M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je pense que, pour nos concitoyens et nos concitoyennes, le Mécanisme européen de stabilité n’évoque pas grand-chose.

Pourtant, souvenons-nous que c’est le MES qui a permis à la Grèce de s’endetter davantage, à des taux plus élevés que ceux du marché, qui a contraint ce pays à augmenter sa TVA, à réformer son système de retraite pour que l’âge légal passe à 67 ans, à faire ouvrir les magasins le dimanche, à réformer le droit du travail au détriment des salariés, et à privatiser.

En somme, c’est ce mécanisme qui a contribué à mettre la politique nationale de ce pays sous tutelle, puisqu’il fallait que le gouvernement grec consulte la Commission européenne sur chaque projet de loi, quel que soit le domaine concerné…

Bref, il s’agit d’une grande réussite collective, qui reflète une image positive de ce que peut être l’Europe. Les résultats sont probants : en 2018, dix ans plus tard, la Banque mondiale a conclu que la Grèce était encore plus pauvre – et je ne vous parle même pas de la Grèce de l’après crise sanitaire…

Le Mécanisme européen de stabilité, c’est la stabilité financière avant la stabilité des peuples européens. C’est un outil qui a servi à mettre en place des politiques libérales et « austéritaires ».

On nous propose aujourd’hui de réformer ce mécanisme. Cette initiative est la bienvenue. C’est même une évidence ! Mais, en réalité, on nous demande de mieux protéger encore les banques, avec un filet de sécurité qui renforce in fine la logique de socialisation des pertes,…

M. Jérôme Bascher. Eh oui, c’est ce qu’on appelle la solidarité !

Mme Sophie Taillé-Polian. … alors même que la finance, du fait de l’innovation galopante, est de nouveau en passe de nous plonger dans de graves difficultés : le taux d’endettement privé s’élève à 154 % en France ; le volume des transactions sur le marché des produits dérivés a retrouvé son niveau de 2007 ; grâce aux technologies actuelles, 15 milliards d’euros d’actions changent de mains chaque jour, contre 12 milliards d’euros en 2007.

Le système bancaire n’est pas plus vertueux qu’hier, bien au contraire : il tombe plus que jamais dans des dérives qui constituent de réels dangers pour nos sociétés.

Or on nous propose d’entériner ce cercle vicieux : il faudrait améliorer le MES pour renforcer la protection de banques, dont la défaillance résulte de comportements qui ne sont pas vertueux. Il faudrait ratifier cet accord, parce que les mécanismes qui ont été imposés à ces banques n’ont pas permis de nous rassurer. Pire, une crise peut toujours survenir.

Par ailleurs, on nous promet un assouplissement du mécanisme, qui deviendrait moins austéritaire. Mais le nouveau dispositif est quasiment inaccessible aux pays qui pourraient en avoir besoin ! Ces États n’auront en fait accès qu’au dispositif renforcé, autrement dit aux mesures d’austérité ; ils seront également soumis à une évaluation tous les six mois.

Le renforcement de l’indépendance du MES et des pouvoirs de son directeur ne vont pas dans le bon sens. Cette réforme revient en définitive à affaiblir le caractère démocratique de l’Union européenne, lequel devrait pourtant être mis en avant dans l’Europe que chacun appelle de ses vœux.

Cela étant, je le reconnais, la consolidation des instruments destinés à restructurer les dettes, qui contribuent à protéger les économies de la finance, constitue un point positif. Mais le cadre reste globalement le même, l’objectif étant de sauver les banques en faisant payer les peuples. C’est la même petite musique austéritaire que l’on entend sans arrêt…

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires est profondément européen. Nous ne croyons évidemment pas au repli national et aux solutions internes, mais le cadre qui nous est proposé n’est pas le bon. Il va à l’encontre du principe de solidarité qui fonde notre vieux continent, et il conduit au contraire à un repli des peuples, qui s’éloigneront de l’idéal européen qui nous est cher.

Le mécanisme qui nous est soumis a été négocié en 2018-2019, avant la crise que nous traversons. Par pitié, prenons en considération ce qu’il s’est passé ! Alors que les règles européennes sont en suspens, on nous propose aujourd’hui de les renforcer. Tout cela est totalement inopérant.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne peut pas voter ce texte et ne le votera pas. (Mme Monique de Marco et M. Patrice Joly applaudissent.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi autorisant ratification de l’accord modifiant le traité instituant le mécanisme européen de stabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, le Grand-Duché de Luxembourg, la République de Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande, signé à Bruxelles les 27 janvier et 8 février 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Je rappelle que le vote sur l’article a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Monsieur le président, si vous le permettez, je répondrai rapidement aux questions qui m’ont été posées, notamment par M. le rapporteur.

Je ferai au préalable une remarque générale, en réponse à un argument, invoqué notamment par Mme Taillé-Polian, qui ne finit pas de m’étonner. On ne peut pas, madame la sénatrice, admettre qu’un problème ne se résout pas uniquement à l’échelle d’un pays et qu’il faut, pour cela, dépasser les contraintes nationales et, dans le même temps, lorsqu’un accord est trouvé au niveau européen – en l’occurrence sur le Mécanisme européen de stabilité – considérer qu’il n’est pas légitime. Je serai d’ailleurs très curieux de connaître la position des Verts lorsque le sujet sera soumis au Parlement européen et de savoir s’ils partagent votre point de vue.

Le sénateur Bocquet a lui aussi mis en avant le caractère antidémocratique du MES. Monsieur le sénateur, les traités européens que nos différents gouvernements signent depuis plusieurs décennies sont démocratiques. Ils sont démocratiquement signés par des gouvernements démocratiquement élus !

On ne peut pas considérer à la fois que le représentant légitime du peuple français est le Gouvernement français, au-delà des différences partidaires, et que les accords internationaux que ce dernier signe, en étant investi de la légitimité que lui accorde le peuple français, et sur lesquels les gouvernements successivement élus ne sont pas revenus, constituent un déni démocratique.

Je le dis sans polémique, si nous voulons poursuivre la construction de l’Europe, nous ne pouvons pas continuer à considérer que les traités signés par le Gouvernement français, au nom du peuple français, qui sont ensuite soumis au Parlement européen, où vos partis sont représentés, ne sont pas légitimes démocratiquement ; sinon, cela revient, à long terme, à tirer une balle dans la tête de l’Europe…

On peut combattre ces traités sur le fond : cela ne pose aucun problème. Il est normal en effet que des positions divergentes s’expriment sur ces sujets structurants. Je vous invite en revanche à ne pas dénier toute légitimité démocratique à ces accords, qui sont débattus devant le Parlement européen et sont le fruit de compromis parfois compliqués à atteindre – c’est cela, l’Europe ! –, afin de ne pas délégitimer les fondements de l’Europe, sur lesquels nous comptons tous à long terme.

Je vais maintenant répondre aux différentes questions, notamment celle qui a été soulevée à plusieurs reprises sur la temporalité de l’adoption du traité. L’objectif est bien que le nouveau mécanisme entre en vigueur le 1er janvier 2022. Nous sommes confiants sur le fait que le traité sera adopté à cette date et transposé en droit national par les différents États membres, y compris par l’Italie.

Sur la question du périmètre et de l’approfondissement du nouveau mécanisme, j’ai dit lors de mon intervention en discussion générale qu’il fallait bien, à un moment, définir un nouveau système. L’accord prévoit un doublement de la capacité d’intervention du MES. Il n’est pas possible d’inscrire – pardon pour l’anglicisme ! – « whatever it takes » dans un projet d’accord. Il nous semble que l’existence même du Mécanisme européen de stabilité, son approfondissement et le périmètre envisagé permettent d’envoyer un signal suffisamment clair aux marchés. Ils auront, j’en suis sûr, un effet préventif.

Enfin, monsieur le rapporteur, il est évident que la question de la part des contributions des banques françaises au FRU a toujours été au cœur de nos préoccupations. Il nous semble cependant que cet enjeu doit être dissocié de la question de l’accord modifiant le traité instituant le MES. Le mode de calcul de ces contributions n’a pas fait l’objet de nouvelles discussions lors de la négociation sur le backstop. Celui-ci a simplement été calqué sur les contributions ex ante du système bancaire

Par ailleurs, il nous apparaît important de préciser qu’un certain nombre de garde-fous ont été prévus. Ils garantissent que le backstop ne sera utilisé qu’en dernier recours, ce dispositif étant avant tout un catalyseur de crédibilité pour la stabilité financière européenne. Seule une réforme du cadre de gestion de la crise aurait permis d’engager le débat sur une éventuelle modification du mode de calcul des contributions au FRU.

En tout état de cause, la question de la contribution des banques françaises au MES est un sujet d’attention particulière, compte tenu de son importance pour notre pays. Je peux vous assurer que nous sommes mobilisés sur cette question.

Je finirai sur une note optimiste. J’ai entendu l’appréciation positive de la plupart des groupes, un peu moins positive de certains autres. L’approfondissement de l’Union européenne passe par l’amélioration de ses mécanismes de solidarité financière. Ces sujets peuvent paraître parfois un peu techniques, ésotériques ou libéraux, mais la vérité, c’est que, sans renforcement de la solidarité financière, il n’y aura pas d’Union européenne. À cet égard, le projet de loi que nous adoptons aujourd’hui est une excellente nouvelle pour l’Europe.

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité
 

5

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire
Rappel au règlement

Vigilance sanitaire

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions de vigilance sanitaire (projet n° 88, texte de la commission n° 110, rapport n° 109, avis n° 104).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour un rappel au règlement.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire
Discussion générale

M. Alain Houpert. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 ter du règlement du Sénat et porte sur l’organisation de l’examen d’un texte dont personne ici ne contestera l’importance.

Nous avons été informés ce matin que le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire allait être discuté avec plusieurs heures d’avance sur le programme qui nous avait été initialement communiqué.

Plusieurs de nos collègues, qui avaient des rendez-vous avec leurs concitoyens dans les circonscriptions, avaient prévu d’arriver pour la discussion générale, et ne seront finalement pas là à temps. J’espère qu’ils pourront être présents lors du vote sur l’ensemble.

Je m’interroge : pourquoi ce changement ? Quelle est la raison impérieuse qui le justifie ? Quel est l’objectif de cette manœuvre ?

Mes chers collègues, doit-on considérer que notre présence, nos amendements, nos échanges sont à ce point inutiles que l’on peut nous imposer un calendrier à la dernière minute, sans nous en expliquer la cause réelle et sérieuse ? Ou considère-t-on que le texte de la commission des lois vaut loi sans même avoir été voté ?

C’est là un déni de l’utilité de nos débats, c’est un mépris pour nos collègues. J’espère, monsieur le président, qu’à défaut d’avoir été prévenus en temps voulu nous aurons au moins une explication sur ce changement d’horaire !

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Permettez-moi cependant de m’en étonner, puisqu’il a toujours été prévu que la commission des lois se réunirait à la suspension pour examiner les amendements de séance. Le délai limite pour le dépôt de ces amendements ayant été fixé au début de la discussion générale, il faut dès à présent entamer cette discussion, et ce afin que la commission ait bien le temps de tous les expertiser.

Il n’a jamais été prévu que la discussion générale commence à quatorze heures trente. Si tel avait été le cas, la commission des lois aurait été obligée de demander une suspension de séance à la reprise. Or, dans cette hypothèse, nous n’aurions été en mesure de poursuivre nos travaux qu’à seize heures, ce qui nous aurait fait perdre beaucoup de temps.

Discussion générale

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire
Article 1er A (nouveau)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, me voici devant vous pour vous présenter, au nom du Gouvernement, le onzième projet de loi sur la gestion de l’épidémie de covid-19.

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire ici lors de l’examen des précédents textes sur le sujet, ce n’est pas avec enthousiasme que le Gouvernement présente un nouveau projet de loi permettant de prendre des mesures de freinage qui affectent la vie quotidienne de l’ensemble de nos compatriotes.

Mais l’ampleur et la durée de la crise sanitaire exigent une mobilisation permanente des pouvoirs publics pour lutter contre ce virus toujours présent au quotidien, lequel a emporté la vie de près de 5 millions de personnes dans le monde, dont 117 000 dans notre pays.

Néanmoins, nous pouvons prendre un instant pour nous retourner et mesurer le chemin parcouru depuis le début de la crise, ainsi que les progrès réalisés pour mieux gérer cette épidémie dans la durée, et limiter au mieux ses conséquences sanitaires et ses effets sur notre vie quotidienne.

Ainsi, en métropole, la vague épidémique liée à la propagation du variant delta a pu être contenue, sans restriction généralisée de la circulation des personnes ou des rassemblements et en maintenant ouverts l’ensemble des établissements, et ce grâce au passe sanitaire et aux progrès significatifs de la campagne de vaccination.

La mobilisation de tous et l’esprit de responsabilité de chacun ont permis d’atteindre des résultats tout à fait remarquables. À ce jour, plus de 51 millions de personnes ont reçu au moins une première dose. Bientôt, près de 50 millions de nos compatriotes auront un schéma vaccinal complet. C’est l’une des meilleures couvertures vaccinales d’Europe. Nous pouvons collectivement en être fiers, car c’est le fruit de la mobilisation de tous, notamment des collectivités territoriales que vous représentez et qui ont été au rendez-vous.

En matière de vaccination, il ne faut relâcher nos efforts sous aucun prétexte. La campagne de rappel, lancée le 1er septembre dernier, est à ce titre un rendez-vous crucial.

Par ailleurs, nous amplifions les opérations d’« aller vers » pour progresser sur la vaccination de nos concitoyens éloignés du système de santé, en particulier des personnes les plus fragiles et les plus âgées.

Néanmoins, à l’heure où je vous parle, nous sommes confrontés à un risque de rebond épidémique, à l’approche de la période hivernale, propice à une accélération de la circulation virale. (M. Loïc Hervé sexclame.)

Quasiment tous les pays européens sont confrontés à une hausse du nombre des cas, la situation étant inquiétante en Europe de l’Est. (M. Loïc Hervé sexclame de nouveau.)

M. le président. Monsieur Hervé, veuillez laisser parler Mme la ministre déléguée !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Dans notre pays, on observe depuis quelques jours une tendance moins favorable et une reprise de la circulation épidémique. Sans évoquer à ce stade une cinquième vague, nous devons être particulièrement vigilants.

Dans les prochains mois, nous devrons donc continuer à respecter certaines mesures barrières qui, bien qu’allégées par rapport aux phases les plus critiques de l’épidémie, demeurent indispensables. À cet égard, le Gouvernement lance une grande campagne d’information rappelant l’importance du respect des gestes barrières face au relâchement observé chez certains de nos concitoyens depuis plusieurs semaines.

C’est particulièrement important alors que nous entrons dans une période de mise sous tension de notre système de santé du fait de la circulation simultanée de la covid-19, de la bronchiolite, de la grippe et de la gastro-entérite.

Personne ne souhaite un nouvel emballement de l’épidémie, dont les conséquences humaines seraient à nouveau dramatiques et perturberaient encore fortement la vie de notre pays.

Pour continuer à disposer d’outils permettant de protéger la population contre les phases les plus aiguës de propagation de l’épidémie, le projet de loi qui vous est soumis prévoit de proroger jusqu’au 31 juillet 2022 la validité du cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, fixée aujourd’hui au 31 décembre 2021.

Je précise qu’il s’agit non pas de pouvoir activer pour une durée illimitée le régime de l’état d’urgence sanitaire pendant cette période, mais uniquement de maintenir les dispositions du code de la santé publique qui en fixent les règles, s’il apparaissait nécessaire de le déclarer. Un décret en conseil des ministres restera nécessaire à cette fin, et sa prorogation au-delà d’une durée d’un mois ne pourra être autorisée que par le Parlement.

En Guyane, région confrontée à une circulation virale toujours inquiétante, l’état d’urgence sanitaire en vigueur sera prorogé jusqu’au 31 décembre.

Par ailleurs, après concertation entre votre rapporteur et le Gouvernement, la commission a voté un amendement tendant à proroger l’état d’urgence sanitaire sur le territoire de la Martinique jusqu’au 31 décembre. La situation dans ce territoire le justifie pleinement, alors que la circulation virale se maintient à un niveau élevé, que le taux d’occupation des lits dans les services de réanimation est supérieur à 100 % et que la couverture vaccinale demeure encore insuffisante.

Les autres territoires ultramarins sortiront de ce régime au plus tard le 15 novembre prochain, étant précisé que le Gouvernement peut, par décret pris après avis du conseil scientifique, décider d’y mettre un terme anticipé si la situation le permet.

Le projet de loi proroge également jusqu’au 31 juillet 2022 le régime de gestion de la crise sanitaire, sur lequel repose actuellement la gestion de l’épidémie pour l’essentiel du territoire national. La prorogation de ce régime est la condition du maintien des mesures barrières dans les prochains mois.

Le texte proroge également, jusqu’à la même échéance, la possibilité de mobiliser par voie réglementaire le passe sanitaire, outil qui a fait ses preuves, puisqu’il a permis de concilier le maintien de nombreuses activités avec une maîtrise de la circulation du virus.

Les modalités de recours au passe sanitaire ont été précisées par l’Assemblée nationale. Sa mise en œuvre sera justifiée par la circulation virale ou ses conséquences sur le système de santé, selon des indicateurs que le pouvoir exécutif devra prendre en compte, et ce sous le contrôle du juge administratif, comme c’est le cas depuis le début de la crise sanitaire.

Pendant la période visée par ces prorogations, nous avons prévu un dispositif d’information du Parlement renforcé et la remise, d’ici la mi-février, d’un rapport qui présentera les mesures prises pour freiner l’épidémie et qui justifiera, le cas échéant, la nécessité de les maintenir pour la période restante.

Ce dispositif d’information du Parlement a été enrichi par l’Assemblée nationale, qui a apporté des précisions sur la production d’indicateurs sanitaires et la remise d’un second rapport d’ici la mi-mai et de rapports d’étape mensuels.

La remise d’un rapport au mois de février constituera une clause de revoyure, qui s’ajoutera à l’ensemble des initiatives prises depuis le début de la crise, afin d’assurer l’information du Parlement sur la gestion de l’épidémie. Je pense en particulier aux dossiers transmis chaque semaine aux présidents des deux assemblées et aux réunions du comité de liaison organisées régulièrement par le Premier ministre.

Par ailleurs, le texte améliore plusieurs outils importants pour garantir l’efficacité de la gestion de l’épidémie dans les prochains mois. Ainsi, nous proposons de renforcer la lutte contre la fraude au passe sanitaire en aggravant les sanctions encourues en cas d’établissement, de proposition ou d’utilisation d’un faux passe sanitaire, et en permettant à l’assurance maladie de contrôler les certificats de contre-indication à la vaccination.

En ce qui concerne l’obligation vaccinale pour les soignants, le texte prévoit d’améliorer son contrôle et son effectivité, notamment en autorisant les écoles de santé à contrôler son respect par les étudiants en santé, et en ouvrant la possibilité pour les établissements employeurs d’accéder directement au statut vaccinal des professionnels soumis à cette obligation, sous réserve, toutefois, qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), l’autorise.

Par ailleurs, nous proposons de prolonger jusqu’à la fin du mois de juillet les systèmes d’information SI-DEP et Contact Covid qui sont, comme vous le savez, des outils absolument indispensables pour suivre la situation sanitaire et « casser » les chaînes de contamination.

Sur ce sujet, le texte a été complété par une disposition permettant aux directeurs d’établissement scolaire d’accéder aux informations relatives au statut virologique et vaccinal des élèves. Cette disposition vise à donner à ces directeurs d’établissement les moyens nécessaires à la mise en œuvre de la campagne de vaccination et de dépistage dont ils ont la charge, ainsi qu’à l’application des protocoles sanitaires dans les écoles, les collèges et les lycées. La situation actuelle, reposant sur des déclarations parentales, ne permet pas, en effet, de fiabiliser ni d’affiner les mesures prises et de limiter ainsi les fermetures de classes dans l’intérêt des élèves.

Enfin, le texte proroge un nombre ciblé de mesures d’accompagnement, qui permettront de faire face en tant que de besoin aux conséquences de la crise sanitaire, notamment en matière d’activité partielle ou de fonctionnement des organes délibérants des collectivités territoriales.

Vous l’aurez compris, le projet de loi qui vous est soumis ne bouleverse pas l’économie générale de la gestion de la crise sanitaire, mais il conforte les différents outils dont nous disposons pour y faire face.

Dans un contexte toujours incertain, et face au risque de voir émerger de nouveaux variants, plus transmissibles ou plus pathogènes, une grande vigilance s’impose face à un virus avec lequel nous savons d’ores et déjà que nous devrons vivre au moins jusqu’à l’été prochain.

C’est bien ce souci d’anticipation et cette vigilance qui ont guidé le Gouvernement dans l’élaboration du texte qui vous est présenté.

Ce texte, votre commission des lois l’a très largement modifié, en ramenant tout d’abord au 28 février 2022 l’échéance des différents régimes qu’il prévoit. Ainsi que l’a indiqué le ministre des solidarités et de la santé lors de son audition, le Gouvernement est néanmoins déterminé à retenir comme horizon le mois de juillet 2022.

En effet, nous savons très bien dès à présent qu’il nous faudra vivre avec le virus au moins jusqu’à l’été. La période hivernale sera en tout état de cause propice à une aggravation de la situation.

Le rapport prévu pour la mi-février, je l’ai dit, permettra au Parlement de disposer d’une clause de revoyure. Il pourra bien entendu donner lieu à un débat en commission ou en séance, en présence du Gouvernement.

La date du 31 juillet 2022 a par ailleurs été soumise à la fois au conseil scientifique et au Conseil d’État, qui ont pleinement validé cette orientation, chacun dans son office.

De son côté, la commission des lois du Sénat a remplacé l’ensemble des instruments prévus pour gérer la sortie de crise sanitaire par un nouveau régime à plusieurs niveaux. Le Gouvernement considère que les outils actuels, qui ont été adoptés par le Parlement dans le cadre des lois du 31 mai et du 5 août dernier, ont fait pleinement leurs preuves. Les remplacer par de nouvelles dispositions créerait de la complexité et de l’insécurité, alors que le cadre existant a été éprouvé.

Le Gouvernement ne juge pas non plus opportun d’inscrire dans la loi un taux précis de vaccination pour la mise en œuvre de tout ou partie des mesures, notamment du passe sanitaire. L’inscription d’une valeur spécifique directement dans la loi ne manquerait pas de rigidifier la gestion de la crise.

Ainsi que l’a souligné le conseil scientifique dans un récent avis, la territorialisation du passe sanitaire n’est pas nécessairement une solution plus adaptée d’un point de vue sanitaire qu’une approche par secteur d’activité qui tiendrait compte des risques associés à chaque catégorie de lieu. En outre, une telle territorialisation pourrait porter préjudice à la cohérence et la lisibilité de mesures qui concernent nos concitoyens.

D’autres modifications ont été apportées aux dispositions consacrées aux mesures d’accompagnement de la gestion de crise, afin de tirer les conséquences des évolutions apportées aux premiers articles du texte.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons des désaccords sur la solution à proposer et l’horizon à retenir pour gérer la suite de l’épidémie de covid-19.

Sans épuiser l’ensemble des divergences,…

M. Loïc Hervé. C’est sûr !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. … le Gouvernement a déposé plusieurs amendements pour réaffirmer plusieurs points importants. Nous aurons ce débat tout à l’heure.

Soyez en tout cas assurés de la mobilisation et de la détermination du Gouvernement pour lutter contre l’épidémie dans les prochains mois. Nous avons en permanence le souci de prendre des mesures nécessaires et proportionnées à l’évolution de la situation, afin de protéger la santé de nos concitoyens dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Organisation des travaux