M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2020, le monde s’est arrêté. Le trafic aérien a chuté de 66 %. Le prix du pétrole s’est tant réduit qu’il est devenu négatif : le baril de Brent s’est échangé à – 38 dollars. La lutte contre la pandémie a gelé l’activité humaine.

Comment croire que, moins de deux ans plus tard, nous soyons confrontés à une flambée des prix de l’énergie ? Il s’agit en vérité du revers d’une même médaille. Des vaccins efficaces ont été mis au point et le virus a muté moins dangereusement ces derniers mois. Nous avons pu revivre à peu près normalement et reprendre le chemin du travail. La reprise économique, en entraînant une forte demande, a renchéri les prix de nombreuses matières premières, notamment ceux de l’énergie.

Tout au long de la crise sanitaire qui se poursuit, le Gouvernement et le Parlement ont travaillé à protéger au mieux la santé de nos concitoyens. Nous avons également veillé à préserver le tissu économique de notre pays, pour amortir le choc de la pandémie dans nos territoires.

Ces mesures de soutien, indispensables pour bon nombre d’acteurs, présentent toutefois des biais importants : elles favorisent l’inflation et augmentent la dette de notre État. Ces deux épées de Damoclès menacent l’ensemble de nos concitoyens.

Le chemin de crête est étroit, car l’énergie est l’un des postes de dépenses les plus importants de nos concitoyens. Nous avons tous en mémoire les conséquences, teintées de jaune fluo, de la hausse de la fiscalité sur les hydrocarbures en 2018. Parce qu’ils ont besoin d’énergie pour se chauffer, se déplacer et travailler, nos concitoyens sont à la merci des variations de prix.

Ne rien faire, c’est prendre le risque de ralentir la reprise et de laisser nombre de nos concitoyens en difficulté ; compenser les hausses, c’est tirer davantage sur l’élastique déjà bien tendu de nos finances publiques.

De décembre à février, les moins aisés recevront un chèque inflation de 100 euros. Voilà quelques jours, le Gouvernement a annoncé une revalorisation de 10 % du barème de l’indemnité kilométrique, au bénéfice de quelque 2,5 millions de foyers français. Ces mesures visent à contrer les effets d’une inflation que nous espérons tous provisoire et s’adressent à ceux qui en ont le plus besoin.

Turgot, dont la statue nous surplombe dans cet hémicycle, nous observe sans doute depuis quelque temps avec une plus grande sévérité, car la santé de nos finances publiques le préoccupe. L’État ne peut pas tout et il ne faut donc pas tout attendre de lui. Turgot disait qu’un des plus grands obstacles à l’économie des finances publiques était la multitude des demandes, justifiée par la facilité de ses prédécesseurs à les accepter, et dont Louis XVI était continuellement assailli.

S’il nous faut agir face à l’urgence, nous devons également examiner avec lucidité ce que le futur nous réserve. La fin du recours aux énergies fossiles et le dérèglement climatique renchériront probablement encore les prix de l’énergie. Une telle perspective doit nous inciter à travailler et à investir davantage dans la recherche et le développement de solutions de remplacement. Le champ des possibles est vaste.

Nous devons œuvrer à produire plus efficacement une énergie plus durable. Il convient d’étudier attentivement les moyens de renforcer l’efficacité énergétique de nos bâtiments, notamment via la rénovation thermique, mais aussi grâce à l’autoconsommation collective et au stockage. Il faudra agir de même pour ce qui concerne nos véhicules. La transition écologique est une nécessité au regard du dérèglement climatique. Il est essentiel que notre pays cultive et renforce sa souveraineté en ce domaine.

« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité ; un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté », disait Winston Churchill. Nous pouvons faire le choix de voir dans le défi climatique d’immenses opportunités de développement pour notre économie.

Le Gouvernement a annoncé des investissements considérables dans le cadre du plan France 2030. Certains concernent des filières d’avenir comme l’hydrogène vert, la décarbonation de notre industrie ou encore la production du premier avion bas carbone. Je continuerai, dans l’Aube, à soutenir les projets allant en ce sens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est attaché à la bonne gestion des finances publiques. Si les mesures conjoncturelles sont incontournables, il faut veiller à ne pas les multiplier. Nous pensons en effet que les fonds publics sont bien mieux employés lorsqu’ils sont investis dans des secteurs novateurs susceptibles de contribuer à la souveraineté de notre pays et au développement de son économie. Si la France conçoit les technologies durables de demain, nos finances publiques et le pouvoir d’achat de nos compatriotes s’en ressentiront favorablement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savons tous ici, la France est confrontée à une crise sans précédent des prix des énergies. Entre le printemps 2020 et hier, les prix de marché ont été multipliés par 2,5 pour le pétrole, par 3 pour le gaz et par 10 pour l’électricité. Certes, la situation est européenne et mondiale.

La hausse s’est répercutée sur les prix à la pompe, qui s’élèvent à 1,70 euro par litre pour l’essence et le gazole et à 1,10 euro par litre pour le fioul. Elle s’est aussi répercutée sur les tarifs réglementés de vente : l’augmentation a été de 13 % pour le gaz en octobre dernier et de 4 % pour l’électricité en ce mois février.

Cette flambée était prévisible : dès juin 2020, la commission des affaires économiques, dans son plan de relance, avait alerté sur un « effet inflationniste en sortie de crise ». Nous avions même proposé une revalorisation du chèque énergie !

Lors de nos travaux budgétaires, nous avions également dénoncé, en novembre dernier, un bouclier tarifaire « tardif et incomplet », regrettant un « manque d’écoute et d’évaluation ». Nous avions alors suggéré de relever les aides aux ménages, entreprises et collectivités et d’accélérer l’application des fournisseurs de recours et des correspondants solidarité-précarité.

Cette flambée des prix met sous tension l’ensemble du secteur énergétique. Elle érode le pouvoir d’achat des ménages, l’énergie représentant 10 % de leur budget. À terme, une hausse de la précarité énergétique est à craindre : 3,5 millions de ménages sont déjà touchés.

Par ailleurs, la flambée des prix empêche la reprise durable de notre économie, car l’énergie représente 7 % de notre produit intérieur brut. Les entreprises énergo-intensives, mais aussi nos PME et TPE, sont touchées. Au-delà des prix des énergies, ceux de leurs coproduits augmentent : l’ammoniac pour nos agriculteurs et l’aluminium pour nos industriels. Et que dire des métaux rares, indispensables à la transition énergétique ?

La flambée des prix pèse sur les contrats de fourniture des collectivités. Selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), les hausses observées sur plusieurs milliers de points de livraison varient entre 30 % et 300 %.

La flambée des prix désorganise le secteur de l’énergie. C’est vrai, au premier chef, pour le groupe EDF, qui évalue à 8 milliards d’euros le coût du relèvement du plafond de l’Arenh et de l’action sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité. L’annonce de ce relèvement a constitué un choc pour le PDG de l’entreprise. Elle a entraîné une dégradation de sa notation et l’organisation d’une grève. De plus, certains fournisseurs alternatifs ont cessé leur activité, à l’instar de Leclerc Énergies, qui a laissé sur le bord du chemin 140 000 abonnés.

Dans ce contexte, la politique énergétique à court terme du Gouvernement me semble erratique.

En premier lieu, le bouclier tarifaire est mal calibré. C’est le cas de son montant : l’attribution, à l’automne, de 100 euros via le chèque énergie ou de l’indemnité inflation ont été rattrapée depuis lors par la hausse des prix. C’est le cas de son champ d’application, ensuite, car les tarifs réglementés de vente, sur lesquels se focalisent les blocages ou les compensations, ne concernent que 7,5 % de la consommation de gaz et 28 % de celle d’électricité.

En deuxième lieu, le bouclier tarifaire est mal évalué. Dans le projet de loi de finances, le Gouvernement avait estimé à 6 milliards d’euros la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité. On en est à 8 milliards d’euros aujourd’hui. Jusqu’où ira-t-on ?

En troisième et dernier lieu, l’avenir du bouclier tarifaire est mal anticipé. Aucune mesure n’est prévue au-delà de 2022. Or la flambée des prix des énergies pourrait bien durer. Par ailleurs, l’action sur les tarifs réglementés pourrait se répercuter in fine sur les ménages et les entreprises. On le sait, la mesure proposée pour le gaz n’est qu’un dispositif de lissage, courant jusqu’en janvier 2023. Par ailleurs, les tarifs réglementés de vente de gaz disparaîtront dès juillet 2023. Ainsi de graves difficultés sont-elles à prévoir ! En outre, aucune conséquence financière n’est tirée de ces mesures pour le groupe EDF.

On relève le plafond de l’Arenh de 100 térawattheures à 120 térawattheures, mais son prix stagne à 46,50 euros le mégawattheure, contre 42 euros actuellement. C’est dérisoire, au moment où le prix de marché de l’électricité s’envole à plus de 200 euros !

Au-delà, la politique énergétique à long terme du Gouvernement me semble indigente.

Si les mesures d’urgence sont indispensables, leur modèle de financement érode nos capacités d’investissement : les 8 milliards d’euros perdus pour le groupe EDF sont autant de moins pour ses projets. Or le Grand Carénage suppose 50 milliards d’euros au total et la transition énergétique 10 milliards d’euros annuels ! Comment, dans ces conditions, financer la construction de nouveaux réacteurs, trois EPR coûtant 46 milliards d’euros ?

Pis, le Gouvernement élude les véritables décisions. Or il faut dire la vérité aux Français !

Tout d’abord, la fermeture des réacteurs existants fragilise notre sécurité d’approvisionnement. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) a ainsi relevé, dans son bilan prévisionnel, une « situation de vigilance pour les trois prochains hivers ».

Plus encore, l’atteinte des objectifs de décarbonation du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » n’est possible qu’en intégrant l’énergie nucléaire à la taxonomie verte.

Enfin, l’immobilisme n’est plus tenable s’agissant de la relance de la filière nucléaire. RTE a ainsi indiqué dans son rapport Futurs énergétiques 2050 qu’« il y a urgence à se mobiliser ».

Au total, la crise des prix des énergies agit comme un révélateur des insuffisances de la politique du Gouvernement.

Pour ma part, je suis convaincu que le soutien au pouvoir d’achat des ménages passe par un soutien à la production d’énergie nucléaire afin de limiter notre dépendance aux importations d’hydrocarbures et de garantir un prix de l’électricité faible et identique pour tous les Français, sur tout le territoire.

En définitive, un véritable bouclier tarifaire devrait consister non pas en une fuite en avant des finances publiques, mais en une relance de la filière nucléaire, colonne vertébrale de la souveraineté énergétique de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise actuelle a démontré notre forte dépendance aux énergies fossiles, qui grève le pouvoir d’achat des Français et les ambitions économiques de nos entreprises.

Rappelons, en effet, que si le nucléaire représente 70 % de l’électricité produite en France, il constitue moins de 20 % de l’énergie finale utilisée par les Français.

La prépondérance du nucléaire dans la production d’électricité ne doit pas occulter la dépendance de la France et, plus généralement, de l’Europe aux énergies fossiles importées pour ses besoins en énergie.

La crise actuelle a rappelé la nécessité de réformer le marché européen de l’énergie afin de protéger le consommateur des variations d’un coût marginal qui fixe le prix unique de marché du mégawattheure. Je salue ainsi la position française consistant à défendre un prix de marché plus fidèle au coût domestique moyen de production et aux efforts de décarbonation des mix.

Sans une telle réforme, et alors que le prix des énergies fossiles sera inévitablement amené à augmenter, la France ne bénéficierait pas de ses choix. Or nos choix collectifs ont conduit à faire de notre pays le champion du monde des pays décarbonés. Nous produisons, avec notre électricité, dix fois moins de gaz à effet de serre que notre voisin allemand grâce à nos centrales et à nos barrages.

Il est temps d’accélérer l’électrification de nos usages et la décarbonation de l’économie en découplant le prix de l’électricité du prix des énergies fossiles.

Cela m’amène à défendre la logique additive rappelée par RTE, c’est-à-dire la complémentarité, non seulement possible, mais aussi nécessaire, entre des énergies renouvelables intermittentes et une énergie nucléaire pilotable, la seconde permettant en réalité d’accompagner l’essor des premières. Le nucléaire est non pas un problème, mais une partie de la solution pour la transition énergétique. Il permettra également d’assurer aux Français la stabilité des prix de l’électricité.

Si les coûts bruts des centrales nucléaires sont élevés, la flexibilité que permet cette énergie, l’amortissement des réseaux, bref, le coût complet du système fait dire au gestionnaire du réseau que la construction de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinente du point de vue économique. Elle permettra d’éviter l’explosion des factures énergétiques alors que la hausse du prix des énergies fossiles est assurée, le tout en renforçant notre indépendance énergétique.

À cet égard, j’ai déposé avec mon collègue Jean-François Longeot une proposition de résolution tendant à accompagner l’essor du nouveau nucléaire en France.

Tout d’abord, les mini-réacteurs permettent d’envisager de nouveaux usages du nucléaire contribuant à la décarbonation de notre économie : production de chaleur, d’hydrogène, d’électricité pour les industriels, etc.

Ensuite, la quatrième génération de réacteurs pour laquelle notre pays doit redéfinir ses ambitions permettra de répondre aux deux principales critiques adressées au nucléaire en permettant une sûreté accrue et un multirecyclage des déchets nucléaires. En tout état de cause, un effort de recherche et de développement est nécessaire.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, qu’en est-il des propositions françaises de réforme du marché européen de l’énergie ? La France a-t-elle l’ambition d’utiliser le nucléaire comme levier d’une diminution des tarifs de l’énergie et comme amortisseur de la crise que nous vivons ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes amenés à débattre aujourd’hui de l’énergie, car, disons-le franchement, nous traversons une crise que personne n’avait vu venir.

Cette crise est provoquée par une conjonction d’événements et de facteurs imprévus qui se sont additionnés pour provoquer une explosion des prix du gaz, laquelle gagne de proche en proche tous les marchés de l’énergie et révèle la faillite de l’Europe dans ce domaine.

C’est cette même Europe qui, bâtie sur la seule concurrence, a choisi d’exposer l’ensemble de l’économie et des ménages à la volatilité des marchés. Soyons clairs, la crise que nous connaissons n’est liée ni à une hausse de la consommation ni à une augmentation des coûts de production : c’est à la libéralisation du secteur que nous devons la situation dans laquelle nous sommes.

De fait, le système actuel ne permet même pas de financer les investissements nécessaires, car il n’offre aucune visibilité.

Un changement de cap doit être rapidement décidé, faute de quoi il pourrait être impossible de conduire une transition écologique acceptée par l’ensemble des populations.

L’origine de cette dépendance énergétique est multiple. Si la faiblesse de la politique européenne de l’énergie est une des causes de cet état de fait, la crise économique de 2008 a aussi découragé certains États membres d’investir dans les infrastructures énergétiques ou dans la rénovation de leurs infrastructures vieillissantes.

Dans ce contexte morose, de nombreux pays hors Union européenne ont aussi profité de l’absence d’autoroutes de l’énergie entre les Vingt-sept pour signer des partenariats d’approvisionnement avec certains d’entre eux.

Confrontée à l’hystérie des marchés, l’Europe avance en ordre dispersé. Chaque gouvernement tente de limiter la casse pour sa population. Depuis le milieu de l’été, une poignée de pays européens, notamment l’Espagne, l’Italie, mais aussi la France, ont déjà adopté des mesures pour tenter d’aider les consommateurs à faire face à l’envolée des prix : allégement de la fiscalité indirecte, mise en place d’un chèque énergie pour les ménages les plus pauvres, gel provisoire des hausses, surtaxation des profits des électriciens et des gaziers, etc.

L’ensemble de ces dispositifs représenterait quelque 18 milliards d’euros rien que pour la France. Ces aides n’ont pu être octroyées qu’en tordant le bras à Bruxelles, la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne n’étant pas étrangère à ce tour de passe-passe budgétaire, comme cela est rappelé dans un article du Canard enchaîné paru aujourd’hui. Mais ces mesures sont tout bonnement insuffisantes et les consommateurs peinent à en voir la traduction concrète sur leur pouvoir d’achat.

Par ailleurs, les dispositions prises se font au détriment du contribuable. De ce point de vue, la situation française est quelque peu ubuesque et éclairante des dérives de la libéralisation à outrance du marché de l’énergie.

Lors des questions d’actualité au Gouvernement du 19 janvier dernier, j’ai interrogé le ministre de l’économie sur la situation d’EDF. Comment se fait-il que cette entreprise soit contrainte de vendre sa production d’énergie à bas prix à ses concurrents, qui eux peuvent la revendre à des prix exorbitants ? J’attends encore une réponse, mais je ne doute pas que vous pourrez me la donner aujourd’hui.

Des questions financières et monétaires de plus en plus pressantes se posent. Cette crise énergétique place la Banque centrale européenne dans une position difficile. Contre cette flambée, contre cette inflation importée, elle ne peut rien faire. Combien de temps pourra-t-elle maintenir sa politique monétaire et les taux faibles ?

Ne nous leurrons pas, la crise risque de durer bien plus longtemps que vous ne l’escomptez. Les hausses sur le marché du gaz se sont propagées au marché de l’électricité, du charbon, du pétrole. Elles ont maintenant gagné les marchés des futures.

Les contrats d’approvisionnement d’électricité pour 2022, voire pour 2023, se négocient au prix de 150 euros le mégawattheure, contre 39 euros en moyenne en 2019, signe que les intervenants de marché n’anticipent pas de baisse rapide.

Inéluctablement, ces prix se répercuteront à un moment ou à un autre sur les factures des ménages. Vos bricolages conjoncturels ne changeront pas la donne et risquent de provoquer un malaise social encore plus grand. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. En écho à nombre de vos interventions, le Gouvernement revendique une modernisation et une réforme du marché européen de l’énergie, notamment pour dissocier le marché des particuliers du marché de gros.

En effet, les consommateurs français n’ont pas à subir une augmentation aussi forte des prix de l’énergie quand, dans le même temps, la France est en mesure de produire de l’énergie à un coût maîtrisé, en particulier grâce à ses investissements passés dans le parc nucléaire et à l’avance prise en la matière.

Pour défendre le pouvoir d’achat des Français, le Gouvernement a agi de trois manières.

Premièrement, il a mis en œuvre un certain nombre de mesures depuis le début du quinquennat. Qu’il s’agisse de la revalorisation de la prime d’activité et de certains minima sociaux, de la défiscalisation des heures supplémentaires ou de la diminution d’un certain nombre de cotisations, toutes ces mesures ont permis une hausse moyenne annuelle du pouvoir d’achat des Français évaluée entre 1,8 % et 1,9 % au cours des cinq dernières années, soit une augmentation deux fois plus rapide que durant les dix années précédentes. Pour mémoire, l’augmentation s’est élevée à 1,4 % de 2007 à 2012 et à 0,4 % de 2012 à 2017.

Deuxièmement, il a fait le choix de répondre à la crise par la mobilisation de l’activité partielle. L’année 2020 a permis de protéger le pouvoir d’achat des Français puisque celui-ci a augmenté en moyenne de 0,4 % alors que nous connaissions une récession de 8 %. C’est la démonstration que les amortisseurs sociaux et l’activité partielle ont permis d’atténuer les conséquences de la crise sur le pouvoir d’achat des Français.

Enfin, troisièmement, nous avons fait face à la crise de l’énergie en mettant en place un certain nombre d’outils, qui ont été évoqués : le chèque énergie à hauteur de 100 euros pour les 5,8 millions de ménages bénéficiaires habituellement ; l’indemnité inflation, déjà perçue par 20 millions de bénéficiaires sur les 38 millions qui la percevront d’ici à la fin du mois de février ; les plafonnements de l’augmentation ou des tarifs par le jeu sur la fiscalité ou le volume de l’Arenh.

Ces mesures représentent un engagement de 15 milliards d’euros, cela a été dit et répété, face auquel l’augmentation de 2 à 3 milliards d’euros des recettes fiscales propres de l’État ne fait évidemment pas la maille, si vous me permettez cette expression, puisque le coût net pour l’État s’élèvera à 12 milliards d’euros. C’est la démonstration que nous déployons des moyens considérables pour défendre le pouvoir d’achat de nos concitoyens. En outre, nous demandons à EDF de faire également des efforts en ce sens.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de le souligner mon collègue Olivier Dussopt, des mesures extrêmement protectrices ont été mises en place pour faire face à la hausse des prix du gaz et de l’électricité.

Pour autant, nous ne remettons pas en cause le fait de devoir repenser notre mix énergétique pour atteindre nos objectifs en matière de décarbonation et pour faire face à la montée en puissance des besoins en électricité. Il nous faut également revoir le modèle économique, le modèle financier et le modèle industriel français, tout en garantissant évidemment notre sécurité d’approvisionnement, et donc la souveraineté énergétique européenne.

Pour ce qui concerne l’électricité, cela a été rappelé, la hausse des prix a été limitée à 4 %. Nous avons donc atteint notre objectif, car les tarifs auraient pu augmenter – il faut le redire – de 30 % à 40 %. Les réponses d’urgence que nous avons mises en place étaient donc nécessaires, même si elles sont moins structurelles et davantage ponctuelles.

Nous avons ainsi été amenés à déclencher des aides. Le Parlement a accompagné cette démarche en approuvant la décision de baisser la fiscalité sur l’électricité grâce à une diminution de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité.

Par ailleurs, pour protéger les entreprises qui n’ont pas accès au tarif réglementé, nous avons demandé à EDF d’augmenter de 20 térawattheures le volume d’électricité nucléaire à prix régulé.

Cette électricité moins chère sera rétrocédée. Il faut l’envisager comme un retour aux consommateurs, aux ménages, aux entreprises, aux collectivités via des tarifs de vente, tant d’EDF que de ses concurrents, qui tiendront compte de ces électrons moins chers.

Nous demandons à EDF de participer à cette lutte contre la hausse des prix au titre de sa mission de service public. C’est elle qui commande de se mettre aujourd’hui au service de l’intérêt général et de l’ensemble des Français, au moment où notre pays traverse une crise aussi exceptionnelle qu’imprévisible, comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné. Quel analyste aurait pu anticiper une telle crise des prix de l’énergie ?

Il importe donc de trouver des solutions pour réguler les marchés de l’énergie à l’échelon européen et de renforcer les liens entre États membres. Cette régulation doit être pensée avant la transition énergétique comme un modèle à reconstruire, en redessinant la corrélation entre le prix payé, le coût de la production et celui de la décarbonation du mix.

Cette crise des énergies fossiles se vit à l’échelle de l’Europe. Le conseil informel des ministres de l’énergie, qui s’est tenu à Amiens la semaine passée, nous a permis de constater qu’une majorité se dégageait en faveur d’une évolution de la réglementation à l’échelon européen. Nous porterons donc au marché de détail de l’électricité toute notre attention et nous centrerons sur lui nos travaux, a fortiori dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Je le rappelle, le Gouvernement a décidé d’accorder 15 milliards euros d’aides afin de soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Certes, quelques failles ont été repérées dans le dispositif, elles ont été soulignées lors des questions d’actualité au Gouvernement cet après-midi. Nous apporterons des réponses plus ciblées dans les prochains jours pour les grosses propriétés et les logements chauffés grâce à des réseaux de chaleur fonctionnant au gaz. Il s’agit de préciser le dispositif et de répondre à tous les besoins : plus de 30 000 des 35 000 communes françaises bénéficient déjà de ce bouclier tarifaire. Le dispositif est donc très large.

Je salue la réactivité dont vous avez su faire preuve au cours des semaines passées, mesdames, messieurs les sénateurs, en votant les dispositions législatives que nous avons présentées afin de ne pas laisser les Français seuls face à cette crise des prix de l’énergie.