M. Laurent Burgoa. Vive la chasse !

Mme Esther Benbassa. En instaurant une différenciation entre les animaux qu’il n’est plus possible de maltraiter et les autres, ce texte n’atteint hélas que partiellement son objectif. Une réforme globale et ambitieuse du droit animal serait la bienvenue.

Je voterai toutefois pour ce texte.

M. Franck Menonville. Oui, vive la chasse !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le jeudi 21 octobre dernier, nous sommes parvenus, au sein de la commission mixte paritaire, à un compromis sur la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.

Durant les semaines d’examen du texte dans les deux chambres, jusqu’à la présentation des conclusions de la commission mixte paritaire aujourd’hui au Sénat, nous avons tous constaté la mobilisation, l’engagement et l’émoi que pouvait susciter la maltraitance animale.

Comme sur la majorité des sujets sociétaux, les oppositions ont été fortes et les débats ont été animés dans l’hémicycle et lors des travaux de préparation de la commission mixte paritaire. La vitalité de notre démocratie passe aussi par ces échanges et ces réflexions sur la place et les droits des animaux.

L’aboutissement de ce texte était donc particulièrement attendu par nos concitoyens, par de nombreuses associations – cela a été dit –, et par les acteurs du secteur animalier.

Le texte contient plusieurs dispositions ambitieuses, qui ont été conservées lors de la commission mixte paritaire : la création d’un certificat d’engagement et de connaissance pour l’acquisition d’un animal de compagnie, l’interdiction de la vente d’animaux de compagnie aux mineurs sans le consentement de leurs parents, la suppression de la vente des chats et des chiens en animalerie ou encore l’encadrement de la vente en ligne des animaux par l’instauration d’un label.

Le renforcement des sanctions afin de lutter contre les actes de maltraitance et de zoophilie et limiter les abandons représente également une avancée indéniable.

En ce qui concerne l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums, les délais prévus en commission mixte paritaire constitueront une période de transition nécessaire, cette période devant être adaptée aux spécificités de chaque espèce et permettre la création d’espaces réservés.

Toutefois, mes chers collègues, n’oublions pas que certains sujets sensibles liés au bien-être animal ont été volontairement ignorés dans cette proposition de loi, la majorité présidentielle les ayant soigneusement évités à l’approche des échéances électorales. Ce texte aurait dû être l’occasion d’évoquer l’élevage et de porter un regard objectif sur les conditions de travail de nos éleveurs, afin d’améliorer le bien-être animal.

Malgré cela, lors des débats dans cet hémicycle, nous avons su représenter et défendre les collectivités territoriales afin qu’elles puissent continuer de prendre leur part dans la lutte contre la maltraitance animale, sans que des efforts financiers incohérents leur soient demandés.

Nous avons ainsi obtenu la suppression, à l’article 4, de l’obligation pour les communes de faire stériliser les chats errants, à leurs seuls frais et sous la responsabilité des maires. L’expérimentation de cinq années qui sera effectuée dans certains territoires permettra d’aborder avec recul, et donc efficacement, la question des chats errants, qui représente un enjeu. Aussi, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, ma collègue Florence Blatrix Contat et moi-même avons voté en faveur de ce texte de compromis.

Aujourd’hui, je tiens à réaffirmer le soutien du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain à ces premières avancées ambitieuses en matière de lutte contre la maltraitance animale. Dans cet esprit, ambitieux et raisonné, nous continuerons d’être mobilisés pour améliorer la législation portant sur le secteur animalier et le bien-être animal.

Pour conclure, je tiens à remercier l’ensemble de mes collègues membres de la commission mixte paritaire du travail de concertation effectué et du compromis trouvé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous n’étions pas tous très optimistes sur l’issue de cette commission mixte paritaire, mais nous sommes parvenus à un accord ! Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir su mener les travaux de cette commission avec tact.

Le texte tel qu’il résulte de nos travaux comporte des mesures concrètes qui changeront le quotidien de nos animaux et amélioreront leurs conditions de vie. Notre groupe votera sans réserve et à l’unanimité ce texte majeur en faveur de la protection animale.

Cet accord entre nos chambres n’a pas été si facile à obtenir. Même si nous sommes tous favorables au bien-être animal, entre l’approche très pragmatique du Sénat et celle, volontariste, de l’Assemblée nationale, il paraissait complexe de trouver une issue commune. Toutefois, à force de concertation, de compromis, d’ajustements, en choisissant de minimiser les logiques partisanes au profit de l’intérêt de nos concitoyens et de la cause animale, nous y sommes parvenus.

Les discussions se sont certes terminées tard dans la soirée la veille de la réunion de la commission, mais nous avons su faire prévaloir le bon sens et la sagesse.

Permettez-moi maintenant de revenir avec vous sur quelques points saillants de nos négociations, au cours desquelles nous sommes parvenus intelligemment à préserver un niveau d’exigence ambitieux tout en ménageant des adaptations pour nos structures existantes.

Ainsi, pour les cirques itinérants, le compromis trouvé prévoit l’interdiction des animaux sauvages dans un délai de sept ans après la promulgation de la loi, à condition que des solutions adaptées au bien-être des animaux existent. À défaut, un décret permettra aux cirques de conserver les espèces pour lesquelles des solutions acceptables n’auraient pas été trouvées.

Dans les delphinariums, la détention de dauphins ne sera prohibée que d’ici à cinq ans. Les spectacles seront également interdits à terme. Néanmoins, la présence d’animaux reste possible dans les refuges, suivant des critères qui seront définis par arrêté, afin notamment de faire valoir leur dimension scientifique.

L’interdiction de la vente de chiots et chatons en animalerie, que le Sénat avait supprimée, a finalement été rétablie à l’horizon 2024, mais une dérogation est prévue pour les animaux issus de refuges, dans le cadre d’un partenariat entre les animaleries et les associations, afin de favoriser les adoptions de chats et chiens abandonnés.

Face aux difficultés d’application de l’article prévoyant la stérilisation des chats errants, les maires n’ayant pas parfois les capacités budgétaires de remplir cet objectif, nous nous sommes entendus pour mettre en place une expérimentation de cinq ans. Elle sera réalisée dans les collectivités territoriales volontaires, dans le cadre de conventions de gestion des populations de chats errants.

J’en profite pour saluer les nombreux maires présents au Sénat ce matin, en particulier les Drômois. Sans accompagnement financier, les communes, notamment les plus petites d’entre elles, ne pourront mener à bien cette expérimentation. Je pense bien sûr à ma commune de Lesches-en-Diois, qui compte 50 habitants, mais aussi à celle de Rochefourchat, qui n’en compte qu’un seul, et à de nombreuses communes de France du même acabit.

Saluons enfin la proposition commune sur l’encadrement strict des offres de cession en ligne des animaux de compagnie et la fin immédiate des élevages de visons pour leur fourrure.

En définitive, grâce à ce texte issu de la majorité présidentielle, nous apportons des mesures concrètes qui changeront le quotidien de nos animaux et amélioreront leurs conditions de vie.

Il me semble utile d’ajouter qu’il est particulièrement constructif que le Sénat et l’Assemblée nationale puissent faire œuvre commune sur des sujets aussi sensibles pour nos concitoyens, comme ils l’ont déjà fait en s’accordant sur la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et sur la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs. J’en appelle à cette même coconstruction concernant la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires. Notre crédibilité de parlementaires responsables s’en trouvera ainsi grandie !

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « le véritable test moral de l’humanité […], ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux ». Kundera a vu juste. Si nous ne luttons pas contre la maltraitance animale, personne ne le fera.

La commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Il faut nous en féliciter, car ce texte est attendu par beaucoup de nos concitoyens. Il s’inscrit d’ailleurs dans une tendance de fond, qui s’est traduite par plusieurs initiatives législatives.

La version sur laquelle le Parlement s’est accordé est un texte d’équilibre, qui prend en compte les réalités de notre pays. Près de la moitié de nos concitoyens possède un chat ou un chien. Nous ne pensons pas qu’un animal domestique soit un animal maltraité, comme le prétendent certains.

L’histoire de l’humanité est intimement liée à celle des animaux. La relation entre l’humain et le chien remonte au moins à plusieurs dizaines de millénaires. Nous devons non pas renoncer à ces liens, mais mieux protéger les animaux contre les mauvais traitements.

Il est indispensable que les propriétaires d’animaux disposent des informations nécessaires avant d’être sanctionnés. Les animaux sont non pas les égaux des humains, mais des êtres sensibles dont il importe de connaître les besoins. Le texte prévoit à cet effet que les particuliers qui acquièrent un animal devront disposer d’un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce. Cette mesure peut paraître symbolique, mais elle permettra au moins de s’assurer que les fondamentaux sont connus.

La proposition de loi renforce également l’encadrement de la vente d’animaux de compagnie. La vente sur internet sera désormais interdite, et c’est heureux : les animaux ne sont pas de simples marchandises.

Les conditions de vente en animalerie sont également revues. Les animaux ne devront pas être visibles depuis la rue, afin de réduire les acquisitions impulsives.

Nous nous interrogeons cependant, comme Mme la rapporteure, sur la pertinence d’une interdiction générale de la vente de chiens et de chats dans les animaleries. Ou bien nous considérons que les personnels des animaleries sont des professionnels compétents – nous pensons que c’est le cas – ou bien il aurait fallu leur interdire la vente de tout animal, ce que nous ne souhaitons pas.

La solution retenue est un entre-deux qui ne nous paraît pas satisfaisant. Ces professionnels méritent mieux. Ils peuvent être utiles à la lutte contre la maltraitance. Le texte leur confie d’ailleurs un rôle de promotion de l’adoption des animaux de refuges.

Ces derniers sont en effet submergés par l’ampleur des abandons. Pour éviter l’échec que constitue l’euthanasie, nous devons trouver des solutions pour les 100 000 animaux abandonnés chaque année.

À cet égard, nous saluons l’expérimentation permettant à l’État et aux collectivités de mieux se coordonner pour gérer les populations de chats errants. Ces populations sont en effet un sujet de préoccupation majeure pour de nombreuses communes, notamment dans le nord de la France, comme l’avait indiqué notre collègue Jean-Pierre Decool.

Le texte prévoit aussi de lutter plus efficacement contre les importations illégales d’animaux. Ces trafics nuisent gravement à la condition animale, mais aussi à nos propres filières. Le montant de l’amende encourue est quadruplé, passant ainsi de 7 500 à 30 000 euros.

Au-delà de la lutte contre l’abandon et ses conséquences, la proposition de loi renforce également les sanctions des actes de maltraitance. Certaines circonstances le justifient, notamment, comme l’a dit Éric Gold, lorsque ces actes sont commis en présence de mineurs, sur qui ils ont de graves conséquences.

Je rappelle toutefois que la réponse pénale n’est certainement pas la panacée, que nos juridictions sont d’ores et déjà engorgées et que, malgré la hausse des crédits de la justice cette année, le nombre de magistrats n’a pas beaucoup augmenté depuis le siècle dernier. Comme l’a indiqué Mme la rapporteure, il me semble qu’il vaudrait mieux privilégier la sensibilisation et le travail d’éducation.

La proposition de loi aborde enfin la maltraitance animale sous l’angle des spectacles animaliers, dont la commission mixte paritaire a décidé l’arrêt progressif. Les delphinariums disparaîtront dans cinq ans. Les cirques ne pourront plus détenir d’animaux sauvages deux ans plus tard. De nombreuses collectivités avaient déjà anticipé cette interdiction.

Pour conclure, nos concitoyens sont de plus en plus attentifs au sort des animaux dans notre société. L’ensemble du texte, pragmatique, comporte de nombreuses avancées, même si nous conservons quelques regrets. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires le votera donc.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Christine Chauvin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est important de rappeler ce matin que la protection des animaux n’est pas une préoccupation nouvelle. La France a posé dès 1850 le premier jalon d’une législation protectrice des droits des animaux domestiques en punissant d’une amende les mauvais traitements infligés publiquement. Cette législation s’est étoffée au fil des années jusqu’à reconnaître, en 2015, que les animaux étaient « des êtres vivants doués de sensibilité ».

Aujourd’hui l’attente sociétale est grande pour aller plus loin dans la protection des animaux et moderniser en conséquence notre législation.

Le texte proposé par l’Assemblée nationale, qui est le fruit de plusieurs initiatives parlementaires, n’est pas une loi structurante sur le bien-être animal. Toutefois, son périmètre réduit a permis à notre rapporteure, dont je veux saluer le travail, et à notre assemblée, de mener cette analyse de façon approfondie et dans des délais restreints.

Le Sénat a veillé à amplifier les mesures qui lui semblaient aller dans le bon sens, à corriger les effets de bord de certaines propositions, à supprimer les dispositions qui n’étaient pas en phase avec la réalité des pratiques et, de façon générale, à maintenir une place pour les animaux dans notre société. En effet, la tentation est grande, pour certains, d’interdire à brève échéance toute détention d’animaux, voire même tout contact avec eux. Nous disons au contraire que la relation entre les animaux et les hommes fait partie intégrante de notre société.

Loin de tout dogmatisme, le Sénat a souhaité valoriser dans ses propositions des solutions opérationnelles reposant sur des critères objectifs et scientifiques élaborés en lien avec les professionnels, les associations et les vétérinaires, dans le but d’améliorer les conditions de vie des animaux. Je me réjouis que nombre de ces propositions aient été maintenues dans le texte final. J’en citerai quelques-unes, qui concernent les animaux domestiques.

La reconnaissance du travail des associations sans refuge, d’abord : le texte issu de l’Assemblée nationale aurait entraîné la fin des activités des 3 200 associations sans refuge existantes, pourtant très actives et nécessaires sur le terrain. Sur l’initiative du Sénat, un statut juridique a été créé pour permettre à ces structures de poursuivre leur mission de prise en charge des animaux.

Je pense ensuite à la vente des animaux en animalerie. Une interdiction sèche de l’activité des animaleries n’était pas la solution aux problèmes soulevés par les députés : contrôles insuffisants, règles parfois inadaptées, achats impulsifs, nombreux abandons, défaut de formation des acquéreurs… Elle aurait au contraire redirigé l’activité de vente vers des canaux certainement moins satisfaisants du point de vue du bien-être animal. C’est pourquoi le Sénat a autorisé de nouveau la vente des animaux de compagnie dans les animaleries, à l’exception des chiens et des chats, encadré cette activité et encouragé les partenariats entre animaleries et associations de protection des animaux, dans le but de trouver une famille aux chiens et aux chats abandonnés.

Je pense encore à l’encadrement de la vente des animaux domestiques en ligne. Face à ce qui est devenu la première animalerie de France, il est apparu indispensable au Sénat de fixer un cadre pour la vente des animaux domestiques en ligne, dans le double but de lutter contre les trafics et de s’assurer du bien-être des animaux proposés à la vente.

Je pense enfin au renforcement des sanctions contre les maltraitances à l’encontre des animaux domestiques. Le Sénat a sensiblement amélioré le texte sur ce point, par exemple en créant des circonstances aggravantes en cas de sévices graves ou d’actes de cruauté, en renforçant les plaintes en cas de vol d’un animal domestique lorsque ce vol est destiné à alimenter le commerce illégal, en réprimant plus fortement la zoopornographie, et en créant un délit d’atteinte sexuelle sur animal domestique pour condamner la zoophilie.

D’autres propositions tout aussi structurantes ont été maintenues. C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc de la commission.)

M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 44 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l’adoption 332
Contre 1

Le Sénat a adopté définitivement.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je prends rapidement la parole pour vous dire que j’ai entendu, madame la secrétaire d’État, dans vos propos, l’engagement du Gouvernement pour le bien-être animal ; vous avez même parlé de moment historique.

Je voudrais vous dire qu’en la matière, le Gouvernement a tout de même fait une petite erreur de méthode. Une telle ambition méritait un projet de loi, « filtré » par le Conseil d’État et travaillé sérieusement en amont avec toutes les associations et les professionnels. Cela nous aurait évité de nous trouver face à un texte mal élaboré, sans et parfois contre les professionnels – je pense notamment à la façon dont les circassiens ont été particulièrement maltraités au début.

Cette proposition de loi était mal préparée, parfois dogmatique pour être médiatique, et servir l’exposition de certains plutôt que le règne animal… Pour ma part, je tiens à vous le dire, je n’ai jamais eu à examiner un texte dans de telles conditions. Je me réjouis néanmoins du travail qui a été effectué et du vote que nous venons d’obtenir, à la quasi-unanimité.

Je remercie Mme la rapporteure pour son travail sérieux, mené en profondeur, et tous les collègues de notre assemblée qui se sont investis sur ce texte, ainsi que les services de la commission. Je remercie également les ministres, avec lesquels nous avons échangé sérieusement et de façon constructive, et les professionnels formidables que nous avons rencontrés, qui font sur le terrain un travail exceptionnel. Je remercie enfin tous les groupes politiques, qui ont très largement voté pour ce texte.

Mon dernier mot sera pour les circassiens : ils aiment leurs animaux, et cette proposition de loi a pu profondément les heurter et les blesser. Je veux leur dire le soutien total du Sénat. Nous porterons une attention particulière à la poursuite de leur activité et à l’avenir de leurs animaux. (Mme Marie-Christine Chauvin et Mme la rapporteure applaudissent.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes
 

3

Confiance dans l’institution judiciaire

Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi et des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire (texte de la commission n° 84, rapport n° 83) et des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire (texte de la commission n° 85, rapport n° 83).

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme le rapporteur.

 
 
 

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour l’ultime examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, au terme d’un chemin long et sinueux qui, ces dernières semaines, était plus proche d’un rallye corse que d’une longue promenade de santé ! (M. le garde des sceaux sen amuse.) Le processus a toutefois fini par déboucher sur une issue positive, ce dont nous nous félicitons.

Ce texte, dont l’intitulé affiche l’ambition, est avant tout consacré à l’exercice des différentes professions judiciaires. En effet, si 53 % des Français ne font pas confiance à l’institution judiciaire, ils font majoritairement confiance à ses professionnels qui, malgré des conditions d’exercice souvent difficiles, portent cette institution à bout de bras.

Comme nous l’avons souvent entendu dire, notamment lors de l’Agora de la justice ou de la séance de lundi dernier du colloque organisé avec la Cour de cassation sur « Les attentes du justiciable à l’égard de la justice du quotidien », seules des réformes de fond pourront répondre aux nombreuses difficultés rencontrées par la justice.

Si nous ne sommes toujours pas convaincus que ce texte composite permette à lui seul de restaurer la confiance, nous l’avons néanmoins examiné dans un esprit constructif, qui a permis de déboucher sur un accord en commission mixte paritaire (CMP).

Comme tout accord, celui-ci est imparfait, mais il reprend de nombreuses avancées adoptées par le Sénat, notamment la meilleure organisation de la discipline et de la déontologie des professions judiciaires, la force exécutoire pour les accords négociés entre avocats, l’enregistrement et la diffusion des audiences, ou la réforme des remises de peine et du travail pénitentiaire.

De même, cet accord entérine des dispositions votées par le Sénat, qui correspondent aux standards que nous avions posés comme préalables, comme l’avertissement pénal probatoire, qui remplace le rappel à la loi.

Concernant les cours criminelles départementales, nous avons obtenu le prolongement de l’expérimentation d’une année supplémentaire pour ne les généraliser qu’à partir du 1er janvier 2023, ce qui nous laissera le recul nécessaire.

Mes chers collègues, c’est ce texte de compromis, fruit de nombreux et intenses échanges avec nos collègues de l’Assemblée nationale, mais aussi avec M. le garde des sceaux, que nous vous soumettons aujourd’hui pour approbation. Certaines dispositions, notamment sur le secret professionnel des avocats, sont encore mal comprises. Mais je suis convaincue que les explications de mon collègue Philippe Bonnecarrère, qui n’a pas ménagé sa force de conviction et de pédagogie, éclaireront le sens des travaux du Sénat, et que la pratique lèvera les dernières résistances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Dominique Vérien applaudit également.)

M. André Reichardt. Absolument !

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Monsieur le garde des sceaux, vous aviez, lors des débats, évoqué le sentiment que vos arguments rebondissaient sur la muraille du Parlement. (M. le garde des sceaux le conteste.)

Vous avez pu constater que le Parlement, au terme du débat, écoutait les arguments, et l’accord que nous avons trouvé en CMP en a été pour vous la démonstration. Cet accord permet au projet de réforme de déployer ses effets, à la fois, en matière de communication, pour les remises de peine et sur le travail pénitentiaire. L’accord porte aussi sur les cours départementales criminelles et l’organisation déontologique des professions juridiques.

J’évoquerai de façon plus précise les articles 2 et 3.

L’article 2 concerne les enquêtes. Leur durée sera limitée à deux ans, avec la possibilité de la prolonger jusqu’à trois ans. Nous avions souhaité un certain nombre d’exceptions. Vous avez voulu, monsieur le garde des sceaux, conserver une structure et une règle générales, et nous vous avons suivi. Nous allons retrouver ce débat dans les mois et les années à venir au travers de deux éléments.

Premièrement, le bon fonctionnement de cette réforme reposera sur la capacité à disposer de suffisamment d’enquêteurs judiciaires, ce qui reste une difficulté. (M. le garde des sceaux le reconnaît.)

Deuxièmement, c’est à l’évidence le grand retour du juge d’instruction, ce qui aura des conséquences sur les États généraux de la justice, avec le débat entre les modalités accusatoires et inquisitoires. En quelque sorte, monsieur le garde des sceaux, vous préemptez les termes du débat, dans un contexte où la question du délai peut jouer. (M. le garde des sceaux le conteste.)

L’article 3 se résume à la situation suivante : la profession d’avocat a une culture d’indépendance, une culture du secret, qui l’a conduite à se considérer comme bénéficiant d’un secret professionnel général ou illimité. Elle en bénéficie en effet en matière de défense, mais pas, dans le droit positif, en matière de conseil. (M. le garde des sceaux acquiesce.) La solution à laquelle nous avons abouti comporte une double avancée : des garanties en matière de perquisitions et un élargissement – certes non intégral, parce que la société doit se défendre, mais bien réel – sur la question du conseil.

Mes chers collègues, je vous remercie de votre attention et de votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. André Reichardt applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, après dix mois de travail, je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui, à la suite de l’accord conclu en CMP.

Je sais depuis Jean de La Fontaine que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute, mais je souhaite vous dire que j’aime le bicaméralisme et le second regard qu’il permet. Lorsque j’étais avocat, le second regard, c’était la cour d’appel ; ne vous enflammez pas, vous n’êtes pas la cour d’appel de l’Assemblée nationale… (Sourires.) Ce second regard permet de prospérer ensemble.

Ceux qui ont pu dire que nous étions en opposition sur certains sujets, et notamment sur le secret professionnel, se sont trompés. Sur ce point, je suis parti du secret de la défense ; les députés y ont ajouté le secret du conseil ; et le Sénat a rappelé, à juste titre, comme vous venez de le faire, monsieur le rapporteur, que le secret du conseil n’était pas absolu, qu’il n’était pas garanti par notre Constitution, contrairement au secret professionnel de la défense, car le conseil est une activité de services, et même une activité commerciale – et les notaires le savent.

Je me félicite de la façon dont nous avons travaillé ensemble. Bien sûr, sur certains sujets, nous n’étions pas d’accord – et c’est bien le moins. Mais, sur bon nombre de sujets, nous avons coconstruit le texte, et nous sommes parvenus à des solutions qui, me semble-t-il, sont de nature à restaurer la confiance.

J’ai bien entendu qu’il ne suffit pas d’un texte, hélas… Ce serait trop beau, ce serait la baguette magique que je ne partagerais avec personne ! Il ne suffit certes pas d’un texte pour rétablir la confiance, mais je voudrais revenir quelques instants sur plusieurs sujets.

Filmer les audiences, sans trash, avec la seule volonté pédagogique de permettre à nos compatriotes de mieux comprendre comment fonctionne la justice, doit permettre d’empêcher le « justice bashing », qui permet à certains populismes de prospérer. Chacun verra ainsi comment on détermine une peine, par exemple. Mon expérience d’avocat m’a montré que, quand nos compatriotes ont été jurés, ils en ressortent transformés : ils ont viscéralement mesuré à quel point juger était compliqué.

La solution à laquelle nous avons abouti va, je le crois, dans le bon sens. La justice s’invite dans le salon des Français, ou plutôt les Français pourront inviter la justice dans leur salon. Rappelons-le, la publicité est d’ailleurs une grande garantie démocratique du bon fonctionnement de la justice. Dans les dictatures, la justice n’est pas publique. Nous allons écarter les murs de l’audience.

J’en viens à l’enquête préliminaire. Il n’est pas anormal que dans une grande démocratie comme la nôtre, on enserre l’enquête préliminaire, devenue parfois enquête éternelle, dans des délais. C’est une violation patente des droits de l’homme que de savoir qu’un homme peut être suspecté pendant deux, trois, quatre ans, parfois plus, sans savoir à quelle sauce il va être mangé, avec, parfois, quelques atteintes graves à sa présomption d’innocence dans la presse. Nous avons renforcé cette présomption d’innocence, et limité l’enquête préliminaire.

S’agissant du jury populaire, nous lui redonnons ses lettres de noblesse. Enfin, et comme c’était le cas autrefois, il faudra désormais qu’une majorité de jurés se soient exprimés pour envisager une condamnation.

En ce qui concerne des cours départementales, j’ai entendu ce qu’a dit le Sénat, lequel a souhaité que l’expérimentation se poursuive. Je suis presque convaincu. (M. André Reichardt sen réjouit.)

L’argument qui a définitivement fini de me persuader, c’est que l’expérimentation a eu lieu durant une période que nous venons de traverser et dont nous ne sommes pas encore sortis, qui est celle du covid. Alors pourquoi pas ? Je n’ai pas du tout l’intention d’être caporaliste, et la voix des parlementaires m’importe infiniment.

Pour que cette cour départementale, dont nous savons déjà qu’elle est efficace, soit mise en œuvre et généralisée, nous allons donc attendre la fin de l’expérimentation.

Sur les crimes en série, la réforme est extrêmement importante. Nous allons créer une juridiction nationale. Je pense à toutes les victimes qui n’ont pas connu ce qu’elles espéraient – l’interpellation, l’arrestation et le jugement des auteurs de crimes sériels – pour une raison absolument insupportable à nos yeux, qui est qu’une affaire peut être instruite là, une autre là-bas, une autre encore ailleurs, et que les magistrats et les enquêteurs ne travaillant pas ensemble, nous n’aboutissions pas. Une juridiction spécialisée en la matière est une formidable avancée, me semble-t-il.

S’agissant de la suppression du rappel à la loi, j’ai également entendu ce que disait le Sénat. Je proposais un an, vous en proposiez trois, nous avons retenu deux : quelle sagesse ! (Sourires.) Ce rappel à la loi, plus personne n’en voulait. Il n’impressionnait plus que les honnêtes gens, alors qu’il est fait aussi – et surtout ! – pour ceux qui commettent des infractions. Devant les maires, réunis en ce moment même à Paris, j’ai rappelé quel était le sens de l’avertissement pénal probatoire. Pour la période probatoire, nous avons retenu une durée de deux ans. Nous avons exclu les violences : il n’est plus possible que l’avertissement pénal probatoire soit appliqué quand des violences ont été commises. Il n’est plus possible, non plus, d’y avoir recours pour une personne qui a déjà été condamnée.