Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation
Question préalable (fin)

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme M. Mercier, au nom de la commission, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi n° 529 (2021-2022), adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative au choix du nom issu de la filiation.

La parole est à Mme le rapporteur, pour la motion.

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai le sentiment de vous avoir suffisamment exposé les raisons qui ont motivé le dépôt de cette motion.

Il s’agit de prendre acte de la situation de blocage dans laquelle nous nous trouvons, malgré les avancées votées par le Sénat. Je tiens à remercier les collègues qui ont, pour certains, suivi les auditions et travaillé sur ce texte avec moi : Dominique Vérien et Hussein Bourgi.

Il s’agissait d’un texte important, qui aurait en effet mérité de meilleures conditions d’examen et un dialogue plus constructif entre nos deux chambres. Je suis donc désolée : nous n’irons pas au bal, parce que la robe n’est pas assez jolie et vous danserez sans nous ! (Sourires.)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole contre la motion ?…

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je suis évidemment défavorable à cette motion et je suis fort marri de devoir envisager l’hypothèse de danser seul, à laquelle je n’ai, à vrai dire, jamais songé, madame la rapporteure. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Plutôt qu’entrer dans la danse, je souhaite indiquer la motivation de mon vote en faveur de cette motion.

Monsieur le garde des sceaux, le désaccord de fond entre les deux assemblées touche d’abord à la méthode, pour l’essentiel, et ne justifie donc ni anathèmes ni qualificatifs par trop désagréables à l’égard de notre assemblée. Je reconnais toutefois que vous vous êtes rattrapés dans la fin de votre propos et je vous en remercie.

Après tout, si la Chancellerie y consacrait les moyens nécessaires, elle pourrait garantir une procédure de changement de nom simplifiée, gratuite, sûre, rapide au lieu que celle-ci soit, comme aujourd’hui, difficile, coûteuse aléatoire et lente.

La regrettable habitude a été prise, s’agissant spécialement de votre ministère, de demander la modification des lois pour supprimer un service public, dès lors qu’il n’est plus capable de l’assurer efficacement.

Un autre point important à mes yeux est ce postulat étrange selon lequel on pourrait effacer un traumatisme profond en changeant de nom. Il s’agit d’un effet placebo, lequel, dans la plupart des cas, ne me semble pas pouvoir tenir lieu de thérapie, même s’il peut en être un élément.

Enfin, ce type de proposition de loi parfaitement improvisée a pour caractéristique principale de ne prendre en compte qu’une partie des personnes qu’il convient de protéger, et pas les autres.

L’exemple vaut aujourd’hui pour les enfants : il me semble tout de même que changer le nom de famille d’usage d’un enfant entre la classe de cinquième et la classe de quatrième peut être extrêmement négatif et préjudiciable pour lui. La convenance de la mère est une chose, la protection des plus vulnérables en est une autre, je suis, quant à moi, de ce dernier côté.

Il ne s’agit pas d’une affaire de modernisme ou de conservatisme ; la modernité n’est pas plus une vertu que le fait de se rattacher à des principes fondamentaux. Monsieur le garde des sceaux, vous êtes allé trop vite et de manière trop simpliste dans cette affaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’heure n’est pas à la polémique, monsieur le questeur.

M. Philippe Bas. Pourquoi me répondez-vous, alors ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je peux vous répondre sans polémiquer, j’ai eu l’honneur de le faire à de très nombreuses reprises. J’ai même déjà pris la parole pour vous complimenter, vous l’avez sans doute oublié. Le compliment n’était peut-être pas assez appuyé…

Notre but n’est pas du tout de nous décharger d’un service public. Aujourd’hui, la procédure pour changer de nom existe, mais elle dure des années, elle coûte de l’argent, elle est complexe, il faut prendre un avocat, et, surtout, il faut s’en justifier auprès de l’administration. Nous discutons d’une loi de simplification, de liberté et d’égalité. Par les temps qui courent, on a rarement l’occasion de défendre de tels textes.

Vous dites que la première partie de mon discours était un peu âpre, mais que je me suis rattrapé. Ce n’est pas le cas : j’ai seulement dit la vérité ; j’ai indiqué pourquoi j’aimais le Sénat et je n’ai pas forcé ma nature pour cela. J’ai eu ici des échanges constructifs, dont j’ai donné des exemples.

Pour ne rien vous cacher, la dernière fois que nous avons discuté de ce texte dans l’hémicycle – je ne vous ai pas entendu intervenir, mais peut-être étais-je distrait –, il y avait ceux qui souhaitaient avancer et ceux qui « freinaient des quatre fers ». C’est un phénomène physique : il y a des forces centrifuges et des forces centripètes ; des forces vives, qui vont, qui s’adaptent à la société, à la famille moderne, parfois recomposée, et d’autres qui nourrissent une vision plus traditionnelle, voire traditionaliste, de la famille.

C’est la raison pour laquelle je me suis permis de dire avec beaucoup d’humilité que, à mon sens, certains d’entre vous avaient raté ce train. En fin de législature, cela nous aurait pourtant permis de dire que nous avions, ensemble, aidé nos compatriotes qui le demandaient et que nous avions fait œuvre utile.

Ce n’était pas une grande polémique, monsieur le questeur. Vous savez quel point je vous respecte, mais j’ai tout de même souhaité souligner que certains d’entre vous n’entendaient absolument pas bouger, sur aucun sujet sociétal ; je crois d’ailleurs qu’ils se reconnaîtront.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 116 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l’adoption 203
Contre 130

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation est rejetée.

La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. J’ai cru comprendre que le bal allait bientôt s’arrêter, mais je voulais indiquer que, sur le fond, nous approuvions les motivations des auteurs de ce texte. Un désaccord a surgi sur la façon de faire, dont acte.

Je voudrais, ensuite, remercier M. le garde des sceaux pour ses propos relatifs à la qualité du travail qui s’est instauré entre la commission des lois – et le Sénat, d’une façon plus générale – et la Chancellerie.

Force est de constater que le dialogue est permanent, nous pouvons avoir des désaccords, nous nous le disons clairement, mais il y a eu aussi des accords et nous avons soutenu de beaux textes ensemble, vous les avez rappelés.

J’ai à l’esprit la proposition de loi, déposée par Annick Billon, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. Ce texte a été fortement enrichi, ici et à l’Assemblée nationale, et constitue à mon sens une avancée réelle ; à titre personnel, je me souviens également de la proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, qui a également été utile. Il y en a eu d’autres.

Avec un peu de bonne volonté, on finit par y arriver, il nous faut bien un peu d’espérance en ce moment ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures trente-huit.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Question préalable (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au monde combattant
Discussion générale (suite)

Monde combattant

Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au monde combattant
Article unique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, relative au monde combattant (proposition n° 361, texte de la commission n° 492, rapport n° 491).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’aborder le sujet qui nous réunit, je tiens à déclarer que ce jour n’est pas un jour comme les autres pour la France et pour l’Europe ; je voudrais d’abord assurer le peuple ukrainien de tout mon soutien et de toute ma solidarité.

J’en viens à mon propos.

Personne, sur ces travées, n’ignore l’engagement et le dévouement de nos soldats, de ceux d’hier comme de ceux d’aujourd’hui ; pas un sénateur ne mésestime ce que la France doit au monde combattant, à celui d’hier, à celui d’aujourd’hui et à celui de demain ; pas un parlementaire ne refuse d’échanger avec des associations du monde combattant ou de participer aux commémorations.

Au-delà de nos appartenances partisanes, des échéances électorales prochaines et des divergences nécessaires au débat public, nous avons tous à cœur la reconnaissance et la transmission mémorielle.

Nous tenons au soutien apporté par la Nation aux anciens combattants comme aux « nouveaux anciens combattants », ainsi qu’à la très grande diversité des ressortissants de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Il s’agit d’un engagement et d’un devoir de la Nation qui dépassent les générations.

Nous sommes résolument attachés à maintenir le monde combattant comme maillon essentiel du lien armées-Nation. Nous affirmons notre volonté d’adapter les cadres du monde combattant à son évolution pour le pérenniser, pour le moderniser, pour qu’il fasse toujours écho chez les Français, pour qu’il soit toujours porteur des leçons et des valeurs auxquelles nous tenons : celles de la République.

C’est la mission que je mène depuis près de cinq ans au sein du ministère des armées, c’est aussi le sens de cette proposition de loi.

Celle-ci intervient à un moment clé de l’histoire du monde combattant, alors que le dernier des Compagnons de la Libération s’est éteint ; alors que les derniers déportés et résistants disparaissent ; alors que, soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, les plus jeunes appelés approchent les 80 ans ; alors que, s’il rassemble encore plus de deux millions de femmes et d’hommes, le monde combattant se rétracte inéluctablement ; alors qu’il change de visage progressivement, avec la montée en puissance du nombre d’anciens des opérations extérieures, avec l’émergence de nouveaux profils de ressortissants, avec de nouvelles habitudes, de nouvelles pratiques, de nouvelles attentes.

Dans cette perspective, j’ai veillé à ce que la maison des combattants qu’est l’ONACVG demeure l’opérateur principal du ministère des armées, qu’il reste un lien de proximité et un relais entre le monde combattant, la société civile et la puissance publique.

À cet effet, je tiens à remercier sincèrement et chaleureusement, l’ensemble des équipes et des personnels de l’Office. J’ai eu plaisir à œuvrer avec eux au cours des dernières années, à Paris comme dans tous les départements. Ces femmes et ces hommes accomplissent un travail remarquable au service de toutes les générations du feu, au service des pupilles de la Nation et des victimes du terrorisme, au service de nos blessés et de notre mémoire nationale.

Changer le nom d’une institution plus que centenaire, ce n’est pas rien et ce n’est pas seulement symbolique. Cela a un sens éminent, la terminologie est toujours un message que nous délivrons aujourd’hui ensemble, résolument : l’ONACVG vivra, le monde combattant a un avenir, les combattants d’aujourd’hui sont les héritiers des combattants d’hier et la Nation restera mobilisée pour accompagner et soutenir ceux qui servent sous le drapeau. La solidarité, la proximité et l’écoute resteront le cœur de l’activité et l’essence même de l’Office.

Madame la rapporteure, je partage cette volonté, d’autant plus que le nouveau contrat d’objectifs et de performance (COP) pour la période 2020-2025 en fait un objectif. Je souscris à la rédaction adoptée par les parlementaires et à la date d’entrée en vigueur choisie. Je souhaite donc longue vie à l’Office national des combattants et des victimes de guerre.

Cette longue vie, nous l’avons préparée au cours des derniers mois, avec le soutien inconditionnel des assemblées, avec l’application de la direction de l’Office, du conseil d’administration et de toutes les équipes ; nous avons œuvré pour le maintien d’un service de qualité, pour l’accompagnement de la modernisation numérique ; nous avons engagé l’Office dans la dématérialisation, dans l’amélioration de ses instruments de relation avec les ressortissants, dans l’accessibilité numérique des prestations.

Nous avons renforcé les services de l’ONACVG au sein des régiments, dans les espaces Atlas, en lien avec l’action sociale des armées. Nous avons sécurisé son action sociale propre dans la durée, en la professionnalisant encore davantage.

Nous avons consolidé la solidarité et affermi la fraternité au bénéfice de tous les ressortissants, tout en maintenant le maillage départemental. Vous y teniez, j’y tenais : engagement tenu ! Nous le maintenons, car le lien humain et la proximité sont essentiels et les ressortissants en ont éminemment besoin.

En matière de mémoire, nous avons confirmé l’Office dans son rôle d’opérateur de mémoire et dans ses démarches de transmission citoyenne au cœur des territoires. Avec l’ONACVG, nous avons constamment travaillé à la valorisation des nécropoles et au développement de l’innovation pédagogique sur les dix hauts lieux de la mémoire nationale. L’ONACVG continuera de creuser son sillon mémoriel, celui de la transmission de proximité avec une plus grande diversité de partenaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour le débat que nous avons aujourd’hui, ainsi que pour ceux que nous avons eus depuis cinq ans, dont je salue la hauteur de vue. C’est à l’image de notre reconnaissance pour tous les combattants, de notre attachement au monde combattant et de notre volonté collective de faire vivre la mémoire.

Exigence de la solidarité, passion pour la transmission : nous partageons avec fierté et sur tous nos territoires cette même ambition collective. C’est mon engagement et notre engagement commun pour la reconnaissance, l’attention et le respect que la Nation doit aux combattants qui l’ont servie. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales. Avant de commencer mon intervention, madame la ministre, je tiens à vous dire que j’approuve sincèrement vos propos sur l’Ukraine.

La présente proposition de loi, que j’ai déposée au début de l’année 2020 – comme le temps passe vite ! –, a été adoptée par le Sénat le 9 mars 2021. L’Assemblée nationale l’a votée le 17 janvier dernier, complétée par deux amendements de coordination. La commission des affaires sociales a donc adopté le texte sans le modifier et vous propose de faire de même, mes chers collègues.

Cette proposition de loi a pour objet de remplacer, à compter du 1er janvier 2023, la dénomination « Office national des anciens combattants et victimes de guerre » par celle d’« Office national des combattants et des victimes de guerre ».

La volonté de modifier le nom de l’ONACVG s’explique par le fait que la population des ressortissants de l’Office ainsi que la nature de leurs besoins et de leurs attentes évoluent progressivement.

Notre pays compte aujourd’hui près d’un million d’anciens combattants, essentiellement issus de la guerre d’Algérie. Cette troisième génération du feu, composée d’anciens combattants octogénaires, va, comme les deux précédentes, s’éteindre progressivement dans les années à venir.

Lui succède depuis plusieurs années une quatrième génération du feu, composée des soldats engagés dans des opérations extérieures. S’ils justifient d’au moins quatre mois de présence sur un théâtre d’opérations, ces soldats peuvent bénéficier de la carte du combattant et relever ainsi des services de l’ONACVG. Ces hommes et, de plus en plus, ces femmes qui reviennent des théâtres d’opérations extérieurs peuvent donc être des anciens combattants et n’être âgés que d’une vingtaine d’années.

Surtout, les besoins et les attentes de ces combattants sont bien différents de ceux de la troisième génération du feu. Étant plus jeunes, ils ont davantage besoin d’être accompagnés dans des projets de reconversion professionnelle ou de mobilité géographique. L’ONACVG s’emploie donc, depuis plusieurs années déjà, à diversifier ses missions pour amplifier ce type d’accompagnement.

En effet, les missions d’accompagnement liées à la perte d’autonomie et aux invalides de guerre seront progressivement moins importantes à l’avenir pour l’ONACVG. Or, si l’Office adapte son activité aux besoins de ces « nouveaux » anciens combattants, ces soldats ne se considèrent pas tous comme des anciens combattants.

Le nom même de l’ONACVG peut alors les dissuader de solliciter l’accompagnement proposé par l’Office, alors qu’ils en auraient besoin. Ils ne savent même pas forcément que cet accompagnement leur est accessible.

Pour ces raisons, il est donc nécessaire que l’appellation de l’ONACVG soit mise en cohérence tant avec la diversification de ses missions qu’avec l’évolution de ses usagers, qui représentent le monde combattant dans sa diversité.

Ainsi que je l’ai constaté lors de mes travaux sur cette proposition de loi et, plus largement, pour le monde combattant, il y a une attente forte de la part de cette quatrième génération du feu d’être davantage accompagnée et reconnue. Je crois que cette proposition de loi y contribuera. Elle constitue une étape dans les évolutions des politiques menées en faveur du monde combattant, lesquelles doivent s’adapter aux besoins de ceux qui se sont engagés pour notre pays.

Ce changement de nom ne modifie ni les missions de l’ONACVG ni son organisation, laquelle se caractérise par un maillage territorial très utile pour l’accès de nos concitoyens aux services de l’Office. Il préserve également l’accompagnement déjà existant pour les anciens combattants et les actions de l’ONACVG pour la mémoire combattante.

En somme, ce texte ne modifie donc que la désignation de l’ONACVG, pour que celle-ci soit mieux adaptée à la réalité du monde combattant et puisse accompagner les évolutions à l’œuvre, qui sont liées aux nouvelles formes de conflit que connaît notre pays.

Il propose ainsi de renommer l’Office, à compter du 1er janvier 2023, « Office national des combattants et des victimes de guerre ».

L’examen en première lecture à l’Assemblée nationale a permis de compléter le texte par deux amendements de coordination, qui permettent de s’assurer que l’ensemble des appellations de l’Office qui figurent dans le droit positif seront remplacées par la nouvelle dénomination.

Par ailleurs, ainsi que l’a relevé le Conseil d’État, l’organisation de l’ONACVG n’est pas parfaitement conforme aux règles de bonne gouvernance des établissements publics, car la loi prévoit aujourd’hui que l’Office est présidé par le ministre chargé des anciens combattants. Il serait en effet souhaitable de remédier à cette particularité frappée d’un risque d’inconstitutionnalité, afin d’éviter que l’autorité de tutelle ne soit également à la tête d’un établissement qui doit disposer d’une autonomie.

Je sais, madame la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, que vous auriez souhaité compléter la proposition de loi pour résoudre cette difficulté. Toutefois, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec le texte tel qu’il a été proposé. Nous devons donc trouver prochainement un autre véhicule législatif pour sécuriser les règles de gouvernance de l’Office.

Finalement, la commission des affaires sociales a approuvé la version du texte adoptée par l’Assemblée nationale. Elle vous propose donc, mes chers collègues, de voter cette proposition de loi sans modification, afin qu’elle puisse être définitivement adoptée. L’Office national des combattants et des victimes de guerre pourra ainsi développer ses missions d’accompagnement et de reconnaissance en faveur de l’ensemble du monde combattant.

Enfin, en tant que présidente du groupe d’études Monde combattant et mémoire du Sénat, je tiens à remercier Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. À cet égard, pour que soit respecté l’esprit de ce texte, je préférerais l’appeler « Mme la ministre chargée de la mémoire et des combattants »… Mais cela viendra !

Je vous remercie donc, madame la ministre, pour les échanges fructueux et respectueux que nous avons eus depuis 2018, et vous félicite pour l’ensemble des actions que vous avez menées en faveur du monde combattant au cours de cette période.

Vous n’avez eu de cesse de consolider la reconnaissance de la Nation envers ceux qui l’ont servie avec passion et abnégation. Vous avez fait de la jeunesse un axe prioritaire de votre action, un point auquel vous savez que je suis attachée, et avez contribué à ancrer au sein de cette dernière les valeurs républicaines de solidarité, de fraternité, de citoyenneté – ce ne sont pas de vains mots ! – et de mémoire, ainsi que l’amour de la patrie.

D’ailleurs, j’ai eu l’occasion de vous rencontrer à plusieurs reprises sur le site du centre du service militaire volontaire (SMV) de Brétigny-sur-Orge, où vous m’avez remis les insignes de commandant de la réserve citoyenne.

Engagée aujourd’hui en tant qu’auditrice au sein de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), j’ai la chance de travailler aux côtés de jeunes colonels qui attendent impatiemment la promulgation de cette proposition de loi. Ce texte représente pour eux une réelle reconnaissance. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Victoire Jasmin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel de grande tension militaire aux portes de l’Europe, je tiens en préambule à saluer le courage patriotique de tous ceux qui se sont battus ou qui vont encore se battre pour la sécurité de notre pays, ici ou à l’étranger.

Je souhaite également remercier Jocelyne Guidez pour ce texte, que j’ai eu plaisir à cosigner avec ma collègue Gisèle Jourda.

C’est effectivement pour la Haute Assemblée l’occasion de rappeler l’impérieuse nécessité, pour nous et pour les générations futures, d’honorer la mémoire des hommes et des femmes qui se sont sacrifiés pour la France, et pas seulement lors des commémorations officielles.

Les actions de notre collègue Jean-Marc Todeschini, ancien secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, sont également à saluer, puisqu’il a contribué à sanctuariser les droits de tous les anciens combattants.

C’est dans cette même logique de reconnaissance que le texte qui nous est proposé aujourd’hui a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, après une légère modification rédactionnelle.

Il s’agit donc d’harmoniser les dispositions législatives en remplaçant, à compter du 1er janvier 2023, l’appellation « Office national des anciens combattants et victimes de guerre » par celle d’« Office national des combattants et des victimes de guerre ».

Cette modification sémantique symbolise politiquement non seulement notre attachement à cet opérateur public centenaire, que nous souhaitons voir préserver, mais aussi la prise en considération d’un monde combattant en mutation.

En effet, les missions de proximité de l’ONACVG doivent être renforcées, car elles sont fondamentales. Grâce aux agents de l’Office et à toutes les associations bénévoles, les anciens combattants, mais également les pupilles de la Nation et les victimes du terrorisme, peuvent être accompagnés au quotidien, au plus près de leurs territoires.

Cette dénomination marque aussi une volonté de modernisation, déjà développée par l’ONAC, et que nous devons continuer à encourager. En effet, les termes d’anciens combattants, en ne faisant référence qu’aux militaires ayant servi la France durant les Première et Seconde Guerres mondiales, occultent les militaires qui ont été engagés et qui le sont encore en opérations extérieures (OPEX), au Tchad, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, dans l’opération Barkhane au Sahel et au Sahara, etc.

Mon groupe est bien sûr favorable à cette stratégie d’adaptation, pour une plus grande reconnaissance des troisième et quatrième générations du feu, des soldats tués ou blessés lors de la guerre d’Algérie ou en opérations extérieures. Ce devoir de reconnaissance et de transmission de notre histoire commune est plus que jamais indispensable pour mieux vivre ensemble, et de façon pacifiée.

Face à une population d’anciens combattants qui, inexorablement, se meurt, le monde combattant est amené à se féminiser, à se moderniser, à rajeunir, et se compose de plus en plus d’anciens soldats de métier. Leurs situations statutaires et leurs attentes ne seront pas forcément les mêmes que celles de leurs aînés, et nous en sommes conscients.

Pour autant, mon groupe reste très attaché à ce que le service public délivré par l’ONACVG soit maintenu à un très haut niveau de qualité, et à ce que le maillage territorial, qui fait la force de l’Office, soit maintenu et renforcé.

La présence de la centaine d’antennes et de services départementaux dans l’Hexagone et en outre-mer permet d’affirmer la continuité des grandes missions centrales de l’ONACVG, car nous demeurons catégoriquement opposés à toute tentative de régionalisation de l’Office.

En effet, depuis septembre 2018, j’ai mis un point d’honneur à rencontrer toutes les associations d’anciens combattants et de victimes de guerre de la Guadeloupe, et à évoquer, lors de réunions de travail, leurs difficultés. Je peux attester que la demande de proximité et de reconnaissance est bien réelle, tout particulièrement en outre-mer.

Depuis les dissidents antillais de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux Ultramarins ont toujours été présents sur les champs de bataille. Ce fut le cas de M. Octave Perette, ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, aujourd’hui âgé de 105 ans qui vit actuellement en Île-de-France, à Colombes, et a bon pied bon œil. Sa famille souhaite que, en Guadeloupe, dans ma commune de Morne-à-l’Eau, un geste soit fait pour lui ; cette démarche n’a malheureusement pas pu aboutir jusqu’à présent, car, lui a-t-on répondu, il réside dans l’Hexagone.

Je veux aussi citer le cas de M. Loïc Liber, qui fut, comme vous le savez, l’une des victimes de Mohammed Merah lors de l’attentat de Montauban. Grièvement blessé, il vit actuellement à l’Institution nationale des Invalides, mais souhaiterait rentrer en Guadeloupe parce qu’il est fils unique et que sa mère ne peut pas toujours venir le voir. Ainsi isolé, il peut cependant, grâce à l’aide d’associations, encore compter sur des visites régulières. Sa situation étant assez démoralisante, je souhaiterais, madame la ministre, que l’on puisse faire le nécessaire pour l’aider.

Nous sommes tous très impliqués et la présence des régiments du service militaire adapté (RSMA) sur les différents territoires ultramarins, montre l’attachement de nos populations à l’armée et au monde combattant.

Par conséquent, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)