M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Pour préparer l’examen de cet article du projet de loi relatif au lancement d’une expérimentation sur la recentralisation du RSA, nous avons auditionné les responsables du département de la Seine-Saint-Denis.

Chacun peut comprendre que ce département, le principal concerné par ce dispositif, y soit favorable, mais nous avons interrogé la direction générale de la cohésion sociale, la DGCS, pour qu’elle nous transmette des informations sur la recentralisation du RSA qui a eu lieu à La Réunion, en Guyane et à Mayotte. Or la DGCS a été incapable de nous donner la moindre information !

C’est pourquoi la commission avait décidé de supprimer cet article du projet de loi, puis émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

J’ai fait part de cette incompréhension lors de la discussion générale et j’ai vu que Mme la ministre était très étonnée que nous n’ayons reçu aucun renseignement à ce sujet. Elle a toutefois fait preuve d’une grande efficacité, puisque j’ai reçu mardi soir un rapport complet sur la recentralisation du RSA dans ces trois départements d’outre-mer ! J’ai immédiatement transmis ce rapport aux autres membres de la commission des affaires sociales – certains ne l’ont peut-être pas encore reçu.

En tout cas, ce rapport me satisfait, si bien que, à titre personnel, je suis favorable aux amendements identiques nos 61 rectifié et 1414. De ce fait, je demande, là aussi à titre personnel, le retrait de l’amendement n° 1274.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1274 ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame la sénatrice Lubin, je sollicite le retrait de votre amendement au profit de celui du Gouvernement.

J’ai bien entendu vos réserves. Je tiens à le préciser, la convention entre le président du conseil départemental et le préfet encadrera l’expérimentation et les effets sur les politiques d’insertion, et les contreparties nécessaires seront étudiées.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Pour notre part, nous étions sur le point de regretter qu’il n’y ait pas d’évaluation. Cette objection étant levée, nous en sommes ravis !

Le groupe écologiste n’est pas opposé à l’expérimentation de la recentralisation sur une base volontaire, mais force est de constater que la motivation principale, sinon unique, est bien financière, la part de cette dépense dynamique supportée par les départements devenant, pour certains, ingérable dans le cadre d’un budget contraint.

La cause en est une participation insuffisante de l’État à cette prestation universelle, qui, dès lors, conduit à comprimer les budgets dédiés à l’accompagnement des allocataires, alors même que son montant est nettement insuffisant et exclut les jeunes de moins de 25 ans.

Le reste à charge pour les départements est de 4 milliards d’euros, mais la progression inédite en 2020, du fait de la crise sanitaire et sociale, touche les départements de façon différenciée. Certains attendent de la recentralisation, tout simplement, un allégement du poids financier, l’État prenant enfin, par cette voie, sa part de l’effort budgétaire et déléguant aux caisses d’allocations familiales, les CAF, la gestion administrative du RSA.

Rappelons que le nombre de bénéficiaires supplémentaires du RSA en 2020 était de 165 000, selon la dernière publication de l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques.

La recentralisation doit permettre aux départements de consacrer plus de moyens à l’accompagnement social et à l’insertion, qui restent ses véritables compétences. Dès lors, il conviendra de veiller aux ressources fléchées vers cette action sociale.

Par ailleurs, cette recentralisation ne saurait accompagner un renforcement de la politique de contrôle, voire de double contrôle : ce serait un comble alors que l’on mesure déjà les effets délétères d’une perte de bienveillance envers ce public des plus précaires, à qui il faudrait avant tout redonner confiance. C’est la conséquence d’un discours, martelé sans cesse, appelant à toujours plus de contrôle social.

Plus de capacité d’accompagnement et de soutien par des travailleurs sociaux de proximité renouant avec le sens de leur métier : voilà, selon nous, ce que doit permettre l’expérimentation de la recentralisation, avec des critères et indicateurs d’évaluation définis et suivis, dont nous ne savons rien encore.

En conclusion,…

M. le président. Il faut conclure, effectivement !

Mme Raymonde Poncet Monge. … je tiens à redire que, si l’État avait pris sa part du poids financier, nous n’aurions pas demandé la recentralisation.

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.

M. Dominique Théophile. Très rapidement, après avoir écouté la liste dressée par Mme la ministre, j’aimerais savoir si le département de Guadeloupe n’a pas également formulé une demande officielle pour ce qui concerne la recentralisation du RSA.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Nous allons donc dans le sens de l’expérimentation, monsieur le rapporteur. Soit, mais il faut être très vigilant sur les conditions financières, qui ne sont pas définies. Il ne faut pas que ce soit le principe du « donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure » qui s’impose ! (Sourires.)

Quand les départements ont récupéré la gestion du RSA, l’État a compensé à l’euro près, sauf que les départements ne versaient rien alors. À présent, on propose de reprendre l’argent des départements pour financer, pour le compte de l’État, la prestation du RSA. Cela ne peut pas se passer ainsi, parce que les départements qui ont consacré le plus d’argent au RSA seront les plus appauvris en comparaison de ceux qui ont moins versé de RSA.

Les conditions financières doivent donc être examinées avec précaution. Pour ma part, je suis tout à fait circonspect quant à une expérimentation dont on n’a pas encore évalué les tenants et les aboutissants, ne serait-ce qu’au travers d’un projet de cahier des charges.

Monsieur le rapporteur, de grâce, faites preuve d’une grande prudence !

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. Je soutiens ces amendements. Nous réclamons régulièrement plus de souplesse, plus de place pour l’initiative locale et plus de différenciation. Or nous sommes exactement dans un tel cas avec cette recentralisation du RSA qui est fondée sur le volontariat des départements.

Quant aux conditions financières, évidemment, elles seront étudiées au cas par cas et devront faire l’objet d’un accord dans chaque département.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Je voudrais tout d’abord remercier le président Milon de nous avoir fait passer ce matin ce document tout à fait instructif. Il va à l’évidence dans le sens des départements qui, comme le mien, ont demandé à bénéficier de cette expérimentation.

S’agissant du financement, nous serons extrêmement vigilants.

Il faut que l’État nous laisse toute l’enveloppe nécessaire à l’insertion, puisque nous voulons garder cette compétence. Pour le reste, les départements étant aujourd’hui extrêmement déficitaires, si l’État ne nous ponctionne pas pour payer ce que, aujourd’hui, il devrait payer, nous serons forcément d’accord. Mais tout cela, nous le verrons lorsque les principes de l’expérimentation nous seront proposés.

Madame la ministre, je ne sais pas si nous nous sommes bien comprises. Pour ma part, je veux m’assurer réellement que l’enveloppe financière dévolue aux départements pour l’insertion ne sera pas exclusivement reliée à des résultats. En effet, on sait ce que cela peut donner.

Pour être clair, quand on vous demande d’insérer les publics les plus éloignés de l’emploi et que l’on vous donne des objectifs qui sont difficiles à atteindre, le résultat ne se fait pas attendre. Ayant vécu de telles situations dans d’autres structures, je voudrais vraiment avoir des assurances sur ce point.

Enfin, nous avons déjà évoqué le non-recours, et je pense que nous aurons d’autres occasions d’en parler. Je retire donc mon amendement, monsieur le président, car je veux m’assurer que ce droit à l’expérimentation sera rétabli grâce au vote des deux amendements identiques.

M. le président. L’amendement n° 1274 est retiré.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je n’ai peut-être pas été claire, madame la sénatrice : la recentralisation se traduira par un contrat entre un département et l’État. Si, dans le contrat proposé, les conditions ne satisfont pas le département, celui-ci ne le signe pas. C’est aussi simple que cela !

Par ailleurs, pour répondre à M. Théophile, nous n’avons pas reçu pour l’instant de demande de la Guadeloupe.

Enfin, monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie de votre position.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Nous avons auditionné les élus de la Guadeloupe : nous avons bien vu qu’ils étaient intéressés, mais ils ne sont pas encore officiellement candidats.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 61 rectifié et 1414.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 35 est rétabli dans cette rédaction.

Article 35 (supprimé) (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale
Discussion générale

3

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires sociales a été publiée. Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Modifications de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, en accord avec le Gouvernement et la commission, nous pourrions d’ores et déjà prévoir de lever notre séance de demain, vendredi 16 juillet 2021, à dix-sept heures.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mardi 20 juillet, après-midi et soir, de l’examen des conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi dit « Climat et résilience », sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales et sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, puis de la nouvelle lecture du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme, et, enfin, de la suite de l’examen du projet de loi dit « 3DS ».

Acte est donné de ces demandes.

En outre, en raison de la tenue de la conférence des présidents à quatorze heures quinze, l’ouverture de la séance publique du mardi 20 juillet serait reportée à quinze heures.

Y a-t-il des observations ?...

Il en est ainsi décidé.

Le Gouvernement demande également que la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement soit inscrite à l’ordre du jour du mercredi 21 juillet, l’après-midi et le soir.

Acte est donné de cette demande.

Nous pourrions fixer le délai limite de dépôt des amendements de séance sur ce texte au mercredi 21 juillet, à l’ouverture de la discussion générale. De plus, afin de pouvoir terminer l’examen de ce texte mercredi, nous pourrions d’ores et déjà prévoir d’ouvrir la nuit du mercredi 21 juillet.

Y a-t-il des observations ?...

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, par la même lettre, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du jeudi 22 juillet, le soir, et du vendredi 23 juillet, le matin et l’après-midi, du projet de loi relatif à l’adaptation de nos outils de gestion de la crise sanitaire.

Acte est donné de cette demande.

Pour l’examen de ce texte, nous pourrions réserver la séance du soir du jeudi 22 juillet à la discussion générale. Nous pourrions également fixer le délai limite de dépôt des amendements de séance au jeudi 22 juillet, à l’ouverture de la discussion générale.

Y a-t-il des observations ?...

Il en est ainsi décidé.

5

 
Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020
Débat commun

Orientation des finances publiques et règlement du budget et approbation des comptes de 2020

Débat et rejet d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020
Article liminaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur l’orientation des finances publiques et la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 (projet n° 699, rapport n° 743).

La conférence des présidents a décidé de joindre la discussion générale de ce projet de loi au débat sur l’orientation des finances publiques.

Dans le débat commun, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général du budget, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, l’exécution budgétaire de l’année 2020 témoigne de la réponse massive et rapide que l’État a apportée pour soutenir les ménages, les entreprises et les collectivités locales face à une crise historique.

Pour ce faire, et grâce à votre concours, nous avons donné à l’État les moyens d’être à la hauteur, par les différentes lois de finances rectificatives que le Gouvernement vous a proposées.

Conséquence de ces choix imposés par la crise, l’exercice 2020 a fait naître de nouveaux défis, auxquels nous ne pourrons répondre que par la croissance de l’économie et la poursuite des réformes.

Il me semble utile de revenir tout d’abord devant vous sur l’ensemble des enseignements et défis que nous pouvons tirer de l’année 2020, puis d’évoquer la situation de 2021, et, enfin, de vous présenter les orientations que le Gouvernement propose pour les finances publiques de l’État pour l’année 2022.

Avec un recul de presque 8 % du PIB en 2020, le choc qu’a constitué la crise sanitaire est inouï. Pour autant, cette dégradation des finances publiques n’est rien d’autre que le résultat des mesures, notamment sanitaires, prises ensemble pour protéger les Français du virus.

À la suite de l’annonce du premier confinement, le Gouvernement a présenté au Parlement, dès le 18 mars 2020, un premier projet de loi de finances rectificative d’urgence, adopté cinq jours plus tard seulement. Ces délais d’examen resserrés ont apporté la preuve de l’esprit de concorde et de responsabilité que la crise a suscité et que nous nous sommes collectivement efforcés de maintenir depuis lors.

Cette première loi de finances rectificative, ou LFR, nous a permis de créer trois dispositifs de soutien, aujourd’hui bien connus de nos compatriotes. Ils ont depuis lors été adaptés et complétés par trois LFR successives et de nombreux autres textes législatifs et réglementaires.

Grâce à votre vigilance et à l’attention des services de l’État, le soutien apporté a été enrichi, pour prendre en compte les spécificités sectorielles, réglementaires et géographiques de chacun des acteurs qui ont eu recours à ces dispositifs.

Je pense, en premier lieu, à l’activité partielle. Forts de l’expérience des crises passées, notamment celle de 2008, nous avons mis en place un soutien massif pour protéger les entreprises, leurs salariés et leur savoir-faire, et, ainsi, préserver les compétences nécessaires à la reprise.

Nous vous avons donc proposé une forme d’activité partielle très généreuse qui, depuis le début de la crise, a représenté un montant total d’environ 35 milliards d’euros, dont 26,3 milliards d’euros en 2020. Sur cette dernière somme, 17,8 milliards d’euros ont été décaissés depuis le budget de l’État, le reste étant pris en charge par l’Unédic. Au plus fort de la crise, en avril 2020, c’est 1 million d’entreprises qui a fait appel à l’activité partielle, pour plus de 8 millions de salariés.

Je pense ensuite au fonds de solidarité. Si ce dispositif a d’abord été pensé comme un filet de sécurité à court terme pour les très petites entreprises, nous l’avons rapidement transformé en un soutien massif à destination de l’ensemble des entreprises particulièrement touchées par la crise sanitaire.

Depuis sa création, 31 milliards d’euros ont été versés en réponse à plus de 9,6 millions de demandes, dont 11,8 milliards d’euros et 6,3 millions de demandes pour la seule année 2020. Au total, quelque 2,2 millions d’entreprises ont pu bénéficier du fonds de solidarité.

Les délais de versement des aides ont été, dans leur grande majorité, de trois jours ou moins. J’en profite pour remercier l’ensemble des administrations de Bercy, lesquelles ont fait preuve d’une grande réactivité et d’un engagement sans faille pour mettre en œuvre, conduire et adapter le fonds, qui a connu pas moins de onze versions en 2020, sans compter les dispositifs « cousins ».

Enfin, il y a eu les prêts garantis par l’État, les PGE. Il a été donné aux entreprises la possibilité de souscrire à ce dispositif destiné à soulager leur trésorerie, avec des conditions de remboursement progressivement assouplies au fil de la crise.

Ce dispositif a connu lui aussi un succès certain, puisque plus de la moitié des entreprises des secteurs les plus touchés y ont eu recours. Il faut savoir que, à la fin de juin 2021, c’est un tiers des entreprises qui a contracté un PGE, pour un total de 140,6 milliards d’euros.

Contrairement aux craintes qui se sont exprimées lors de leur mise en place, les PGE n’ont pas maintenu en vie beaucoup d’entreprises « zombies ». Je puis vous dire que nous sommes particulièrement rassurés sur la capacité de remboursement des entreprises lorsque les échéances vont arriver.

D’autres formes de soutien de l’État ont complété l’arsenal des aides, comme les reports fiscaux et sociaux, les exonérations de cotisations sociales, les aides au paiement ou encore le renforcement exceptionnel des participations financières de l’État au capital d’entreprises stratégiques.

Le financement de ces dispositifs n’était pas un enjeu anodin. Nous avons toujours été prudents et nous avons toujours fait preuve de prévoyance, pour que jamais les crédits nécessaires ne manquent. Compte tenu de l’incertitude extrême dans laquelle nous a plongés la crise, nous vous avons proposé à plusieurs reprises d’ouvrir des crédits d’un montant suffisamment important pour faire face à d’éventuels durcissements de la situation sanitaire, ce qui s’est souvent justifié par la suite.

Le Parlement et la Cour des comptes ont fait part de leurs interrogations légitimes quant au niveau des reports de crédits de 2020 vers 2021.

J’ai eu l’occasion de m’en expliquer devant vous lors de l’examen du PLFR 2021, en rappelant que nous avions proposé d’inscrire des crédits pour faire face à un confinement dur pour les mois de novembre et décembre 2020, celui-ci, et c’est heureux, ayant finalement été limité au mois de novembre. Par ailleurs, alors que nous avions anticipé une baisse d’activité de 20 %, celle-ci a été limitée à 11 % en novembre 2020 et à entre 6 % et 7 % au mois de décembre 2020.

Notre objectif était d’assurer le financement de l’urgence, tout en informant avec sincérité le Parlement. Il a été atteint, et c’est pour nous l’essentiel. Je préfère mille fois être dans la situation, qui peut paraître inconfortable, d’avoir à justifier du report de plusieurs milliards d’euros de crédits, plutôt que d’avoir pris le risque de ne pas pouvoir verser, pour des questions de trésorerie, les aides aux entreprises qui les attendaient.

Je crois que l’État a répondu de manière efficace et proportionnée à la crise. C’est le résultat que l’on peut afficher, plus d’un an après son déclenchement.

Les dispositifs, qui ont évolué avec les connaissances sur la maladie et avec l’adaptation de notre société et de son économie, ont permis de préserver le pouvoir d’achat des Français. Celui-ci a globalement augmenté de 0,4 % en 2020, d’après l’Insee, et cela malgré la forte baisse de l’activité. Il faut souligner, notamment, que les revenus soumis à retenue à la source, c’est-à-dire essentiellement les salaires et les retraites, ont été supérieurs de 3,5 % en 2020 par rapport à 2019. Cette tendance se confirme au début de l’année 2021.

Par ailleurs, les aides de l’État ont permis de préserver les entreprises, notamment les TPE et les PME, qui constituent la base de notre tissu économique, industriel et productif. Elles ont largement bénéficié de l’activité partielle et du fonds de solidarité, qui ont limité le nombre de faillites à un niveau historiquement bas, malgré la crise.

Enfin, la capacité de financement des collectivités locales a été préservée. Elles affichaient le plus souvent une excellente santé financière à la fin de l’année 2020 : leur besoin de financement était de 1,2 milliard d’euros – contre 137 milliards d’euros pour l’État et la sécurité sociale –, mais celui-ci doit être considéré comme nul, puisque les comptes étaient à l’équilibre en 2020, ce qui témoigne d’une dégradation très limitée par rapport à ce que nous pouvions craindre.

Notre politique d’aide exceptionnelle face à la crise a donc montré son efficacité. Elle a permis à tous les acteurs économiques de reprendre leur activité de la manière la plus sereine et la plus dynamique possible.

Je saisis l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour dire que, si nous avons pu mettre en place ce soutien efficace aussi promptement et massivement, c’est aussi parce que nous avions reconstitué des marges de manœuvre budgétaires.

Le déficit public de 2019 a été le plus faible depuis 2001, retombant à 2,2 % du PIB, hors bascule du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, vers les allégements généraux. Rappelons aussi que le ratio de dette publique a diminué en 2018, puis en 2019, pour les premières fois depuis 2007. Dans le même temps, nous avons tenu nos engagements en proposant au Parlement, qui a voté cette mesure, de baisser les impôts des Français, puisque le taux de prélèvements obligatoires a diminué de 1,3 point de PIB entre 2017 et 2019.

C’est un élément sur lequel je souhaite insister, car j’ai la conviction que, sans le sérieux budgétaire dont nous avons fait preuve avant la crise, nous n’aurions pu réagir aussi fortement ni aussi efficacement.

C’est aussi pourquoi nous sommes aujourd’hui face à un défi de taille. L’exécution du budget de l’État en 2020, que le Gouvernement vous propose d’approuver, révèle un déficit de 178,2 milliards d’euros, soit 1,9 milliard d’euros de plus que les 93,1 milliards d’euros de déficit que vous aviez votés en loi de finances initiale pour 2020.

Les dépenses du budget général, notamment pour les dispositifs d’urgence, soit 44,1 milliards d’euros, expliquent plus de la moitié de cet écart. Le reste tient essentiellement à la chute des recettes fiscales, pour 37,1 milliards d’euros.

Pour autant, nous avons beaucoup appris du premier confinement, de sorte que le niveau d’activité a été meilleur que ce que nous redoutions à la fin de l’année 2020, ce qui a permis de maintenir les recettes fiscales à un niveau plus important que celui que nous envisagions.

Elles sont supérieures, dans la loi de règlement que je vous propose d’adopter, de 6,7 milliards d’euros par rapport à la dernière prévision de la LFR 4 pour 2020, notamment parce que le rendement de l’impôt sur les sociétés est supérieur de 3,6 milliards d’euros, le rendement de la TVA de 1,7 milliard d’euros et le rendement de l’impôt sur le revenu de 0,8 milliard d’euros, ce qui reflète, en particulier, la bonne tenue du pouvoir d’achat des Français, principalement grâce à l’activité partielle.

Enfin, le rendement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, est meilleur de 500 millions d’euros.

Après vous avoir dressé ce tableau et présenté un projet de loi de règlement qui affiche un déficit historique de 9,2 %, à cause de la récession la plus importante connue depuis l’après-guerre, nous devons aussi nous pencher sur les orientations que nous vous proposons de retenir pour la préparation du budget 2022.

Au-delà du seul budget de l’État, la sortie de la crise que nous espérons tous – de la crise épidémique, s’entend – et la fin de la crise économique qui en est la conséquence doivent nous amener à retrouver le cap du sérieux et de la soutenabilité que nous avions tenu jusqu’à ce que la crise impose son propre agenda.

Je le redis, si le déficit a été historique en 2020, à hauteur de 9,2 %, il restera très élevé en 2021, même si l’amélioration des perspectives de croissance nous permet de le revoir à la baisse, à un niveau légèrement inférieur à 9 % du PIB, contre 9,4 % lors de la présentation du PLFR voilà quelques semaines et 9 % lors de la présentation du programme de stabilité voilà quelques mois.

La préparation du PLF 2022 doit nous permettre de regarder vers l’avenir, tout en soulignant les priorités qui restent les nôtres.

Ainsi, l’année prochaine, nous continuerons de relancer l’économie. Le plan de relance de 100 milliards d’euros a déjà été engagé à hauteur de 40 %, et 2022 sera la seconde étape pour finir au plus vite d’engager les sommes prévues pour retrouver la croissance, en digitalisant, en verdissant et en dynamisant notre économie.

Ce plan a des effets : la consommation est soutenue ; l’investissement des entreprises est fort. C’est ce qui nous permet de réviser notre hypothèse de croissance, initialement prévue à 5 %, jusqu’à 6 %, en lien avec les dernières estimations de l’Insee.

Au-delà de cette relance rapide, le Président de la République a fait part de son intention de mettre en place un plan d’investissement pour construire la France de 2030, une France à la hauteur des défis d’aujourd’hui, renforcée par des industries à haute valeur ajoutée et au rendez-vous avec des innovations de rupture.

Ce projet de plan d’investissement, qui vise à renforcer et conforter la croissance potentielle, fera l’objet de réflexions et de travaux qui se tiendront jusqu’en septembre prochain. Il s’agira d’en déterminer le périmètre, les priorités et les modalités de financement, à une échelle nationale ou communautaire, mais aussi d’examiner ce qui relève de crédits budgétaires, de mobilisation d’outils comme le programme d’investissements d’avenir ou encore des dispositifs mis en place par la Banque publique d’investissement, Bpifrance.

Par ailleurs, le Président de la République s’est aussi prononcé pour la mise en place d’un revenu d’engagement, pour aider les jeunes sans emploi et sans formation à s’insérer dans le monde du travail, et ce grâce à un suivi personnalisé, dans une logique très équilibrée entre les droits et les devoirs. C’est un engagement sur lequel nous vous proposerons aussi de travailler d’ici à la présentation du projet de loi de finances pour 2022.

En outre, ce projet de loi de finances pour 2022 doit être l’occasion de poursuivre nos efforts dans les domaines qui nous apparaissent prioritaires.

Je pense à l’éducation, à la justice, à la sécurité, à l’environnement et au soutien aux plus fragiles. La crise ne nous a pas lié les mains, et le projet de loi de finances pour 2022 doit nous permettre de décliner d’abord les lois de programmation – je pense à la loi de programmation militaire, à la loi de programmation pour la justice et à la loi de programmation de la recherche –, mais aussi de tenir des engagements pluriannuels qui ont été pris, et là, je pense notamment à la hausse des moyens dédiés à l’aide publique au développement : autant de priorités et d’engagements du quinquennat qui seront tenus.

Nous poursuivrons aussi notre effort en matière de sécurité. Le ministère de l’intérieur verra ses moyens augmenter de plus d’un milliard d’euros, pour donner aux forces de l’ordre les moyens de mener à bien leur mission.

Le ministère de la justice, pour la seconde année consécutive, verra les crédits dont il dispose augmenter de 8 %. Ce qui avait été qualifié par tous d’« augmentation historique » en 2021 sera réitéré en 2022, soit un rythme d’évolution bien supérieur à ce qui était prévu dans le cadre de la loi de programmation pour la justice. En effet, nous considérons que cette action est prioritaire et que nous devons dégager des moyens pour accompagner la réforme et la modernisation de la justice.

Nous maintiendrons aussi notre engagement pour l’éducation. Le Grenelle de l’éducation est d’ores et déjà décliné à hauteur de 700 millions d’euros, ce qui permettra de revaloriser les corps encadrants et enseignants, mais aussi de financer la protection sociale complémentaire pour la part relevant désormais obligatoirement de la participation de l’employeur.

Nous poursuivrons le déploiement de l’école inclusive, avec le recrutement de 4 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap supplémentaires à la rentrée de septembre 2022. Le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports verra ainsi son budget croître de plus de 1,7 milliard d’euros.

Par ailleurs, nous maintiendrons les mesures de solidarité que nous envisagions. Ainsi, quelque 200 000 places d’hébergement d’urgence resteront ouvertes jusqu’en mars 2022 et, conformément à l’engagement du Président de la République, le dispositif « 1 jeune, 1 solution » sera prolongé : il a déjà permis à 2 millions de jeunes de trouver une formation, de décrocher un emploi ou encore de signer un contrat d’apprentissage.

Nous maintiendrons aussi notre soutien à la jeunesse par le déploiement du Pass’Sport et du pass culture, étendus aux collégiens et aux lycéens, et par le doublement du nombre de places ouvertes au titre du service national universel, puisque nous ambitionnons de porter à 50 000 le nombre de volontaires pour 2022.

Toujours dans le projet de loi de finances pour 2022, que j’aurai l’occasion de présenter en conseil des ministres à la fin du mois de septembre prochain, nous continuerons d’investir massivement pour la transition écologique.

Ainsi, l’enveloppe du dispositif MaPrimeRénov’ sera abondée afin de relancer et d’accompagner la transition énergétique. Les crédits consacrés aux infrastructures de transport, notamment ferroviaires, seront augmentés en ligne avec la loi d’orientation des mobilités ; le soutien au fret ferroviaire sera maintenu et amplifié. En outre, les crédits dédiés à la biodiversité seront rehaussés.

En somme, le virus n’aura pas fait vaciller nos ambitions, et nous ne dérogerons pas à nos engagements dans les années à venir.

Autre engagement auquel nous sommes attachés : continuer à réformer, et cela en 2022.

Nous continuerons en effet à transformer l’État et son action. La réforme de la fonction publique, par exemple, suivra son cours via l’examen des derniers textes d’application. De plus, nous mettrons en œuvre, évidemment, la réforme de la haute fonction publique annoncée par le Président de la République.

Nous allons aussi travailler pour que l’année 2022 marque le retour à une forme de normalisation de la dépense publique.

Comme je l’ai souligné à de multiples reprises devant vous et ailleurs, le niveau de dépenses que nous avons atteint aujourd’hui dans le cadre de l’application des mesures d’urgence, les dépenses dites « ordinaires » et des mesures de relance n’est pas soutenable dans le temps, et, avec la fin de la crise épidémique, la parenthèse du « quoi qu’il en coûte » devrait se refermer. Ce sera le cas progressivement, comme nous l’avons dit, et nous prenons ainsi pleinement en compte l’importance de l’objectif de soutenabilité de nos finances publiques.

En effet, si nous pouvons réviser l’hypothèse de croissance de 5 % à 6 %, il n’en reste pas moins que la trajectoire de nos finances publiques est dégradée : nous aurons, comme je l’ai indiqué, un déficit public légèrement inférieur à 9 % du PIB en 2021 et nous maintenons une prévision de déficit à 5,3 % pour 2022, conformément à la trajectoire exposée dans le cadre du programme de stabilité.

Nous devons aller au bout des engagements pris devant vous à l’occasion de la présentation de ce programme de stabilité, autrement dit le retour à une forme de redressement, donc le retour au respect du critère des 3 % en 2027.

Comme nous l’avions alors indiqué, cela implique en premier lieu de contenir l’augmentation des dépenses ordinaires. C’est ce que nous faisons, comme vous avez pu le constater dans le document que nous vous avons adressé, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je sais que sa transmission a été tardive, mais je puis vous assurer que mes équipes, ainsi que celles de la direction du budget, ont travaillé jusque dans le quart d’heure qui a précédé son envoi, à un peu plus de cinq heures du matin, après que les derniers arbitrages ont été rendus.

Les excuses que je présente à la représentation nationale pour cet envoi tardif se doublent de mes remerciements pour la mobilisation, nuit et jour, y compris les jours fériés, de mes équipes et de celles de la direction du budget.

Nous continuerons donc à maîtriser l’évolution des dépenses publiques, l’augmentation des dépenses ordinaires restant limitée à 10,8 milliards d’euros. C’est une marche importante qui a été franchie : cela s’explique essentiellement par la mise en œuvre des lois de programmation, mais aussi par notre volonté de ne pas gâcher, d’une certaine manière, les efforts extrêmement importants que nous avons déployés pour faire face à la crise et accompagner la relance.

En second lieu, nous allons continuer à travailler à la stabilisation des dépenses de fonctionnement. Cela se traduira notamment par des efforts pour stabiliser les effectifs de la fonction publique d’État sur l’ensemble du quinquennat : le schéma d’emploi que j’aurais à vous présenter dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 traduira cette nécessité.

Nous continuerons à mettre en œuvre un certain nombre de réformes. Le Président de la République a rappelé sa volonté de mettre en place, dès le 1er octobre 2021, la réforme de l’assurance chômage.

Par ailleurs, et peut-être de manière moins visible, nous travaillons à une refonte globale de la politique des achats de l’État, qui nous permettra de réaliser des économies de fonctionnement, en optimisant un volume important de dépenses publiques, mais aussi en rationalisant nos organisations, nos processus et notre stratégie d’achat.

Enfin, nous aurons l’occasion d’ouvrir plusieurs chantiers de réforme de la gouvernance des finances publiques, chantiers internes, notamment avec la réforme de l’organisation financière de l’État, la volonté de responsabiliser les gestionnaires publics, mais aussi le rapprochement des directions financières du ministère avec celles du contrôle budgétaire externe, qui est exercé par le ministère des comptes publics.

Ce chantier est partagé avec le Parlement, puisque c’est l’objet des propositions de loi organique déposées, d’une part, par Thomas Mesnier, et, d’autre part, par Éric Woerth et Laurent Saint-Martin, que l’Assemblée nationale aura à examiner la semaine prochaine. C’est aussi l’objet de la proposition de loi organique déposée par Mme la présidente Deroche et M. Jean-Marie Vanlerenberghe en matière de finances sociales.

J’ai la conviction que cette réforme des lois organiques et du cadre dans lequel s’inscrit la gouvernance des finances publiques sera utile pour recouvrer de la lisibilité et rendre à notre niveau de dépenses un niveau soutenable.

Je conclus en un mot, mesdames, messieurs les sénateurs : le projet de loi de règlement que je vous présente en cet instant traduit et illustre l’application de ce que nous avons appelé le « quoi qu’il en coûte », c’est-à-dire la mise en œuvre d’une réponse rapide, que nous pensons et savons efficace pour faire face à la crise, avec pour conséquence une dégradation de nos finances publiques et la nécessité d’en prendre acte.

Notre objectif pour 2022 est de revenir à une forme de soutenabilité, donc à une normalisation des finances publiques et de leur gouvernance à l’échelle nationale. Nous voulons continuer à répondre à la crise et accompagner la relance, mais aussi financer les priorités du Gouvernement et du Président de la République, sans compromettre l’avenir. Enfin, il nous faut trouver les voies et moyens d’un redressement progressif des finances publiques de l’État après la dégradation majeure que nous avons connue.

C’est la raison pour laquelle j’invite le Sénat, d’une part, à adopter le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020, et, d’autre part, à valider, après le débat qui nous réunit ici cette après-midi, les orientations en matière de finances publiques que le Gouvernement propose au Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)