue de nos débats, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau. (M. Martin Lévrier applaudit.)

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, il y a quelques mois, les partenaires sociaux ont signé l’ANI sur la santé au travail, dont la présente proposition de loi est la transcription. Celle-ci prévoit une réforme de la santé au travail visant à harmoniser et à renforcer les actions de prévention des risques professionnels.

L’article 1er formalise ce changement de paradigme en renommant les services de santé au travail en services de prévention et de santé au travail ; il s’agit de structures financées par les cotisations des entreprises.

Les consultations d’un médecin du travail sont très variées, allant des conseils de prévention à la reconnaissance d’inaptitudes médicales au travail, ce qui entraîne de nombreux mécontentements de la part des salariés ou de l’entreprise, donc des contentieux. Je pense que la protection du médecin du travail vis-à-vis des services qui l’emploient est un sujet fondamental et mérite d’être renforcée.

Le médecin du travail partage son temps entre les visites médicales, les tâches administratives et les actions en milieu de travail. Il consacre un temps essentiel à l’étude des postes et à l’analyse des risques au sein des entreprises qu’il visite.

Ainsi, il apporte ses conseils sur l’amélioration des conditions de travail, sur l’adaptation des postes de travail – pour des personnes handicapées, par exemple – ou sur la surveillance et le suivi d’agents chimiques par l’intermédiaire d’un toxicologue, notamment en cas de réactions allergiques.

Il est également compétent en matière de rangement des produits nocifs et dispense ses conseils sur la structure et l’organisation même de l’entreprise. Il a donc, par nature, un rôle de prévention fondamental concernant aussi bien les risques chimiques et physiques que le suivi à long terme des personnes exposées.

Sous la responsabilité de l’employeur, il participe à l’élaboration du document unique d’évaluation des risques professionnels identifiés dans l’entreprise.

Véritable carte d’identité de l’entreprise, ce document est le point de départ des actions de prévention nécessitant une mise à jour annuelle. Un amendement adopté par l’Assemblée nationale vise à étendre la durée de conservation du document à quarante ans au minimum, ce qui permet de tenir compte d’effets nocifs sur la santé à très long terme.

La médecine du travail est essentielle au bon fonctionnement de la société et doit nécessairement s’adapter à l’évolution de celle-ci. En cela, le texte que nous examinons prévoit certaines avancées, comme le fait pour les intérimaires, les salariés d’entreprises prestataires ou sous-traitantes et les travailleurs indépendants de bénéficier du suivi des services de prévention et de santé au travail. La commission des affaires sociales du Sénat a d’ailleurs étendu ce suivi aux chefs d’entreprise.

La création d’un médecin praticien correspondant, formé en médecine du travail, contribuera à pallier la pénurie de médecins du travail dans les territoires concernés. Certaines missions pourront en outre être déléguées aux infirmiers qualifiés, sous la responsabilité du médecin du travail.

Monsieur le rapporteur, vous avez insisté pour y mettre beaucoup de limites ; je partage votre avis. Nous sommes favorables à l’expérimentation que vous proposez, qui vise à étendre le pouvoir de prescription du médecin du travail à des fins de prévention. Son rôle en sera ainsi valorisé.

La médecine du travail et la médecine de ville sont actuellement très cloisonnées, au détriment du suivi des patients et de la prévention des maladies professionnelles. La complémentarité de leurs activités doit être renforcée.

Le médecin du travail n’est pas l’acteur du suivi personnalisé d’un traitement – aux bêtabloquants, par exemple –, ni de l’adaptation de ce traitement. C’est en ce sens que ses prescriptions sont d’ordre préventif : l’acte de soin n’est pas du ressort du médecin du travail.

Quant aux vaccinations, je tiens à souligner que le médecin du travail a déjà la possibilité de les réaliser dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19. C’est une belle évolution, qui correspond parfaitement à l’objectif de prévention auquel tend cette proposition de loi.

Concernant l’accès au DMP, la commission des affaires sociales du Sénat a renforcé les garanties de sécurité et de protection des données personnelles de santé des travailleurs et a encadré la transmission des données entre les organismes de sécurité sociale et les services de prévention et de santé au travail.

L’accord du patient est essentiel, c’est un point sur lequel nous devons rester extrêmement vigilants. Pour autant, c’est aussi une évolution que l’on peut espérer dans un certain nombre de situations.

En résumé, ce texte conforte certaines avancées ; la commission des affaires sociales du Sénat a largement contribué à améliorer et à sécuriser les dispositifs proposés. Notre groupe est favorable à cette réforme, partagée par les partenaires sociaux. Aussi voterons-nous en sa faveur. (M. Martin Lévrier applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Mme Annie Le Houerou applaudit.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur la prévention en santé au travail, vous auriez dû, monsieur le secrétaire d’État, nous proposer un projet de loi ambitieux, dépassant l’ANI signé en 2020 et prenant la mesure des responsabilités régaliennes sur la prévention de la santé des travailleurs.

C’est d’autant plus vrai que, en France, un écart de presque dix ans d’espérance de vie en bonne santé sépare l’ouvrier du cadre, et cela en grande partie du fait du travail.

Vous auriez dû inviter les parlementaires à un véritable travail et à un débat de fond. Mais vous les en avez privés par vos ordonnances de 2017, dont je veux rappeler ici une mesure inique : la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT. Alors que ces instances de proximité accomplissaient leurs missions au plus près des unités de travail et des salariés, lesdites ordonnances ont porté un coup inédit à la prévention en santé au travail, à l’analyse des risques professionnels et à leur réduction.

Monsieur le secrétaire d’État, nous aurions dû vous entendre sur les raisons de la non-signature par la France de multiples conventions de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, relatives à la santé au travail, en particulier les conventions nos 161 et 170.

À la place, nous avons une proposition de loi qui se contente d’une transcription incomplète de l’ANI. Le présent texte n’est pas à la hauteur des enjeux et, loin de marquer un coup d’arrêt à la dégradation des SST par les réformes antérieures, il prend prétexte de la pénurie annoncée des médecins du travail pour poursuivre, par de nombreux dispositifs, la démédicalisation de la santé au travail. En outre, à cause de lui, l’employeur risque d’échapper à sa responsabilité personnelle en matière de santé et de sécurité.

Pour contraindre le travail législatif, cette proposition de loi se présente comme une simple nécessité de transcription de l’ANI, tout en enjoignant de respecter l’équilibre auquel ce dernier est parvenu.

Pourtant, elle est loin de toujours en honorer l’esprit ; elle ne s’interdit pas de soustraire des points d’équilibre que les organisations syndicales, y compris les organisations signataires, nous invitent à réintroduire par voie d’amendements.

Respecter l’équilibre : cela rappelle douloureusement que les facteurs de pénibilité des expositions professionnelles ont été compromis en contrepartie de l’allongement de l’âge de la retraite… En 2017, six facteurs de pénibilité à l’origine de 90 % des expositions altérant la santé ont ainsi été retirés !

De plus, c’est dénier au législateur le principe que, en matière de santé et de sécurité au travail, tout ne se négocie pas. Derrière les statistiques, il y a des accidents du travail – plus de 500 morts sont comptabilisées chaque année dans le secteur privé –, des maladies professionnelles et des inaptitudes.

Nous ne pouvons être totalement tenus par l’accord de compromis signé dans le cas d’un équilibre des forces sociales ; vous conviendrez en effet que celui-ci reste en défaveur des salariés. Le législateur est légitime à avoir une expression propre en matière de santé en général et de santé au travail en particulier.

Aussi, notre groupe présentera plusieurs amendements, dont certains visent à supprimer les dispositifs actant l’effacement du médecin du travail. C’est une tendance ancienne, car, malgré les alertes, rien n’a été entrepris pour lutter contre les sous-effectifs ou pour renforcer l’attractivité, y compris pour les médecins collaborateurs.

Force est de constater l’inaction pour contrer la baisse des seuls professionnels protégés. Nous nous élevons notamment contre l’introduction des médecins praticiens correspondants. Rarement les médecins du travail, dont la spécialisation dure quatre ans, n’ont fait l’objet d’une telle dépréciation, voire d’un tel mépris. Cela explique que l’attractivité soit en berne.

Au-delà, c’est bien le lien entre santé et travail, pour prévenir à la source toute altération de la santé par le travail, qui est nié. Il n’est pas étonnant, dès lors, qu’une majorité de professionnels de toutes disciplines – médecins, infirmiers au travail, ergonomes – contestent un grand nombre de dispositifs et estiment que la prévention primaire n’est en rien confortée.

Cette proposition de loi a véritablement été élaborée contre l’avis de ces professionnels ; vent debout, ils dénoncent la plupart de ses dispositions.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires regrette, une fois de plus, une occasion manquée et appelle à une grande loi sur la santé au travail. Faute d’adoption des amendements que les membres de notre groupe ou d’autres collègues défendront, nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier. (M. Joël Guerriau applaudit.)

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la santé au travail doit trouver toute sa place dans la réalisation des objectifs de notre politique nationale de santé publique.

Elle trouve ses racines dans la loi Villermé de 1841. Depuis lors, le cadre législatif l’encadrant n’a cessé de croître, afin de protéger davantage les salariés ; je pense notamment à la loi du 9 avril 1898 qui prévoyait l’indemnité des salariés en cas d’accident survenu au travail. Quant aux lois de 2002, de 2011 et de 2016, elles furent autant d’étapes renforçant le droit à une protection de la santé au travail.

En 2019, en France, quelque 16 millions de travailleurs relevaient d’un service de santé au travail interentreprises, ou SSTI. On estime à 7 millions le nombre de visites réalisées chaque année. Mais les médecins du travail et les collaborateurs médecins ont perdu près de 10 % de leurs effectifs entre 2015 et 2019.

Démographie médicale en peine, contenu et qualité hétérogène de l’offre des SST, difficile développement de la prévention primaire en entreprise : voilà les défis que notre système doit relever.

Aussi, de la stratégie nationale de santé 2018-2022 mise en place par le Gouvernement aux réflexions menées par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, en passant par les rapports parlementaires, nombreux sont les travaux qui ont clairement identifié les problématiques de ce système ces dernières années.

Les rapporteurs de ce texte, ici, au Sénat, ont rédigé un rapport proposant des évolutions destinées à garantir un service universel de la santé au travail de qualité pour tous les travailleurs. Les auteurs de la proposition de loi, à l’Assemblée nationale, se sont quant à eux penchés sur la manière de moderniser la santé au travail en France, via la rénovation de sa gouvernance.

Je me réjouis que les parlementaires se saisissent d’un sujet plus que jamais déterminant, à la faveur de la crise sanitaire. Leurs travaux auront, entre autres, permis d’alimenter les réflexions des partenaires sociaux qui, dans l’ANI, ont repris plusieurs des propositions formulées.

Oui, il aura fallu de longues discussions et de nombreuses négociations avant de parvenir, le 9 décembre 2020, à la conclusion de l’ANI pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, signé par la quasi-totalité des partenaires sociaux, excepté la CGT.

Mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est le fruit d’un long processus de démocratie sociale et parlementaire et, à l’instar des députés, il nous faut veiller à ce que la transcription de l’ANI dans la loi respecte aussi bien son contenu que son équilibre.

La proposition de loi s’articule autour de quatre axes. Premièrement, renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner la santé publique et la santé au travail. Deuxièmement, améliorer la qualité du service rendu par les SST. Troisièmement, renforcer l’accompagnement de certains publics, notamment vulnérables, et lutter contre la désinsertion professionnelle. Quatrièmement, et enfin, réorganiser la gouvernance de la santé au travail, que celle-ci soit interne aux SST ou concerne le pilotage national et territorial de celle-ci.

À l’instar de l’ANI, cette proposition de loi renomme les missions des SST en services de prévention et de santé au travail, offre un socle pour ces derniers et crée un passeport prévention.

La commission des affaires sociales, saisie au fond, s’est réunie le mercredi 23 juin 2021 pour examiner le rapport de nos collègues Stéphane Artano et Pascale Gruny – je loue le travail d’enrichissement qu’ils ont fourni.

Bien que la commission partage les principaux objectifs de la proposition de loi, elle a veillé à garantir le caractère opérationnel de plusieurs de ses dispositions phares et à réunir les conditions d’un développement effectif de la prévention au sein des entreprises.

La commission a précisé la définition de l’offre socle de services proposée par les services de prévention et de santé au travail interentreprises, les SPSTI ; elle a réaffirmé le rôle du médecin du travail dans l’animation et la coordination d’une équipe pluridisciplinaire, qui a vocation à se diversifier ; elle a étendu aux services de prévention et de santé au travail des obligations de mise en conformité aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité, en faveur d’une meilleure protection et d’une exploitation plus efficace des données en santé au travail.

Néanmoins, certaines dispositions qui nous semblaient importantes ont été supprimées ou modifiées lors de l’examen du texte en commission : à l’article 17 bis, la mutualisation du suivi de l’état de santé des salariés en cas de pluralité d’employeurs a été supprimée et, à l’article 20, des modifications ont été apportées à la désignation des représentants. Nous proposerons donc de rétablir ces articles dans leur rédaction issue de l’Assemblée nationale.

Enfin, nous entendons nous assurer du rôle central des acteurs de la santé au travail au sein des conseils locaux de santé mentale, dont nous savons l’importance.

Mes chers collègues, la transcription dans la loi de l’ANI respecte aussi bien son contenu que son équilibre. Concours de circonstances, elle intervient au moment où la Commission européenne a publié, il y a quelques jours, le cadre stratégique qui viendra orienter sa politique en matière de santé et de sécurité au travail.

À l’échelle nationale, nous pouvons collectivement nous réjouir d’un texte qui, demain, protégera davantage les travailleurs français. Ainsi, si toutes les orientations de cette proposition de loi ne sont pas dénaturées ou modifiées durant nos débats, notre groupe votera en sa faveur. (M. Joël Guerriau applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi visant à renforcer la prévention en santé au travail transcrit dans la loi l’ANI signé le 10 décembre 2020 par le patronat et par une partie des organisations syndicales de salariés.

Cet accord sur de nouvelles mesures pour la santé au travail est déconnecté de la réalité de la situation des travailleuses et des travailleurs. Alors que la crise sanitaire a profondément bouleversé les organisations de travail, le texte ne prévoit aucune mesure sur l’encadrement du recours au télétravail.

Pourtant, les conséquences physiques et psychiques de l’isolement du télétravail, imposé et généralisé, ont été largement dénoncées. Aux fins de compléter le texte, notre groupe a déposé des amendements visant à conditionner le recours au télétravail à la signature d’une convention collective, à garantir un droit à la déconnexion et à assurer le financement des dépenses liées au télétravail.

Avec ce projet de loi déguisé, le Gouvernement veut faire oublier la suppression des CHSCT en 2017, profond recul pour les représentants du personnel et pour la santé et la sécurité des travailleurs – la pandémie a pourtant montré combien ils étaient essentiels.

Ce texte ne prévoit rien sur la mise en place d’une véritable politique de prévention primaire des risques professionnels prenant en compte la pénibilité des postes et l’usure professionnelle.

En réalité, la proposition de loi ne s’attaque qu’à une partie extrêmement réduite de la santé au travail. De nombreux sujets ne sont pas abordés, tels que la prise en compte de la pénibilité, la question du temps de travail, du travail de nuit et de la prévention des violences sexistes et sexuelles, ou encore la multiplication des licenciements pour inaptitude au poste de travail.

La proposition de loi se limite à renommer les SST en services de prévention en santé au travail, sans fournir de moyens supplémentaires ; elle crée un passeport prévention, mais celui-ci renvoie la responsabilité de la santé et de la sécurité sur chaque salarié, sans prendre en compte le travail réel et son organisation.

En outre, le texte introduit un rendez-vous de liaison entre le salarié et l’employeur, qui remet en cause la visite de préreprise en court-circuitant le médecin du travail. Ces rendez-vous sont pourtant fondamentaux dans la prévention des inaptitudes et permettent d’éviter les pressions managériales.

Face à la pénurie de médecins du travail, le Gouvernement a choisi de créer des médecins praticiens correspondants et de déléguer les fonctions et les missions du médecin du travail aux infirmières. Nous pensons, au contraire, que la situation exige d’augmenter le nombre de places au concours des médecins du travail, à revaloriser la formation dans les universités et à améliorer les conditions de travail.

La logique de rationalisation de la santé au travail justifie l’instauration d’une certification des services de prévention par des organismes privés, qui remplissent pourtant une mission de service public.

En autorisant les médecins du travail à accéder au DMP, vous prenez le risque de voir apparaître un certain nombre de discriminations à l’embauche. Les informations médicales du DMP des salariés pourraient, par exemple, dévoiler des cas d’affection de longue durée pour séropositivité…

Les garanties ne sont pas suffisantes pour nous rassurer. En effet, si l’accord exprès du salarié est prévu, comment allez-vous garantir l’absence de pression sur les salariés ou vous assurer que ce choix a été fait de manière éclairée ?

Le texte prévoit l’archivage du document unique d’évaluation des risques pour une durée minimum de quarante ans. La commission des affaires sociales a prévu la création d’un site internet pour l’archivage, géré par les organisations patronales.

Pour notre part, nous considérons que la traçabilité des expositions aux risques professionnels doit être confiée à un organisme public indépendant, tel que la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, la Carsat, ou la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, la Direccte. Évidemment, cette mission d’archivage nécessitera des moyens supplémentaires.

En conclusion, le texte ne prévoit aucune proposition pour de véritables droits pour les salariés et leurs représentants. Pourtant, les syndicats et les professionnels de la santé au travail en formulent : amélioration du suivi des salariés privés d’emploi, allongement des délais de contestation des avis d’inaptitude, rattachement des SST au travail à la sécurité sociale, rétablissement des CHSCT.

Enfin, mes chers collègues, je tenais à évoquer un point concernant nos travaux et notre rôle en tant que parlementaires. Un grand nombre d’amendements ont été déclarés irrecevables sur le fondement de l’article 45 de la Constitution : 44 amendements que nous avions déposés ne seront donc pas étudiés, parce qu’ils ont été considérés comme des cavaliers législatifs.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre cette proposition de loi, qui passe à côté des enjeux essentiels de la santé au travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant tout, je tiens à vous rassurer : je n’utiliserai pas l’ensemble de mon temps de parole, qui est de quatorze minutes. Voilà déjà une bonne nouvelle ! (Sourires.)

Ce n’est pas la première fois que notre assemblée examine un texte visant à transposer un accord national interprofessionnel, ou ANI. Toutefois, qu’un tel travail soit d’origine gouvernementale ou officiellement labellisé d’origine parlementaire, l’exercice est toujours un peu compliqué : il nous faut respecter l’esprit de l’ANI tout en amendant la rédaction qui nous est soumise, afin de l’améliorer.

À l’heure où certains veulent discréditer les corps intermédiaires, je considère pour ma part la transcription de cet ANI comme une preuve éloquente de la vivacité de notre démocratie sociale et, surtout, de sa compatibilité avec la démocratie politique.

Négocié en pleine crise sanitaire, l’accord du 9 décembre dernier apporte des réponses importantes, inspirées d’expériences de terrain vécues par les salariés comme par les employeurs.

Nous réformons donc notre droit du travail après que les partenaires sociaux se sont mis d’accord : c’est la concrétisation des jalons posés par la loi Larcher en 2007 pour moderniser les règles afférentes au dialogue social, texte dont j’avais eu l’honneur d’être le rapporteur au Sénat.

Le sujet de cette après-midi est d’actualité. Les précédents orateurs l’ont rappelé : nous avons vu tout au long de la crise sanitaire que le traitement curatif des risques professionnels ne suffit pas. Il convient de renforcer la vigilance en amont et de mieux identifier les risques, notamment psychosociaux, susceptibles de toucher les salariés.

Les auteurs de plusieurs travaux récents appellent ces évolutions de leurs vœux. Je pense notamment à nos deux rapporteurs, Pascale Gruny et Stéphane Artano, qui, dans un excellent rapport d’information daté de 2019, proposaient déjà des évolutions destinées à garantir en matière de santé au travail un service universel de qualité, pour tous les travailleurs.

La proposition de loi soumise à notre examen comporte des avancées significatives. Elle élargit notamment le champ de la prévention à la désinsertion professionnelle, qui contribue à des situations de chômage de longue durée et d’éloignement du marché du travail préjudiciables à notre économie comme aux intéressés.

Au-delà de la transformation des services de santé au travail en services de prévention et de santé au travail, les SPST, je tiens à mentionner un certain nombre d’améliorations. Ces dernières permettront de répondre à plusieurs préoccupations, exprimées en particulier par les entreprises.

Tout d’abord, je pense à l’amélioration du document unique d’évaluation des risques professionnels, le DUERP, qui représente une étape importante, et à l’instauration d’un passeport prévention, souhaité par les signataires de l’ANI.

Ensuite, je songe aux nouvelles missions confiées à la médecine du travail en matière de prévention, ainsi qu’à l’amélioration de l’articulation entre la médecine de ville et la médecine du travail. En témoigne en particulier l’élargissement des accès au dossier médical partagé ou au dossier médical en santé au travail.

La clarification des services que les SPST sont tenus d’offrir aux salariés est la bienvenue. En parallèle, le déploiement d’une offre socle ne pourra que renforcer l’égalité entre les différents services œuvrant à l’échelle nationale.

L’ANI consacrait des dispositions spécifiques à de nouvelles catégories de travailleurs, notamment les personnes en situation de handicap et les salariés d’entreprises sous-traitantes. Le présent texte reprend ces diverses dispositions de bon sens, qui permettront une couverture plus large des risques professionnels.

De plus, je note que les dispositions concernant la réorganisation de la gouvernance des services de prévention vont dans le sens d’un meilleur continuum de suivi, notamment en conférant aux infirmiers de santé au travail un véritable statut.

Par ailleurs, au travers du DUERP, je salue la volonté de préserver les PME de contraintes trop fortes. Je me réjouis en outre que l’on simplifie la visite de mi-carrière en la rapprochant des dispositifs existants.

Sensible aux fractures territoriales et aux risques de désertification médicale, notre commission a également souhaité adopter différentes mesures pour pallier les manques de médecins du travail dans les zones sous-dotées. Au reste, force est de consacrer que ces praticiens font défaut dans l’ensemble de notre pays.

Enfin, je salue l’expérimentation que nos rapporteurs proposent de lancer dans trois régions volontaires. Dans ce cadre, les médecins du travail pourront prescrire des arrêts de travail et des soins nécessaires à la prévention de l’altération de la santé du salarié du fait de son travail.

Mes chers collègues, du haut de cette tribune, nous avons souvent dénoncé la démocratie du tirage au sort, qui contourne les droits du Parlement : récemment encore, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience nous a encore conduits à le souligner. À ces méthodes de travail, nous préférons de loin celles de la démocratie sociale et de la négociation syndicale, qui aboutissent à des compromis exigeants, mais réalistes.

Vous l’avez compris : les élus du groupe Les Républicains accueillent ce texte avec un esprit constructif et fidèle aux équilibres trouvés par les partenaires sociaux. L’Assemblée nationale est parfois sortie de ce cadre, contrairement à nos rapporteurs, Pascale Gruny et Stéphane Artano, qui sont restés plus fidèles à l’accord négocié, tout en l’améliorant.

Je l’indiquais en préambule : l’équilibre entre transcription et initiative exige beaucoup de délicatesse. En la matière, nous ne saurions aller trop loin ; mais, en même temps, nous devons améliorer les dispositions qui nous sont soumises.

C’est précisément ce que nos rapporteurs ont réussi à faire et, je n’en doute pas, la navette parlementaire permettra d’atteindre le meilleur compromis possible : personne ne peut souhaiter que cette « proposition de loi » n’aboutisse pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent texte est la traduction de l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020. Cet ANI a été signé par toutes les organisations syndicales sauf une, au terme d’une concertation préalable prévue par la loi, laquelle a été menée en bonne et due forme.

Les précédents orateurs ont déjà abordé de nombreux points. Pour ma part, je tiens à rappeler le rôle de nos précurseurs en matière de santé au travail : ils se sont battus pour que nous en soyons là aujourd’hui.

Assurer la santé des ouvriers ou des salariés est une préoccupation ancienne : il y a 2 500 ans, on en parlait déjà sur les chantiers pharaoniques. Plus près de nous, Hippocrate identifia le plomb comme cause des maladies des ouvriers métallurgistes.

Toutefois, il faut attendre l’ère préindustrielle et un décret de 1810 pour que l’on impose aux patrons de payer les frais médicaux des ouvriers victimes d’accidents du travail ; 1841 pour que la loi Cunin-Gridaine interdise le travail des enfants de moins de huit ans dans les entreprises de plus de vingt salariés ; ou encore 1897 pour qu’une inspection du travail soit créée, pour les seuls enfants néanmoins.

Après l’adoption du premier code du travail, en 1910, René Barthe est, dans les années 1930, un pionnier de la médecine du travail. Cette discipline est consacrée par la loi en 1946. Son évolution vers une approche de prévention des risques professionnels et de santé au travail, tant physiques que psychologiques, s’amorce avec les lois Auroux de 1982, créant les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT. Enfin, une approche pluridisciplinaire émerge dans les années 1990 et 2000.

Cette proposition de loi a pour objet d’ouvrir sur la médecine de ville la prévention en santé au travail et de tenir compte des avancées du droit, par exemple pour ce qui concerne la définition du harcèlement au travail. Elle fait du document unique d’évaluation des risques professionnels un outil destiné à homogénéiser les services de santé au travail en assurant un socle commun de prestations.

Le volet dédié à la gouvernance de ces services garantit le partage des informations médicales, y compris entre l’assurance maladie et les services de prévention au travail. La représentation des salariés n’est pas oubliée, et l’effort doit se poursuivre pour que les représentants des salariés des petites et moyennes entreprises soient associés encore plus étroitement. Les élus du RDSE ont d’ailleurs déposé des amendements en ce sens.

La dématérialisation numérique et la télémédecine constituent des perspectives intéressantes pour le suivi individuel. Toutefois, avec plusieurs sénateurs de mon groupe, j’ai déposé des amendements visant à limiter d’éventuels excès dans ce domaine.

Avant de conclure, je tiens à saluer le travail précieux accompli par les rapporteurs, auteurs d’un précédent rapport il y a deux ans, en 2019. Leur expertise a notamment permis d’adapter le volet d’évaluation. Je pense en particulier à l’article 2, relatif au DUERP, et au souci de simplification qu’il traduit. L’article 14 contribue au maintien dans l’emploi des personnes malades ou handicapées. Quant à l’article 16, instaurant une visite de mi-carrière, il représente une véritable avancée.

Je suis favorable à ces dispositifs, qui inscrivent la santé au travail dans une logique pluridisciplinaire plus ouverte sur la médecine de ville, associant les psychologues, les kinésithérapeutes, les ergonomes et bien d’autres professionnels encore.

Donner un plus grand rôle aux infirmiers permettra aussi de pallier le manque d’effectifs en médecins du travail. Aujourd’hui encore, trop peu d’étudiants en médecine choisissent cette voie : nous devons donc nous efforcer de la rendre plus attractive. Avec ce texte, les praticiens pourront d’ores et déjà se concentrer sur les salariés les plus en difficulté.

La pandémie de la covid-19 a mis en exergue l’importance du volet de prévention en santé au travail. Les employeurs et les partenaires sociaux ont dû déployer dans l’urgence les moyens d’assurer la sécurité des salariés face à la contamination virale, que ce soit en favorisant le télétravail ou en fournissant des matériels de désinfection et de protection.

En parallèle, d’autres défis se profilent, avec l’émergence de nouveaux types d’emplois adossés aux applications et aux plateformes numériques. Ces évolutions impliquent de nouvelles formes de pénibilité au travail, portant atteinte aux corps des travailleurs.

Ainsi, chaque manutentionnaire des entrepôts de e-commerce déplace, en moyenne, rien de moins que 4 tonnes de colis par jour ; ces salariés subissent des troubles musculo-squelettiques si graves que, nonobstant leur jeunesse, ils sont parfois broyés.

Pour répondre à ces défis, la santé au travail devra reposer sur une approche et des équipes pluridisciplinaires, mieux à même de redonner la santé aux salariés.

Le présent texte nous semble contribuer à cette évolution, et les élus du groupe du RDSE le voteront, même si la problématique de la démographie médicale demeure préoccupante ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui nous est présentée comme une première ; mais, nous le savons bien, ce texte assurant la transposition d’un accord national interprofessionnel n’est que prétendument d’origine parlementaire.

Je salue l’engagement des partenaires sociaux et l’ensemble des acteurs qui ont pris part à ces négociations, ainsi qu’aux travaux préalables. Toutefois, faute d’un accord ambitieux, nous n’obtenons qu’une proposition de loi a minima.

L’objectif est pourtant d’une importance considérable : il s’agit de transformer un système de santé au travail jugé unanimement à bout de souffle – manque de médecins du travail, coordination insuffisante des multiples acteurs, couverture imparfaite des besoins des petites et moyennes entreprises, des travailleurs indépendants, des salariés multi-employeurs ou des salariés portés.

La création d’une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises est porteuse d’espoir pour les salariés comme pour les employeurs.

Cette structure est constituée d’un panel représentatif des différents intervenants de ces services. Toutefois, les parties prenantes ne seront pas en mesure d’identifier une problématique commune à partir d’un ensemble de situations individuelles similaires relevées.

Cette proposition de loi clarifie le rôle du référent handicap, et c’est une bonne chose. Elle l’autorise à établir un lien avec les SPST, afin de contribuer au maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap et de prévenir la désinsertion professionnelle.

Néanmoins, cette mesure pourrait aller plus loin ; de nombreux salariés en situation de handicap ne demandent pas leur reconnaissance comme travailleurs handicapés. Or le référent handicap devrait pouvoir informer l’ensemble des salariés des droits spécifiques des personnes handicapées et de l’intérêt de ce statut.

Trop de porteurs de handicaps invisibles ou de maladies évolutives ignorent leurs droits et ne se déclarent pas. Certaines de ces personnes attendent jusqu’au jour où, faute d’avoir pris des mesures de prévention adaptées, elles sont frappées par une incapacité de travail majeure conduisant à leur licenciement.

L’article 15 de cette proposition de loi autorise les professionnels de santé à recourir à des pratiques médicales ou de soins à distance pour le suivi de l’état de santé des travailleurs.

Si la pandémie a démontré l’utilité du recours à la téléconsultation, la présence physique du salarié et du médecin au rendez-vous médical doit rester le principe, la téléconsultation ayant valeur d’exception. La loi doit fixer cette règle.

S’agissant des assistants maternels, nous avons défendu en commission des amendements visant à ouvrir la possibilité d’un accord de branche étendu afin d’élaborer des mesures spécifiquement adaptées à ces métiers. Les assistants maternels et les salariés du particulier employeur attendaient cette perspective : nous regrettons d’autant plus le rejet de nos amendements en commission.

Pour agir de manière préventive contre la désinsertion professionnelle, il faut accompagner les salariés. En particulier, il faut intervenir auprès de ceux qui sont encore en arrêt de travail et leur proposer un accompagnement. Nous formulerons des propositions en ce sens.

Les dispositions de certains amendements des rapporteurs adoptés en commission nous inquiètent, car, selon nous, elles menacent les intérêts des travailleurs. Nous pensons en particulier à l’article 18, qui crée un rendez-vous de préreprise, rebaptisé « rendez-vous de liaison », entre le salarié et l’employeur.

La présence obligatoire du service de prévention et de santé au travail lors de ce rendez-vous a été supprimée par voie d’amendement. De plus, la possibilité de l’organiser sur l’initiative de l’employeur a été réintroduite. Or ces dispositions fragilisent le salarié.

Enfin, au travers de cette proposition de loi, les infirmières de santé au travail ont vocation à prendre de nouvelles responsabilités, voire, dans certains cas, à se substituer au médecin du travail. Afin de les protéger, nous soutiendrons des amendements visant à éviter toute situation litigieuse en leur accordant le statut de salarié protégé.

En conclusion, malgré quelques avancées, ce texte se démarque par ses nombreuses lacunes. Il n’évoque pas le lien avec l’inspection du travail ; il n’aborde ni la question de la responsabilité des employeurs en cas d’accident du travail ou de suicide, ni la pénibilité, ni la qualité de vie au travail ni la santé des travailleurs en inter-contrat ou en recherche d’emploi. Ces questions sont pourtant cruciales.

Comme l’a dit ma collègue Mme Poumirol, les membres de notre groupe ne soutiendront pas ce texte en l’état ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au cours de nos débats, ce soir et sans doute demain, nous reviendrons sur l’ensemble des questions évoquées lors de cette discussion générale. Toutefois, je tiens d’ores et déjà à réagir à certains propos.

Monsieur Artano, vous avez souligné avec raison l’importance du document unique. Cette pièce maîtresse de la prévention des risques opérationnels assure une déclinaison des actions préventives en entreprise.

Or, comme vous le relevez, ce document est encore très rarement mis en œuvre. Les employeurs qui l’appliquent sont pour l’essentiel de grandes entreprises. Je connais bien ce type de structures, mais je connais aussi les petites entreprises. J’ai toujours plaisir à rappeler que ma mère était ébéniste, et je dois vous avouer qu’elle n’a jamais rempli son document unique, alors qu’elle employait deux salariés. (Sourires.)

Madame Gruny, vous avez également raison d’insister sur le fait que la prévention fait partie intégrante de la santé au travail. Bien sûr, cette dimension n’était pas occultée jusqu’à présent, mais elle constitue l’élément central de cet ANI et, partant, du présent texte. C’est tout le sens des évolutions actuelles : désormais, la santé au travail donne toute sa place à la prévention, dont les axes de développement sont effectivement nombreux.

Mesdames Poncet Monge et Apourceau-Poly, je sais que vous n’avez pas soutenu la transformation du code du travail que j’ai pu mener avec Muriel Pénicaud lorsque j’étais député. Des divergences existent entre nous et elles sont tout à fait légitimes, mais je vous assure en toute objectivité que l’ensemble des prérogatives du CHSCT, sans exception, ont été transférées au comité social et économique, le CSE. C’est incontestable : je suis d’autant plus formel que j’y ai personnellement veillé lors de cette réforme du code du travail.

D’ailleurs, la situation exceptionnelle que nous vivons, et qui souligne encore l’importance de la santé au travail, prouve que ce dispositif fonctionne bien. Si la nouvelle organisation posait des difficultés particulières, cette crise nous aurait donné l’occasion de les identifier. À l’inverse, en offrant une vision extrêmement transverse, le CSE permet de parler de tout, y compris de la santé au travail. Je connais votre engagement en la matière et je sais que cet enjeu vous mobilise l’une et l’autre, comme tous les sénateurs ici présents.

Madame Apourceau-Poly, vous avez abordé un autre sujet important sur lequel je tiens à revenir, à savoir le télétravail. Un autre ANI est d’ailleurs consacré à cette question, et il faut s’en féliciter.

Je vous l’affirme, comme à plusieurs de vos collègues qui ont pris la parole au cours de la discussion générale : à l’évidence, notre démocratie sociale est vigoureuse. Alors que la crise sanitaire faisait rage, elle a même réussi à dégager deux accords importants : le premier, relatif à la santé au travail, dont nous assurons aujourd’hui la transposition législative avec vous ; le second, relatif au télétravail, qui répond en partie à vos attentes, même si nous divergeons assez nettement sur ce sujet.

Pour ma part, je crois au dialogue social de proximité. J’estime qu’il faut donner une place digne de ce nom aux partenaires sociaux dans l’entreprise. Certes, il faut fixer un cadre – nous sommes d’accord sur ce point –, mais ces acteurs n’en doivent pas moins déterminer la manière dont le télétravail doit se décliner dans l’entreprise, en fonction du type d’activité.

Monsieur Guerriau, vous insistez à juste titre sur le vaste chantier de réorientation de la médecine du travail mené à travers ce texte. Je suis déjà revenu sur ce point à propos du volet de prévention, traité par Mme Gruny, et je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire : le document unique contiendra des informations de long terme, relatives notamment aux risques chimiques. Avec ce texte de loi, l’ensemble des dispositifs de prévention fonctionneront encore mieux.

Monsieur Lévrier, j’ai déjà débattu de ce texte avec vos collègues députés et j’ai moi-même été parlementaire : je comprends que les uns et les autres, forts de leur expérience, de leurs connaissances et des retours dont ils disposent, soient désireux d’apporter leurs éclairages. Au total, peut-être trouverez-vous qu’en tant que secrétaire d’État je vous bride un peu, même si votre liberté d’expression reste évidemment pleine et entière.

Si j’insiste sur la nécessité de respecter les équilibres, ce n’est en aucun cas par dogmatisme ; c’est parce que je mesure toute la valeur d’un tel accord, fruit d’une véritable alchimie. Le consensus dépend parfois d’un mot ou d’un engagement ; telle mesure est, en fait, adoptée en contrepartie de telle autre.

Le plaisir et la difficulté de l’exercice sont précisément là : il s’agit d’apporter sa contribution tout en respectant l’accord national interprofessionnel. Je l’ai dit en préambule, il me semble que les travaux menés en commission ont précisément atteint cet équilibre et, je le répète, ils ont toute leur importance : ils ont apporté quelques touches supplémentaires, quelques inflexions et précisions, tout en conservant le sens voulu par les signataires de l’accord.

Monsieur Henno, dès le début de votre intervention, après une citation en forme de clin d’œil, vous avez souligné toute l’importance du dialogue social. Vous vous félicitez qu’il puisse fonctionner dans un domaine comme la santé au travail et vous avez évidemment raison.

Vous avez également abordé un point assez technique, sur lequel d’autres orateurs sont revenus : l’articulation entre, d’une part, la médecine du travail et, de l’autre, la médecine de soins ou de ville. Il s’agit effectivement d’un enjeu essentiel. Il nous faut trouver des ponts et des passerelles entre la première et la seconde.

Certains ont pu remettre en cause le rôle du médecin praticien correspondant, du moins tel qu’ils le conçoivent ; d’autres voudraient aller plus loin ; d’autres encore s’inquiètent d’éventuelles discriminations à l’embauche. Répétons-le : l’employeur n’a pas accès au dossier médical.

Or la discrimination à l’embauche, c’est le fait de l’employeur et non du médecin au travail. Nous n’avons pas la même lecture juridique de la question de l’aptitude, mais je suis sûr que les débats nous permettront de dissiper cette inquiétude.

Enfin, madame Procaccia, vous l’avez rappelé à juste titre : les deux assemblées doivent se montrer respectueuses du travail accompli par les partenaires sociaux.

Plusieurs orateurs l’ont relevé : cet accord a bénéficié d’une quasi-unanimité – seul un syndicat représentant des salariés a refusé de le signer. De ce fait, il mérite toute notre considération.

Sur tel ou tel sujet, on aimerait sans doute qu’il aille encore plus loin ; mais veillons à respecter cet équilibre, en espérant que les débats parlementaires nous permettent d’aboutir à une commission mixte paritaire conclusive.

M. le président. La discussion générale est close.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour un rappel au règlement.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

Mme Laurence Cohen. Mon intervention se fonde sur l’article 36 de notre règlement.

Comme l’a indiqué ma collègue Cathy Apourceau-Poly, un certain nombre d’amendements déposés au nom de notre groupe ont été déclarés irrecevables. Or leurs dispositions correspondaient aux thématiques de cette proposition de loi, qu’il s’agisse de l’encadrement du télétravail, de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le cadre des plans de prévention, de la mise en place d’un cadastre des maladies professionnelles, des procédures de contestation des avis d’inaptitude ou encore de la suppression des CHSCT – ma liste n’est pas exhaustive.

Ces sujets sont directement en lien avec la thématique de cette proposition de loi. Pourtant, celle-ci n’en fait nullement mention ; et, son périmètre étant extrêmement limité, nous n’avons, en tant que parlementaires, aucune marge de manœuvre pour compléter ces points ou seulement débattre de sujets liés à la santé au travail.

L’autocensure du Sénat en matière de recevabilité porte atteinte au droit d’amendement de tout parlementaire, quel que soit son groupe politique. Pour les groupes minoritaires et d’opposition, de tels choix sont encore plus lourds de conséquences.

La crise politique atteint un degré tel que deux tiers de nos concitoyennes et de nos concitoyens optent désormais pour l’abstention. Dans un tel contexte, réduire le droit d’expression des parlementaires, c’est porter un coup supplémentaire à la démocratie, d’autant que cette interprétation très stricte de la Constitution s’accompagne d’une réforme du règlement réduisant de fait le temps de parole de chacune et de chacun.

Au lieu de conforter la toute-puissance de l’exécutif, la majorité du Sénat devrait accorder davantage de latitude aux groupes politiques, notamment aux groupes minoritaires, pour débattre de propositions permettant d’échapper au libéralisme du Gouvernement.

Je suis persuadée que nombre de parlementaires d’autres familles politiques sont d’accord avec moi et avec mes collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste : nous ne saurions concevoir le Sénat comme une chambre d’enregistrement des décisions du Gouvernement ou de la droite sénatoriale.

C’est du débat et de la confrontation d’idées dans le respect des principes démocratiques que nous avons besoin. C’est ainsi que nous pouvons légiférer, dans l’intérêt de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Mais, hélas ! le couperet de l’article 45 ne nous en donne pas toute la latitude ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ce sujet en commission des affaires sociales. Je sais combien il peut être frustrant de ne pouvoir aborder l’ensemble des enjeux que soulève un tel texte, et pour cause : une partie de mes amendements ont également été déclarés irrecevables cette après-midi.

M. René-Paul Savary. Les miens aussi !

M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. Cela étant, nous devons respecter les règles de travail de notre assemblée. Sans revenir sur la question des temps de parole, j’observe toute l’importance de l’article 45 de notre Constitution.

D’ailleurs, si nous n’appliquons pas ces dispositions, le Conseil constitutionnel sera lui-même appelé à censurer certains pans des textes votés les assemblées, au motif qu’elles n’ont pas respecté l’esprit de la Constitution, laquelle régit le fonctionnement du Parlement.

J’ai conscience de la difficulté sur laquelle vous insistez, et votre message est entendu ; mais je ne puis qu’approuver la position de la commission, exprimée par nos rapporteurs, car c’est d’efficacité que nous avons besoin ce soir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail

TITRE Ier

RENFORCER LA PRÉVENTION AU SEIN DES ENTREPRISES ET DÉCLOISONNER LA SANTÉ PUBLIQUE ET LA SANTÉ AU TRAVAIL

Rappel au règlement
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 42

Article 1er

(Non modifié)

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Au 1° de l’article L. 1153-1, après le mot : « sexuelle », sont insérés les mots : « ou sexiste » ;

1° bis Le même 1° est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le harcèlement sexuel est également constitué :

« a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

« b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ; »

2° Au 1° du I de l’article L. 2314-3, au premier alinéa des articles L. 4622-11 et L. 4622-12, au premier alinéa, au troisième alinéa, deux fois, et à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 4622-15, aux deuxième et dernier alinéas de l’article L. 4623-1, au premier alinéa de l’article L. 4623-5, à l’article L. 4623-5-1, à la première phrase de l’article L. 4623-5-3, deux fois, aux premier et avant-dernier alinéas de l’article L. 4625-1, au premier alinéa, aux première et deuxième phrases de l’avant-dernier alinéa et au dernier alinéa de l’article L. 4625-2, à la première phrase du second alinéa de l’article L. 4631-2 et au troisième alinéa du I de l’article L. 4644-1, après le mot : « service », sont insérés les mots : « de prévention et » ;

3° À l’article L. 4622-7, à l’article L. 4622-13, à la première phrase de l’article L. 4622-14 et à l’article L. 4622-16, après la première occurrence du mot : « service », sont insérés les mots : « de prévention et » ;

4° Au deuxième alinéa de l’article L. 1251-22, à l’intitulé du titre II du livre VI de la quatrième partie, à l’article L. 4622-1, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 4622-2, à la première phrase de l’article L. 4622-4, à l’article L. 4622-5, au premier alinéa de l’article L. 4622-6, à l’intitulé de la section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie, aux première et deuxième phrases de l’article L. 4622-8, à l’intitulé du chapitre III du titre II du livre VI de la quatrième partie, au deuxième alinéa de l’article L. 4623-1, à l’article L. 4624-10, à l’intitulé du chapitre VI du titre II du livre VI de la quatrième partie et du chapitre II du titre II du livre VIII de la même quatrième partie et à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 8123-1, après le mot : « services », sont insérés les mots : « de prévention et » ;

5° Aux articles L. 4622-9 et L. 4622-17, après la première occurrence du mot : « services », sont insérés les mots : « de prévention et ».

II. – L’article L. 422-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la première phrase, après le mot : « services », sont insérés les mots : « de prévention et » ;

2° À la deuxième phrase, après la première occurrence du mot : « services », sont insérés les mots : « de prévention et ».

III. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 1411-8 ainsi qu’au 3° et à la seconde phrase du 4° de l’article L. 1413-7 du code de la santé publique, après le mot : « services », sont insérés les mots : « de prévention et ».

IV. – La cinquième partie du code des transports est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article L. 5545-13, les mots : « de service » sont remplacés par les mots : « du service de prévention et » ;

2° Au second alinéa des articles L. 5785-5 et L. 5795-6, après la première occurrence du mot : « service », sont insérés les mots : « de prévention et ».

V. – (Supprimé)

VI. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 108-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, après la seconde occurrence du mot : « services », sont insérés les mots : « de prévention et ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 77 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 145 rectifié est présenté par Mmes Rossignol et Poumirol, MM. Jomier et Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, MM. Tissot, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 5 et 6

Rédiger ainsi ces alinéas :

« a) Lorsqu’une même victime subit des propos ou comportements à connotation sexuelle, qu’ils aient fait l’objet d’une concertation de plusieurs personnes, ou aient été instigués par l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

« b) Lorsqu’une même victime subit ces propos ou comportements à connotation sexuelle, même s’ils n’ont pas fait l’objet d’une concertation, dès lors que chaque auteur d’un tel propos ou comportement sait qu’ils caractérisent une répétition pour la victime ; »

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 77.

Mme Laurence Cohen. L’article 1er transforme à la fois la dénomination des services de santé au travail et la définition du harcèlement sexuel figurant dans le code du travail. Je centrerai mon propos sur ce second point.

Certains d’entre nous, qui siégeaient déjà dans cet hémicycle en 2012, se souviennent des débats menés pour élaborer une définition pénale du harcèlement sexuel. Sans en retracer l’historique, rappelons que cette définition a, en définitive, été abrogée par le Conseil constitutionnel. Pendant de nombreux mois, cette décision a laissé persister un vide juridique qu’ont subi de nombreuses victimes.

L’article 1er s’attaque à la définition prévue dans le code du travail ; mais les dispositions d’un amendement déposé par plusieurs députés socialistes et adopté par l’Assemblée nationale nous exposent à de grands risques.

À mon sens, le fait d’aligner la définition du code du travail sur celle du code pénal constitue à la fois une erreur et un danger. En effet, le verbe « imposer » suppose que le salarié ou la salariée victime de harcèlement sexuel prouve l’existence de cet acte.

J’ai été alertée par plusieurs associations, dont l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, l’AVFT, et par diverses organisations syndicales qui montrent très bien le danger d’une telle harmonisation.

Actuellement, si les conseils des prud’hommes et les chambres sociales des cours d’appel peuvent rendre des jugements de licenciement de harceleurs, c’est précisément parce que les définitions ne sont pas identiques : en droit du travail, il n’y a pas à démontrer de quelle manière les agissements ont été imposés à la victime.

Cette distinction et fondamentale et pleinement justifiée : au pénal, il est nécessaire de démontrer l’élément moral de l’infraction, alors qu’en droit du travail le juge se contente de la matérialité des faits.

C’est pourquoi, à l’instar de ma collègue Laurence Rossignol, je pense qu’il vaut mieux conserver le terme « subir » que de recourir au terme « imposer ». Nous saisissons cette occasion pour améliorer, par cet amendement, la définition figurant actuellement dans le code du travail.

Au-delà de ces aspects juridiques, je tiens à rappeler que 30 % des femmes salariées ont déjà subi des faits de harcèlement ou d’agression sexuelle sur leur lieu de travail. Le phénomène est massif. La modification de l’article 1er pourrait donc avoir des effets dévastateurs pour les victimes, dont on sait déjà les difficultés qu’elles éprouvent à faire connaître et sanctionner les faits.

Par ailleurs, l’AVFT, souligne que la crise sanitaire a entraîné une réduction considérable des faits de harcèlement sexuel, même si ce dernier peut se pratiquer par mail ou SMS.

Or, depuis la reprise en présentiel, les salariées ont très largement fait appel à l’AVFT : le retour au travail peut en effet constituer une prise de conscience, un électrochoc révélateur de faits anormaux ou pathogènes.

Pour conclure, je rappellerai que l’AVFT plaide depuis plusieurs années pour que les enregistrements dits « clandestins » soient recevables devant les juridictions civiles, comme ils le sont en matière pénale.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 145 rectifié.

Mme Émilienne Poumirol. Laurence Rossignol, qui porte cet amendement, part du même constat que Mme Cohen : dans le code du travail, l’élément intentionnel du comportement de l’auteur n’est pas mentionné.

Cet amendement, soutenu par les organisations de défense des droits des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes, tend à prévoir que le harcèlement sexuel au travail est matérialisé lorsqu’il est subi par la victime et non lorsqu’il est imposé par l’auteur ou les auteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Les auteurs de ces amendements n’entendent pas calquer la définition du harcèlement sexuel au travail du code du travail sur celle du code pénal.

Ils font valoir que cette dissemblance permet aujourd’hui aux conseils de prud’hommes et aux chambres sociales des cours d’appel de se contenter de la matérialité des faits, sans tenir compte de la manière dont ils ont été imposés à la victime, ce qui n’est évidemment pas possible en droit pénal.

Ces amendements visent donc à étendre cette logique aux compléments apportés par l’Assemblée nationale à la définition du harcèlement sexuel au travail. Il faut encore préciser que les faits peuvent avoir été commis par plusieurs personnes sans qu’aucune d’entre elles ait agi de manière répétée, caractéristique d’un harcèlement sexuel d’ambiance.

Sur ce sujet important, faire preuve de précision rédactionnelle est bien évidemment indispensable. Il nous semble que cette modification serait cohérente avec la rédaction des dispositions actuelles du code du travail. Le Conseil d’État, dans son avis sur cette proposition de loi, s’est prononcé en faveur d’une harmonisation entre les deux codes.

Cependant, de notre point de vue, cette nécessaire harmonisation n’est pas incompatible avec le maintien des spécificités du droit du travail, qui se révèlent plus protectrices des victimes.

En conséquence, la commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. En ce qui concerne l’aspect juridique, l’adoption de ces amendements conduirait à introduire deux écritures différentes du harcèlement sexuel dans le code du travail et dans le code pénal. Une telle situation ne pourrait qu’entraîner des difficultés supplémentaires, notamment pour les victimes.

Tout en vous écoutant, je relisais les dispositions de l’article L. 1154-1 du code du travail, qui précise que, en cas de litige relatif au harcèlement sexuel, la victime doit « présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ». Et c’est bien à l’employeur de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement.

Les textes sont extrêmement précis : il devra ainsi déclencher une enquête très rigoureuse et se tourner vers ses instances représentatives du personnel. Or rien de tout cela ne peut se faire dans une relative discrétion : c’est extrêmement sérieux.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements identiques, dont l’adoption irait à l’inverse de l’objectif visé.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je remercie la commission d’avoir émis un avis favorable sur ces deux amendements, qui visent tout simplement à protéger les femmes.

Monsieur le secrétaire d’État, les enregistrements dits « clandestins », que j’évoquais à l’instant, seront-ils bientôt recevables devant les juridictions civiles pour établir la preuve de violences sexuelles ?

L’ancien Défenseur des droits, dans son avis sur le harcèlement sexuel transmis à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes à la suite de son audition, en janvier 2018, s’est prononcé en faveur de la recevabilité de ces enregistrements.

En outre, la jurisprudence et un arrêté du Conseil d’État ont permis d’admettre de tels enregistrements pour le secteur public.

Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous modifier la loi pour permettre aux salariés du privé de profiter de cet acquis ? Ce serait une avancée très importante pour une meilleure reconnaissance de ces violences, partout.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77 et 145 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 162 rectifié ter

Articles additionnels après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par Mmes Taillé-Polian et Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l’article L. 4121-1 est ainsi rédigé :

« Cette obligation de sécurité est une obligation de résultat. » ;

2° Après l’article L. 4121-5, il est inséré un article L. 4121-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4121-…. – Tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité sera sanctionné par le versement au salarié d’une indemnité minimale égale à trois mois de salaire bruts. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. La sécurité au travail est une liberté fondamentale, bafouée quotidiennement par des manquements qui entraînent parfois des accidents, des mutilations, des handicaps, des incapacités de travail, ou même la mort dans les cas les plus extrêmes.

Depuis des années, les pouvoirs publics n’arrivent plus à faire reculer le taux d’accidentalité. Au contraire, dans certains secteurs, on assiste à de fortes hausses : dans les activités tertiaires, par exemple, on a constaté une augmentation de 4 % l’année dernière.

Pour sortir de l’immobilisme, les auteurs de cet amendement proposent de rétablir pour l’employeur l’obligation de résultat en matière d’obligation de sécurité et de renforcer la sanction en cas de manquement par une indemnité minimale équivalente à trois mois de salaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. L’ANI rappelle que le principe de responsabilité de l’employeur en matière de santé au travail se traduit par une obligation de moyen.

Ainsi, un employeur peut être considéré comme ayant rempli ses obligations s’il a mis en œuvre les actions de prévention prévues par la loi. La commission estime que cet équilibre doit être préservé.

Par ailleurs, madame Poncet Monge, il n’est pas exact d’affirmer que le taux de sinistralité ne diminue pas : le nombre d’accidents du travail-maladies professionnelles, ou AT-MP, a baissé en moyenne de 1 % par an entre 2010 et 2019, soit une diminution totale de 11,6 %, notamment grâce au renforcement des mesures de prévention mises en œuvre par les entreprises, avec le soutien de la branche AT-MP.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. M. le rapporteur a tout dit, et fort bien : j’émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 42
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 78 rectifié bis et n° 147 rectifié

M. le président. L’amendement n° 162 rectifié ter, présenté par Mmes Billon, Doineau, Férat, Saint-Pé, Vermeillet, Sollogoub et Tetuanui et MM. Canévet, Détraigne, L. Hervé, Laugier, Le Nay, Longeot et Kern, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 2° de l’article L. 4622-2 du code du travail, après le mot : « sexuel », sont insérés les mots : « et sexiste ».

La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. La première loi mondiale contre les violences sexistes et sexuelles au travail a été adoptée en 2019, dans la foulée du mouvement #MeToo. En cohérence avec la législation mondiale, notre cadre juridique national ne doit pas rester à la marge.

Selon une enquête du conseil supérieur de l’égalité professionnelle, quelque 80 % des femmes salariées considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées, dans le monde du travail, à des attitudes ou à des décisions sexistes.

Eu égard à ce constat, il faut poursuivre l’effort en harmonisant la définition du harcèlement sexuel et sexiste entre code du travail et code pénal, comme il est prévu à l’article 1er.

Il convient ainsi de préciser, parmi les missions des services de prévention et de santé au travail, que la lutte contre le harcèlement sexuel doit être associée aux violences « sexistes ». Aucune décorrélation ne peut être envisagée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. La notion de harcèlement sexiste, que cet amendement tend à mentionner au titre des missions des services de santé au travail, n’a pas vraiment de définition juridique.

En outre, l’article 1er de cette proposition de loi intègre dans la définition du harcèlement sexuel au travail les propos et comportements à connotation sexiste.

Dans la mesure où cet amendement est satisfait, la commission sollicite son retrait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Madame Doineau, l’amendement n° 162 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Élisabeth Doineau. Non, je le retire, monsieur le président.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 162 rectifié ter
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 1er bis (début)

M. le président. L’amendement n° 162 rectifié ter est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 78 rectifié bis est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 147 rectifié est présenté par Mmes Rossignol et Poumirol, MM. Jomier et Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, MM. Tissot, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 8115-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Aux dispositions relatives aux mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2. »

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié bis.

Mme Laurence Cohen. Les auteurs de cet amendement ont dû réduire leurs ambitions de moitié pour éviter que leur texte ne soit déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution… Nous souhaitions en effet aller plus loin que l’existant dans le cadre de la mise en place obligatoire du plan de prévention du harcèlement et des agissements sexistes, en fixant des objectifs.

Toutefois, comme je l’ai souligné dans mon rappel au règlement, cette proposition de loi a un périmètre bien étriqué, alors même que la question des violences faites aux femmes émerge enfin sur la place publique, après des années d’indifférence.

La prise de conscience des réalités de ce phénomène dans la sphère privée commence à rejaillir sur le monde professionnel, lui aussi très largement empreint de patriarcat. Je considère vraiment que cette proposition de loi est une occasion manquée – je le crains, quelque peu volontaire –, pour ne pas aborder ce problème de fond et, ainsi, ne pas remettre en cause des pratiques répandues, usuelles, mais inacceptables.

Si notre amendement tend à prévoir des sanctions pour rappeler les employeurs à leurs manquements, ce qui est nécessaire et permettra aussi de combler un vide juridique, nous regrettons de ne pouvoir agir en amont en proposant des plans spécifiques de prévention obligatoires et surtout des actions concrètes.

J’en profite pour me réjouir que la ratification de la convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail visant à éliminer les violences sexuelles et sexistes soit enfin à l’ordre du jour du Parlement.

Toutefois, à l’instar de nombre d’associations et de syndicats travaillant sur ces questions, je regrette que le Gouvernement ait fait le choix d’une ratification « sèche », pour reprendre les termes de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Cette convention est historique et extrêmement ambitieuse. Considérer que notre droit actuel est suffisant pour la décliner et l’appliquer est une erreur.

Il est dommageable que le Gouvernement, une fois de plus, se contente d’affichage, plutôt que de saisir cette occasion pour aller plus loin et vraiment protéger les femmes sur leur lieu de travail. Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous entendrez ma requête, très largement partagée par toutes celles et tous ceux qui luttent contre les violences faites aux femmes. Il est encore temps de modifier le texte.

En attendant, mes chers collègues, je vous propose de soutenir notre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 147 rectifié.

Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement est également porté par Mme Rossignol.

Selon le Défenseur des droits, quelque 82 % des employeurs n’ont pas encore mis en place de plan de prévention des violences sexistes et sexuelles, pourtant obligatoire selon le code du travail.

Il convient donc de prévoir une sanction dont le caractère dissuasif incitera davantage les employeurs à se conformer à leurs obligations.

Cet amendement est soutenu par les organisations de défense des droits des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes dans le monde du travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Je le rappelle, en cas de manquement à ses obligations, le chef d’entreprise s’expose déjà à des sanctions à la fois pénales et administratives.

Le tribunal correctionnel pourra être saisi sur le fondement de l’article 121-3 du code pénal. En outre, le directeur départemental en charge de l’emploi, du travail et des solidarités et l’inspecteur du travail peuvent adresser au chef d’entreprise des mises en demeure et émettre, en cas de carences répétées, des sanctions administratives allant jusqu’à l’arrêt temporaire de l’activité.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Je comprends l’intention des auteurs de ces amendements, qui souhaitent instaurer une sanction administrative en cas de manquement à l’obligation de mise en place d’un plan de prévention spécifique des violences sexistes et sexuelles.

Il me semble toutefois que ces dispositions dépassent largement leurs intentions. Leur adoption reviendrait en effet à prévoir une amende administrative pour tout manquement aux principes généraux de prévention.

D’autres dispositifs partagent déjà le même objectif : le directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités peut déjà notifier une mise en demeure à l’entreprise et exiger une régularisation, sous peine d’une sanction pénale. En 2020, plus de 400 mises en demeure ont ainsi été notifiées en vue de régulariser des manquements en matière d’évaluation des risques professionnels.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 78 rectifié bis et 147 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 78 rectifié bis et n° 147 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 1er bis (interruption de la discussion)

Article 1er bis

L’article L. 717-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « les conditions d’application des articles L. 4622-10, L. 4622-14, L. 4625-1 et » sont remplacés par les mots : « , le cas échéant, les modalités d’application du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie et de l’article » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités de mise en œuvre des chapitres III à V du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code. » – (Adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 1er bis (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Discussion générale

5

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 21 juillet, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, en lieu et place de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique et sur le projet de loi organique modifiant la loi du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Acte est donné de cette demande.

6

Article 1er bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 2

Renforcement de la prévention en santé au travail

Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour renforcer la prévention en santé au travail.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 2.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 40 rectifié

Article 2

Le code du travail est ainsi modifié :

1° A (nouveau) Le deuxième alinéa de l’article L. 2312-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’employeur lui présente la liste des actions de prévention et de protection prévue au 2° du III de l’article L. 4121-3-1. » ;

1° Le 2° de l’article L. 2312-27 est ainsi rédigé :

« 2° Le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail mentionné au 1° du III de l’article L. 4121-3-1. » ;

2° L’article L. 4121-3 est ainsi modifié :

aa) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « installations », sont insérés les mots : « , dans l’organisation du travail » ;

a) Après le même premier alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Apportent leur contribution à l’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise :

« 1° Dans le cadre du dialogue social dans l’entreprise, le comité social et économique et sa commission santé, sécurité et conditions de travail, s’ils existent, conformément au 1° de l’article L. 2312-9. Le comité social et économique est consulté sur le document unique d’évaluation des risques professionnels et sur ses mises à jour ;

« 2° Le ou les salariés mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 4644-1, s’ils ont été désignés ;

« 3° Le service de prévention et de santé au travail auquel l’employeur est affilié.

« Pour l’évaluation des risques professionnels, l’employeur peut également solliciter le concours des personnes et organismes mentionnés aux troisième et avant-dernier alinéas du même I. » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « par les dispositions réglementaires prises » sont supprimés ;

3° Après le même article L. 4121-3, il est inséré un article L. 4121-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4121-3-1. – I. – Le document unique d’évaluation des risques professionnels répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions.

« II. – L’employeur transcrit et met à jour dans le document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3.

« III. – Les résultats de cette évaluation débouchent :

« 1° Pour les entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à cinquante salariés, sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail qui :

« a) Fixe la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir, qui comprennent les mesures de prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que, pour chaque mesure, ses conditions d’exécution, des indicateurs de résultat et l’estimation de son coût ;

« b) Identifie les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées ;

« c) Comprend un calendrier de mise en œuvre ;

« 2° Pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à cinquante salariés, sur la définition d’actions de prévention et de protection. La liste de ces actions peut être consignée dans le document unique d’évaluation des risques professionnels et ses mises à jour.

« III bis (nouveau). – Les organismes et instances mis en place par la branche peuvent accompagner les entreprises dans l’élaboration et la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels prévu au I du présent article, dans la définition du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail prévu au 1° du III du même article ainsi que dans la définition des actions de prévention et de protection prévues au 2° du même III au moyen de méthodes et référentiels adaptés aux risques considérés et d’outils d’aide à la rédaction.

« IV. – A. – Le document unique d’évaluation des risques professionnels et ses versions successives sont conservés par l’employeur et tenus à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès. La durée, qui ne peut être inférieure à quarante ans, et les modalités de conservation et de mise à disposition du document ainsi que la liste des personnes et instances sont fixées par décret en Conseil d’État.

« B (nouveau). – Pour la mise en œuvre des obligations mentionnées à la première phrase du A du présent IV, le document unique d’évaluation des risques professionnels et ses mises à jour font l’objet d’un dépôt dématérialisé sur un portail numérique déployé et administré par un organisme géré par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Ce portail garantit la conservation et la mise à disposition du document unique conformément aux dispositions législatives et règlementaires en vigueur. Il préserve la confidentialité des données contenues dans le document unique et en restreint l’accès par l’intermédiaire d’une procédure d’authentification sécurisée réservée aux personnes et instances habilitées à déposer le document et à le mettre à jour sur le portail ainsi qu’aux personnes et instances justifiant d’un intérêt à y avoir accès.

« Sont arrêtés par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel et agréés par le ministre chargé du travail, selon des modalités déterminées par décret :

« 1° Le cahier des charges du déploiement et du fonctionnement du portail numérique, après avis conforme de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;

« 2° Les statuts de l’organisme gestionnaire du portail numérique.

« En l’absence d’agrément des éléments mentionnés aux 1° et 2° du présent B, les mesures d’application nécessaires à l’entrée en vigueur du premier alinéa du même B sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« L’obligation de dépôt dématérialisé du document unique prévue au même premier alinéa est applicable :

« a) À compter du 1er juillet 2023, aux entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à cent cinquante salariés ;

« b) À compter de dates fixées par décret, en fonction des effectifs des entreprises, et au plus tard à compter du 1er juillet 2024, aux entreprises dont l’effectif est inférieur à cent cinquante salariés.

« V. – Le document unique d’évaluation des risques professionnels est transmis par l’employeur au service de prévention et de santé au travail auquel il est affilié, à chaque mise à jour. »

Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Après la première phrase du même premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’employeur évalue également les facteurs de risques psychosociaux. » ;

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les signataires de l’ANI, l’accord national interprofessionnel, que cette proposition de loi est censée transposer, ont souhaité que la prévention des risques professionnels porte également sur les risques psychosociaux liés à l’activité professionnelle, pour prendre en compte tant la santé physique que la santé mentale des travailleurs.

Depuis plusieurs années, les études montrent que ces risques et leurs incidences sur la santé des travailleurs peuvent concerner toutes les entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité.

Avec la pandémie, l’importance et la visibilité des risques psychosociaux se sont accrues : en mai 2020, ils sont devenus la deuxième cause d’arrêt de travail, soit 12 % des arrêts, après la covid-19 et devant les troupes musculo-squelettiques.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose donc, par cet amendement, d’inclure l’analyse des facteurs de risques psychosociaux, notamment liés aux organisations du travail, auxquels sont exposés les salariés dans l’évaluation des risques dont l’employeur a la responsabilité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je voudrais tout d’abord rassurer notre collègue : la commission des affaires sociales est pleinement consciente de l’importance et de la recrudescence des risques psychosociaux.

Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare je me console… En 2019, avec Pascale Gruny, je m’étais rendu au Danemark, et nous y avions constaté les mêmes difficultés qu’en France. Sans nous consoler vraiment, cela montre au moins que tous les pays ont du mal à répondre de manière satisfaisante à la question des risques psychosociaux.

Les risques professionnels font bien évidemment déjà partie du champ de l’évaluation des risques professionnels que doit conduire l’employeur. En outre, l’article L. 4121-1 du code du travail, qui définit l’obligation de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail, prévoit déjà que celui-ci doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Dès lors, nommer les risques psychosociaux n’apportera aucune valeur ajoutée d’un point de vue législatif. La commission est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre du travail, de lemploi et de linsertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Les arguments de M. le rapporteur sont très clairs.

Madame la sénatrice, je vous le confirme, l’évaluation des risques psychosociaux fait déjà partie des responsabilités de l’employeur dans le document unique.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 44.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 43 est présenté par Mmes Taillé-Polian et Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.

L’amendement n° 83 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la seconde phrase du même premier alinéa, après le mot : « risques », sont insérés les mots : « tient compte de la charge de travail par salarié et de la pénibilité de son poste. Elle » ;

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 43.

Mme Raymonde Poncet Monge. La législation relative à la reconnaissance de la souffrance au travail est au point mort depuis de nombreuses années, malgré l’explosion du nombre de maladies professionnelles nouvelles.

À l’image de la recrudescence de phénomènes de burn-out, de bore-out, ou encore de la résurgence de risques psychosociaux depuis le confinement soudain des Français, le législateur aurait eu matière à agir pour mieux protéger celles et ceux qui travaillent.

Nous regrettons que cette proposition de loi, pourtant le premier véhicule législatif sur la santé au travail depuis des années, ne parle précisément pas de la souffrance au travail et de ses causes profondes, notamment en s’attaquant à l’intensification de la charge de travail et à la grande pénibilité de certaines professions.

Cet amendement vise à permettre aux services de prévention et de santé au travail, ou SPST, des entreprises de prendre en compte la charge de travail des salariés et la pénibilité de leur poste dans les évaluations des risques professionnels.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 83.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Les auteurs de cet amendement proposent que les services de prévention et de santé au travail des entreprises tiennent compte, dans les évaluations des risques professionnels, de la charge de travail des salariés et de la pénibilité de leur poste.

Il apparaît nécessaire d’adapter les mesures visant à assurer la sécurité et à protéger la santé des travailleurs en fonction du sexe, eu égard aux conséquences différenciées qu’un même risque peut entraîner selon les individus.

Dans le monde du travail, plusieurs facteurs de risque favorisent la survenance de violences sexistes et sexuelles : conditions de travail précaires, qui se traduisent notamment par des contrats à durée déterminée ou par des contrats temporaires, appartenance à un certain groupe social – femmes, migrantes, personnes LGBT, ou lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres…

En vue de prévenir efficacement une quelconque atteinte aux droits de leur personne, y compris les violences sexistes et sexuelles, il est essentiel que l’employeur tienne compte de la situation spécifique de ces travailleurs dans le cadre de l’évaluation des risques pour leur santé et leur sécurité, afin de mettre en œuvre des mesures de prévention appropriées et effectives.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Le champ de l’évaluation des risques professionnels comprend déjà les risques associés à la configuration des postes de travail.

L’employeur est ainsi appelé à prendre en compte la répartition de la charge de travail, de même que les différents facteurs de pénibilité qui majorent les risques pour la santé, comme les contraintes physiques marquées, l’environnement physique agressif, le travail de nuit ou encore le travail répétitif.

Ces amendements étant satisfaits, la commission sollicite leur retrait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Comme l’a souligné le rapporteur, cette question est déjà traitée dans le document unique.

Mon avis est donc également défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 et 83.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 81, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Après le mot :

Apportent

insérer les mots :

obligatoirement et préalablement

II. – Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :

, selon un calendrier précis et négocié. Un suivi de la mise à jour du document unique est organisé lors de sa mise à jour ;

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Le document unique prévu à cet article pour recenser les risques professionnels dans l’entreprise est un document important, à condition que le comité social et économique, le CSE, contribue systématiquement et préalablement à son élaboration.

Depuis la fusion, en 2017, des délégués du personnel, des comités d’entreprise et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, en une instance unique, les prérogatives des représentants des salariés ont été profondément réduites. On leur demande toujours plus avec de moins en moins de moyens…

Il semble nécessaire, a minima, de permettre au comité social et économique de contribuer à l’élaboration du document unique d’évaluation des risques. Il convient de mettre en place un réel suivi des mesures de protection des salariés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. La loi est déjà impérative dans sa formulation. L’adverbe « obligatoirement » ne se justifie donc pas.

Par ailleurs, l’évaluation des risques professionnels est un processus continu au sein de l’entreprise : le CSE doit ainsi y contribuer, en application de l’article L. 2312-9 du code du travail, en amont de la finalisation du DUERP par l’employeur.

Il sera également systématiquement consulté sur le document unique et ses mises à jour et pourra formuler des observations. Il n’est donc pas nécessaire de préciser qu’il sera sollicité « préalablement » à l’évaluation des risques professionnels, car tel est bien le cas, au regard tant du droit que de la pratique.

En outre, il n’est pas opportun de formaliser à l’excès le processus de consultation du CSE par l’employeur en imposant la définition d’un calendrier négocié : sachons faire confiance à l’esprit de dialogue au sein des entreprises sur des sujets qui doivent rassembler la communauté de travail.

Enfin, nous saisissons mal ce que les auteurs de cet amendement entendent par : « Un suivi de la mise à jour du document unique est organisé lors de sa mise à jour »…

S’il s’agit de rappeler que le bilan du DUERP doit être dressé à chaque mise à jour, c’est un principe qui vaut déjà en pratique : chaque réactualisation de l’évaluation des risques tiendra compte de l’évaluation passée.

Attention de ne pas confondre le DUERP et les actions qui doivent en découler : ces dernières seront déclinées, soit dans le programme annuel de prévention, qui comprendra d’ailleurs des indicateurs de résultat pour tirer le bilan de leur mise en œuvre, soit – pour les plus petites entreprises – dans une liste d’actions de prévention et de protection.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Je n’ai rien à ajouter !

J’émets le même avis défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je n’ai pas du tout été convaincue par le rapporteur, qui parle de consultations et d’observations.

J’en prends bonne note, mais nous proposons une élaboration commune, une véritable coproduction, fondée sur un pouvoir de décision du CSE, et non sur de simples observations ou consultations, ce qui est très différent.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 81.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 84, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

À ce titre, il répertorie la liste des salariés exposés à des agents chimiques dangereux. Pour ces derniers, l’employeur établit une fiche individuelle d’exposition dont les modalités sont déterminées par décret.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. La réglementation européenne impose à l’employeur de garantir une traçabilité individuelle des risques chimiques auxquels sont exposés les salariés, notamment par l’établissement d’une liste actualisée des travailleurs concernés et en répertoriant la nature, le degré et la durée de l’exposition aux agents chimiques.

À la suite des ordonnances Travail de 2017, l’employeur n’est plus tenu à ces deux obligations, alors que le risque d’exposition à des agents chimiques dangereux ou cancérigènes concerne 12 % des salariés français.

C’est la raison pour laquelle le présent amendement vise à rétablir l’obligation de l’employeur de tenir à jour une liste des salariés exposés à des agents chimiques dangereux, ainsi que l’obligation d’établir une fiche individuelle d’exposition pour chaque salarié concerné.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Les travailleurs exposés à une série de facteurs de pénibilité, dont des agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques, continuent d’être déclarés systématiquement par l’employeur au service de santé au travail.

Ces travailleurs font également l’objet d’un suivi individuel renforcé, avec un examen médical à l’embauche, renouvelé au moins tous les quatre ans, et avec, dans l’intervalle, une visite intermédiaire effectuée par un professionnel de santé, au plus tard deux ans après la dernière visite du médecin du travail.

Enfin, la commission a renforcé, à l’article 12, les données d’exposition qui devront être consignées dans le dossier médical de santé au travail, le DMST, par les professionnels de santé des SPST.

Dans la mesure où les objectifs des auteurs de cet amendement semblent déjà satisfaits par le droit en vigueur et par les apports du texte, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.

Permettez-moi de compléter, pour une fois, les propos, en général exhaustifs, de M. le rapporteur.

Nous partageons la volonté de mieux prévenir le risque chimique, madame la sénatrice. En 2017, 32 % des salariés des secteurs privé et agricole, soit un sur trois, étaient exposés à des agents chimiques dangereux. Vous avez souligné l’importance de ce sujet.

S’agissant du DUERP, le sujet de la traçabilité progressera de façon collective – nous l’avons évoqué à plusieurs reprises. La question de la traçabilité individuelle, au sujet de laquelle je me suis exprimé à l’Assemblée nationale à l’occasion d’une question au Gouvernement, sera abordée dans le cadre du chantier de la réglementation sur le risque chimique que le Gouvernement s’est engagé à ouvrir en septembre, en concertation avec les partenaires sociaux.

Je ne souhaite pas préjuger aujourd’hui des travaux de ces derniers, mais je leur envoie toutefois un message d’espoir.

Pour l’heure, je vous invite à retirer votre amendement, madame la sénatrice.

Mme la présidente. L’amendement n° 84 est-il maintenu, madame Cathy Apourceau-Poly ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je maintiens cet amendement, madame la présidente.

Nous attendons bien sûr les travaux que M. le secrétaire d’État vient d’annoncer. Toutefois, rien n’est fait à l’heure actuelle, et nous souhaitons que la question de la traçabilité, à nos yeux très importante, soit sécurisée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 84.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 139, présenté par Mme Poumirol, MM. Jomier et Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin et Rossignol, MM. Tissot, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 9

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

L’employeur reste personnellement responsable de veiller à la bonne exécution de l’évaluation des risques. Les avis du comité social et économique, l’aide du service de prévention et de santé au travail, le concours du salarié référent ne remettent pas en cause la responsabilité entière de l’employeur dans l’évaluation des risques, la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention.

II. – Alinéa 23

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces méthodes et ces documents ne peuvent se substituer à l’évaluation des risques et aux mesures de prévention dans l’entreprise.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Pour éviter que cet article ne serve de fondement à un transfert de responsabilité, il doit être rappelé que les différentes contributions, qu’elles proviennent du comité social et économique, des SPST ou des salariés référents, ne remettent pas en cause la responsabilité entière de l’employeur pour ce qui concerne l’évaluation des risques, ainsi que la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention. Il doit veiller personnellement à la stricte application par ses subordonnés des prescriptions légales ou réglementaires.

Mme la présidente. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’employeur reste personnellement responsable de veiller à la bonne exécution de l’évaluation des risques. Les avis du comité social et économique, du salarié référent et du service de prévention et de santé au travail, ne remettent pas en cause la responsabilité entière de l’employeur dans l’évaluation des risques, la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement est relatif à la responsabilité de l’employeur.

L’article 2 consacre dans la loi le DUERP, en actualisant ses contenus et en élargissant ses conditions d’élaboration, de conservation et de mise à disposition. C’est une avancée.

Cependant, sa rédaction actuelle suscite la crainte, relayée par le collectif Prévention AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles), qui regroupe des salariés des services de prévention, d’un risque de transfert ou, du moins, d’une dilution de la responsabilité personnelle de l’employeur, qui serait transférée vers le comité social et économique, le salarié référent et, surtout, le service de prévention et de santé au travail.

Dans la droite ligne d’une jurisprudence ancienne et constante qui précise qu’il appartient à l’employeur de veiller personnellement à la stricte application, par ses subordonnés, des prescriptions légales ou réglementaires destinées à assurer la sécurité du personnel, nous proposons par cet amendement d’inscrire dans la loi que l’employeur reste personnellement responsable de veiller à la bonne exécution de l’évaluation des risques.

La proposition de loi n’acte aucun droit nouveau pour les salariés. L’employeur garde seul le pouvoir d’organisation ; il doit donc garder seul la responsabilité.

Le collectif Prévention AT-MP, comme les professionnels de la santé au travail, anticipe l’objection que vous nous ferez peut-être : la remise en cause de la responsabilité personnelle de l’employeur serait une crainte infondée.

Toutefois, de nombreux dispositifs ayant été introduits, visant notamment à étendre la contribution du service de prévention et de santé au travail au DUERP, il n’est pas superfétatoire de préciser que cette responsabilité n’est pas partagée pour autant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Les obligations de l’employeur en matière de prévention des risques professionnels et de mise en œuvre des actions de prévention et de protection sont déjà largement développées aux articles L. 4121-1 à L. 4121-5 du code du travail.

La rédaction de l’article L. 4121-3 proposée par le présent article ne tend nullement à remettre en cause la responsabilité de l’employeur dans ce domaine, puisqu’il est bien précisé que le CSE, les salariés référents en santé et sécurité au travail et le SPST sont mobilisés pour apporter leur aide à l’employeur dans l’évaluation des risques professionnels et non pour se substituer à lui dans cette démarche. Il en va de même pour les méthodes et outils proposés par les organismes et instances de branche afin d’accompagner l’employeur.

Madame Poncet Monge, si vous pouvez considérer qu’il n’y a aucun droit nouveau pour les salariés, je puis vous garantir qu’il n’y a aucune minoration des obligations de l’employeur, et que ce principe fondamental n’a absolument pas été modifié par l’ANI.

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. M. le rapporteur s’est exprimé très clairement, et le Gouvernement le rejoint pleinement.

J’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 139.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 45 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 173 rectifié quater est présenté par MM. Babary, D. Laurent, Savary, Bouloux, Lefèvre, Le Nay et Canévet, Mme Deromedi, M. Burgoa, Mme Berthet, MM. Chatillon et Bouchet, Mme Chauvin, MM. Chasseing, Longeot et Duffourg, Mmes Billon, Estrosi Sassone, Puissat, Thomas, Lassarade, Garriaud-Maylam, Chain-Larché et Raimond-Pavero et MM. Cuypers, Meurant, Wattebled, Moga, Hingray, Genet, Brisson, Bonnecarrère, Gremillet, Duplomb, J.M. Boyer, Klinger, Sido, Mandelli et Cambon.

L’amendement n° 188 est présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 25 à 33

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour la mise en œuvre des obligations mentionnées à la première phrase du A du présent IV, le document unique d’évaluation des risques professionnels et ses mises à jour font l’objet d’une conservation sous forme digitalisée sous la responsabilité de l’employeur. Les conditions relatives à la conservation et à l’accessibilité de ce document, tout particulièrement dans le cas de cessation d’activité de l’entreprise, sont fixées par décret.

« Le document unique d’évaluation des risques professionnels peut être transmis par l’employeur au service de prévention et de santé au travail qui en organise alors l’archivage dans des conditions fixées par décret. »

La parole est à Mme Florence Lassarade, pour présenter l’amendement n° 173 rectifié quater.

Mme Florence Lassarade. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 188.

M. Martin Lévrier. L’obligation pour tous les employeurs d’établir un document unique d’évaluation des risques professionnels remonte à près de vingt ans.

Les outils numériques nous permettent désormais de renforcer la conservation de ce document. Pour autant, il est important que les moyens d’assumer cette conservation digitalisée restent de la responsabilité de l’employeur. Le recours à un portail numérique ne paraît donc pas préférable.

Par ailleurs, le cas de cessation d’activité de l’entreprise, bien que non souhaitable, doit être pris en compte. C’est pourquoi nous proposons par cet amendement qu’un décret fixe les conditions relatives à la conservation et à l’accessibilité dudit document unique, notamment dans ce cas précis.

S’agissant enfin de l’archivage, l’amendement tend à prévoir la possibilité pour l’employeur de transmettre le DUERP aux services de prévention et de santé au travail dans des conditions prévues par décret.

Par ces modifications, la conservation et l’archivage de ce document clé seront assurés de manière efficace pour tous les employeurs, au profit des salariés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Ces deux amendements identiques sont problématiques.

L’ANI a incité les acteurs à dématérialiser l’ensemble des supports. Vos rapporteurs, en voulant être utiles, ont donc prévu la création d’un portail numérique dématérialisé.

Selon nous, l’adoption de ces amendements ne permettrait pas de garantir une conservation pérenne du DUERP – c’est tout de même l’objectif fixé ! – pour en faire un instrument de traçabilité collective, axe essentiel préconisé par l’ANI.

Tout d’abord, ils tendent à revenir sur le principe du dépôt dématérialisé du DUERP sur une plateforme numérique administrée par les organisations patronales. Or sa conservation sous un format digitalisé par l’employeur ne permet pas d’envisager celle-ci sur une durée suffisamment longue pour l’ensemble des entreprises, a fortiori pour une durée minimale de quarante ans, compte tenu de la durée de vie moyenne de nos entreprises.

Que faire, en cas de disparition de l’entreprise, du disque dur ou du serveur sur lequel auront été stockés les DUERP ? Il faut être pragmatique ! À cette difficulté, les dispositions que ces amendements tendent à introduire n’apportent pas vraiment de solution, la rédaction proposée se contentant de renvoyer le problème à un décret.

Nos discussions avec le Gouvernement ont montré que l’administration n’envisageait d’autre solution que celle qui a été adoptée par la commission, sous réserve d’éléments complémentaires qui nous seraient communiqués par M. le secrétaire d’État.

La seule possibilité serait que le portail de dépôt des DUERP soit un jour mutualisé via la plateforme « net-entreprises.fr ». C’est bien sûr le vœu que nous formons.

Ensuite, ces amendements visent à remplacer l’obligation de transmission du DUERP au SPST par une simple faculté, le SPST assumant le cas échéant la responsabilité de l’archivage. Là encore, les difficultés sont multiples.

La transmission du DUERP au SPST ne doit pas être facultative, car ce document est, selon nous, capital pour permettre aux membres de l’équipe pluridisciplinaire de disposer d’informations complémentaires à la fiche d’entreprise, et retracer, au fil du temps, les risques auxquels les salariés ont pu être exposés.

Enfin, la responsabilité de l’élaboration du DUERP pèse uniquement sur l’employeur. Par conséquent, il n’apparaît pas opportun de transférer aux SPST l’obligation de sa conservation et de sa mise à disposition, dès lors que seul l’employeur reste maître de sa transmission.

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Nous avions déjà abordé cette difficulté lors d’une réunion de travail, et je remercie la commission d’avoir cherché des solutions. Pour autant, notre position diverge de celle de M. le rapporteur : je suis en effet favorable à l’amendement qui vient d’être défendu par M. Lévrier.

Sur le fond, nous poursuivons le même objectif : nous devons trouver la meilleure façon de conserver ces documents, de façon très opérationnelle.

Une part importante de la solution relèvera du décret. Je pense notamment à la possibilité d’avoir recours aux entreprises en la matière.

Pour ma part, je soutiens cet amendement, tout en vous indiquant, monsieur le rapporteur, comme je l’indiquerai au rapporteur de l’Assemblée nationale, que je suis prêt à ouvrir le champ des possibles et à vous associer à la recherche d’une solution. J’en suis en effet tout à fait conscient, l’article 40 de la Constitution a certainement bloqué l’avancement de votre réflexion. Il s’agit d’une sorte d’appel du pied !

Certes, nous avons une divergence concernant l’outil à utiliser, mais nous poursuivons le même objectif. J’ai bien compris votre idée, monsieur le rapporteur, et je la trouve intéressante.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 173 rectifié quater et 188.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 46, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il y annexe également, avec l’accord du comité social et économique, l’analyse des risques professionnels mentionnée au 1° de l’article L. 2312-9.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à intégrer l’avis du CSE aux éléments que l’employeur se doit de transcrire dans le DUERP.

L’article 2 prévoit de renforcer l’implication du CSE, des salariés référents et des services de prévention et de santé au travail dans l’élaboration du DUERP.

Il précise que ces acteurs contribuent à l’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise, et que le comité social et économique est consulté sur le DUERP et ses mises à jour.

Consulter les représentants du personnel quant à l’évaluation des risques professionnels contribue effectivement à la qualité du dialogue social et à la pertinence du programme de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail. Toutefois, cet avis n’est pas contraignant.

Il paraît donc nécessaire qu’il soit a minima public et accessible aux salariés, et pas seulement dans un compte rendu du CSE très vite oublié !

Afin de garantir une meilleure visibilité et une meilleure traçabilité, nous proposons donc par cet amendement que l’avis du CSE ainsi consulté soit intégré aux éléments que l’employeur se doit de transcrire dans le DUERP.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.

L’analyse des risques professionnels réalisée par le CSE ou son avis sur le DUERP, puisque le CSE est consulté par l’employeur, pourront être mis à la disposition des travailleurs dans des conditions définies par le règlement intérieur du CSE.

Par ailleurs, si l’élaboration du DUERP s’inscrit dans une démarche de consultation des instances de dialogue social de l’entreprise, il s’agit d’un document dont la responsabilité incombe au seul employeur, qui doit rester maître de son contenu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 46.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 135, présenté par Mme Poumirol, MM. Jomier et Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin et Rossignol, MM. Tissot, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Remplacer les mots :

et instances

par les mots :

professionnels de prévention

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Les rapporteurs ont souhaité introduire un accompagnement par les branches professionnelles dans l’élaboration et la mise à jour des DUERP. Une telle démarche est intéressante, mais la désignation des acteurs susceptibles d’intervenir est beaucoup trop floue.

Cet amendement vise donc à préciser celle-ci. Il s’agit de s’assurer que, conformément au modèle du BTP, seuls des organismes relevant du champ de la prévention peuvent effectuer cet accompagnement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. La précision que vous souhaitez introduire, ma chère collègue, aurait pour effet d’exclure de l’accompagnement des entreprises dans l’évaluation des risques professionnels des instances qui pourraient être constituées à l’avenir par les branches et qui ne disposeraient pas du statut législatif d’organisme professionnel de santé, de sécurité et des conditions de travail, dont seul bénéficie aujourd’hui l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP).

Or l’ANI du 9 décembre 2020 invite justement toutes les branches à mettre en place des lieux de discussion paritaire sur les questions de santé et de sécurité, tels qu’une commission paritaire dédiée à la santé et à la sécurité au travail, en particulier quand leur comité technique national et les autres instances existantes ne permettent pas de répondre totalement aux besoins.

De notre point de vue, il est donc nécessaire de conserver la possibilité de mobiliser de telles instances, dont la constitution est préconisée par l’ANI.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Pour conforter vos propos, monsieur le rapporteur, je dirai que plus les branches professionnelles s’investiront dans les questions de santé et de sécurité au travail, plus la prévention progressera.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’ANI invite les branches à agir en ce sens. Ne rigidifions pas les choses ! Selon moi, cette proposition de loi contient d’ores et déjà une partie, si ce n’est la totalité, de la réponse à votre demande.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 135.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 140, présenté par Mme Poumirol, MM. Jomier et Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin et Rossignol, MM. Tissot, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 24, première phrase

Remplacer les mots :

tenus à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs ainsi que de

par les mots :

remis aux travailleurs, aux anciens travailleurs ainsi qu’à

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Dans sa version actuelle, l’article 2 de la proposition de loi prévoit que le DUERP et ses versions successives sont tenus à la disposition des travailleurs et des anciens travailleurs.

Une telle disposition ne correspond pas tout à fait à l’esprit de l’accord national interprofessionnel sur la santé au travail.

En effet, l’accessibilité au DUERP par le salarié ayant quitté l’entreprise, prévue au 1.2.1.2 de l’ANI, doit permettre au salarié qui a quitté l’entreprise de constituer un dossier de maladie professionnelle en s’aidant du DUERP.

En ce sens, une simple tenue à disposition ne suffit pas : le document doit être remis à l’ancien salarié, comme cela est proposé par cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. L’article 2 de la proposition de loi prévoit effectivement la mise à disposition du DUERP auprès des anciens travailleurs. Or cette mise à disposition n’exclut pas, en soi, la remise, en fonction des situations, d’une copie du document.

Aujourd’hui, le DUERP doit être mis à la disposition de l’inspection du travail ou des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat). On peut imaginer que, dans le cadre des contrôles, cette mise à disposition vaut remise du document ou de sa copie à ces instances. Par conséquent, une telle précision ne nous paraît pas nécessaire.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 140.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 47, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 24, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Un extrait du document est remis à tout ancien travailleur qui en fait la demande, dans des conditions définies par décret.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je suis désolée de le dire, une mise à disposition n’est pas équivalente à la remise d’un document.

Le présent amendement, tout comme le précédent, tend à compléter l’article 2. Il vise à garantir la remise du DUERP à toute personne qui en ferait la demande. En effet, il ne suffit pas de permettre à un ancien travailleur de consulter ce document dans l’entreprise.

Dans sa version actuelle, l’alinéa 24 prévoit que le DUERP et ses versions successives sont conservés par l’employeur et tenus à la disposition des travailleurs – il faut entendre ce que cela signifie ! –, des anciens travailleurs, ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier un intérêt à y avoir accès.

Le syndicat CFE-CGC, qui est signataire de l’ANI, nous a alertés sur le fait que cette rédaction ne correspond pas totalement à l’esprit de l’accord national interprofessionnel sur la santé au travail.

Dans la mesure où vous avez le souci de respecter en tout point l’équilibre de la négociation collective, je pense que vous serez attentif à ce point.

En effet – il convient de le rappeler –, l’accessibilité au DUERP par les salariés après qu’ils ont quitté l’entreprise, prévue au 1.2.1.2 de l’ANI, doit leur permettre de constituer éventuellement un dossier de maladie professionnelle en s’aidant du DUERP, lequel retrace les expositions aux risques professionnels.

En ce sens, une simple tenue à disposition du document ne suffit pas. Tout ancien travailleur qui en fait la demande doit se voir remettre un extrait du document unique. Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Même avis défavorable que précédemment. Cet amendement est déjà satisfait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 48, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 24, seconde phrase

Remplacer le mot :

quarante

par le mot :

cinquante

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’exercice auquel je m’astreins peut paraître quelque peu stérile !

Dans sa version actuelle, l’alinéa 24 de l’article 2 prévoit que le DUERP et ses versions successives sont conservés par l’employeur et tenus à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs, ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier un intérêt à y avoir accès, et ce pour une durée qui ne peut être inférieure à 40 ans.

Si la mention d’une durée minimale de conservation constitue une avancée, la durée retenue, de 40 ans, nous semble trop courte.

En effet, l’âge de départ à la retraite – nous le regrettons ! – est progressivement reculé, si bien que le nombre d’années requises pour une retraite à temps plein est désormais de 42 ans. La durée de conservation du DUERP devrait tenir compte de ces paramètres, certes régressifs, mais effectifs.

Par ailleurs et principalement, dans l’esprit de l’ANI, l’accessibilité au DUERP vise à permettre aux salariés de constituer éventuellement – nous l’avons déjà signalé – un dossier de maladie professionnelle. Il est donc indispensable que la durée de conservation garantisse l’accès à ce document, y compris aux ayants droit des salariés décédés. Je vous le rappelle, les accidents du travail font plus de 500 morts par an !

Nous proposons donc, par cet amendement, d’allonger la durée de conservation du DUERP, en la portant à 50 ans, au lieu des 40 ans prévus par la rédaction actuelle de l’article 2.

Cette durée tient compte de la remarque formulée par M. le rapporteur en commission. Celui-ci avait en effet indiqué que les dossiers médicaux des travailleurs exposés aux risques chimiques et nucléaires devant être conservés pour une durée minimale de 50 ans, la durée de 60 ans, que nous avions proposée initialement, était trop importante.

Les risques chimiques étant l’un des facteurs de risques les plus importants, souvent reconnus avec beaucoup de retard, nous vous proposons donc, mes chers collègues, de retenir une durée de 50 ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. La durée de 40 ans se justifie par le délai de latence de certaines pathologies dues à l’exposition à des agents dangereux, notamment chimiques. Certains cancers peuvent en effet apparaître 35 ans après la fin de l’exposition.

En outre, la durée de 40 ans correspond en moyenne à la durée d’une carrière professionnelle. À l’inverse, la durée de 50 ans nous paraît excessive.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Permettez-moi d’ajouter un élément auquel vous devriez être sensible, madame la sénatrice. L’article 15 de la directive 2004/37/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail prévoit une conservation des données relatives à ces risques pour une durée de 40 ans après l’exposition.

Dans la mesure où nous devrions pouvoir partager cette référence, je vous invite, madame la sénatrice, à bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous soutenons l’amendement de notre collègue.

En effet, de nombreux salariés, une fois qu’ils ont pris leur retraite, découvrent qu’ils ont un cancer. C’est notamment le cas, dans mon département, pour les « cancers de l’amiante ». Je suis donc favorable à un délai de 50 ans.

Les carrières s’étalent aujourd’hui sur 42 ans, 43 ans, voire 44 ans pour les salariés ayant démarré jeunes. Or malheureusement, c’est souvent à la fin de leur carrière qu’ils découvrent qu’ils ont une maladie grave.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Pour ma part, j’ai travaillé dans une entreprise qui a dû reconnaître le préjudice d’anxiété du fait d’une problématique liée à l’amiante.

Vous évoquez une durée de 40 ans après l’exposition. Mais si l’exposition a lieu au cours des 10 dernières années de la carrière, cette durée n’est pas suffisante !

De fait, pour ce qui concerne les cancers liés à l’amiante, mais pas seulement, les tableaux professionnels évoquent une période de latence pouvant aller bien au-delà.

Le risque chimique ne concerne pas uniquement le monde industriel. Il touche aujourd’hui de très nombreuses activités, y compris dans le secteur tertiaire. Il est incroyable de ne pas le prendre en compte !

Les effets de l’exposition à ce risque peuvent se manifester après un délai de 50 ans. Par conséquent, du fait de sa fréquence dans tous les secteurs – le secteur agricole, le secteur secondaire et le secteur tertiaire – soyons prudents et retenons une durée de 50 ans.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 2 bis

Article additionnel après l’article 2

Mme la présidente. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mmes Taillé-Polian et Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 4121-2 du code du travail, il est inséré un article L. 4121-2-…. ainsi rédigé :

« Art. L. 4121-2-…. – Les actions de prévention prévues à l’article L. 4121-1 comprennent par ordre de priorité :

« 1° Des actions de prévention primaire visant à supprimer ou à réduire les risques d’atteinte à la santé d’origine professionnelle en agissant le plus en amont possible sur les plans organisationnel, technique et humain ;

« 2° Des actions de prévention secondaire visant à agir le plus précocement possible sur les risques à partir des actions de suivi et de dépistage ;

« 3° Des actions de prévention tertiaire visant à limiter les conséquences des dommages et à favoriser le maintien dans l’emploi. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les actions de prévention au travail pâtissent de leur méconnaissance par de nombreux employeurs. Dans certains cas, il en résulte une défaillance dans l’organisation générale de la prévention, parfois jugée optionnelle, et l’absence de mesures particulières adaptées aux situations vécues par les salariés.

Vous le savez, mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. C’est pourquoi cet amendement vise à définir les trois piliers de la prévention – primaire, secondaire et tertiaire – dans le code du travail. Cette définition aidera le législateur à formuler plus clairement son intention pour chaque type de prévention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire dans le code du travail les définitions des préventions primaire, secondaire et tertiaire.

Une telle classification est évidemment pertinente et couramment utilisée par les professionnels de la prévention. Les partenaires sociaux signataires de l’ANI ne se sont d’ailleurs nullement interrogés quant aux différences entre préventions primaire, secondaire et tertiaire.

Selon moi, cette terminologie est acquise par tous. La loi n’a pas forcément vocation à informer les employeurs, ni même à aider le législateur à mieux définir ce qu’il souhaite.

En outre, nous ne mesurons pas tout à fait la portée de ces ajouts législatifs, en ce qui concerne notamment l’obligation de moyens et la responsabilité des employeurs. Bien évidemment, nous partageons l’objectif de renforcer la prévention dans ses différentes dimensions, notamment la prévention primaire dont la définition ne fait aucun doute. Pour autant, je considère que sa promotion ne doit pas se traduire par un excès de normes.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 40 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 40 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 90 rectifié

Article 2 bis

Le chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 2242-1, le mot : « au » est remplacé par les mots : « et des conditions de » ;

2° Au 2° de l’article L. 2242-13, le mot : « au » est remplacé par les mots : « et des conditions de » ;

3° La sous-section 3 de la section 3 est ainsi modifiée :

a) À l’intitulé, le mot : « au » est remplacé par les mots: « et des conditions » ;

b) Au premier alinéa de l’article L. 2242-17, le mot : « au » est remplacé par les mots : « et des conditions de » ;

c) Il est ajouté un article L. 2242-19-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-19-1. – La négociation peut également porter sur la qualité des conditions de travail, notamment sur la santé et la sécurité au travail et la prévention des risques professionnels. Elle peut s’appuyer sur les acteurs régionaux et locaux de la prévention des risques professionnels. »

Mme la présidente. L’amendement n° 223, présenté par Mme Gruny et M. Artano, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Après le mot :

négociation

insérer les mots :

prévue à l’article L. 2242-17

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Artano, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 223.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Remplacer les mots :

peut également porter

par les mots :

porte également

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 2 bis de la proposition de loi prévoit que, lors de la négociation obligatoire sur la qualité de vie au travail, les échanges entre l’employeur et les représentants du personnel pourront porter sur la qualité des conditions de travail.

Le syndicat CFE-CGC, signataire de l’ANI, nous a alertés sur le fait que cette rédaction, en faisant de ces échanges une simple possibilité, ne traduisait pas l’esprit de l’accord national interprofessionnel, dont les signataires sont parvenus à trouver un équilibre auquel vous êtes sensibles, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, et qu’il convient de respecter.

En effet, au 2.2 de l’ANI, les partenaires sociaux sont convenus de revoir l’approche traditionnelle de la qualité de vie au travail afin d’y intégrer les conditions de travail, comme cela avait été initialement prévu par l’ANI sur la qualité de vie au travail de juin 2013.

Par l’un de nos amendements adopté en commission, cette ambition commune a été traduite dans le code du travail par le remplacement, en chacune de leurs occurrences, des termes « qualité de vie au travail » par les termes « qualité de vie et des conditions de travail ».

Par cet amendement, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose d’aller jusqu’au bout de cette mise en cohérence de l’article 2 bis de la proposition de loi avec cette ambition de l’ANI, en prévoyant que la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte systématiquement, et non éventuellement, en sus de la liste de thématiques visées à l’article L. 2242-17 du code du travail, sur la qualité des conditions de travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Nous pensons au contraire que cette proposition de loi va au bout de ce qui a été prévu dans le cadre de l’ANI.

L’article 2 bis prévoit en effet que les partenaires sociaux « peuvent » négocier en entreprise sur la qualité des conditions de travail lorsque cette négociation s’inscrit dans le cadre des dispositions supplétives du code du travail, c’est-à-dire lorsque les partenaires sociaux n’ont pas conclu d’accord de méthode sur le contenu et la périodicité de la négociation.

Cet amendement, qui a déjà été rejeté par la commission, vise au contraire à rendre ce thème obligatoire. Nous considérons, quant à nous, qu’il n’est pas souhaitable de contraindre excessivement la négociation en entreprise, au-delà des thèmes déjà imposés par le code du travail.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et de l’organisation du travail

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Permettez-moi d’exprimer mon étonnement quant au sort réservé à l’amendement précédent.

Les signataires de l’ANI – je l’ai dit lors de la discussion générale – nous ont montré qu’en plusieurs endroits du texte l’équilibre obtenu n’était pas respecté. Ce sont ces signataires eux-mêmes qui portent ces amendements dans le but de revenir aux termes de l’ANI, et vous faites comme s’il s’agissait d’un fantasme de notre part ! Peut-être certains d’entre eux finiront-ils par regretter d’avoir souscrit à cet accord…

L’amendement n° 51, comme le précédent, vise à compléter l’article 2 bis, qui prévoit la possibilité d’intégrer la qualité des conditions de travail, notamment la santé et la sécurité au travail, ainsi que la prévention des risques professionnels à la négociation obligatoire en entreprise.

Les partenaires sociaux signataires, en visant les conditions de travail au 2.2 de l’ANI sur la santé au travail, souhaitaient en effet que « l’approche traditionnelle de la qualité de vie au travail soit revue pour intégrer la qualité de vie et des conditions de travail » et inclue ainsi davantage l’organisation du travail.

Le fait de réfléchir et d’agir, dans le cadre des négociations en entreprise, sur l’environnement de travail via la question des conditions de travail, constitue une avancée – nous l’avons pointée. Mais il est indispensable, pour remplir pleinement l’objectif de prévention primaire, d’agir plus nettement sur l’organisation du travail, qui a subi de profondes transformations et peut être une cause de stress professionnel.

On ne saurait aborder la santé et la sécurité au travail, ainsi que la prévention des risques professionnels, comme c’est l’objet de l’alinéa 8, sans aborder l’organisation du travail, qui est souvent un facteur de risques psychosociaux.

Redonner aux salariés, premiers concernés, la possibilité d’intervenir et de s’exprimer sur cette organisation est indispensable pour lutter efficacement contre les risques psychosociaux et redonner sens et utilité aux missions exercées.

Nous proposons donc, par cet amendement, d’ajouter l’organisation du travail aux items sur lesquels la négociation en entreprise doit porter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. L’article 2 bis prévoit une négociation sur les conditions de travail. L’amendement que vous proposez, ma chère collègue, vise à y inclure le thème de l’organisation du travail.

Si cet article incite les partenaires sociaux à se saisir du thème de la qualité des conditions de travail, il ne mentionne qu’une possibilité. Il n’est pas nécessaire d’ajouter à la liste un thème sur lequel une négociation peut déjà avoir lieu.

J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Comme M. le rapporteur, j’entends vos arguments, madame la sénatrice.

Il reste que l’ANI a été signé par l’ensemble des organisations syndicales, qui ont été évoquées à plusieurs reprises. Je l’ai dit, je le répète : des équilibres ont été trouvés, qu’il faut respecter. Pour ce qui est de la qualité de vie au travail (QVT), des dispositions permettent déjà aux partenaires sociaux de se saisir de ce sujet s’ils le souhaitent – cette option leur est offerte.

Nous avons entamé, en 2017 – mais sans doute divergeons-nous aussi sur ce point – un effort de rationalisation. En entreprise, le calendrier des négociations sociales est déjà extrêmement touffu. Mener à bien ces négociations exige d’ailleurs de s’investir : si négocier veut dire se contenter d’une réunion paritaire et en déduire que tout va bien, cela a peu d’intérêt…

Je préfère que les sujets soient très clairement posés, comme cela est le cas aujourd’hui, sans en rajouter : il y a déjà de quoi faire dans les entreprises. Que ce qui est prévu soit fait à fond ; les entreprises qui le peuvent et le souhaitent ont la possibilité de mener de surcroît des échanges sur l’organisation du travail lorsque cela se justifie.

J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les anciennes instances représentatives du personnel – délégués du personnel (DP) et comité d’entreprise (CE) – se réunissaient une fois par mois. Avec la création du CSE, on est passé d’une réunion mensuelle obligatoire à six réunions par an seulement.

Mme Raymonde Poncet Monge. Autrement dit, la tendance n’est pas à « ajouter » quoi que ce soit, mais bien à enlever !

Si les choses étaient si évidentes, il aurait été préférable que les ordonnances de 2017 n’en soient pas, et que la loi s’y substitue. Ainsi, on aurait pu en discuter ! Je pense notamment à l’incidence de la disparition du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sur la prise en compte du travail réel, et non prescrit, au plus près des organisations du travail. Sans le CHSCT, une distance s’est creusée…

Les élus du CHSCT étaient les élus les mieux perçus dans l’entreprise – j’ai assez travaillé en entreprise pour le savoir. Très proches du travail concret, ils n’ignoraient rien des conditions de travail ni des souffrances de leurs collègues, qu’ils faisaient « remonter ». Ils bénéficiaient d’une véritable aura dans l’entreprise, et ce n’est pas pour rien qu’on a supprimé leur instance pour les fondre dans un CSE qui, à défaut d’accord, se réunit seulement six fois par an, et pour traiter de tous les problèmes !

Non, la tendance n’est pas à l’aggravation des obligations : elle n’est pas à « en rajouter ». Il faudrait peut-être cesser, à l’inverse, d’en supprimer !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je suis surpris par cette considération selon laquelle faire de l’organisation du travail un élément moteur de la réflexion obligatoire reviendrait à complexifier celle-ci.

Intéressez-vous à ce que demandent les 900 médecins du travail qui ont signé une lettre à ce sujet – je me permets d’en parler parce que ma femme a été médecin du travail pendant 40 ans : la prégnance de l’organisation du travail ou des facteurs liés à l’organisation du travail, notamment, sur la réalité de la souffrance au travail des salariés n’a cessé de s’accroître. Ma femme en a été témoin à propos d’une entreprise qui a été mise en cause nationalement à ce sujet, plus particulièrement pour sa gestion de l’un de ses entrepôts.

La nécessité de prendre en compte l’organisation du travail dans le champ de la négociation obligatoire en entreprise s’impose aujourd’hui au monde du travail, et je trouve un peu surprenant que cette nécessité ne vous apparaisse pas comme telle. Inclure ce thème dans la négociation ne saurait être un frein : ce ne peut être que bénéfique pour ladite organisation !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 208, présenté par Mme Poumirol, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° À l’article L. 2281-5, au premier alinéa de l’article L. 2281-11 et au premier alinéa de l’article L. 2312-26, le mot : « au » est remplacé par les mots : « et des conditions de ».

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Il s’agit toujours du même thème.

L’article 2 bis prévoit de remplacer, dans le code du travail, la notion de « qualité de vie au travail » par celle de « qualité de vie et des conditions de travail », introduite par l’accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et de conditions de travail.

Est ainsi visé un élément fondamental de la prévention primaire – mes collègues écologistes viennent d’en développer l’analyse –, à savoir l’organisation même du travail.

Dans le prolongement des modifications apportées par la commission des affaires sociales, cet amendement a pour objet d’harmoniser la terminologie du code du travail en remplaçant, en chacune de leurs occurrences, les termes « qualité de vie au travail » par les termes « qualité de vie et des conditions de travail ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Votre proposition, madame Poumirol, s’inscrit dans la continuité des travaux de la commission, qui, sur votre initiative notamment, a sacralisé au niveau législatif la notion de « qualité de vie et des conditions de travail » mentionnée dans l’ANI. Il s’agit donc de procéder, en toute logique, à un certain nombre d’harmonisations dans le code du travail.

J’émets un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Avis favorable également, pour les raisons qui viennent d’être exposées par M. le rapporteur. (On sen félicite sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 208.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Article 2 bis
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 2 ter

Article additionnel après l’article 2 bis

Mme la présidente. L’amendement n° 90 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 4° de l’article L. 2242-17 du code du travail, après les mots : « accès à », sont insérés les mots : « la prévention de la désinsertion professionnelle des salariés ainsi qu’à ».

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement a pour objet de reprendre la recommandation n° 7 du rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de décembre 2017 sur la prévention de la désinsertion professionnelle, en intégrant dans la négociation annuelle d’entreprise sur la qualité de vie au travail les mesures permettant de prévenir la désinsertion professionnelle des travailleuses et des travailleurs.

Les actions de maintien dans l’emploi ou en emploi ont pour objectif de permettre à des personnes dont le handicap ou les problèmes de santé restreignent l’aptitude professionnelle à rester en activité ou à reprendre leur activité dès consolidation, soit par un aménagement de leur emploi soit par un changement d’activité ou d’emploi.

Les estimations font état d’une fourchette située entre un et deux millions de salariés menacés à court ou moyen terme par un risque de désinsertion professionnelle, soit 5 à 10 % des salariés. C’est énorme !

Derrière la question de la désinsertion professionnelle se pose celle de l’aptitude professionnelle : actuellement, les salariés les plus concernés sont globalement moins qualifiés et plus âgés que les autres, les métiers ouvriers et des secteurs sanitaires et sociaux étant surreprésentés.

Si le Gouvernement a repris la recommandation de la mission préconisant de mieux définir les ambitions d’une politique de prévention de la désinsertion professionnelle, nous ne comprenons pas pourquoi celle-ci n’a pas été retenue en totalité. En effet, l’IGAS proposait en même temps d’adopter une vision globale orientée vers la sécurisation des parcours professionnels en renvoyant vers la négociation collective et les services de santé au travail. Tel est l’objet de notre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Le code du travail prévoit que la négociation d’entreprise, lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre des dispositions supplétives dudit code, porte obligatoirement sur l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés. Ce thème inclut donc déjà la prévention de la désinsertion professionnelle.

Cet amendement, de notre point de vue, est satisfait. J’en demande donc retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Le maintien dans l’emploi – je préfère cette terminologie – est au cœur de cette proposition de loi ; nous allons y revenir. Et mon sentiment est que nous allons tous y trouver notre compte.

De ce point de vue, la demande de retrait me paraît plus adaptée qu’un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je veux bien me laisser convaincre par les arguments qui viennent d’être exposés ; en revanche, monsieur le secrétaire d’État, je doute que nous nous retrouvions toutes et tous dans cette proposition de loi.

En l’occurrence, les arguments de M. le rapporteur et les vôtres nous ont néanmoins convaincues, Cathy Apourceau-Poly et moi-même ; je retire donc notre amendement. (M. Jean-Pierre Corbisez applaudit.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est assez rare pour être souligné !

Mme la présidente. L’amendement n° 90 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 90 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 3

Article 2 ter

La quatrième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L’article L. 4412-1 est complété par les mots : « , en tenant compte des situations de polyexpositions » ;

2° L’article L. 4624-2-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « médicale, », sont insérés les mots : « dans les meilleurs délais après la cessation de l’exposition ou, le cas échéant, » ;

b) La seconde phrase du deuxième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « S’il constate une exposition du travailleur à certains risques dangereux, notamment chimiques, mentionnés au a du 2° du I du même article L. 4161-1, le médecin du travail met en place une surveillance post-exposition ou post-professionnelle, en lien avec le médecin traitant et le médecin conseil des organismes de sécurité sociale. Cette surveillance tient compte de la nature du risque, de l’état de santé et de l’âge de la personne concernée. »

Mme la présidente. L’amendement n° 199, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Cet article, inséré en commission par l’Assemblée nationale, vise à prendre en compte les situations de polyexpositions pour les travailleurs exposés à des risques chimiques.

Lors de l’examen de ce texte par la commission des affaires sociales du Sénat, certaines modifications ont été adoptées afin de prévoir que la visite post-exposition ait lieu dans les meilleurs délais après la cessation de l’exposition, et non plus seulement avant le départ à la retraite.

Or le suivi individuel renforcé permet déjà d’assurer un suivi médical périodique pour les salariés exposés à des risques. Le médecin délivre alors un avis d’aptitude ou d’inaptitude, et propose à l’employeur des mesures individuelles telles qu’une mutation ou une transformation de poste.

Le temps consacré aux visites et aux examens médicaux, y compris les examens complémentaires, est bien évidemment compris dans les heures de travail du salarié sans qu’aucune retenue de salaire ne puisse être opérée, ou est rémunéré comme temps de travail effectif lorsque ces examens ne peuvent pas avoir lieu pendant les heures de travail.

Afin d’éviter que ces nouvelles dispositions ne fassent doublon avec les mesures déjà existantes et afin de garantir la lisibilité de la loi, cet amendement tend à supprimer les alinéas prévoyant ce suivi post-cessation d’exposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. De notre point de vue – je suis navré de le dire ainsi –, les auteurs de cet amendement confondent deux éléments. Le suivi individuel renforcé, dont bénéficie le travailleur exposé à des risques particuliers, notamment chimiques, couvre toute sa période d’exposition ; le suivi post-exposition vise, quant à lui, à surveiller l’état de santé du travailleur après la cessation de cette exposition.

Le suivi post-exposition s’inscrit dans la continuité du suivi individuel renforcé : il n’intervient donc pas en doublon de celui-ci. Supprimer la possibilité pour le médecin du travail d’engager une surveillance de l’état de santé du travailleur après la cessation de l’exposition priverait le travailleur d’actions de prévention, notamment de dépistage, contre des pathologies différées.

Du reste, ce suivi post-exposition s’inscrit dans la même logique que la surveillance post-professionnelle, introduite par le Sénat en 2018 sur l’initiative de notre collègue Alain Milon, qui intervient avant le départ à la retraite des travailleurs exposés à des risques dangereux pour la santé.

Il est dommage, en revanche, que, trois ans après l’inscription de ce dispositif dans la loi, celui-ci ne soit toujours pas mis en œuvre, faute de publication de textes d’application – mais, visiblement, les choses seraient en préparation…

J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Je rebondis sur les propos de M. le rapporteur, qui soulignait un point important en faisant allusion à l’engagement que j’ai pris devant l’Assemblée nationale.

La proposition que porte le sénateur Lévrier consiste à rétablir la rédaction initiale de l’article 2 ter, qui prévoit notamment cette visite avant le départ à la retraite – nous en voyons tous l’intérêt.

Ce qui manque, aujourd’hui, c’est le décret d’application. Je me suis engagé devant l’Assemblée nationale à ce qu’il soit publié à court terme. Les choses avancent et vont aboutir dans les semaines qui viennent ; d’où mon soutien à l’amendement du sénateur Lévrier.

J’émets un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Je suis quelque peu surprise par cet amendement : le suivi post-exposition à des risques dangereux est une avancée tangible et concrète pour les salariés les plus exposés à des risques professionnels.

Ce suivi est également important du point de vue de la lutte contre les inégalités au travail, car on sait bien que l’inégalité se traduit, en l’espèce, par des écarts d’espérance de vie, et surtout d’espérance de vie en bonne santé, extrêmement significatifs entre les différentes catégories socioprofessionnelles.

Nous sommes donc évidemment opposés à l’amendement de M. Lévrier.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 199.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 ter.

(Larticle 2 ter est adopté.)

Article 2 ter
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 4

Article 3

Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4141-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 4141-5. – L’employeur renseigne dans un passeport de prévention les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail dispensées à son initiative. Les organismes de formation renseignent le passeport selon les mêmes modalités dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail qu’ils dispensent. Le travailleur peut également inscrire ces éléments dans le passeport de prévention lorsqu’ils sont obtenus à l’issue de formations qu’il a suivies de sa propre initiative.

« Lorsque le travailleur dispose d’un passeport d’orientation, de formation et de compétences prévu au second alinéa du II de l’article L. 6323-8, son passeport de prévention y est intégré. Il est mis en œuvre et géré selon les mêmes modalités.

« Le travailleur peut autoriser l’employeur à consulter l’ensemble des données contenues dans le passeport de prévention, y compris celles que l’employeur n’y a pas versées, pour les besoins du suivi des obligations de ce dernier en matière de formation à la santé et à la sécurité, sous réserve du respect des conditions de traitement des données à caractère personnel prévues à l’article 4 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Un demandeur d’emploi peut ouvrir un passeport de prévention et y inscrire les attestations, certificats et diplômes obtenus dans le cadre des formations qu’il a suivies dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail.

« Les modalités de mise en œuvre du passeport de prévention et de sa mise à la disposition de l’employeur sont déterminées par le comité national de prévention et de santé au travail et approuvées par voie réglementaire. En l’absence de décision du comité à l’issue d’un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour renforcer la prévention en santé au travail, ces modalités sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

Mme la présidente. L’amendement n° 52, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 3 prévoit la création d’un « passeport de prévention » qui retracera les formations, y compris obligatoires, que les travailleurs et travailleuses ont effectuées dans le domaine de la sécurité et de la prévention des risques professionnels ainsi que les attestations, certificats et diplômes obtenus dans ce cadre.

L’existence d’un tel document suscite des craintes chez les professionnels comme chez certains partenaires sociaux, qui s’interrogent sur ses finalités, au-delà de l’intérêt de la traçabilité des formations continues suivies par le salarié.

En effet, si chaque entreprise a par définition connaissance des formations qu’elle organise, il est de la libre décision de chaque salarié de porter à la connaissance d’un de ses employeurs l’ensemble des formations suivies au cours de son parcours professionnel comme de consentir à la transmission des informations qui font l’objet de ce passeport. Mais le refus d’en permettre l’accès peut engendrer un risque de discrimination, à l’embauche notamment.

Par ailleurs, s’agissant de la volonté de créer un tel passeport – pour aller où ? –, la crainte ne peut être écartée d’un report de la responsabilité de l’employeur sur le salarié en cas d’accident, au motif que le salarié était informé d’un risque ou formé à la sécurité, y compris par le biais de formations suivies antérieurement à sa prise de poste.

Ces risques sont à mettre en regard d’une utilité très limitée par rapport aux dispositifs existants : tout salarié, s’il le souhaite, peut d’ores et déjà mentionner des formations à son employeur et, le cas échéant, fournir ses certificats ou attestations.

Nous proposons donc de supprimer cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. La création du passeport de prévention est une mesure clé de l’ANI, qui a été voulue par la quasi-totalité des partenaires sociaux, à notre connaissance en tout cas.

Le passeport de prévention est précisément conçu comme un outil au service d’une meilleure prévention en matière de santé au travail. Renforçant la traçabilité des formations en santé et en sécurité suivies par le travailleur, il doit permettre d’objectiver les moyens consentis par l’employeur pour accompagner son salarié.

J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Cette question a déjà été évoquée précédemment.

Je vous le dis d’expérience, expérience dont je n’ai ici nullement le monopole, je le sais : ce n’est pas parce que vous invitez votre salarié à se former sur les sujets de sécurité et de santé au travail que vous vous déresponsabilisez en tant qu’employeur. Il me semble que les salariés, lorsqu’ils ont connaissance des formations auxquelles ils peuvent avoir accès, en sont au contraire demandeurs – nous sommes probablement tous d’accord là-dessus.

Ce passeport permet précisément une lisibilité des formations, lesquelles peuvent être d’ailleurs, dans certaines entreprises et au regard de certaines conventions collectives, des formations qualifiantes, auxquelles sont indexés des niveaux de rémunérations spécifiques.

Ces éléments sont donc très positifs. La sécurité et la santé au travail, c’est la responsabilité de l’employeur, mais c’est aussi l’affaire de tous ! Quand on est salarié – vous le savez, madame la sénatrice, et vous l’avez dit –, on est acteur de sa sécurité et de celle de ses collègues.

J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 141, présenté par Mme Poumirol, MM. Jomier et Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin et Rossignol, MM. Tissot, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

1° Première et dernière phrases

Remplacer les mots :

passeport de prévention

par les mots :

livret de formation santé sécurité

2° Deuxième phrase

Remplacer le mot :

passeport

par le mot :

livret

II. – Alinéa 3, première phrase

1° Remplacer les mots :

Lorsque le travailleur dispose d’un

par les mots :

Le livret de formation santé sécurité intègre le

2° Supprimer les mots :

, son passeport de prévention y est intégré

III. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’existence du livret de formation santé sécurité ne peut se substituer à l’obligation de prévention définie à l’article L. 4121-1, de donner des instructions appropriées au travailleur définie à l’article L. 4121-2 et d’évaluation des risques définie à l’article L. 4121-3.

IV. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

passeport de prévention

par les mots :

livret de formation santé sécurité

V. – Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

VI. – Alinéa 6

1° Première phrase

Remplacer les mots :

passeport de prévention

par les mots :

livret de formation santé et sécurité

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

de six mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour renforcer la prévention en santé au travail

par les mots :

déterminé par décret

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Nous souhaitons remplacer, en chacune de leurs occurrences, les termes « passeport de prévention » par les termes « livret de formation santé et sécurité ».

Il ne s’agit pas là d’un simple accès de fantaisie sémantique. En effet, l’inspiration qui préside à la création du passeport de prévention pourrait conduire, en matière d’organisation du travail et d’amélioration des conditions de travail, dont l’employeur doit rester le garant, à un glissement de la sécurité collective vers une responsabilité individuelle du travailleur, celui-ci étant censé se former pour s’adapter à des conditions de travail éventuellement néfastes pour sa santé.

On assiste ainsi à une inversion de la logique et de la démarche de prévention, celle-ci consistant à agir prioritairement sur les conditions de travail et l’organisation du travail.

Telle est notre crainte : celle d’un glissement de responsabilité. L’instauration d’un livret de formation ne peut suffire à lever les responsabilités de l’employeur en matière de santé au travail. La satisfaction de ces obligations de formation et la consignation dans le livret des documents l’attestant ne sauraient dédouaner l’employeur.

Mme la présidente. L’amendement n° 53, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2, première et dernière phrases, alinéa 3, première phrase, alinéas 4, 5 et alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

passeport de prévention

par les mots :

livret de formation santé sécurité

II. – Alinéa 2, deuxième phrase

Remplacer le mot :

passeport

par le mot :

livret

III. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’existence du livret de formation santé sécurité ne peut se substituer à l’obligation de prévention définie à l’article L. 4121-1, de donner des instructions appropriées au travailleur définie à l’article L. 4121-2 et d’évaluation des risques définie à l’article L. 4121-3.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement est similaire au précédent ; il nous a été inspiré par le collectif Prévention AT-MP, qui a été auditionné. Il s’agit de renommer le passeport de prévention « livret de formation santé sécurité » afin de lever toute ambiguïté quant à la responsabilité personnelle de l’employeur.

En effet, l’intitulé « passeport de prévention » présente deux limites aux yeux des membres de ce collectif.

Tout d’abord, il ne rend pas compte du contenu du document créé à l’article 3 de la proposition de loi : ce document comprend uniquement des attestations, certificats et diplômes obtenus par le salarié dans le cadre de formations relatives à la santé et à la sécurité au travail, que celles-ci aient été dispensées par l’employeur ou par un organisme de formation, que le salarié les ait ou non suivies de sa propre initiative. De ce fait, le terme « livret de formation santé sécurité » paraît plus approprié et largement suffisant.

Ensuite – cela a été rappelé –, nous craignons que l’intitulé « passeport de prévention » ne participe d’une logique de transfert d’une partie de la responsabilité de l’employeur vers le salarié. Si chacun est acteur en matière de santé, tous n’ont pas le même pouvoir d’organisation, et certains n’en ont pas du tout !

Il y a une différence entre les formations relatives au travail prescrit et le travail réel. Dans ce dernier domaine, c’est l’employeur qui doit rester seul responsable puisque seul il dispose du pouvoir d’organisation.

Le collectif Prévention AT-MP alerte sur un risque d’instrumentalisation du passeport de prévention visant à faire porter une partie de la responsabilité sur le salarié alors même que, subordonné, il n’a aucun pouvoir d’organisation. Quand on dit qu’il est « acteur de sa prévention » au même titre que l’employeur, c’est bien cette situation de subordination qui est niée : il n’a aucun pouvoir d’organisation sur le travail réel.

De nouveaux dispositifs étant créés, il convient de réaffirmer explicitement la responsabilité personnelle de l’employeur quant à la protection de la santé et de la sécurité des salariés. C’est lui, l’employeur, qui doit veiller à l’effectivité de l’application des règles de sécurité, les obligations de formation et d’information ne correspondant qu’à une partie de l’obligation qui lui incombe en matière de mesures de prévention, selon l’article L. 4121-1 du code du travail.

S’il arrive, d’ailleurs, que la responsabilité disciplinaire du salarié soit engagée, cette responsabilité est toujours recherchée après la responsabilité personnelle, civile et pénale de l’employeur, qui doit veiller à l’effectivité de l’application des règles de sécurité.

Mme la présidente. L’amendement n° 99, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

1° Première et dernière phrases

Remplacer les mots :

passeport de prévention

par les mots :

livret de formation santé sécurité

2° Deuxième phrase

Remplacer le mot :

passeport

par le mot :

livret

II. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le livret de formation santé sécurité ne peut se substituer à l’obligation de prévention définie à l’article L. 4121-1, de donner des instructions appropriées au travailleur définie à l’article L. 4121-2 et d’évaluation des risques définie à l’article L. 4121-3.

III. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

passeport de prévention

par les mots :

livret de formation santé sécurité

IV. – Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

passeport de prévention

par les mots :

livret de formation santé sécurité

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement nous a également été suggéré par le collectif Prévention AT-MP, qui regroupe des salariés syndiqués et non syndiqués des services de prévention des Carsat, de la caisse nationale de la sécurité sociale, de la caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France (Cramif), ainsi que de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ce collectif dénonce une déresponsabilisation des employeurs et une régression historique dans le champ de la prévention des risques professionnels, dont le fondement juridique serait profondément remis en cause.

En effet, sous réserve qu’il réponde à un protocole, l’employeur sera quasiment déchargé de ses obligations à l’égard de la santé de ses salariés, sa responsabilité en la matière étant réduite et transférée au travailleur lui-même ou aux services de santé au travail.

Depuis 2002, la jurisprudence constante donnait à l’employeur une obligation de sécurité de résultat, cette obligation découlant elle-même de la combinaison de deux obligations : prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des salariés, et évaluer les risques professionnels. Deux jugements, en 2015 et en 2016, ont relativisé cette jurisprudence en transformant l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur en obligation de moyens.

La création du passeport de prévention laisse penser que les actions de formation et d’information menées par l’employeur lui suffisent à accomplir sa mission de prévention des risques. Pourtant, les obligations de formation et d’information ne correspondent qu’à une partie seulement de l’obligation qui incombe à l’employeur en matière de mesures de prévention.

Ce livret de formation ne saurait suffire à lever les responsabilités de l’employeur en matière de santé au travail.

Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié quater, présenté par MM. Mouiller et Favreau, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Bonhomme, Chatillon, Daubresse, Cambon et B. Fournier, Mme Demas, MM. Savin et Savary, Mme Canayer, M. Lefèvre, Mme Belrhiti, MM. Bouloux, Milon et Brisson, Mme Malet, M. Rapin, Mmes Di Folco, Imbert, L. Darcos, Garriaud-Maylam et Dumont, MM. Pointereau et Genet, Mme M. Mercier et MM. Husson et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 3, c’est-à-dire l’intégration du passeport de prévention au passeport d’orientation, de formation et de compétences.

L’idée n’est pas de remettre en cause le principe général : c’est surtout une histoire de calendrier. Sur ce sujet, en effet, la négociation avec les partenaires sociaux n’est pas aboutie, ce qui occasionne pour eux de fortes difficultés.

Mme la présidente. L’amendement n° 97, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les formations, attestations, certificats et diplômes listés dans le passeport de prévention, n’exonèrent pas l’employeur de sa responsabilité quant à la préservation de la santé des travailleuses et travailleurs.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. J’irai dans le même sens que précédemment à propos de l’amendement n° 99 : nous considérons que les formations, les attestations, les certificats et les diplômes listés dans le passeport de prévention n’exonèrent pas l’employeur de sa responsabilité quant à la préservation de la santé des travailleurs.

En effet, les organisations syndicales et les associations d’accidentés du travail s’inquiètent très fortement et légitimement des conséquences de la création de ce passeport de prévention. Il serait inacceptable que celui-ci devienne un moyen pour l’employeur d’échapper à sa responsabilité en matière de santé au travail et, de fait, à son obligation d’indemniser les victimes.

Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié ter, présenté par MM. Mouiller et Favreau, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Bonhomme, Chatillon, Daubresse, Cambon et B. Fournier, Mme Demas, MM. Savin et Savary, Mme Canayer, M. Lefèvre, Mme Belrhiti, MM. Bouloux, Milon et Brisson, Mme Malet, MM. Rapin et Pointereau, Mmes Dumont, Garriaud-Maylam, L. Darcos, Imbert et Di Folco, M. Genet, Mme M. Mercier et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. La formation des demandeurs d’emploi à la santé et à la sécurité au travail est essentielle pour assurer leurs compétences en matière de prévention. Elle est aussi un facteur incitatif à l’embauche, dès lors que les demandeurs d’emploi auront suivi les formations adéquates.

Pour autant, il est nécessaire de mettre en place et d’évaluer le dispositif innovant du passeport de prévention avant de procéder, le cas échéant, à son élargissement par voie réglementaire.

Mme la présidente. L’amendement n° 224, présenté par Mme Gruny et M. Artano, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6, seconde phrase

Remplacer les mots :

promulgation de la loi n° du pour renforcer la prévention en santé au travail

par les mots :

publication du décret en Conseil d’État prévu au dernier alinéa de l’article L. 4641-2-1

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Les quatre premiers alinéas de l’article L. 4141-5 du code du travail entrent en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, le 1er octobre 2022.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Artano, rapporteur. Cet amendement vise à faire courir le délai de six mois imparti au Comité national de prévention et de santé au travail, le CNPST, pour déterminer les modalités de mise en œuvre du passeport de prévention à partir de la publication du décret qui doit mettre en place ledit comité.

En outre, il tend à fixer une date butoir au déploiement du passeport de prévention qui devra intervenir au plus tard le 1er octobre 2022.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Les amendements nos 141, 53 et 99 visent à atteindre des objectifs similaires : ils feront donc l’objet d’un commentaire commun.

Ces amendements tendent à renommer le passeport de prévention « livret de formation santé sécurité ». Ils visent en outre à préciser que ce livret ne peut se substituer aux obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité vis-à-vis du travailleur.

La requalification du passeport de prévention ne changeant rien à son contenu, il est préférable de s’en tenir à l’appellation choisie par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI.

Par ailleurs, le passeport de prévention n’a pas vocation à décharger l’employeur de sa responsabilité en matière de santé et de sécurité au travail : il doit permettre d’identifier les compétences qui ont été acquises et celles qui restent à acquérir ou à renouveler pour assurer un haut niveau de protection de la santé et de la sécurité du travailleur.

J’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.

L’amendement n° 11 rectifié quater, présenté par M. Mouiller, vise à supprimer l’intégration du passeport de prévention dans le passeport d’orientation, de formation et de compétences.

Or cette intégration est pleinement justifiée : l’objectif est que les deux dispositifs puissent mutualiser les outils développés par la Caisse des dépôts et consignations dans le cadre du site du compte personnel de formation. Le Conseil d’État a justement recommandé, dans son avis, de préciser l’articulation entre ces deux passeports.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne l’amendement n° 97, qui s’inscrit dans la continuité des amendements nos 141, 53 et 99, le commentaire est sensiblement le même. Le passeport de prévention doit permettre d’identifier les compétences qui ont été acquises.

J’ajoute que les quatre organisations syndicales signataires de l’ANI n’auraient pas souscrit à cet accord si le passeport de prévention était conçu comme un moyen d’exonérer l’employeur de sa responsabilité. Une telle chose serait impensable et poserait un véritable problème de démocratie. Il faudrait renvoyer cette responsabilité aux partenaires sociaux.

L’avis est défavorable.

L’amendement n° 12 rectifié ter vise à supprimer la possibilité pour les demandeurs d’emploi de disposer d’un passeport de prévention.

La commission des affaires sociales a introduit cette possibilité pour permettre aux demandeurs d’emploi de renseigner dans ce passeport les formations qu’ils auront suivies en matière de santé et de sécurité au travail.

Ce sera un outil puissant de réinsertion professionnelle pour le demandeur d’emploi, qui pourra faire valoir les habilitations acquises, mais également de visibilité pour l’employeur, puisque celui-ci connaîtra les obligations de formation déjà satisfaites, évitant ainsi un certain nombre de redondances dans les formations qu’il devra organiser pour le candidat si celui-ci est retenu.

Ce dispositif est issu des auditions que nous avons menées, Pascale Gruny et moi-même. Nous nous sommes assurés que cette demande ne posera pas de difficulté. En tout état de cause, elle nous semble pertinente.

J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Le report de l’entrée en vigueur du passeport de prévention me paraît être une proposition parfaitement étayée. Ce dispositif, qui constitue une évolution majeure, appelle, il est vrai, des travaux de concertation avec les partenaires sociaux. Des instances sont d’ailleurs prévues pour cela – je pense au CNPST.

Des travaux devront également être engagés pour assurer la traçabilité et la confidentialité des données récupérées et traitées dans le cadre de ce dispositif qui sera adossé au passeport d’orientation, de formation et de compétences.

J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 224 de la commission.

En ce qui concerne les autres amendements, M. le rapporteur a encore une fois été très précis. J’émets un avis défavorable, pour les mêmes raisons que lui.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 141.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 53.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 99.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Philippe Mouiller. Je retire l’amendement n° 11 rectifié quater, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié quater est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Philippe Mouiller. Je retire également l’amendement n° 12 rectifié ter, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 224.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 5 (Texte non modifié par la comission)

Article 4

L’article L. 4622-2 du code du travail est ainsi modifié :

1° A (nouveau) Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « exclusive » est remplacé par le mot : « principale » ;

b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils contribuent à la réalisation d’objectifs de santé publique afin de préserver, au cours de la vie professionnelle, un état de santé du travailleur compatible avec son maintien en emploi. » ;

1° Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Apportent leur aide à l’entreprise, de manière pluridisciplinaire, pour l’évaluation et la prévention des risques professionnels ; »

1° bis Au 2°, la cinquième occurrence du mot : « les » est remplacée par les mots : « la qualité de vie et » ;

1° ter (nouveau) Après le même 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Accompagnent l’employeur, les travailleurs et leurs représentants dans l’analyse de l’impact sur les conditions de santé et de sécurité des travailleurs de changements organisationnels importants dans l’entreprise ; »

2° Il est ajouté un 5° ainsi rédigé :

« 5° Participent à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, dont des campagnes de vaccination et de dépistage, des actions de sensibilisation aux bénéfices de la pratique sportive et des actions d’information et de sensibilisation aux situations de handicap au travail, dans le cadre de la stratégie nationale de santé prévue à l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique. »

Mme la présidente. L’amendement n° 54, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 4 prévoit la participation des services de santé au travail (SST) à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, notamment via des campagnes de vaccination et de dépistage, et l’incitation à la pratique sportive.

Le rôle de conseil des services de santé au travail était déjà possible, tant auprès de l’employeur que des salariés, tout en devant rester centré sur ses missions propres, rappelées dans un avis du Conseil d’État, à savoir « d’éviter toute altération de la santé du travailleur du fait du travail ».

La formulation et le recueil de conseils par le service de santé au travail à partir de son exercice clinique et des observations effectuées sur le terrain de l’entreprise ne conduit pas à un partage de cette responsabilité et ne saurait l’impliquer au-delà ou au détriment de ses missions.

Le médecin du travail, et lui seul, peut dire le lien entre santé et travail. Il appartient aux professionnels des SST d’étudier des situations réelles de travail et d’organisation de celui-ci.

Les praticiens en médecine du travail suivent de plus en plus de travailleurs – cela a été rappelé. On compte un médecin du travail pour 4 000 salariés, et ce dernier doit se rendre dans des centaines d’entreprises, ce qui occupe normalement un tiers de son temps. Un simple calcul mathématique du niveau d’un élève de sixième nous montre que ce que vous proposez n’est pas possible !

Dans un contexte de baisse de la démographie de praticiens en médecine du travail, de temps hypercontraint et de manque structurel de moyens, le fait de faire peser sur les SST des missions relevant de la médecine générale ou de la santé publique n’est pas dans l’intérêt des salariés, le risque étant réel que cela se fasse au détriment des missions de prévention en matière de santé au travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 4 au motif que l’élargissement de ses missions à des actions de promotion de la santé risquerait d’éloigner le médecin du travail de son implication dans la prévention des risques professionnels.

La commission des affaires sociales ne partage absolument pas cette analyse, car elle considère depuis 2019, au titre de ses travaux, que la santé au travail constitue l’une des composantes de notre politique de santé publique, conformément à l’approche One Health. La médecine du travail a toute sa place dans la réalisation d’objectifs de santé publique concourant à un état de santé du travailleur compatible avec son maintien en emploi.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, vous voulez supprimer des dispositions relatives aux missions des services de santé au travail.

Je ferai simplement référence à l’action concrète des services de santé au travail pendant cette crise sanitaire, notamment en termes de vaccination. Nous avons là, de fait, la démonstration de l’utilité de ces services.

Toutes celles et tous ceux qui ont pu échanger avec les services de santé au travail savent que ces derniers ont demandé à participer à la stratégie vaccinale le plus tôt possible. D’ailleurs, beaucoup de médecins du travail se sont rendus dans les centres de vaccination pour se mettre à la disposition de l’intérêt général.

Il est important de mentionner cette participation, en parfaite cohérence avec l’activité quasi actuelle des services de santé au travail.

J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne devez pas ignorer que pendant le confinement, les services de santé au travail étaient fermés. Il suffit d’avoir été dans une entreprise pour le savoir. Or, à l’époque, je dirigeais une association.

Qu’ils aient participé, comme tous les praticiens hospitaliers ou autres, à la vaccination est une chose, d’autant qu’il s’agissait d’une situation exceptionnelle. Mais pensez-vous vraiment que, avec un médecin pour 4 000 salariés, ces praticiens auront la possibilité, alors qu’ils visitent des centaines d’entreprises et consacrent un tiers de leur temps aux salariés sur leur lieu de travail, de participer à la promotion de la santé publique, notamment en réalisant des campagnes de vaccination et de promotion de la pratique sportive ?

Certes, ils peuvent toujours donner des conseils s’ils se trouvent confrontés à une personne diabétique ou obèse. Mais ce que vous proposez ne tient pas compte du fait que rien n’a été fait depuis des années, alors que les médecins du travail nous ont alertés, en faveur de l’attractivité de ce métier.

Paradoxalement, on voudrait aujourd’hui que les médecins du travail s’occupent de santé publique et que les médecins généraux s’occupent de médecine du travail. Ce n’est pas sérieux ! L’approche « Une seule santé » ne peut pas consister en cela !

Chacun, à mon sens, doit rester centré sur sa propre discipline. Si les médecins du travail ont pour mission de faire le lien entre le travail et la santé, comment pourraient-ils allouer du temps à d’autres tâches ? Une telle disposition relève de l’hypocrisie !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 54.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 13 rectifié quater, présenté par MM. Mouiller et Favreau, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Bonhomme, Chatillon, Daubresse, Cambon et B. Fournier, Mme Demas, MM. Savin et Savary, Mme Canayer, MM. Lefèvre et Pointereau, Mmes Bonfanti-Dossat, Dumont, Garriaud-Maylam, L. Darcos, Imbert et Di Folco, M. Rapin, Mme Malet, MM. Brisson, Milon et Bouloux, Mme Belrhiti, M. Genet, Mme M. Mercier et MM. Husson et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. L’article 4 vise à étendre les missions des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) à la santé publique.

Au-delà de l’intérêt que présente la vaccination par les SPSTI, qui fait consensus, cette évolution ne traduit pas la volonté des partenaires sociaux, qui ont réformé ces services pour recentrer leurs missions sur la santé au travail autour d’une offre socle obligatoire.

Pour que cette offre socle soit effective, dans le contexte de pénurie que nous connaissons, il est essentiel de centrer l’action des SPSTI sur leurs trois missions de base, à savoir la prévention, le suivi médical en santé au travail et la prévention de la désinsertion professionnelle. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 161 rectifié ter, présenté par Mmes Billon, Doineau, Férat, Saint-Pé, Vermeillet, de La Provôté, Sollogoub et Tetuanui et MM. Canévet, Détraigne, L. Hervé, Laugier, Le Nay, Longeot et Kern, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, ainsi qu’à des actions de sensibilisation à la lutte contre les violences conjugales et sexuelles

La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Par la violence de la crise sanitaire qu’elle a entraînée, cette pandémie a redonné une visibilité aux acteurs du monde médical.

Les nouvelles façons de travailler, avec l’essor du télétravail, ont eu comme corollaire de déconnecter un certain nombre de salariés de leur réseau professionnel. Le travail émancipe, mais ne protège pas toujours les femmes.

La généralisation du télétravail équivaudrait, dans l’état actuel de nos sociétés, à une aggravation des inégalités entre hommes et femmes. Les filets de sécurité associés au monde professionnel dans les entreprises présentaient les avantages de prémunir, voire de réduire, des actes éventuels de violence commis à l’encontre des femmes.

Le rôle du médecin du travail s’avère donc structurant dans ce type de situations de confinements à répétition.

Cet amendement vise à faire du personnel de santé au travail un nouvel acteur dans la lutte contre les violences conjugales et sexuelles. Ces professionnels sont des rouages essentiels dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Rappelons que les moments passés en dehors du foyer constituent parfois les seuls instants de liberté pour les femmes victimes de violences commises dans le cadre de leur domicile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Dans la rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales, l’article 4 de la proposition de loi fait clairement la distinction entre, d’une part, les missions principales des SPST, qui concernent la prévention de l’altération de l’état de santé du fait du travail et qui se rattachent aux missions essentielles de l’offre socle, à savoir la prévention des risques professionnels, le suivi médical et la prévention de la désinsertion professionnelle et, d’autre part, les missions complémentaires du SPST, qui tiennent à sa contribution à l’atteinte d’objectifs de santé publique qui doivent permettre de maintenir le travailleur dans un état de santé compatible avec son maintien en emploi.

Cette clarification entre des missions principales de santé au travail stricto sensu et des missions complémentaires de santé publique a été demandée par le Conseil d’État. Il n’y a pas de risque que le SPST néglige ses missions essentielles au titre de l’offre socle, puisque la certification et l’agrément doivent justement prévenir de telles dérives.

Estimant que la rédaction issue des travaux de la commission répond aux inquiétudes des auteurs de l’amendement n° 13 rectifié quater, j’en demande le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 161 rectifié ter, bien qu’il ait pour objet la prévention des violences conjugales ou sexuelles, il échappe aux « fourches » de l’irrecevabilité au titre de l’article 45 de la Constitution en empruntant la voie d’entrée de la contribution des SPST à la promotion de la santé dans le cadre d’objectifs de santé publique, possibilité que prévoit effectivement l’article 4 de la proposition de loi dans sa version initiale.

Toutefois, l’amendement reste problématique pour des raisons principalement de deux ordres.

D’une part, son adoption allongerait l’énumération figurant au dernier alinéa de l’article 4 des actions de sensibilisation que le SPST peut mettre en œuvre, énumération qui pourrait être poussée à l’infini. Dans un souci d’intelligibilité de la loi, il est préférable de ne pas complexifier outre mesure cette énumération qui a déjà été considérablement alourdie par l’Assemblée nationale.

D’autre part, l’amendement vise à mettre l’accent non seulement sur la sensibilisation aux violences sexuelles qui prennent leur origine sur le lieu de travail, mais aussi sur la sensibilisation aux violences conjugales.

Cette disposition découle de la convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 2019, qui met en avant les répercussions des violences domestiques sur les conditions de travail. Nous ne nions bien entendu pas cet impact, mais il convient d’être prudent : il faut garder à l’esprit que le sujet des violences conjugales met potentiellement en jeu le partage très délicat d’informations personnelles et familiales, pour lequel le cadre de la promotion de la santé sur le lieu de travail par le SPST n’apparaît pas pertinent.

Les salariés peuvent aujourd’hui déjà solliciter l’assistant social ou le psychologue du service de santé au travail pour échanger sur des problèmes qui dépassent la sphère professionnelle : il est donc préférable de privilégier ce cadre plus protecteur de la confidentialité des informations personnelles du salarié concerné.

Pour l’ensemble de ces raisons, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Philippe Mouiller. Je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié quater est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 161 rectifié ter ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Je ne conteste pas cet amendement dans son principe. J’en demande néanmoins le retrait, au bénéfice de l’amendement n° 160 rectifié ter que nous examinerons très prochainement, qui a le même objet mais qui tend à introduire une rédaction qui s’inscrit beaucoup mieux dans l’article 4.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Je n’ai pas encore pris connaissance de l’amendement n° 160 rectifié ter. Je m’en tiendrai donc à cet amendement n° 161 rectifié ter, que je voterai.

Il m’est difficile, monsieur le rapporteur, d’entendre parler de complexification quand il s’agit de violences faites aux femmes. Le travail et le cadre professionnel peuvent constituer une protection pour ces femmes victimes de violences.

Nous avons là une occasion de les aider à sortir de leur torpeur et des violences qu’elles vivent au sein du couple. Comment pouvez-vous nous objecter la complexification de l’énumération des missions de SPST alors qu’il s’agit de prendre en compte cette détresse ?

Un tiens valant mieux que deux tu l’auras, je voterai cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Je vais retirer cet amendement puisque j’ai l’assurance que l’amendement n° 160 rectifié ter, qui a le même objet, bénéficiera d’un avis favorable. Mieux vaut tenir que courir, pour répondre à ma collègue par un autre dicton !

Mme la présidente. L’amendement n° 161 rectifié ter est retiré.

Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 55, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

L’employeur reste personnellement responsable de veiller à la bonne exécution de ses obligations en matière de santé et de sécurité. L’aide du service de prévention et de santé au travail ne remet pas en cause la responsabilité entière de l’employeur dans l’évaluation des risques, la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention.

II. – Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour apporter cette aide et celle prévue à l’article L. 4121-3, l’ensemble des acteurs médecin ou non médecin du service de santé au travail qui participent à l’évaluation des risques ou à la définition du plan d’action sont couverts par le champ des articles L. 4623-4, L. 4623-5, L. 4623-5-1, L. 4623-5-2, L. 4623-5-3 et L. 4623-7. Ils peuvent mettre en œuvre le signalement de risques et les préconisations dans les conditions prévues à l’article L. 4624-9. Les employeurs sont tenus de les recevoir dans l’entreprise. Les sanctions en cas d’entrave sont les mêmes que celles prévues à l’article L. 8114-1 ; »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Revoilà la question de la responsabilité des employeurs. Vous ne voulez pas éclaircir ce point dans la loi et lever la crainte du collectif Prévention AT-MP, mais vous avez affirmé à de multiples reprises que rien n’était changé : nous pourrons au moins nous appuyer sur vos déclarations lorsque surviendront les premières difficultés liées à cette proposition de loi !

Bien sûr, une seule disposition de ce texte ne suffit pas à elle seule à induire un risque de dilution de la responsabilité de l’employeur. Mais l’accumulation de plusieurs mesures finit par constituer comme un faisceau de preuves et fait naître nos craintes.

Beaucoup de choses ont été faites en matière de santé publique, ou encore d’aide aux services de prévention et de santé au travail auprès des plus petites entreprises. Il reste que l’attribution de nouvelles missions aux équipes de ces services pourra conduire à leur donner une part de responsabilité réelle dans les risques professionnels.

Tous les ergonomes, tout du moins ceux qui travaillent sur ces questions, soulignent que le DUERP s’appuie sur le travail prescrit et non sur le travail réel. C’est l’écart entre le travail prescrit et le travail réel que les anciens CHSCT permettaient d’analyser, d’où le vide laissé par leur suppression.

Si nous sommes d’accord sur le fait que cette proposition de loi ne doit pas aboutir à une déresponsabilisation des employeurs, la rédaction que cet amendement vise à introduire présente l’avantage de clarifier les choses et de lever toute ambiguïté quant à la volonté du législateur dans la rédaction de cet article. Je sais qu’il ne sera pas retenu, mais son examen vous permettra au moins de reconnaître que rien n’est changé, ce qui pourrait s’avérer utile par la suite…

Mme la présidente. L’amendement n° 142, présenté par Mme Poumirol, MM. Jomier et Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin et Rossignol, MM. Tissot, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

L’employeur reste personnellement responsable de veiller à la bonne exécution de l’évaluation des risques. L’aide du service de prévention et de santé au travail ne remet pas en cause la responsabilité entière de l’employeur dans l’évaluation des risques, la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention.

II. – Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour apporter cette aide et celle prévue à l’article L. 4121-3, l’ensemble des acteurs, médecin ou non médecin, du service de santé au travail qui participent à l’évaluation des risques ou à la définition du plan d’action sont couverts par le champ des articles L. 4623-4, L. 4623-5, L. 4623-5-1, L. 4623-5-2, L. 4623-5-3 et L. 4623-7. Ils peuvent mettre en œuvre le signalement de risque et les préconisations dans les conditions prévues à l’article L. 4624-9. Les employeurs sont tenus de les recevoir dans l’entreprise. Les sanctions en cas d’entrave sont les mêmes que celles prévues à l’article L. 8114-1 ; »

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Nous avons tous participé aux mêmes auditions, notamment à celle du collectif Prévention AT-MP, raison pour laquelle nous présentons également un amendement à cet article.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 4 induit un risque de transfert de responsabilité et remet en cause la responsabilité légale de l’employeur en raison des nouvelles missions attribuées aux équipes pluridisciplinaires des services de prévention et de santé au travail.

Si nous ne sommes pas opposés à l’attribution de nouvelles missions à ces équipes, il nous semble important que l’exercice de leurs missions essentielles, décrites par M. Mouiller précédemment, soit déjà garanti avant d’en prévoir de nouvelles.

En outre, ces nouvelles missions supposent l’implication d’acteurs non protégés de l’équipe pluridisciplinaire dans la démarche d’évaluation des risques.

Ces missions sont l’objet d’enjeux très forts pour l’employeur. Actuellement, le droit protège le médecin du travail, et lui seul, du licenciement lors du renouvellement d’un CDD ou d’un transfert vers une autre entreprise. De même, la prérogative du médecin d’imposer son signalement de risque et ses préconisations à l’employeur, qui doit y répondre, le légitime, seul, dans ses missions d’évaluation des risques et de prévention.

L’extension de ces missions à l’ensemble des acteurs du service, conjointement à la disparition progressive des médecins du travail, comme cela a été rappelé, notamment lors de la discussion générale, rend nécessaire d’étendre ces protections et ces prérogatives à la totalité de l’équipe pluridisciplinaire, en particulier aux infirmiers en pratique avancée en santé au travail.

À défaut, l’action en entreprise des acteurs du service sera limitée par la pression qu’ils pourront subir, et les annonces de prévention seront virtuelles.

C’est pourquoi cet amendement, inspiré par le collectif Prévention AT-MP, vise à garantir la responsabilité personnelle de l’employeur de veiller à la bonne exécution de l’évaluation des risques.

Mme la présidente. L’amendement n° 100, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

…° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« L’employeur reste personnellement responsable de veiller à la bonne exécution de l’évaluation des risques. L’aide du service de prévention et de santé au travail ne remet pas en cause la responsabilité entière de l’employeur dans l’évaluation des risques, la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention.

« Pour apporter cette aide et celle prévue à l’article L. 4121-3, l’ensemble des acteurs médecin ou non médecin du service de santé au travail qui participent à l’évaluation des risques ou à la définition du plan d’action sont couverts par le champ des articles L. 4623-4, L. 4623-5, L. 4623-5-1, L. 4623-5-2, L. 4623-5-3 et L. 4623-7. Ils peuvent mettre en œuvre le signalement de risque et les préconisations dans les conditions prévues à l’article L. 4624-9. Les employeurs sont tenus de les recevoir dans l’entreprise. Les sanctions en cas d’entrave sont les mêmes que celles prévues à l’article L. 8114-1. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement, similaire à ceux qui viennent d’être présentés, vise à préciser que l’employeur reste personnellement responsable de la bonne exécution de l’évaluation des risques.

L’aide du service de prévention et de santé au travail ne remet pas en cause la responsabilité entière de l’employeur dans l’évaluation des risques, ainsi que dans la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention.

Alors que le Gouvernement souhaite élargir les missions des équipes pluridisciplinaires des services de prévention et de santé au travail à l’accompagnement dans l’évaluation des risques professionnels et à la promotion de la santé sur le lieu de travail, les professionnels demandent une meilleure protection.

Actuellement, le droit protège les médecins du travail dans leurs missions d’évaluation des risques et de prévention. Or, on l’a dit, mais il convient selon moi de le répéter, la réduction du nombre de médecins du travail et l’extension des missions de prévention à l’ensemble des équipes pluridisciplinaires des services de prévention nécessitent de renforcer leur protection et leurs prérogatives.

En effet, l’ensemble des acteurs – médecins ou non – du service de santé au travail qui participent à l’évaluation des risques seront soumis à une menace de sanctions par les employeurs. Il est donc important de soutenir ces amendements, mes chers collègues.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Les amendements nos 55, 142 et 100 ont des objets similaires, moyennant quelques différences rédactionnelles.

Ils tendent à préciser que la contribution des SPST à l’évaluation des risques professionnels n’atténue pas l’obligation de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail. Il n’y a pas lieu de prévoir une telle précision, puisque la responsabilité de l’employeur demeure pleine et entière dans ce domaine en application des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Par ailleurs, les amendements visent à étendre à tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire du SPST le statut de salarié protégé, qui est aujourd’hui réservé au médecin du travail, médecin de l’aptitude.

La protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun dont bénéficie le médecin du travail en tant que salarié protégé est liée aux fonctions qu’il exerce dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs.

Les autres membres de l’équipe pluridisciplinaire exerçant leurs missions sous l’autorité du médecin, il n’y a pas lieu de leur étendre le statut de salarié protégé.

Par ailleurs, les professionnels de santé qui ne sont pas des médecins du travail sont déjà soumis aux obligations déontologiques et aux principes d’indépendance qui régissent leur profession.

Enfin, dernier argument, eu égard aux conséquences potentielles qu’il emporte, ce point aurait mérité d’être débattu par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI. Sauf erreur de ma part, cela n’a pas été le cas.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Je partage l’avis défavorable de la commission.

Je confirme que ce point fait partie des équilibres qui ont été négociés par les partenaires sociaux. Si l’on ne peut pas faire grief aux organisations représentatives des salariés de chercher à obtenir pour leurs adhérents la meilleure protection possible, il convient de respecter cet équilibre et de ne pas s’inquiéter au-delà du raisonnable, même si je peux comprendre certaines craintes.

Le médecin du travail est un salarié protégé, et les membres de son équipe pluridisciplinaire interviennent sous sa responsabilité : j’estime que les choses sont relativement claires en l’état.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. À partir du moment où les infirmiers en pratique avancée – nous y reviendrons ultérieurement – réalisent les visites d’embauche, appelées désormais « visites d’information et de prévention », un salarié peut ne jamais rencontrer le médecin du travail au cours de son parcours professionnel. Ces infirmiers, qui se trouvent de ce fait au cœur des missions de santé au travail, peuvent donc subir des pressions.

C’est pourquoi ils doivent être protégés, non seulement des licenciements et des discriminations, mais aussi des pressions liées à la nature de leur activité.

C’est à eux de dire s’il faut ou non adapter un poste de travail, car – je le rappelle – c’est au poste d’être adapté à l’employé et non l’inverse ! C’est le médecin ou l’infirmier, lequel dorénavant réalise la majorité des visites, qui a la charge de relever les risques professionnels, de les communiquer à l’employeur et de lui demander d’adapter le poste de travail à la santé du travailleur. On imagine bien, en raison de la nature de leurs tâches, qu’ils peuvent subir des pressions !

C’est la nature de leurs missions qui avait justifié la protection des médecins du travail. À défaut de l’étendre à toute l’équipe pluridisciplinaire, il convient à tout le moins de l’accorder à présent aux infirmiers de santé au travail. Nous défendrons d’ailleurs ultérieurement un amendement en sens.

De loi en loi, les choses changent et les partenaires sociaux doivent faire preuve de pragmatisme, dans un contexte de diminution des ressources humaines.

La visite annuelle a été remplacée par une visite tous les deux ans, puis par une visite tous les cinq ans pour les travailleurs qui ne bénéficient pas d’une surveillance renforcée. Dès lors que cette charge incombe aux infirmiers, eux aussi doivent être protégés de toute pression pouvant résulter de la nature de leurs missions.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 142.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 100.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 103, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 10 et 11

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 4 donne aux services de prévention et de santé au travail la possibilité de réaliser des campagnes de vaccination et de dépistage au profit des salariés du secteur privé. À notre sens, cette mission relève de la santé publique.

Alors que les services de prévention et de santé au travail font face à une pénurie de moyens et de médecins du travail, ajouter une nouvelle mission pourrait surcharger une fois de plus les professionnels et rendre impossible l’accès des salariés à ces services.

L’offre étant très hétérogène dans les territoires, cet article fait peser le risque d’une inégalité de traitement entre les salariés. En effet, les campagnes de vaccination et de dépistage pourraient être à géométrie variable, selon la taille de l’entreprise ou le lieu de travail.

En outre, l’employeur pourrait avoir connaissance d’informations sensibles sur l’état de santé du salarié, par exemple des résultats de test PCR, une pratique déjà en cours dans le contexte de pandémie de covid-19.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de ces dispositions.

Mme la présidente. L’amendement n° 134, présenté par Mme Poumirol, MM. Jomier et Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin et Rossignol, MM. Tissot, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après le mot :

Participent

insérer les mots :

, une fois les besoins du suivi médical des travailleurs remplis,

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. La proposition de loi opère un glissement de la santé au travail vers la santé en entreprise, préjudiciable à la santé des travailleurs au travail.

Bien sûr, la santé au travail participe de la santé publique, mais ses objectifs ne doivent pas être dilués dans ceux de la santé publique. C’est pourquoi il convient de circonscrire les actions de promotion de la santé à un complément, une fois la mission première de suivi médical des travailleurs remplie par la médecine du travail.

Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié bis n’est pas soutenu.

L’amendement n° 215 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez et Gold, Mme Guillotin et MM. Guiol et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après le mot :

sportive

insérer les mots :

, des actions de sensibilisation aux violences conjugales ou sexuelles

La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié bis, présenté par Mme Deseyne, M. Cambon, Mme Lassarade, MM. Burgoa, Laménie, D. Laurent, Chatillon et Cardoux, Mmes Joseph, Chauvin, Belrhiti et Deromedi, MM. Savary, Houpert, Allizard et Lefèvre, Mmes Imbert, Puissat, Di Folco et Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Canayer, M. Klinger, Mme Garriaud-Maylam, MM. Charon et Genet, Mme M. Mercier et MM. Gremillet et Husson, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après le mot :

handicap

insérer les mots :

et de difficultés auditives

La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Cet amendement a pour objectif d’intégrer des actions d’information et de sensibilisation aux difficultés auditives que peuvent rencontrer tous les salariés sur leur lieu de travail.

Mme la présidente. L’amendement n° 160 rectifié ter, présenté par Mmes Billon, Doineau, Férat, Saint-Pé, Vermeillet, Sollogoub, Tetuanui et de La Provôté et MM. Canévet, Détraigne, L. Hervé, Laugier, Le Nay, Longeot et Kern, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas rédigés :

…° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le personnel de santé au travail contribue aux actions de sensibilisation aux violences conjugales et ou sexuelles. »

La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Cet amendement, qui se justifie par son texte même, a été en partie défendu lors de l’examen de l’amendement n° 161 rectifié ter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Dans une logique de décloisonnement de la santé au travail et de la santé publique, la proposition de loi vise à reconnaître la contribution de la médecine du travail à la réalisation d’objectifs de santé publique, ce qui, de notre point de vue, va dans le bon sens. La mise en œuvre de campagnes de vaccination et de dépistage y participe, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État.

La pandémie a démontré que le risque infectieux se posait dans tous les milieux de vie, tout particulièrement sur le lieu de travail. En outre, l’origine multifactorielle de certaines pathologies, notamment cancéreuses, liées à des facteurs professionnels et environnementaux, plaide pour une sensibilisation renforcée des travailleurs au bénéfice des dépistages. Maintenir à tout prix une frontière étanche entre la médecine du travail et la santé publique n’est donc plus tenable à l’heure du concept One Health.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 103.

J’en viens à l’amendement n° 134. Les actions de promotion de la santé sur le lieu de travail s’entendent, bien entendu, comme des missions complémentaires des SPST, dont la vocation principale, comme l’a rappelé la commission des affaires sociales, est de prévenir l’altération de l’état de santé du fait du travail.

En outre, nous avons précisé à l’article 8 que l’offre socle obligatoire des SPST comprenait trois champs : le suivi individuel du travailleur, la prévention des risques professionnels, la prévention de la désinsertion professionnelle. La promotion de la santé sur le lieu de travail relève donc bien des missions complémentaires.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 134.

L’amendement n° 215 rectifié tend à insérer le même type de dispositif que l’amendement n° 161 rectifié ter, ce qui pose deux problèmes principaux.

D’une part, l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence, dans les actions de promotion de la santé conduites par les SPST, de prolonger l’énumération des actions de sensibilisation possibles, laquelle pourrait être poussée à l’infini. Dans un souci d’intelligibilité de la loi, il est préférable de ne pas complexifier outre mesure cette disposition.

D’autre part, l’accent est mis non seulement sur la sensibilisation aux violences sexuelles qui prennent leur origine sur le lieu de travail, mais aussi sur la sensibilisation aux violences conjugales.

C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 28 rectifié bis concerne le rôle des SPST dans la sensibilisation aux troubles auditifs.

La proposition de loi prévoit déjà que les SPST pourront mettre en œuvre des actions d’information et de sensibilisation aux situations de handicap, ce qui comprend celles qui prendraient leur source dans une réduction des capacités auditives. En outre, les SPST assurent un suivi spécifique des travailleurs exposés au bruit, selon des dispositions inscrites dans la partie réglementaire du code du travail, aux articles R. 4431-1 et suivants.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 160 rectifié ter a le même objectif que l’amendement n° 28 rectifié bis. Il est problématique pour des raisons de deux ordres.

D’une part, là encore, son adoption reviendrait, dans le cadre des actions de promotion de la santé conduites par les SPST, à prolonger à l’infini l’énumération des actions de sensibilisation possibles, ce qui n’est pas souhaitable.

D’autre part, cela met l’accent non seulement sur la sensibilisation aux violences sexuelles qui prennent leur origine sur le lieu de travail, mais aussi sur la sensibilisation aux violences conjugales. Cette disposition découle de la Convention n° 190 sur la violence et le harcèlement de l’Organisation internationale du travail (OIT), de 2019, qui met en avant les répercussions des violences domestiques sur les conditions de travail.

Nous ne nions bien entendu pas cet impact, mais il convient d’être prudent : il faut garder à l’esprit que le sujet des violences conjugales met potentiellement en jeu le partage très délicat d’informations personnelles et familiales, pour lequel le cadre de la promotion de la santé sur le lieu de travail par le SPST ne paraît pas pertinent. Les salariés peuvent déjà solliciter aujourd’hui l’assistant social ou le psychologue du service de santé au travail pour aborder des problèmes qui dépassent la sphère professionnelle. Selon nous, il est préférable de privilégier ces interlocuteurs et ce cadre plus protecteur de la confidentialité.

Enfin, une difficulté rédactionnelle se pose, puisqu’il est fait référence au personnel de santé au travail, sans qu’il soit précisé s’il s’agit du personnel recruté par le service de prévention et de santé au travail ou d’intervenants extérieurs auxquels le SPST pourrait avoir recours. Encore une fois, de notre point de vue, l’assistant social et le psychologue sont les professionnels les plus aptes à appréhender ces problématiques qui dépassent la sphère professionnelle.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. M. le rapporteur sait déjà que je ne partage pas son avis sur l’amendement n° 160 rectifié ter de Mme Billon défendu par Mme Doineau.

Comme je l’ai déjà indiqué, notamment à M. Savary, j’apprécie beaucoup la qualité du travail du Sénat et son exigence d’éviter les lois trop bavardes. J’assume cependant, au nom du Gouvernement, la volonté d’envoyer un signal sur ce sujet spécifique. Certes, je ne peux le faire sur toutes les problématiques, mais il me semble que, sur cette question, nous partageons une sensibilité particulière du fait non pas seulement de l’actualité et des circonstances, mais de ce qui se passe dans la société.

Assumant ce geste au nom du Gouvernement, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 160 rectifié ter.

Sur les autres amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je partage les observations du rapporteur et retire donc l’amendement n° 28 rectifié bis, qui est satisfait. Les troubles auditifs sont pris en compte, cela a été confirmé.

Je suis défavorable à l’amendement n° 103, car – je suis d’accord, là aussi, avec le rapporteur – les campagnes de vaccination et de dépistage sont importantes. Je pense qu’il faut prendre en compte la santé dans son ensemble, globalement. Que l’on soit à son domicile ou au travail, quand on est malade, on est malade ! On peut parfois travailler tout en étant malade, parfois on ne le peut pas… Quoi qu’il en soit, la maladie ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise.

Il faut également valoriser le rôle du médecin du travail au travers d’actes tels que la vaccination et le dépistage. C’est pourquoi je suis favorable à ce que l’on lui accorde une faculté de prescription.

De même, il convient que les médecins généralistes, qui connaissent leurs patients dans leur milieu familial, en tout cas en dehors de leur milieu professionnel, puissent accéder à l’entreprise pour savoir comment les choses se passent et pour établir des « ponts ». Il s’agit ainsi de prendre en compte l’environnement global des patients.

Il faut ouvrir plus largement les barrières, comme le prévoient les accords concernés, et cela semble en bonne voie. Je suivrai donc l’avis des rapporteurs en la matière.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 103.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 134.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 215 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 160 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 104, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Contribuent au suivi post-professionnel des salariés licenciés pour une inaptitude d’origine professionnelle. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Dans le prolongement de l’obligation de prévention qui incombe aux employeurs, cet amendement vise à permettre le suivi post-professionnel par les services de prévention et de santé au travail des salariés licenciés pour une inaptitude d’origine professionnelle.

Alors qu’un projet de décret modifiant les modalités du suivi post-professionnel des salariés, afin d’en simplifier l’accès, a été soumis à la mi-juin 2021 au Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), il semble indispensable que les salariés à la retraite, au chômage ou inactifs puissent bénéficier d’une surveillance médicale, dès lors qu’ils ont été exposés à des produits à effets différés sur la santé.

Jusqu’à présent, un salarié devait présenter une attestation d’exposition cosignée par l’employeur et le médecin du travail pour bénéficier d’un suivi post-professionnel. Il est indispensable de faciliter les démarches des salariés et d’assurer ce suivi post-professionnel des personnes licenciées pour inaptitude par les services de santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Le suivi de l’état de santé des demandeurs d’emploi est un véritable enjeu de santé publique, que l’on sous-estime et qui reste l’angle mort de la médecine de prévention. Certaines études montrent qu’ils sont proportionnellement plus touchés par les maladies chroniques, les addictions, voire les suicides.

Pour autant, le suivi post-professionnel des personnes licenciées pour inaptitude ne peut pas être confié aux SPST dont le public recouvre, par définition, les salariés employés par les entreprises qui leur sont affiliées. C’est à ce titre que les ressources des SPST reposent sur les cotisations versées par les employeurs, lesquelles sont calculées en fonction de leurs effectifs salariés.

Par ailleurs, les SPST se sont vu reconnaître une mission dans le cadre de la prévention de la désinsertion professionnelle, pour mieux anticiper l’impact sur la carrière des risques d’inaptitude. Les actions menées à ce titre doivent permettre de favoriser le maintien en emploi des personnes concernées.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 104.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 105, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Contribuent au suivi post-professionnel des salariés exposés à des agents chimiques dangereux. »

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Saisi par l’ancienne ministre du travail Muriel Pénicaud, le professeur Paul Frimat, spécialiste de médecine du travail, a rendu, en 2018, un rapport relatif à la prévention et à la prise en compte de l’exposition des travailleurs aux agents chimiques dangereux. On pense, bien évidemment, au scandale d’État de l’amiante, mais aussi aux mineurs lorrains exposés aux polluants chimiques ou encore aux anciens salariés de Metaleurope, dans le Pas-de-Calais, qui mènent tous un combat pour la reconnaissance du préjudice d’anxiété.

Dans son rapport, le professeur Frimat liste vingt-trois recommandations pour une meilleure prévention et protection et un meilleur soin des travailleurs. Avec cet amendement, nous reprenons l’une de ces préconisations : l’application du suivi systématique des travailleurs exposés à des polluants chimiques après leur activité.

Pris de manière globale, ce changement de méthode est une réduction des coûts pour la sécurité sociale et un gain d’expertise pour les travailleurs, y compris les retraités. Ce suivi par la médecine du travail permettrait également de circonscrire l’anxiété et la difficulté de faire reconnaître le lien entre exposition et complications. Il s’agit d’un progrès pour l’ensemble des travailleurs, qui, par effet rebond, renforce également la responsabilité des employeurs, lesquels sont chargés de limiter les expositions aux produits considérés comme potentiellement toxiques.

C’est le sens du progrès social.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Je tiens tout d’abord à saluer le travail du professeur Frimat dans le cadre de la mission qui lui a été confiée. Son rapport aurait mérité d’avoir beaucoup plus d’écho, tant ses recommandations nous paraissent pertinentes.

Pour autant, le médecin du travail est déjà chargé, par l’article L. 4624-2-1 du code du travail, de procéder à un examen médical de chaque travailleur bénéficiant ou ayant bénéficié d’un suivi individuel renforcé au titre de l’exposition à des risques particuliers avant le départ à la retraite.

S’il constate une exposition à certains risques dangereux, notamment chimiques, le médecin du travail a la faculté de mettre en place une surveillance post-professionnelle en lien avec le médecin traitant du travailleur.

Cet amendement étant satisfait par le droit en vigueur, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 105.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 101, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Après le cinquième alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Tout travailleur qui a été exposé, au cours de sa carrière, à un ou plusieurs agents chimiques dangereux précisés par décret, et qui a, à ce titre, bénéficié d’un suivi individuel renforcé de son état de santé, est orienté sans délai vers le médecin du travail afin qu’une surveillance adaptée de son état de santé soit mise en place. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Pour les raisons exposées précédemment, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 101.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 106, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Assurent la traçabilité des expositions subies par les salariés. »

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Les services de prévention et de santé au travail doivent avoir pour mission d’assurer la traçabilité des expositions subies par les salariés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. La constitution par la médecine du travail d’un dossier médical en santé au travail est obligatoire pour chaque salarié suivi.

La commission des affaires sociales a, en outre, rappelé à l’article 12 que devront être consignées dans le dossier médical en santé au travail (DMST) toutes les données d’exposition à des risques professionnels de nature à affecter l’état de santé du travailleur.

L’objectif de cet amendement étant satisfait, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je retire cet amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 106 est retiré.

Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 6

Article 5

(Non modifié)

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa de l’article L. 1434-12, après les mots : « et sociaux », sont insérés les mots : « ainsi que de services de prévention et de santé au travail, » ;

2° À l’article L. 6327-1, après le mot : « emploient », sont insérés les mots : « ainsi que les services de prévention et de santé au travail, pour l’exercice de leurs missions prévues à l’article L. 4622-2 du code du travail, ».

Mme la présidente. L’amendement n° 168 rectifié ter n’est pas soutenu.

L’amendement n° 189 rectifié, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la seconde phrase de l’article L. 3221-1, après le mot : « psychologues », sont insérés les mots : « , les services de prévention et de santé au travail » ;

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Il s’agit de prévoir que les services de santé au travail sont exclusivement impliqués en tant qu’acteurs mettant en œuvre les projets territoriaux de santé mentale (PTSM).

Alors que, selon les derniers résultats de CoviPrev, 19 % des Français souffrent d’un état dépressif et 21 % d’un état anxieux, il paraît essentiel que les services de prévention et de santé au travail se saisissent des sujets de santé mentale.

En effet, la notion de burn-out a fait son apparition dans notre langage courant depuis quelques années. Ce syndrome d’épuisement professionnel est un ensemble de réactions consécutives à des situations de stress professionnel chronique.

La santé mentale, qui est essentielle à la santé au travail, doit être une priorité pour tous afin que soit assurée sa prise en compte non seulement dans la sphère privée, mais aussi dans la sphère professionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Cette précision est bienvenue, puisqu’elle permet de positionner les SPST parmi les acteurs de la prévention qui participent à la mise en œuvre d’une politique liée à la santé mentale, notamment au regard des projets territoriaux de santé mentale.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 189 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5 (Texte non modifié par la comission)
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 7 (Texte non modifié par la commisison)

Article 6

Le 29° du I de l’article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il présente les orientations, les moyens et les résultats en matière de politique de santé au travail et de prévention des risques professionnels au sein du secteur public et du secteur privé. » – (Adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 8

Article 7

(Non modifié)

La quatrième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article L. 4311-6, les mots : « aux dispositions des articles L. 4311-1 à L. 4311-4 » sont remplacés par les mots : « prévues à l’article L. 4746-1 » ;

2° L’intitulé du chapitre IV du titre Ier du livre III est ainsi rédigé : « Surveillance du marché » ;

3° À l’article L. 4314-1, qui devient l’article L. 4314-2, le 1° est complété par les mots : « , de les retirer du marché et de les rappeler » ;

4° Au début du chapitre IV du titre Ier du livre III, il est rétabli un article L. 4314-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4314-1. – Pour l’application du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n° 765/2008 et (UE) n° 305/2011, la surveillance du marché est exercée par les autorités administratives désignées par décret en Conseil d’État. Ces autorités s’assurent du respect par les opérateurs économiques de leurs obligations respectives, mettent en œuvre les pouvoirs et mesures appropriés et proportionnés définis aux articles 14 et 16 du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 précité et peuvent habiliter des agents à cet effet, sans préjudice des missions des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 4311-6 du présent code, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. » ;

5° À l’article L. 4741-9, les références : « L. 4311-1 à L. 4311-4, L. 4314-1 » sont supprimées ;

6° Le titre IV du livre VII est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« Infractions aux règles relatives à la conception, à la fabrication et à la mise sur le marché des équipements de travail et des équipements de protection individuelle

« Art. L. 4746-1. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 500 000 € d’amende le fait pour un opérateur économique :

« 1° De mettre sur le marché ou de mettre à disposition sur le marché un équipement de travail ou un équipement de protection individuelle ne satisfaisant pas aux règles techniques prévues à l’article L. 4311-3 ou aux exigences essentielles de santé et de sécurité mentionnées respectivement à l’annexe II au règlement (UE) 2016/425 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux équipements de protection individuelle, et abrogeant la directive 89/686/CEE du Conseil ou au règlement (UE) n° 167/2013 du Parlement européen et du Conseil du 5 février 2013 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules agricoles et forestiers ;

« 2° De mettre sur le marché ou de mettre à disposition sur le marché un équipement de travail ou un équipement de protection individuel n’ayant pas fait l’objet de la procédure d’évaluation de la conformité prévue par la réglementation relative à la conception, à la fabrication et à la mise sur le marché qui lui est applicable. » ;

7° Le titre V du même livre VII est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« Manquements aux règles concernant la conception, la fabrication et la mise sur le marché des équipements de travail et des équipements de protection individuelle

« Art. L. 4755-1. – Par exception au premier alinéa de l’article L. 4751-1, les amendes prévues au présent chapitre sont prononcées et recouvrées par l’autorité de surveillance de marché compétente, dans les conditions définies aux articles L. 8115-4, L. 8115-5, à l’exception de son troisième alinéa, L. 8115-6 et L. 8115-7, sur le rapport d’un des agents mentionnés aux articles L. 4311-6 ou L. 4314-1.

« Art. L. 4755-2. – L’article L. 4751-2 ne s’applique pas au présent chapitre.

« Art. L. 4755-3. – I. – Est passible d’une amende maximale de 500 000 € le fait pour un opérateur économique de méconnaître une mesure prise en application de l’article L. 4314-2 du présent code ou du 3 de l’article 16 du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n° 765/2008 et (UE) n° 305/2011.

« II. – Le plafond de l’amende prévue au I est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter du jour de la notification de l’amende concernant un précédent manquement.

« Art. L. 4755-4. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Mme la présidente. L’amendement n° 171, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

1° L’article L. 4311-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4311-6. – Outre les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1, les agents des douanes, les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, les ingénieurs des mines, les ingénieurs de l’industrie et des mines sont compétents pour rechercher et constater les manquements et infractions aux dispositions du présent titre et des textes pris pour son application, aux dispositions du règlement (UE) n° 2016/425 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux équipements de protection individuelle et aux dispositions des articles 4 et 7 du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, en ce qui concerne les équipements de travail et les moyens de protection. Les agents habilités en application de l’article L. 4314-1 sont également compétents pour rechercher et constater les manquements à ces dispositions.

« Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes disposent à cet effet des pouvoirs prévus au I de l’article L. 511-22 du code de la consommation. » ;

II. – Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 4314-1. – Pour l’application du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n° 765/2008 et (UE) n° 305/2011, la surveillance du marché est exercée par les autorités administratives désignées par décret en Conseil d’État. Ces autorités s’assurent du respect par les opérateurs économiques, au sens de l’article 3 du règlement (UE) 2019/1020 précité, de leurs obligations respectives, mettent en œuvre les pouvoirs et mesures appropriés et proportionnés définis aux articles 14 et 16 de ce même règlement et peuvent habiliter des agents à cet effet, sans préjudice des missions et des prérogatives des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 4311-6 du présent code, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.

« L’accès aux locaux, terrains et moyens de transport à usage professionnel prévu à l’article 14 précité, par les agents mentionnés au premier alinéa est autorisé entre 8 heures et 20 heures. Lorsque ces locaux sont également à usage d’habitation, ces agents ne peuvent y pénétrer qu’après avoir reçu l’autorisation des personnes qui les occupent.

« Sans préjudice des autres sanctions encourues, lorsque la non-conformité à la réglementation d’un produit a été établie par des contrôles réalisés en application du présent article, les autorités chargées de la surveillance du marché peuvent décider de faire supporter à l’opérateur économique en cause la totalité des frais directement exposés par ces autorités et occasionnés par des essais, l’interdiction de la mise sur le marché d’un produit, ou le stockage et les activités relatives aux produits qui se révèlent non conformes et qui font l’objet d’une mesure corrective avant leur mise en libre pratique ou leur mise sur le marché.

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. L’article 7 a été introduit en première lecture à l’Assemblée nationale par voie d’amendement, afin d’adapter le code du travail au règlement européen relatif aux équipements de protection individuelle (EPI) et au règlement européen relatif à la surveillance du marché.

Cet amendement vise à préciser et à compléter ces dispositions sur le volet des pouvoirs et des habilitations des administrations compétentes, l’objectif étant de remédier à des non-conformités de conception et d’éviter ainsi la survenance ou la reproduction des accidents, grâce à l’action de contrôle de l’administration.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Cet amendement, assez long, a en réalité une portée technique et s’inscrit dans les dispositions de l’article 7. Il vise à adapter le code du travail au droit de l’Union européenne en matière d’EPI et de surveillance de marché.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 171.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 225, présenté par Mme Gruny et M. Artano, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au 5° de l’article L. 4311-7, la référence : « L. 4314-1 » est remplacée par la référence : « L. 4314-2 » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Artano, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 225.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 172, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11 à 13

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 4746-1. – Pour un opérateur économique au sens de l’article 3 du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits :

« 1° Le fait d’exposer, de mettre en vente, de vendre, d’importer, de louer, de mettre à disposition ou de céder à quelque titre que ce soit un équipement de travail ou un équipement de protection individuelle n’ayant pas fait l’objet de la procédure d’évaluation de la conformité prévue par la réglementation relative à la conception, à la fabrication et à la mise sur le marché qui lui est applicable est puni d’une amende de 50 000 euros. En cas de récidive légale, l’amende encourue est portée au double ;

« 2° Le fait d’exposer, de mettre en vente, de vendre, d’importer, de louer, de mettre à disposition ou de céder à quelque titre que ce soit un équipement de travail ou un équipement de protection individuelle ne satisfaisant pas aux règles techniques prévues à l’article L. 4311-3 ou aux exigences essentielles de santé et de sécurité de l’annexe II du règlement (UE) 2016/425 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux équipements de protection individuelle, et abrogeant la directive 89/686/CEE du Conseil ou aux exigences de sécurité au travail prévues par le règlement (UE) n° 167/2013 du Parlement européen et du Conseil du 5 février 2013 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules agricoles et forestiers est puni d’une amende de 100 000 euros. En cas de récidive légale, l’amende encourue est portée au double ;

« 3° Lorsque les faits mentionnés au 2° sont de nature à compromettre la santé ou la sécurité des utilisateurs ou d’autres personnes, la peine d’amende encourue est de 200 000 euros.

« En cas de récidive légale, les faits mentionnés à l’alinéa précédent sont punis d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende portée au double ;

« 4° Les dispositions du présent article s’appliquent également lorsque ces faits concernent un équipement d’occasion ;

« 5° Ces dispositions ne s’appliquent pas à l’opérateur économique fabriquant pour sa propre utilisation ou mettant en service un des équipements visés au présent article pour son propre usage ;

« 6° En cas de condamnation prononcée en application du présent article, la juridiction peut ordonner les peines complémentaires prévues à l’article L. 4741-10. »

II. – Alinéa 19

1° Remplacer le montant :

500 000 €

par le montant :

50 000 €

2° Après les mots :

opérateur économique

insérer les mots :

au sens de l’article 3 du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits

IV – Après l’alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III. – Ces dispositions ne s’appliquent pas à l’opérateur économique fabriquant pour sa propre utilisation ou mettant en service un des équipements visés au présent article pour son propre usage.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Cet amendement est, là aussi, un peu technique et dans la même veine que celui que je viens de présenter.

Comme je l’ai indiqué, un amendement a été adopté en première lecture, à l’Assemblée nationale, visant à prendre les mesures indispensables à la pleine application du règlement européen relatif aux EPI et du règlement européen relatif à la surveillance du marché. L’objectif est de surveiller ce marché et de permettre les contrôles, afin de disposer de protections individuelles de qualité et d’éviter ainsi les accidents du travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 172.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7, modifié.

(Larticle 7 est adopté.)

TITRE II

DÉFINIR L’OFFRE DE SERVICES À FOURNIR PAR LES SERVICES DE PRÉVENTION ET de SANTÉ AU TRAVAIL AUX ENTREPRISES ET AUX SALARIÉS, NOTAMMENT EN MATIÈRE DE PRÉVENTION ET D’ACCOMPAGNEMENT

Article 7 (Texte non modifié par la commisison)
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 8 bis (nouveau)

Article 8

I. – La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° Après l’article L. 4622-9, sont insérés des articles L. 4622-9-1 à L. 4622-9-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 4622-9-1. – Le service de prévention et de santé au travail interentreprises fournit à ses entreprises adhérentes et à leurs travailleurs un ensemble socle de services qui doit couvrir l’intégralité des missions prévues à l’article L. 4622-2 en matière de prévention des risques professionnels, de suivi individuel des travailleurs et de prévention de la désinsertion professionnelle, dont la liste et les modalités sont définies par le comité national de prévention et de santé au travail et approuvées par voie réglementaire. En l’absence de décision du comité, à l’issue d’un délai déterminé par décret, cette liste et ces modalités sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« Dans le respect des missions générales prévues au même article L. 4622-2, il peut également leur proposer une offre de services complémentaires qu’il détermine.

« Art. L. 4622-9-1-1. – Chaque service de prévention et de santé au travail, y compris les services de santé au travail autres que ceux mentionnés à l’article L. 4622-7, fait l’objet d’un agrément par l’autorité administrative, après avis du comité régional de prévention et de santé au travail compétent, pour une durée de cinq ans, visant à s’assurer de sa conformité aux dispositions du présent titre. Cet agrément tient compte, le cas échéant, des résultats de la procédure de certification mentionnée à l’article L. 4622-9-2. Un cahier des charges national de cet agrément est défini par décret.

« Si l’autorité administrative constate des manquements à ces dispositions, elle peut diminuer la durée de l’agrément ou y mettre fin, selon des modalités déterminées par décret.

« Art. L. 4622-9-1-2 (nouveau). – I. – Lorsque les conditions d’organisation ou de fonctionnement du service de prévention et de santé au travail méconnaissent gravement les dispositions du présent titre, l’autorité administrative peut enjoindre à son président de remédier à cette situation dans un délai qu’elle fixe. Ce délai doit être raisonnable et adapté à l’objectif recherché. Elle en informe le comité régional de prévention et de santé au travail.

« Cette injonction peut inclure des mesures de réorganisation et, le cas échéant, des mesures individuelles conservatoires, en application du présent code ou des accords collectifs en vigueur.

« II. – S’il n’est pas satisfait à l’injonction dans le délai fixé, l’autorité administrative peut désigner un administrateur provisoire pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois, renouvelable une fois. Celui-ci accomplit, au nom de l’autorité administrative et pour le compte de l’assemblée générale du service de prévention et de santé au travail, les actes d’administration urgents ou nécessaires pour mettre fin aux difficultés constatées. Il dispose à cette fin de tout ou partie des pouvoirs nécessaires à l’administration et à la direction du service, dans des conditions précisées par l’acte de désignation.

« L’administrateur ne doit pas, au cours des cinq années précédentes, avoir perçu à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rétribution ou un paiement de la part du service concerné, ni s’être trouvé en situation de conseil de ce service ou de subordination par rapport à lui. Il doit, en outre, n’avoir aucun intérêt dans l’administration qui lui est confiée. Il justifie, pour ses missions, d’une assurance couvrant les conséquences financières de la responsabilité dans les conditions prévues à l’article L. 814-5 du code de commerce, dont le coût est pris en charge par le service de prévention de santé au travail qu’il administre. »

« Art. L. 4622-9-2. – Chaque service de prévention et de santé au travail interentreprises fait l’objet d’une procédure de certification, réalisée par un organisme indépendant, visant à porter une appréciation à l’aide de référentiels sur :

« 1° La qualité et l’effectivité des services rendus dans le cadre de l’ensemble socle de services ;

« 2° L’organisation et la continuité du service ainsi que la qualité des procédures suivies ;

« 3° La gestion financière, la tarification et son évolution ;

« 4° La conformité du traitement des données personnelles au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE ainsi qu’à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Les référentiels et les principes guidant l’élaboration du cahier des charges de certification sont fixés par voie réglementaire, sur proposition du comité national de prévention et de santé au travail mentionné à l’article L. 4641-2-1 du présent code. En l’absence de proposition du comité à l’issue d’un délai déterminé par décret, ces référentiels et ces principes sont déterminés par décret en Conseil d’État. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 4622-10 est ainsi rédigé :

« Dans le respect des missions générales prévues à l’article L. 4622-2, de l’obligation de fournir l’ensemble socle de services prévu à l’article L. 4622-9-1, des orientations de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail et d’amélioration des conditions de travail ainsi que de son volet régional, des priorités fixées par la branche professionnelle dans les cas de service de branche, et en fonction des réalités locales, les priorités spécifiques de chaque service de prévention et de santé au travail sont précisées dans un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu entre le service, d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents, d’autre part, après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national, des agences régionales de santé et, le cas échéant, des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail concernés. »

II. – Après l’article L. 717-3 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 717-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 717-3-1. – I. – La caisse centrale de la mutualité sociale agricole coordonne la mise en œuvre, par les services de santé au travail des caisses de mutualité sociale agricole, de l’ensemble socle de services prévu à l’article L. 4622-9-1 du code du travail. Celui-ci est adapté à ces services selon des modalités fixées par décret, après avis du comité national de prévention et de santé au travail prévu à l’article L. 4641-2-1 du même code.

« La caisse centrale de la mutualité sociale agricole peut proposer une offre de services complémentaires prévue à l’article L. 4622-9-1 dudit code. Elle coordonne sa mise en œuvre par les services de santé au travail des caisses de mutualité sociale agricole.

« II. – Les référentiels et les principes guidant l’élaboration du cahier des charges de certification prévu à l’article L. 4622-9-2 du code du travail, adaptés aux modalités d’organisation et de fonctionnement des services de santé au travail des caisses de mutualité sociale agricole, sont fixés par décret, après avis du comité national de prévention et de santé au travail mentionné à l’article L. 4641-2-1 du même code. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 56 est présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.

L’amendement n° 107 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 56.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 8 crée une offre socle et une offre complémentaire pour les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI), ainsi qu’une procédure de certification par des prestataires privés pour contrôler le service rendu.

Tout d’abord, le principe même d’une offre complémentaire est problématique.

Introduire une distinction entre une offre socle et une offre complémentaire nous paraît dangereux et inapproprié, compte tenu de l’objet même des services de santé au travail : éviter toute altération de la santé des salariés en lien avec leur travail. La santé et la sécurité des travailleurs ne sauraient comporter des composantes optionnelles.

De plus, cela entraînera une rupture d’égalité entre les travailleurs, selon que leur employeur contracte ou non une offre complémentaire.

Comme toute création d’une offre « à plusieurs vitesses » – faut-il rappeler les précédents ? –, l’expérience nous enseigne que la dynamique conduit à bloquer l’offre socle, voire à la réduire, au profit d’un étoffement de l’offre complémentaire, productrice de recettes elles-mêmes complémentaires pour les services de santé au travail.

Par ailleurs, comment cette offre complémentaire trouverait-elle des ressources humaines sans empiéter sur l’offre socle, alors que nous constatons l’espacement continu des visites, notamment pour des raisons de pénurie de professionnels comme d’objectif de baisse des coûts pour les employeurs ?

Enfin, le contrôle par des prestataires privés de la qualité du service rendu, y compris de son efficacité, nous paraît présenter un risque. En effet, la définition du cadre et des objectifs relève de missions d’ordre public social que doit seule définir la puissance publique par le moyen de son agrément.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de l’article 8.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 107.

Mme Laurence Cohen. L’article 8 crée une offre socle que vous présentez comme une grande avancée sociale, monsieur le secrétaire d’État.

Si les salariés bénéficiaires de l’offre socle ont accès à des services de prévention et de santé au travail interentreprises, dits premium, qu’en sera-t-il pour les autres ? Quels services seront considérés comme facultatifs ?

Ce texte peut ainsi déboucher sur un système de santé au travail à deux vitesses. L’instauration d’une dichotomie entre offre socle de services et offre de services complémentaires peut conduire à des inégalités de traitement entre les salariés selon leur lieu de travail ou la taille de leur entreprise.

Le risque est également de voir les acteurs de la santé au travail se transformer en simples agents commerciaux.

Enfin, cet article prévoit une certification des services par la mise en œuvre des règles applicables aux services privés. Nous sommes favorables à l’agrément des services par la puissance publique, comme c’est le cas aujourd’hui, et refusons de déléguer la procédure au privé sans contrôle de la puissance publique.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 8.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales. La définition d’un ensemble socle de services et la mise en place d’une procédure de certification font partie des mesures structurantes prévues par l’ANI du 9 décembre 2020 et reprises par la proposition de loi, pour améliorer la qualité des services rendus par les services de prévention et de santé au travail interentreprises.

La commission a adopté cet article en lui apportant des améliorations, notamment des garanties sur le contenu de l’offre socle et une capacité d’initiative des partenaires sociaux sur le cahier des charges de la certification. Par conséquent, elle ne peut qu’émettre un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je suis étonné et absolument consterné par cet article.

Monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, les services de prévention et de santé au travail et les médecins du travail sont censés remplir une mission définie, celle de garantir la santé d’un travailleur à son poste de travail.

Cette mission est inaliénable : rien ne peut en être retiré. Bâtir une offre socle laisserait penser qu’il est possible d’amputer des fonctions remplies par la médecine du travail et ses médecins un certain nombre d’éléments qui deviendront complémentaires. Pouvez-vous me préciser quels sont ces éléments ? Quel est l’objectif de cet article ?

À partir de quel moment pouvez-vous considérer que la médecine du travail remplit trop de fonctions et qu’il convient d’en amputer une partie pour bâtir une offre complémentaire, à l’image des mutuelles complémentaires par rapport aux offres socles de la sécurité sociale ? J’aimerais vraiment que vous m’apportiez des explications. Je le répète, je suis atterré par cette proposition, à l’instar de nombreux médecins du travail, malgré ce que vous en dites.

Par ailleurs, il existe des commissions de contrôle, qui sont constituées depuis des années : elles vérifient que les services de médecine du travail remplissent leur rôle. J’ai connu dans le passé des commissions de contrôle qui, de manière tout à fait légitime, ont retiré leur agrément à des services de médecine du travail.

En quoi l’intervention d’acteurs extérieurs privés permettrait-elle de mieux garantir que les commissions de contrôle que la médecine du travail remplit bien son rôle ? À qui cela va-t-il profiter ? Ni aux employeurs ni aux salariés ! J’aimerais une explication sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Mon cher collègue, nous avons justement bien spécifié que l’offre socle reprenait l’ensemble des missions de base de la médecine du travail : elle intégrera donc tout.

Voici un exemple pour illustrer ce qu’est l’offre complémentaire : imaginons qu’un service de santé au travail procède à un audit sur le bruit dans une entreprise ; cette dernière souhaitera par la suite le faire tous les ans. La première fois, cet audit sera intégré dans l’offre socle ; les audits suivants seront inclus dans l’offre complémentaire, et payés différemment.

Nous avons consacré du temps à ce sujet parce que nous ne voulons pas d’une médecine du travail à plusieurs vitesses. (M. Guy Benarroche proteste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 107.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle, Guerriau et A. Marc, Mme Mélot, MM. Lagourgue et Menonville, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Decool, Capus, Malhuret, Verzelen, Milon, Klinger, Chatillon, Détraigne et Longeot, Mme Garriaud-Maylam, M. Nougein, Mme N. Delattre et MM. Laménie et Canévet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’exercice de ses missions, le service de prévention et de santé au travail peut s’appuyer sur des intervenants extérieurs qualifiés.

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. La proposition de loi confère de nouvelles prérogatives au service de prévention et de santé au travail (SPST) : aide à l’évaluation des risques, mise en place d’une offre de services complémentaire pour les salariés, mise en place d’une offre spécifique dédiée aux travailleurs indépendants.

Si le service de prévention et de santé au travail s’appuie sur ses seules expertises internes pour réaliser ces missions, au regard des moyens dont il dispose, ce développement quantitatif fait redouter un risque important sur la qualité des prestations qui seront fournies.

Afin que le SPST puisse répondre aux attentes fortes découlant de ces nouvelles missions, sans négliger les missions préexistantes, singulièrement le suivi individuel, il nous paraît indispensable de prévoir qu’il puisse faire appel à des professionnels indépendants qualifiés, par exemple des ergonomes ou des acousticiens, aussi bien pour le socle de services obligatoires que pour l’offre de services complémentaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement est selon nous satisfait par le droit actuel. Un service de prévention et de santé au travail peut faire appel à des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) externes pour des missions spécifiques. Nous reconnaissons, bien sûr, le rôle important de ces intervenants, mais le fait de l’inscrire dans la loi n’améliorera pas le droit existant.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur, vous avez mis le doigt sur une petite ambiguïté. Il est vrai que les services de prévention et de santé au travail peuvent recruter l’ensemble des professionnels dont ils ont besoin pour réaliser leurs missions. Toutefois, le recours explicite de façon ponctuelle pour assurer certaines missions n’est pas reconnu en tant que tel. C’est ce que vous avez voulu faire reconnaître, me semble-t-il, et ce point mériterait en effet d’être précisé.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 193, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Supprimer les mots :

après avis du comité régional de prévention et de santé au travail compétent,

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Cet amendement tend à supprimer l’avis du comité régional de prévention et de santé au travail sur l’agrément visé par l’article 8. Cette mission ne fait, en effet, pas partie des modalités prévues par l’ANI. Il nous paraît préférable de rester au plus près de cet accord, comme nous le soulignons tous depuis le début de la discussion.

De plus, il ne paraît pas souhaitable que les comités régionaux de prévention et de santé au travail aient à se prononcer à ce sujet. Bien que leur rôle prévoie l’élaboration des référentiels de certification, celui-ci ne comprend pas qu’ils se prononcent sur une procédure administrative individuelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. L’article 8 élève au niveau législatif la procédure d’agrément administratif des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI). La commission a proposé, en cohérence avec la réforme de la gouvernance territoriale de la santé au travail, que le comité régional de prévention et de santé au travail (CRPST), institué par la proposition de loi au sein du comité régional d’orientation des conditions de travail (Croct), formule un avis sur cet agrément pour les SPSTI relevant de son ressort territorial. Le CRPST est notamment composé de représentants des organisations syndicales et patronales représentatives.

Avis défavorable sur cet amendement qui revient sur cet apport de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Concernant l’avis du CRPST sur les demandes d’agrément, ma lecture est différente de celle de la commission.

Monsieur le sénateur, vous proposez de supprimer la consultation du comité régional de prévention et de santé au travail. Cette proposition me paraît souhaitable.

L’agrément est délivré par les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), après qu’elles ont procédé à une instruction de la demande. Il existe 720 services de prévention et de santé au travail. Le passage préalable pour avis de l’ensemble des dossiers au sein du CRPST me paraît vraiment chronophage. Traiter 720 demandes est très lourd, ce qui peut entraîner un risque de retard dans le déploiement de ces services.

J’ai examiné d’un point de vue strictement opérationnel la charge de travail qui découlerait de cette mesure avant de faire un arbitrage et je suis favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 193.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 108, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5, deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéas 11 à 16

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 8 crée une nouvelle procédure de certification très peu encadrée pour les services de prévention et de santé au travail. L’enjeu est, je le rappelle, la protection de la santé de celles et ceux qui travaillent dans l’entreprise.

Actuellement, les employeurs ont l’obligation d’avoir recours à un service de santé au travail autonome ou intégré, dont les missions sont définies, contrairement à ce que prévoient l’offre socle et l’offre premium. Cela pose un problème d’égalité entre les salariés, qui bénéficieront d’une protection différente selon l’entreprise dans laquelle ils seront embauchés et selon le degré de protection que cette entreprise pourra offrir.

En renvoyant la certification à des organismes indépendants privés non identifiés, vous privatisez l’action publique en matière de santé au travail. Il nous semble au contraire nécessaire de renforcer la procédure d’agrément opérée par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et de donner aux services de prévention et de santé au travail les moyens d’embaucher davantage de professionnels pour exercer leurs missions.

Cet article porte atteinte à la philosophie même du rôle des médecins du travail, qui ne veulent pas mener une intervention a minima si l’entreprise n’a pas souscrit à l’offre premium.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 8.

Mme la présidente. L’amendement n° 187, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 16

1° Première phrase

Remplacer les mots :

sur proposition

par les mots :

après avis

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Après l’alinéa 18

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le décret mentionné au sixième alinéa de l’article L. 4622-9-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la présente loi, est publié au plus tard au 30 juin 2022. À compter de son entrée en vigueur, les services de prévention et de santé au travail disposent d’un délai de deux ans pour obtenir leur certification. Pendant ce délai, les agréments arrivant à échéance peuvent être renouvelés dans les conditions applicables à la date de promulgation de la présente loi.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Cet amendement vise à rétablir l’avis du comité national de prévention et de santé au travail sur les référentiels de certification des services de prévention et de santé au travail interentreprises, au lieu de leur confier un rôle de proposition. Il tend également à préciser la date de publication du décret d’application correspondant.

Ce sujet paraît quelque peu technique, mais je veux m’y arrêter quelques instants. Des discussions ont eu lieu à l’Assemblée nationale sur l’avis rendu par le Conseil d’État et c’est la raison pour laquelle je vous présente cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs.

Lors de vos travaux en commission, vous avez modifié les attributions du comité national de prévention et de santé au travail en lui confiant un rôle de proposition, et non plus d’avis, sur les référentiels et les principes qui guident l’élaboration du cahier des charges de certification. C’était le souhait initial des partenaires sociaux : vous êtes donc tout à fait dans la logique que nous avons évoquée à plusieurs reprises ce soir lors de nos débats.

Toutefois, le Conseil d’État a estimé qu’une telle disposition présentait une fragilité juridique. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a retenu une rédaction garantissant la sécurité juridique du dispositif que je souhaite voir rétablie. Par ailleurs, il s’agit de fixer la date de publication du décret sur la certification au plus tard le 30 juin 2022. Cette échéance permettra de garantir que la procédure se fera dans le respect du dialogue social, conformément à l’esprit qui a présidé à l’ANI, s’agissant de cette évolution majeure.

Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 226, présenté par Mme Gruny et M. Artano, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 187, alinéas 1 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 226 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 108 et 187.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission a prévu de laisser aux partenaires sociaux, par l’intermédiaire du CNPST, l’initiative de la détermination du cahier des charges de la certification introduite par l’article 8. En cas d’absence de proposition du CNPST à l’issue d’un délai déterminé, les référentiels seraient fixés par décret en Conseil d’État.

Monsieur le secrétaire d’État, l’amendement du Gouvernement revient sur cet apport de la commission en instaurant un simple avis du CNPST. Nous sommes en désaccord sur ce point. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé ce sous-amendement, qui vise à conserver la rédaction de la commission.

J’en viens à l’avis de la commission sur les amendements nos 108 et 187.

L’introduction d’une procédure de certification des SPSTI est l’une des mesures structurantes de la proposition de loi qui doit permettre, devant le constat partagé d’une forte hétérogénéité des services rendus par les SCCI, d’améliorer leur qualité et leur effectivité. C’est véritablement ce qui a animé la commission dans son travail.

On ne peut en effet se satisfaire de la procédure existante d’agrément administratif, dont la portée est en pratique très limitée. La procédure sera encadrée par des référentiels fixés par l’État, sur lesquels les partenaires sociaux auront leur mot à dire au travers du CNPST.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 108.

L’amendement n° 187 a deux objets distincts.

D’une part, il tend à supprimer la modification apportée par la commission dans la détermination du cahier des charges de la certification, réduisant ce rôle à un simple avis pour le CNPST. Le sous-amendement de la commission revient sur ce point.

D’autre part, le décret serait publié au plus tard le 30 juin 2022. Les SPSTI disposeraient ensuite d’un délai de deux ans pour obtenir leur certification, ce qui suppose une certification de l’ensemble des SPSTI au plus tard le 30 juin 2024. Ce calendrier semble raisonnable si l’on souhaite que la loi soit pleinement appliquée. La commission est donc favorable à la seconde partie de cet amendement.

En conclusion, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 187, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Comme la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 108, tant sur le fond que sur la forme.

Sur le sous-amendement n° 226, je le redis, je ne mène pas ici un combat que j’estime peu productif. Je souhaite seulement ne pas exposer l’élaboration du cahier des charges de la certification à une fragilité juridique – je n’ai aucune autre motivation. Pour cela, je m’appuie sur l’avis du Conseil d’État : il n’est pas possible de lier le Gouvernement comme le prévoit votre rédaction, même si, comme je l’ai rappelé, c’est celle que souhaitent les partenaires sociaux.

J’insiste, je ne poursuis ici qu’une quête de sécurité juridique et je ne cherche pas à attribuer une prérogative particulière au Gouvernement.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 226.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 108.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 226.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 187, modifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi, afin de poursuivre l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 57, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

ou y mettre fin,

par les mots :

, y mettre fin ou prendre toute autre mesure, y compris des pénalités financières,

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 8 prévoit de mettre dans la partie législative du code du travail les sanctions prévues dans la partie réglementaire relatives aux services de santé qui dysfonctionnent. Il s’agit du retrait ou de l’absence de délivrance de l’agrément, ou bien de la délivrance d’un agrément pour une durée limitée à deux ans.

Souvent, le refus ou le retrait d’un agrément ne met toutefois pas fin à l’activité du service ou n’entraîne pas sa dissolution. Des services de santé continuent donc de fonctionner en l’absence d’agrément. Par ailleurs, il arrive que certaines Direccte ne soient pas en mesure de refuser un agrément, du fait du monopole territorial du service examiné.

Il paraît donc nécessaire de prévoir la possibilité de prendre d’autres mesures afin de contraindre les services à mettre un terme à leurs dysfonctionnements, compte tenu des conséquences que ceux-ci ont sur les salariés suivis.

Par cet amendement, nous proposons que l’autorité administrative puisse sanctionner financièrement ces services et, beaucoup plus largement, que toute autre sanction puisse être prise pour mettre fin aux dysfonctionnements.

Ainsi, l’autorité administrative pourrait ordonner le regroupement d’un service non efficient avec un service voisin, voire révoquer le président du service.

Cette proposition va dans le sens voulu par les partenaires sociaux signataires de l’ANI, qui se sont prononcés pour des sanctions graduées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement a pour objet de mettre à disposition de l’administration des sanctions graduées, notamment financières, contre les SPSTI qui ne remplissent pas leurs obligations.

Cette proposition semble devoir être écartée : les sanctions ne seraient pas forcément incitatives pour le SPSTI concerné, car celui-ci n’a pas forcément les moyens d’accomplir ses missions. L’administration pourrait également être réticente à recourir à ces sanctions, alors qu’elle devrait, dans le même temps, accompagner la structure.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 57.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 192, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéas 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Comme cela a été le cas avec notre amendement précédent, nous souhaitons rester au plus près de l’ANI. Or un système d’administration provisoire des services de prévention et de santé au travail dans les situations où des défaillances graves en termes d’organisation sont constatées n’en fait absolument pas partie.

La possibilité de retirer un agrément existe déjà et constitue un dispositif dissuasif efficace dans les situations précitées. De plus, le dispositif proposé risquerait d’être en inadéquation avec le retrait de certification déjà existant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Le principe de l’agrément par l’administration des SPSTI est élevé au niveau législatif par l’article 8, mais ses effets ne sont pas renforcés, si ce n’est qu’il tient désormais compte simplement de la certification du service.

Afin de doter l’administration d’un moyen d’action plus efficace et constructif que le retrait d’agrément en cas de difficulté grave d’organisation et de fonctionnement, la commission a proposé l’introduction d’un régime d’administration provisoire qui doit permettre, sans interrompre le service, de lui donner les moyens de se réorganiser. Ce dispositif est inspiré du régime applicable aux établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Il s’agit bien entendu d’un instrument qui serait utilisé par l’administration en dernier ressort et dans des cas précis, notamment en cas de crise grave de gouvernance ou d’organisation. La commission est bien entendu défavorable à sa suppression.

Nous avons essayé de trouver un système fonctionnel. Si l’agrément est retiré, vers quel service de santé pourraient se tourner les entreprises ? Il n’y en a pas d’autres !

Nous avons réfléchi à cette question lors des auditions que nous avons menées et du travail que nous avons réalisé et n’avons trouvé que cette solution.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Pour ma part, je suis favorable à cet amendement. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vais expliquer pourquoi.

D’abord, comme on l’a évoqué à plusieurs reprises, toutes les dispositions ne sont pas prévues dans l’ANI. Il faut donc examiner avec soin celles qui n’y figurent pas et que l’on souhaite introduire dans le texte, comme c’est en l’espèce le cas.

Dans le même temps, j’entends bien la réflexion que vous avez menée afin de trouver une solution. Je crois qu’il en existe une – même si elle est lourde, vous avez raison, madame le rapporteur.

L’administration dispose du levier de l’agrément : elle pourra désormais en définir la durée ou y mettre fin en fonction des résultats de la procédure de certification du service. C’est une nouveauté. Cela facilitera le retrait provisoire de l’agrément et permettra d’avoir une approche plus pédagogique, puisqu’il sera nécessaire d’aligner la certification du service sur ce qui sera proposé.

Une administration provisoire pose tout de même quelques questions techniques. J’ai beaucoup réfléchi à cette question, car il me semble intéressant de chercher des solutions aux difficultés qui se présentent. Pour être honnête, je doute qu’il soit juridiquement possible de mettre sous administration provisoire une structure associative de droit privé qui relève de la loi de 1901. Je ne vois pas sur quel fondement juridique s’appuyer : je vous le dis franchement, je pense que cela ne passera pas ! On est au-delà de la fragilité juridique…

J’apporte donc un soutien extrêmement pragmatique, je le redis, à l’amendement n° 192, et ce pour deux raisons. D’une part, avec la certification de service, le risque de retrait de l’agrément sera plus facile à gérer qu’aujourd’hui, d’autre part, la disposition relative à l’administration provisoire d’une société, association de droit privé relevant de la loi de 1901, ne me paraît pas tenable juridiquement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 192.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 75 rectifié ter, présenté par MM. Mouiller et Favreau, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Bonhomme, Chatillon, Daubresse, Cambon et B. Fournier, Mme Demas, MM. Savin et Savary, Mme Canayer, M. Lefèvre, Mme Belrhiti, M. Bouloux, Mme Bonfanti-Dossat, M. Genet, Mmes Dumont, Garriaud-Maylam, L. Darcos, Imbert et Di Folco, M. Rapin, Mme Malet, MM. Brisson et Milon, Mme M. Mercier et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 4622-9-…. – Les services de prévention et de santé au travail peuvent comprendre un service de chargés de mission prévention de la désinsertion professionnelle et de maintien dans l’emploi qui prennent en charge les situations désignées par la cellule maintien en emploi des services de prévention et de santé au travail en collaboration avec le médecin du travail. »

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Les inaptitudes sont l’un des événements les plus générateurs de désinsertion professionnelle et sociale. Avec les restrictions d’aptitude, elles concernent tous types de public, dont un grand nombre ne sont pas reconnus comme travailleurs handicapés. Cela va dans le sens de l’inclusion.

La prise en charge de ce type de dossier est chronophage : ces situations demandent un suivi important qui ne peut être réalisé par le médecin du travail, par manque de temps, de connaissance des acteurs et des dispositifs qui évoluent constamment.

En fonction des besoins, les chargés de mission de la prévention de la désinsertion professionnelle et du maintien en emploi pourront prendre ces dossiers en charge et, à ce titre, faire partie de l’équipe médicale. Dans ce cadre, ils devraient être pris en compte dans l’offre socle, tout comme les infirmiers ou les assistantes sociales.

La prise en compte de ces situations et leur traitement par les chargés de mission permettent de limiter les licenciements grâce à la mise en œuvre d’aménagements, d’organisations spécifiques ou d’orientations précoces, de généraliser, dans le cadre de la prévention primaire, les solutions trouvées, d’éviter, pour l’entreprise ou pour la collectivité, de futurs surcoûts liés au licenciement, enfin, de favoriser le développement d’une culture de prévention par la mise en place de nouveaux outils.

Sur le territoire, plusieurs services de prévention et de santé au travail ont fait la démonstration de l’efficacité de la présence de chargés de mission pour maintenir en interne des personnes en activité.

Cela se vérifie notamment pour les services ayant une forte pénurie de médecins du travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Nous partageons l’objectif de prévention de la désinsertion professionnelle, et comprenons bien l’intention de M. Mouiller.

Toutefois, rien n’empêche aujourd’hui les services de prévention et de santé au travail de créer des équipes de chargés de mission, qui sont d’ailleurs efficaces. Inscrire cette possibilité dans la loi ne permet pas d’améliorer le droit existant.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, qui semble satisfait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Sur cet amendement, j’ai la même divergence d’interprétation avec les rapporteurs que sur l’amendement précédent.

Autant les services au travail peuvent aujourd’hui recruter des intervenants, autant il n’est pas du tout explicité qu’ils peuvent s’appuyer sur des intervenants extérieurs occasionnels.

Monsieur le sénateur, vous revenez sur le même sujet. Vous ne serez donc pas surpris que le Gouvernement émette également un avis favorable sur cet amendement. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 75 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle, Guerriau et A. Marc, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Menonville, Wattebled, Decool, Capus, Malhuret, Verzelen, Milon, Klinger, Chatillon et Détraigne, Mme de La Provôté, M. Longeot, Mme Garriaud-Maylam, M. Nougein, Mme N. Delattre et MM. Laménie et Canévet, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Après le mot :

compétents

insérer les mots :

et, le cas échéant, l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. L’accord national interprofessionnel sur la santé au travail, signé le 9 décembre 2020 par les partenaires sociaux, considère que la branche professionnelle est un cadre privilégié pour formaliser les grandes priorités dans le domaine de la prévention des risques professionnels.

Cet accord précise, par ailleurs, que les services de santé au travail de branche, qui participent activement à la prévention des risques professionnels dans les secteurs concernés, doivent conserver leurs spécificités. Dans ces conditions, les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens des services de branche intègrent les priorités par branche professionnelle.

En complément, dans un secteur spécifique comme le BTP, doté de différentes structures « santé prévention », il est nécessaire pour la bonne articulation entre les acteurs que le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) soit également conclu avec l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), dont l’existence, l’organisation et le déploiement des missions actuelles sont réaffirmés par l’accord national interprofessionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement prévoit de transformer dans le secteur du BTP le CPOM, qui encadre l’activité des SPSTI, en une convention quadripartite incluant la signature de l’organisme professionnel de prévention du BTP, l’OPPBTP.

Si l’OPPBTP peut légitimement avoir un droit de regard sur le cadre de l’action des services actifs dans le secteur du bâtiment, le dispositif proposé est source de complexification. De fait, cette pratique, prévue par une convention en date de 2011, a été abandonnée du fait de sa lourdeur.

Pour répondre aux mêmes besoins, le texte de la commission prévoit un avis de l’OPPBTP sur les CPOM concernant le secteur du BTP, ce qui semble une solution plus opérationnelle.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8, modifié.

(Larticle 8 est adopté.)

Article 8
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 9

Article 8 bis (nouveau)

L’article L. 4622-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour assurer l’ensemble de leurs missions ces services peuvent par convention recourir aux compétences des services de prévention et de santé au travail prévus aux articles L. 4622-7 et suivants. »

Mme la présidente. L’amendement n° 227, présenté par Mme Gruny et M. Artano, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

prévus aux articles L. 4622-7 et suivants

par les mots :

mentionnés à l’article L. 4622-7

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 227.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8 bis, modifié.

(Larticle 8 bis est adopté.)

Article 8 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 10

Article 9

I. – L’article L. 4622-6 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Au sein des services communs à plusieurs établissements ou à plusieurs entreprises constituant une unité économique et sociale, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés comptant chacun pour une unité.

« Au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises, les services obligatoires prévus à l’article L. 4622-9-1 font l’objet d’une cotisation proportionnelle au nombre de travailleurs suivis comptant chacun pour une unité. Les services complémentaires proposés et l’offre spécifique de services prévue à l’article L. 4621-3 font l’objet d’une facturation sur la base d’une grille tarifaire. Le montant des cotisations et la grille tarifaire sont approuvés par l’assemblée générale.

« Un décret détermine les conditions dans lesquelles le montant des cotisations ne doit pas s’écarter au-delà d’un pourcentage, fixé par décret, du coût moyen national de l’ensemble socle de services mentionné à l’article L. 4622-9-1. » ;

2° Au dernier alinéa, les références : « au deuxième alinéa » est remplacée par la référence : « aux deuxième et troisième alinéas du présent article » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux deuxième et troisième alinéas du présent article, les dépenses du service de santé au travail des employeurs mentionnés à l’article L. 717-1 du code rural et de la pêche maritime sont couvertes selon les modalités prévues aux articles L. 717-2, L. 717-2-1 et L. 717-3-1 du même code. »

II. – Après le quatrième alinéa de l’article L. 717-2-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – le cas échéant, la grille tarifaire applicable à l’offre de services complémentaires mentionnée à L. 717-3-1. » – (Adopté.)

Article 9
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 11 (début)

Article 10

La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° (nouveau) L’article L. 4622-16 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il rend compte de ces actions dans un rapport annuel d’activité qui comprend des données relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. » ;

2° Il est ajouté un article L. 4622-16-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4622-16-1. – Le service de prévention et de santé au travail interentreprises communique à ses adhérents ainsi qu’au comité régional de prévention et de santé au travail et rend publics son offre de services relevant de l’ensemble socle mentionné à l’article L. 4622-9-1, son offre de services complémentaires, le montant des cotisations, la grille tarifaire et leur évolution, ainsi que l’ensemble des documents dont la liste est fixée par décret.

« Les conditions de transmission et de publicité de ces documents sont précisées par décret. » – (Adopté.)

Article 10
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 11 (interruption de la discussion)

Article 11

I. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :

1° L’article L. 1111-17 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Les professionnels de santé chargés du suivi de l’état de santé d’une personne en application du premier alinéa de l’article L. 4624-1 du code du travail peuvent accéder à son dossier médical partagé et l’alimenter, sous réserve de son consentement exprès et de son information préalable quant aux possibilités de restreindre l’accès à tout ou partie du contenu de son dossier.

« L’accès au dossier médical partagé ne peut être accordé oralement par son titulaire à l’un des professionnels de santé mentionnés au même premier alinéa. La demande d’accès du professionnel de santé est effectuée de façon dématérialisée conformément à une procédure définie par voie réglementaire qui permet, par l’intermédiaire de l’application ou du site internet de consultation du dossier médical partagé, d’alerter son titulaire du dépôt de cette demande et de l’informer quant aux possibilités de ne pas y répondre, ou de refuser ou de restreindre l’accès au contenu de son dossier.

« Les informations consultées dans le dossier médical partagé par le professionnel de santé sont confidentielles et ne peuvent pas être communiquées à l’employeur de la personne ou à un employeur auprès duquel la personne sollicite un emploi. » ;

2° Le quatrième alinéa de l’article L. 1111-18 est supprimé ;

3° (nouveau) Au second alinéa de l’article L. 1111-21, les deux occurrences des références : « I et II » sont remplacées par les références : « I, II et IV ».

II. – Le chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° À la troisième phrase du II de l’article L. 4624-7, après le mot : « travail », sont insérés les mots : « , à l’exception des données recueillies dans le dossier médical partagé en application du IV de l’article L. 1111-17 du code de la santé publique, » ;

2° Après l’article L. 4624-8, il est inséré un article L. 4624-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4624-8-1. – Le travailleur peut s’opposer à l’accès des professionnels chargés du suivi de son état de santé en application de l’article L. 4624-1 du présent code à son dossier médical partagé mentionné à l’article L. 1111-14 du code de la santé publique. Ce refus ne constitue pas une faute et ne peut servir de fondement à l’avis d’inaptitude mentionné à l’article L. 4624-4 du présent code. Il n’est pas porté la connaissance de l’employeur. »

III. – Au premier alinéa du 2° du I de l’article 51 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 58 est présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.

L’amendement n° 109 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 150 est présenté par Mme Poumirol, MM. Jomier et Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin et Rossignol, MM. Tissot, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 58.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 11 permet aux professionnels de santé des services de prévention et de santé au travail d’accéder au dossier médical partagé (DMP).

Cet accès irait bien au-delà de la pratique, déjà possible, permettant au médecin du travail, après accord du salarié, d’entrer en contact avec le médecin traitant de celui-ci, sans pour autant accéder à l’ensemble des données de santé. Il s’agit d’une pratique très courante, qui suffit pour permettre au médecin du travail d’accomplir sa mission.

L’accès au dossier médical partagé est interdit et les raisons ayant conduit à cette interdiction sont celles-là mêmes qui nous amènent, aujourd’hui encore, à proposer la suppression de cet article, malgré les modifications introduites par la commission.

Une telle faculté présenterait un risque pour l’intégrité des données personnelles de santé des salariés, dont le consentement ne saurait être totalement libre dans le cadre de la relation de subordination qu’est la relation de travail. Elle présenterait également un risque de jugement des habitudes de vie des travailleurs, de discrimination, voire de sélection de la main-d’œuvre, ce qui est totalement éloigné de la logique de prévention, laquelle consiste à adapter le travail et les conditions de travail au travailleur, au cours de son parcours professionnel, et non l’inverse.

Si la médecine du travail doit avoir les moyens de juger des risques d’altération de la santé du salarié en lien avec son travail, notamment via un suivi régulier du salarié et de ses conditions concrètes de travail, l’accès à l’ensemble du dossier médical serait disproportionné au regard de la spécificité des missions dévolues.

En revanche, la possibilité pour le service de prévention et de santé au travail de verser au dossier médical partagé l’étude des expositions du salarié aux risques de l’environnement professionnel peut être utile au médecin traitant, sous réserve de l’accord du salarié.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’accès du service de prévention et de santé au travail au dossier médical partagé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 109.

Mme Laurence Cohen. L’article 11 donne aux médecins et infirmiers du travail un accès au dossier médical partagé, après accord du salarié.

D’une part, cette disposition entretient une confusion entre santé publique et santé au travail. D’autre part, cette mesure permettrait à la médecine du travail d’avoir accès aux données de santé sensibles contenues dans le dossier médical partagé des salariés, ce qui pose la question de la confidentialité de ces données.

Si la santé publique doit s’intéresser à la santé au travail, la réciproque ne me semble pas opportune. Il est nécessaire que le médecin traitant ait accès aux données du médecin du travail, notamment pour évaluer et étudier les causes professionnelles de certaines pathologies ; en ce sens, les choses sont clairement établies. En revanche, nous ne partageons pas l’idée selon laquelle le médecin du travail doit avoir accès aux données de santé contenues dans le DMP.

Nous nourrissons des inquiétudes notamment pour les informations confidentielles des personnes en affection longue durée. Je pense particulièrement à la séropositivité et à la transition des personnes transgenres ; nous craignons que ces personnes ne fassent ensuite l’objet de discriminations.

Cette disposition étant, selon nous, source de danger, nous proposons de la supprimer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 150.

Mme Émilienne Poumirol. Si donner un accès en écriture au dossier médical partagé au médecin du travail, afin de pouvoir y verser des éléments relatifs aux risques propres au salarié, présente un intérêt indéniable, l’inverse n’est pas vrai : les données personnelles de santé des salariés ne doivent pas être visibles par le médecin du travail.

En effet, permettre au médecin du travail d’accéder à ces données, même avec l’accord du patient, risque d’être préjudiciable au salarié, en particulier lors des visites d’embauche et de reprise du travail, lorsqu’une adaptation de l’emploi est nécessaire. L’accès aux données médicales constitue une atteinte aux droits fondamentaux des personnes, de nature à discriminer les salariés ayant une pathologie connue dans leur recherche d’emploi ou dans leur travail.

En outre, comme l’explique le sociologue Pascal Marichalar, cela pourrait conduire des médecins du travail voulant travailler « en paix » à avoir intérêt à s’en tenir à une délimitation consensuelle de l’activité, qui correspondrait aux attentes des employeurs.

Le médecin du travail est aussi conduit à se désintéresser des maladies professionnelles, comme ce fut le cas pour l’amiante, et à focaliser son attention sur les aptitudes propres du salarié à remplir les missions qui lui sont dévolues, et non l’inverse.

Nous insistons donc sur la nécessité que le médecin du travail dispose simplement d’un accès spécifique et cloisonné au DMP, lui permettant de consigner les comptes rendus de visite, l’exposition à d’éventuels risques, les aménagements des situations de travail et les contre-indications médicales, mais rien de plus et surtout sans droits de lecture.

Il convient de prémunir les salariés contre ce risque et de supprimer cette disposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Le décloisonnement entre la médecine du travail et la médecine de ville suppose un partage réciproque d’informations dans l’intérêt du travailleur, avec, bien entendu, le consentement de ce dernier et dans le respect de la plus stricte confidentialité des données. Les modifications apportées par la commission des affaires sociales visent précisément à renforcer cet encadrement, afin de préserver la confiance et la relation entre le médecin du travail et le travailleur ; elles devraient répondre aux inquiétudes des auteurs de ces amendements de suppression.

J’ai toujours un peu de mal avec cette question, parce que les médecins, qu’ils soient médecins du travail ou médecins de ville, agissent dans un cadre totalement confidentiel ; ils sont avant tout médecins. Vous soulignez que le médecin traitant doit pouvoir savoir ce qu’il se passe dans l’entreprise ; or je sais d’expérience que le médecin du travail a souvent besoin de connaître également l’état de santé du salarié, afin justement de permettre à celui-ci de conserver son poste.

Nous examinons un texte sur la prévention et le maintien dans l’emploi ; je ne comprends pas ces amendements. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Mme le rapporteur a raison de rappeler que les médecins du travail et les médecins généralistes ont la même formation : ils sont médecins ; d’ailleurs, les médecins du travail ont une spécialité supplémentaire. Tous sont donc soumis à une totale obligation de confidentialité.

Toutefois, je peux concevoir les réserves qui sont émises – elles l’ont aussi été à l’Assemblée nationale. Je ne trouve pas du tout illégitimes les questions qui sont soulevées et il me semble utile que l’on en débatte.

Le travail accompli par l’Assemblée nationale autour de ces questions vise à garantir que cet accès ne puisse se faire sans un consentement éclairé du salarié qu’il renouvelle à chaque consultation : il ne saurait s’agir d’un consentement que l’on donnerait pour cinq ou dix ans. Au travers de cette démarche, on entend garantir la parfaite information du salarié.

Le risque que vous pointez a trait au lien entre un médecin qui peut prononcer une inaptitude professionnelle et le médecin traitant. Or Mme le rapporteur a bien répondu à cette question : d’une part, si le salarié ne souhaite pas donner d’informations ni consentir à l’accès au DMP, il ne le fait pas, donc rien de nouveau par rapport à aujourd’hui ; d’autre part, s’il souhaite donner des informations pour bénéficier d’un aménagement de poste – nous avons évoqué tout ce qui, dans cette proposition de loi, vise à prévenir la désinsertion professionnelle –, les éléments fournis seront utiles au médecin du travail.

Cela dit, j’y insiste, cela ne sera possible que si le salarié l’accepte ; s’il ne le souhaite pas, cela ne se fera pas.

Je le répète : ces questions, qui ne sont pas du tout illégitimes, ont été soulevées à l’Assemblée nationale et la rédaction de l’article 11 en tient compte. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le secrétaire d’État, les médecins généralistes ont, comme les médecins du travail, quatre ans de spécialisation ! (M. le secrétaire dÉtat acquiesce.)

Par ailleurs, que l’on soit médecin généraliste ou médecin du travail, on est tenu par le secret professionnel, c’est indéniable. Il n’empêche ; le diable se cache dans les détails. Aujourd’hui, comme de tout temps, les médecins du travail et les médecins généralistes se téléphonent et discutent de la situation du patient, mais le DMP est un document écrit, qui peut être transmis et qui comporte des traces de ce qui est constaté. Or échanger par téléphone, ce n’est pas la même chose que communiquer des informations par écrit.

Ainsi, permettre au médecin du travail d’accéder au dossier médical partagé pourrait conduire ce praticien à porter une attention particulière sur tel ou tel salarié qui a des problèmes de santé pouvant nuire à son activité et à procéder à une déclaration d’inaptitude.

Je reste donc très méfiante, car un échange téléphonique, par définition oral, est très différent du DMP, qui reste un document écrit. Je persiste à penser qu’il faut supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je souhaite lever une ambiguïté.

Mes chers collègues, vous indiquez dans le même temps que le médecin généraliste doit pouvoir connaître ce qu’il se passe dans la vie professionnelle de son patient, lequel doit être traité en tenant compte de son environnement professionnel, mais que le médecin du travail ne doit pas pouvoir savoir ce qui se passe en dehors du travail, du point de vue médical.

Or ce sont tous deux des médecins ! Il y a le serment d’Hippocrate, la déontologie, le secret médical ! Sans doute, ces praticiens peuvent échanger par téléphone, mais le médecin du travail peut aussi avoir besoin de consulter le résultat d’examens complémentaires particuliers. Dans le dossier médical partagé figurera, par exemple, le scanner d’une pathologie de la colonne vertébrale d’un patient et le médecin du travail jugera, en fonction de ces éléments, si le salarié peut ou non porter des charges lourdes et dans quelle mesure son poste de travail doit être adapté. Il a donc besoin de ce document, que le patient n’a plus en sa possession, mais qui est enregistré dans le dossier médical partagé. En outre, le consentement du salarié est requis.

Par conséquent, si l’on veut améliorer la prévention et protéger, du point de vue sanitaire, le personnel des entreprises, il faut profiter de moyens modernes, en ayant accès au dossier médical partagé. Cela me paraît incontournable. On ne pratique plus la médecine du XXe siècle, il est temps d’accepter la médecine du XXIe siècle !

En outre, des garanties de sécurité existent ; les examens figurant dans le dossier sont cryptés ; toutes les mesures de sécurité nécessaires sont prises. Je ne vois donc pas pourquoi on cacherait ce dossier au médecin du travail, à moins de considérer qu’il ne se place pas sur le même plan qu’un médecin de ville ; or ce sont véritablement des médecins. Soyons-y attentifs.

Ainsi, mes chers collègues, si vous me le permettez, je vous invite à retirer vos amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur Savary, vous demandez vous-même pourquoi les salariés cacheraient quelque chose. Tout est là !

Le salarié doit pouvoir refuser que sa vie soit connue à 360 degrés, il peut penser que cela ne regarde pas le médecin du travail. Ce dernier peut tout à fait, sur un point particulier, interroger le médecin traitant, mais le salarié peut n’avoir pas envie que l’ensemble des résultats de ses examens soient portés à la connaissance du médecin du travail.

Or, s’il refuse de donner son consentement au moment de l’embauche, le médecin du travail se demandera ce qu’il cache. C’est cela qui ne va pas ! Cet accord du salarié est biaisé. Ne croyez pas que toutes les parties soient également libres de refuser ou d’accepter. Personnellement, sans rien avoir à cacher, je ne permettrais pas à un médecin du travail d’accéder aux résultats de tous les examens que j’ai réalisés au cours de ma vie.

Monsieur le secrétaire d’État, vous indiquez que le consentement du salarié sera éclairé, mais ce dernier n’aura pas forcément conscience de tous les enjeux du partage de ses habitudes de vie et de ses problèmes de santé, y compris les dépressions, les hospitalisations pour dépression et les cures de désintoxication.

J’ai été marquée par le fait que vous sous-entendiez que le patient n’aurait rien à cacher. Or, si le salarié refuse, le médecin du travail se demandera justement ce qu’il cache. Comme le dit le philosophe, il vaut mieux que la question ne soit pas posée ! En revanche, le salarié peut autoriser le médecin du travail, sur un problème particulier de santé, contacter son médecin généraliste.

Le médecin généraliste est dans une autre situation. Il s’agit non pas de lui communiquer tout ce qui concerne la vie professionnelle de son patient, mais de lui indiquer, par exemple, son degré d’exposition à certains agents chimiques. Seule une partie des données est communiquée, non toute la réalité du travail.

Vous semblez ignorer que le refus du salarié peut avoir des conséquences et vous faites comme si l’accès aux données de santé n’avait aucun impact.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 58, 109 et 150.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 59, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

exprès

insérer le mot :

écrit

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement, qui a trait à la notion de consentement éclairé, est un amendement de repli par rapport à notre amendement de suppression de l’article 11, qui permet au médecin du travail d’accéder au dossier médical partagé après accord du salarié.

À défaut de supprimer l’accès à ce dossier, il convient de garantir au mieux l’expression du libre consentement du salarié au partage de ses données personnelles de santé. En effet, l’ouverture du dossier médical partagé au médecin du travail doit recueillir l’accord sans ambiguïté du salarié. Ainsi, après l’ajout par l’Assemblée nationale de la nécessité du recueil du consentement éclairé du salarié – cela ne figurait pas dans la version initiale de la proposition de loi, remercions donc les députés de cette avancée – et en complément des modifications apportées par la commission pour renforcer le consentement du salarié, ce qui est tout à fait positif, il nous paraît nécessaire de mentionner que ce consentement devra être recueilli par écrit.

Mes chers collègues, chaque fois qu’une décision nécessite le consentement éclairé de l’intéressé, cela passe par l’écrit. Quand on doit signer en bas d’une feuille, on lit ce que l’on signe et on réalise l’importance de ce que l’on autorise.

Selon moi, un consentement éclairé doit être délivré par écrit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le consentement du travailleur à l’accès de la médecine du travail à son DMP devra être écrit.

Nous partageons le souci de garantir le libre consentement du travailleur. C’est pourquoi la commission des affaires sociales a modifié l’article 11 pour prévoir que ce consentement ne pourra pas être donné oralement, mais devra emprunter une voie dématérialisée préservant le libre choix du travailleur. Cette voie de consentement nécessitera une intervention de la personne concernée, via l’application ou le site internet de consultation de son DMP.

Puisque cela permet de répondre à votre préoccupation, madame Poncet Monge, la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Des dispositions du code de la santé publique prévoient déjà cela. L’alignement retenu par la commission des affaires sociales est bienvenu.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 59.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 228, présenté par Mme Gruny et M. Artano, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer une disposition superfétatoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 228.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11, modifié.

(Larticle 11 est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 73 amendements au cours de la journée ; il en reste 110.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 11 (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Discussion générale

7

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2021 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 6 juillet 2021 :

À quatorze heures trente et le soir :

Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour renforcer la prévention en santé au travail (texte de la commission n° 707, 2020-2021).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 6 juillet 2021, à zéro heure trente-cinq.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER