M. Philippe Bas, rapporteur. Merci !

M. Guy Benarroche. Cette vision séparatiste de la société, triée par les passes successifs, nous la rejetons. Nous y sommes totalement opposés.

Ce passe vaccinal n’empêchera pas la transmission et la propagation du virus, faute de moyens contraints alternatifs, comme les tests PCR ou les masques FFP2.

En outre, il donne à penser que, pour travailler, se déplacer, sortir dans des lieux publics – vivre en somme ! –, nous devrons bientôt et définitivement nous faire vacciner en permanence.

Pourquoi insister sur ce passe maintenant ? Quelle nouvelle urgence, inconnue au mois de décembre dernier, justifie sa mise en œuvre aujourd’hui ?

L’efficacité de ce passe tient surtout au fait qu’il a incité à la vaccination – et tant mieux. Cependant, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer ici, son efficacité en tant que telle, c’est-à-dire son simple pouvoir de limiter l’accès des personnes non vaccinées à certains lieux de vie, est peu étudiée et encore moins quantifiée à moyen terme. C’est pourtant ce pouvoir qu’il faudrait juger aujourd’hui.

Je le répète, tant qu’il est présenté comme la solution unique, ce passe a un effet pervers : c’est une illusion de croire en sa protection et c’est une faute de le laisser croire, alors que l’on constate une circulation active du virus et une immunité déclinante. Parce qu’elle s’accompagne d’un relâchement flagrant des gestes barrières, cette illusion est un danger plus grand encore, que vous ne prenez pas suffisamment en considération.

Qui plus est, une partie du public prioritaire n’est toujours pas bien vacciné. Les plus fragiles, les plus précaires, les plus pauvres, les plus éloignés de l’épicentre de notre vie sociale ne le sont pas suffisamment et ce ne sont pas des antivax.

Le passe vaccinal aura-t-il un effet protecteur sur ces populations ? Où en sont les campagnes d’« aller vers » ? Votre but étant la protection de la population la plus fragile, c’est sur elle qu’il vous faut concentrer vos efforts, monsieur le ministre !

À cet égard, quelles sont véritablement vos intentions concernant la quatrième dose ? Y en aura-t-il besoin ? Selon quelles modalités sera-t-elle administrée et quelle implication aura-t-elle sur le passe vaccinal qui sera peut-être voté à l’issue de nos débats ?

La vaccination est un outil majeur et indispensable, mais ce n’est pas le seul.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte, car il instaure une société du contrôle et liberticide, traduit un mode de gouvernance ou plutôt de gestion vertical, solitaire et fluctuant, parce que chacun de nous est à tour de rôle considéré comme irresponsable, parce que les outils de propagande utilisés sont critiquables, parce que les lois d’urgence sanitaire se succèdent sans répondre à un nouvel état d’urgence et sans avoir pour objectif de freiner les contaminations.

Nous tenterons néanmoins de rendre ce projet de loi acceptable en déposant de nombreux amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée est une nouvelle fois réunie afin d’examiner un texte ayant trait à l’état d’urgence sanitaire. C’est le douzième texte de cette nature en près de deux ans.

L’idée même à l’origine de ce nouvel arsenal de mesures serait de protéger davantage la population sans devoir recourir à des mesures de restriction généralisées, dans un contexte où la vaccination est le meilleur outil pour lutter durablement contre le virus.

Néanmoins, comme l’a souligné le rapporteur, ce texte n’est pas une réponse à l’urgence sanitaire ; ce n’est d’ailleurs pas son objet. Il ne va pas réduire le rythme de circulation du variant omicron à court terme. Sa mesure phare, le passe vaccinal, qui se substituerait au passe sanitaire, n’est pas sans poser quelques questions à nombre de nos concitoyens.

Il y a tout d’abord les antivax. Arriverons-nous à les convaincre sans les offenser ou les injurier ? Ceux qui sont radicalement opposés au vaccin seront-ils plus convaincus par le passe vaccinal qu’ils ne l’ont été par le passe sanitaire ? C’est la question qui se posera au cours des prochaines semaines.

Il y a ensuite nombre de Français, qui, eux, sont vaccinés, mais totalement désemparés et perdus face à cette accumulation de mesures prises par le Gouvernement et aux contraintes qui s’ajoutent les unes aux autres, mesures qui viennent parfois se contredire d’une semaine à l’autre. Je pense tout particulièrement aux enseignants, aux parents d’élèves, aux dirigeants associatifs, aux acteurs du milieu culturel. Comme je peux les comprendre !

En effet, monsieur le ministre, votre péché originel, c’est votre méthode de communication, qui peut parfois paraître totalement incongrue au regard des annonces faites. Je ne prendrai qu’un exemple pour illustrer mon propos. Quand la conférence de presse que le Premier ministre et vous-même avez donnée le 27 décembre dernier débouche sur l’interdiction de manger un sandwich dans le train, de consommer du pop-corn au cinéma, de boire son café debout, ou encore sur l’annonce du retour des fameuses jauges pour les événements culturels ou sportifs, qui ne sont pas proportionnées à la taille des enceintes, j’ai envie de vous dire : tout ça pour ça !

Cela pourrait sembler anecdotique, si cela n’entravait pas la bonne gestion de la crise sanitaire en jetant notamment le doute sur l’efficacité de l’action publique et sur la nécessité de poursuivre l’effort vaccinal.

Il y aurait encore beaucoup à dire et à redire sur la gestion de la crise par le Gouvernement.

M. Philippe Bas, rapporteur. C’est vrai !

M. Stéphane Le Rudulier. Pour autant, faut-il transformer le vote sur ce projet de loi en référendum sur votre gestion de la crise ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Non !

M. Stéphane Le Rudulier. La réponse est non. Je ne le pense pas : ce serait totalement irresponsable au regard de la situation sanitaire.

Le Sénat a d’ailleurs toujours fait preuve de responsabilité et a toujours agi dans une logique constructive et rationnelle. C’est la raison pour laquelle le rapporteur a proposé de faire évoluer le texte selon quatre grandes orientations, que je rappellerai rapidement.

Premièrement, nous proposons une mise en extinction automatique du passe vaccinal, sans confier de pouvoir discrétionnaire au Gouvernement, dès lors que la situation épidémique s’améliore, celle-ci étant mesurée par des critères cumulés – le niveau d’hospitalisations à l’échelon national, une circulation faible du virus et un taux de vaccination très élevé à l’échelon local. Cette disposition permettra ainsi de garantir une proportionnalité entre les limitations des libertés individuelles et la réponse à l’urgence sanitaire.

Deuxièmement, sur la question épineuse de l’extension du passe vaccinal aux mineurs, il nous semble préférable de remplacer le dispositif particulièrement illisible conçu et voté par l’Assemblée nationale par une règle claire : seul le passe sanitaire sera exigé jusqu’à 18 ans pour les sorties scolaires ou encore pour les loisirs, la restauration ou les déplacements interrégionaux.

Troisièmement, concernant le renforcement des dispositifs de contrôle et de sanction, nous avons une conviction forte : ce n’est pas la vocation des restaurateurs, des hôteliers, des cafetiers, en somme de toute personne chargée des contrôles au sein des établissements recevant du public, de jouer le rôle d’officier de police judiciaire en contrôlant des cartes d’identité ou en identifiant des faux. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. La commission a donc strictement limité cette disposition, mais c’est un point qui, sans nul doute, fera débat au sein de notre hémicycle lors de la discussion des articles.

Quatrièmement, enfin, nous avons supprimé l’institution d’un régime de sanction administrative pour les entreprises ne respectant pas certaines préconisations sanitaires telles que le télétravail. Ce dispositif coercitif, qui laisse à l’inspection du travail des pouvoirs d’appréciation extrêmement larges sur l’organisation du travail au sein de l’entreprise, risquait de donner naissance à de nombreux contentieux, pour ne concerner finalement qu’un nombre très restreint d’entreprises.

Mes chers collègues, la commission nous propose, dans le texte tel qu’il résulte de ses travaux, de conserver la position d’équilibre et de cohérence qui a été la sienne durant la crise, afin de garantir la conciliation des objectifs de lutte contre l’épidémie, de préservation des libertés publiques et d’efficience du contrôle parlementaire.

C’est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe Les Républicains voteront dans leur majorité le texte de la commission. Espérons que la majorité des députés…

M. Marc-Philippe Daubresse. Si elle est là !

M. Stéphane Le Rudulier. … entendra la sagesse du Sénat en commission mixte paritaire, ce qui permettra d’aboutir à un projet de loi rééquilibré. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Parlement n’est pas le greffier de l’exécutif.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Philippe Bonnecarrère. Le Sénat est le lieu du débat, et du débat apaisé. De manière surprenante, le débat sur le passe vaccinal a donné lieu à une sorte de dramaturgie : à l’Assemblée nationale, mais aussi du fait des innombrables mails que vous avez peut-être reçus les uns et les autres.

Je vous propose de relativiser : le passe vaccinal est un passe sanitaire ne permettant pas, vous le savez tous, d’accéder à un restaurant ou de prendre le train sur la seule présentation d’un test négatif. Combien de nos concitoyens se faisaient-ils ou se font-ils tester très régulièrement, à leurs frais, depuis le 15 septembre dernier, pour pratiquer leurs loisirs ? Monsieur le ministre, vous avez été interrogé sur ce point lors de votre audition par la commission des lois : vous ne nous avez pas donné d’indication, mais, selon nous, ce nombre est probablement très faible.

Par conséquent, de quoi le passe vaccinal est-il le nom, sinon de cette idée que chaque crise doit avoir une loi pour réponse ? Voilà qui explique que vous soyez saisis pour la douzième fois, mes chers collègues ; M. le ministre et l’orateur précédent l’ont souligné. C’est finalement l’idée que le Gouvernement doit prouver qu’il agit et protège qui prévaut. Dans ce cas précis, il propose le passe vaccinal en lieu et place du passe sanitaire. En réalité, il s’agit d’un changement lexical : tout cela pour cela, pourrait-on dire !

Pour le groupe Union Centriste, la priorité est la santé publique. La pression du covid-19 est considérable, chacun peut la mesurer autour de lui, au-delà des statistiques qui ont été rappelées.

Au-delà des personnes atteintes, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez pu mesurer la réalité des covid longs ou la réalité des formes dures que telle ou telle de vos relations a pu subir sans être forcément hospitalisée : le virus est en effet très lourd et très dur dans ses conséquences. Même avec un variant moins virulent, le risque pour nos concitoyens et pour le système hospitalier est majeur.

La réponse est connue de tous : c’est la vaccination. Le passe, sanitaire ou vaccinal, est certes une mauvaise solution pour les libertés – sur ces sujets, il n’y a pas de bonne solution –, mais force est de constater que nous n’avons pas trouvé de meilleure pour favoriser la couverture vaccinale du pays.

C’est ce qui explique que, très majoritairement, avec la liberté de vote qui lui est traditionnelle, notre groupe approuvera le passe vaccinal, en formulant des conditions et en émettant de sérieux bémols. À cet égard, je remercie Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois, de la qualité et de la pertinence de son travail.

La première condition, probablement la principale, est celle de l’atterrissage, c’est-à-dire de la sortie du passe vaccinal. Mes chers collègues, vous le savez, il est facile de déclarer un état d’urgence ou de se doter d’un passe sanitaire ou vaccinal ; il est en revanche beaucoup plus difficile de s’en extraire. Sans comparer totalement les situations, il n’est qu’à voir la difficulté de sortir des mesures antiterroristes après 2015 ; dans la réalité d’ailleurs, nous n’y sommes pas parvenus, puisque nous les avons pérennisées.

C’est dire si la clause de caducité est fondamentale. Le passe sanitaire doit être et rester exceptionnel, il doit avoir une fin. Le rapporteur a avancé une proposition combinant nombre de patients hospitalisés, taux de vaccination et taux de circulation du virus. Sous réserve d’ajustements sur ces critères ou sur la durée, notre groupe est très favorable à une clause de caducité ou d’extinction automatique du passe sanitaire et non à la seule référence à la date du 31 juillet prochain.

Pour nous, les deux sujets sont liés et je pourrai les résumer ainsi : oui au passe vaccinal, oui à la clause de caducité.

La deuxième condition, ou le deuxième bémol, c’est la situation des jeunes. Permettons aux jeunes âgés de 12 à 18 ans de vivre leur jeunesse !

M. Loïc Hervé. Oui, bien sûr !

M. Philippe Bonnecarrère. Notre société a été dure avec la jeunesse de France depuis deux ans. Nous partageons l’objectif de la commission des lois de donner plus de souplesse et de revenir au système antérieur du passe sanitaire pour les jeunes, afin de leur permettre de poursuivre leurs activités en présentant le résultat d’un test négatif.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Philippe Bonnecarrère. Le troisième bémol, c’est la vérification de l’identité. Elle a été évoquée précédemment. Nous sommes très réservés sur cette question, mais nous sommes ouverts à la discussion.

Le rapporteur a proposé qu’il n’y ait pas de vérification de la carte d’identité et qu’il soit possible de présenter d’autres documents portant une photographie : nous ne voyons pas très bien à quoi correspondrait cette situation et, plus généralement, nous pensons qu’il y aura très peu de situations dans lesquelles, par exemple, un restaurateur estimera qu’il y a une raison sérieuse d’aller au-delà de la production du passe sanitaire.

En résumé, nous restons ouverts à la discussion, mais objectivement très réservés et pas très éloignés de la position de rejet retenue par le groupe socialiste. Sur ce point toutefois, les débats nous permettront d’aller un peu plus loin.

La quatrième condition, ou le quatrième bémol, a trait à la sanction des entreprises qui ne respecteraient pas le télétravail. Dans cette crise, les entreprises nous semblent avoir été impeccables. (M. Yves Détraigne marque son approbation.) Elles ont bien compris qu’il leur était essentiel de protéger leurs salariés. Aucune n’avait intérêt à avoir un cluster en son sein, au risque de provoquer un arrêt de son activité. Nous ne voyons pas de raison de renoncer à cette situation de confiance et d’entrer dans une logique de sanction.

Reste pour moi à évoquer un autre sujet, qui concerne non pas ce qui est dans le texte, mais ce qui n’y figure pas. Nous luttons contre une pandémie au sens médical du terme, n’y ajoutons pas une pandémie démocratique ou présidentielle.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez tous, l’élection présidentielle est la clé de voûte de nos institutions. Alors que des dispositions ont été adoptées pour faciliter le vote aux élections municipales, aux élections départementales et aux élections régionales, comment expliquer qu’on ne faciliterait pas le vote lors de l’élection présidentielle et, a fortiori, le déroulement de la campagne ?

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Philippe Bonnecarrère. Il y a même une forme d’humour dans le texte, puisque l’article 1er septies donne au Gouvernement les moyens de faciliter la tenue des assemblées générales de copropriétaires. Vous m’autoriserez à penser que l’élection présidentielle est a fortiori un sujet ayant vocation à être traité.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Philippe Bonnecarrère. Nous savons que ce sujet relève d’une loi organique. C’est pourquoi nous avons préparé une proposition de loi organique ayant deux objectifs : dédoubler les bureaux de vote et élargir la campagne à la télévision. Nous la soumettrons à tous les groupes de cette assemblée, mais nous souhaitons auparavant connaître la position du Gouvernement sur cette question.

Je terminerai en évitant d’ajouter ma petite phrase à toutes celles qui ont déjà été prononcées sur les déclarations des plus hauts responsables de l’État. Je ne pense pas qu’il faille rabaisser les gens. Je ne pense pas que quiconque ait à gagner à niveler la société par le bas.

Le véritable sujet, c’est que cette obsession, cette idée qu’il faut élever la voix pour être audible va de pair avec l’accélération du rythme électoral et avec le quinquennat.

M. Philippe Bonnecarrère. La véritable cause de l’outrance que nous constatons tous, c’est cette malédiction qu’est le quinquennat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les tumultes que ce texte a pu susciter la semaine dernière – que les perturbations viennent de l’exécutif ou de parlementaires –, le Sénat peut enfin se pencher sur la question du passe vaccinal. Je sais que nous prendrons la mesure de l’importance et de la solennité du sujet, de sorte que notre débat sera apaisé et constructif.

Pour le dire sans détour, dans sa grande majorité, le groupe du RDSE est favorable à tout dispositif d’incitation à la vaccination, certains de ses membres plaidant même pour l’obligation vaccinale.

Nous voyons dans nos départements combien les hôpitaux sont débordés et leurs personnels épuisés. Nous sommes également peinés de voir des familles endeuillées, alors que certains patients, s’ils avaient été vaccinés, auraient pu guérir de cette maladie.

M. Philippe Bas, rapporteur. Oui !

Mme Maryse Carrère. Nous connaissons de mieux en mieux le virus, son mode de fonctionnement et ses effets. Plus les mois passent, plus nous avons de recul sur l’efficacité du vaccin. Dans le département des Hautes-Pyrénées, sur huit patients aujourd’hui en réanimation, sept sont des non-vaccinés.

Il faut donc trouver le moyen le plus opérant pour achever cette campagne vaccinale. Faut-il durcir l’incitation, comme le propose le Gouvernement au travers du nouveau passe ? Faut-il penser un nouveau mécanisme d’obligation, comme le suggèrent certains ? Bien entendu, le texte idéal n’existe pas et chacun trouvera toujours à redire sur le dispositif choisi. Ce qu’il faut éviter, c’est l’immobilisme.

Certains membres du groupe du RDSE se sont très tôt prononcés en faveur de l’obligation vaccinale au point qu’aujourd’hui, avec ce nouveau passe, nous nous interrogeons sur l’intérêt de maintenir un faux-semblant de liberté de choix.

Il est sans doute trop tard, mais un autre dispositif aurait pu être imaginé en amont, par exemple afin d’épargner aux restaurateurs et aux cafetiers toutes ces contraintes quotidiennes, que nous pourrions d’ailleurs encore alourdir en leur ouvrant la possibilité de vérifier l’identité des détenteurs de passe.

Il demeure que le chemin du passe sanitaire a été choisi et que nous poursuivons dans cette voie. Reste à espérer que ce mécanisme permettra de convaincre ceux qui, pour des raisons qui leur sont propres, refusent encore d’être vaccinés.

Nous devons néanmoins garder à l’esprit la nécessaire mesure que ce type de dispositif requiert. Après quelques mois d’utilisation du passe sanitaire, nous nous sommes accoutumés. Cela suscite une première inquiétude : cette banalisation pourrait conduire à un usage excessif.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vous apprendrai rien en rappelant qu’une mesure administrative intervenant en matière de police générale n’est légale que si l’atteinte portée au libre exercice des droits et libertés de chacun est adaptée, nécessaire et proportionnée.

Ce principe s’impose à l’administration, donc au Gouvernement, mais il doit aussi guider le législateur lorsqu’il fixe le cadre de l’exercice de cette police administrative, en lui imposant de respecter une proportion équilibrée entre la gravité de l’atteinte portée aux droits et libertés et l’intensité du risque encouru, en l’espèce sanitaire. C’est une exigence de l’État de droit.

Aussi, nous devons tenir compte des situations spécifiques et ne pas céder à la facilité d’imposer des obligations trop générales, au seul motif qu’elles sont commodes à appliquer.

Dans ces circonstances, le texte adopté par l’Assemblée nationale nous paraissait encore perfectible.

Par exemple, la question de la proportionnalité des mesures se pose encore une fois, à l’heure où les jauges ont été rétablies dans de nombreux lieux culturels. L’Assemblée nationale a fait un pas vers plus de flexibilité lors de l’examen du texte en commission, nous regrettons qu’elle soit revenue sur son intention en séance publique.

Pour y remédier, un amendement déposé en commission par Nathalie Delattre visait à réintégrer cette proportionnalité. Nous nous réjouissons que la commission des lois ait été du même avis en adoptant un dispositif visant le même objectif.

Dans l’ensemble, les amendements adoptés en commission vont dans le sens que nous attendions : ils visent à assurer un meilleur encadrement juridique du passe vaccinal de sorte qu’il ne donne pas le sentiment d’être un outil auquel tout gouvernement pourrait recourir sans difficulté.

Aussi ne pouvons-nous que nous réjouir de nos premiers travaux. Si nos discussions en séance publique se poursuivent dans ce sens, les membres du groupe du RDSE, à quelques exceptions près, s’y montreront favorables. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, mes chers collègues, je ne m’adresserai pas à M. le ministre, étant donné qu’il n’écoute aucun des orateurs qui se succèdent à cette tribune. (Sourires. – Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Véran, ministre. C’est parti !

M. Stéphane Ravier. « Est-ce que le passe protège réellement ? […] La réponse est non. » Ces mots ne sont pas de moi, ils sont de Jean-François Delfraissy, le président du conseil scientifique. Quel aveu…

Le ministre n’a pas pour objectif de soigner, ni même de protéger les Français. Son objectif n’est plus sanitaire, il est politique. Il veut tout simplement donner l’illusion de faire quelque chose en prenant la décision la plus arbitraire et autoritaire que ce pays ait eu à subir depuis trois quarts de siècle.

Si son objectif était de protéger nos compatriotes, il rendrait les tests gratuits pour tous, il investirait massivement depuis deux ans dans l’hôpital et la recherche. Or rien de tout cela n’a été ne serait-ce qu’amorcé.

Tout vaccinés que vous êtes, mes chers collègues, je suis le seul à m’être fait tester ce matin – et je suis négatif ! Je suis en mesure d’affirmer que je ne contaminerai personne ici. (Exclamations.) Qui, dans cet hémicycle, peut en dire autant ?

La dérive autoritaire est terrifiante et ce qui me terrifie encore plus, c’est la docilité du Parlement – de l’Assemblée nationale hier et du Sénat aujourd’hui –, qui va avaliser vos décisions, monsieur le ministre, sans que presque personne y trouve à redire.

Que les députés de La République En Marche soient des godillots, on le savait, mais que la majorité de droite du Sénat vote ce texte, sans prendre en compte les atteintes irréparables à nos libertés, c’est plus qu’inquiétant, c’est mortifère.

Oui, vous êtes en train de martyriser la démocratie et la liberté. Vous faites de 5 millions de Français, dont je suis, des sous-citoyens, des non-citoyens. Qu’avons-nous fait pour mériter pareil châtiment ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. Votre masque glisse !

M. Xavier Iacovelli. Votre masque ! Sur le nez !

M. Stéphane Ravier. Nous refusons d’être vaccinés par un prétendu vaccin qui est tellement efficace qu’il faut en administrer une nouvelle dose tous les trois mois, que le port du masque dans la rue est de nouveau obligatoire, que des jauges sont instaurées dans les théâtres et les stades et que les boîtes de nuit sont fermées ! (Nouvelles exclamations.)

Bravo, quelle réussite !

Nous n’en voulons pas ? Qu’importe ! Le ministre nous l’impose de façon déguisée, alors même que le Conseil d’État s’y est opposé en ces termes : Le passe sanitaire ne doit pas « être justifié […] par un objectif qui consisterait à inciter les personnes concernées à se faire vacciner ». C’est pourtant clair.

Comme de l’État de droit vous vous moquez, vous devriez aller encore plus loin : il faudrait écarter les non-vaccinés du reste de la société, les éloigner des vaccinés, comme je l’ai été sur le plateau de LCI, La Chaîne Indigne. (Exclamations.)

M. Xavier Iacovelli. C’était une bonne mesure !

M. Stéphane Ravier. Pour masquer son écrasante responsabilité dans le développement de la pandémie pour avoir mis l’hôpital à l’os, le Gouvernement a adopté une stratégie reposant sur la diversion et la désignation de boucs émissaires conduisant à la mortelle division des Français.

Sachons nous rappeler la citation de Benjamin Franklin, qui correspond parfaitement à ce que nous sommes en train de vivre : « Ceux qui peuvent renoncer à la liberté essentielle pour acheter un peu de sécurité temporaire ne méritent ni la liberté ni la sécurité. »

Mes chers collègues, en votant ce texte infâme, vous assassinez nos libertés sans assurer notre sécurité. Ce texte est une honte pour vous, pour la République et surtout – surtout ! – pour la France.

M. Olivier Véran, ministre. C’est un peu court !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre position a été claire : au mois de novembre dernier, à l’instigation de notre collègue Bernard Jomier, que je tiens à saluer, notre groupe a défendu ici à l’unanimité l’obligation vaccinale.

Parce que nous croyons en la science, parce que nous sommes le pays de Pasteur et parce que onze vaccins sont déjà obligatoires dans notre pays, nous avons fait ce choix, en toute responsabilité. Nous le revendiquons et nous le maintenons. Nous étions le seul groupe à soutenir une telle option. Et nous continuerons, en présentant un amendement visant à mettre en place l’obligation vaccinale, qui est, pour nous, la solution la plus claire, la plus nette et la plus compréhensible.

Monsieur le ministre, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), qui est placée sous votre autorité,…