Mme Raymonde Poncet Monge. En France, près de 1 000 enfants sont aujourd’hui accompagnés par le réseau France parrainage. Nous nous réjouissons que ce dispositif soit consacré dans la loi et renforcé par l’amendement que nous venons de voter, tant il démontre son utilité en offrant aux mineurs un soutien affectif et éducatif d’une grande importance, ainsi qu’une ouverture sociale et culturelle, une échappatoire au cadre existant, un soutien dans les moments difficiles, autant d’éléments essentiels à l’accompagnement vers l’autonomie.

Toutefois, un élément essentiel manque au dispositif tel qu’il est présenté dans ce projet de loi, à savoir le fait d’inscrire ce projet de parrainage au sein du projet pour l’enfant (PPE). Or cela fragilise le dispositif du parrainage puisque, n’étant pas inscrit dans le PPE de l’enfant, le lien privilégié que le dispositif tend à construire peut être rompu en fonction de l’évolution administrative de la situation de l’enfant.

Nous devons, au contraire, renforcer le dispositif en l’inscrivant dans le projet pour l’enfant afin de préserver et de stabiliser le lien que le dispositif construit. Cela aura pour bénéfice, par ailleurs, de lever un peu plus les freins au développement de ce dispositif, partout en France.

Par le biais de cet amendement, il s’agit donc de renforcer le dispositif que nous saluons par ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Bonne, rapporteur. Notre collègue propose que le projet de l’enfant évalue l’opportunité de mobiliser la société civile pour les enfants protégés à travers une relation de parrainage. Cet amendement est plus que satisfait par l’article 3 bis B.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait. À défaut, j’émettrai également un avis défavorable.

M. le président. Madame Poncet Monge, l’amendement n° 294 est-il maintenu ?

Mme Raymonde Poncet Monge. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 294 est retiré.

Article additionnel après l'article 3 bis B - Amendement n° 294
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des enfants
Article 3 bis D

Article 3 bis C

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 140 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

L’amendement n° 337 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Rambaud, Mme Schillinger, MM. Buis, Rohfritsch et Lévrier, Mmes Duranton et Havet, M. Théophile et Mme Dindar.

L’amendement n° 396 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre Ier du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles est complété par un article L. 221-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 221-10. – Les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France sont autorisés, après information du président du conseil départemental, à visiter les établissements mentionnés aux 1° et 4° du I et au III de l’article L. 312-1. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 140 rectifié.

Mme Raymonde Poncet Monge. En 2019, la députée Perrine Goulet, écrivait dans un rapport d’information sur l’aide sociale à l’enfance que l’ampleur des problèmes sociaux rencontrés dans certains établissements de l’ASE justifiait la mise en place d’une véritable politique nationale de contrôle.

En conséquence, elle estimait assez logique « que les parlementaires disposent, à l’instar de ce que prévoit l’article 719 du code de procédure pénale sur le droit de visite dans les lieux privatifs de liberté, d’un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l’enfance ».

Nombre d’articles, de travaux, d’investigations, de documentaires, de livres, de témoignages font état de violences dans certaines familles ou dans certains centres de l’ASE.

La députée Perrine Goulet soulignait que les contrôles, même dans les départements les plus vertueux, ne survenaient que tous les cinq à six ans…

La disposition introduite à l’Assemblée nationale pour améliorer un peu le contrôle a été supprimée par la commission des affaires sociales alors qu’elle garde toute sa pertinence.

Avec ces visites, nous devons prendre notre part, après information du président du conseil départemental, de la vigilance contre la maltraitance, y compris institutionnelle.

Nous ne devons pas nous priver de notre droit de visite et d’inspection de certains lieux publics. C’est pourquoi nous souhaitons rétablir cette disposition pertinente introduite par l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 337 rectifié bis.

M. Xavier Iacovelli. Il s’agit effectivement de rétablir le droit de visite des parlementaires. L’idée n’est pas de « fliquer », mais elle est de s’assurer que les enfants accueillis dans les structures bénéficient bien de la protection adéquate. C’est notre rôle de parlementaires.

Pourquoi pouvons-nous visiter les prisons, sans même en avertir l’administration, et ne pouvons-nous pas aller dans les foyers et dans les structures d’accueil, d’autant qu’il ne s’agit pas de le faire de façon inopportune puisque nous en informons le président du département ?

Cela permettrait également de valoriser les belles initiatives de l’ASE en mettant en avant les réussites. Nous pourrions ainsi échanger avec les travailleurs sociaux et les jeunes. Il s’agit d’un enjeu démocratique !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 396.

Mme Michelle Gréaume. Dans la continuité des deux amendements précédents, nous proposons de rétablir l’article 3 bis C introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative de la députée Florence Provendier.

L’actualité récente a mis en lumière des dysfonctionnements particulièrement graves de certains établissements de la protection de l’enfance. Il semble nécessaire, par conséquent, d’autoriser sans restriction l’accès des parlementaires aux établissements de l’aide sociale à l’enfance, raison pour laquelle nous soutenons l’idée de créer un droit de visite de ces établissements, sur le modèle du droit de visite des lieux de privation de liberté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Bonne, rapporteur. Je vais répéter ce que j’ai déjà dit plusieurs fois en commission. Je suis tout à fait d’accord avec M. Iacovelli : les parlementaires ont le droit de visiter les établissements, après information du président du département. Mais en aucun cas il ne peut s’agir d’un droit au même titre que celui qui est appliqué pour les visites de lieux de privation de liberté. C’est complètement différent !

Tout d’abord, les établissements de l’aide sociale à l’enfance ne sont pas des lieux de privation de liberté.

Par ailleurs, si l’on autorise ces visites pour les structures qui accueillent des enfants, il faudrait les autoriser également pour les familles d’accueil, pour toutes les structures médico-sociales, pour l’ensemble des établissements qui accueillent des personnes handicapées, pour les écoles, etc.

En outre, les parlementaires disposent déjà de nombreuses prérogatives en matière de contrôle des politiques publiques, qui permettent de visiter des établissements.

Le Gouvernement et l’ADF pourraient peut-être demander aux départements de faciliter l’accueil des parlementaires dans ces établissements : quel président de département pourrait s’y opposer ?

Mais imaginez que la médiatisation de certains problèmes pousse demain une cinquantaine ou une soixantaine de parlementaires – en général, ce ne sont pas les meilleurs… – à aller visiter certains établissements devant les caméras de télévision. Pensez-vous que ce sera un plus pour ces enfants ?

Je suis donc opposé à cette possibilité. Les parlementaires ont d’autres moyens d’action que d’effectuer de tels contrôles. Ce n’est pas leur rôle et cela fragiliserait considérablement le travail effectué dans l’intérêt des enfants au sein de ces établissements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, pour deux raisons.

Premièrement, il s’agit du pouvoir des parlementaires : c’est donc à vous de décider.

Deuxièmement, comme je l’ai souligné devant les députés, quid des enfants qui se trouvent placés chez des assistantes familiales ? Ce droit que vous souhaitez instaurer s’étend-il également à eux ?

En cas de réponse négative, la moitié des enfants confiés seront exclus du bénéfice de ces visites. J’y vois un risque d’inégalité entre les enfants qui me paraît difficile à justifier.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Mme Michelle Gréaume. À la suite des explications données, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 396 est retiré.

Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 337 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Xavier Iacovelli. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 337 rectifié bis est retiré.

Madame Poncet Monge, l’amendement n° 140 rectifié est-il maintenu ?

Mme Raymonde Poncet Monge. Je n’admets pas votre objection, monsieur le secrétaire d’État. La maltraitance institutionnelle est une donnée institutionnelle.

Quant aux accueils familiaux, le contrôle en revient au département. Ce qui se passe au domicile, y compris de gré à gré, avec des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées, personne ne peut le vérifier, pas même l’inspection du travail. C’est ainsi, c’est le domicile !

Il n’en est pas de même pour la violence en milieu institutionnel, d’autant qu’il s’agit davantage de visiter ces établissements que de les contrôler. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat. Et la médiatisation ?

M. Laurent Burgoa. Allez plutôt contrôler les mairies écologistes !

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote sur l’amendement n° 140 rectifié.

M. Xavier Iacovelli. Pardonnez-moi d’insister, monsieur le président, mais ce texte sera le seul du quinquennat à traiter de la protection de l’enfance, il mérite que l’on prenne le temps d’en débattre ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il fallait demander au Gouvernement de prévoir plus de temps pour son examen. Je ne suis pas responsable de l’ordre du jour ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Xavier Iacovelli. Madame Puissat, sans médiatisation, nul n’aurait été au courant des incidents qui ont eu lieu dans un certain nombre de foyers. Nous n’aurions rien su de la maltraitance et de l’absence de formation d’un certain nombre d’éducateurs.

Pardonnez-moi, mais la médiatisation a parfois du bon, surtout lorsqu’il s’agit de protéger nos enfants !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 140 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 3 bis C demeure supprimé.

Article 3 bis C (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des enfants
Article additionnel après l'article 3 bis D - Amendement n° 370

Article 3 bis D

I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au quatrième alinéa de l’article L. 112-3, les mots : « peuvent également être » sont remplacés par les mots : « sont également » ;

2° L’article L. 222-5 est ainsi modifié :

a) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° À titre temporaire, les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité, y compris lorsqu’ils ne bénéficient plus d’aucune prise en charge par l’aide sociale à l’enfance au moment de la décision mentionnée au premier alinéa. » ;

b) Au dernier alinéa, après le mot : « mentionnés », sont insérés les mots « au 5° et » ;

3° L’article L. 222-5-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La garantie jeunes est systématiquement proposée aux jeunes majeurs mentionnés au 5° de l’article L. 222-5 confiés à l’aide sociale à l’enfance qui ont besoin d’un accompagnement, ne poursuivent pas leurs études et remplissent les conditions d’accès définies à l’article L. 5131-6 du code du travail. »

II. – Les charges supplémentaires résultant pour les départements du 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles donnent lieu à un accompagnement financier de la part de l’État, dont les modalités sont déterminées lors de la prochaine loi de finances.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 3 bis D tend à remédier aux conséquences dramatiques des sorties sèches de l’ASE et au scandale de certaines statistiques : 26 % des personnes sans domicile fixe sont d’anciens enfants placés.

Cet article amorce une politique de prévention des sorties sèches qui nous semble insuffisante pour réduire la surreprésentation massive des jeunes étant passés par l’aide sociale à l’enfance dans la précarité économique et résidentielle par rapport à leur catégorie d’âge.

Combien de temps allons-nous encore exiger de ces jeunes, dont le parcours est marqué par de nombreuses ruptures, séparations, une faiblesse d’entourage familial et amical, les mêmes gages dans le processus d’insertion que les autres jeunes pour la garantie jeunes ou des gages d’autonomie pour l’octroi d’aides ?

La Cour des comptes souligne ce paradoxe : « L’exigence d’autonomie est beaucoup plus forte et plus précoce à l’égard des jeunes protégés que pour la population des jeunes en général. »

L’âge de la majorité représente en effet un couperet contre-productif qui sape le travail d’insertion sociale de l’ASE.

Rappelons que la fonction de l’ASE est celle d’une suppléance parentale. Alors que l’âge moyen de décohabitation des jeunes est de 25 ans et que leur premier emploi stable est obtenu à 27 ans, les parcours et les caractéristiques des jeunes placés, y compris en termes de santé et de niveau de qualification, plaident pour que soit garanti un accompagnement de droit jusqu’à 25 ans aux anciens enfants placés.

M. le président. L’amendement n° 33, présenté par M. Iacovelli, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article L. 112-3, après le mot : « social », sont insérés les mots : « , à favoriser son insertion sociale et professionnelle » ;

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. L’article 3 bis D tend à garantir une solution d’accompagnement à chaque jeune de l’aide sociale à l’enfance devenant majeur.

Afin de renforcer cette mesure, cet amendement vise à ajouter à la liste des missions de la protection de l’enfance « favoriser l’insertion sociale et professionnelle » des publics visés, afin que les politiques de l’enfance soient ancrées dans une temporalité de long terme, en cohérence avec l’objectif de prévention des « sorties sèches ».

L’insertion du majeur issu de l’aide sociale à l’enfance nécessite que, dès sa prise en charge par les services de protection de l’enfance, des politiques de long terme soient mises en œuvre.

La protection de l’enfance en ce sens joue un rôle central dans le développement des mineurs et dans leur insertion, tant dans le dispositif qu’une fois qu’ils en sont sortis à leur majorité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Bonne, rapporteur. Cet amendement vise à ajouter au sein des missions de la protection de l’enfance celle de favoriser l’insertion sociale et professionnelle de l’enfant.

Cette précision présente une portée pratique assez limitée : l’insertion professionnelle concerne moins la protection de l’enfance stricto sensu que l’accueil des jeunes majeurs à l’ASE.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Même avis, pour les mêmes raisons. Nous aurons l’occasion, avec l’amendement suivant, de porter une ambition plus grande encore.

M. Xavier Iacovelli. Je retire mon amendement !

M. le président. L’amendement n° 33 est retiré.

Je suis saisi de seize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 428 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 5° Les jeunes majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité, y compris lorsqu’ils ne bénéficient plus d’aucune prise en charge par l’aide sociale à l’enfance au moment de la décision mentionnée au premier alinéa. » ;

II. - Après l’alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Peuvent être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants. » ;

III. – Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le dispositif mentionné à l’article L. 5131-6 du code du travail est systématiquement proposé aux jeunes majeurs mentionnés au 5° de l’article L. 222-5 du présent code ainsi qu’aux jeunes majeurs âgés de moins de vingt et un ans lorsqu’ils ont été confiés à un établissement relevant du secteur public ou du secteur associatif habilité de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre d’une mesure de placement et qu’ils ne font plus l’objet d’aucun suivi éducatif après leur majorité, qui ont besoin d’un accompagnement et remplissent les conditions d’accès. »

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Cet amendement important est le résultat d’un processus engagé depuis trois ans au moins sur la question des sorties de l’aide sociale à l’enfance, notamment les sorties sèches.

Une étude récente de la direction générale de la cohésion sociale monte que 57 % uniquement des enfants bénéficient toujours d’un accompagnement une fois qu’ils ont passé l’âge de 18 ans.

Ces chiffres ont été rappelés à plusieurs reprises : un sans domicile fixe né en France sur quatre est passé à un moment ou à un autre par l’aide sociale à l’enfance. Il existe par ailleurs de grandes inégalités territoriales d’un département à l’autre sur la poursuite de l’accompagnement à la majorité.

Depuis 2019 et la mise en place de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, l’État, en responsabilité, et parce que l’insertion professionnelle, monsieur le sénateur, est au cœur de ses compétences, a mobilisé tous les dispositifs de droit commun de façon prioritaire au bénéfice des enfants sortant de l’ASE.

Je l’ai évoqué dans la discussion générale, pour ceux d’entre eux, trop peu nombreux – 6 % seulement –, qui poursuivent des études supérieures, nous prévoyons un accès automatique à l’échelon 7 des bourses étudiantes et au logement étudiant, et un accès prioritaire au logement social ; cette dernière mesure a été supprimée par la commission, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

J’ajoute qu’un accord a été passé avec l’Union nationale des missions locales (UNML) prévoyant un accès automatique à la garantie jeunes à la seule condition d’être passé par l’ASE.

En bref, nous mobilisons de façon prioritaire et systématique l’ensemble des dispositifs de droit commun, lequel doit être l’horizon de ces enfants de l’aide sociale à l’enfance.

L’Assemblée nationale a été plus loin encore, en renforçant les droits dont bénéficient ces jeunes lorsqu’ils atteignent l’âge de la majorité. Elle a ainsi prévu la possibilité qu’ils bénéficient d’un rendez-vous six mois après leur sortie de l’ASE, puis à tout moment jusqu’à l’âge de 21 ans, si ma mémoire est bonne.

J’ai oublié de mentionner que la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoyait le financement par l’État, auprès des départements, du maintien d’un accompagnement éducatif ou social pour les jeunes ayant dépassé l’âge de la majorité.

En commission, le rapporteur – je l’ai rappelé lors de la discussion générale – a souhaité renforcer encore les droits de ces jeunes majeurs, en consacrant un droit au retour. En effet, certains d’entre eux, lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans, veulent bien entendre parler de tout sauf de l’institution dans laquelle ils se trouvent parfois depuis la pouponnière. Cependant, il se peut aussi qu’ils prennent conscience des difficultés auxquelles ils pourront être confrontés et qu’ils souhaitent revenir au sein de l’institution pour bénéficier de l’accompagnement de l’ASE.

Le présent amendement vise à aller plus loin encore : en finir avec le couperet des 18 ans et mettre fin aux sorties sèches. Cela passe par deux dispositifs.

Le premier consiste à étendre de façon systématique l’accompagnement des jeunes de 18 ans à 21 ans.

Le deuxième est un projet pour l’autonomie – ce n’est pas formulé en ces termes dans le texte, mais je trouve que cette expression prolonge utilement le projet pour l’enfant (PPE). Ce projet, qui devrait être obligatoirement élaboré par l’ensemble des professionnels, l’État et le département au bénéfice de ces jeunes, reposerait sur trois piliers correspondant aux trois problématiques rencontrées par les jeunes majeurs.

Premier pilier : se poser la question du maintien d’un lien et d’un accompagnement humain, éducatif ou social.

Deuxième pilier : proposer une solution d’hébergement, ce qui peut prendre différentes formes. Si le jeune poursuit des études, par exemple, il s’agira d’un accès prioritaire et systématique au logement étudiant. S’il bénéficie d’un contrat professionnel, ce sera l’accès à un foyer de jeunes travailleurs (FJT). Il pourra aussi s’agir d’une solvabilisation de l’hébergement en FJT par le département, qui apportera les quelques dizaines ou centaines d’euros manquants. Une autre solution sera l’accès à un hébergement semi-autonome, tels que ceux mis en place par plusieurs départements pour les jeunes majeurs.

Troisième pilier : l’accompagnement dans l’insertion professionnelle ou dans les études. Cela suppose, je le répète, un accès automatique à la garantie jeunes, qui deviendra demain le contrat d’engagement jeune, dans une version bonifiée prévoyant une rémunération plus importante à laquelle auront automatiquement accès les jeunes sortant de l’ASE. Ce dispositif est destiné aux fameux « NEET », c’est-à-dire les jeunes sans emploi et sans formation. Quant aux autres, ils bénéficieront d’un contrat en alternance, d’un contrat professionnel, d’une formation, d’un parcours d’insertion professionnelle et d’une rémunération prévue dans le dispositif.

Voilà ce que nous vous proposons de mettre en place.

Plusieurs amendements qui seront présentés après celui-ci visent à supprimer les mots « à titre temporaire » inscrits dans le texte initial de l’article. Ces termes laissent en effet penser qu’il y aurait un certain flou et que le dispositif ne concernerait que des périodes limitées.

Le présent amendement que je vous propose supprime cette notion, afin qu’il n’y ait pas la moindre ambiguïté sur le dispositif que nous allons inscrire dans la loi tous ensemble.

Un deuxième élément a disparu par rapport à la version du Sénat : la référence à des difficultés d’insertion sociale, lesquelles étaient une des conditions pour mettre en place l’accompagnement. Là aussi, nous avons supprimé cette notion.

Le dispositif que nous vous proposons prévoit donc une extension de l’accompagnement systématique des jeunes jusqu’à l’âge de 21 ans, ainsi qu’un projet pour l’autonomie, pour reprendre l’expression que j’utilise, reposant sur ces trois piliers : accompagnement ; hébergement ; insertion professionnelle ou accompagnement dans les études, avec le financement y afférent.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. J’en arrive justement au financement, monsieur Savary.

D’une part, et je sais que nous sommes d’accord sur ce point, la sortie de l’ASE est typiquement l’un des moments de rupture de la protection de l’enfance, puisque l’institution responsable du jeune n’est plus la même.

Au travers du dispositif que je vous ai présenté, l’enjeu – vous l’avez bien compris – est que chacun, et notamment l’État, soit au rendez-vous pour accompagner ces jeunes, non pas dans une démarche de générosité, mais en fonction de ses compétences et de ses responsabilités. J’en viendrai ensuite à la question de la compensation, ou en tout cas de l’accompagnement financier des départements.

L’État, via les bourses étudiantes, mobilise de façon systématique et obligatoire 14 millions d’euros au bénéfice des jeunes. J’évoque de « grandes masses », ce qui n’a pas beaucoup de sens, et je ne devrais pas le faire. Mais puisque nous discutons du volet des relations financières entre l’État et les départements, je me permets de préciser quelle est la contribution de l’État.

Si la moitié des 24 000 jeunes qui atteignent l’âge de la majorité chaque année bénéficiaient de la garantie jeunes sur deux ans, cela représenterait pour l’État une dépense de 150 millions d’euros. Mais, une fois encore, il est tout à fait normal d’assurer ces financements, lesquels relèvent des compétences qui sont les nôtres.

Par ailleurs, je prends devant vous deux engagements.

Premièrement, je m’engage dès maintenant – oralement, à défaut de pouvoir l’inscrire « dans le dur » – à ce que l’État accompagne les départements à hauteur de 50 millions d’euros, en vue de la mise en place de ce dispositif d’accompagnement des jeunes majeurs.

Deuxièmement, je m’engage à ce que soit créé, dès que la loi sera votée, un groupe de travail réunissant l’Assemblée des départements de France (ADF), des représentants du Gouvernement, et peut-être les rapporteurs du présent texte, pour définir et préciser deux éléments : l’accompagnement global dont je vous ai exposé les grandes lignes ; le coût que cela représentera pour les départements, c’est-à-dire le financement additionnel aux 50 millions d’euros sur lesquels je viens de m’engager. Ainsi pourrons-nous faire en sorte que, dans notre pays, le scandale des sorties sèches soit derrière nous.