COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Roger Karoutchi

vice-président

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa,

M. Pierre Cuypers.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidature à des commissions

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de la commission des affaires sociales et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2022

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2022 (projet n° 830, rapport n° 846).

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2022
Article liminaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire sur ce texte ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver ici, au Sénat, pour la suite de l’examen du paquet « pouvoir d’achat », dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative (PLFR).

Nous avons franchi une première étape avec l’adoption du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Je vous remercie d’ailleurs de la qualité des débats, qui ont permis d’adopter un texte attendu par nos compatriotes.

Je souhaite que nous puissions avancer dans cette même atmosphère constructive lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative.

Dans quel contexte cette discussion se tient-elle ? Tout d’abord, l’économie française résiste. Les chiffres de la croissance viennent d’être publiés : +0,5 % pour le deuxième trimestre de 2022. La France obtient ainsi l’un des meilleurs résultats de la zone euro.

Ce résultat prouve que l’économie française résiste mieux que les autres économies européennes aux turbulences actuelles. Comme le Gouvernement l’avait annoncé, l’économie française atteindra les 2,5 % de croissance en 2022. Tel était notre objectif. Pour tous nos compatriotes et pour les entreprises, c’est une victoire obtenue dans des temps difficiles.

Dans ce contexte de crise, l’inflation continue de progresser. Nous sommes, comme je l’avais indiqué il y a quelques mois, au cœur du pic inflationniste.

L’inflation restera à un niveau élevé jusqu’à la fin de l’année 2022. En revanche, je confirme que nous anticipons toujours une baisse de l’inflation dans le courant de l’année 2023, grâce à la réorganisation des chaînes de valeur, à la diversification des approvisionnements en matières premières – j’y travaille, avec les autres ministres, sous l’autorité de la Première ministre et du Président de la République – et aux effets de la politique monétaire.

Il s’agit donc d’un cap difficile à passer, justifiant toutes les mesures d’accompagnement qui vous sont proposées aujourd’hui.

Quelles sont ces mesures ? Sans entrer dans le détail de chacune d’entre elles, permettez-moi d’expliquer la philosophie et la teneur des dispositifs qui vous sont présentés au travers de ce texte.

Un volet porte tout d’abord sur l’énergie : c’est légitime, car au moins la moitié de l’inflation s’explique par la flambée du prix de l’énergie, qu’il s’agisse de l’électricité, du gaz ou des carburants.

Nous avons donc décidé de maintenir le « bouclier énergie » jusqu’à la fin de l’année 2022, avec le gel du prix du gaz et le plafonnement du prix de l’électricité à 4 %. Ce sont ces décisions, prises à l’automne 2021, qui permettent aujourd’hui à la France d’avoir le taux d’inflation le plus faible de la zone euro. Nous avons anticipé et nous avons pris des mesures massives, lesquelles nous ont permis de combattre avec efficacité l’augmentation des prix.

Nous continuerons également à nous battre au niveau européen pour dissocier définitivement le prix de l’électricité du prix du gaz.

Le système européen selon lequel le prix de l’électricité décarbonée est indexé sur le prix des énergies fossiles, c’est-à-dire sur le prix du gaz, est inacceptable du point de vue écologique et complètement contre-productif d’un point de vue économique. Il a également un coût social qui le rend insupportable. Nous avons engagé cette bataille avec le Président de la République depuis plusieurs mois. Nous ne lâcherons rien jusqu’à ce que le prix de l’électricité décarbonée soit définitivement dissocié de celui du gaz !

Toujours en ce qui concerne l’énergie, des propositions ont été faites à l’Assemblée nationale sur la question du fioul. Quelque 3 millions de nos compatriotes se chauffent au fioul. Il était donc légitime – je salue la sagesse des députés à cet égard – de prendre des mesures fortes, afin de compenser l’augmentation du prix de ce carburant. Nous avons ainsi adopté une aide de 230 millions d’euros pour les ménages qui utilisent ce combustible pour se chauffer.

Je confirme que nous lèverons le gage sur ces crédits…

M. François Bonhomme. Qu’est-ce qui se passe ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Le Maire, ministre. … et que nos compatriotes auront bien 230 millions d’euros à se répartir pour amortir le choc de l’augmentation du prix du fioul.

Nous proposons d’associer les parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat au ciblage des ménages qui pourront bénéficier de cette aide supplémentaire très significative de 230 millions d’euros. Faut-il la cibler ? Sur quels ménages ? Plutôt que d’en discuter uniquement entre membres du Gouvernement, je propose que les Parlementaires soient associés à ce choix politique de la répartition de l’enveloppe de 230 millions d’euros en faveur de 3 millions de nos compatriotes.

Le troisième sujet relatif à l’énergie est le prix des carburants : c’est probablement ce qu’il y a de plus visible et de plus sensible pour nos compatriotes aujourd’hui. L’Assemblée nationale a proposé de passer la ristourne sur les carburants à 30 centimes d’euro en septembre – au lieu de 18 centimes –, à 30 centimes en octobre, à 10 centimes en novembre et à 10 centimes en décembre.

Je sais que d’autres propositions intéressantes et argumentées ont été formulées par certains sénateurs. Je pense néanmoins qu’il est sage de s’en tenir à cette solution : elle couvre tous nos compatriotes, y compris les retraités et ceux qui ne travaillent pas.

Ainsi, avec les remises accordées par certains pétroliers ou distributeurs, le prix du litre de carburant pourrait être à 1,50 euro à la rentrée de 2022, au lieu des tarifs que nous connaissons aujourd’hui. C’est ce que nombre de nos compatriotes attendent désormais très concrètement. Je recommande donc que nous nous en tenions à cette solution.

À tous ceux qui me disent légitiment qu’il faut faire plus pour ceux qui travaillent, je rappelle que d’autres dispositifs seront mis en place.

Nous avons accepté, notamment à l’Assemblée nationale, le doublement du plafond d’exonération de la prime carburant versée par les employeurs, qui passera de 200 euros à 400 euros. Il s’agit précisément d’une prime visant uniquement les personnes qui travaillent.

Nous allons aussi permettre son cumul avec la prise en charge de l’abonnement transport collectif pour tous ceux qui, dans les territoires ruraux, prennent leur voiture, puis le train. Aujourd’hui, les salariés ne peuvent pas cumuler l’indemnité carburant avec l’indemnité de transport collectif. Grâce à la décision de l’Assemblée nationale, ce sera désormais possible. Voilà très précisément une deuxième mesure en faveur de ceux qui prennent leur véhicule pour aller travailler.

Troisième mesure que je tiens à citer, nous avons revalorisé le barème kilométrique de l’impôt sur le revenu de 10 % en 2022. Et je confirme que nous sommes prêts à le revaloriser de nouveau en 2023.

Grâce à ces trois mesures ciblant spécifiquement les personnes qui travaillent, nous parvenons à conjuguer la réduction du prix du carburant à la pompe pour tous les Français et le renforcement de ces dispositifs pour tous ceux qui travaillent et qui sont particulièrement pénalisés.

La troisième grande orientation de ce projet de loi de finances rectificative est le travail. J’ai la conviction, avec Gabriel Attal et l’ensemble des membres du Gouvernement, que la meilleure réponse au problème du pouvoir d’achat est l’emploi et la juste rémunération du travail.

Cette conviction a été le fil rouge de notre action politique durant cinq ans ; elle le restera pendant les cinq années à venir, jusqu’à ce que nous parvenions à ce qui n’a jamais été atteint en France depuis un demi-siècle, à savoir le plein emploi.

Ce projet de loi de finances rectificative vise donc à rendre du pouvoir d’achat à nos compatriotes par la valorisation de leur travail, grâce à des mesures très ciblées, complétées par un certain nombre d’amendements déposés par différents groupes politiques.

La première mesure est la monétisation de la réduction du temps de travail, ou RTT. Un débat a émergé à la faveur de cette proposition. Je confirme qu’il s’agit de permettre aux salariés souhaitant travailler plus d’augmenter leur rémunération en monétisant leurs RTT. C’est une mesure juste, efficace et qui mérite d’être retenue.

M. David Assouline. Non, ce n’est pas une mesure juste !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous envisageons également la défiscalisation des heures supplémentaires. L’idée de relever le plafond d’exonération fiscale de 5 000 euros à 7 500 euros va dans la bonne direction.

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. Pascal Savoldelli. Vous êtes contents, chers collègues Les Républicains !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous sommes prêts à ce que ce dispositif devienne définitif, ce qui garantira sa justice.

Je le dis pour ceux qui s’inquiètent de la monétisation des RTT : la défiscalisation est le complément de la monétisation, afin que les personnes qui veulent travailler soient mieux rémunérées. Telle demeurera notre philosophie, et personne n’arrivera à me convaincre qu’il vaut mieux inciter les Français à travailler moins et à gagner moins !

En ces temps de difficultés, mieux vaut travailler davantage et avoir la juste rémunération de son travail. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.) J’attends avec impatience le débat qui nous permettra d’échanger sur ce sujet !

M. David Assouline. On va voir la droite unie !

M. Bruno Le Maire, ministre. Il en va de même pour la désocialisation des heures supplémentaires.

Le groupe Les Républicains a proposé que nous allions encore plus loin sur les heures supplémentaires, en demandant une réduction des charges sociales patronales. Pour être tout à fait précis, une réduction de 1,50 euro existe déjà pour les entreprises de moins de 20 salariés. J’ai donné mon accord, je le dis devant le président Bruno Retailleau, pour que les entreprises de 20 à 250 salariés – essentiellement des PME – puissent voir leurs charges sociales patronales réduites de 50 centimes par heure supplémentaire travaillée pour alléger les coûts.

C’est une idée constructive et utile pour le pays. J’y suis donc favorable. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Savoldelli. Que c’est beau !

M. François Bonhomme. C’est le chemin de Damas !

M. Bruno Le Maire, ministre. Notre quatrième sujet de réflexion a concerné les collectivités locales. Je me trouve aujourd’hui devant l’assemblée des collectivités locales.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela ne vous a pas échappé !

M. Bruno Le Maire, ministre. En effet, monsieur le rapporteur général !

Je sais que l’inflation et les revalorisations engagées peuvent susciter des inquiétudes. Je rappelle néanmoins que les députés, dans leur grande sagesse, ont déjà commencé à tenir compte de l’impact de l’inflation sur les collectivités locales.

Le Gouvernement, qui sans doute n’avait pas fait suffisamment à ce sujet, a accepté d’en faire davantage à l’occasion des débats à l’Assemblée nationale.

M. François Bonhomme. Quelle souplesse !

M. Bruno Le Maire, ministre. Sur l’initiative de Mme Christine Pires Beaune – preuve, je le dis pour le groupe SER, que le Gouvernement est œcuménique –,… (Rires ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Il y en a pour tout le monde !

M. Bruno Le Maire, ministre. … nous avons accepté 180 millions d’euros de dispositif ciblé. Cette mesure s’adresse aux 6 000 communes les plus en difficulté qui peinent à faire face à la hausse du prix de l’énergie et du point d’indice. Les collectivités d’outre-mer sont particulièrement concernées, et je sais que vous y êtes sensibles. Nous aurons certainement d’autres discussions sur le sujet.

Après de longs débats, nous avons également accepté de compenser la hausse du revenu de solidarité active, le RSA, au niveau des départements, pour un montant de 120 millions d’euros.

Au total, 300 millions d’euros seront donc versés aux collectivités locales pour compenser l’inflation sur le prix de l’énergie ou sur celui d’un certain nombre de fournitures.

Je suis certain que ce débat se poursuivra ici avec l’ensemble des groupes. Je le dis devant M. le rapporteur général qui, je le sais, est particulièrement mobilisé sur ce sujet : nous sommes prêts à faire encore plus attention aux collectivités, afin qu’un plus grand nombre d’entre elles qui en ont besoin puissent bénéficier de ce filet de sécurité.

Pour autant, je sais également que votre assemblée est aussi attachée que moi à la bonne tenue des comptes publics. Or nous savons tous ici que la bonne tenue des comptes publics exige des efforts de tous. Tout n’est pas possible financièrement, ni pour l’État, ni pour les collectivités locales, ni en termes de dépenses sociales. J’appelle donc chacun au sens des responsabilités, pour voter une enveloppe qui protège les collectivités locales, mais qui ne menace pas les finances publiques.

J’en viens enfin au sujet qui défraye la chronique depuis plusieurs semaines, à savoir la taxation sur les superprofits. Je me méfie des termes de cette expression, qu’il s’agisse de la taxation, par définition, ou des superprofits, car ces derniers recouvrent en réalité des réalités très différentes.

Je sais que certains d’entre vous, notamment au sein du groupe Union Centriste, ont proposé un certain nombre d’amendements pour taxer les superprofits.

Mme Éliane Assassi. Nous aussi !

M. Bruno Le Maire, ministre. Certes, madame Assassi ! J’aurais d’ailleurs été déçu du contraire… (Sourires.)

Au risque de vous surprendre, je comprends le raisonnement qui vous a amené à formuler cette proposition, car j’imagine bien qu’il est d’abord dicté par un souci de justice. Or ce souci de justice, qu’il émane de la droite ou de la gauche, trouvera toujours en moi son plus fervent soutien. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Il faut partager le fardeau de l’inflation, je ne l’ai jamais contesté. Au contraire, j’ai toujours dit, en tant que ministre de l’économie et des finances, que ce n’était pas à l’État seul de porter le fardeau de l’inflation. Nous avons déjà fait beaucoup, notamment avec le bouclier énergétique. Les ménages sont également mis fortement à contribution parce qu’ils supportent au quotidien une part de cette inflation. Il est donc légitime que les entreprises portent, elles aussi, une part du fardeau de l’inflation.

Quoi qu’il en soit, je veux le rappeler – c’est en cela que je me méfie de cette expression un peu brutale de « taxation sur les superprofits » –, l’immense majorité des petites entreprises – PME, TPE, indépendants – souffrent elles aussi de l’inflation. Elles voient augmenter le prix de leurs intrants et de leurs approvisionnements, elles subissent des retards, elles sont lésées par le prix des matières premières.

Par ailleurs, dans certains secteurs comme l’hôtellerie, la restauration, la distribution et l’industrie agroalimentaire, elles connaissent des difficultés inédites de recrutement.

Mme Éliane Assassi. On ne vous parle pas de ces entreprises-là !

M. Bruno Le Maire, ministre. Tenons compte aussi des difficultés de nos entreprises.

Je rappelle également que nombre d’entreprises participent à la lutte contre l’inflation en augmentant les salaires – je vous renvoie aux différentes négociations salariales en ce sens. Augmenter les salaires, c’est pour elles une meilleure façon de lutter contre l’inflation que d’être taxées ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

J’invite donc avec force toutes les entreprises qui le peuvent, celles qui en ont les moyens et qui disposent des marges nécessaires, à augmenter les salaires.

M. Vincent Éblé. Imposez-le !

M. Bruno Le Maire, ministre. J’invite aussi tous les entrepreneurs qui éprouvent des inquiétudes légitimes et qui sont dans l’incapacité d’accroître les salaires – parce qu’ils ne peuvent pas se projeter au-delà de quelques mois et qu’ils redoutent l’année 2023, tous arguments que l’on peut entendre – à se saisir des instruments mis à leur disposition pour augmenter la rémunération de leurs salariés sans menacer la survie de leur entreprise. Je pense à la participation, à l’intéressement et à la prime défiscalisée !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce ne sont pas des salaires !

M. Bruno Le Maire, ministre. Utilisez ces instruments qui augmentent la rémunération sans affecter la survie de votre entreprise.

En revanche, quelques entreprises font des bénéfices importants. Elles doivent participer à l’effort collectif, mais elles doivent y participer comme le font CMA CGM, TotalEnergies ou Engie, c’est-à-dire en rendant l’argent directement aux Français, plutôt qu’au Trésor public.

M. Pascal Savoldelli. De gré à gré ? Nous allons bientôt en revenir au troc !

M. Bruno Le Maire, ministre. Il est plus juste, plus efficace, plus conforme aux convictions de cette majorité…

M. Vincent Éblé. Mais moins obligatoire !

M. Bruno Le Maire, ministre. … de procéder de cette manière que de céder une fois de plus au réflexe pavlovien de la taxation.

Je m’adresse à mes amis du groupe Union Centriste : je ne crois pas que ce soit conforme à votre ADN politique que de multiplier les taxes et les prélèvements. (Marques dironie sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. David Assouline. Pourquoi d’autres pays l’ont-ils fait alors ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Cette approche que nous proposons est plus juste, car elle ne pénalise pas les entreprises, que vous allez toutes frapper de manière indifférente, quelle que soit leur situation, par une taxe qui les couvrira sans exception.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Non, uniquement celles qui font des superprofits !

M. Bruno Le Maire, ministre. Elle est plus efficace, car l’argent ira directement dans les poches de nos compatriotes : 20 centimes d’euro de remise à la pompe, cela amène le litre de carburant à 1,50 euro à la rentrée. Et je pense que nos compatriotes préféreront payer le litre d’essence à ce prix en septembre plutôt que de savoir qu’une ligne du Trésor public sera abondée à la fin de l’année grâce à une nouvelle taxe !

M. Christian Cambon. Ça, c’est sûr !

M. Bruno Le Maire, ministre. Enfin cette approche est plus conforme à notre ligne politique, car elle va dans le sens de la baisse des impôts et favorise l’attractivité de notre territoire.

À tous ceux qui me citent sans cesse l’exemple de la Grande-Bretagne ou de l’Italie, qui vont taxer les superprofits, je rappelle que ces pays ont des industries productrices – notamment la Grande-Bretagne, qui extrait du pétrole en mer du Nord – et de 10 à 15 points de prélèvements obligatoires de moins que la France. (Exactement ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Quand on est le pays le plus taxé de tous les pays européens, on n’ajoute pas une taxe supplémentaire à toutes les taxes qui existent déjà ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Pascal Savoldelli. C’est un meeting !

M. David Assouline. M. Retailleau est content !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Merci Les Républicains !

M. le président. Allons, mes chers collègues, un peu de calme !

Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. La seule chose qui menace la démocratie, c’est l’ennui. Je sais que sur les travées du Sénat les débats seront animés. Il ne s’agit pas de faire des meetings politiques, mais il ne faut pas non plus que la démocratie tombe dans l’ennui. Dans le respect et la considération de chacun, ayons la volonté d’exprimer avec force et conviction nos arguments. C’est ce qui rendra notre débat intéressant aux yeux de nos compatriotes.

Nous proposons enfin la suppression de la contribution sur l’audiovisuel public, qui rendra 138 euros de pouvoir d’achat aux ménages.

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est une proposition qui animera également, j’en suis certain, notre débat public.

Cette décision est conforme à notre politique constante de baisse des impôts. Nous avons travaillé à un dispositif de financement durable de l’audiovisuel public, gage de son indépendance.

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre. En tout état de cause, j’espère que nous parviendrons à un équilibre constructif sur ces sujets.

Enfin, je vous remercie de votre présence aujourd’hui, un 1er août. Le débat s’est prolongé très tard dans l’été.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Merci à vous ! (Sourires.)

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est toujours avec beaucoup de joie que je suis présent dans cet hémicycle pour discuter et dialoguer avec mes amis sénateurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Merci d’être passé, n’hésitez pas à rester ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis deux ans, face aux aléas, aux incertitudes, aux soubresauts, notre réponse n’a jamais varié : à grands défis, grands moyens.

Pendant la pandémie, nous avons assumé l’installation de puissants amortisseurs. Le « quoi qu’il en coûte » a inspiré l’investissement inédit d’une puissance publique résolue à sauver les entreprises, à préserver les compétences des salariés, à protéger le pouvoir d’achat ; un investissement salué par les économistes, mais aussi par les Français. La France des entrepreneurs, des artisans, des commerçants, en particulier, a redécouvert que l’État, plus particulièrement l’État-providence, était là aussi pour eux.

Ce choix de la protection, nous l’avons fait sans jamais perdre de vue notre boussole : la préparation de l’avenir. Par-delà les crises, nous n’avons jamais cessé d’agir, avec deux lignes de force majeures : la valorisation du travail et la transition écologique et énergétique.

Or nous n’aurions pu ni protéger sur le moment ni préparer l’avenir, si, dès le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, nous n’avions remis de l’ordre dans nos comptes.

C’est parce que notre pays a regagné sa crédibilité en repassant en 2018 sous le seuil européen des 3 % de déficit public que nous avons pu emprunter pour protéger les Français alors que sévissait la covid-19. C’est parce que notre pays est sorti de la procédure de déficit excessif à Bruxelles que nous avons regagné une certaine crédibilité en Europe et pu convaincre nos partenaires de déployer un plan de relance historique.

Face au retour de l’inflation, face aux difficultés de la vie chère pour nos concitoyens, nous continuons à agir pour protéger les Français. Nous continuons à prendre des mesures pour être à leur côté et pour amortir au maximum le coût de l’inflation. Nous le faisons en maintenant le cap fixé il y a cinq ans et porté par Bruno Le Maire. Et nous poussons encore davantage les moteurs de notre stratégie : moins d’impôts, moins de dette, plus de croissance.

Nous le faisons avec deux lignes de force, qui, je le sais, résonneront particulièrement dans cet hémicycle : la recherche du compromis et la responsabilité.

La recherche du compromis…

M. David Assouline. Compromis à droite !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. … est bien connue dans cette assemblée. Malgré ma très jeune expérience, j’ai pu mesurer, chaque fois que j’ai eu à défendre des textes devant vous ou à travailler avec vous, que le Gouvernement parvenait toujours à trouver des compromis au service de l’intérêt général avec les différents groupes, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition. Je suis persuadé qu’il en ira de même pour ce débat.

M. David Assouline. Entre la droite et la droite !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. La responsabilité, c’est de continuer à préserver nos finances publiques. J’ai entendu ces dernières semaines un certain nombre de déclarations, formulées notamment par la majorité sénatoriale, sur l’importance de préserver nos comptes et de maintenir une trajectoire de réduction des déficits. C’est un enjeu absolu de crédibilité ; c’est un enjeu également en termes de pérennité pour les services publics.

Nous maintenons notre cap, et les Français le voient. C’est pour cela que ce PLFR est un PLFR de stabilité et de dignité. Stabilité de notre politique économique et dignité, car, face à l’inflation, nous ne mettons pas davantage la tête des Français sous l’eau par le poids des impôts qui augmentent : nous les aidons à vivre quand la vie devient trop chère.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que nous vous présentons aujourd’hui traduit donc un effort massif pour un défi d’ampleur.

Cet effort massif de 44 milliards d’euros se décompose en trois blocs : des crédits budgétaires pour protéger aujourd’hui le pouvoir d’achat des Français ; des crédits budgétaires pour continuer de préparer l’avenir ; des crédits budgétaires, enfin, pour honorer nos engagements financiers et financer l’alourdissement de la charge de la dette. Ces trois blocs traduisent à la fois l’ambition qui est la nôtre et le cadre dans lequel nous agissons, qui est un cadre contraint.

Ainsi, et contrairement à ce qu’indique son intitulé, ce texte n’est pas le reflet d’une trajectoire que l’on rectifie ou d’une ligne que l’on corrige à la marge. Non, ce texte est un puissant réacteur au service des Français, de notre économie, de notre cohésion. Il est le moteur d’une stratégie visant à permettre aux Français de dépenser moins et de gagner plus.