M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, si telle était véritablement votre intention, il suffisait de viser les passeports diplomatiques et les passeports de service ! En l’occurrence, vous punissez toute une population, montrant au passage à quel point un examen sérieux et non arbitraire des visas relève de la fiction. Vous mettez en effet en place un couperet qui touchera les visas Schengen, alors qu’il suffira que cette demande de visa soit faite dans un autre pays européen pour éviter l’arbitraire français.

Madame la ministre, procéder de cette manière n’est pas très sérieux. J’ajoute, puisque ce débat porte sur le pacte européen pour l’asile et les migrations, que celui-ci précise bien qu’il faut remplacer les migrations illégales par des migrations légales et contrôlées. Or votre gouvernement fait exactement le contraire !

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Yves Leconte. Ce n’est pas ainsi qu’on lutte contre l’immigration illégale. Ce n’est pas ainsi que l’on gagnera de la crédibilité dans la négociation de ce pacte.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, voilà six ans, face à une crise migratoire sans précédent, les citoyens européens découvraient avec effarement l’impréparation des États membres, totalement dépassés par l’ampleur des flux. Leur incapacité à enregistrer les arrivants ou leur refus de le faire ont largement contribué au chaos.

Le faible niveau d’équipement de certains États, la fragmentation des différentes bases de données numériques et leur utilisation inégale ont été sources de difficultés dans la gestion de la crise.

Ces difficultés n’étaient pas nouvelles : elles avaient déjà été identifiées dans un rapport de 2007, qui avait accompagné la modification du règlement Eurodac intervenue en 2008. La création de nouveaux systèmes d’information et leur mise en interopérabilité ont donc été logiquement des chantiers prioritaires ces dernières années. En 2016, à travers la proposition de réforme dite Dublin IV, la Commission européenne souhaitait intégrer de nouveaux outils d’identification dans la base Eurodac.

Madame la ministre, les réformes législatives entreprises ont-elles enclenché une réelle dynamique et produisent-elles d’ores et déjà des résultats opérationnels ? Tous les États membres démontrent-ils leur capacité et leur volonté d’utiliser pleinement ces bases de données, qui sont cruciales pour la maîtrise des frontières et la sécurité de l’Europe ? En d’autres termes, la réforme du règlement Eurodac proposée a-t-elle une chance d’être adoptée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Lavarde, l’interopérabilité vise à améliorer la sécurité dans l’espace Schengen, les contrôles aux frontières extérieures et la gestion de l’immigration. Elle consistera à faire dialoguer différents systèmes d’information européens, notamment les systèmes d’information Schengen et Eurodac. Elle permettra aux autorités de contrôle aux frontières, d’immigration et de sécurité intérieure d’obtenir en une seule requête des informations détaillées provenant de tous les systèmes d’information pertinents auxquels elles ont accès. L’identification des ressortissants de pays tiers sera d’ailleurs facilitée grâce à la possibilité de comparer les données biométriques provenant de différents systèmes d’information. Les autorités pourront par exemple détecter les cas d’identités multiples ou de fraude à l’identité.

L’interopérabilité, qui devra être mise en œuvre à la fin de l’année 2023, après la mise en œuvre des nouveaux systèmes d’information aux frontières et la révision des systèmes existants, apportera donc une plus-value majeure aux contrôles aux frontières et à la sécurité des citoyens européens.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, j’ai rappelé qu’en 2016 un projet de réforme Dublin IV avait achoppé, parce que l’ensemble des États membres n’avaient pas réussi à se mettre d’accord. Vous venez de faire une présentation technique de tout ce qu’il serait possible de faire si jamais un accord politique était trouvé. Or ma question était la suivante : selon vous, un accord politique est-il possible, sachant que la crise sanitaire a montré que les accords pour faciliter la gestion de la crise n’allaient pas forcément de soi, notamment quand il s’agissait d’interopérabilité des systèmes ? (Mme Pascale Gruny applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Alain Cadec.

M. Alain Cadec. Madame la ministre, dans le cadre du pacte européen pour l’asile et les migrations, la Commission européenne propose de bâtir un nouveau système commun de gouvernance. Celui-ci s’appuierait sur l’élaboration de stratégies nationales et européennes, ainsi que sur de nouveaux mécanismes de suivi et d’évaluation des politiques nationales. Au vu des dysfonctionnements profonds observés depuis longtemps dans certains États membres en ce qui concerne la maîtrise des frontières extérieures et la gestion des flux migratoires, ce contrôle accru et cette coopération renforcée étaient devenus indispensables. Cela paraît toutefois encore insuffisant.

Gardons en effet à l’esprit que l’espace Schengen n’est pas seulement un espace de liberté, c’est également et surtout un espace de souveraineté en commun. En conséquence, il ne devrait rassembler que les seuls États capables d’assumer cette souveraineté en gérant efficacement leurs frontières, même si la solidarité européenne doit naturellement s’exprimer en cas de crise exceptionnelle. Ainsi, les États membres qui ne seraient pas en mesure de respecter leurs obligations ou qui ne donneraient pas suite aux recommandations formulées pour pallier leurs défaillances devraient-ils pouvoir être sanctionnés, voire, en dernier recours, suspendus de l’espace Schengen.

Aucune procédure de ce type n’est toutefois évoquée à ce jour, que ce soit dans le pacte ou dans la stratégie présentée au mois de juin dernier par la Commission européenne pour le renforcement de l’espace Schengen. Le Président de la République affirmait, avant les dernières élections européennes, sa volonté de « remettre à plat » l’espace Schengen et insistait sur le fait que « tous ceux qui veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité ».

Madame la ministre, ma question est simple : la France plaidera-t-elle pour la mise en place d’un régime de sanctions spécifiques à l’encontre des États qui ne se donneraient pas les moyens de contrôler efficacement les flux migratoires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, l’existence de l’espace Schengen implique que chaque État membre puisse contrôler ses frontières extérieures pour le compte de tous les autres. Cela nécessite une confiance mutuelle qui doit s’appuyer sur un certain nombre d’éléments objectifs et de décisions. C’est pourquoi la mise en œuvre de l’acquis de Schengen dans le domaine des frontières extérieures fait l’objet d’une évaluation régulière de chaque État membre.

Les recommandations des rapports d’évaluation doivent d’ailleurs donner lieu à un plan d’action de l’État concerné pour y remédier. En cas de défaillance grave, qui mettrait en péril le fonctionnement de l’espace Schengen, la Commission européenne peut recommander à l’État membre évalué le déploiement d’équipes européennes de garde-frontières sous l’égide de l’agence Frontex. Le Conseil peut aussi en dernier recours, pour protéger les intérêts communs au sein de l’espace Schengen, recommander à des États membres de réintroduire le contrôle à leurs frontières intérieures.

Enfin, si, malgré ce processus, un État persistait à ne pas remédier à une défaillance qui aurait été constatée, la Commission européenne pourrait introduire contre lui une procédure d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Ainsi, il n’est pas possible que des défaillances graves du contrôle aux frontières par un État demeurent inconnues de ses partenaires et ne donnent pas lieu à une réaction. Monsieur le sénateur, j’espère avoir répondu à votre question.

M. le président. La parole est à M. Alain Cadec, pour la réplique.

M. Alain Cadec. Que de conditionnels, madame la ministre !

Vous n’avez pas répondu à ma question. Y aura-t-il des sanctions ? La France défendra-t-elle ce principe auprès des vingt-six autres États de l’Union européenne ? (Mme Pascale Gruny et M. Jérôme Bascher applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, quand je lis les déclarations polonaises, tchèques, slovaques, danoises ou hongroises, je n’ai qu’assez peu d’illusions sur l’adoption de ce pacte en 2022. J’en fais donc peu de cas.

En revanche, puisque vous avez pris un certain nombre de décisions, par exemple tout récemment en matière de politique de visas délivrés aux ressortissants des États d’Afrique du Nord, je serais curieux de savoir ce que le gouvernement français considère comme une politique migratoire et de droit d’asile équilibrée pour l’avenir de notre pays.

Au-delà de l’Union européenne et même en dehors d’elle, vous êtes en mesure de prendre un certain nombre de décisions à l’échelon national. Pouvez-vous nous dire quelle politique vous voulez réellement en matière migratoire et en matière de droit d’asile, sans vous cacher sous la couverture européenne, qui, malheureusement ou heureusement, est assez peu efficace en ce moment ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Karoutchi, vous me posez une question très vaste…

Comme vous, je considère que la question migratoire ne se règle pas à coups de déclarations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle des discussions ont lieu à l’échelon européen. Contrairement à la position que vous avez exprimée, nous avons pour notre part l’espoir que ce pacte aboutisse ; nous y croyons et nous y travaillons. C’est tout l’objet des discussions que nous avons et tout le sens que nous voulons donner à la présidence française de l’Union européenne.

Je réponds à votre question sur ce que nous pouvons faire en France. Dès le début de ce quinquennat, une loi asile et immigration a été défendue par le ministre de l’intérieur de l’époque, Gérard Collomb, et a défini les grandes orientations du Gouvernement. Celles-ci étaient conformes à la ligne directrice du Président de la République, qui a prôné un équilibre entre humanité et fermeté. L’humanité, c’est le respect des droits humains, le respect des droits de chacun, le respect de la Convention de Genève ; la fermeté, c’est l’exécution des décisions prises, notamment les décisions de reconduite à la frontière, car c’est ainsi que la République est respectable et respectée.

C’est le sens de l’action menée par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui a donné des instructions très claires et très fermes, notamment sur l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF).

C’est le sens des décisions que la France a été amenée à prendre concernant les visas – question qui a déjà été abordée –, pour se faire respecter et être souveraine dans ses décisions.

En matière de droit d’asile, notre objectif est de réduire le délai de réponse pour arriver à six mois. Pour y parvenir, nous avons renforcé les personnels de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), afin que l’on puisse répondre plus rapidement et avec humanité, sans laisser de demandeurs dans l’attente et sans réponse. Si une réponse négative leur est donnée et qu’ils n’ont pas le droit à la protection du statut de réfugié, ils doivent être reconduits à la frontière ; en revanche, s’ils ont droit au statut de réfugié, il faut qu’ils puissent s’engager dans un parcours d’intégration, que nous sommes en train de rendre plus efficient dans ses volets travail et apprentissage de la langue. Nous avons ainsi augmenté jusqu’à 600 heures les cours de français destinés à ces publics.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, pardonnez-moi de vous rappeler que, en 2019, le Président de la République lui-même affirmait que les textes existants ne suffisaient pas et proposait une réforme du droit d’asile. On n’a jamais vu ce texte, pas plus, d’ailleurs, qu’un texte sur le contrôle des flux migratoires.

Le Sénat a adopté un certain nombre de textes en la matière, prônant l’association du Parlement à la définition de ce que serait la politique migratoire en matière de quotas, d’ouverture et de redéfinition des pays sûrs.

Madame la ministre, si l’on veut éviter les fantasmes et les délires, ayons déjà, à l’échelon national et au Parlement, un débat sur l’immigration et sur le droit d’asile qui soit ouvert, complet, sans qu’on nous oppose systématiquement le cadre européen. Cela permettrait que le Gouvernement et le Parlement s’accordent sur une vision de ce que doit être la société française. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, nous le savons, les négociations relatives au pacte européen pour l’asile et les migrations seront difficiles en raison des divergences sur certaines des mesures proposées. D’autres font en revanche l’unanimité, telles que la nécessité de renforcer la dimension extérieure de la politique migratoire européenne. Bien évidemment, la recherche d’un accord sur l’ensemble ne doit pas être abandonnée, mais l’accent doit être mis sur ces propositions consensuelles pour obtenir, a minima, un renforcement de notre politique migratoire en cas d’échec des négociations.

À ce titre, la décision de la France de durcir la politique des visas à l’égard des pays du Maghreb ne peut qu’être bienvenue. Il est toutefois regrettable qu’elle intervienne si tard, alors que cela fait de nombreuses années que les pays du Maghreb rechignent à délivrer des laissez-passer consulaires. Je comprends bien que l’utilisation des voies diplomatiques devait primer dans un premier temps, mais ce phénomène n’est pas nouveau et aurait pu être réglé bien plus tôt. Certes, mieux vaut tard que jamais…

Permettez-moi une parenthèse : les récents propos du Président de la République à l’égard de l’Algérie étaient maladroits et ont conduit à une situation diplomatique délicate qui doit être réglée au plus vite. Il serait en effet franchement dommage que les avancées récentes soient mises à bas.

Il est désormais nécessaire que l’Union européenne durcisse le ton face aux pays peu coopératifs. Une décision unilatérale de la France ne suffira pas à elle seule à remédier aux lacunes que l’on constate. En effet, si certains des accords d’association avec des tiers sont solides – par exemple avec la Jordanie –, d’autres sont peu efficaces. Ainsi, l’accord d’association avec la Turquie n’a permis le renvoi que de 2 140 personnes entre 2016 et 2020.

L’utilisation de l’ensemble des leviers dont nous disposons est donc essentielle. Il faut rechercher une synergie et se coordonner avec les autres États membres en s’appuyant sur les relations privilégiées que chacun entretient avec certains pays pour mieux négocier les accords d’association.

Je pense également à la conditionnalité des aides au développement à des accords de coopération en matière d’accueil, de retour et de réinstallation. Une meilleure quantification et un meilleur suivi de la coopération des États tiers permettraient aussi de moduler les aides et les quotas de visas en fonction de leurs efforts.

Aussi, madame la ministre, la France se positionnera-t-elle en faveur d’un durcissement de la politique européenne envers les pays peu coopératifs, tout en renforçant la dimension extérieure de la politique migratoire, dans le cadre de sa présidence du Conseil européen et dans les négociations sur le pacte européen pour l’asile et les migrations ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Pellevat, la France s’est toujours montrée ferme et déterminée à l’égard des pays non coopératifs en matière de retour et de réadmission. Notre politique n’a d’ailleurs jamais varié : elle est appliquée en ce sens en direction des principaux pays d’origine de l’immigration irrégulière en France depuis 2017. Cela étant, nous privilégions avant tout le dialogue avec les pays en question, conscients que nous sommes des contraintes qui peuvent peser sur leur action et de la complexité de leur situation intérieure. Néanmoins, quand la non-coopération s’installe dans la durée, ce que nous avons étayé avec des chiffres, elle n’est plus justifiée et il nous faut alors prendre des mesures claires et assumées, comme nous l’avons fait récemment à l’encontre du Maghreb.

À l’échelle européenne, nous soutenons la mise en œuvre de partenariats équilibrés qui soient mutuellement bénéfiques entre les pays d’origine et de transit pour répondre aux pays coopératifs par une offre ouverte en matière d’aide au développement, de relations commerciales, de renforcement capacitaire et de voies légales de migration. Au contraire, nous devons conduire un dialogue exigeant avec les pays qui ne le sont pas et mobiliser tous les instruments dissuasifs possibles – visas, mobilités, etc. C’est dans cet esprit que nous aborderons la présidence du Conseil de l’Union européenne.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe auteur de la demande.

M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie de votre participation à ce débat dont je sors enrichi, qu’il s’agisse des questions qui ont été posées ou des réponses qui ont été apportées.

Finalement, la seule question qui vaille est la suivante : le pacte européen pour l’asile et les migrations est-il nécessaire et utile ?

À entendre ce qui s’est dit ce soir, ma réponse serait plutôt oui : pour en finir avec une situation de blocage – en 2015 et 2016, la situation migratoire était très compliquée, faisant presque rompre les frontières et la solidarité entre les États membres –, il est nécessaire de revoir pleinement cette problématique.

À cela s’ajoutent de nouveaux phénomènes migratoires, qui ont été décrits sans ambages. On a parlé de la Biélorussie ; souvent, en commission, Jean-Yves Leconte nous fait part d’une forme de chantage à l’humain, c’est-à-dire d’un nouveau mode de migration forcée assez inhumain.

Par ailleurs, nous n’avons peut-être pas encore pris la mesure des problématiques migratoires liées à la question afghane, qui ont été abordées au cours des discussions.

Il y a aujourd’hui en Afghanistan 300 000 soldats formés par l’armée américaine, avec du matériel de haute technicité : contrairement aux images que nous avons vues à la télévision, les Américains n’ont pas tout détruit. Que feront demain ces 300 000 soldats ? Vont-ils se soumettre au régime taliban et former ainsi la plus grosse armée de la région ? Ou vont-ils refuser de se soumettre et commencer à migrer ? Dans ce cas, nous aurons à nos portes des gens formés aux techniques militaires qui, certes, ne voudront peut-être pas forcément nous nuire, mais qui essaieront en tout cas de traverser les frontières. J’insiste sur la nécessité de prendre cet élément en compte dans les discussions que nous aurons encore sur le pacte, madame la ministre.

Je souhaite également évoquer la durée des discussions. Voilà un an, dans un élan un peu joyeux, M. Schinas, le vice-président de la Commission européenne chargé de ces questions, exprimait devant notre commission des affaires européennes son souhait que le pacte soit adopté d’un bloc durant la présidence française. Nous en sommes loin. Certes, ce n’est ni de sa faute ni de celle du gouvernement français. Mais, au fur et à mesure des discussions, nous nous sommes rendu compte d’un certain nombre de blocages. L’objectif de faire passer le pacte en une seule fois sera impossible à tenir, même pendant la présidence française. Nous devons donc nous interroger.

Les idées que notre collègue Philippe Bonnecarrère a exposées sont intéressantes, mais elles ne sont vraisemblablement pas exploitables, car elles seraient trop longues à mettre en place.

Autre situation de blocage à régler, les mécanismes de solidarité aux frontières posent aujourd’hui problème. Nous sentons bien qu’il y a des réticences de certains États membres, en particulier de la part des pays dits de Visegrád, sur ce point.

Nous n’avons, me semble-t-il, pas suffisamment discuté de la situation dans la Manche et en mer du Nord. Certes, Pascal Allizard en a parlé clairement, mais je vais en parler encore plus clairement. Comme lui, je viens d’un territoire particulièrement concerné par cette problématique.

Élu du Pas-de-Calais, j’étais ce matin avec Natacha Bouchart, qui fait régulièrement appel au Gouvernement. Elle m’a ainsi montré une liste de courriers adressés à votre ministère et demeurés sans réponse : elle m’a indiqué avoir obtenu plus d’accusés de réception que de solutions concrètes ! Certes, elle ne conteste pas les moyens d’intervention qui sont déployés sur le site de Calais, mais elle doit faire face aujourd’hui aux problèmes posés par la présence de près de 1 500 migrants, avec un nombre important de faits délictueux : elle m’a montré un volumineux dossier de plaintes.

Nous ne pouvons pas laisser les collectivités seules face à de telles situations. S’il est vrai que les services de l’État, notamment les services de sécurité, sont présents, les moyens doivent augmenter. L’an dernier, il y a eu 8 000 traversées de la Manche en année pleine. Et là, alors que l’année n’est pas encore terminée, nous en sommes déjà à 26 000 traversées, à effectifs de police et de gendarmerie identiques.

Madame la ministre, je forme le vœu que la présidence française de l’Union européenne permette d’avancer sur ces dossiers. Au sein de mon groupe et de la commission des affaires européennes, en tout cas, nous serons vigilants. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le pacte européen pour l’asile et les migrations.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)