Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, que de temps perdu ! Plus de sept mois après l’adoption par notre assemblée de la loi Sécurité globale, le Gouvernement est contraint de revoir sa copie, notamment dans les titres II et III du nouveau projet de loi que nous examinons aujourd’hui.

Je traiterai essentiellement des points relatifs à la sécurité, puisque M. Dupond-Moretti ne nous fait pas l’honneur de sa présence.

Comme l’ont rappelé certains des orateurs précédents, beaucoup d’encre aura coulé au sujet de la censure par le Conseil constitutionnel de plusieurs articles importants de la loi Sécurité globale !

Ce texte, que nous avons examiné en mars dernier, avait alors déjà connu diverses péripéties ayant induit de la confusion et des inquiétudes, malgré les nombreuses dispositions intéressantes qu’il comportait pour faciliter l’action complémentaire des différentes composantes de la sécurité intérieure de notre pays.

L’objectif de la commission des lois et de ses deux rapporteurs, Muriel Jourda et Loïc Hervé, a toujours été de surmonter le climat de défiance créé par les multiples prises de position sur ce type de texte – l’examen de la question préalable l’a encore prouvé – pour mesurer objectivement l’intérêt des mesures qu’il comporte à l’aune des libertés publiques qu’il nous appartient de défendre.

S’agissant du fameux article 24 de cette proposition de loi, que la presse considérait comme une atteinte à la liberté d’expression et contre lequel elle s’était mobilisée, nous avions proposé au Gouvernement une nouvelle écriture. Élaborée en partenariat étroit avec le ministère de l’intérieur, elle réprimait la provocation à l’identification des représentants des forces de l’ordre. Il s’agissait là de créer une infraction spécifique, non couverte jusque-là par notre droit, et de protéger ces personnels dans le cadre des opérations de police auxquelles ils participent. Nous avions également étendu la protection prévue aux familles des agents et militaires concernés.

La seconde intervention du Sénat découlait de l’avis de la CNIL, qui entendait réprimer la constitution et l’usage de fichiers à des fins d’identification malveillante.

Cela n’aura manifestement pas suffi pour emporter la validation du Conseil constitutionnel, qui a jugé que la notion de « policier en opération » n’était pas assez claire, alors qu’elle l’est parfaitement pour les forces de l’ordre concernées.

Nous ne pouvons cependant nous satisfaire du droit actuel, car il ne permet plus de soutenir activement nos policiers et nos gendarmes, de plus en plus soumis à des violences inacceptables. Je me réjouis donc de l’examen du présent texte, qui permettra, je l’espère, de réprimer plus sévèrement les violences commises contre les forces de l’ordre.

L’article 4 crée ainsi un nouvel article dans le code pénal de manière à mieux protéger toutes les forces de l’ordre, y compris les gardes champêtres et les sapeurs-pompiers, qui sont de plus en plus victimes d’agressions dans des quartiers gangrenés par le communautarisme et les trafics en tout genre, trafics que l’on aura d’ailleurs de plus en plus de mal à réprimer au vu de l’évolution récente de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes sur la saisie des fadettes.

On aura également remarqué que ne figurent dans cette liste ni les magistrats, ni les avocats, ni les officiers publics ou ministériels. C’est une bonne chose, car nos travaux doivent être guidés par le même objectif que celui de la loi Sécurité globale : protéger prioritairement les forces de l’ordre directement présentes sur le terrain.

Nos concitoyens gardent en mémoire les crimes dirigés contre nos forces de l’ordre et nous ne pouvons demeurer aveugles. Pourtant, l’étude d’impact de ce projet de loi indique bien que les peines pour des violences correctionnelles commises sur des personnes dépositaires de l’autorité publique effectivement prononcées par les tribunaux sont bien éloignées des peines maximales prévues par les textes. Avec ce projet de loi, nous envoyons donc un bon message aux tribunaux ; le groupe Les Républicains soutient évidemment cette disposition.

L’article 5 contient plusieurs mesures destinées à permettre une répression plus efficace du refus d’obtempérer. Par ma voix, le groupe Les Républicains se félicite de mesures bienvenues pour combattre un phénomène en expansion. Les refus d’obtempérer se font de plus en plus nombreux à mesure que le respect de l’uniforme disparaît dans notre pays. Il est donc important de se doter d’un arsenal législatif approprié.

Monsieur le ministre, comme vous l’avez souligné, l’article 6 reprend une idée sur laquelle la Haute Assemblée a déjà travaillé sur l’initiative d’Henri Leroy, que je salue à cette occasion, idée malheureusement déclarée cavalier législatif lors de l’examen du précédent texte par le Conseil constitutionnel : il s’agit de la transformation de la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle, sur le modèle de la gendarmerie.

Nous nous réjouissons de pouvoir accompagner et encourager la montée en puissance de cette réserve, non seulement pour une raison pratique, mais aussi parce qu’elle permettra d’encourager une nouvelle forme d’engagement citoyen. Dans ce cadre, je remercie Hervé Marseille et Henri Leroy, qui ont beaucoup travaillé sur ces questions.

J’en viens aux dispositions du titre III, relatif à la captation d’images, qui donneront sans doute lieu à de nombreuses discussions. Nous sommes de nouveau saisis de dispositions déjà étudiées au sein de nos deux assemblées – c’est pourquoi j’ai affirmé d’emblée que nous avions perdu beaucoup de temps. Elles n’ont certes pas reçu l’approbation du Conseil constitutionnel ; toutefois, comme Alain Richard l’a rappelé, le Conseil constitutionnel en a validé le principe, tout en précisant le cadre dans lequel elles doivent s’appliquer. Alors, ne perdons plus de temps et inscrivons dans la loi les précisions nécessaires pour que ces captations puissent avoir lieu !

Loïc Hervé et moi-même n’avons eu de cesse d’apporter des garanties nécessaires à la protection des libertés individuelles…

M. Loïc Hervé, rapporteur. Bien sûr !

M. Marc-Philippe Daubresse. … et M. le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, a lui-même auditionné la présidente de la CNIL pour que nous soyons vraiment à l’écoute des problématiques en jeu, ce qui n’était pas tout à fait le cas de nos collègues de l’Assemblée nationale.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Et même pas du tout !

M. Marc-Philippe Daubresse. Certes, nous voyons bien qu’aujourd’hui les technologies peuvent être très intrusives si elles sont mal utilisées. Il est donc important d’expérimenter, mais surtout de mettre en place le cadre juridique contraignant auquel nous avons abouti grâce au travail de la commission et aux améliorations que celle-ci a apportées au texte.

L’article 7 permet le recours à la surveillance dans les locaux de garde à vue. Le dispositif peut être utile et je salue l’effort d’encadrement qui a été accompli par la commission.

L’article 8 A, quant à lui, a été introduit par l’adoption d’un amendement très pertinent d’Alain Richard ; il était important d’intégrer la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel dans le régime d’usage des caméras individuelles.

Sur le titre IV, qui regroupe les dispositions relatives au renforcement du contrôle des armes et des explosifs, Loïc Hervé s’est exprimé avec justesse. Évidemment, nous soutenons la position de la commission et tout ce qui tend à limiter la circulation des armes dans notre pays et, surtout, à encadrer leur détention.

Enfin, l’article 18 a trait à la lutte contre les rodéos motorisés. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez vu ce qui s’est passé encore hier, place Bellecour à Lyon. Le préfet du Rhône et le maire de Lyon sont par ailleurs assignés au tribunal administratif pour ne pas avoir exercé leur mission de protection et de sécurité. On le voit, un article relatif aux rodéos urbains a bien toute sa place dans ce texte !

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains soutiendra la position de la commission ; par l’important travail qu’elle a accompli, elle a perfectionné ce texte. (M. Jean-Pierre Grand applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement ne souhaite pas reprendre nos réflexions. Il nous présente donc un texte en partie concurrent à celui qui déjà été examiné par notre assemblée au mois de mai dernier sur l’irresponsabilité pénale.

Comme je l’ai déjà exposé, ce texte ressemble à une dernière tentative électoraliste surfant sur l’idée d’un laxisme judiciaire et d’un besoin accru de surveillance et d’armement.

Dans sa première partie, ce projet de loi reprend une réflexion que nous avons déjà entamée au sein de notre assemblée sur l’opportunité de modifier l’encadrement de l’irresponsabilité pénale, à la suite de l’émotion légitime suscitée par l’assassinat de Sarah Halimi. J’avais alors eu l’occasion de le rappeler : le questionnement in fine, le questionnement au cœur des débats, est celui de la prise en compte ou non du fait fautif entraînant l’abolition du discernement et celui du besoin d’un procès par les victimes et leurs familles, besoin que nous devons prendre en considération.

Ces situations sont aussi rares que douloureuses, mais la procédure actuelle d’audience en chambre d’instruction pour déterminer la responsabilité pénale du mis en cause est déjà publique et contradictoire ; elle se tient en présence des victimes et des avocats des parties civiles. C’était le cas dans l’affaire Halimi.

Un comportement volontaire peut directement contribuer au déclenchement de l’abolition du discernement, mais nous devons rester prudents, à la fois sur cette détermination, sur sa quantification et sur qui la détermine.

Comment les juges pourront-ils estimer qu’un mis en cause connaît précisément le risque à un instant t, qu’il a pu quantifier la dose nécessaire, connaître précisément les délais de ses effets, ou encore jauger sa propre capacité à consommer sans entrer dans une bouffée délirante ? Comment évaluer l’aspect intentionnel de cette prise volontaire dans un dessein criminel ?

J’ai aussi déjà pu exprimer mon étonnement que vous ne soyez pas allés jusqu’au bout de la criminalisation de comportements parfois addictifs, par exemple en incluant l’arrêt volontaire de la consommation de substances psychoactives, qui peut lui aussi entraîner des bouffées délirantes, dans votre théorie de la « folie volontaire ».

Je salue le travail de la commission, qui a su réécrire l’article 1er. Toutefois, mes réflexions et interrogations portent aussi sur les articles 2 et 3, qui instituent de nouveaux délits autonomes et sur lesquels je présenterai des amendements au nom de mon groupe.

Enfin, je regrette que la place de l’expertise et les moyens qui devraient lui être alloués soient encore une fois passés sous silence.

M. Guy Benarroche. Sur l’article 4, je n’arrive pas à comprendre votre volonté, chers collègues Les Républicains, non plus que celle du Gouvernement, de séparer les agressions des forces de l’ordre des autres, alors que les circonstances aggravantes existent déjà pour les infractions commises sur les personnes dépositaires de l’autorité publique. Ces violences doivent être sanctionnées, mais la gravité particulière qui découle de la qualité des victimes est déjà prise en compte.

Pour des gens qui fustigent souvent ce que vous qualifiez de « positions victimaires » ou de « concurrence des douleurs », je vous trouve bien réceptifs aux revendications de certains syndicats !

L’article 5 répond là encore à une demande que j’entends, mais où est l’équilibre nécessaire dans tout raisonnement pénal ? Une rétention immédiate du permis de conduire nous apparaît comme une sanction bien trop lourde, surtout sans procédure ou preuve incontestable.

Quels garde-fous permettront d’éviter que certains fassent l’objet d’un arbitraire non contestable ? Serait-il inimaginable de croire que ce mauvais outil dans de mauvaises mains prendrait l’aspect de mesures vexatoires ? Non, vraiment, pour nous, ce texte n’est ni cohérent dans son ensemble ni équilibré dans le détail !

D’autres articles continuent de nous inquiéter.

Les dispositions sur la réserve civile témoignent d’une vision « ubérisée » de la sécurité. Trouvez-vous, à juste titre, qu’il n’y a pas assez de policiers ? Alors, vous y allez : vous recrutez au rabais, sans formation adéquate, vous armez, vous donnez des prérogatives de police judiciaire. Soyons sérieux ! Si nous manquons de policiers, il faut en recruter de vrais, avec tout ce que cela implique.

Sur la question de l’armement, vous connaissez la position de notre groupe, que nous avons rappelée lors de l’examen de la loi Sécurité globale. Plus d’armement ne veut pas dire plus de sécurité. Une police armée et bien formée est importante, mais plus d’armement, c’est indubitablement plus de violence, plus d’accidents tragiques, moins de résolutions de conflit…

Plus de vidéosurveillance non plus ne veut pas dire plus de sécurité. Pourtant, vous nous présentez de nouveau des dispositions, notamment sur les drones porteurs de caméras, qui ont été cassées par le Conseil constitutionnel pour les raisons qui ont été rappelées. Le toilettage juridique de cette mesure ne change rien selon nous à sa dangerosité pour le droit à la vie privée ou le droit de manifester.

Mes chers collègues, je l’ai déjà exprimé lors de la défense de ma motion, mais je le répète : ce texte n’est bâti de manière ni cohérence ni aboutie. Il n’est que l’affichage tardif d’une volonté électoraliste bien trop évidente pour que vous en soyez dupes.

Le Gouvernement ne cherche même plus à discuter les textes avec la Haute Assemblée ; il y voit une étape obligatoire dont il se passerait volontiers pour faire passer ses mesures.

Parce que ce projet de loi est bien trop léger dans l’appréhension de l’irresponsabilité pénale, bien trop déséquilibré dans celle de la captation d’images et bien trop partisan dans la répression des atteintes commises contre les forces de sécurité, notre groupe ne pourra s’y associer et votera contre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, nous comprenons que le temps restant jusqu’à la fin du mois de février prochain pour inscrire des textes à l’ordre du jour des assemblées est précieux pour vous, mais nous peinons tout de même à entrevoir le sérieux et la cohérence de la jonction des grands thèmes que déclinent les mesures que vous nous soumettez aujourd’hui.

Il en est ainsi de l’irresponsabilité pénale – sujet que nous n’aborderons que demain –, laquelle, soyons clairs, répond à une commande politique, qui s’ancre dans l’émoi légitime qu’a suscité dans l’opinion publique le meurtre sordide et tragique de Sarah Halimi.

Il en est de même de la sécurité intérieure, envisagée sous le prisme de sujets aussi épars qu’importants : surveillance technologique, réserve de police, ou encore rodéos motorisés.

Il en est ainsi, enfin, de la justice pénale des mineurs, où les mesures proposées visent, une fois de plus, les plus vulnérables des mineurs que notre administration doit prendre en charge, à savoir les mineurs non accompagnés.

Tout cela s’inscrit dans ce qui est devenu une tradition pour ce gouvernement : répondre à différents maux de la société par la surenchère pénale et répressive.

Sur l’irresponsabilité pénale, nous continuons à être vertement opposés au principal dispositif proposé. Si nous pouvons nous réjouir que l’article 122-1 du code pénal reste finalement intact après la réécriture de l’article 1er par notre commission des lois, comme le préconisait d’ailleurs le rapport de MM. Houillon et Raimbourg, Mme la rapporteure n’a en revanche pas laissé tomber l’idée selon laquelle, lorsque l’auteur d’un crime ou d’un délit a commis préalablement à son acte une infraction ayant entraîné l’abolition de son discernement, sa responsabilité pénale doit pouvoir, dans certains cas, être reconnue.

Ce mécanisme présente plusieurs conséquences non négligeables : il fait notamment émerger la notion d’« abolition temporaire liée à un fait fautif ». Légiférer en ce sens serait oublier que ces comportements ne sont pas nécessairement fautifs, mais qu’ils peuvent être, plutôt que la cause de l’abolition du discernement, la conséquence de cette abolition.

Certes, la peur irraisonnée de la folie dans la population est un fait, mais la responsabilité du politique ne serait-elle pas de dépassionner le débat judiciaire et de mettre en place des pare-feu juridiques pour protéger les plus faibles, au lieu d’alimenter ce débat judiciaire en commentaires politiques opportunistes ou, pis, en projets de loi de circonstance ?

Dans son explication de vote sur la motion tendant à poser la question préalable, Laurence Cohen a exposé le point de vue du groupe CRCE sur les dispositifs de sécurité intérieure. Il s’agit pour le Gouvernement de réinjecter plusieurs des dispositifs contenus dans la loi Sécurité globale que le Conseil constitutionnel a censurés au mois de mai dernier. Une nouvelle copie est donc rendue ; selon nous, elle n’est pas moins nocive, même si elle est tout juste bien ficelée pour échapper à une nouvelle censure.

D’un point de vue éthique, ces mesures sont plus que contestables et nous renvoient à un modèle de société dont nous ne voulons pas : une société de la surveillance de tous, partout, tout le temps, dans la droite ligne de la logique répressive et sécuritaire que ce gouvernement a développée et exacerbée tout au long du quinquennat qui s’achève.

Enfin, les mesures consistant à revoir certains points du code de la justice pénale des mineurs – code à peine entré en vigueur, faut-il rappeler – continuent à aller dans le sens d’un alignement de la justice des mineurs sur celle des majeurs, reléguant au second rang les mesures éducatives au profit de mesures répressives, tout en continuant à stigmatiser, voire à discriminer, les mineurs non accompagnés.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas les seuls à rejeter ce projet de loi. Les professionnels du droit sont quasi unanimes à le faire, au premier rang desquels les magistrats du Syndicat de la magistrature, dont les propos, que nous partageons, sont aussi percutants qu’inquiétants : « Ce projet de loi pilonne tous azimuts, de la responsabilisation des malades mentaux au développement de dispositifs de surveillance de masse, en passant par la signalétique forcée des mineurs, et racle pour les “recycler” toute une série de dispositions récemment censurées par le Conseil constitutionnel ou le Parlement. Le gouvernement joue son va-tout sécuritaire, dans le cadre de son échéancier électoral, avec pour seule cohérence, celle de consolider “l’insécurité sociale”. »

Pour toutes ces raisons, que nous continuerons à développer au cours de la discussion des articles, nous nous opposerons à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques.

Mme Micheline Jacques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous réjouissons d’examiner aujourd’hui ce projet de loi, car il contient de nombreuses dispositions qui nous tiennent à cœur.

Le premier volet de ce texte, relatif à la question de la responsabilité pénale, est un sujet important pour nous, parlementaires, mais principalement pour la sécurité de nos concitoyens.

Le drame de l’affaire Halimi nous imposait de légiférer, comme la Cour de cassation nous a invités à le faire. L’avocate générale, dans ses réquisitions, a en effet expliqué l’impossibilité pour le juge de distinguer les situations en fonction de l’origine de la perte de discernement. Ce texte nous donne l’occasion de combler ces lacunes.

À cet égard, nous saluons la reprise par la commission des lois, à l’article 1er, des dispositions votées par le Sénat le 25 mai dernier. Celles-ci, en prévoyant la tenue d’un procès lors duquel les juges apprécieront le lien entre le fait fautif de l’auteur de l’acte et l’abolition de son discernement, nous permettent de franchir une étape importante pour les victimes.

Quant aux nouvelles infractions proposées par le Gouvernement pour sanctionner une personne qui aurait commis des actes graves après avoir pris des substances psychoactives tout en ayant conscience de mettre délibérément en danger la vie d’autrui, nous craignons qu’elles ne soient particulièrement difficiles à caractériser pour les magistrats, donc peu efficaces.

En revanche, le second volet du projet de loi, relatif à la sécurité intérieure, contient un certain nombre d’améliorations procédurales qui, à notre sens, renforceront de manière effective la réponse pénale.

Je pense à l’aggravation des peines applicables aux auteurs de violences commises sur nos forces de sécurité intérieure. J’ai également à l’esprit la création de la réserve opérationnelle de la police nationale, à l’instar de ce qu’avait judicieusement proposé Henri Leroy lors de l’examen de la proposition de loi Sécurité globale.

Nous saluons aussi la possibilité et l’encadrement du recours à la vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue et de retenue douanière, ainsi que les garanties supplémentaires apportées aux différents dispositifs de captation d’images qui ont fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel au mois de mai dernier.

Le renforcement du contrôle des armes à l’échelon national est tout aussi bienvenu. Une plus grande traçabilité des armes facilitera indéniablement le travail des enquêteurs.

Nous souhaitons également aborder une disposition qui nous semble particulièrement intéressante. Il s’agit de la possibilité de réaliser un relevé signalétique contraint, dès lors que ce sera l’unique moyen d’identifier une personne majeure ou mineure suspectée d’avoir commis un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement pour les personnes majeures, ou d’au moins cinq ans pour les mineurs.

Nombre de mis en cause induisent régulièrement en erreur les autorités en déclarant des identités imaginaires lors de leur placement en garde à vue. Ils tentent ainsi d’échapper à la mise en œuvre de diverses mesures de contraintes, telles que des mandats de recherche ou des mandats d’arrêt, mesures inscrites au fichier des personnes recherchées sous la véritable identité de ces individus. Seul le relevé d’empreintes permet, dans ces situations courantes, de faire le lien entre l’identité réelle et l’identité déclarée. Une telle disposition semble indispensable au bon fonctionnement de la justice pénale.

Par ailleurs, le texte prévoit la possibilité, pour la juridiction qui se déclare incompétente en raison d’une erreur sur la minorité ou la majorité du mis en cause, d’ordonner son maintien en détention jusqu’à sa comparution devant la juridiction compétente. Il s’agit également d’une avancée majeure pour lutter contre la délinquance des mineurs non accompagnés.

Enfin, nous souscrivons pleinement aux nouvelles dispositions visant, une fois encore, à mieux lutter contre les rodéos urbains qui empoisonnent le quotidien des Français.

Pour conclure, je tiens à remercier nos rapporteurs, Muriel Jourda et Loïc Hervé, pour la qualité de leur travail, malgré les délais particulièrement contraints qui leur ont été imposés.

Pour l’ensemble de ces raisons, je ne doute pas que les sénateurs du groupe Les Républicains voteront ce projet de loi, dans le texte de la commission des lois.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Je rappelle que les articles 1er à 4, ainsi que les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui leur sont rattachés, sont réservés jusqu’à demain, mardi 19 octobre, à quatorze heures trente.

projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure

TITRE Ier (réservé)

DISPOSITIONS LIMITANT L’IRRESPONSABILITÉ PÉNALE EN CAS DE TROUBLE MENTAL RÉSULTANT D’UNE INTOXICATION VOLONTAIRE AUX SUBSTANCES PSYCHOACTIVES

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure
Article 4 (réservé)

Articles 1er, 1er bis, 2, 3, 3 bis A (nouveau), 3 bis et 3 ter (réservés)

TITRE II

DISPOSITIONS RENFORÇANT LA RÉPRESSION DES ATTEINTES COMMISES CONTRE LES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET CRÉANT LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE DE LA POLICE NATIONALE

Articles 1er, 1er bis, 2, 3, 3 bis A (nouveau), 3 bis et 3 ter (réservés)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure
Article 5 (Texte non modifié pa la commission)

Article 4 (réservé)

Article 4 (réservé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure
Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 3 rectifié

Article 5

(Non modifié)

I. – À la première phrase du second alinéa de l’article 132-16-2 du code pénal, après la référence : « L. 221-2 », sont insérées les références : « , L. 233-1, L. 233-1-1 » ;

II. – Le chapitre IV du titre II du livre II du code de la route est ainsi modifié :

1° L’article L. 224-1 est ainsi modifié :

a) Le I est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° En cas de refus d’obtempérer commis dans les conditions prévues aux articles L. 233-1 et L. 233-1-1. » ;

b) Au II, la référence : « et 7° » est remplacée par les références : « , 7° et 8° » ;

2° L’article L. 224-2 est ainsi modifié :

a) Le I est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Le permis de conduire a été retenu à la suite d’un refus d’obtempérer commis dans les conditions prévues aux articles L. 233-1 et L. 233-1-1. » ;

b) À la seconde phrase du II, la seconde occurrence des mots : « en cas » est remplacée par les mots : « de refus d’obtempérer commis dans les conditions prévues à l’article L. 233-1-1, » ;

3° À la deuxième phrase de l’article L. 224-8, après le mot : « personnel, », sont insérés les mots : « de refus d’obtempérer commis dans les conditions prévues à l’article L. 233-1-1, ».

III. – Le chapitre III du titre III du livre II du code de la route est ainsi modifié :

1° L’article L. 233-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 233-1. – I. – Le fait, pour tout conducteur, d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou d’un agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

« II. – Nonobstant les articles 132-2 à 132-5 du code pénal, les peines prononcées pour le délit prévu au I du présent article se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles prononcées pour les autres infractions commises à l’occasion de la conduite du véhicule.

« III. – Toute personne coupable du délit prévu au I encourt également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La suspension, pour une durée ne pouvant excéder trois ans, du permis de conduire ; cette suspension ne peut être assortie du sursis, ni limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;

« 2° La peine de travail d’intérêt général, selon les modalités prévues à l’article 131-8 du code pénal et dans les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code ainsi qu’à l’article L. 122-1 du code de la justice pénale des mineurs ;

« 3° La peine de jours-amende, dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;

« 4° L’annulation du permis de conduire, avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant une durée ne pouvant excéder trois ans ;

« 5° La confiscation du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, s’il en a la libre disposition, à la condition, dans ce second cas, que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ait été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi ;

« 6° La confiscation d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

« 7° L’obligation pour le condamné d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière.

« IV. – L’immobilisation du véhicule peut être prescrite, dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.

« V. – Le délit prévu au I du présent article donne lieu, de plein droit, à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire. » ;

2° L’article L. 233-1-1 est ainsi modifié :

a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement les personnes mentionnées au I de l’article L. 233-1 à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente » ;

b) Au premier alinéa du II, la première occurrence du mot : « du » est remplacée par les mots : « d’un » et les références : « 5° et 6° du II » sont remplacées par les références : « 6° et 7° du III » ;

c) Le 2° du même II est ainsi rédigé :

« 2° La confiscation obligatoire du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, s’il en a la libre disposition, à la condition, dans ce second cas, que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ait été mis en mesure de présenter ses observations aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi. La juridiction peut toutefois ne pas prononcer cette peine, par une décision spécialement motivée ; »

d) À la fin du 5° dudit II, les mots : « dont il a la libre disposition » sont remplacés par les mots : « , sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, à la condition, dans ce second cas, que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ait été mis en mesure de présenter ses observations aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi » ;

e) Le III est ainsi rédigé :

« III. – Toute condamnation pour les délits prévus au présent article donne lieu, de plein droit, à l’annulation du permis de conduire, avec interdiction de solliciter un nouveau permis pendant une durée ne pouvant excéder cinq ans. » ;

f) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :

« IV. – Ces délits donnent lieu, de plein droit, à la réduction de la moitié du nombre de points maximal du permis de conduire. » ;

3° L’article L. 233-1-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 233-1-2. – I. – Toute personne coupable, en état de récidive au sens de l’article 132-10 du code pénal, de l’infraction prévue à l’article L. 233-1 du présent code encourt également la peine complémentaire de confiscation obligatoire du véhicule ayant servi à commettre l’infraction, si le condamné en est le propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, s’il en a la libre disposition, à la condition, dans ce second cas, que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ait été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi. La juridiction peut, toutefois, ne pas prononcer cette peine, par une décision spécialement motivée.

« II. – Toute condamnation pour le délit prévu à l’article L. 233-1 du présent code commis en état de récidive, au sens de l’article 132-10 du code pénal, donne lieu, de plein droit, à l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant une durée ne pouvant excéder trois ans.

« III. – Toute condamnation pour les délits prévus au I de l’article L. 233-1-1 du présent code commis en état de récidive, au sens de l’article 132-10 du code pénal, donne lieu, de plein droit, à l’annulation du permis de conduire, avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant une durée ne pouvant excéder dix ans. »

IV. – Après le troisième alinéa du 7° de l’article L. 325-1-2 du code de la route, il est inséré un 8° ainsi rédigé :

« 8° En cas de refus d’obtempérer commis dans les conditions prévues à l’article L. 233-1. »